Notes
-
[*]
Université de Rouen.
-
[1]
M. Durville, « Histoire de Raoul, prince de Normandie », Mémoires de l’Académie des belles-lettres de Caen, 1754 (séance publique du 14 novembre 1754), p. 37.
-
[2]
Pour un aperçu : P. Bouet, « Les chroniqueurs francs et normands face aux invasions vikings », dans É. Ridel (dir.), L’Héritage maritime des Vikings en Europe de l’Ouest, Caen, PUC, 2002, p. 57-73. Il ne s’agit pas encore de jauger les lamentations de sources ecclésiastiques sur les prédations qu’ils ont perpétrées. L’historiographie n’entamera véritablement cette autre analyse qu’à partir de la seconde moitié du xxe siècle, notamment avec les travaux d’Albert d’Haenens (Les invasions normandes, une catastrophe ?, Paris, Flammarion, 1970).
-
[3]
D. Roche, Le siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, EHESS, 1989, I, p. 368. Pour un panorama contextuel, on se reportera notamment à : F. Guillet, Naissance de la Normandie. Genèse et épanouissement d’une image régionale en France, 1750-1850, Caen, Annales de Normandie, 2000, p. 185-216. Ajoutons qu’un aboutissement de cette démarche réside certainement dans l’œuvre de David Hoüard (G. Davy, « Écrire ou réécrire l’histoire du droit ? Les lois de Rollon et la constitution primitive du duché de Normandie dans l’œuvre de David Houard (1725-1802) », dans C. Leveleux-Teixeira, A. Rousselet-Pimont, P. Bonin et F. Garnier (dir.), Normes et Normativité, Études d’histoire du droit réunies en l’honneur d’Albert Rigaudière, Paris, Economica, 2009, p. 299-318).
-
[4]
D. Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993, p. 91.
-
[5]
Par exemple : P. de Merville, La coutume de Normandie réduite en maximes selon le sens littéral et l’esprit de chaque article, Paris, 1707, p. 1 : « Les peuples du Nord, après avoir chassé les Romains des Gaules ne voulurent point se servir des loix que les Romains y avaient établis ; ils conservèrent les anciennes coutumes du païs, et ils se firent de nouvelles loix, dont, suivant toutes les apparences, Raoül premier duc de Normandie, a été l’auteur ».
-
[6]
Pour une approche du primitivisme (entendu ici dans un sens juridique et non esthétique), on pourra se reporter aux remarques de Chantal Grell (Primitivisme et mythe des origines dans la France des Lumières (1680-1820), Paris, PUPS, 1989, p. 11-18).
-
[7]
Inflexions qui, sous couvert de Germanisme, ont masqué toute la Romanité des premiers siècles francs sur laquelle l’historiographie contemporaine tente de revenir depuis ces dernières années (parmi une bibliographie abondante : J.-P. Poly, « La corde au cou : les Francs, la France et la loi salique », dans Genèse de l’État moderne en Méditerranée, Rome, 1993 (Mélanges de l’École française de Rome, 168), p. 289-320 ; O. Guillot, « Clovis, le droit romain et le pluralisme juridique : aux origines du "monde franc" », dans H. Van Goethem et alii (dir.), Libertés, pluralisme et droit, une approche historique, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 62 ; id., « Clovis "Auguste", vecteur des conceptions romano-chrétiennes », dans M. Rouche (dir.), Clovis, histoire et mémoire, I, Clovis et son temps, l’événement, Paris, PUPS, 1997, p. 705 ; S. Kerneis, « Codification et droit pénal militaire romain. Les premières lois barbares », dans F. Garnier et D. Deroussin (dir.), Compilations et codifications juridiques. 1 – De l’Antiquité à la période moderne, Publications du Centre lyonnais d’histoire du droit et de la pensée politique et du Centre d’études romanistiques d’Auvergne, 2007 [Passé et présent du droit, n° 4], p. 121-151).
-
[8]
De l’esprit des lois [dorénavant EL], R. Derathé (éd.), Paris, Garnier, 1973, Liv. XVII-iv, p. 298-299.
-
[9]
Réflexion sur la Monarchie universelle en Europe, C. Volpilhac-Auger et F. Weil (éd.), Œuvres complètes de Montesquieu, 2, Paris, Voltaire Foundation, 2000, Ch. XI, p. 350.
-
[10]
Ibid. ; Pensées, 650, L. Desgraves (éd.), Paris, Robert Laffont, Coll. « Bouquins », 1991, p. 330.
-
[11]
On recense ainsi un corpus composé des références suivantes : Considérations…, ch. XVI, XIX et XX ; Réflexions sur la monarchie…, ch. XI ; Pensées, n° 650, 1051, 1832 et 2036 ; De l’Esprit des lois, XVII-iv, XIX-v, XXVIII-xi, XXVIII-xlv, XXXI-x, XXXI-xi, XXXI-xxii, XXXI-xxiii, XXX,xxx, XXXI-xxxii (les éditions sont celles indiquées dans la présente étude).
-
[12]
Le référencement des sources du ixe siècle utilisées par Montesquieu serait l’objet d’une étude particulière, trop vaste pour les présentes pages. Rappelons seulement que Françoise Weil avait déjà relevé l’utilisation probable de quelques documents, notamment la Vita Karoli (F. Weil, « Les lectures de Montesquieu », Revue d’histoire littéraire de la France, 4, 1957, p. 504). On peut indiquer aussi une exploitation des capitulaires collectés par Baluze et de plusieurs textes issus du recueil de Duchesne, la Vita de Thégan notamment. Montesquieu semble privilégier les Annales de Metz pour le récit d’une grande part de la seconde moitié du ixe siècle.
-
[13]
Montesquieu a certainement lu l’Histoire ecclésiastique d’Orderic Vital à laquelle il fait allusion dans les Réflexions, à propos de la richesse des rois anglo-normands (op. cit., ch. XI, p. 350). Il semble aussi avoir connaissance du De moribus de Dudon de Saint-Quentin, comme l’atteste une note au chapitre XIX des Considérations (Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, F. Weil et C. P. Courtney (éd.), Œuvres complètes de Montesquieu, 2, Oxford, Voltaire Foundation, 2000, p. 244 note 23). L’une et l’autre de ces sources paraissent tirées du recueil de Duchesne mais ne semblent pas avoir été exploitées dans tous leurs ressorts.
-
[14]
C. Spector, « Montesquieu et l’histoire : théorie et pratique de la modération », dans B. Binoche et F. Tinland (dir.), Sens du devenir et pensée de l’histoire au temps des Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2000, p. 67. Glorifié d’être un grand précurseur de l’essor des sciences humaines (G. Davy, « Montesquieu et la science politique », dans L’homme, le fait social et le fait politique, Paris, Mouton, 1973, p. 246), Montesquieu serait parvenu à surmonter l’alternative entre une histoire réduite au pyrrhonisme et une genèse hypothétique elle-même acculée à d’inextricables difficultés (B. Binoche, « Montesquieu et la crise de la rationalité historique », Revue germanique internationale, 3, 1995, p. 40). Ne correspondant ni à l’histoire érudite, ni à l’histoire philosophique, son œuvre résonne comme une réponse à la crise de l’historiographie traditionnelle (O. Penke, « De l’usage de l’Histoire », dans C. Volpilhac-Auger (éd.), Montesquieu en 2005, Oxford, Voltaire Foundation, 2005, p. 288).
-
[15]
Sur ce point, l’ouvrage récent de Céline Spector (Montesquieu. Liberté, droit et histoire, Paris, Michalon, 2010, p. 15).
-
[16]
G. Benrekassa, La politique et sa mémoire. Le politique et l’historique dans la pensée des Lumières, Paris, Payot, 1983, p. 44.
-
[17]
Sur ce point, voir notamment : M. Mosher, « Montesquieu on Conquest : Three Cartesian Heroes and Five Good Enough Empires », Revue Montesquieu, 8, 2005-2006, p. 81-110.
-
[18]
D. Gembicki, « Montesquieu, historien de la décadence. Évolution et fortune de ses idées (1716-1789) », dans Clio au xviiie siècle, Voltaire, Montesquieu et autres disciples, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 107. Cela dit, comme l’a rappelé Jacques Heers, Montesquieu est capable d’accréditer d’étonnantes fantaisies en cherchant dans le passé les origines de telle ou telle pratique (Le Moyen Âge, une imposture, Paris, Perrin, 1992, p. 106).
-
[19]
Considérations sur les causes de la grandeur des Romains… op. cit., ch. XVI [éd. 1758], p. 221-222. Toutefois, dans ses Pensées (789, op. cit., p. 349) puis dans l’Esprit des lois (EL, liv. XXI-iii, p. 20-21), Montesquieu fait prédominer une approche physique plus qu’historique.
-
[20]
Sur ce rapport : J.-P. Poly, « Impérialisme et barbarie. Quelques remarques sur les implications idéologiques de "notre histoire" », dans La barbarie aujourd’hui, mythe et réalité, Paris, Éditions Cécile Defaut, 2005, p. 15-35.
-
[21]
Pensées, 2036, op. cit., p. 626. Au contraire des barbares du ive siècle, qui ne se virent imposer par les Romains que leurs mœurs, des tributs et l’obéissance, ceux du ixe siècle étaient mus par un farouche sentiment de vengeance à l’encontre de l’évangélisation pratiquée par les Francs.
-
[22]
L’image est même récurrente chez Montesquieu : on la trouve dans les Lettres persanes (E. Mass et C. Volpilhac-Auger (éd.), Œuvres complètes de Montesquieu, 1, Oxford, Voltaire Foundation, 2004, Lettre CVIII, p. 432) et dans les Considérations (op. cit., ch. XVI [éd. 1758], p. 221).
-
[23]
Pensées, 100, op. cit., p. 209-210.
-
[24]
Sur ce mouvement, voir entre autre : J. de Saint-Victor, Les racines de la liberté. Le débat français oublié (1689-1789), Paris, Perrin, 2007, p. 135.
-
[25]
EL, liv. XVIII-v, p. 300 ; cité par P. Michel, Un mythe romantique. Les Barbares, 1789-1848, Lyon, PUL, 1981, p. 27. Montesquieu affirme clairement avoir lu Jordanès (Spicilège, R. Minuti et S. Rotta (éd.), Œuvres complètes de Montesquieu, 13, Oxford, Voltaire Foundation, 2002, n° 562). Sur l’origine de ce thème, on pourra se reporter aux travaux récents de Magali Coumert (Origines des peuples. Les récits du Haut Moyen Âge occidental (550-850), Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 2007, notamment p. 508 et s. ; « L’identité ethnique dans les récits d’origine : l’exemple des Goths », dans V. Gazeau, P. Bauduin et Y. Modéran (dir.), Identité et ethnicité. Concepts, débats historiographiques, exemples (iiie-xiie siècle), Caen, Publications du CRAHM, 2008, notamment p. 65).
-
[26]
Réflexion sur la Monarchie universelle…, op. cit., ch. XI, p. 264.
-
[27]
Pensées, 1051, op. cit., p. 387.
-
[28]
EL, liv. XXXI-xxxii, p. 403.
-
[29]
EL, liv. XXXI-x, p. 370 ; Pensées, 2036, op. cit., p. 626.
-
[30]
Alors que l’historiographie des Lumières peine à s’en écarter (F. Guillet, « Le Nord mythique de la Normandie », Revue du Nord, 87, 2005, p. 460).
-
[31]
Comme d’autres, Hénault fixe sous le règne de Charlemagne les premières incursions normandes (Ch. J.-F. Hénault, Nouvel abrégé chronologique de l’histoire de France, Paris, 3e édition, 1749, p. 56). Et comme d’autres, il n’omet pas de rappeler la douleur qui s’empara alors du vieil empereur, prévoyant les malheurs que les Normands causeraient à ses enfants.
-
[32]
Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations et sur les principaux faits de l’histoire depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIII, R. Pomeau (éd.), Paris, Garnier, 1990, p. 386-387 : « On lit dans nos Auteurs que plusieurs de ces barbares furent punis de mort subite pour avoir pillé l’Église de Saint-Germain des Prés ».
-
[33]
Vraisemblablement, il s’est attaché à l’essentiel, c’est-à-dire à la reconstitution éminemment synthétique de plusieurs événements du ixe siècle (les pillages de 841, 843, 845 notamment, la résistance de l’évêque d’Orléans en 854, l’échec du siège de Paris en 885 et l’installation des Normands sur les îles de Jeufosse ou Oissel dès les années 850).
-
[34]
Voltaire, op. cit., p. 386.
-
[35]
G. Davy, « Les lois de Rollon au xviiie siècle : remarques sur le souvenir du pouvoir normatif ducal dans l’historiographie juridique normande des Lumières », Revue historique du droit français et étranger, 2, 2009, p. 181-209.
-
[36]
D. Hume, Histoire de la maison de Plantagenêt sur le trône d’Angleterre, I, Amsterdam, 1765, p. 135.
-
[37]
Quoiqu’on lise dans les Lettres persanes : « Les premiers gouvernements du monde furent monarchiques : ce ne fut que par hasard et par la succession des siècles que les républiques se formèrent » (Lettres persanes, op. cit., Lettre CXXV, p. 478). De même, dans ses Pensées, il fait allusion au hasard qui a formé la constitution des débuts capétiens (Pensées, 1302, op. cit., p. 439).
-
[38]
V. de Senarclens, Montesquieu, historien de Rome : un tournant pour la réflexion sur le statut de l’histoire au xviiie siècle, Genève, Droz, 2003, p. 169.
-
[39]
Pensées, 2036, op. cit., p. 626.
-
[40]
EL, liv. XXXI-xxiii, p. 391. À ces « étranges ravages » s’ajoute « l’étrange malheur » qui fit tomber la couronne à terre.
-
[41]
C. Fauchet, Les Antiquitez gauloises et françoises, I, Paris, 1610, liv. X, ch. IV, p. 369 ; F.-E. de Mézeray, Abrégé chronologique de l’Histoire de France, I, Amsterdam, 1696, p. 318.
-
[42]
Par exemple : C. Fleury, Histoire ecclésiastique, XI, Paris, 1720, liv. L, p. 50. Pas plus, d’ailleurs, Montesquieu ne reprend le thème – pourtant en vogue depuis le Moyen Âge – d’une volonté immanente qui aurait guidé les Vikings vers les rivages du royaume franc. C’est pourtant ce que défendent encore dans la première moitié du xviiie siècle certains historiens de la Normandie : « Enfin, l’on eut recours à Dieu, sa colère s’apaisant et sa divine bonté fit connaître aux Normands par des prodiges qu’Il les avait introduits en France pour leur conversion » (L. Levasseur de Masseville, Histoire sommaire de Normandie, I, Rouen, 3e édition, 1733, p. 85).
-
[43]
S. Goyard-Fabre, Montesquieu, la nature, les lois, la liberté, Paris, PUF, 1993, p. 110.
-
[44]
EL, liv. XXXI-x, p. 370 ; idée reprise aux Pensées (voir supra note 21) et apparemment avancée dès les années 1690 (Pensées, 198, op. cit., p. 238).
-
[45]
Le thème de la « vengeance » est aussi déjà utilisé pour justifier la guerre cruelle à laquelle les peuples du Nord se livrèrent contre l’Empire romain sous le règne de Valentinien (Considérations…, op. cit., ch. XVIII, p. 233).
-
[46]
F.-E. de Mézeray, Abrégé…, op. cit., p. 248.
-
[47]
Ainsi les songes ou visions divines avertissant Rollon de faire voile vers la France (ibid., p. 380).
-
[48]
Lettres persanes, op. cit., Lettre CVIII, p. 432 : « Les pays du Nord sont fort dégarnis, et il s’en faut bien que les peuples y soient, comme autrefois, obligés de se partager, et d’envoyer dehors, comme des essaims, des colonies et des nations entières chercher de nouvelles demeures ».
-
[49]
Par exemple, ce qu’en dit l’abbé de Choisy : « Les pirates n’étant pas contents de leurs glaces, venaient chercher des pays plus heureux, d’abord dans le dessein seulement de piller, ensuite ils y prirent goût et songèrent à y établir quelque domination » (Histoire de l’Église, V, Paris, 1740, XVII, 1, p. 21).
-
[50]
Sur ce point, voir notamment : R. Simek, « L’émergence de l’âge viking : circonstances et conditions », dans R. Boyer (dir.), Les Vikings, premiers Européens, viiie-xie siècles, Paris, Autrement, Coll. « Mémoires », n° 119, 2005, p. 17-18 et p. 24.
-
[51]
R. Kingston, « Montesquieu, Locke et la tolérance religieuse », dans Actes du colloque international commémorant le 250e anniversaire de la publication de l’Esprit des lois, Bordeaux, Académie Nationale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux, 1999, p. 234.
-
[52]
Dans son Histoire de France, Mézeray revient sur le personnage de Widukind : « Vindocind, appelé par quelques uns duc des Angoriens, et comme j’estime, eslu leur chef, à cause de son mérite, bien qu’il fut de naissance Danois ou Normand, s’enfuit avec les plus opiniâtres chez Sigifroy, roy au Dannemark » (Histoire de France depuis Faramond jusqu’à maintenant, I, Paris, 1643, p. 171). Au xviiie siècle, le prince saxon apparaît à certains, dont Voltaire, comme l’un des grands défenseurs de la liberté germanique (Voltaire, Essai…, op. cit., p. 326-327).
-
[53]
R. Shackleton, Montesquieu, biographie critique, Grenoble, PUG, 1977, p. 43 et p. 129.
-
[54]
Pensées, 752, op. cit., p. 342 précité.
-
[55]
Ibid., 100, p. 209-210.
-
[56]
G. Benrekassa, La politique et sa mémoire…, op. cit., p. 43.
-
[57]
EL, liv. XXVIII-xi, p. 222.
-
[58]
Ainsi, le règne de Charles le Simple, au cours duquel apparaît le duché de Normandie, illustre bien souvent le faîte de la décadence carolingienne. Dans son Essai sur les mœurs (op. cit., p. 388), Voltaire considère que « la France était alors expirante sous le règne de Charles le Simple, roi de nom et dont la Monarchie était encore plus démembrée par les ducs, par les comtes et par les barons ses sujets que par les Normands ».
-
[59]
J. Longueval, Histoire de l’Église gallicane dédiées à Nosseigneurs du Clergé, V, Paris, 1733, p. 274.
-
[60]
EL, liv. XXXI-xviii, p. 382-384.
-
[61]
C. Spector, Montesquieu. Liberté, droit et histoire, op. cit., p. 263.
-
[62]
EL, liv. XXXI-xxi, p. 387.
-
[63]
EL, liv. XXXI-xxvii, p. 397.
-
[64]
H. de Boulainvilliers, Essai sur la Noblesse de France, Amsterdam, 1732, p. 106.
-
[65]
EL, liv. XXXI-xxii, p. 388.
-
[66]
F.-E. de Mézeray, op. cit., p. 349 : « Durant toutes ces dissensions, les Normands avaient beau jeu. Le Chauve ne les arrêtait qu’avec de l’or, et par des présents qui les attiraient, bien loin de les repousser. De sorte que, tandis qu’il se perdait dans les imaginations de ses vaines conquêtes, ils imposent tribut à la France occidentale, et se faisaient payer à leur mode, à cause de quoi peut-être on les appela truands ».
-
[67]
Par exemple : S. Coupland, « The Frankish Tribute Payments of the Vikings and their Consequences », Francia, 26, 1, 1999, p. 57-75.
-
[68]
J.-P. Courtois, « Temps, corruption et histoire dans l’Esprit des lois », dans Le Temps de Montesquieu, Actes du colloque international de Genève (28 septembre-3 octobre 1998), Genève, Droz, 2002, p. 307.
-
[69]
Sur ce point, voir notamment les remarques de Badreddine Kassem (Décadence et absolutisme dans l’œuvre de Montesquieu, Genève, Droz, 1960, p. 217-220) et celles d’Élisabeth Magnou-Nortier (« Les lois féodales et la société d’après Montesquieu et Marc Bloch ou la société banale reconsidérée », Revue historique, 586, 1993, p. 324).
-
[70]
EL, liv. XXXI-xxiii, p. 390.
-
[71]
EL, liv. XXXI-xi, p. 374.
-
[72]
Considérations… op. cit., ch. XX, p. 258.
-
[73]
H. de Boulainvilliers, État de la France, dans lequel on voit tout ce qui regarde le gouvernement ecclésiastique, le militaire, la justice, les finances, le commerce, les manufactures, le nombre des habitans, & en general tout ce qui peut faire connoitre a fond cette monarchie, Londres, 1727, I, p. 440 : « Ce fut alors que les peuples commencèrent à abandonner les villes et les habitations communes pour se retirer dans les bois où ils se défendaient le mieux qu’ils pouvaient quand ils étaient découverts, demeurant au surplus cachés dans la terre et enfermés de palissades de bois pour se garder des bêtes sauvages. On peut imaginer quel point de désolation un tel gouvernement jeta en France ; les deux tiers du peuple en périrent, les arts les plus nécessaires furent oubliés, les terres demeurèrent sans culture et les lieux sans habitants ». Voir notamment : D. Venturino, « Boulainvilliers et Montesquieu ou la modération nobiliaire », Cahiers Montesquieu, 2 (L’Europe de Montesquieu), 1995, p. 103.
-
[74]
EL, liv. XXXI-xxv, p. 394.
-
[75]
EL, liv. XXXI-xxviii, p. 398.
-
[76]
EL, liv. XXXI-xxxii, p. 403. Sur ce passage, voir notamment : É. Magnou-Nortier, « Les lois féodales… », op. cit., p. 352.
-
[77]
J.-M. Goulemot, Le règne de l’Histoire : discours historiques et révolution, xviie et xviiie siècles, Paris, 1996, p. 355.
-
[78]
EL, liv. XXX-i, p. 299.
-
[79]
Pensées, 1832, op. cit., p. 568.
-
[80]
EL, liv. XXXI-xvi, p. 380 : « (…) l’État passa de l’anarchie à un gouvernement quelconque ». Dans ses Pensées, il est néanmoins plus critique à l’encontre des débuts de la troisième race dont l’histoire fut plus, en son commencement, celle du comté de Paris que celle de France tant ces rois furent humiliés (Pensées, op. cit., 1302, p. 439).
-
[81]
C. Gautier, « À propos du "commencement" ou de l’"établissement". Quelques remarques sur l’histoire », dans Actes du colloque international… op. cit., p. 366.
-
[82]
La formule est employée à plusieurs reprises (EL, liv. VI-xviii, p. 102 ; EL, liv. XIV-xv, p. 258).
-
[83]
É. Eydoux, « La littérature du Nord et le temps du paganisme », dans Dragons et Drakkars. Le mythe viking de la Scandinavie à la Normandie, xviiie- xxe siècles, Caen, Musée de Normandie, 1996, p. 30.
-
[84]
Sur cette idée, voir : F. Saint-Bonnet, « Remarques sur les arguments historiques dans le débat constitutionnel français (xvie- xviiie siècle) », Droits, Revue française de théorie juridique, 38, 2003, p. 137.
-
[85]
G. Davy, Le duc et la loi. Héritages, images et expressions du pouvoir normatif dans le duché de Normandie, des origines à la mort du Conquérant (fin du ixe siècle-1087), Paris, De Boccard, Coll. « Romanité et modernité du droit », 2004, p. 8-9.
-
[86]
« Lors, tous les brigands s’appelloient Normans, comme aujourd’hui Reistres tous pistoliers noircis » (C. Fauchet, Recueil de l’origine de la langue et poésie françoise, Paris, 1610, p. 550).
-
[87]
D. Tamm, « Montesquieu et le Danemark », dans J. Ehrard (dir.), Montesquieu du Nord au Sud, Actes de la Table ronde de Paris (janvier 1999), Oxford, Voltaire Foundation, 2001, p. 38. Sur les critiques que Mallet formule à l’encontre des travaux du baron Holberg, voir son Histoire du Dannemarc, Genève, 1764, préface, p. 2-3.
-
[88]
Pas uniquement d’ailleurs : elle sert aux géographes du xviiie siècle à décrire le monde paysan de leur temps (A. Burguière, « La centralisation monarchique et la naissance des sciences sociales. Voyageurs et statisticiens à la recherche de la France à la fin du xviiie siècle », Annales Histoire, Sciences sociales, 55e année, 1, 2000, particulièrement p. 202-205).
-
[89]
R. Boyer, « Sur le mythe Viking en France », dans Dragons et Drakkars, op. cit., p. 128-129.
-
[90]
Considération sur les causes…, op. cit., ch. XV, p. 205. L’influence de l’ouvrage L’État du Danemark rédigé par Robert Molesworth en 1694, et traduit en français l’année suivante, paraît à ce sujet manifeste (M. Crenn, « Des relations de voyage à l’image du Nord : l’exemple de la Scandinavie dans l’œuvre de Voltaire », dans Le Nord. Latitudes imaginaires, Actes du XXIXe congrès de la Société française de littérature générale et comparée, Lille, Université Charles de Gaulle, 2000, p. 149).
-
[91]
Pensées, 806, op. cit., p. 351.
-
[92]
C. Kidd, « Northern Antiquity : the Ethnology of Liberty in Eighteenth-Century Europe », dans K. Haakonssen et H. Horstboll (dir.), Northern Antiquities and National Identities, Historisk-Filosofiske Meddeleslser 101, 2007, p. 31.
-
[93]
G. Benrekassa, La politique et sa mémoire…, op. cit., p. 212.
-
[94]
Lettres persanes, op. cit., Lettre CXXV, p. 480.
-
[95]
C. Volpilhac-Auger, Tacite et Montesquieu, Oxford, Voltaire Foundation, 1985, notamment p. 127-147.
-
[96]
EL, liv. XVII-v, p. 300.
-
[97]
Lettres persanes, op. cit., Lettre CXXX, p. 492.
-
[98]
F. Markovits, Montesquieu. Le droit et l’histoire, Paris, Vrin, 2008, p. 63.
-
[99]
La théorie des climats accrédite alors l’idée que chaque nation devait disposer d’un droit spécifique conforme à son esprit général (J.-L. Halpérin, Entre nationalisme juridique et communauté de droit, Paris, PUF, Coll « Les voies du droit », 1999, p. 14).
-
[100]
EL, liv. XIV-iii, p. 249.
-
[101]
EL, liv. XIV-xiv, p. 258.
-
[102]
L’amour de la frugalité comme celui de l’égalité étant pour lui la principale vertu politique (C. Spector, « L’Esprit des lois de Montesquieu. Entre libéralisme et humanisme civique », Revue Montesquieu, 2, 1998, p. 141), essence du principe de démocratie. La démocratie antique de même que la « démocratie viking », a-t-il été écrit, reposent sur la liberté et l’égalité qu’un droit vient synthétiser en système (J. Bouineau, « Démocratie antique, démocratie viking », dans La Pensée démocratique, Actes du colloque d’Aix en Provence (21-22 septembre 1995), Aix-en-Provence, PUAM, AFHIP, 1996, p. 14). En fait, la thèse d’une « démocratie viking » n’est guère recevable et peut-être faudrait-il définitivement créditer les colonies scandinaves – essentiellement l’Islande – de tendances seulement proto-démocratiques (J. Byock, L’Islande des Vikings, Paris, Flammarion, 2007, p. 88). Quoi qu’il en soit, cette lecture « démocratisante » de la société nordique par analogie avec la démocratie grecque semble pour partie tributaire des écrits du baron de la Brède. Dès les Lettres persanes, Montesquieu introduit en effet l’ambiguïté en énonçant que « les peuples du Nord et d’Allemagne n’étaient pas moins libres [que la Grèce] ; et si l’on trouve des vestiges de quelque royauté parmi eux, c’est qu’on a pris pour des rois, les chefs des armées, ou des républiques » (Lettres persanes, op. cit., Lettre CXXV, p. 479). Que l’on se souvienne dès lors des propos formulés, non sans malice, par les parlementaires rouennais de la seconde moitié du xviiie siècle, dans les Additions aux remontrances du Parlement (« le Génie de la Nation française et celui des Danois ne différait donc point en ce qui concerne la souveraine autorité : ils étaient convaincus les uns et les autres qu’elle résidait dans le corps de la Nation, et non dans le prince seul », s.a., s.l., 1756, p. 10).
-
[103]
Pensées, 100, op. cit., p. 209.
-
[104]
C. Spector, Montesquieu. La liberté… op. cit., p. 86-87.
-
[105]
S. Rials, « 1689-1989 : une lecture de Montesquieu », dans J.-L. Harouel (dir.), Histoire du droit social. Mélanges en l’honneur de Jean Imbert, Paris, PUF, 1989, p. 480.
-
[106]
G. de La Foy, De la constitution du duché ou État souverain de Normandie, des variations qu’elle a subies depuis Rollon jusqu’à présent, s.l., 1789, p. 38. Sur ce point : G. Davy, « Primitivisme et réformisme dans le De la constitution du duché ou État souverain de Normandie de Guillaume de La Foy (1789) », Annales de Droit, 5, 2011, p. 17-42.
-
[107]
C. Grell, L’histoire entre érudition et philosophie. Étude sur la connaissance historique à l’âge des Lumières, Paris, PUF, 1993, notamment p. 246 et s.
-
[108]
G. Benrekassa, « Philosophie du droit et histoire dans les Livres XXVII et XXVIII de l’Esprit des lois », dans Le Concentrique et l’excentrique, marges des Lumières, Paris, Payot, 1980, p. 159.
-
[109]
Pensées, 1051, op. cit., p. 387 : « (…) il se pourrait de même, selon le sentiment du père Lobineau, qu’on n’aurait donné d’abord à Rollon qu’une partie de la Normandie, comme le diocèse de Rouen et les terres voisines, et que le Cotentin avait déjà été donné aux Bretons ».
-
[110]
Considérations…, op. cit., ch. XIX, p. 244.
-
[111]
P. Bauduin, La première Normandie (xe- xie siècles), Caen, PUC, 2004, notamment p. 78-79.
-
[112]
G. Benrekassa, « Philosophie du droit… », op. cit., p. 157.
-
[113]
« Histoire universelle de M. de Voltaire », parue au Mercure de France, septembre 1745, p. 10, reprise dans l’Essai sur les mœurs…, op. cit., p. 389-390.
-
[114]
F.-E. de Mézeray, Abrégé chronologique…, op. cit., p. 380 ; G. Daniel, Histoire de France depuis l’établissement de la Monarchie françoise dans les Gaules, II, Amsterdam, 2e édition, 1720, p. 219 ; H. de Boulainvilliers, État de la France, op. cit., I, p. 491.
-
[115]
Ainsi, au Livre XXV, il souligne la facilité qu’ont les peuples barbares de changer de religion (EL, liv. XXV-ii, p. 152-154), ce que reprendra Paul-Henri Mallet (Histoire du Dannemark, op. cit., I, p. 38 : « Il ne faut donc pas s’étonner de voir des essaims de Germains et de Scandinaves embrasser si promptement la religion chrétienne dans les pays dont ils font la conquête, ni se persuader que ces peuples en général n’eussent qu’un faible attachement pour le culte de leurs dieux »).
-
[116]
Essai sur les mœurs… op. cit., p. 390.
-
[117]
EL, liv. V-v, p. 51.
-
[118]
Sur le comte normand, on se reportera à l’étude d’Olivier Tholozan (Henri de Boulainvilliers, l’anti-absolutisme aristocratique légitimé par l’histoire, Aix-en-Provence, PUAM, 1999).
-
[119]
J. Terrel, « À propos de la conquête : droit et politique chez Montesquieu », Revue Montesquieu, 8, 2005-2006, p. 140-142.
-
[120]
EL, liv. XXX-x, p. 307 : « M. le comte de Boulainvillliers a manqué le point capital de son système : il n’a point prouvé que les Francs aient fait un règlement général qui mit les Romains dans une espèce de servitude ».
-
[121]
C. Spector, Montesquieu. La liberté…, op. cit., p. 262.
-
[122]
« Le temps fatal était arrivé où les Normands (…) se firent chrétiens à l’exemple de Raoul, et devinrent en peu de temps de bons français » (État de la France, op. cit., I, p. 491).
-
[123]
Francs et Normands disposent les uns et les autres du droit de conquête (ibid., I, p. 492). Néanmoins, alors que ce droit s’exerça aux dépens des Gaulois, dont Boulainvilliers nous dit qu’ils furent réduits à l’état de gens de mainmorte (ibid., I, p. 132), il explique que Rollon « détruisit, dans toute sa domination, ce que l’on appelait la mainmorte, accordant des biens et le droit de succession à tous les hommes indifféremment » (ibid., I, p. 492).
-
[124]
J. Terrel, op. cit., p. 142.
-
[125]
G. Benrekassa, Montesquieu, la liberté… op. cit., p. 146.
-
[126]
EL, liv. X-xi, p. 157. Sur l’utilisation du trinôme « mœurs, génie et constitution » par les cours souveraines, se reporter à : A. Vergne, La Notion de constitution d’après les cours et assemblées à la fin de l’Ancien Régime (1750-1789), Paris, De Boccard, « Romanité et modernité du droit », 2006, p. 303-307.
-
[127]
EL, liv. X-iii, p. 151.
-
[128]
Sur ce point : C. Cheminade, « Histoire et politique dans l’Esprit des lois : Montesquieu, Dubos et saint Rémi », dans Le Temps de Montesquieu, op. cit., p. 346. Voir aussi : G. Davy, « Histoire, droit et histoire du droit médiéval dans l’œuvre de David Hoüard. Continuité juridique et discontinuité historiographique », dans Journée de la Société d’histoire du droit et des institutions des pays de l’Ouest de la France, Bayeux, 16 octobre 2010, à paraître courant 2011.
-
[129]
Le président Hénault, notamment, qui rappelle qu’encore au premier tiers du ixe siècle, les peuples du Nord étaient soumis à l’empereur franc et que les Danois reçurent leur roi de sa main (Nouvel abrégé…, op. cit., p. 62). Pour une analyse de la question : P. Bauduin, Le monde franc et les Vikings, viiie-xe siècle, Paris, A. Michel, coll. « Évolution de l’humanité », 2009.
-
[130]
Comme l’explique Catherine Larrère, les mœurs forment un ensemble résistant au sein duquel se produit l’émergence de « l’esprit général » de l’unité sociale (« Droits et mœurs chez Montesquieu », Droits, Revue française de théorie juridique, 19, 1994, p. 17).
-
[131]
EL, liv. XXX-vi, p. 303.
-
[132]
Sur ce point, voir : G. Davy, « Les lois de Rollon au xviiie siècle… », op. cit., p. 187-189.
-
[133]
EL, liv. XXVIII-xlv, p. 279.
-
[134]
EL, liv. V-v, p. 51.
-
[135]
Pour un aperçu bibliographique : G. Davy, op. cit., p. 202-208 et notes correspondantes.
-
[136]
H. Basnage, Œuvres contenant ses commentaires sur la coutume de Normandie, I, Rouen, 1778, 4e édition, De juridiction, p. 4. Voir aussi le compte rendu paru au Journal des Savants (Journal des Sçavants, 1679, p. 334).
-
[137]
EL, liv. XIX-v, p. 330 : « C’est au législateur de suivre l’esprit de la nation, lorsqu’il n’est pas contraire aux principes du gouvernement ».
-
[138]
Cf. supra note 57.
-
[139]
Voir notamment : J. Bart, « Montesquieu et l’unification du droit », dans Le Temps de Montesquieu, op. cit., particulièrement p. 138-143.
-
[140]
EL, liv XXVIII-xix et xx, p. 235-238.
-
[141]
Sur ce point : C. Spector, « Y a-t-il une rationalité des coutumes ? Montesquieu », dans O. Guerrier, F. Inizan et P. Marengo (dir.), La coutume : formes, représentations et enjeux, colloque organisé les 26, 27 et 28 novembre 2008 à Sarlat, actes à paraître courant 2011. En cela, Montesquieu va plus loin que Laurière qui considérait, déjà, que l’émergence des coutumes avait mis fin à l’arbitraire seigneurial et restauré l’état de droit (J.-L. Thireau, « Un historien du droit au Grand Siècle : Eusèbe-Jacob de Laurière », dans J. Poumarède (dir.), Histoire de l’histoire du droit, Toulouse, Presses de l’Université de Toulouse, 2006, p. 55-58).
-
[142]
Alors qu’il a pu lire chez Hénault qu’encore en 924, les Normands continuent leurs incursions (Nouvel abrégé chronologique…, op. cit., p. 85).
-
[143]
Réflexions sur la monarchie universelle, op. cit., ch. XI, p. 264.
-
[144]
Par exemple, dès autour de 1680, Henri Basnage avait déjà avancé qu’ils « n’étaient pas une troupe ramassée de pirates désespérés comme les moines de ce siècle nous les ont dépeints » (Œuvres contenant ses commentaires…, op. cit., p. 4).
-
[145]
Il conviendrait toutefois de rappeler que l’approche climatique du caractère propre aux anciens Danois a été mise en lumière notamment dans les Essais sur le génie et le caractère des nations que François-Ignace d’Espiard fait paraître en 1743 (Essais sur le génie et le caractère des nations, Bruxelles, 1743, III, liv. VI, p. 32), dont l’influence a pu se révéler sensible sur les derniers livres de l’Esprit des lois (R. Schakleton, op. cit., p. 239-240).
-
[146]
Léon Thiessé, par exemple, se révèle particulièrement critique à l’encontre d’un duc tel que Richard II qui usa de violence au début de son règne à l’encontre des « fiers Normands » assemblés et insurgés contre les injustices de la noblesse (L’Histoire du duché de Normandie, sl., 1825, p. 72-74). Encore au début du xxe siècle, les historiens « positivistes » ont parfois fondé sur cet épisode de la fin du xe siècle l’hypothèse selon laquelle les primo Normands avaient importé en Neustrie les cadres de leurs assemblées populaires, idée propice à une interprétation « démocratique » des premières décennies du duché (H. Prentout, « Études sur quelques points d’histoire de Normandie. Le règne de Richard II », Mémoires de l’Académie nationale de Caen, V, 1929, p. 61-66). Voir à ce sujet les remarques de Lucien Musset (« Gouvernés et gouvernants dans le monde scandinave et dans le monde normand (xie-xiie siècles) », dans Nordica et Normannica. Recueil d’études sur la Scandinavie ancienne et médiévale, sur les expéditions des Vikings et la fondation de la Normandie, Paris, Société des études nordiques, 1997, p. 428).
-
[147]
Sur le rôle de ces pouvoirs, voir notamment : É. Gojosso, « L’encadrement juridique du pouvoir selon Montesquieu. Contribution à l’étude des origines du contrôle de constitutionnalité », Revue française de droit constitutionnel, 71, 2007, p. 499-512.
-
[148]
Une telle approche se retrouve encore dans l’introduction du second volet que Lucien Musset a consacré aux invasions germaniques (Les invasions. Le second assaut contre l’Europe chrétienne (viie-xie siècle), Paris, PUF, 1965, notamment p. 46). À compléter par : S. Lebecq (« Les invasions. Les vagues germaniques de Lucien Musset, à propos de la 3e édition (1994) », dans V. Gazeau et F. Neveux (dir.), Postérité de Lucien Musset, Caen, PUC, 2009, p. 15-19).
-
[149]
Comme le remarque Catherine Larrère, Montesquieu tente de se dégager du couple monarchie universelle/équilibre des puissances, creusets de la guerre, pour opposer le commerce à la conquête militaire (Réflexions…, op. cit., p. 331-332).
-
[150]
Cette influence a notamment été mise en lumière par Régis Boyer (Le mythe viking dans les lettres françaises, Paris, Éditions du Porte-Glaive, 1986, p. 41 et s.).
-
[151]
Notamment les ouvrages de Claude Ornhialms (mentionné aux Pensées, 198, op. cit., p. 221), surtout d’Olaüs Rudbeck, dont Montesquieu n’a probablement pas lu l’Atlantica (EL, liv. XVII-v, p. 300), et de Thomas Bartholin, dont on suppose qu’il a consulté les travaux (EL, liv. XXIV-xix note, p. 146).
-
[152]
J.-Y. Guiomar, « Les peuples du Nord, matrice d’un système politique et culturel ? », Revue du Nord, 87, 2005, p. 569.
-
[153]
J.-M. Roulin, « Paul-Henri Mallet (1730-1807), un historien genevois face aux "ténébreuses horreurs des antiquités septentrionales" » dans A. Dubois (dir.), Les Conditions de la vie intellectuelle et culturelle en Suisse romande au temps des Lumières, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1996 (Annales Benjamin Constant, 18-19), p. 127-137. Sur l’impact de la littérature scandinave sur les Lettres françaises, voir notamment : J. Renaud, « Le mythe du Viking chez les Normands », Études Germaniques, 4, 1995, p. 671-678. De même, Régis Boyer a mis en lumière l’influence que le Krákumál (autrement dit le chant de Ragnar) exerça au xixe siècle en inspirant à Chateaubriand son célèbre bardit des Francs auquel Augustin Thierry devrait sa vocation d’historien (R. Boyer, « Le thème de Ragnar Lodbrók dans les lettres françaises », dans Rencontres et courants littéraires franco-scandinaves, Actes du 7e Congrès international d’histoire des littérature scandinaves (7-12 juillet 1968), Paris, « Bibliothèque nordique » n° 4, 1973, p. 41).
-
[154]
P.-H. Mallet, De la Ligue hanséatique, de son origine, ses progrès, sa puissance et sa constitution politique jusqu’à son déclin au seizième siècle, Genève, 1805, p. 142.
-
[155]
P.-H. Mallet, Quelle influence de la philosophie sur les belles lettres ? Discours inaugural prononcé à Cassel le 8 avril 1772, BNF, côte Res. P-R-884, p. 84-85.
-
[156]
P.-H. Mallet, Monuments de la mythologie et de la poésie des Celtes et particulièrement des anciens Scandinaves pour servir de supplement et de preuves à l’introduction à l’histoire de Dannemarc, Copenhague 1756, p. 176 note (a). On sait en effet que dans bien des pays de l’Europe du xviiie siècle, la Germania conserve un statut de texte fondateur (C. Kidd, « Northern Antiquity … », op. cit., p. 22). Tacite offre donc une source (disons plutôt une origine) non-romaine à l’histoire constitutionnelle (H. D. Weinbrot, « Politics Taste and National Identity : Some Use of Tacitism in Eighteenth-Century Britain », dans T. J. Luce et A. J. Woodman (dir.), Tacitus and the Tacitean Tradition, Princeton, Princeton University Press, 1993, p. 178). Une illustration se révèle d’ailleurs frappante : la troisième édition de l’Introduction à l’histoire du Dannemark de Paul-Henri Mallet change le titre du huitième chapitre et, au lieu de « Du gouvernement et des lois des anciens Danois », on lit « Du gouvernement des anciens peuples du Nord », modification intégrant autant la Scandinavie que la Germanie de Tacite (T. J. Beck, Northern Antiquities in French Learning and Literature (1755-1855), New York, Columbia University, 1934, p. 63).
-
[157]
P.-H. Mallet, Introduction à l’histoire du Dannemarc, Copenhague, 1755, p. 8.
-
[158]
Régis Boyer, François Saint-Bonnet et Éric Gojosso ont éclairé la présente étude de leurs précieux conseils. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma très sincère reconnaissance.
1« C’est une chose surprenante que des peuples qui n’étaient accoutumés à vivre que de rapines et de brigandages aient aussitôt changé d’inclination », lit-on à propos des premiers Normands dans les Mémoires de l’Académie des belles-lettres de Caen [1]. Au milieu du xviiie siècle, littérateurs, historiens et juristes nourrissent un intérêt croissant pour la quête des origines de la Normandie, modifiant peu à peu l’approche que les sources médiévales avaient jadis laissée des « hommes du Nord » [2]. L’académisme consacre alors les changements de la science historique entamés plusieurs décennies auparavant et envisage désormais l’histoire comme « le lieu privilégié de l’affirmation du progrès » [3]. À bien des égards, ce dernier reste principalement destiné à défendre une vue traditionnelle des institutions, à sauvegarder les libertés provinciales ou, au contraire, à justifier la poussée de la société civile vers le pouvoir [4], tout en renouant avec les fondements historiques du droit – quitte à prendre parfois d’étranges raccourcis avec ceux-ci [5]. L’heure n’est toutefois pas encore venue d’analyser l’histoire des premiers Normands sous l’angle phénoménologique avec la mesure que lui accordera l’historiographie du xixe siècle. Il n’en demeure pas moins que primitivisme juridique et caractérologie des nations convergent alors pour éclairer l’esprit des premières lois normandes [6]. Tout cela est conforme au vœu formulé par Montesquieu d’éclairer « l’histoire par les lois et les lois par l’histoire». Partant, il est intéressant d’envisager de quelle manière le baron de la Brède, dont les inflexions ont si durablement imprégné l’étude du droit et des institutions médiévales [7], a pu lui aussi percevoir l’installation des conquérants scandinaves sur les terres du royaume franc au début du xe siècle. Or, au Livre XVII de l’Esprit des lois, on peut lire :
« En Europe […], nous ne connaissons, depuis l’établissement des colonies grecques et phéniciennes, que quatre grands changements : le premier causé par les conquêtes des Romains, le second par les inondations des Barbares qui détruisirent ces mêmes Romains, le troisième par les victoires de Charlemagne ; et le dernier, par les invasions des Normands. Et si l’on examine bien ceci, on trouvera, dans ces changements mêmes, une force générale répandue dans toutes les parties de l’Europe » [8].
3D’après cet extrait, qui prolonge une perspective déjà présente dans les Réflexions sur la Monarchie universelle [9], les invasions normandes du ixe siècle constitueraient l’ultime étape d’un processus inhérent à l’histoire de la première Europe. De prime abord, les Normands, « les derniers conquérants » [10], illustreraient la thèse de l’irréalisme des empires occidentaux tout en achevant une première phase de l’histoire européenne. Un dénominateur commun de l’œuvre du baron de la Brède serait donc de faire apparaître ces invasions non plus comme un accident tragique de l’histoire ou comme l’accomplissement d’un plan providentiel, comme les présentaient les historiographies médiévale et classique, mais comme intégrées à une dynamique globale.
4Il n’en reste pas moins audacieux de prétendre que Montesquieu fut un historien du « phénomène viking » et plus encore qu’il en a renouvelé l’étude. D’abord parce que les allusions qu’il y fait sont souvent réduites à la portion congrue [11]. Ensuite, parce que les maigres détails qu’il en donne sont très nettement en deçà de ceux que l’histoire voltairienne, par exemple, peut offrir au moment où est rédigé l’Esprit des lois. Enfin, parce qu’aux rares occasions où il s’arrête sur les faits qui jalonnèrent l’installation des Normands en Neustrie, il ne semble pas exploiter dans toutes leurs perspectives les sources qu’il a manifestement consultées [12], notamment les sources normandes [13].
5En dépit de ces remarques, on ne peut nier la dette que l’historiographie doit à Montesquieu, notamment l’émergence d’une histoire mondiale fondamentalement plurielle puisque scindée selon la diversité des esprits généraux des nations, essentiellement non théologique du fait de cette diversité même [14]. Si son œuvre, dense, est jalonnée de variations (quoique des doutes aient été émis sur son évolutionnisme [15]), la dynamique principalement présentée par l’Esprit des Lois, guidé par la recherche de l’intelligibilité générale du mouvement historique [16], n’apparaît ni totalement cyclique – tant l’impulsion historique semble mue par une dynamique linéaire – ni totalement baignée par la linéarité – tant les phénomènes cycliques sont illustrés par ces constants balancements entre le progrès et la décadence, la civilisation et la barbarie, la liberté et la servitude, ou entre les conquérants et les conquis [17]. Ce double mouvement, restituant à l’Histoire tout son sens, fait de la « période » médiévale le pendant de la « période » antique [18], et rend propice la mise en lumière des analogies entre l’une et l’autre. Ainsi, les incursions scandinaves du ixe siècle résonnent-elles comme un écho lointain des invasions des ive et ve siècles. Dans ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains, on peut lire en effet :
« Les violences des Romains avaient fait retirer les peuples du Midi au Nord : tandis que la force qui les contenait subsista, ils y restèrent ; quand elle fut affaiblie, ils se répandirent en toutes parts. La même chose arriva quelques siècles après. Les conquêtes de Charlemagne et ses tyrannies avaient une seconde fois fait reculer les peuples du Midi au Nord. Sitôt que cet empire fut affaibli, ils se reportèrent une seconde fois du Nord au Midi » [19].
7Forcément, cette allusion invite à porter un autre regard sur les anciens Danois qui, à l’instar de celui porté sur les conquérants ayant jadis inondé l’Empire romain, s’inscrit dans une forme de rééquilibrage de la « barbarité » à la civilisation [20]. Au fil des Pensées, les barbares qui envahirent l’Empire de Charlemagne apparaissent les « mêmes » que ceux qui franchirent jadis le limes [21] – en essaims, conformément à l’image communément admise dans l’historiographie alti-médiévale [22] – selon un mouvement historique ponctué de flux et de reflux [23]. Dans le sillage du Germanisme, et consacrant par ailleurs un alter ego nordique aux mythes virgiliens [24], Montesquieu perçoit la Scandie autant comme la matrice des nations que comme la fabrique des « instruments qui brisent les fers forgés du Midi » [25]. La démarche entreprise par le baron de la Brède est originale, à défaut d’être tout à fait innovante. Si, comme pour ses devanciers, les invasions du ixe siècle continuent à illustrer un processus de décadence des institutions carolingiennes, elles ne s’en cantonnent pas moins au stade de révélateur plus que de facteur principal. Au demeurant, rompant avec le providentialisme de la littérature ecclésiastique, le juriste bordelais ramène finalement au cœur d’un xe siècle si souvent déprécié une autre modélisation du « gouvernement gothique », telle qu’elle pourra apparaître à la seconde moitié du xviiie siècle dans les ouvrages de certains de ses épigones normands. Aussi, ces invasions remplissent-elles chez Montesquieu une fonction essentielle dont la mise en lumière permettra d’identifier un « moment » historiographique.
Vers une autre approche des invasions normandes
8Alléguer un « moment historiographique » ne signifie pas l’existence d’une intention consciente chez Montesquieu de réviser de fond en comble l’approche des invasions scandinaves, tant il reste, en grande partie, tributaire des auteurs qui l’ont précédé. Il nous faut cependant remarquer qu’à bien des égards, les interprétations qu’il donne des événements se distinguent radicalement de celles qu’offre communément l’historiographie depuis le Moyen Âge.
Origines et causes des invasions normandes dans l’Empire franc
9Lorsqu’il décrit le déroulement des prédations vikings sur le royaume de Francie occidentalis, Montesquieu ne se démarque apparemment guère de ce que relate traditionnellement l’historiographie depuis le Moyen Âge. Rédigeant ses Réflexions sur la Monarchie universelle, entre 1731 et 1733, il y affirme :
« Les Normands s’étant rendus maîtres de la mer, pénétrèrent dans les terres par l’embouchure des rivières, et s’ils ne conquirent pas l’Europe, ils faillirent l’anéantir » [26].
11De même écrit-il peu d’années après dans ses Pensées :
« C’était une pratique chez les Normands de se saisir d’une île à l’embouchure d’une rivière, où ils se fortifiaient. De là, ils portaient leurs brigandages partout. Mais les pays qui étaient près de la partie basse du fleuve étaient ruinés de préférence » [27].
13Enfin, au Livre XXXI de l’Esprit des lois, on peut lire :
« Les Normands ravageaient le royaume ; ils venaient sur des espèces de radeaux ou de petits bâtiments, entraient dans l’embouchure des rivières, les remontaient et dévastaient le pays des deux côtés. Les villes d’Orléans et de Paris arrêtaient ces brigands ; et ils ne pouvaient avancer ni sur la Seine ni sur la Loire » [28].
15Ces passages – à peu de choses près les seuls où Montesquieu se fend de quelques précisions sur les invasions scandinaves – résument à l’excès plusieurs décennies de prédations. Ailleurs, il aura pris soin de s’attarder sur les hommes d’Église, principales victimes des assauts vikings [29]. C’est peu et à peu près tout. Au contraire, donc, de ses contemporains qui s’intéressent au ixe siècle, Montesquieu ne cherche ni à déterminer le terminus a quo des premières expéditions normandes, ni à faire un usage débridé des sources monastiques [30]. Alors que Charles Jean-François Hénault s’attarde à dater le début des invasions [31], le baron de la Brède demeure peu ou prou muet sur les jalons chronologiques qui en déterminent le cadre. Alors que Voltaire insère dans son récit plusieurs faits tirés des annales carolingiennes, les Miracles de Saint-Germain par exemple [32], Montesquieu ne semble guère soucieux de faire étalage de détails [33]. Pas plus, d’ailleurs, qu’il ne semble porter de l’intérêt aux principaux chefs danois dont l’historiographie se repaît le plus souvent. Même Voltaire ne résiste pourtant pas à narrer les expéditions de Ragnar Lodbrók [34], que Paul-Henri Mallet élèvera au rang de « héros romantique ». On sait aussi quel traitement une partie de la littérature des Lumières réserve à Rollon [35], et ce qu’en dit David Hume suffit à le rappeler : « La France, écrit-il dans son Histoire d’Angleterre, était hors d’état de résister à un chieftain qui joignait à la valeur de ses compatriotes toute la politique et la prudence des nations les plus civilisées » [36]. Pour Montesquieu, l’histoire n’étant ni le fait de grands hommes, comme chez Voltaire, ni le fait de funestes hasards, comme chez Rousseau [37], elle doit être prise comme une densité [38]. En bref, il nourrit le souci de la théorie plus que de l’événement. Aussi, pour résumer les prédations scandinaves, se contente-t-il d’utiliser la formule sibylline des « étranges barbaries » [39] ou des « étranges ravages » [40].
16En revanche, lorsqu’il envisage les causes de ces ravages, il prend soin de rompre avec l’idée qui, s’inspirant du Livre de Jérémie, laisse croire que les conquérants scandinaves ont été les instruments de la colère divine. Pourtant ancrée dans la littérature carolingienne, cette interprétation des invasions est demeurée vivace dans les monuments historiographiques de l’époque classique [41] et, au début du xviiie siècle, les histoires ecclésiastiques soutiennent encore que les dévastations des Normands n’étaient qu’une juste punition du peuple franc [42]. En cela, Montesquieu tranche avec le providentialisme inhérent au récit habituel des invasions normandes et abandonne le legs de l’histoire augustinienne. En excluant ces considérations théologiques, il ne laisse entrevoir aucune perspective eschatologique et il ramène l’histoire à ce qu’elle est : celle des hommes et de la nature [43]. On est, avec Montesquieu, bien loin d’une histoire prise comme le reflet d’un drame providentiel. Mais s’il rompt avec l’histoire « théologique », le baron de la Brède n’en intègre pas moins l’hypothèse d’une confrontation religieuse, comme l’atteste le Livre XXXI de l’Esprit des lois :
« Les Normands arrivent, pillent et ravagent, persécutent surtout les prêtres et les moines ; cherchent les abbayes ; regardent où ils trouveront quelque lieu religieux : car ils attribuaient aux ecclésiastiques la destruction de leurs idoles, et toutes les violences de Charlemagne, qui les avaient obligés les uns après les autres de se réfugier dans le Nord. C’était des haines que quarante ou cinquante années n’avaient pu leur faire oublier » [44].
18Selon Montesquieu, cette vengeance de l’idolâtrie apparaît comme une cause immédiate des invasions [45]. Ce n’est cependant pas une nouveauté et Mézeray expliquait déjà, plus d’un siècle auparavant, que « l’idolâtrie, chassée de pays en autre, et poussée au-delà du Rhin, s’était réfugiée en Saxe avec ses faux prêtres, et tous ceux qui étaient aheurtez à la défendre. Et puis étant vivement poussée par les armes des Français, elle s’était jetée au-delà de l’Elbe et en Danemark, comme en son dernier fort. D’où ces bannis et leurs descendants, brûlant d’un cruel désir de venger leurs Dieux et leur liberté, faisaient de continuelles sorties et exerçaient principalement leur rage sur les prêtres et sur les moines qui détruisaient leurs temples et leurs superstitions » [46]. Mais Mézeray restait inspiré par l’immanence de la volonté divine que Montesquieu se garde bien de reproduire [47]. De loin, cette vengeance idolâtre apparaît comme une cause parmi d’autres, disséminées au fil des pages de l’œuvre du baron bordelais. Initialement – en tout cas dans les Lettres persanes – c’est sur la pauvreté du sol et la densité démographique des pays du Nord qu’il fondait principalement l’élan conquérant des peuples nordiques [48], reprenant un autre lieu commun, lui aussi à la mode [49], mais que des recherches récentes ont battu en brèche comme une explication tardive et déformée [50]. Un scrutateur attentif verra cependant que la vengeance idolâtre prend plus de relief dans l’Esprit des lois, et cela pour deux raisons.
19D’une part, parce qu’elle semble participer à un discours sur la tolérance religieuse dont on sait la place dans l’œuvre du juriste. Considérant que même l’idolâtrie peut avoir de bons effets sociaux et politiques, Montesquieu est disposé à une tolérance plus large que celle exprimée par Locke notamment [51]. L’intolérance religieuse engendrant les persécutions ne peut donc qu’être un facteur d’instabilité. La preuve en est que la conversion forcée de la Saxe a pour beaucoup fait naître un sentiment de haine et de vengeance, initiateur des incursions danoises [52].
20D’autre part, parce que cette vengeance idolâtre finit par illustrer une « dynamique causale universelle ». Robert Shackleton considère à ce propos que l’esquisse des notions de causalités historiques, et notamment sa distinction des causes premières et des causes occasionnelles, est la plus grande originalité du baron de la Brède [53]. En reprenant dans ses Pensées le thème des conquêtes de Charlemagne, Montesquieu précise que « sous lui, les peuples du Nord furent soumis et le fleuve remonta à sa source » [54], mais après avoir précisé qu’« il y a toujours un flux et un reflux d’empire et de liberté » [55]. À la différence de ses prédécesseurs, le juriste bordelais intègre les invasions normandes à une dynamique consubstantielle des rapports entre les peuples du Nord et ceux du Midi, et offre une illustration d’un mouvement entre les tentatives de monarchie universelle et leur impact sur les peuples libres. Ces invasions ne paraissent donc plus ni comme un élément accidentel ni comme un événement fondé sur une cause irrationnelle, mais comme l’illustration parfaite d’un mouvement que Montesquieu a principalement appuyé sur celles du ve siècle, et qu’il projette plus avant dans le temps. Quoique les causes directes puissent diverger entre les vagues d’invasions barbares qui jalonnent la période médiévale, leurs origines, intrinsèquement liées à un rapport physique, convergent.
21Cependant, les Normands sont loin d’être la cause première des malheurs que supporte la France du ixe siècle. Les invasions normandes ne sont pas le seul et moins encore le principal facteur de la décadence carolingienne. Pour Montesquieu, elles n’en sont qu’un catalyseur, au mieux un accélérateur. Elles n’en sont pas, pour reprendre une formule de Georges Benrekassa, « la cause surdéterminante » [56].
Causes exogènes et phénomènes endogènes de la décadence carolingienne
22Au livre XXVIII de l’Esprit des lois, se trouve un passage célèbre :
« Les règnes malheureux qui suivirent celui de Charlemagne, les invasions des Normands, les guerres intestines, replongèrent les nations dans les ténèbres dont elles étaient sorties. On ne sut plus lire ni écrire. Cela fit oublier en France et en Allemagne les lois barbares écrites, le droit romain et les capitulaires » [57].
24Force est de reconnaître que dans ce tableau de la dégradation de l’Empire carolingien, les « règnes malheureux qui suivirent celui de Charlemagne » et « les guerres intestines » constituent des causes endogènes principales sur lesquelles se greffent des causes externes qui ne sont qu’accessoires bien qu’aggravantes, tout en illustrant un phénomène causal plus vaste encore. Sur ce point, Montesquieu se rapproche de Voltaire [58], et tous deux se démarquent de nombre de leurs contemporains, notamment de Jacques Longueval qui range les Normands parmi les « trois fléaux terribles » que connut la France du ixe siècle, à côté de la peste et de la famine [59].
25Autant l’Esprit des lois présente un véritable panégyrique de Charlemagne [60] – peut-être comme une parenthèse d’harmonie des ordres [61] – autant il révèle une profonde critique à l’encontre de Louis le Pieux auquel il ne consacre pas moins de quatre chapitres du Livre XXXI. « Il avait l’esprit faible, écrit-il notamment, mais la nation était guerrière. L’autorité se perdait en dedans, sans que la puissance parût diminuer au dehors » [62]. Parmi les troubles que la guerre civile engendra au lendemain de la mort de Louis le Pieux, Montesquieu rappelle que la bataille de Fontenoy-en-Puisaye (25 juin 841) causa à elle seule la ruine de la Monarchie [63]. Avant lui, Henri de Boulainvilliers affirmait déjà que cette bataille fit perdre à la France la meilleure partie de sa noblesse et, privant le royaume de troupes, avait permis aux barbares de « se hasarder à remonter les grandes rivières par leurs embouchures, ce qui les mit en état de pénétrer dans le cœur du royaume » [64]. Qui plus est, Montesquieu se révèle des plus sévères à l’endroit de Charles le Chauve dont il dénonce l’incapacité à défendre le royaume et, quand on pouvait détruire les Normands, écrit-il, « on les laissait échapper pour de l’argent » [65]. C’est là un reproche qu’un siècle auparavant, Mézeray se plaisait déjà à faire [66], dans la veine, du reste, des reproches que formulaient autrefois les évêques francs, principaux pourvoyeurs de fonds de ces tractations [67]. À l’instar de ses prédécesseurs, le baron bordelais justifie ainsi l’impunité avec laquelle les Normands se livrent à leurs prédations et illustre l’abaissement de la puissance carolingienne.
26Chez Montesquieu, la corruption de la monarchie franque commence comme un processus pour lequel aucune cause n’est d’abord décelable, c’est-à-dire nommable ou qualifiable [68]. Il est vrai qu’il y a chez lui non pas une mais tout un faisceau de causes qui provoquèrent la dégradation des institutions carolingiennes et parmi lesquelles les invasions normandes supportent un certain retrait. Notamment, s’il dénonce la vocation des gouvernements despotiques à toujours repousser les limites de leurs territoires comme un vecteur de décadence, il condamne tout autant les monarques qui, perdant leur sagesse, ne parviennent plus à préserver les frontières de leurs royaumes et, par voie de conséquence, s’appauvrissent par la disparition progressive du fisc [69]. Cette disparition a contraint la royauté à multiplier les distributions de terres d’Église aux laïcs, ce que Montesquieu stigmatise comme l’un des principaux motifs des désordres que dut alors supporter la France. « C’est un spectacle digne de pitié, de voir l’état des choses en ces temps là », écrit-il au chapitre xxiii du Livre XXXI [70].
27La critique n’est pas neuve et l’on en trouve trace dans les sources médiévales qui dénonçaient ces privations comme les principales raisons de la colère divine incarnée par les barbares scandinaves. Pour Montesquieu, point de colère divine mais un abus généralisé et des querelles sans fin. « On disputait toujours, précise-t-il, les Normands arrivèrent et mirent tout le monde d’accord » [71] ! Dès lors, les invasions scandinaves paraissent essentiellement invoquées pour faire le procès des divisions du royaume franc. À bien des égards, elles se limitent à un épiphénomène des changements que supporte la société carolingienne. Dès les Considérations, on lit en effet :
« Lorsqu’on n’eut plus que de mauvaises armées, que souvent même on n’en eut point du tout, la frontière ne défendant plus l’intérieur, il fallut le fortifier ; et alors on eut plus de place et moins de forces, plus de retraites et moins de sûreté. La campagne n’étant plus habitable qu’autour des places fortes, on en bâtit de toutes parts. Il en était comme de la France du temps des Normands, qui n’a jamais été si faible que lorsque tous ses villages étaient entourés de murs » [72].
29Ce processus d’encastellement décrit dans les Considérations et inspiré de ce que Boulainvilliers a lui-même décrit dans son État de la France [73], participe à une dynamique dégénérative, plus poussée cependant chez le président bordelais que chez le comte normand. À partir du chapitre xxv du Livre XXXI de l’Esprit des lois est en effet abordée la question de la généralisation du régime féodal, que l’auteur fixe autour de l’année 843, lorsque par traité, les fils de Louis le Pieux amènent à la transformation des alleux en fiefs [74], et qui se conforte lorsque Charles le Chauve reconnaît l’hérédité des comtés [75]. « L’hérédité des fiefs et l’établissement général des arrière-fiefs, écrit-il, éteignirent le gouvernement politique et formèrent le gouvernement féodal » [76]. Cet avènement marque pour Montesquieu une rupture d’ordre, qui n’est toutefois pas forcément autant teinté d’anarchie que celle que Mably, par exemple, décrira bientôt [77]. Les lois féodales, explique-t-il notamment, « ont produit la règle avec une inclinaison à l’anarchie, et l’anarchie avec une tendance à l’ordre et à l’harmonie » [78]. Montesquieu n’occulte pas l’idée qu’il puisse exister un « ordre féodal » à côté de « cette espèce d’anarchie qui venait du malheur public » [79], mais l’essentiel, pour notre propos, ne se trouve pas là ; il est dans la description d’une fin de cycle à laquelle les Normands prennent certes une part éminente mais sans en être pour autant la cause déterminante. Dès lors, il faudrait attendre bien longtemps pour envisager l’amorce, à peine perceptible au lendemain de l’avènement capétien, après un processus de déconstruction, d’un processus de reconstruction [80]. À y regarder de près, et au même titre qu’il envisage comme une « corruption positive » les causes qui, jadis, avaient contraint les Germains à introduire le système représentatif pour préserver la possibilité de tenir des assemblées, posant par là le germe de « la meilleure espèce de gouvernement que les hommes puissent imaginer » [81], Montesquieu semble induire que les invasions normandes ont, à plusieurs égards, annoncé cette reconstruction, dont les premiers indices semblent se révéler dès autour de l’année 911 au cours de laquelle Charles le Simple céda au Viking Rollon une part de l’ancien royaume de Neustrie.
La Normandie, terre de liberté ?
30Dans l’Esprit des lois, le passage de l’allodialité à la féodalité explique comment les Francs ont rompu avec l’héritage de leurs ancêtres, « nos pères les Germains » [82], guerriers-paysans épris de liberté que l’aridité de la terre et les rigueurs de leur climat avaient jadis élevés moralement [83]. Il revient aux Normands de raviver cet héritage. En définitive, les écrits de Montesquieu appuient l’idée que la réapparition au cœur de l’Occident carolingien d’un modèle d’État primitif, mythique ou idéalisé a pu limiter la décadence qui s’en était emparé [84].
Mythe et paradigme de la liberté normande
31Faire des Normands les acteurs d’une régénération de la Francie du xe siècle n’est pas une nouveauté et, dès l’an Mil, Dudon de Saint-Quentin s’était attaché à jeter les bases de cette interprétation du « phénomène viking » [85]. Bon an, mal an, le thème est demeuré peu ou prou constant jusqu’au xviiie siècle. Mais projeté dans le contexte intellectuel des Lumières, il prend un tout autre sens.
32Il prend un autre sens, d’abord, parce qu’il véhicule une nouvelle image des conquérants scandinaves, hier reîtres [86], mais dorénavant en passe de devenir une incarnation de l’homme libre. Il ne sera cependant pas utile de revenir sur la théorie des climats entamée au Livre XIV de l’Esprit des lois (théorie que combattra d’ailleurs le danois Holberg en 1753 [87]). On sait que cette théorie n’a pas tardé à devenir une véritable vulgate de la description des sociétés anciennes [88], mais aussi qu’elle a engendré une extrapolation amenée à être le creuset d’une idée fixe pour les défenseurs du « normannisme » : le Nord est plus pur que le Midi, avachi, tout comme il est plus énergique [89]. Rappelons seulement que, dans la seconde moitié du siècle, Paul-Henri Mallet prétendra combler les failles de cette théorie en tentant de résoudre le paradoxe entre le postulat initial et le jugement que Montesquieu porte sur le Danemark de son temps – dont il considère le monarque comme exerçant le pouvoir le plus arbitraire qu’il y ait en Europe [90] – ou sur les relations qu’il peut y avoir entre l’Islande et autres colonies vikings avec ce qu’en ont dit les auteurs anciens [91]. Mallet expliquera alors, vainement, que l’influence directe du climat n’a lieu qu’aux temps primitifs, les peuples devenant de moins en moins isolés en allant au-delà des causes physiques qui déterminent manières et coutumes [92]. L’éditeur genevois de l’Edda, loin de résoudre le paradoxe, ne fera finalement que compliquer une donnée pourtant simple : pour Montesquieu, la détermination climatique constitue un centre de gravité, probablement naturel mais dont les hommes peuvent toujours s’écarter pour, le cas échéant, mieux y revenir [93]. Il n’y a pas, en effet, de fatalisme chez Montesquieu ; il n’y a que l’exposé d’hypothèses qu’il tente d’étayer historiquement.
33La liberté germanique, sauvage, que Tacite avait décrite pour l’opposer à l’amollissement romain, est exposée dès les Lettres persanes :
« Les peuples du Nord, libres dans leur pays, s’emparant des provinces romaines, ne donnèrent point à leurs chefs une grande autorité. Quelques-uns même de ces peuples, comme les Vandales en Afrique, les Goths en Espagne, déposaient leurs rois dès qu’ils n’en étaient pas satisfaits ; et chez les autres, l’autorité du prince était bornée de mille manières différentes : un grand nombre de seigneurs la partageaient avec lui ; les guerres n’étaient entreprises que de leur consentement ; les dépouilles étaient partagées entre le chef et les soldats ; aucun impôt en faveur du prince ; les lois étaient faites par les assemblées de la nation. Voilà le principe fondamental de tous ces États qui se formèrent des débris de l’Empire romain » [94].
35Elle reste au centre de l’Esprit des lois [95]. L’analogie tacitiste permet en effet à Montesquieu de dresser le portrait d’un peuple guerrier, libre et rebelle à la servitude. Goths ou Francs du ve siècle et Danois du ixe siècle forment donc tous, selon lui, ces nations qui ont été « la source de la liberté de l’Europe, c’est-à-dire de presque toute celle qui est aujourd’hui parmi les hommes » [96]. Certes, il n’est ni le seul, ni le premier à dresser un tel portrait. Mais il confirme largement ce que d’aucuns avaient pu écrire avant lui afin d’intégrer les anciens Normands à une humanité dont ils étaient, auparavant, en grande partie rejetés : « Ces peuples, rappelle-t-il en effet, n’étaient point proprement barbares puisqu’ils étaient libres » [97]. Ce faisant, Montesquieu offre aux Normands la dimension politique dont l’historiographie les avait jusqu’alors majoritairement privés. En ne traitant pas ces peuples du Nord comme une horde inhumaine, mais comme des peuples guerriers disposant de leurs coutumes, de leurs lois, de leurs savoirs [98], il livre un modèle pré-sociologique reposant sur un système de valeurs juridiques propres qui ne doit rien au schéma classique gréco-romain [99]. Évidemment, les lois des anciens Scandinaves paraissent simples au baron de la Brède (« ils vivaient presque sans lois », écrit-il [100]), voire frugales parce qu’ils ne trouvaient dans les choses que ce qu’ils voyaient, et n’imaginaient rien de plus [101]. Mais cette frugalité forme justement le berceau de leur liberté. De là découle probablement une interprétation « démocratisante » des propos de Montesquieu [102], ce qui ne saurait être admis sans grandes réserves lorsqu’on se souvient qu’il voit les peuples du Nord en fondateurs d’un gouvernement de la noblesse qui demeura près de 900 ans en France [103] ; plus encore, lorsque l’on se rappelle qu’il fait dépendre la prospérité du régime démocratique de son aptitude à corriger, par des procédés aristocratiques, l’exercice pur de la démocratie [104]. Que ce soit dans un État monarchique ou dans un État démocratique, ces procédés paraissent donc le gage le plus certain de la modération politique et, partant, de la liberté. Il n’en fait pas moins valoir, en noble royaliste « dont la pensée n’est pas purgée de toute nostalgie » [105], sa probable préférence pour le modèle de la monarchie pré-absolutiste où le pouvoir royal est limité par des corps intermédiaires au premier rang desquels l’on trouve la noblesse et les parlements. Approche qui ne sera probablement pas sans conséquences sur la production juridique normande de la seconde moitié du xviiie siècle. En 1789, l’avocat normand Guillaume de La Foy, en véritable épigone du baron de la Brède, retenant principalement cette idée que la modération de tout gouvernement doit s’appuyer sur une participation de l’aristocratie, détournera au profit exclusif de cette dernière – réunie en un conseil représentatif de la primo nation normande – l’argumentaire caractérologique que Montesquieu avait édifié pour insister sur l’esprit de liberté et d’indépendance des Normands. Restituant l’origine du pouvoir ducal pour étayer le précédent d’un gouvernement « monarchico-aristocratique » qu’il modélise au profit du royaume tout entier, il niera qu’un peuple d’égaux, « jaloux surtout de leur liberté et de leurs droits, aient dit à l’un d’entre eux : sois despote et nous serons esclaves » [106].
36Quels que puissent être les buts politiques recherchés par les lecteurs de Montesquieu, ses écrits, et plus encore les interprétations que l’on en tire, offrent un étai solide au primitivisme à la mode au siècle des Lumières et alimentent – chez La Foy, comme chez tant d’autres – la recherche des origines par des éléments indispensables à la réflexion sur un processus d’involution [107]. Notamment parce que ces interprétations permettent de renouer avec « une rudesse originelle et un esprit qui n’avaient pas été affaiblis par un autre esprit » [108]. Elles dégagent ainsi une forme de modélisation des sociétés nordiques et, par là même, amènent à porter un nouvel intérêt aux invasions du ixe siècle qui constituent le point de contact entre deux communautés : l’une demeurée originelle, l’autre qui a rompu avec ses origines.
37Dès lors, et c’est le second point capital de l’idée de régénération normande que recèle l’œuvre de Montesquieu, ce modèle peut correspondre à une reprise de cycle historique.
Naissance de la Normandie
38Le baron de la Brède n’est guère disert sur la fondation du duché de Normandie. Dans ses Pensées, il se limite à douter (sur la foi de Lobineau) de ce que Rollon ait été mis en possession de toute la Normandie [109] et, dans les Considérations, il se contente d’écrire que « lorsque les Normands, images des conquérants de l’Empire, eurent pendant plusieurs siècles ravagé la France, ne trouvant plus rien à prendre, ils acceptèrent une province qui était entièrement déserte et se la partagèrent » [110]. Le thème de la Neustrie désertée n’est toutefois pas neuf et, dès l’an Mil, l’historiographie le véhiculait déjà [111]. Toutefois, au contraire de Voltaire qui, alors que la rédaction du Livre XXVIII de l’Esprit des lois n’a pas été encore entamée [112], fait montre de détails dans sa description de la genèse du duché normand [113], Montesquieu n’adopte pas tous les cadres habituels d’une historiographie dont il s’inspire pourtant. Ainsi, il ne dit mot de la conversion du chef viking et de ses hommes qui constitue, traditionnellement, le moule de l’intégration des Normands à la société politique franque [114]. Peut-être son propos penche-t-il pour un syncrétisme religieux des Danois sur lequel Mallet insistera à la fin du siècle [115] ? Plus certainement, il entend s’affranchir de la trame de la régénération christique pour offrir une autre voie au processus d’intégration normande. Notons aussi qu’il ne s’épanche pas plus sur le statut du duché de Normandie, dont Voltaire répète qu’il forma un État séparé bien qu’usurpé à la couronne de France [116].
39Reprenons l’extrait précité des Considérations : après qu’ils ont accepté la province qu’on leur cédait, écrit Montesquieu, les conquérants normands se la partagèrent. Le thème du partage des terres neustriennes, lui aussi communément admis depuis l’an Mil, prend, sous la plume du baron de la Brède une dimension particulière. Au Livre V de l’Esprit des lois, on lit en effet :
« Quelques législateurs anciens, comme Lycurgue et Romulus, partagèrent également les terres. Cela ne pouvait avoir lieu que dans la fondation d’une république nouvelle ; ou bien lorsque l’ancienne était si corrompue, et les esprits dans une telle disposition, que les pauvres se voyaient obligés de chercher, et les riches obligés de souffrir pareil remède » [117].
41Ce passage se révèle capital. En premier lieu, parce qu’une interprétation analogique soutient l’hypothèse selon laquelle la naissance de la Normandie correspondrait à l’émergence d’une « république nouvelle ». Ainsi se préciserait l’idée qu’un renouveau cyclique précède largement l’avènement capétien. En second lieu, parce que, ayant annoncé dès ses Considérations la relation fondamentale entre les invasions du ve siècle et celles du ixe siècle, Montesquieu ramène la question normande au cœur du débat qui oppose, à cette époque, romanistes et germanistes autour de la notion de conquête. Il est à ce propos bien connu qu’au Livre XXX de l’Esprit des lois, le baron élabore un compromis entre les thèses de Dubos et celles de Boulainvilliers et que, s’il rejette catégoriquement les idées du premier, ce n’est pas pour adhérer pleinement aux thèses du second [118]. Si la notion de conquête peut raisonnablement varier dans son œuvre, notamment entre ce qu’il énonce dans les Lettres persanes et ce qu’il avance dans l’Esprit des lois [119], Montesquieu se garde de suivre le comte normand dont il dénonce le système lacunaire [120], bien qu’il en accepte l’idée d’antiquité des droits de la noblesse [121]. D’autant plus lacunaire, pourrait-on ajouter, que ce que Boulainvilliers décrit de la conquête normande ne cadre pas avec ce qu’il a exposé de la conquête franque [122]. Il y a dans l’État de la France une très probable contradiction entre le droit inhérent aux conquérants francs et celui des conquérants scandinaves [123]. Chez Montesquieu, en revanche, le droit de conquête n’entraîne pas fatalement l’anéantissement ou l’asservissement des vaincus. Il peut avoir pour effet de créer une nouvelle association [124]. C’est là offrir un cadre à l’émergence de l’ordre juridique normand.
42Lorsqu’il envisage les invasions du ve siècle, le baron de la Brède annonce en effet que les barbares régénérateurs venus en conquérants ont institué, sans violence, un équilibre avec les peuples qu’ils ont soumis et leur ont laissé une partie de leurs droits [125]. Par droits, il faut entendre lois et mœurs, ce que Montesquieu affirme dès le Livre X de l’Esprit des lois en énonçant qu’il « ne suffit pas de laisser à la nation vaincue ses lois : il est peut-être plus nécessaire de lui laisser ses mœurs, parce qu’un peuple connaît, aime et défend toujours plus ses mœurs que ses lois » [126]. Ce principe appelle une remarque essentielle : pas plus que la servitude des peuples conquis ne fut une fin aux ve et vie siècles [127], pas plus la servitude n’a été le sort des populations neustriennes conquises par les Normands. Pour autant, s’il n’y a pas eu asservissement, il n’y a pas eu assimilation préalable et Montesquieu s’éloigne ainsi d’un thème cher aux romanistes [128]. En aucun cas son récit des invasions normandes ne peut donc s’encombrer d’une éventuelle intégration précoce des Vikings à une société carolingienne en pleine déliquescence, intégration dont on trouve pourtant des indices dans l’historiographique de son temps [129]. En d’autres termes, les Normands qui s’installèrent en France ont conservé intacte leur pureté originelle [130]. Et puisqu’il rappelle qu’il ne faut pas douter que les barbares ont maintenu dans leurs conquêtes les mœurs qu’ils avaient dans leur pays « parce qu’une nation ne change pas dans un instant de manière de penser et d’agir » [131], il faudrait admettre qu’une conséquence directe qu’il entrevoit de la conquête de la Neustrie est l’avènement d’un nouvel ordre juridique, dans lequel demeurerait vivace, pour partie et au moins pour un temps, la tradition scandinave.
43Ce faisant, son propos reste borné par les jalons posés, au moins depuis la fin du xviie siècle, par l’historiographie juridique normande [132]. Au Livre XXVIII de l’Esprit des lois, rappelant qu’au commencement de la troisième race, les grands seigneurs du royaume, de concert avec les vassaux qui tenaient d’eux, produisirent « quelques lois écrites », il évoque « les coutumes de Normandie accordées par Raoul [c’est-à-dire Rollon] » [133]. Toutefois, contrairement à la majeure partie des juristes qui s’intéressent aux primes heures du duché, Montesquieu ne s’épanche guère sur les lois édictées par le premier duc. L’objet de son propos ne serait apparemment pas, à l’inverse de Voltaire (qui considère que de tous les princes de ce temps, seul Rollon mérite le titre de législateur), de glorifier pour la Normandie l’incarnation du législateur-fondateur. L’idée est cependant latente, si l’on conserve à l’esprit le souvenir du partage des terres précédemment indiqué. En effet, à la suite de l’extrait du Livre V ci-dessus cité, est énoncé :
« Si, lorsque le législateur fait un pareil partage [des terres], il ne donne pas des loix pour le maintenir, il ne fait qu’une constitution passagère : l’inégalité entrera par le côté que les loix n’auront pas défendu et la république sera perdue » [134].
45Rollon et ses compagnons ayant, comme cela a été rappelé, procédé à ce partage lors de la naissance du duché, Montesquieu fixerait l’apparition des premières lois dès l’origine de la Normandie, ce qui est une approche somme toute traditionnelle. À la nuance près que le rôle joué par les seigneurs normands, tant dans la répartition des terres que dans l’émergence des coutumes rendrait la formation de ces dernières conforme à une vision du pouvoir ducal dont l’exercice n’a pu qu’être tempéré par la participation de la noblesse primitive. Ainsi, si l’on s’en tient aux exemples qu’il fournit des princes ayant donné à leurs comtés ou duchés des lois écrites (tous des personnages des xiie et xiiie siècles), Rollon bénéficiant d’une nette antériorité, le propos de Montesquieu démontrerait la réapparition, au cœur de la France féodale, d’une forme de gouvernement modéré renouant avec l’héritage des ancêtres, ce qui ne sera probablement pas sans conséquences sur l’argumentation contestataire rouennaise de la seconde moitié du xviiie siècle [135]. Cette lecture du précédent normand dans l’œuvre du baron de la Brède corrobore par ailleurs deux choses.
46Primo, elle corrobore, en le systématisant, le propos tenu par certains juristes du siècle des Lumières pour qui les Normands s’unissant aux Francs n’avaient plus formé qu’un seul peuple et avaient obéi aux lois édictées par Rollon car elles étaient conformes aux mœurs et au génie de l’une et l’autre nations [136]. L’hypothèse selon laquelle ce nouvel ordre juridique fut adapté à l’esprit de la nouvelle nation se déduit en effet aisément de la conformité consubstantielle qu’expose l’Esprit des lois [137].
47Secundo, elle corrobore l’existence d’un point d’arrêt dans un processus dégénératif et, simultanément, la substitution des coutumes (dorénavant dégagées de leur caractère supplétif) aux anciennes lois écrites (lois barbares, romaines et capitulaires) [138], peut-être communément admises comme ratio scripta mais disparues à la mort de Charlemagne et au début des invasions normandes. Ces coutumes, à l’origine d’un pluralisme juridique encore largement palpable au temps de Montesquieu – qu’il défend qui plus est – se dégagent ainsi du cadre ténébreux et forcément décadent dans lequel les ont enfermées Voltaire et bien d’autres [139]. Désormais, c’est sur elles, notamment parce qu’elles apparaissent fondées sur la valeur et l’esprit des nations comme illustration du « point d’honneur » [140], que s’appuierait la rationalité juridique [141]. En d’autres termes, l’émergence des coutumes provinciales, loin d’être l’empreinte d’un déclin, constituerait une forme de renaissance du droit. Dans cette perspective, le rôle pris par l’apparition précoce des coutumes de Normandie accordées par « Raoul » dans ce processus est majeur.
48Montesquieu ne va pas au-delà et fixe en 911 la fin les invasions scandinaves, omettant d’indiquer que des bandes nordiques continuèrent leurs raids loin dans le xe siècle [142]. Il ne traite pas plus de l’histoire des premiers Normands, se contentant d’écrire que « leur duc Guillaume conquit l’Angleterre qui devint le centre de la puissance des rois normands et des fiers Plantagenêts qui les suivirent » [143].
49*
50Il faudra, pour conclure, veiller à ne pas donner au « moment historiographique » que constitue chez Montesquieu le récit des invasions scandinaves et de la naissance de la Normandie une amplitude qu’il n’eut certainement pas. À plusieurs égards tributaires de ses prédécesseurs, ses développements aboutissent finalement à confirmer ce que nombre de juristes normands avaient soutenu avant lui pour éclairer le particularisme ancien des droits et des libertés du duché. Mais sans l’amplifier néanmoins, il faudrait tout autant s’assurer de ne point trop minimiser l’apport de ce moment.
51D’abord parce qu’il propose une systématisation d’idées qui, jusqu’alors proposées de façon éparse, trouvent leur synthèse notamment dans l’Esprit des lois et contribuent à appuyer sur un plan scientifique l’approche caractérologique des premiers Normands. Si Montesquieu n’a pas été, loin s’en faut, le premier à proposer de faire sortir les « Vikings » de leur barbarie [144], il a considérablement influé sur leur « humanisation » historiographique [145], confortant un archétype d’hommes certes aux mœurs rudes mais rebelles à la servitude. De sorte qu’il aboutit à resserrer le lien entre deux approches qui l’ont précédé : une approche caractérologique, dont se saisira le Romantisme, et la description, certes ténue, de l’émergence d’un ordre juridique comme élément fédérateur d’une identité normande. En conséquence, ses positions sur la liberté propre aux peuples du Nord ont certainement pu alimenter pour la conforter l’historiographie juridique normande dans la seconde moitié du xviiie siècle, historiographie souvent destinée, alors, à défendre les libertés normandes contre le despotisme ministériel, à préserver un modèle de gouvernement monarchique tempéré par le rôle de l’aristocratie, voire à faire montre des aspirations de la nation amenant à une compréhension plus « démocratique » des premières décennies du duché, ce que reprendra sensiblement le siècle suivant [146].
52Ensuite, si jusqu’au milieu du xviiie siècle, le « phénomène viking » servait majoritairement de prétexte facile à expliquer le mouvement complexe de la décadence carolingienne, Montesquieu en fait une étape essentielle de l’histoire française et européenne. D’une part, parce qu’il offre une articulation entre la dégradation des institutions carolingiennes et l’émergence d’une France coutumière appuyée sur les droits et libertés provinciaux garantis par des pouvoirs intermédiaires [147]. D’autre part, parce qu’il livre une vision non plus apocalyptique de ces invasions mais les inscrit dans une démarche scientifique qui les réintègre dans une histoire universelle en les faisant apparaître comme une ultime réplique des secousses provoquées par les grandes invasions du ve siècle [148]. Dernière étape d’une histoire européenne fondée sur la conquête, les invasions normandes illustreraient par ailleurs les divergences entre Montesquieu et Leibniz sur l’équilibre des puissances [149].
53Enfin, peut-être serait-il pertinent d’envisager l’impact de Montesquieu sur la promotion des antiquités du Nord [150]. Certes, depuis le xvie siècle, plusieurs ouvrages – dont on trouve d’ailleurs trace dans les Pensées ou l’Esprit des lois [151] – ont amorcé pour ces antiquités un certain engouement et parfois amené bien des élucubrations [152]. Et c’est principalement à Paul-Henri Mallet, et non à Montesquieu, qu’il revient d’avoir popularisé dans les Lettres françaises l’histoire des anciens Scandinaves au milieu du xviiie siècle [153]. Mais si l’œuvre du Genevois s’inspire de Voltaire, pour qui toutes les grandes leçons viennent du Nord, elle se veut largement redevable au baron de la Brède, « ce grand homme » [154], que Mallet associe ni plus ni moins à « une divinité tutélaire qui a enseveli ces Géants du despotisme sous sa sagacité victorieuse » [155]. L’influence de Montesquieu résiderait principalement dans les clés d’une compréhension du tacitisme [156], comme une véritable caution scientifique du « normannisme ». Ainsi, dans son Introduction à l’histoire du Dannemarc [157], Mallet rend hommage à « l’admirable auteur de l’Esprit des lois » pour, d’une part, juger « l’influence que les Nations du Nord ont eue sur les différentes destinées de l’Europe » et, d’autre part, rappeler que les antiquités nordiques ne sont pas indignes d’occuper quelques instants un esprit raisonnable puisque ces nations ont « autrefois porté dans les pays les plus florissants, les plus célèbres, cette espèce de gouvernement qu’ils avaient imaginé dans leurs forêts » [158].
Notes
-
[*]
Université de Rouen.
-
[1]
M. Durville, « Histoire de Raoul, prince de Normandie », Mémoires de l’Académie des belles-lettres de Caen, 1754 (séance publique du 14 novembre 1754), p. 37.
-
[2]
Pour un aperçu : P. Bouet, « Les chroniqueurs francs et normands face aux invasions vikings », dans É. Ridel (dir.), L’Héritage maritime des Vikings en Europe de l’Ouest, Caen, PUC, 2002, p. 57-73. Il ne s’agit pas encore de jauger les lamentations de sources ecclésiastiques sur les prédations qu’ils ont perpétrées. L’historiographie n’entamera véritablement cette autre analyse qu’à partir de la seconde moitié du xxe siècle, notamment avec les travaux d’Albert d’Haenens (Les invasions normandes, une catastrophe ?, Paris, Flammarion, 1970).
-
[3]
D. Roche, Le siècle des Lumières en province. Académies et académiciens provinciaux, 1680-1789, Paris, EHESS, 1989, I, p. 368. Pour un panorama contextuel, on se reportera notamment à : F. Guillet, Naissance de la Normandie. Genèse et épanouissement d’une image régionale en France, 1750-1850, Caen, Annales de Normandie, 2000, p. 185-216. Ajoutons qu’un aboutissement de cette démarche réside certainement dans l’œuvre de David Hoüard (G. Davy, « Écrire ou réécrire l’histoire du droit ? Les lois de Rollon et la constitution primitive du duché de Normandie dans l’œuvre de David Houard (1725-1802) », dans C. Leveleux-Teixeira, A. Rousselet-Pimont, P. Bonin et F. Garnier (dir.), Normes et Normativité, Études d’histoire du droit réunies en l’honneur d’Albert Rigaudière, Paris, Economica, 2009, p. 299-318).
-
[4]
D. Roche, La France des Lumières, Paris, Fayard, 1993, p. 91.
-
[5]
Par exemple : P. de Merville, La coutume de Normandie réduite en maximes selon le sens littéral et l’esprit de chaque article, Paris, 1707, p. 1 : « Les peuples du Nord, après avoir chassé les Romains des Gaules ne voulurent point se servir des loix que les Romains y avaient établis ; ils conservèrent les anciennes coutumes du païs, et ils se firent de nouvelles loix, dont, suivant toutes les apparences, Raoül premier duc de Normandie, a été l’auteur ».
-
[6]
Pour une approche du primitivisme (entendu ici dans un sens juridique et non esthétique), on pourra se reporter aux remarques de Chantal Grell (Primitivisme et mythe des origines dans la France des Lumières (1680-1820), Paris, PUPS, 1989, p. 11-18).
-
[7]
Inflexions qui, sous couvert de Germanisme, ont masqué toute la Romanité des premiers siècles francs sur laquelle l’historiographie contemporaine tente de revenir depuis ces dernières années (parmi une bibliographie abondante : J.-P. Poly, « La corde au cou : les Francs, la France et la loi salique », dans Genèse de l’État moderne en Méditerranée, Rome, 1993 (Mélanges de l’École française de Rome, 168), p. 289-320 ; O. Guillot, « Clovis, le droit romain et le pluralisme juridique : aux origines du "monde franc" », dans H. Van Goethem et alii (dir.), Libertés, pluralisme et droit, une approche historique, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 62 ; id., « Clovis "Auguste", vecteur des conceptions romano-chrétiennes », dans M. Rouche (dir.), Clovis, histoire et mémoire, I, Clovis et son temps, l’événement, Paris, PUPS, 1997, p. 705 ; S. Kerneis, « Codification et droit pénal militaire romain. Les premières lois barbares », dans F. Garnier et D. Deroussin (dir.), Compilations et codifications juridiques. 1 – De l’Antiquité à la période moderne, Publications du Centre lyonnais d’histoire du droit et de la pensée politique et du Centre d’études romanistiques d’Auvergne, 2007 [Passé et présent du droit, n° 4], p. 121-151).
-
[8]
De l’esprit des lois [dorénavant EL], R. Derathé (éd.), Paris, Garnier, 1973, Liv. XVII-iv, p. 298-299.
-
[9]
Réflexion sur la Monarchie universelle en Europe, C. Volpilhac-Auger et F. Weil (éd.), Œuvres complètes de Montesquieu, 2, Paris, Voltaire Foundation, 2000, Ch. XI, p. 350.
-
[10]
Ibid. ; Pensées, 650, L. Desgraves (éd.), Paris, Robert Laffont, Coll. « Bouquins », 1991, p. 330.
-
[11]
On recense ainsi un corpus composé des références suivantes : Considérations…, ch. XVI, XIX et XX ; Réflexions sur la monarchie…, ch. XI ; Pensées, n° 650, 1051, 1832 et 2036 ; De l’Esprit des lois, XVII-iv, XIX-v, XXVIII-xi, XXVIII-xlv, XXXI-x, XXXI-xi, XXXI-xxii, XXXI-xxiii, XXX,xxx, XXXI-xxxii (les éditions sont celles indiquées dans la présente étude).
-
[12]
Le référencement des sources du ixe siècle utilisées par Montesquieu serait l’objet d’une étude particulière, trop vaste pour les présentes pages. Rappelons seulement que Françoise Weil avait déjà relevé l’utilisation probable de quelques documents, notamment la Vita Karoli (F. Weil, « Les lectures de Montesquieu », Revue d’histoire littéraire de la France, 4, 1957, p. 504). On peut indiquer aussi une exploitation des capitulaires collectés par Baluze et de plusieurs textes issus du recueil de Duchesne, la Vita de Thégan notamment. Montesquieu semble privilégier les Annales de Metz pour le récit d’une grande part de la seconde moitié du ixe siècle.
-
[13]
Montesquieu a certainement lu l’Histoire ecclésiastique d’Orderic Vital à laquelle il fait allusion dans les Réflexions, à propos de la richesse des rois anglo-normands (op. cit., ch. XI, p. 350). Il semble aussi avoir connaissance du De moribus de Dudon de Saint-Quentin, comme l’atteste une note au chapitre XIX des Considérations (Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence, F. Weil et C. P. Courtney (éd.), Œuvres complètes de Montesquieu, 2, Oxford, Voltaire Foundation, 2000, p. 244 note 23). L’une et l’autre de ces sources paraissent tirées du recueil de Duchesne mais ne semblent pas avoir été exploitées dans tous leurs ressorts.
-
[14]
C. Spector, « Montesquieu et l’histoire : théorie et pratique de la modération », dans B. Binoche et F. Tinland (dir.), Sens du devenir et pensée de l’histoire au temps des Lumières, Seyssel, Champ Vallon, 2000, p. 67. Glorifié d’être un grand précurseur de l’essor des sciences humaines (G. Davy, « Montesquieu et la science politique », dans L’homme, le fait social et le fait politique, Paris, Mouton, 1973, p. 246), Montesquieu serait parvenu à surmonter l’alternative entre une histoire réduite au pyrrhonisme et une genèse hypothétique elle-même acculée à d’inextricables difficultés (B. Binoche, « Montesquieu et la crise de la rationalité historique », Revue germanique internationale, 3, 1995, p. 40). Ne correspondant ni à l’histoire érudite, ni à l’histoire philosophique, son œuvre résonne comme une réponse à la crise de l’historiographie traditionnelle (O. Penke, « De l’usage de l’Histoire », dans C. Volpilhac-Auger (éd.), Montesquieu en 2005, Oxford, Voltaire Foundation, 2005, p. 288).
-
[15]
Sur ce point, l’ouvrage récent de Céline Spector (Montesquieu. Liberté, droit et histoire, Paris, Michalon, 2010, p. 15).
-
[16]
G. Benrekassa, La politique et sa mémoire. Le politique et l’historique dans la pensée des Lumières, Paris, Payot, 1983, p. 44.
-
[17]
Sur ce point, voir notamment : M. Mosher, « Montesquieu on Conquest : Three Cartesian Heroes and Five Good Enough Empires », Revue Montesquieu, 8, 2005-2006, p. 81-110.
-
[18]
D. Gembicki, « Montesquieu, historien de la décadence. Évolution et fortune de ses idées (1716-1789) », dans Clio au xviiie siècle, Voltaire, Montesquieu et autres disciples, Paris, L’Harmattan, 2008, p. 107. Cela dit, comme l’a rappelé Jacques Heers, Montesquieu est capable d’accréditer d’étonnantes fantaisies en cherchant dans le passé les origines de telle ou telle pratique (Le Moyen Âge, une imposture, Paris, Perrin, 1992, p. 106).
-
[19]
Considérations sur les causes de la grandeur des Romains… op. cit., ch. XVI [éd. 1758], p. 221-222. Toutefois, dans ses Pensées (789, op. cit., p. 349) puis dans l’Esprit des lois (EL, liv. XXI-iii, p. 20-21), Montesquieu fait prédominer une approche physique plus qu’historique.
-
[20]
Sur ce rapport : J.-P. Poly, « Impérialisme et barbarie. Quelques remarques sur les implications idéologiques de "notre histoire" », dans La barbarie aujourd’hui, mythe et réalité, Paris, Éditions Cécile Defaut, 2005, p. 15-35.
-
[21]
Pensées, 2036, op. cit., p. 626. Au contraire des barbares du ive siècle, qui ne se virent imposer par les Romains que leurs mœurs, des tributs et l’obéissance, ceux du ixe siècle étaient mus par un farouche sentiment de vengeance à l’encontre de l’évangélisation pratiquée par les Francs.
-
[22]
L’image est même récurrente chez Montesquieu : on la trouve dans les Lettres persanes (E. Mass et C. Volpilhac-Auger (éd.), Œuvres complètes de Montesquieu, 1, Oxford, Voltaire Foundation, 2004, Lettre CVIII, p. 432) et dans les Considérations (op. cit., ch. XVI [éd. 1758], p. 221).
-
[23]
Pensées, 100, op. cit., p. 209-210.
-
[24]
Sur ce mouvement, voir entre autre : J. de Saint-Victor, Les racines de la liberté. Le débat français oublié (1689-1789), Paris, Perrin, 2007, p. 135.
-
[25]
EL, liv. XVIII-v, p. 300 ; cité par P. Michel, Un mythe romantique. Les Barbares, 1789-1848, Lyon, PUL, 1981, p. 27. Montesquieu affirme clairement avoir lu Jordanès (Spicilège, R. Minuti et S. Rotta (éd.), Œuvres complètes de Montesquieu, 13, Oxford, Voltaire Foundation, 2002, n° 562). Sur l’origine de ce thème, on pourra se reporter aux travaux récents de Magali Coumert (Origines des peuples. Les récits du Haut Moyen Âge occidental (550-850), Paris, Institut d’Études Augustiniennes, 2007, notamment p. 508 et s. ; « L’identité ethnique dans les récits d’origine : l’exemple des Goths », dans V. Gazeau, P. Bauduin et Y. Modéran (dir.), Identité et ethnicité. Concepts, débats historiographiques, exemples (iiie-xiie siècle), Caen, Publications du CRAHM, 2008, notamment p. 65).
-
[26]
Réflexion sur la Monarchie universelle…, op. cit., ch. XI, p. 264.
-
[27]
Pensées, 1051, op. cit., p. 387.
-
[28]
EL, liv. XXXI-xxxii, p. 403.
-
[29]
EL, liv. XXXI-x, p. 370 ; Pensées, 2036, op. cit., p. 626.
-
[30]
Alors que l’historiographie des Lumières peine à s’en écarter (F. Guillet, « Le Nord mythique de la Normandie », Revue du Nord, 87, 2005, p. 460).
-
[31]
Comme d’autres, Hénault fixe sous le règne de Charlemagne les premières incursions normandes (Ch. J.-F. Hénault, Nouvel abrégé chronologique de l’histoire de France, Paris, 3e édition, 1749, p. 56). Et comme d’autres, il n’omet pas de rappeler la douleur qui s’empara alors du vieil empereur, prévoyant les malheurs que les Normands causeraient à ses enfants.
-
[32]
Voltaire, Essai sur les mœurs et l’esprit des nations et sur les principaux faits de l’histoire depuis Charlemagne jusqu’à Louis XIII, R. Pomeau (éd.), Paris, Garnier, 1990, p. 386-387 : « On lit dans nos Auteurs que plusieurs de ces barbares furent punis de mort subite pour avoir pillé l’Église de Saint-Germain des Prés ».
-
[33]
Vraisemblablement, il s’est attaché à l’essentiel, c’est-à-dire à la reconstitution éminemment synthétique de plusieurs événements du ixe siècle (les pillages de 841, 843, 845 notamment, la résistance de l’évêque d’Orléans en 854, l’échec du siège de Paris en 885 et l’installation des Normands sur les îles de Jeufosse ou Oissel dès les années 850).
-
[34]
Voltaire, op. cit., p. 386.
-
[35]
G. Davy, « Les lois de Rollon au xviiie siècle : remarques sur le souvenir du pouvoir normatif ducal dans l’historiographie juridique normande des Lumières », Revue historique du droit français et étranger, 2, 2009, p. 181-209.
-
[36]
D. Hume, Histoire de la maison de Plantagenêt sur le trône d’Angleterre, I, Amsterdam, 1765, p. 135.
-
[37]
Quoiqu’on lise dans les Lettres persanes : « Les premiers gouvernements du monde furent monarchiques : ce ne fut que par hasard et par la succession des siècles que les républiques se formèrent » (Lettres persanes, op. cit., Lettre CXXV, p. 478). De même, dans ses Pensées, il fait allusion au hasard qui a formé la constitution des débuts capétiens (Pensées, 1302, op. cit., p. 439).
-
[38]
V. de Senarclens, Montesquieu, historien de Rome : un tournant pour la réflexion sur le statut de l’histoire au xviiie siècle, Genève, Droz, 2003, p. 169.
-
[39]
Pensées, 2036, op. cit., p. 626.
-
[40]
EL, liv. XXXI-xxiii, p. 391. À ces « étranges ravages » s’ajoute « l’étrange malheur » qui fit tomber la couronne à terre.
-
[41]
C. Fauchet, Les Antiquitez gauloises et françoises, I, Paris, 1610, liv. X, ch. IV, p. 369 ; F.-E. de Mézeray, Abrégé chronologique de l’Histoire de France, I, Amsterdam, 1696, p. 318.
-
[42]
Par exemple : C. Fleury, Histoire ecclésiastique, XI, Paris, 1720, liv. L, p. 50. Pas plus, d’ailleurs, Montesquieu ne reprend le thème – pourtant en vogue depuis le Moyen Âge – d’une volonté immanente qui aurait guidé les Vikings vers les rivages du royaume franc. C’est pourtant ce que défendent encore dans la première moitié du xviiie siècle certains historiens de la Normandie : « Enfin, l’on eut recours à Dieu, sa colère s’apaisant et sa divine bonté fit connaître aux Normands par des prodiges qu’Il les avait introduits en France pour leur conversion » (L. Levasseur de Masseville, Histoire sommaire de Normandie, I, Rouen, 3e édition, 1733, p. 85).
-
[43]
S. Goyard-Fabre, Montesquieu, la nature, les lois, la liberté, Paris, PUF, 1993, p. 110.
-
[44]
EL, liv. XXXI-x, p. 370 ; idée reprise aux Pensées (voir supra note 21) et apparemment avancée dès les années 1690 (Pensées, 198, op. cit., p. 238).
-
[45]
Le thème de la « vengeance » est aussi déjà utilisé pour justifier la guerre cruelle à laquelle les peuples du Nord se livrèrent contre l’Empire romain sous le règne de Valentinien (Considérations…, op. cit., ch. XVIII, p. 233).
-
[46]
F.-E. de Mézeray, Abrégé…, op. cit., p. 248.
-
[47]
Ainsi les songes ou visions divines avertissant Rollon de faire voile vers la France (ibid., p. 380).
-
[48]
Lettres persanes, op. cit., Lettre CVIII, p. 432 : « Les pays du Nord sont fort dégarnis, et il s’en faut bien que les peuples y soient, comme autrefois, obligés de se partager, et d’envoyer dehors, comme des essaims, des colonies et des nations entières chercher de nouvelles demeures ».
-
[49]
Par exemple, ce qu’en dit l’abbé de Choisy : « Les pirates n’étant pas contents de leurs glaces, venaient chercher des pays plus heureux, d’abord dans le dessein seulement de piller, ensuite ils y prirent goût et songèrent à y établir quelque domination » (Histoire de l’Église, V, Paris, 1740, XVII, 1, p. 21).
-
[50]
Sur ce point, voir notamment : R. Simek, « L’émergence de l’âge viking : circonstances et conditions », dans R. Boyer (dir.), Les Vikings, premiers Européens, viiie-xie siècles, Paris, Autrement, Coll. « Mémoires », n° 119, 2005, p. 17-18 et p. 24.
-
[51]
R. Kingston, « Montesquieu, Locke et la tolérance religieuse », dans Actes du colloque international commémorant le 250e anniversaire de la publication de l’Esprit des lois, Bordeaux, Académie Nationale des Sciences, Belles Lettres et Arts de Bordeaux, 1999, p. 234.
-
[52]
Dans son Histoire de France, Mézeray revient sur le personnage de Widukind : « Vindocind, appelé par quelques uns duc des Angoriens, et comme j’estime, eslu leur chef, à cause de son mérite, bien qu’il fut de naissance Danois ou Normand, s’enfuit avec les plus opiniâtres chez Sigifroy, roy au Dannemark » (Histoire de France depuis Faramond jusqu’à maintenant, I, Paris, 1643, p. 171). Au xviiie siècle, le prince saxon apparaît à certains, dont Voltaire, comme l’un des grands défenseurs de la liberté germanique (Voltaire, Essai…, op. cit., p. 326-327).
-
[53]
R. Shackleton, Montesquieu, biographie critique, Grenoble, PUG, 1977, p. 43 et p. 129.
-
[54]
Pensées, 752, op. cit., p. 342 précité.
-
[55]
Ibid., 100, p. 209-210.
-
[56]
G. Benrekassa, La politique et sa mémoire…, op. cit., p. 43.
-
[57]
EL, liv. XXVIII-xi, p. 222.
-
[58]
Ainsi, le règne de Charles le Simple, au cours duquel apparaît le duché de Normandie, illustre bien souvent le faîte de la décadence carolingienne. Dans son Essai sur les mœurs (op. cit., p. 388), Voltaire considère que « la France était alors expirante sous le règne de Charles le Simple, roi de nom et dont la Monarchie était encore plus démembrée par les ducs, par les comtes et par les barons ses sujets que par les Normands ».
-
[59]
J. Longueval, Histoire de l’Église gallicane dédiées à Nosseigneurs du Clergé, V, Paris, 1733, p. 274.
-
[60]
EL, liv. XXXI-xviii, p. 382-384.
-
[61]
C. Spector, Montesquieu. Liberté, droit et histoire, op. cit., p. 263.
-
[62]
EL, liv. XXXI-xxi, p. 387.
-
[63]
EL, liv. XXXI-xxvii, p. 397.
-
[64]
H. de Boulainvilliers, Essai sur la Noblesse de France, Amsterdam, 1732, p. 106.
-
[65]
EL, liv. XXXI-xxii, p. 388.
-
[66]
F.-E. de Mézeray, op. cit., p. 349 : « Durant toutes ces dissensions, les Normands avaient beau jeu. Le Chauve ne les arrêtait qu’avec de l’or, et par des présents qui les attiraient, bien loin de les repousser. De sorte que, tandis qu’il se perdait dans les imaginations de ses vaines conquêtes, ils imposent tribut à la France occidentale, et se faisaient payer à leur mode, à cause de quoi peut-être on les appela truands ».
-
[67]
Par exemple : S. Coupland, « The Frankish Tribute Payments of the Vikings and their Consequences », Francia, 26, 1, 1999, p. 57-75.
-
[68]
J.-P. Courtois, « Temps, corruption et histoire dans l’Esprit des lois », dans Le Temps de Montesquieu, Actes du colloque international de Genève (28 septembre-3 octobre 1998), Genève, Droz, 2002, p. 307.
-
[69]
Sur ce point, voir notamment les remarques de Badreddine Kassem (Décadence et absolutisme dans l’œuvre de Montesquieu, Genève, Droz, 1960, p. 217-220) et celles d’Élisabeth Magnou-Nortier (« Les lois féodales et la société d’après Montesquieu et Marc Bloch ou la société banale reconsidérée », Revue historique, 586, 1993, p. 324).
-
[70]
EL, liv. XXXI-xxiii, p. 390.
-
[71]
EL, liv. XXXI-xi, p. 374.
-
[72]
Considérations… op. cit., ch. XX, p. 258.
-
[73]
H. de Boulainvilliers, État de la France, dans lequel on voit tout ce qui regarde le gouvernement ecclésiastique, le militaire, la justice, les finances, le commerce, les manufactures, le nombre des habitans, & en general tout ce qui peut faire connoitre a fond cette monarchie, Londres, 1727, I, p. 440 : « Ce fut alors que les peuples commencèrent à abandonner les villes et les habitations communes pour se retirer dans les bois où ils se défendaient le mieux qu’ils pouvaient quand ils étaient découverts, demeurant au surplus cachés dans la terre et enfermés de palissades de bois pour se garder des bêtes sauvages. On peut imaginer quel point de désolation un tel gouvernement jeta en France ; les deux tiers du peuple en périrent, les arts les plus nécessaires furent oubliés, les terres demeurèrent sans culture et les lieux sans habitants ». Voir notamment : D. Venturino, « Boulainvilliers et Montesquieu ou la modération nobiliaire », Cahiers Montesquieu, 2 (L’Europe de Montesquieu), 1995, p. 103.
-
[74]
EL, liv. XXXI-xxv, p. 394.
-
[75]
EL, liv. XXXI-xxviii, p. 398.
-
[76]
EL, liv. XXXI-xxxii, p. 403. Sur ce passage, voir notamment : É. Magnou-Nortier, « Les lois féodales… », op. cit., p. 352.
-
[77]
J.-M. Goulemot, Le règne de l’Histoire : discours historiques et révolution, xviie et xviiie siècles, Paris, 1996, p. 355.
-
[78]
EL, liv. XXX-i, p. 299.
-
[79]
Pensées, 1832, op. cit., p. 568.
-
[80]
EL, liv. XXXI-xvi, p. 380 : « (…) l’État passa de l’anarchie à un gouvernement quelconque ». Dans ses Pensées, il est néanmoins plus critique à l’encontre des débuts de la troisième race dont l’histoire fut plus, en son commencement, celle du comté de Paris que celle de France tant ces rois furent humiliés (Pensées, op. cit., 1302, p. 439).
-
[81]
C. Gautier, « À propos du "commencement" ou de l’"établissement". Quelques remarques sur l’histoire », dans Actes du colloque international… op. cit., p. 366.
-
[82]
La formule est employée à plusieurs reprises (EL, liv. VI-xviii, p. 102 ; EL, liv. XIV-xv, p. 258).
-
[83]
É. Eydoux, « La littérature du Nord et le temps du paganisme », dans Dragons et Drakkars. Le mythe viking de la Scandinavie à la Normandie, xviiie- xxe siècles, Caen, Musée de Normandie, 1996, p. 30.
-
[84]
Sur cette idée, voir : F. Saint-Bonnet, « Remarques sur les arguments historiques dans le débat constitutionnel français (xvie- xviiie siècle) », Droits, Revue française de théorie juridique, 38, 2003, p. 137.
-
[85]
G. Davy, Le duc et la loi. Héritages, images et expressions du pouvoir normatif dans le duché de Normandie, des origines à la mort du Conquérant (fin du ixe siècle-1087), Paris, De Boccard, Coll. « Romanité et modernité du droit », 2004, p. 8-9.
-
[86]
« Lors, tous les brigands s’appelloient Normans, comme aujourd’hui Reistres tous pistoliers noircis » (C. Fauchet, Recueil de l’origine de la langue et poésie françoise, Paris, 1610, p. 550).
-
[87]
D. Tamm, « Montesquieu et le Danemark », dans J. Ehrard (dir.), Montesquieu du Nord au Sud, Actes de la Table ronde de Paris (janvier 1999), Oxford, Voltaire Foundation, 2001, p. 38. Sur les critiques que Mallet formule à l’encontre des travaux du baron Holberg, voir son Histoire du Dannemarc, Genève, 1764, préface, p. 2-3.
-
[88]
Pas uniquement d’ailleurs : elle sert aux géographes du xviiie siècle à décrire le monde paysan de leur temps (A. Burguière, « La centralisation monarchique et la naissance des sciences sociales. Voyageurs et statisticiens à la recherche de la France à la fin du xviiie siècle », Annales Histoire, Sciences sociales, 55e année, 1, 2000, particulièrement p. 202-205).
-
[89]
R. Boyer, « Sur le mythe Viking en France », dans Dragons et Drakkars, op. cit., p. 128-129.
-
[90]
Considération sur les causes…, op. cit., ch. XV, p. 205. L’influence de l’ouvrage L’État du Danemark rédigé par Robert Molesworth en 1694, et traduit en français l’année suivante, paraît à ce sujet manifeste (M. Crenn, « Des relations de voyage à l’image du Nord : l’exemple de la Scandinavie dans l’œuvre de Voltaire », dans Le Nord. Latitudes imaginaires, Actes du XXIXe congrès de la Société française de littérature générale et comparée, Lille, Université Charles de Gaulle, 2000, p. 149).
-
[91]
Pensées, 806, op. cit., p. 351.
-
[92]
C. Kidd, « Northern Antiquity : the Ethnology of Liberty in Eighteenth-Century Europe », dans K. Haakonssen et H. Horstboll (dir.), Northern Antiquities and National Identities, Historisk-Filosofiske Meddeleslser 101, 2007, p. 31.
-
[93]
G. Benrekassa, La politique et sa mémoire…, op. cit., p. 212.
-
[94]
Lettres persanes, op. cit., Lettre CXXV, p. 480.
-
[95]
C. Volpilhac-Auger, Tacite et Montesquieu, Oxford, Voltaire Foundation, 1985, notamment p. 127-147.
-
[96]
EL, liv. XVII-v, p. 300.
-
[97]
Lettres persanes, op. cit., Lettre CXXX, p. 492.
-
[98]
F. Markovits, Montesquieu. Le droit et l’histoire, Paris, Vrin, 2008, p. 63.
-
[99]
La théorie des climats accrédite alors l’idée que chaque nation devait disposer d’un droit spécifique conforme à son esprit général (J.-L. Halpérin, Entre nationalisme juridique et communauté de droit, Paris, PUF, Coll « Les voies du droit », 1999, p. 14).
-
[100]
EL, liv. XIV-iii, p. 249.
-
[101]
EL, liv. XIV-xiv, p. 258.
-
[102]
L’amour de la frugalité comme celui de l’égalité étant pour lui la principale vertu politique (C. Spector, « L’Esprit des lois de Montesquieu. Entre libéralisme et humanisme civique », Revue Montesquieu, 2, 1998, p. 141), essence du principe de démocratie. La démocratie antique de même que la « démocratie viking », a-t-il été écrit, reposent sur la liberté et l’égalité qu’un droit vient synthétiser en système (J. Bouineau, « Démocratie antique, démocratie viking », dans La Pensée démocratique, Actes du colloque d’Aix en Provence (21-22 septembre 1995), Aix-en-Provence, PUAM, AFHIP, 1996, p. 14). En fait, la thèse d’une « démocratie viking » n’est guère recevable et peut-être faudrait-il définitivement créditer les colonies scandinaves – essentiellement l’Islande – de tendances seulement proto-démocratiques (J. Byock, L’Islande des Vikings, Paris, Flammarion, 2007, p. 88). Quoi qu’il en soit, cette lecture « démocratisante » de la société nordique par analogie avec la démocratie grecque semble pour partie tributaire des écrits du baron de la Brède. Dès les Lettres persanes, Montesquieu introduit en effet l’ambiguïté en énonçant que « les peuples du Nord et d’Allemagne n’étaient pas moins libres [que la Grèce] ; et si l’on trouve des vestiges de quelque royauté parmi eux, c’est qu’on a pris pour des rois, les chefs des armées, ou des républiques » (Lettres persanes, op. cit., Lettre CXXV, p. 479). Que l’on se souvienne dès lors des propos formulés, non sans malice, par les parlementaires rouennais de la seconde moitié du xviiie siècle, dans les Additions aux remontrances du Parlement (« le Génie de la Nation française et celui des Danois ne différait donc point en ce qui concerne la souveraine autorité : ils étaient convaincus les uns et les autres qu’elle résidait dans le corps de la Nation, et non dans le prince seul », s.a., s.l., 1756, p. 10).
-
[103]
Pensées, 100, op. cit., p. 209.
-
[104]
C. Spector, Montesquieu. La liberté… op. cit., p. 86-87.
-
[105]
S. Rials, « 1689-1989 : une lecture de Montesquieu », dans J.-L. Harouel (dir.), Histoire du droit social. Mélanges en l’honneur de Jean Imbert, Paris, PUF, 1989, p. 480.
-
[106]
G. de La Foy, De la constitution du duché ou État souverain de Normandie, des variations qu’elle a subies depuis Rollon jusqu’à présent, s.l., 1789, p. 38. Sur ce point : G. Davy, « Primitivisme et réformisme dans le De la constitution du duché ou État souverain de Normandie de Guillaume de La Foy (1789) », Annales de Droit, 5, 2011, p. 17-42.
-
[107]
C. Grell, L’histoire entre érudition et philosophie. Étude sur la connaissance historique à l’âge des Lumières, Paris, PUF, 1993, notamment p. 246 et s.
-
[108]
G. Benrekassa, « Philosophie du droit et histoire dans les Livres XXVII et XXVIII de l’Esprit des lois », dans Le Concentrique et l’excentrique, marges des Lumières, Paris, Payot, 1980, p. 159.
-
[109]
Pensées, 1051, op. cit., p. 387 : « (…) il se pourrait de même, selon le sentiment du père Lobineau, qu’on n’aurait donné d’abord à Rollon qu’une partie de la Normandie, comme le diocèse de Rouen et les terres voisines, et que le Cotentin avait déjà été donné aux Bretons ».
-
[110]
Considérations…, op. cit., ch. XIX, p. 244.
-
[111]
P. Bauduin, La première Normandie (xe- xie siècles), Caen, PUC, 2004, notamment p. 78-79.
-
[112]
G. Benrekassa, « Philosophie du droit… », op. cit., p. 157.
-
[113]
« Histoire universelle de M. de Voltaire », parue au Mercure de France, septembre 1745, p. 10, reprise dans l’Essai sur les mœurs…, op. cit., p. 389-390.
-
[114]
F.-E. de Mézeray, Abrégé chronologique…, op. cit., p. 380 ; G. Daniel, Histoire de France depuis l’établissement de la Monarchie françoise dans les Gaules, II, Amsterdam, 2e édition, 1720, p. 219 ; H. de Boulainvilliers, État de la France, op. cit., I, p. 491.
-
[115]
Ainsi, au Livre XXV, il souligne la facilité qu’ont les peuples barbares de changer de religion (EL, liv. XXV-ii, p. 152-154), ce que reprendra Paul-Henri Mallet (Histoire du Dannemark, op. cit., I, p. 38 : « Il ne faut donc pas s’étonner de voir des essaims de Germains et de Scandinaves embrasser si promptement la religion chrétienne dans les pays dont ils font la conquête, ni se persuader que ces peuples en général n’eussent qu’un faible attachement pour le culte de leurs dieux »).
-
[116]
Essai sur les mœurs… op. cit., p. 390.
-
[117]
EL, liv. V-v, p. 51.
-
[118]
Sur le comte normand, on se reportera à l’étude d’Olivier Tholozan (Henri de Boulainvilliers, l’anti-absolutisme aristocratique légitimé par l’histoire, Aix-en-Provence, PUAM, 1999).
-
[119]
J. Terrel, « À propos de la conquête : droit et politique chez Montesquieu », Revue Montesquieu, 8, 2005-2006, p. 140-142.
-
[120]
EL, liv. XXX-x, p. 307 : « M. le comte de Boulainvillliers a manqué le point capital de son système : il n’a point prouvé que les Francs aient fait un règlement général qui mit les Romains dans une espèce de servitude ».
-
[121]
C. Spector, Montesquieu. La liberté…, op. cit., p. 262.
-
[122]
« Le temps fatal était arrivé où les Normands (…) se firent chrétiens à l’exemple de Raoul, et devinrent en peu de temps de bons français » (État de la France, op. cit., I, p. 491).
-
[123]
Francs et Normands disposent les uns et les autres du droit de conquête (ibid., I, p. 492). Néanmoins, alors que ce droit s’exerça aux dépens des Gaulois, dont Boulainvilliers nous dit qu’ils furent réduits à l’état de gens de mainmorte (ibid., I, p. 132), il explique que Rollon « détruisit, dans toute sa domination, ce que l’on appelait la mainmorte, accordant des biens et le droit de succession à tous les hommes indifféremment » (ibid., I, p. 492).
-
[124]
J. Terrel, op. cit., p. 142.
-
[125]
G. Benrekassa, Montesquieu, la liberté… op. cit., p. 146.
-
[126]
EL, liv. X-xi, p. 157. Sur l’utilisation du trinôme « mœurs, génie et constitution » par les cours souveraines, se reporter à : A. Vergne, La Notion de constitution d’après les cours et assemblées à la fin de l’Ancien Régime (1750-1789), Paris, De Boccard, « Romanité et modernité du droit », 2006, p. 303-307.
-
[127]
EL, liv. X-iii, p. 151.
-
[128]
Sur ce point : C. Cheminade, « Histoire et politique dans l’Esprit des lois : Montesquieu, Dubos et saint Rémi », dans Le Temps de Montesquieu, op. cit., p. 346. Voir aussi : G. Davy, « Histoire, droit et histoire du droit médiéval dans l’œuvre de David Hoüard. Continuité juridique et discontinuité historiographique », dans Journée de la Société d’histoire du droit et des institutions des pays de l’Ouest de la France, Bayeux, 16 octobre 2010, à paraître courant 2011.
-
[129]
Le président Hénault, notamment, qui rappelle qu’encore au premier tiers du ixe siècle, les peuples du Nord étaient soumis à l’empereur franc et que les Danois reçurent leur roi de sa main (Nouvel abrégé…, op. cit., p. 62). Pour une analyse de la question : P. Bauduin, Le monde franc et les Vikings, viiie-xe siècle, Paris, A. Michel, coll. « Évolution de l’humanité », 2009.
-
[130]
Comme l’explique Catherine Larrère, les mœurs forment un ensemble résistant au sein duquel se produit l’émergence de « l’esprit général » de l’unité sociale (« Droits et mœurs chez Montesquieu », Droits, Revue française de théorie juridique, 19, 1994, p. 17).
-
[131]
EL, liv. XXX-vi, p. 303.
-
[132]
Sur ce point, voir : G. Davy, « Les lois de Rollon au xviiie siècle… », op. cit., p. 187-189.
-
[133]
EL, liv. XXVIII-xlv, p. 279.
-
[134]
EL, liv. V-v, p. 51.
-
[135]
Pour un aperçu bibliographique : G. Davy, op. cit., p. 202-208 et notes correspondantes.
-
[136]
H. Basnage, Œuvres contenant ses commentaires sur la coutume de Normandie, I, Rouen, 1778, 4e édition, De juridiction, p. 4. Voir aussi le compte rendu paru au Journal des Savants (Journal des Sçavants, 1679, p. 334).
-
[137]
EL, liv. XIX-v, p. 330 : « C’est au législateur de suivre l’esprit de la nation, lorsqu’il n’est pas contraire aux principes du gouvernement ».
-
[138]
Cf. supra note 57.
-
[139]
Voir notamment : J. Bart, « Montesquieu et l’unification du droit », dans Le Temps de Montesquieu, op. cit., particulièrement p. 138-143.
-
[140]
EL, liv XXVIII-xix et xx, p. 235-238.
-
[141]
Sur ce point : C. Spector, « Y a-t-il une rationalité des coutumes ? Montesquieu », dans O. Guerrier, F. Inizan et P. Marengo (dir.), La coutume : formes, représentations et enjeux, colloque organisé les 26, 27 et 28 novembre 2008 à Sarlat, actes à paraître courant 2011. En cela, Montesquieu va plus loin que Laurière qui considérait, déjà, que l’émergence des coutumes avait mis fin à l’arbitraire seigneurial et restauré l’état de droit (J.-L. Thireau, « Un historien du droit au Grand Siècle : Eusèbe-Jacob de Laurière », dans J. Poumarède (dir.), Histoire de l’histoire du droit, Toulouse, Presses de l’Université de Toulouse, 2006, p. 55-58).
-
[142]
Alors qu’il a pu lire chez Hénault qu’encore en 924, les Normands continuent leurs incursions (Nouvel abrégé chronologique…, op. cit., p. 85).
-
[143]
Réflexions sur la monarchie universelle, op. cit., ch. XI, p. 264.
-
[144]
Par exemple, dès autour de 1680, Henri Basnage avait déjà avancé qu’ils « n’étaient pas une troupe ramassée de pirates désespérés comme les moines de ce siècle nous les ont dépeints » (Œuvres contenant ses commentaires…, op. cit., p. 4).
-
[145]
Il conviendrait toutefois de rappeler que l’approche climatique du caractère propre aux anciens Danois a été mise en lumière notamment dans les Essais sur le génie et le caractère des nations que François-Ignace d’Espiard fait paraître en 1743 (Essais sur le génie et le caractère des nations, Bruxelles, 1743, III, liv. VI, p. 32), dont l’influence a pu se révéler sensible sur les derniers livres de l’Esprit des lois (R. Schakleton, op. cit., p. 239-240).
-
[146]
Léon Thiessé, par exemple, se révèle particulièrement critique à l’encontre d’un duc tel que Richard II qui usa de violence au début de son règne à l’encontre des « fiers Normands » assemblés et insurgés contre les injustices de la noblesse (L’Histoire du duché de Normandie, sl., 1825, p. 72-74). Encore au début du xxe siècle, les historiens « positivistes » ont parfois fondé sur cet épisode de la fin du xe siècle l’hypothèse selon laquelle les primo Normands avaient importé en Neustrie les cadres de leurs assemblées populaires, idée propice à une interprétation « démocratique » des premières décennies du duché (H. Prentout, « Études sur quelques points d’histoire de Normandie. Le règne de Richard II », Mémoires de l’Académie nationale de Caen, V, 1929, p. 61-66). Voir à ce sujet les remarques de Lucien Musset (« Gouvernés et gouvernants dans le monde scandinave et dans le monde normand (xie-xiie siècles) », dans Nordica et Normannica. Recueil d’études sur la Scandinavie ancienne et médiévale, sur les expéditions des Vikings et la fondation de la Normandie, Paris, Société des études nordiques, 1997, p. 428).
-
[147]
Sur le rôle de ces pouvoirs, voir notamment : É. Gojosso, « L’encadrement juridique du pouvoir selon Montesquieu. Contribution à l’étude des origines du contrôle de constitutionnalité », Revue française de droit constitutionnel, 71, 2007, p. 499-512.
-
[148]
Une telle approche se retrouve encore dans l’introduction du second volet que Lucien Musset a consacré aux invasions germaniques (Les invasions. Le second assaut contre l’Europe chrétienne (viie-xie siècle), Paris, PUF, 1965, notamment p. 46). À compléter par : S. Lebecq (« Les invasions. Les vagues germaniques de Lucien Musset, à propos de la 3e édition (1994) », dans V. Gazeau et F. Neveux (dir.), Postérité de Lucien Musset, Caen, PUC, 2009, p. 15-19).
-
[149]
Comme le remarque Catherine Larrère, Montesquieu tente de se dégager du couple monarchie universelle/équilibre des puissances, creusets de la guerre, pour opposer le commerce à la conquête militaire (Réflexions…, op. cit., p. 331-332).
-
[150]
Cette influence a notamment été mise en lumière par Régis Boyer (Le mythe viking dans les lettres françaises, Paris, Éditions du Porte-Glaive, 1986, p. 41 et s.).
-
[151]
Notamment les ouvrages de Claude Ornhialms (mentionné aux Pensées, 198, op. cit., p. 221), surtout d’Olaüs Rudbeck, dont Montesquieu n’a probablement pas lu l’Atlantica (EL, liv. XVII-v, p. 300), et de Thomas Bartholin, dont on suppose qu’il a consulté les travaux (EL, liv. XXIV-xix note, p. 146).
-
[152]
J.-Y. Guiomar, « Les peuples du Nord, matrice d’un système politique et culturel ? », Revue du Nord, 87, 2005, p. 569.
-
[153]
J.-M. Roulin, « Paul-Henri Mallet (1730-1807), un historien genevois face aux "ténébreuses horreurs des antiquités septentrionales" » dans A. Dubois (dir.), Les Conditions de la vie intellectuelle et culturelle en Suisse romande au temps des Lumières, Paris-Genève, Champion-Slatkine, 1996 (Annales Benjamin Constant, 18-19), p. 127-137. Sur l’impact de la littérature scandinave sur les Lettres françaises, voir notamment : J. Renaud, « Le mythe du Viking chez les Normands », Études Germaniques, 4, 1995, p. 671-678. De même, Régis Boyer a mis en lumière l’influence que le Krákumál (autrement dit le chant de Ragnar) exerça au xixe siècle en inspirant à Chateaubriand son célèbre bardit des Francs auquel Augustin Thierry devrait sa vocation d’historien (R. Boyer, « Le thème de Ragnar Lodbrók dans les lettres françaises », dans Rencontres et courants littéraires franco-scandinaves, Actes du 7e Congrès international d’histoire des littérature scandinaves (7-12 juillet 1968), Paris, « Bibliothèque nordique » n° 4, 1973, p. 41).
-
[154]
P.-H. Mallet, De la Ligue hanséatique, de son origine, ses progrès, sa puissance et sa constitution politique jusqu’à son déclin au seizième siècle, Genève, 1805, p. 142.
-
[155]
P.-H. Mallet, Quelle influence de la philosophie sur les belles lettres ? Discours inaugural prononcé à Cassel le 8 avril 1772, BNF, côte Res. P-R-884, p. 84-85.
-
[156]
P.-H. Mallet, Monuments de la mythologie et de la poésie des Celtes et particulièrement des anciens Scandinaves pour servir de supplement et de preuves à l’introduction à l’histoire de Dannemarc, Copenhague 1756, p. 176 note (a). On sait en effet que dans bien des pays de l’Europe du xviiie siècle, la Germania conserve un statut de texte fondateur (C. Kidd, « Northern Antiquity … », op. cit., p. 22). Tacite offre donc une source (disons plutôt une origine) non-romaine à l’histoire constitutionnelle (H. D. Weinbrot, « Politics Taste and National Identity : Some Use of Tacitism in Eighteenth-Century Britain », dans T. J. Luce et A. J. Woodman (dir.), Tacitus and the Tacitean Tradition, Princeton, Princeton University Press, 1993, p. 178). Une illustration se révèle d’ailleurs frappante : la troisième édition de l’Introduction à l’histoire du Dannemark de Paul-Henri Mallet change le titre du huitième chapitre et, au lieu de « Du gouvernement et des lois des anciens Danois », on lit « Du gouvernement des anciens peuples du Nord », modification intégrant autant la Scandinavie que la Germanie de Tacite (T. J. Beck, Northern Antiquities in French Learning and Literature (1755-1855), New York, Columbia University, 1934, p. 63).
-
[157]
P.-H. Mallet, Introduction à l’histoire du Dannemarc, Copenhague, 1755, p. 8.
-
[158]
Régis Boyer, François Saint-Bonnet et Éric Gojosso ont éclairé la présente étude de leurs précieux conseils. Qu’ils trouvent ici l’expression de ma très sincère reconnaissance.