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Article de revue

La French Tech : une nouvelle forme de mobilisation des territoires pour faire face à la compétition mondiale ?

Pages 612 à 634

Notes

  • [1]
    La French Tech est composée d’une entité nationale et d’entités locales. La French Tech nationale a pour objectif d’assurer la cohésion et la coordination des métropoles sur le territoire français. Elle joue un rôle de coordination et crée les conditions d’une proximité géographique temporaire – avec tous les deux mois des réunions réunissant les FT locales pour réaliser des points d’étapes, monitorer les projets et faire du partage d’expérience. Au niveau international, elle s’est fixée comme objectif de promouvoir l’écosystème des start-ups françaises et de réaliser des opérations d’influence.
  • [2]
    Source : Indice mondial de l’innovation (2017) par l’Université Cornell, l’INSEAD et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
  • [3]
    Il s’agit de programmes qui offrent aux entreprises en démarrage l’accès à du mentorat, à des investisseurs et à d’autres formes de soutien pour les aider à devenir stables et autonomes. Plusieurs établissements viennent compléter les financements/investissements avec, entre autres, Bpifrance, Business France, la Caisse des Dépôts et Consignations ou encore la Direction Générale des Entreprises. Notons que ceci montre d’ores et déjà l’implication de nombreux acteurs du territoire national pour faciliter l’internationalisation des entreprises.
  • [4]
    Le CES (Consumer Electronics Show) est le salon international sur les hautes et nouvelles technologies qui se tient chaque année à Las Vegas.
  • [5]
    Nous reprenons ici l’idée de Bernard Pecqueur selon laquelle dans un monde globalisé, il ne s'agit plus pour les territoires de se spécialiser dans un schéma comparatif, mais plutôt d'échapper aux lois de la concurrence lorsqu'elles sont impossibles à suivre, en visant la production pour laquelle ils seraient (dans l'idéal) en situation de monopole.
  • [6]
    Le COMPUTEX est un salon international dédié à l’informatique high-tech qui se tient chaque année au Taipei.
  • [7]
    Business to Business (commerce inter-entreprises)
  • [8]
    Il s’agit d’un programme national d’accompagnement lancé en 2014 à destination des entreprises en hyper-croissance, considérées comme les « pépites de la French Tech ». Actuellement, pour rentrer dans ce dispositif, il faut enregistrer un chiffre d’affaires entre 10 M€ et 50 M€ et une croissance de + 25 % sur 3 ans ou un chiffre d’affaires entre 100 k€ et 3 M€ et une croissance de + 100 % sur 3 ans.
  • [9]
    Il s’agit d’un dispositif qui organise des évènements sur le territoire français où les start-ups et les grands groupes se rencontrent pour innover ensemble.
  • [10]
    La CCI, la CCRI, la métropole, le conseil régional et ses agences, la BPI, la Direction générale des entreprises, UBIFRANCE, Business France, la Caisse des dépôts et consignations, etc.

1.  Introduction

1Les start-ups françaises sont de plus en plus incitées par les politiques publiques à se projeter dans une stratégie de développement à l’échelle mondiale. Néanmoins, elles se retrouvent très vite confrontées à une compétition accrue dans une économie globalisée et libéralisée qui les concerne aussi bien que les territoires. Cette compétition est à l’origine d’un double processus : elle renforce à la fois la mondialisation, et en même temps elle est à l’origine d’une démondialisation (Bello, 2002), c’est-à-dire d’un processus qui vise notamment à relocaliser la création de richesse par la mise en place de mesures protectionnistes à l’encontre des échanges de marchandises (barrières douanières, régulation des flux de matière et d’énergie). De fait, depuis de nombreuses années, les territoires s’organisent afin d’accompagner leurs entreprises dans ce double processus pour (i) favoriser leur ancrage local et donc éviter leurs délocalisations (car les conditions d’accompagnement du secteur privé et l’environnement entrepreneurial seraient meilleurs ailleurs), (ii) lutter contre les éventuelles barrières de pays tiers qui viseraient à favoriser leurs entreprises au détriment de celles d’autres pays et (iii) participer à leur rayonnement et leur attractivité. Les dispositifs d’accompagnement sont nombreux et prennent de multiples formes. À ce jour, en France, la forme la plus aboutie d’une politique publique allant dans ce sens est celle des pôles de compétitivité. Créée en 2004, cette politique de l’État visait à créer des effets de proximités à la fois géographique (Gilly et Torre, 1995), mais aussi organisée (Bouba-Olga et Grossetti, 2008) afin d’améliorer, dans un triple jeu, (i) la mise en relation des entreprises d’une même filière, (ii) le renforcement de l’innovation par les entreprises et (iii) l’attractivité des territoires concernés. Pourtant, la machine est lourde et n’enregistre pas toujours les effets escomptés (Perrat, 2007 ; Weil, 2009 ; Duranton et al., 2008 ; Hussler et al., 2013). Par ailleurs, comme le soulignent certains auteurs (Suire et Vicente, 2008 ; Balland et al., 2013 ; Arauzo-Carod et al., 2018) faire reposer le potentiel de l’innovation en France sur la proximité géographique entre les firmes innovantes est loin d’être une garantie de réussite. De ce point de vue, les auteurs argumentent que le succès des coopérations entre entreprises pour innover et améliorer leur compétitivité réside davantage dans la capacité des acteurs publics et privés à organiser les réseaux.

2C’est dans ce contexte qu’en novembre 2013, la French Tech [1] a été mise en place. Les équipes pilotes de la démarche sont parties du constat, qu’aujourd’hui, la France occupe seulement la quinzième place du classement mondial de l’innovation [2] et possède donc une marge de progrès importante. Ce dispositif prend la forme d’un label dont le but est de mobiliser les écosystèmes métropolitains pour faire émerger des start-ups à succès, susceptibles de générer du développement économique et de l’emploi (voir les métropoles sélectionnées, tableau 1 ci-dessous).

3La première vague de labellisation a consacré les neuf plus grandes métropoles régionales françaises, à l’exception de Strasbourg qui est inscrit dans une labellisation thématique et inclus dans une seconde vague de labellisation deux ans après la première. À l’exception de Nice (6e agglomération par sa taille et qui incorpore Grasse et Cannes dans le Label), cette deuxième vague de labellisation concerne des grandes villes moyennes françaises (Caen-Rouen-Le Havre pour la Normandie ; Quimper-Brest-Morlaix pour la Bretagne ouest ; Nancy-Metz-Epinal-Thionville), pour la plupart regroupées pour l’occasion et qui ont du mal à former des métropoles fonctionnelles. On voit également dans cette liste une prédominance des espaces métropolitains d’envergure et économiquement dynamiques (les métropoles des littoraux et des grandes vallées) alors que les villes du centre, les villes moyennes et celles des régions plus en difficulté économiquement sont absentes de la French Tech. On assiste à une sélection par le haut en supposant que ces villes et territoires labellisés soient les plus à même de s’inscrire dans la compétition mondiale.

Tableau 1

Labellisation des métropoles French Tech… la diagonale du vide.

Accreditation of French Tech designated cities : the empty diagonal.

Les territoires de la French Tech
Première vague de labellisation Deuxième vague de labellisation
Métropole French Tech Labellisation thématique
Aix-Marseille
(e-commerce et e-tourisme)
Lyon
(robotique et big data)
Brest
(expertise maritime)
 
Saint-Étienne
(design)
Bordeaux
(transports intelligents
et commerce connecté)
Montpellier
(image numérique, smart cities, objets connectés)
Normandie
(smart cities, smart port & logistic, smart industries)
Angers
(industrie)
Grenoble
(objets connectés, logiciels
et systèmes embarqués)
Nantes
(culture, santé, matériaux)
Nice
(image numérique, smart cities)
 
Avignon
(culture)
Lille
(Cht’ilicon Valley)
Rennes
(traitement de l’image et télécom)
Lorraine
(e-commerce, matériaux, santé, énergie)
Alsace
(sciences)
Toulouse
(aéronautique et Internet de l’objet)
 
 
tableau im1

Labellisation des métropoles French Tech… la diagonale du vide.

Accreditation of French Tech designated cities : the empty diagonal.

4Cette initiative est dotée d’un budget de 200 millions d’euros investis par l’État dans les accélérateurs [3]. L’objectif est de financer des structures privées d’accompagnement de l’entrepreneuriat proposant des services à haute valeur ajoutée aux start-ups, leur apportant des moyens « industriels » et parfois financiers pour leur permettre de croître plus rapidement. À cela viennent s’ajouter 15 autres millions pour renforcer le rayonnement de la France à l’international sur les questions numériques (outils de communication et d'influence au service des start-ups). Le label se veut plus flexible que les pôles de compétitivité, ancré localement et a pour objectif principal d’améliorer la visibilité internationale des jeunes entreprises françaises qui souhaitent conquérir le marché mondial, en rassemblant sous une même entité (i) les start-ups françaises, (ii) l’écosystème des grands groupes et (iii) les acteurs publics selon une logique collective initiée et poussée par l’État. Le sens de la démarche fait écho à celle des pôles de compétitivité mais se veut plus souple. Au moment de son lancement, la French Tech semble avoir réussi à mobiliser les acteurs si l’on en croit l'ampleur de la délégation française lors des grands rendez-vous à l'international dédiés à l'innovation. Ceci s’est confirmé lors du dernier CES [4] de Las Vegas où elle comptait par exemple 275 entreprises et structures exposantes (dont 233 start-ups). L'initiative, pilotée au sein de l'Agence du numérique et rattachée au ministère de l'Économie, vise à fédérer l’écosystème français du numérique. On dénombre actuellement treize métropoles French Tech en dehors de la capitale qui ont dû candidater pour obtenir la reconnaissance. En 2018, un nouvel appel à projets ouvrira les demandes de (re)labellisation, chaque métropole souhaitant être reconnue – y compris celles qui le sont déjà – devra déposer un nouveau dossier.

5À ce jour, nous n’avons pas recensé dans la littérature académique de travaux analysant ce nouveau dispositif. Aussi, cet article propose d’analyser, à partir de la grille des Proximités (Rallet et Torre, 1993 et 2001 ; Torre et Rallet, 2005) quels sont les intérêts à la fois pour les entreprises et les territoires labélisés d’intégrer la French Tech, et ce, à partir d’entretiens semi-directifs auprès des différentes parties prenantes. À notre connaissance, ce cadre théorique ici mobilisé n’a été que très peu utilisé par les géographes alors que les économistes en font largement usage. Or, nous pensons que cette grille peut trouver de nombreuses applications dans de futures recherches en géographie, et notamment sur le volet du management territorial de l’innovation, où les relations entre les acteurs et organismes territoriaux, en particuliers publics, et les entreprises sont devenues plus intenses, reconfigurant localement les systèmes productifs.

6Plus spécifiquement, alors que la mondialisation a été présentée comme une force inéluctable qui signerait la « mort de la géographie » (O’Brien, 1992 ; Cairncross, 2001 ; Friedman, 2005), nous pensons qu’au contraire les territoires et les acteurs qui les composent s’organisent et se mobilisent pour faire valoir leurs avantages compétitifs (Saxenian, 1994 ; Porter, 1995), voire différenciatifs [5] (Pecqueur, 2006 et 2007), dans un contexte de compétition mondiale. Aussi, dans cet article, nous poursuivons l'argument selon lequel « la géographie compte » en faisant l’hypothèse que la French Tech constitue un outil d’adaptation et de réaction pour les territoires et pour les entreprises, aux prises à une mondialisation exigeant des comportements agiles. Ces derniers nécessitent davantage d’intermédiation (Nadou, 2013), de processus disruptifs et font naître des économies de transition et d’innovation (Pecqueur et Nadou, 2018). Le label French Tech s’inscrit dans cette perspective et des tentatives de (re)structuration et d’appropriation à la fois des dynamiques entrepreneuriales sur les territoires, et du rapport du global au local.

7Nous reviendrons en premier lieu sur une approche théorique des liens formalisés dans la littérature entre territoires et entreprises dans un contexte d’économie mondialisée, et nous présenterons spécifiquement l’appareillage des proximités qui permet d’avoir une lecture interactionniste des dynamiques territoriales à l’œuvre. Puis, au travers de celle-ci, nous ferons un premier état des lieux et présenterons les enjeux posés par la French Tech pour les territoires qui s’y sont engagés à partir de l’exploitation d’entretiens semi-directifs.

2.  S’adapter à la compétition internationale : les formes de proximités entre entreprises et territoires

2.1.  Retours sur les différentes formes d’organisations spatiales liant les territoires aux entreprises face à la compétition internationale

8La création d’un cluster a toujours suscité un grand intérêt de la part des décideurs depuis les success stories, entre autres, de la Silicon Valley et de la Route 128 aux États-Unis, de Sophia-Antipolis en France et des clusters japonais (Yokohama, Sapporo, Nagoya), d’autant plus que, l’impact des entreprises de haute technologie sur la croissance a largement été prouvé (Van Stel et al., 2005 ; Hartog et al., 2012 ; Keeble et Wilkinson, 2017). Ces clusters ont souvent été mis en exergue comme des formes territoriales ancrées dans la mondialisation et favorisant la compétitivité des organisations qui en faisaient partie. Ces formes d’organisations spatiales qui visaient à mettre en relation le territoire, les entreprises et les innovations ont attiré également l’attention d’un grand nombre de chercheurs. Ils ont notamment tenté de comprendre les configurations locales à l’origine de ces regroupements et la nature des interactions. L'évolution dans ce domaine revient d’abord aux travaux des géographes sur la « localisation des activités économiques ». Leurs contributions remontent premièrement à « L'État isolé » de von Thünen (von Thünen, 1826). Son analyse portait alors sur la location et l'utilisation des terres autour d'une ville isolée et était quasiment contemporaine de la théorie des avantages comparatifs de Ricardo. Ce travail a ensuite été suivi dans le cadre des districts industriels de Marshall (1890), qui met en lien les localisations des entreprises à leur performance économique, avec des firmes qui choisissent de se regrouper en raison d’externalités qui peuvent en découler. Il a donné trois raisons pour lesquelles les entreprises de la même industrie auraient tendance à s'installer les unes près des autres : (i) la mise en commun du marché du travail, (ii) les infrastructures communes (les entreprises du même secteur ont généralement besoin d'infrastructures spécialisées similaires, comme l'accès à l'eau, aux réseaux ferroviaires, aux universités, etc.) (iii) les retombées en termes d’innovation et de création de valeur (l'apprentissage interentreprises est plus facile entre firmes de la même industrie/d’une même filière). Des travaux plus récents dans le domaine de la géographie économique ont étendu la notion de « forces d'agglomération » pour inclure les rendements croissants, les coûts de transport et la demande (Krugman, 1993) pour expliquer la concentration géographique des activités économiques dans l’espace.

9Cette littérature issue de la géographie économique documente l'impact de la proximité sur la performance économique régionale et la compétitivité des entreprises. Peut-être plus important encore est le contraste que relèvent les géographes avec les régions économiquement moins développées. Christaller (1933) a observé que les lieux très dynamiques étaient entourés de zones où l'activité du marché était souvent très faible. Il explique cela par le fait que les retombées économiques de la région-centre diminuent avec la distance. Losch (1940) quant à lui suggère que les activités économiques ne peuvent être entreprises que dans un certain nombre de lieux, en fonction de la disponibilité des ressources économiques sur place. Parmi les autres facteurs explicatifs des activités industrielles géographiquement concentrées, citons les économies d'échelle telles que la réduction des coûts de production et de livraison (Weber, 1909 ; Krugman, 1993) ou encore la capacité à innover pour rester dans la compétition internationale (Becattini, 1990 ; Dei Ottati, 1994).

10Dans les années 1980, les études ont noté le fort développement économique dans les régions du nord-est et du centre de l'Italie, en comparaison avec la région la moins performante du sud et du nord-ouest de l'Italie, la deuxième Italie, qui subissait alors un ralentissement économique. Les développements importants dans la « Troisième Italie » ont été caractérisés par une concentration ou un regroupement d'entreprises dans des endroits spécifiques selon les secteurs industriels. Les travaux pionniers de Becattini (1987) sur les districts industriels ont ouvert la voie à de multiples analyses des formes organisées de grappes d’entreprises. On retrouve dans la littérature de nombreuses déclinaisons d’études sur les colocalisations d’entreprises dans l’espace pour collaborer telles que les technopôles (Scott, 1990 ; Benko, 1991), les milieux innovateurs (Aydalot, 1986 ; Camagni, 1991 ; Crevoisier, 2001 ; Camagni et Maillat, 2006), les systèmes productifs locaux (Courlet et Pecqueur, 1992 et 1993) ou encore les lieux aimants (Markusen, 1996).

11Poussé par sa volonté de mieux cerner si les concentrations spatiales d’entreprises sur un territoire leur permettaient de s’adapter à la compétition mondiale, Porter a mené de nombreux travaux (1990, 1995 et 1998) qui ont marqué un pas important dans les réflexions à la fois théoriques et conceptuelles sur les colocalisations d’entreprises en interrogeant plus spécifiquement les comportements des organisations au sein des clusters. Tout comme Saxenian (1994), il développe l’idée selon laquelle chaque région dispose d’avantages compétitifs sur lesquelles elle s’appuie pour améliorer leur compétitivité. Porter (1990) met en évidence le puissant potentiel des clusters – avec le « modèle du diamant » – en expliquant les dynamiques à l’origine de la performance et de la compétitivité des territoires. Il identifie ainsi plusieurs explications parmi lesquelles on retrouve notamment les facteurs de production, les ressources du territoire, la compétition entre les firmes.

12Ainsi, toutes ces formes d’organisations des territoires et des entreprises coopérant entre elles pour être plus compétitives recherchent à la fois de la proximité géographique et de la proximité cognitive. Selon Porter, c’est cette conjugaison de proximités qui est à l’origine de leur performance. Il affirme que les entreprises localisées au même endroit interagissent davantage entre elles, et cette colocalisation des firmes produit à la fois de la coopération et de la compétition – coopétition – aboutissant, au final, à un succès de ces organisations. Malgré tout, si les entreprises souhaitent toujours être localisées à proximité de leurs partenaires dans la chaîne de valeur, elles éprouvent également le besoin de pouvoir coopérer avec leurs parties prenantes situées, pour certaines, du fait de la mondialisation, à l’étranger. De plus, l’internationalisation des entreprises exige qu’elles puissent, à certains moments, pouvoir rencontrer de nouveaux partenaires localisés à l’autre bout de la planète, voire de délocaliser une partie de leur production dans des pays tiers. Or, dans un contexte où plusieurs pays réinstaurent des formes de protectionnisme à l’origine d’une démondialisation, les entreprises étrangères ne sont plus systématiquement accueillies à bras ouverts (i. e. le programme America First, avec l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis). Ainsi, force est de constater que les entreprises tout comme les organisations territoriales (notamment les agences de développement économique et les incubateurs) doivent être de plus en plus agiles et souples pour être plus compétitives (Dove, 1999 ; Almahamid et al., 2010). Nous souhaitons donc tester ici l’hypothèse selon laquelle la French Tech est un dispositif plus agile et plus souple, et donc en mesure de permettre aux entreprises qui y participent de s’adapter à cette double dynamique de mondialisation/démondialisation. Plus précisément, il s’agit donc de comprendre en quoi la French Tech constitue un dispositif d’intermédiation pour organiser les proximités entre les entreprises et les territoires, et donc pour leur permettre une meilleure adaptation face à la mondialisation/démondialisation.

2.2.  La théorie des proximités comme grille de lecture des formes organisées d’adaptation à la mondialisation/démondialisation

13La littérature sur les clusters a largement montré que la proximité entre les entreprises (organisées sous forme de clusters par exemple) leur permettait d’améliorer leur compétitivité au niveau international. Afin d’analyser dans quelle mesure la French Tech joue ce rôle d’intermédiaire pour améliorer les proximités, et donc favoriser l’adaptation des entreprises face à la mondialisation/démondialisation, nous avons mobilisé le courant de pensée développé au cours des années 1990 par des chercheurs français du groupe « Dynamiques de Proximité », regroupant d’abord des économistes, puis des sociologues, des géographes, des aménageurs et des gestionnaires. La structure et l’appareillage théoriques qui en découlent permettent de considérer à la fois la dimension géographique et les processus de coordination entre acteurs (Gilly et Torre, 2000 ; Carrincazeaux et al., 2008). On part alors du principe que l’espace joue un rôle dans la coordination des activités socio-économiques générées par les acteurs. Deux courants majeurs traversent l’École de la Proximité. L’approche interactionniste identifie les proximités géographique et organisée, et l’approche institutionnaliste identifie les proximités géographique, organisationnelle et institutionnelle – considérant que les institutions sont créatrices de proximités en tant que telles (Kirat et Lung, 1999 ; Talbot et Kirat, 2005 ; Talbot, 2008). Nous présenterons donc d’abord cette théorie et grille de lecture des interactions entre acteurs, puis nous la mobiliserons dans l’analyse des entretiens semi-directifs pour étudier la French Tech comme forme organisée agile d’adaptation à la compétition mondiale.

2.2.1.  La proximité géographique

14La proximité géographique est une notion qui se réfère à la séparation dans l’espace des liens sociaux en termes de distance (Gilly et Torre, 2000). Elle renvoie à la distance entre acteurs, qu’il s’agisse du nombre de mètres ou de kilomètres, en tenant compte des coûts monétaires et temporels qui les séparent. Cette forme de proximité est toutefois relative. Premièrement, elle l’est par rapport « aux caractéristiques morphologiques des espaces au sein desquels se déroulent les activités » (Torre et Beuret, 2012). Il peut s’agir d’une proximité « à vol d’oiseau » courte mais avec un relief telle qu’une montagne, rendant de facto la distance relative plus longue pour se rendre d’un point à un autre. Elle l’est au regard de l’accessibilité même des lieux. En fonction des installations existantes – telles que des routes, des autoroutes, des lignes de train ou de métro ou des voies maritimes – le temps d’accès pour se rencontrer est plus ou moins important. Troisièmement, elle l’est au regard des capacités financières dont disposent les personnes pour se déplacer. De plus, cette forme de proximité est de nature subjective.

15La proximité géographique est par définition neutre et dépend des fonctions des relations sociales. Par exemple, deux entreprises localisées à une faible distance peuvent œuvrer chacune à leurs activités sans jamais interagir entre elles. Dans ce cas, le potentiel de la proximité géographique est non mobilisé (Torre, 2009). Lorsque ce potentiel est activé, on parle alors de proximité géographique recherchée ou subie (Torre et Beuret, 2012). Cette dernière correspond à une imposition de proximité géographique de personnes, d’activités, de lieux ou d’objets sans avoir le loisir de se déplacer et de bénéficier d’un changement de localisation. Pour notre étude, nous nous intéresserons davantage à la proximité géographique recherchée, qui est mobilisée par des acteurs pour satisfaire leurs besoins de liens économiques ou sociaux, de ressources naturelles ou artificielles, de lieux ou encore d’objets. Celle-ci peut être temporaire ou permanente. La demande de proximité temporaire incite l’individu à effectuer des déplacements ponctuels sans se délocaliser. Dans notre étude, les entreprises souhaitent se déplacer à l’occasion d’un salon international des start-ups pour échanger des connaissances dans le cadre de leurs activités. La demande de proximité permanente implique une localisation durable dans un lieu pour répondre à la satisfaction de ses besoins ou à la réalisation de ses activités. C’est notamment le cas des entreprises localisées dans les clusters qui se sont installées ici pour être situées à proximité de leurs parties prenantes et interagir plus rapidement et efficacement avec l’écosystème. Il peut aussi s’agir de start-ups qui souhaitent délocaliser une partie de leurs activités pour se rapprocher de leurs partenaires (logique de mondialisation), mais qui peuvent être aussi freinées si le pays hôte (de leurs partenaires) a une politique protectionniste (logique de démondialisation).

2.2.2.  Les formes de proximité cognitive

16Selon l’approche interactionniste ou institutionnaliste, on distingue une ou deux formes (voire d’autres déclinaisons encore) de proximité cognitive : on retiendra ici la proximité (i) organisée ou (ii) institutionnelle et organisationnelle.

17Tout d’abord, la proximité organisée correspond à la capacité d’interaction entre acteurs. Dans le cas de la logique d’appartenance, les coordinations dépendent de l’appartenance à un même ensemble alors que dans le cas de la logique de similitude, les représentations et les modes de fonctionnement permettent la relation de proximité (Torre, 2000). Lorsqu’elles se concilient, ces logiques participent à la construction de futurs communs (Torre, 2010). Comme la proximité géographique, la proximité organisée est neutre par essence et peut être activée grâce au potentiel de mobilisation de ces acteurs. Elle fait référence à l’agencement des activités humaines selon deux logiques, qualifiées d’appartenance et de similitude (Torre, 2009). Selon la logique d’appartenance, les relations entre acteurs sont facilitées parce qu’ils appartiennent à une même organisation ou institution, avec parfois des valeurs communes. Par exemple, la coopération entre les entreprises membres de la French Tech est, a priori, plus facile à développer que s’ils appartiennent à des structures d’accompagnement différentes. L’objectif du dispositif est alors de renforcer cette appartenance pour favoriser les coopérations. La logique de similitude quant à elle se réfère à l’adhésion mentale à des catégories communes. La similitude vécue est créée autour de projets partagés, de valeurs identiques, de connaissances communes échangées en réseau, etc., dans le cadre d’une relation réciproque. C’est par exemple le cas des start-upers qui sont confrontés aux mêmes problèmes et qui sont susceptibles de collaborer plus facilement entre eux pour échanger sur des bonnes pratiques. Il peut s’agir également d’entrepreneurs qui auront plus d’aisance à travailler ensemble car leur entreprise respective est dans le même domaine d’activité, la distance cognitive qui les sépare est très faible, car les systèmes de référence sont analogues.

18D’autre part, la proximité institutionnelle est à l’origine de regroupements d’acteurs autour de règles d’action communes, qu’elles soient explicites ou implicites, et parfois, autour d’un système commun de représentations ou de valeurs partagées. Par exemple, une coutume locale peut être considérée comme une forme de proximité institutionnelle. Elle attribue une importance à la dimension politique des institutions et à leurs rôles, sachant qu’elles constituent à la fois des contraintes et des ressources de l’action individuelle par des règles collectives plus ou moins formelles. La proximité organisationnelle quant à elle est une forme de proximité institutionnelle (Talbot, 2008). Elle se caractérise souvent par une organisation formalisée et aboutie comme un réseau de coopération ou un secteur d’activité (Kirat et Lung, 1995). La French Tech correspond à ce dernier cas, puisqu’elle est une organisation avec des objectifs définis et ayant vocation à permettre une action collective complexe en coordonnant les actions individuelles.

3.  La French Tech comme forme institutionnelle agile organisant les proximités entre acteurs face à la mondialisation/démondialisation

19Afin de comprendre en quoi la French Tech constituait un dispositif agile d’intermédiation pour organiser les proximités entre les acteurs et permettre une meilleure adaptation des territoires et des entreprises face à la mondialisation, nous avons privilégié une approche qualitative en menant des entretiens semi-directifs auprès de responsables (ou associés) des écosystèmes métropolitains French Tech et d’entreprises faisant partie du dispositif. Au total, nous avons mené 27 entrevues représentant 5 French Tech et 22 entreprises (des start-ups uniquement) différentes. Pour des raisons de confidentialité, les interrogés ont souhaité garder l’anonymat. Concernant les French Tech locales, notre guide d’entretien s’articulait comme suit : (i) la construction de la French Tech locale (qui est à l’initiative ?, quelles parties prenantes ?, quel timing ?, quelle gouvernance ?), (ii) ses objectifs, (iii) ses collaborations avec les autres French Tech locales et la French Tech nationale, (iv) sa vision critique du dispositif et son rôle face à la mondialisation/démondialisation. Pour les entreprises, le guide a été construit de la manière suivante : (i) le profil de l’entreprise et du dirigeant, (ii) son intégration/adhésion à la French Tech, (iii) ses collaborations (locales et mondiales) et le rôle joué par le label, (iii) son internationalisation et sa compétitivité et la place qu’il donne au label dans ce cadre, (iv) les types d’accompagnement proposés par la French Tech, (v) leur vision critique du dispositif et leur rôle face à la mondialisation/démondialisation. L’intérêt d’une telle double lecture – entreprises d’une part, et acteurs du développement économique local d’autre part – nous a permis d’identifier le rôle d’acteur intermédiaire joué par la French Tech et comment elle organisait les différentes formes de proximité au service d’une meilleure adaptation face à la compétition internationale.

3.1.  Les French Tech locales : des acteurs intermédiaires, leviers d’adaptation face à la compétition mondiale

20La (dé)mondialisation a accru le rôle des régions dans l'économie nationale et mondiale. Aujourd'hui, les régions deviennent des acteurs indépendants capables de faire face à la compétition internationale (Enright, 2000 ; Pecqueur, 2006 et 2007 ; Porter, 2012). De plus, les Etats auxquels elles appartiennent accentuent bien souvent cette dynamique soit par des mesures protectionnistes, soit en ouvrant leurs frontières pour accueillir davantage d’investissements directs à l’étranger. La compétitivité régionale est souvent basée sur le concept de cluster, donnant une importance primordiale à lier le capital humain, le savoir et la technologie en un lieu donné. L'efficacité des stratégies régionales mises en place dépend de la capacité des clusters à évoluer et à s'intégrer dans des créneaux utiles dans des chaînes de valeur mondiales (OCDE, 2007). Cette thèse est confirmée par les études de l'Union européenne (Zu Köcker et Buhl, 2007 ; Zu Köcker et al., 2010), affirmant que les clusters n’ont pas les capacités de durer sur le long terme à moins que leurs membres opèrent sur les marchés mondiaux et participent au transfert de connaissances au niveau mondial. Puisque les entreprises internationalisent leurs activités, il est important également que les initiatives de clusters et les organisations qui les soutiennent s'internationalisent aussi. De ce point de vue, il semble que la French Tech envisage de fédérer les acteurs du territoire (hors entreprises). Dès lors, il n’est pas étonnant de voir que le président de la République, Emmanuel Macron, et de nombreux élus de l’exécutif au niveau métropolitain ou régional ont fait le déplacement au CES de Las Vegas. En montrant le soutien que les élus portent à leurs entreprises « pépites », les institutions nationales et locales participent à favoriser les formes de proximités. Les discours de ceux-ci rapportés dans la presse régionale et nationale confirment l’approche adoptée consistant à « jouer collectif » (proximité organisée – logique d’appartenance) pour faciliter et accélérer l'internationalisation de l'innovation dans les PME high-tech en réduisant les difficultés évidentes d'internationalisation telles que des ressources limitées, le manque de masse critique, l'expertise internationale, etc. (Falize et Coeurderoy, 2012). Avec la French Tech, l’idée est donc de créer une culture commune et de « chasser en meute » à l’international tout en n’excluant pas pour autant, à d’autres niveaux, d’être en concurrence sur les marchés. En outre, la combinaison de la coopération et de la concurrence permet aux entreprises de produire une qualité supérieure à un prix inférieur, et donc gagner en compétitivité (Porter, 1998).

21Dans le même temps, même si les élus politiques montrent leur soutien aux entreprises à l’échelle internationale, la plupart des personnes interrogées regrettaient le manque de moyens financiers dédiés à leurs French Tech locales. Ces dotations limitées engendrent localement des démarches que nous qualifions de frugales. Elles obligent les dispositifs locaux à être inventifs et à faire le plus possible avec peu de moyens. La baisse des dotations de l’État aux collectivités territoriales (Torre et Bourdin, 2016) explique probablement en partie les aides limitées accordées aux French Tech locales. Or, selon les personnes interviewées, les élus devraient ne pas oublier les retours sur investissement (développement économique, attractivité territoriale) que peuvent générer les entreprises du digital. Les responsables de French Tech limitent donc l’organisation de déplacements à l’étranger accompagnés par des start-ups locales, privilégiant notamment les grands évènements tels que le CES à Las Vegas. Pourtant, selon les chefs d’entreprises entrevus, cette proximité géographique temporaire est nécessaire pour les PME si elles veulent trouver de nouveaux partenaires (proximité organisée) et développer leur marché à l’international. Lors de ces déplacements à l’étranger sur des forums high tech, les objectifs sont concordants entre les interviewés. Il semblerait qu’ils permettent des échanges d’expérience, la conquête de nouveaux marchés et le développement de l’attractivité des régions.

22 On retrouve également des logiques d’accompagnement similaires sur la préparation des start-ups à leur pleine intégration dans la mondialisation. Il existe une démarche préalable de formation et de sélection des PME qui feront le déplacement afin de s’assurer qu’elles seront prêtes à s’internationaliser.

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« Ce déplacement à Las Vegas est stratégique pour nos start-ups et va leur permettre de gagner en visibilité et en crédibilité, de nouer des partenariats commerciaux, stratégiques et financiers et de confronter leur innovation à la réalité du marché. Pour nous c’est la 4e année consécutive ! Avec l’agence de développement économique, d'innovation et d'export, on a préparé et accompagné nos pépites pour ce grand rendez-vous international. […] Elles veulent voir le Monde entier, mais le Monde entier aussi les voit. […] On les a faites pitcher, on a réfléchi avec elles à leur design de stand. Ah oui et pas mal de relations presse aussi » Resp. FT locale 3

24 De plus, les collectivités territoriales mettent en place des logiques d’apprentissage. Certaines se sont déplacées avec de nombreuses personnes des agences de développement économique et de l’innovation régionales et locales pour effectuer du parangonnage sur les logiques de financement et d’aides diverses pour innover. Pour les régions et autres collectivités territoriales, grâce à des logiques de similitude (proximité organisée), la participation à des évènements tels que le CES leur permet d’échanger avec d’autres structures étrangères d’accompagnement des entreprises.

25 Enfin, le label French Tech constitue un véritable outil de visibilité. Les régions et métropoles profitent des forums mondiaux auxquelles elles participent pour améliorer leur image à l’international.

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« C’est l'occasion de valoriser une forme de fierté régionale. On veut faire la promotion de notre savoir-faire en technologies et montrer qu’on est une région qui sait faire les choses, et bien. » FT locale 4
« Notre présence au COMPUTEX [6] est une façon d'envoyer des messages à l'international, de dire qu'on est une région qui bouge et met des choses en place. » FT locale 3

27Les interviewés ont largement insisté sur la question de l’attractivité. Il ressort que le label French Tech semble contribuer, au moins du point de vue des acteurs interrogés, au renforcement de l’ancrage territorial des start-ups et à les maintenir sur le territoire. Ceci rejoint une littérature dense sur cette question (i.e. Hollenstein, 2005 ; Carluer, 2006 ; Audretsch et Keilbach, 2007 ; Melle et Lee, 2016). La mondialisation a intensifié la concurrence entre les territoires pour attirer de nouvelles entreprises (Tremblay et Chicoine, 2008 ; Sassen, 2011) et les amène à réfléchir sur leur potentiel d'attractivité, autrement dit les ressources (humaines, physiques, matérielles et immatérielles) dont ils disposent et leur capacité à les mobiliser pour répondre aux attentes des entreprises par ailleurs toujours plus exigeantes et mobiles. Dans ce cadre concurrentiel à différentes échelles entre les territoires, la place des pouvoirs publics est de plus en plus prégnante. (Bourdin et Cornier, 2016). Ils se doivent d'innover pour non seulement attirer des investisseurs ou de la main-d’œuvre qualifiée, mais aussi les ancrer définitivement sur le territoire.

28Lorsque l’on change de niveau d’analyse et que l’on s’intéresse aux actions déployées par les régions et métropoles avec la French Tech, on décrypte assez facilement le rôle d’intermédiaire qu’elles occupent. Avoir de grandes entreprises et des start-ups localisées à proximité (proximité géographique) et exerçant leur activité dans un domaine similaire (proximité organisée) ne suffit pas nécessairement à créer des synergies entre celles-ci. Aussi, plus que d’être des facilitateurs (Loillier et Tellier, 2011), les acteurs du développement économique local jouent le rôle d’intermédiaires territoriaux (Lacour, 1996 ; Duez, 2012, Nadou, 2013) via le label. En tant qu’acteur-tiers (Orléan, 1994 ; Geindre, 2005 ; Gadille, 2008 ; Dari et Paché, 2015), ils fabriquent et managent, par la pratique, par des actions, la proximité géographique permanente et organisée entre les entreprises du territoire.

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« On met en lien les start-ups avec les grands comptes. Mais on est disruptif ! On inverse le rapport. C’est pas les start-ups qui pitchent mais les grands comptes. Ils présentent leur problématique aux start-ups. Ensuite, certains d’entre elles répondent à l’appel. On veut dé-verticaliser, décloisonner. » FT locale 1

30 Avec la French Tech, il ne s’agit pas seulement de mettre en relation les entreprises entre elles, mais aussi de fédérer les acteurs sur place et de développer un langage commun au travers de la multiplication des interactions cognitives entre les membres de la communauté. La communauté constituée par ce genre de réseau et sous un même label comme la French Tech s’apparente à un lieu privilégié supplémentaire de création de connaissances et de diffusion de connaissances tacites (Ferru, 2009). Ces nouvelles communautés constituent des lieux et des scènes territoriales de dialogue et de développement où se construisent des modèles locaux, des représentations partagées, un langage commun diffusable par les membres (Cohendet et al., 2003).

31 L’organisation de proximité géographique temporaire constituée par les salons internationaux est l’occasion de rassembler « sous un même drapeau » les acteurs territoriaux de l’accompagnement des entreprises et de pouvoir développer une identité propre au réseau et une communication partagée.

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« Il y a eu une unité exemplaire entre tous les acteurs institutionnels de notre territoire pour aider nos start-ups à percer au CES. Cela a apporté un vrai plus. Pour la première fois, la région, la CCI et la Métropole ont fait délégation commune. Il y avait aussi les Chambres de commerce et d'industrie et les pôles de compétitivité. Ça fait du bien de se parler, on est dans le même bateau ! Et pour le coup, tout le monde a mis la main à la poche pour prendre en charge les frais de déplacement, de logement et la location des stands pour nos jeunes pousses » FT locale 2.

3.2.  Les entreprises à la recherche de proximités : quel rôle du label French Tech ?

33Sur les 22 entreprises interrogées, la moitié d’entre elles ont fait le choix d’adhérer de leur propre chef. Pour une grande partie, les autres ont été approchées pour savoir si elles seraient intéressées par un tel dispositif. Parmi les principales motivations évoquées, on retrouve avant tout le besoin d’internationalisation et de se confronter à des marchés à l’étranger, et dans une moindre mesure de trouver de nouveaux partenaires si l’opportunité se présente. Il n’a été évoqué que très rarement le besoin d’échanger avec des autres entreprises au niveau local. De fait, les entreprises n’attendaient pas du label qu’il renforce la proximité géographique permanente et organisée avec les partenaires locaux. Pourtant, pour la moitié d’entre elles, la French Tech leur a permis de rencontrer et de collaborer avec des partenaires de marché au niveau local. Par ailleurs, lorsqu’on les a interrogés sur l’intérêt du dispositif pour favoriser les relations avec les universités et les laboratoires – la troisième partie de la triple hélice (Leydesdorff et Etzkowitz, 1996) – rares sont celles ayant répondu positivement. Il semblerait que les pôles de compétitivité jouent davantage ce rôle de mise en lien entre le monde académique et des entreprises pour innover.

34La French Tech est avant tout perçue comme un dispositif d’accompagnement sur les marchés internationaux permettant de faire face à la concurrence accrue liée à la mondialisation et à l’ouverture de leur propre marché. Dans les raisons intrinsèques arguées, les interviewés ont souligné le fait que, la plupart du temps, ils ne disposaient pas des moyens, ni des réseaux nécessaires pour se confronter au marché international. Bien souvent, la French Tech est invoquée comme mécanisme permettant de créer de la proximité organisée qui est d’ailleurs facilitée par le fait que les distances cognitives entre les dirigeants d’entreprises sont faibles (logique de similitude de la proximité organisée).

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« L’avantage de la French Tech, c’est qu’on parle à des personnes qui nous comprennent. Je me souviens au CES, j’ai pas mal échangé avec une autre startup du Sud de la France sur le smart clothing, comme moi. Bon, on est un peu concurrent en fait ! Mais c’est cool de pouvoir voir comment fait l’autre. » Startup dans les vêtements connectés

36 Pour une grande partie des entreprises rencontrées, la participation à une exposition d’envergure mondiale (la moitié d’entre elles s’était rendue au CES) constitue un lieu privilégié pour présenter leur innovation, la confronter au marché étranger, gagner en visibilité et rencontrer des investisseurs.

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« Nous sommes sur le CES pour présenter nos produits, on vient aussi ici s’inspirer, prendre des idées, regarder ce qui se passe, le monde qui bouge. » Startup dans le software/IT
« Nous faisons le déplacement pour la première fois au CES avec une volonté : faire connaître notre technologie auprès des intégrateurs et de tous les acteurs qui utilisent des écrans tactiles. Notre techno permet de ressentir véritablement ce que l’on touche sur un écran. Nous, nous recherchons des distributeurs pour les États-Unis, des investisseurs aussi puisque nous prévoyons une levée de fonds en fin d’année. On prépare ce CES depuis 6 mois » Start-Up dans les technologies pour smartphone

38 Les entreprises ont également évoqué la possibilité pour elles d’engager de nouveaux contrats ou nouvelles collaborations. Le fait de se rendre dans ce type de salons leur permet de rencontrer et d’échanger avec des entreprises appartenant à des pays où les barrières et frontières sont renforcées. De ce point de vue, l’organisation de proximités géographiques temporaires semble permettre de contourner en partie cette démondialisation. De plus, paradoxalement, c’est lors de l’organisation de proximité géographique temporaire (salon international), qu’ils rencontraient des partenaires de leurs régions d’origine, voire des industriels nationaux. De ce point de vue, la French Tech permet de faire du B to B [7] non seulement avec les compagnies étrangères mais aussi avec des firmes françaises.

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« L’avantage du CES, c’est qu’on y rencontre les patrons des sociétés et des grands groupes, ce qui nous ouvre des portes. Grâce à ce contrat avec [nom industriel français], nous allons commencer à nous déployer à l’international dès cette année, alors que ce n’était pas prévu avant 2019, voire 2020 dans mon business plan » Start-up dans la e-santé.
« Depuis que le salon a ouvert, nous multiplions les contacts locaux et internationaux. Certes, les Américains viennent discuter de notre produit, mais le CES nous permet de rencontrer aussi beaucoup de Français. C’est notre première participation car nous n’étions pas prêts l’an dernier, notre entreprise ayant été créée fin 2016. » Start-up dans la domotique

40 Par ailleurs, unanimement, les entreprises ont l’impression qu’avec leur activité, ils deviennent des ambassadeurs de leur territoire et ont le sentiment que la French Tech participe à l’attractivité de leur région.

41 Au travers de nos entretiens, nous souhaitions non seulement mieux comprendre les objectifs de la French Tech mais aussi appréhender l’adéquation de l’offre de services proposés par les labels avec la demande des entreprises. D’une manière générale, il en ressort que l’offre de services des French Tech locales ne semblent pas suffisamment visibles. Conséquemment, plusieurs entreprises ont confié qu’il y avait un décalage entre leurs attentes et ce qui était proposé. De plus, elles sont largement demandeuses de proximité organisée pour être accompagnées dans la recherche de fonds et d’investisseurs. À ce sujet, plusieurs entreprises souhaitent que les critères du Pass French Tech [8] soient revus car ils ne correspondent pas aux entreprises ayant une activité de service. A l’instar de l’initiative « BigUp 4 Startup » [9], plusieurs start-ups sont demandeuses de proximité organisée et souhaiteraient que la French Tech organise de manière plus systématique des évènements où elles et les grands groupes se rencontrent pour innover ensemble.

42 Parmi les réponses récurrentes, on retrouve aussi une demande de mise en commun au niveau local de services collaboratifs auxquels pourraient souscrire les start-ups du type (juridique, entrepôt de stockage commun, commandes groupées auprès de grands comptes, prestataire pour les livraisons produits, Fablab dedié pour ne citer que quelques actions évoquées par les startupers).

43 Même si, à dires d’acteurs des French Tech, le label a permis de fédérer sous une même bannière différentes parties prenantes de l’écosystème local, beaucoup de chefs d’entreprises interrogés regrettaient le manque de lisibilité dans l’offre d’accompagnement des entreprises sur le territoire régional ou national. De ce point de vue, il apparaît que le dispositif French Tech est un outil d’accompagnement des entreprises qui vient s’ajouter aux multiples outils qui existent déjà [10]. Ceci rejoint ce qui a déjà été montré dans des travaux antérieurs sur la multiplicité des dispositifs d’aides aux entreprises (Leger-Jarniou, 2008 ; Fort et al ; 2016).

44 En analysant les entretiens, la French Tech constitue à la fois un moyen de résistance/contournement à la mondialisation/démondialisation leur permettant d’exister dans la compétition mondiale où certains marchés régionaux (Asie du sud-est, Amérique du nord, etc.) restent très concurrentiels et difficiles à pénétrer compte tenu des politiques protectionnistes, mais aussi un outil d’accompagnement du mouvement de la mondialisation dans les territoires. Il s’avère que la French Tech a permis de relancer la dynamique de confiance (très importante lorsque l’on étudie les formes de proximités). Cependant plusieurs parties prenantes déplorent qu’il s’agisse pour le moment avant tout d’un outil de communication et aimeraient davantage d’opérationnalité. Pourtant, comme le souligne Suire (2004), les territoires doivent d’abord s’engager dans des stratégies de mise à disposition de ressources relationnelles qui doivent favoriser la confiance pour créer des réseaux d’entrepreneurs.

45 Enfin, le manque de congruence (i) entre ce qu’apporte le label aux entreprises et leurs besoins réels mais aussi (ii) entre les objectifs de la French Tech nationale et les métropoles French Tech provient probablement d’un décalage sur les attendus, même si la démarche lancée a permis aux acteurs de se structurer autour d’un dossier et de faire front commun pour être labellisé (exemple de la Normandy French Tech avec la réunion de trois villes habituellement en compétition Rouen-Le Havre-Caen).

4.  Conclusion : entreprises, territoires et (dé)mondialisation : vers des proximités agiles

46Avec moins de 5 ans d’existence, le dispositif de la French Tech est encore très jeune, et est opérationnalisé différemment en fonction des territoires (compte tenu de la plus ou moins grande ampleur des moyens humains et financiers déployés par les métropoles French Tech). À ce stade, il est donc difficile de porter une évaluation aboutie de celui-ci. A l’instar de la politique des pôles de compétitivité pour laquelle il a fallu avoir plusieurs années de recul pour en mesurer les effets sur la (re)structuration des filières productives et industrielles, il est probable que d’autres évaluations viendront compléter nos premières analyses. Pour le moment, la French Tech permet de compléter les discussions et les études sur les formes renouvelées du lien entre entreprises et les territoires, dans un contexte où la compétition mondiale prend à la fois la forme d’une mondialisation accrue et d’une démondialisation émergente avec un retour de la fermeture des frontières. Cette compétition mondiale suivant une double logique redéfinit en permanence le rapport des activités et systèmes productifs à l’espace et invite les territoires à s’adapter en permanence et d’opérer parfois des bifurcations dans les orientations des politiques mises en œuvre.

47Ces politiques doivent désormais prendre en compte les nouvelles orientations protectionnistes et restrictives en matière d’ouverture de marchés de la part de certaines régions du monde ou de pays. Ces nouvelles contraintes observées depuis le début des années 2000, ou ce « retour en arrière » (Bost et Rosière, 2018) dans la circulation des biens et des marchandises, voire des ressources humaines, mettent à mal les stratégies de certaines entreprises et de certains territoires qui ont misé sur une ouverture large et sans « encombres ». Pourtant, les crises financières (notamment des subprimes de 2007), politiques et géopolitiques entre les grandes puissances et blocs régionaux dans le monde, ou les difficultés dans la construction européenne (par exemple avec le Brexit récemment), pèsent sur l’idée d’une mondialisation sans faille et inéluctable. Les replis politiques et économiques dus à ces crises et ruptures imposent pour les entreprises et les territoires une adaptabilité importante et de nouvelles formes de souplesse pour évoluer dans ce double mouvement de fond, d’ouverture et de fermeture.

48 De ce point de vue, la French Tech peut être qualifiée à la fois comme un outil de communication et de visibilité vers l’extérieur, et un alibi pour fédérer les acteurs du territoire en (re)constituant l’écosystème des start-ups françaises. Il s’agit d’une politique publique agile dans le sens où elle réclame des crédits limités, n’implique pas de textes juridiques contraignants associés, et est adaptable en fonction des volontés politiques locales et des besoins des entreprises, dans un contexte de mondialisation mouvante, et où le rapport global-local est constamment interrogé dans son fonctionnement et les échelles spatiales différemment mobilisées.

49 C’est dans ce rapport complexe et avec la (ré)apparition de barrières sur les marchés mondiaux que des analyses plus fines seraient à mener dans le futur. De même, les analyses doivent pouvoir différencier les secteurs d’activité concernés qui en fonction de leur logique propre de marché, de la localisation de leur production et de leur réseau et environnement d’affaires, n’ont certainement pas la même lecture de la mondialisation et de ses effets et évolutions.

50 Dans notre étude, l’appartenance à une French Tech locale est avant tout perçue comme une opportunité de s’inscrire davantage dans un marché mondial. Les entrepreneurs ont bien conscience de la difficulté de le pénétrer (aussi bien du fait d’une concurrence très forte mais aussi de barrières douanières qui se multiplient) et comprennent aussi que le réseau et le regroupement sous le label peuvent les faire grandir et sans aucun doute se protéger. L’effet de groupe et de proximité est important pour leur confiance et les faire connaître, tout en limitant les risques (financiers et d’engagement solitaire sur les marchés). Dans ce cadre, les start-ups sont appelées à être (i) capables de réagir à toutes les situations du marché mondial, (ii) aux prises avec les multiples tensions entre ouverture et fermeture qui caractérisent les relations géopolitiques et géoéconomiques contemporaines. De leur côté, les territoires doivent innover pour accompagner au mieux et de manière agile leurs start-ups dans ce double processus.

51 Sur le plan de la visibilité du dispositif French Tech, les collectivités territoriales parties prenantes dans la démarche ont étoffé leur offre en matière de marketing territorial, ce qui leur permet de renforcer l’accompagnement et le soutien auprès des entreprises tout en restant dans des périmètres légaux en la matière. Sur le plan théorique, il serait intéressant d’étudier comment la promotion du territoire par les acteurs influence ou non la constitution ou le renforcement de proximités, qu’elles soient géographiques ou organisées entre les différents acteurs économiques du territoire.

52 Au total, notre étude montre également une certaine fragilité dans la démarche, qui n’enlève rien à la motivation générale des différentes parties prenantes pour accompagner les entreprises du numérique et du digital. Cela tient au fait que certaines entreprises y voient un simple outil de communication et de promotion, mais aussi parce que le dispositif en local ne dispose, bien souvent, que de très peu de moyens humains et financiers pour exister, organiser, coordonner, animer l’écosystème. Ceci est un problème important et qui met les territoires dans des situations inégales : certains, en fonction de leur statut (association, structure liée à une métropole et à son périmètre, etc.) disposent d’une ingénierie non négligeable, tandis que d’autres ne tiennent que sur une seule personne… La crainte est alors de voir progresser les disparités entre territoires, entre ceux qui sont mieux dotés en moyens ou qui ont des capacités plus grandes pour les mobiliser, et ceux qui peinent davantage à le faire. Cet aspect pourrait faire l’objet de travaux futurs d’autant que le lien entre l’ampleur des financements consentis et les retours sur investissements n’est pas toujours prouvé (Bourdin et Ragazzi, 2018). Dans ce contexte, il est légitime de se poser des questions sur la durabilité du label French Tech alors même que le dispositif constitue un moyen agile de faire la promotion de l’écosystème entrepreneurial innovant français, qu’il est susceptible d’améliorer l’attractivité des territoires, et qu’il est à l’origine de nouvelles proximités et de coopérations entre acteurs.

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Mots-clés éditeurs : politique publique de développement économique, mondialisation, intermédiation, start-up, French Tech, attractivité, proximités

Date de mise en ligne : 17/12/2018

https://doi.org/10.3917/ag.723.0612

Notes

  • [1]
    La French Tech est composée d’une entité nationale et d’entités locales. La French Tech nationale a pour objectif d’assurer la cohésion et la coordination des métropoles sur le territoire français. Elle joue un rôle de coordination et crée les conditions d’une proximité géographique temporaire – avec tous les deux mois des réunions réunissant les FT locales pour réaliser des points d’étapes, monitorer les projets et faire du partage d’expérience. Au niveau international, elle s’est fixée comme objectif de promouvoir l’écosystème des start-ups françaises et de réaliser des opérations d’influence.
  • [2]
    Source : Indice mondial de l’innovation (2017) par l’Université Cornell, l’INSEAD et l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI).
  • [3]
    Il s’agit de programmes qui offrent aux entreprises en démarrage l’accès à du mentorat, à des investisseurs et à d’autres formes de soutien pour les aider à devenir stables et autonomes. Plusieurs établissements viennent compléter les financements/investissements avec, entre autres, Bpifrance, Business France, la Caisse des Dépôts et Consignations ou encore la Direction Générale des Entreprises. Notons que ceci montre d’ores et déjà l’implication de nombreux acteurs du territoire national pour faciliter l’internationalisation des entreprises.
  • [4]
    Le CES (Consumer Electronics Show) est le salon international sur les hautes et nouvelles technologies qui se tient chaque année à Las Vegas.
  • [5]
    Nous reprenons ici l’idée de Bernard Pecqueur selon laquelle dans un monde globalisé, il ne s'agit plus pour les territoires de se spécialiser dans un schéma comparatif, mais plutôt d'échapper aux lois de la concurrence lorsqu'elles sont impossibles à suivre, en visant la production pour laquelle ils seraient (dans l'idéal) en situation de monopole.
  • [6]
    Le COMPUTEX est un salon international dédié à l’informatique high-tech qui se tient chaque année au Taipei.
  • [7]
    Business to Business (commerce inter-entreprises)
  • [8]
    Il s’agit d’un programme national d’accompagnement lancé en 2014 à destination des entreprises en hyper-croissance, considérées comme les « pépites de la French Tech ». Actuellement, pour rentrer dans ce dispositif, il faut enregistrer un chiffre d’affaires entre 10 M€ et 50 M€ et une croissance de + 25 % sur 3 ans ou un chiffre d’affaires entre 100 k€ et 3 M€ et une croissance de + 100 % sur 3 ans.
  • [9]
    Il s’agit d’un dispositif qui organise des évènements sur le territoire français où les start-ups et les grands groupes se rencontrent pour innover ensemble.
  • [10]
    La CCI, la CCRI, la métropole, le conseil régional et ses agences, la BPI, la Direction générale des entreprises, UBIFRANCE, Business France, la Caisse des dépôts et consignations, etc.

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