Notes
-
[1]
Dans le moteur de recherche Google, l’occurrence du mot « limnosystème » est 27 fois inférieure à celle de « géosystème lacustre », environ 100 fois inférieure à celle « d’hydrosystème lacustre » et « d’écosystème lentique », 1 000 fois inférieure à celle « d’écosystème lacustre », 3 000 fois inférieure à celle de « limnologie », 2 millions de fois inférieure à celle de « lac » (juillet 2017).
-
[2]
C’est-à-dire la limnologie qui reste fidèle à la définition (« océanographie des lacs ») donnée par l’inventeur du terme, le Suisse François-Alphonse Forel, en 1892.
-
[3]
« The study reported herein addresses the effect on the limnosystem of Lake Chickamauga from discharge of TNT wastewaters from the Volunteer Army Ammunition Plan » (Putnam et al., 1980, p. 166).
-
[4]
Il n’est pas inintéressant de noter que, dans les deux premières éditions de ce manuel de référence (1975 et 1983), il n’y avait pas de sous-titre à limnology. Seule la troisième édition de 2001 comprend ecosystem dans l’intitulé.
-
[5]
« Our natural human prejudices force us to consider the organisms (in the sense of the biologist) are the most important parts of these systems, but certainly the inorganic “factors” are also parts – there could be no system without them and there is constant interchange of the most various kinds within each system, not only between the organisms but between the organic and inorganic » (Tansley, 1935, p. 299).
-
[6]
« A lake is considered as a primary ecological unit in its own right, since all the lesser “communities” mentioned above are dependent upon other components of the lacustrine food cycle for their very existence » (Lindeman, 1942, p. 399).
-
[7]
La différence entre les écosystèmes terrestres et lentiques réside dans la facilité de récupération des éléments minéraux solubles par les racines dans les écosystèmes terrestres, mais la difficulté de cette récupération par les mouvements d’eau ascendants (Angelier, 2000, p. 23).
-
[8]
Par exemple : « la limnologie des eaux courantes a été traitée de manière magistrale, éloquente et concise par Hynes (1970). Aussi n’essaierons-nous pas de reprendre cet examen » (Wetzel, 1983, p. 5, en anglais). D’autres citations et leur analyse se trouvent dans l’ouvrage de L. Touchart (2002).
-
[9]
L’emploi de l’adverbe « voire » à deux endroits clefs de son raisonnement, en témoigne : « le système fluvial […] se caractérise […] par des flux entrants et sortants, qui sont l’eau et les sédiments, voire les solutés et la matière organique, si l’on souhaite élargir le système fluvial à son fonctionnement écosystémique » et, plus loin, « hydrologie et géomorphologie se rejoignent dans une nouvelle approche des cours d’eau qui peut intégrer également les bilans de substances dissoutes, voire les bilans biologiques (carbone et azote par exemple) abordés par d’autres disciplines ».
-
[10]
Ch. Vergnolle-Mainar et R. Sourp (2006) ont montré que, dans l’enseignement secondaire, le concept de géosystème est presque toujours présenté par l’exemple de la montagne, alors que l’eau, qui s’y prêterait, ne figure en général pas dans les cas étudiés.
-
[11]
On « peut donc considérer cet ensemble d’éléments d’eau courante, d’eau stagnante, semi-aquatiques, terrestres, tant superficiels que souterrains, et leurs interactions, comme un système, dénommé hydrosystème fluvial […] en raison du rôle prééminent joué par l’eau. En effet, dans un tel système contrôlé par la dynamique fluviale en interaction avec les processus biotiques et anthropogéniques, l’eau assure une triple fonction. Par son énergie cinétique, l’eau courante modèle la structure physique de l’hydrosystème fluvial (géomorphologie). Par ses mouvements longitudinaux, transversaux et verticaux, l’eau constitue un vecteur des flux de matière, d’énergie et d’information entre les divers éléments de l’hydrosystème. Enfin, l’eau apparaît comme une ressource (milieu aquatique, nutrition hydrique des végétaux) et une contrainte (courant, profondeur, durée d’inondation) déterminantes pour les divers peuplements de la plaine, donc pour le fonctionnement écologique de l’hydrosystème » (Amoros et Petts, 1993, p. 9).
-
[12]
« Les biologistes n’ont aucune raison spécifique de privilégier les aspects spatiaux et d’attacher une importance primordiale aux problèmes d’extension et de répartition. Le concept d’écosystème, pour cette raison, n’a pas de support spatial. Il est adimensionnel » (Tricart, 1979a, p. 709). La démarche écosystémique « aboutit à mettre en évidence des relations adimensionnelles d’un point de vue spatial. L’abstraction s’exerce au détriment de la localisation et de la répartition spatiale des phénomènes » (Tricart, 1979b, p. 378).
-
[13]
Le lac « forme un petit monde en soi, un microcosme dans lequel toutes les forces élémentaires sont au travail et le jeu de la vie bat son plein, mais à une échelle si petite qu’elle est facilement à la portée de l’esprit » (Forbes, 1887, éd. de 1925, p. 537, en anglais).
-
[14]
« L’écosystème, fondamental en écologie, a permis de […] consolider les bases théoriques de cette discipline et de donner enfin à l’écologie une unité d’étude. La création du mot en 1935 est le fait d’un botaniste, A.G. Tansley, […] mais il faut attendre 1942 pour qu’un limnologiste, R.L. Lindemann, lui donne le statut de concept » (Barnaud et Lefeuvre, 1992).
-
[15]
Le terme est employé ici au sens large et commun et non au sens strict de système à entropie maximale ne pouvant atteindre un état d’équilibre.
-
[16]
« Les animaux d’un tel plan d’eau sont, dans leur ensemble, remarquablement isolés, étroitement liés entre eux dans tous leurs intérêts, mais tellement indépendants des terres alentour que, si tous les animaux terrestres étaient subitement annihilés, il se passerait sans doute longtemps avant que la multitude générale d’habitants du lac ne ressentît les effets de cet événement d’une manière quelque peu sensible. C’est un îlot de vie plus ancienne et inférieure au milieu de la vie supérieure et plus récente de la région » (Forbes, 1887, éd. de 1925, p. 537, en anglais). « Les lacs sont des bassins fermés, isolés les uns des autres. Ils sont des îles d’eau au milieu des continents terrestres » (Forel, 1904, p. 7).
-
[17]
« Les processus physiques régissant la dynamique fluviale, et par conséquent la morphologie des cours d’eau et leur évolution spatio-temporelle, régissent aussi, directement ou indirectement, la dynamique des écosystèmes qui leur sont associés » (Malavoi et Bravard, 2010, p. 9).
-
[18]
Nous nous permettons la traduction de « lac collecteur » pour « recipient lake », contre la traduction habituelle de « lac récepteur » calquée sur l’anglais.
-
[19]
« Les géographes ont probablement été parmi les premiers scientifiques à s’être intéressés aux cours d’eaux en tant qu’objet physique, éléments de paysages qu’ils ont contribué à façonner. Les écologistes y sont venus tardivement, car les lacs étaient plus simples à étudier que les rivières » (Lévêque, 2011, paragraphe 4).
-
[20]
« La notion de dimension (ou d’échelle) […] implique un degré variable de hiérarchie des facteurs et de complication systémique. Or, dans la nature, plus la surface considérée est grande, plus le système est compliqué et plus il est dynamiquement stable par suite du jeu des inerties et des rétroactions » (Demangeot, 1996, p. 102).
-
[21]
« Ce concept [d’hydrosystème fluvial] est particulièrement adapté aux grands cours d’eau, ou au moins à ceux disposant d’une plaine alluviale suffisamment vaste pour permettre la création de la mosaïque d’unités géomorphologiques et d’écosystèmes » (Malavoi et Bravard, 2010, p. 10).
-
[22]
« Dans la majorité des domaines aquatiques, les peuplements se distribuent de manière amplement tridimensionnelle et les chaînes alimentaires sont peu dépendantes des ressources liées au substrat » (Rougerie, 1993, p. 5).
-
[23]
« Influence plus marquée dans les étangs […]. Sur le plan structural du système, l’absence d’une zone pélagique qui est un domaine essentiel en mer et encore important dans les lacs » (Rougerie, 1993, p. 166).
-
[24]
« L’hétérogénéité horizontale de la répartition du plancton apparaît relever davantage de la règle que de l’exception. […] Les gradients verticaux se prêtent en outre à une simulation expérimentale pour tester les hypothèses formulées. Il en va différemment pour les structures observées dans le plan horizontal, qui sont moins prévisibles » (Angeli et al., 1995).
-
[25]
« Au plan de son fonctionnement, le poids que prend la nature des fonds dans le métabolisme de l’étang » (Rougerie, 1993, p. 166).
-
[26]
« Le biotope particulièrement changeant des étangs » (Wurtz, 1958).
-
[27]
On sait que l’article de W.M. Lewis fut refusé dans plusieurs revues des États-Unis, obligeant l’auteur à tenter sa chance dans une revue canadienne. Quant à Cl. et G. Bertrand (2002), ils expliquent que l’article fondateur de 1968 avait été refusé par les Annales de Géographie.
-
[28]
« Il s’agit donc d’une unité dimensionnelle comprise entre quelques kilomètres carrés et quelques centaines de kilomètres carrés. C’est à cette échelle que se placent la plupart des phénomènes d’interférence entre les éléments du paysage et qu’évoluent les combinaisons dialectiques les plus intéressantes pour le géographe. […]. Enfin, le géosystème constitue une bonne base pour les études d’aménagement de l’espace car il est à l’échelle de l’homme » (Bertrand, 1968, p. 259).
-
[29]
Les lacs du monde (sans la Caspienne) étant compris entre 0,1 km² et 100 000 km², une surface de 100 km² se trouve au centre des 6 classes logarithmiques (10-1-1, 1-10, 10-102, 102-103, 103-104, 104-105).
-
[30]
Reprenant les analyses de G. Barsch, A. Issatchenko qualifiait les liens entre les géosystèmes et les systèmes sociaux de « внешние отношения » (Исаченко, 1972, p. 171), de « relations externes ».
-
[31]
« L’anthropisation de ce qu’on peut appeler le géosystème contraint la géographie physique à intégrer ce paramètre nouveau » (Amat et al., 2015, p. 419).
-
[32]
« Exemple de géosystèmes, l’hydrosystème fluvial » (Amat et al., 2015, p. 428).
1. Introduction
1 Le limnosystème est un mot qui émaille les écrits limnologiques depuis plusieurs décennies sans que personne ne revendique en être l’auteur. En outre, son emploi n’est jamais conceptualisé en tant que tel. De fait, quand les biologistes rencontrent ce terme, ils s’en emparent naturellement comme une déclinaison de l’écosystème, les géologues comme un cas particulier d’hydrosystème ou de géosystème. Les géographes physiciens n’ont pas vraiment éprouvé le besoin d’utiliser le terme, les hydrosystèmes lacustres faisant bien l’affaire. Les auteurs du présent article et les docteurs en géographie qu’ils ont formés utilisent certes le limnosystème depuis la fin des années 1990, mais ils n’ont jusqu’à présent pas discuté sa représentation mentale générale et sa construction dans le monde scientifique, si bien que l’épistémologie du limnosystème est restée inachevée.
2 Notre hypothèse de travail se trouve être que le sous-emploi [1] du terme de limnosystème, par rapport à celui de (éco-, hydro- ou géo-) système lacustre, provient d’un manque de réflexion épistémologique et du fait que les plans d’eau autres que le lac naturel n’ont jusqu’à présent pas été pris en compte au même niveau, soit parce qu’ils sont d’origine artificielle soit parce qu’ils sont de petite taille, sans que cela ait été clairement formulé.
3 Le but de cet article est de donner une définition du limnosystème, qui soit à la fois adaptée aux principaux utilisateurs potentiels et opérationnelle. Le parti pris sera celui de la géographie limnologique, se différenciant à la fois de la limnologie biologique et de la géographie classique. En effet, d’une part la géographie ne privilégie pas la biocénose au biotope, n’évacue pas la question spatiale du raisonnement ni ne réduit la question sociale à la seule perturbation de l’écosystème, d’autre part la limnologie, du moins forelienne [2], ne souffre pas d’une vision fluvio-centrée marginalisant ou subordonnant les eaux non courantes.
4 Pour ce faire, il sera d’abord rappelé que le limnosytème n’avait jusqu’à présent pas de définition fondée sur une épistémologie des concepts. Puis il conviendra de présenter les emprunts possibles aux concepts déjà établis d’écosystème, de géosystème et d’hydrosystème. Il faudra ensuite approfondir l’entrée des échelles spatio-temporelles et enfin se positionner face à la place de la société dans le limnosystème et celle du plan d’eau dans l’anthroposystème. C’est dans ces deux dernières parties qu’il s’agira de souligner les nouveautés nécessaires : le centrage sur le plan d’eau et la déclinaison multiscalaire des relations entre celui-ci et son environnement.
2. Le limnosystème, un terme aux origines floues
5 Si l’on peut faire remonter l’idée au xixe siècle et sa première formalisation en 1887 par le limnologue américain Stephen Forbes, le terme lui-même de limnosystème ne se rencontre que dans la seconde moitié du xxe siècle. En français, la plus ancienne mention que nous ayons trouvée est celle du géologue suisse Jean-Michel Jaquet en 1989. Dans cet article discutant les difficultés d’application à la limnologie des méthodes de télédétection en océanographie, « limnosystème » apparaît dans les mots-clefs succédant au résumé, tandis qu’il ne fait pas partie des keywords. Cela donnerait à penser que le terme n’avait pas encore émergé dans les articles anglo-saxons. En outre, le mot « limnosystème » ne se trouve nulle part dans le corps du texte, où il est remplacé par l’expression de « système lacustre », que J.-M. Jaquet dit construire pour intégrer les idées de H.T. Odum (1983) à la limnologie, bien que, dans la pratique, il définisse ce mot comme l’ensemble du lac et de son bassin.
6 En anglais, la plus ancienne mention que nous ayons identifiée est celle d’un article technique traitant de la pollution au TNT du lac de barrage de Chickamauga, construit sur le Tennessee (Putnam et al. 1980). Le mot « limnosystem » apparaît au détour d’une phrase, sans discussion du concept ni aucune explication concernant son emploi [3]. Ainsi, la paternité du néologisme n’est nulle part assumée clairement. L’entrée « limnosystem » n’existe ni dans l’Encyclopedia of lakes and reservoirs (Bengtsson et al., 2012), ni dans l’Encyclopedia of hydrology and water resources (Herschy et Fairbridge, 1998), cependant que, dans cette dernière, le mot apparaît dans l’article « limnology – definition » comme synonyme de « lacustrine ecosystem » (Gâstescu, 1998, p. 467).
3. La prise en compte des interactions
3.1. Une démarche synthétique, intégratrice ou systémique ?
7 La volonté d’une étude pluridisciplinaire, globale, synthétique et relationnelle des plans d’eau a accompagné la limnologie dès sa naissance (Forel, 1892), donc plus de quarante ans avant la création du mot d’écosystème (Tansley, 1935). L’inventeur de la limnologie concluait de l’étude complète d’un lac que « la géographie ne repousse rien ; elle admet tout, elle comprend tout. […] Ici il nous est permis […] d’abandonner la spécialisation » (Forel, 1904, p. 669). À la suite des biologistes québécois E. Bourget et M.-J. Fortin (1995), qui, en dépouillant 253 articles scientifiques en limnologie et en océanographie, avaient montré que la politique de publication exclusive dans les revues les plus indexées défavorisait les approches systémiques dans les sciences aquatiques, nous posons l’hypothèse que bien des limnologues actuels, chercheurs de sciences dures oppressés par la cadence demandée des publications scientifiques à facteur d’impact et la spécialisation à outrance qu’elle réclame, utilisent l’écosystème aquatique en introduction de leur propos pour justifier l’intérêt de leurs travaux dans le cadre de l’environnement en général et en lointain souvenir, inconsciemment nostalgique, des premiers pas de la limnologie forelienne. C’est juste une conduite synthétique décloisonnant les disciplines.
8 Certes, au sens strict, une démarche intégratrice n’est pas exactement synonyme d’une approche systémique (Beroutchachvili et Bertrand, 1978), la première, proche du courant réductionniste (Drouin, 1987) étant souvent qualitative et quantitative, et analysant d’abord chacun des compartiments avant de les combiner, tandis que la seconde, qui répond à une pensée holistique (Drouin, 1987), est exclusivement quantitative (Astolfi, 1987) et étudie les interrelations sans intermédiaire ni préalable. Au sens large, cependant, elles peuvent être toutes deux confondues.
9 De fait, après la création de l’écosystème, les limnologues, dans l’écriture des manuels plus que dans celle des articles, ont favorisé les démarches présentant le lac comme un ensemble de relations réciproques entre les composants, qui devaient être étudiées en mettant en avant les bilans et les cycles, les flux d’énergie et de matière, les masses vivantes et inertes. Ainsi, dans les manuels français de limnologie, B. Dussart (1992, p. 407) explique, dans l’introduction de la partie traitant du « biome », que « c’est toute la matière qui, prise comme unité, […] constituera avec le milieu qui lui sert de support, d’aliment, de moyen d’évacuation, de véhicule, un écosystème », cependant que R. Pourriot et M. Meybeck (1995, p. 687) intitulent l’une de leurs trois grandes parties « cycles biogéochimiques ». Dans le grand manuel de limnologie américain, R.G. Wetzel (2001, p. 5) montre que, pour son propos, qui dépasse tout de même le millier de pages [4], l’étude systémique n’est autre qu’une étude intégrée et globalisante, c’est-à-dire que « limnology correctly encompasses an integration of physical, chemical, and biological components of inland aquatic ecosystems ».
10 L’autre assimilation des écrits limnologiques est celle qui identifie la démarche systémique à la seule modélisation mathématique, même quand celle-ci ne concerne qu’un compartiment de l’écosystème lacustre, par exemple l’eutrophisation (Vinçon-Leite et al., 1995). Le « modèle qualitatif » du « système socio-écologique » lacustre en est une variante (Downing et al., 2014).
3.2. Le limnosystème comme écosystème lentique valorisant les biocénoses
11 La biocénose, terme créé plus d’un demi-siècle avant l’écosystème par K.A. Möbius (1877), est un concept qui s’est forgé à partir d’un milieu aquatique, le littoral marin, pour désigner la communauté de vie, la Lebensgemeinschaft, des bancs d’huîtres. Par la suite, l’écosystème, fondé lui aussi par des biologistes (Tansley, 1935), a été conçu en subordonnant le biotope à la biocénose [5]. Quant au botaniste russe V. Soukatchov, il créa le terme de biogéocénose comme presque synonyme d’écosystème, la légère différence n’étant justement pas la question de la prééminence de la biocénose (Сукачёв, 1942). Ce préjugé fut l’une des raisons pour lesquelles les géographes critiquèrent l’écosystème. Par exemple N. Beroutchachvili et G. Bertrand (1978, p. 171) n’hésitaient pas à écrire que « l’écosystème représente une approche biocentrique » et G. Rougerie (1996, p. 160) « c’est un système étroitement centré où le biotique tient pratiquement toute la place ».
12 Les limnologues échappèrent d’autant moins à cette optique biologiste que nombre d’entre eux furent parmi les pionniers de l’écologie générale, de la biocénose et de l’écosystème. S. Forbes (1887) avançait déjà que nulle part ailleurs que dans un lac « peut-on voir illustré plus clairement ce qu’on pourrait appeler la sensibilité d’un tel complexe organique, exprimé par le fait que quoi que ce soit affectant une espèce lui appartenant doit avoir, d’une manière ou d’une autre, une influence sur l’assemblage total » (éd. de 1925, p. 537, en anglais). Après l’invention de l’écosystème, le limnologue G.E. Hutchinson montra que la disponibilité en nutriments conditionnait la chaîne alimentaire dans les lacs (Hutchinson et Wollack, 1940) et R.L. Lindeman (1942) précisa que le flux énergétique à travers le lac était le moteur de tout l’écosystème, en mettant en avant la chaîne trophique [6]. G.E. Hutchinson et R.L. Lindeman, qui avaient d’ailleurs travaillé ensemble, disaient s’appuyer à ce sujet sur les idées de V. Vernadsky (1929), qui avait permis de passer de la géochimie à la vision écosystémique avant la lettre (Pédro, 2007). Bien que les connaissances scientifiques aient beaucoup progressé depuis, la prééminence de la biocénose dans l’écosystème est restée une constante dans tous les manuels de limnologie jusqu’à aujourd’hui, à l’instar de ceux d’écologie générale (Odum et Barrett, 2004, Ramade, 2009).
13 Il se trouve que, pour les limnologues orthodoxes, cette biocénose est normalement associée à un habitat lentique, du fait de la définition originelle, forelienne, de la limnologie, qui n’étudie que les eaux stagnantes (Forel, 1892). Cela s’appuie sur une opposition effectivement très forte avec les milieux lotiques (Needham et Lloyd, 1916, Hynes, 1970, Marsh et Fairbridge, 1999, Buffagni et al., 2009). E. Angelier (2000) résume bien le fait que ces derniers sont les seuls fondés sur une chaîne trophique à prédominance horizontale, d’amont en aval, alors que les écosystèmes lentiques, à l’instar des écosystèmes terrestres non aquatiques [7], « sont caractérisés par un gradient vertical du cycle biosynthèse-biodégradation » (p. 22).
14 Pourtant, à partir des années 1920, sous l’influence d’A. Thienemann, de nombreux chercheurs se mirent à dire que l’écosystème des limnologues pouvait indifféremment s’appuyer sur un faciès d’eaux stagnantes ou courantes. Si l’on analyse ce choix sur le plan épistémologique, cela confirme à quel point, dans leur esprit, le biotope est subordonné à la biocénose, puisque les habitats lentiques et lotiques sont cumulés dans la définition qu’ils donnent de la limnologie. Certains purent alors se revendiquer de tous les écosystèmes aquatiques d’eaux intérieures (Welch, 1952), d’autres des seuls écosystèmes dulçaquatiques (Alvarez Cobelas et al., 2005) et ce flou définitoire persiste dans la plupart des manuels de limnologie, alors même que l’opposition entre les habitats lentiques et lotiques reste considérable dans leur pratique de la recherche scientifique.
15 Néanmoins, depuis les années 1970, l’eutrophisation est devenue la grande affaire de la limnologie. Pour appréhender globalement ce phénomène de surenrichissement des eaux en matières nutritives et de perturbation de la chaîne trophique, tant en limnologie fondamentale qu’en limnologie appliquée à la lutte contre ses méfaits, le concept d’écosystème était tout indiqué. Or l’eutrophisation est plus grave en eau stagnante que courante, car la première n’a pas la capacité auto-épuratrice de la seconde. C’est donc sur l’écosystème lentique que se portèrent toutes les attentions des limnologues, cette priorité n’ayant d’ailleurs jamais été démentie dans les faits, malgré les dénégations embarrassées des introductions ou avant-propos expliquant le contraire [8] par peur d’être rejeté par l’école de pensée thienemannienne.
3.3. Le limnosystème comme partie lentique du système fluvial valorisant le biotope
16 En travaillant à améliorer les possibilités de généralisation et d’abstraction des calculs et des recherches d’A.N. Strahler (1950) et en revisitant le problème du profil d’équilibre des cours d’eau, R.J. Chorley définit le concept de « stream system » en mettant en avant les relations, quantifiées, entre les linéaires de cours d’eau et les pentes des versants de vallée (Carter et Chorley, 1961), puis l’élargit à l’ensemble de la géomorphologie en réponse aux théories davisiennes (Chorley, 1962). Malgré son intérêt pour les études de géomorphologie lacustre de Grove Gilbert (Chorley et Beckinsale, 1980), le géographe anglais lançait un courant de pensée dans lequel le lac n’était au mieux qu’une annexe.
17 S.A. Schumm (1977, 1981) préférait l’appellation de fluvial system et il fondait ce concept sur son articulation en trois composantes, le bassin versant en tant que source d’eau et de sédiment, le réseau linéaire, la zone d’accumulation sédimentaire construisant un piémont ou un littoral, toutes « reliées statistiquement entre elles » (Bravard, 1996, p. 134). Dans la pratique, cette introduction de la démarche systémique permit aux géomorphologues spécialistes de dynamique fluviale de « considérer l’ensemble du réseau hydrographique et de son bassin versant, ce que les géomorphologues nomment “système fluvial” » (Amoros et Petts, 1993, p. 7). Dans sa réflexion épistémologique et son résumé historique de l’époque de S.A. Schumm, J.-P. Bravard (1996, p. 134) montre bien que, traditionnellement, l’expression de « système fluvial » est employée pour étudier le biotope, mais peut, dans certains cas, connaître un élargissement vers la biocénose [9].
18 Quand les chercheurs pennsylvaniens créèrent autour de R.L. Vannote le concept de continuum fluvial, c’était cette logique scientifique qui prévalait et elle fut assumée jusqu’au bout. Il s’agissait d’adapter le concept d’équilibre utilisé par les géomorphologues de la dynamique fluviale à la biologie des cours d’eau (Vannote et al., 1980), d’où l’insistance sur le gradient des ressources du biotope lotique pour la chaîne alimentaire (Cushing et Allan, 2001).
19 En conclusion, dans le système fluvial des géomorphologues, valorisant le biotope, et même dans le continuum fluvial, qui l’applique à la biocénose, de petits lacs peuvent être intégrés au système, par exemple en tant que réserves stockant l’eau fluviale pendant un certain temps, ou encore en tant que ruptures (obstacles, contrepentes, discontinuités écologiques). Mais, dans le cadre mental de ces concepts, le lac ne peut être qu’un perturbateur. Il est un accident, qui rompt le profil d’équilibre, la continuité sédimentaire et écologique, et qui décale l’alimentation en eau. Dans cette représentation, il est forcément, si jamais il existe, à l’échelle locale. Un grand lac ne peut devenir en soi l’objet d’étude d’un système fluvio-centré.
20 Parallèlement au travail des géomorphologues fluviatiles et des potamologues, les limnologues non biologistes ont aussi introduit la démarche systémique dans leurs études des plans d’eau. Il ne sera évoqué ici que ceux qui ont voulu employer les néologismes discutés. Ainsi, J.-M. Jaquet (1989), premier géologue francophone à avoir utilisé le nom de limnosystème, avait une conception assez proche de celle valorisant le biotope. À la lecture de l’article du chercheur genevois, nous trouvons que le « limnosystème », qu’il appelle aussi le « système lacustre », répond au système fluvial de S.A. Schumm.
21 La prééminence du biotope est généralement encore plus forte chez les géologues limnologues occidentaux ou les géographes géomorphologues qui emploient l’expression de « géosystème lacustre ». Le géosystème n’a alors pas le sens des auteurs russes qui ont forgé le mot et le concept d’origine (cf. infra), mais il répond plutôt à la signification de biotope lacustre. Et il est même réduit à ses sédiments, dans l’objectif de reconstituer des paléoenvironnements, c’est-à-dire l’écosystème terrestre du bassin versant à des époques passées. Cette démarche est manifeste dans la thèse de géologie de Vincent Bichet (1997), qui emploie aussi le terme de « système limnologique ». Pour lui, le « géosystème lacustre » est entendu comme la relation fonctionnelle entre le bassin versant, en tant que « système producteur », et le lac, en tant que « système récepteur », ou, de façon plus conceptuelle, entre le « signal sédimentaire » et « l’enregistrement ». Élodie Brisset se fonde elle aussi sur les relations entre le signal sédimentaire envoyé par le bassin et l’enregistrement dans les séquences sédimentaires du fond des lacs, bien que, comme géographe géomorphologue, elle prête une attention particulière au rôle de l’Homme (Brisset et al., 2012).
22 D’autres auteurs, enfin, ont choisi de mettre en avant le biotope dans une optique modélisatrice, pour tenter de simuler et prévoir le fonctionnement du système lacustre, y compris de sa chaîne alimentaire. C’est ainsi que le géographe suédois Lars Håkanson et le biologiste russe Viktor Boulion, spécialiste des « écosystèmes limniques » (Бульон, 1994), proposent que les sept variables à entrer dans leur modèle LakeWeb soient toutes morphométriques, physiques ou chimiques, en l’occurrence la surface du lac, la profondeur moyenne, la profondeur maximale, la température de l’épilimnion, la concentration de l’eau en phosphore total, la couleur du lac et le pH (Håkanson et Boulion, 2002).
3.4. Le limnosystème comme hydrosystème déterminé par l’eau stagnante
23 Au sens plein, le géosystème est une unité territoriale dont l’identité est déterminée par une étude quantifiée des flux et des masses, si bien qu’il réclame une approche qui ne comporte pas d’a priori dans la hiérarchie des interrelations, ni en faveur de la biocénose, ni en faveur du biotope. C’est du moins ainsi qu’il a été conçu par l’inventeur du mot, le géographe russe Viktor Sotchava (Сочава, 1963, 1973, 1978 ; Исаченко, 1981 ; Семёнов, Снытко, 2013). Si l’on considère l’hydrosystème comme un cas particulier de géosystème, cette neutralité thématique est posée comme antérieure à l’expérimentation scientifique, à la quantification des flux d’énergie et de matières vivante et minérale. Et c’est celle-ci qui permet de trouver le déterminant. Bien que la quantification complète ne soit le plus souvent pas réalisée, tant pour les géosystèmes terrestres qu’aquatiques [10] (Vergnolle-Mainar et Sourp, 2006, Vergnolle-Mainar, 2007), il n’est pas étonnant que, dans le cas d’un hydrosystème, le résultat mette l’eau au premier plan et en fasse le déterminant, l’identité du système. À la suite du Programme interdisciplinaire de recherche sur l’environnement du CNRS qui lui avait été consacré pour la première fois (Roux, 1982), certains des auteurs du terme d’hydrosystème (Amoros et Petts, 1993) ont souligné le triple conditionnement dû à l’eau [11].
24 Dans le limnosystème, le déterminant devrait être conceptualisé comme l’eau stagnante et, au moins temporairement, stratifiée. Les limnologues britannique et américain A.J. Horne et Ch.R. Goldman (1994, p. 14, en anglais) ont écrit en ce sens, dans leur chapitre traitant des écosystèmes aquatiques, qu’« une fois la cuvette lacustre formée, les facteurs physiques, chimiques et biologiques interagissent pour produire une structuration interne des eaux tout à fait manifeste. Cette structuration persiste malgré le mouvement continuel de l’eau, qui est caractéristique de tous les écosystèmes aquatiques. Les eaux relativement calmes des lacs ont conduit à les désigner comme des milieux lentiques ».
25 En conclusion, la démarche systémique a beaucoup apporté à la limnologie par son caractère holistique. Elle ne s’absout cependant pas de choix prioritaires, l’écosystème favorisant la biocénose, le système fluvial valorisant le biotope. Certes le géosystème surmonte en théorie ce dilemme, mais, la quantification de tous les échanges étant difficile à mettre en œuvre dans la pratique, il s’efface le plus souvent devant le choix de mettre en avant l’eau comme déterminant de l’hydrosystème. En outre, dans le cas particulier des liens entre la limnologie et la géographie, un problème est sous-jacent à chacun de ces choix, celui de l’espace. Dans l’écosystème, la limnologie des biologistes est confrontée à une définition théorique qui embrasse les habitats lentiques et lotiques, en contradiction avec une pratique qui favorise les premiers. Ce problème s’ajoute à celui soulevé par les géographes depuis longtemps à propos de l’écologie, qui n’épargne pas la limnologie, c’est-à-dire que l’écosystème est adimensionnel (Beroutchachvili et Bertrand, 1978 ; Tricart [12], 1979a et b ; Rougerie, 1996). Dans le système fluvial, le biotope considère seulement les petits lacs, et encore le sont-ils comme ruptures de profil ou réserves d’eau retardant les flux. Ce fluvio-centrage peut être regardé à travers les interactions, mais il est, par essence même, spatial. Le géosystème et l’hydrosystème, qui n’ont été qu’effleurés dans cette première partie, à travers leur qualité de détermination neutre des interrelations, trouvent en fait la raison principale de leur création dans une volonté de leurs auteurs de placer la géographie et les échelles spatio-temporelles au cœur de la réflexion (fig. 1).
4. La prise en compte des échelles spatio-temporelles
4.1. Le limnosystème comme écosystème fermé
26 Quand, dans les années 1930, les biologistes américains et soviétiques réfléchissaient de façon parallèle à renforcer la démarche systémique en écologie, une différence se fit jour entre les deux concepts, par ailleurs proches, qui en sortiraient, l’écosystème à l’ouest, la biogéocénose à l’est. Celle-ci demandait que ce fût le travail scientifique qui délimitât la portion d’espace bien circonscrite où ont lieu les relations réciproques. C’est pourquoi, dans l’esprit de son auteur, V. Soukatchov, et de ses collaborateurs, la biogéocénose était réservée aux interactions d’une communauté d’êtres vivants avec un biotope de terre ferme (Сукачёв, 1942), que la recherche scientifique devait borner grâce à une étude des discontinuités. Au sens strict, chez les Russes, un lac est un écosystème mais il n’est pas une biogéocénose, car ses rives sont déjà naturellement tracées de façon évidente.
27 Au contraire, si jamais l’on est dans l’état d’esprit que la variable spatiale est secondaire, qu’on peut la négliger, ou que, si on l’élimine, cela n’a pas de conséquence grave sur le raisonnement, qui reste favorablement porté par l’étude des interactions dans un écosystème sans échelle, alors le lac est un morceau de choix. En effet, le plan d’eau continental est une entité bien délimitée et, contrairement à l’océan, dont le fonctionnement écosystémique est proche, il est à taille humaine. Ce sont ces deux qualités qui ont donné à S. Forbes (1887) l’idée du microcosme [13], qui préfigurait celle d’écosystème (Barber, 1998 ; Beyers et Odum, 1993).
28 Ainsi, l’écosystème semble né du limnosystème, bien que l’invention des mots ait eu lieu dans le sens chronologique inverse, ou bien, dit autrement, l’écologie est en grande partie née de la limnologie. Il n’est pas fortuit que tant de pionniers de l’écologie et de l’écosystème aient été limnologues, non seulement S. Forbes, mais aussi R. Lindemann [14] (Barnaud et Lefeuvre, 1992) et, bien entendu, G. Hutchinson, celui-ci considéré comme le plus important écologue du xxe siècle par S. Gould (1987), tout en étant qualifié de père de la limnologie américaine (Colwell et Rangel, 2009, Slack, 2011). Quant à E. Odum, auteur de l’ouvrage fondateur de l’écologie générale en 1953, ainsi que son frère et son père, ils étaient liés à G. Hutchinson et il n’est pas inutile de rappeler que H. Odum avait été son étudiant (Hagen, 1992). Le géographe roumain P. Gâstescu (1998, p. 467, en anglais) pouvait donc conclure que « les lacs représentent les systèmes les plus caractéristiques présents dans la nature ». Ch. Lévêque (2001) lie cette prééminence du lac en écologie avec la clarté de ses limites rivulaires, donc la commodité d’étude de son fonctionnement et il confirme cette idée en 2011, écrivant que, à partir des années 1940, « on assimilera l’écosystème à des objets, tels que le lac qui symbolise l’écosystème par excellence, car on peut identifier des frontières physiques avec les autres systèmes écologiques environnants » (paragraphe 6).
29 Cependant, les limnologues du tournant des xixe et xxe siècles, pionniers quant à l’étude des relations et des interactions entre les éléments, soulignaient plutôt le caractère fermé [15] ou semi-fermé de ce qu’on appela plus tard un écosystème, au contraire du concept actuel de limnosystème, créé du fait de son ouverture au bassin et des échanges de flux d’énergie et de masse avec l’extérieur. Les premiers limnologues mettaient au contraire en avant l’importance exceptionnelle de l’endémisme biologique des lacs, que seules les îles pouvaient concurrencer [16] (Forbes, 1887, Forel, 1904). Cette façon de voir, qui garde par ailleurs toute son acuité pour l’analyse des lacs où l’endémisme biologique est le fait majeur, comme le Baïkal, peut même, maniée avec précaution, rester utile aux études plus récentes dans tous les domaines. Ainsi, dans le cas particulier des plans d’eau enserrés dans un environnement urbain, la notion d’isolat peut être pertinente (Browne, 1981). Cela reste aussi le moyen, dans l’étude géographique des milieux, de rappeler la particularité des plans d’eau et la netteté de leur délimitation. « L’hydrosystème continental est extraordinairement cloisonné : […] chaque étang est un géotope clos » (Demangeot, 1994, p. 42).
30 Pour autant, cette priorité donnée à l’isolat lacustre a été aussi critiquée par les biologistes. G.E. Hutchinson (1964), dans un article portant un regard épistémologique sur la limnologie, en discutant les approches de S.A. Forbes et E.A. Birge, montra que celles-ci réclamaient un présupposé, l’idée que « chaque lac peut en fait être traité comme un système au moins en partie isolé » (Hutchinson, 1964, p. 334, en anglais). En géographie, G. Rougerie (1993, p. 143) a bien exprimé l’ambivalence entre la fermeture et l’ouverture du système lacustre : « le système lacustre s’avère en général être un système ouvert, malgré les apparences. […] Dans ces systèmes dynamiquement ouverts mais chacun pour son propre compte, les écosystèmes sont, en revanche individualisés les uns par rapport aux autres ». L. Touchart (2000, 2007) avait voulu montrer que l’association des deux composantes souvent opposées était peut-être justement l’entrée la plus adaptée à l’étude d’un plan d’eau, comme une ambivalence entre l’autonomie du lac et sa dépendance envers le bassin et les autres éléments extérieurs.
31 Dans la limnologie actuelle, cette propriété des lacs est souvent prétextée pour imposer l’utilisation des modèles mathématiques : « chaque écosystème aquatique est un élément unique de la nature, et pourtant il est impossible d’étudier chaque système avec le détail nécessaire à l’évaluation au cas par cas des menaces écologiques qui pèsent sur lui et des mesures concrètes proposer pour y remédier. Dans ce cas général, les modèles quantitatifs sont essentiels » (Håkanson et Boulion, 2002, p. 1, en anglais).
4.2. Le limnosystème comme hydrosystème ouvert
32 L’essentiel des travaux sur le stream system (Carter et Chorley, 1961 ; Chorley, 1962) montrait l’intérêt de passer d’un concept de système fermé, symbolisé par la théorie davisienne, à un système ouvert. Dès S.A. Schumm (1977), l’ouverture du système fluvial était fondée sur les liens entre le bassin et le linéaire fluvial, si bien que J.-P. Bravard (1996 p. 134) a pu résumer cette période scientifique en écrivant que « le concept de système a été appliqué avec succès aux bassins versants et aux cours d’eau qui en constituent le réseau hydrographique. […] Comme tout système ouvert, [le système fluvial] se caractérise par des limites, qui sont celles données par le bassin versant ». Certes, l’équipe de R.L. Vannote avait déjà insisté sur l’importance des échelles spatio-temporelles (Minshall G.W. et al., 1985), mais, conceptuellement, le cadre restait celui du système fluvial, fût-il amendé en continuum fluvial.
33 Ce fut le concept d’hydrosystème qui plaça résolument les échelles spatio-temporelles sur le devant de la scène. Qu’il soit considéré comme l’héritier du système fluvial faisant la part belle au biotope (Malavoi et Bravard [17], 2010) ou qu’il soit « défini comme un ensemble d’écosystèmes en interactions » (Amoros et al., 1987, p. 21, en anglais), la raison de la création du nouveau concept d’hydrosystème au début des années 1980 par le programme de « recherches méthodologiques appliquées à la gestion écologique des hydrosystèmes fluviaux » du CNRS dirigé par A.L. Roux (1982) était de prendre en considération lesdites « quatre dimensions […] : longitudinale, transversale, verticale, temporelle » (Bravard, 1996, p. 136). Concernant les échelles spatiales, la nouveauté conceptuelle était de remplacer les visions de S.A. Schumm et de R.L. Vannote, privilégiant les flux unidirectionnels, qu’ils soient de l’amont vers l’aval ou du bassin vers le réseau, par des flux réciproques, dits « bidirectionnels » (Amoros et Petts, 1993, p. 7), et multidirectionnels, mettant en valeur les échanges verticaux et transversaux.
34 Ainsi, grâce à la prise en compte des flux transversaux dans la plaine alluviale, les petits lacs, notamment ceux de bras morts et de trop-plein, étaient incorporés au système. Cette intégration était aussi favorisée par la mise en avant des échelles spatio-temporelles, si bien que les petits plans d’eau et les marais, comme tampons, annexes, appendices et maillons, permettaient d’affiner la compréhension du tronc fluvial principal. Un grand lac ne peut cependant pas être le but de l’étude dans le concept d’hydrosystème. Celui-ci doit donc être en réalité qualifié d’hydrosystème fluvial.
35 Dès lors qu’on souhaite éviter le pléonasme, l’expression d’hydrosystème fluvial doit trouver son corollaire dans celle d’hydrosystème lacustre, bien que certains géographes préfèrent le parallèle entre les « hydrosystèmes fluviaux » (Bethemont, 1999, p. 14) et les « systèmes lacustres » (p. 42), laissant entendre que ceux-ci sont un sous-ensemble de ceux-là. Le géographe L. Astrade a pu passer aisément de l’un à l’autre, soutenant sa thèse en 1996 sur l’hydrosystème fluvial de la Saône, puis travaillant sur les lacs de barrage du Québec, et dirigeant ensuite le numéro spécial de la Revue de géographie alpine intitulé « hydrosystèmes lacustres » (Astrade et Nedjai, 2003).Il est d’ailleurs à noter que l’expression d’« hydrosystème lacustre » est prononcée plusieurs fois dans l’avant-propos, mais jamais celle de « limnosystème ».
36 En pratique, sur le plan spatial, l’écosystème lacustre des biologistes, le géosystème lacustre des géologues et géomorphologues, le limnosystème, et même l’hydrosystème lacustre des géographes malgré le calque du mot sur un hydrosystème fluvial défini par ses trois dimensions spatiales, sont presque toujours employés dans un sens amoindri, réduit aux relations entre le lac et son bassin, ou bien comme une unité spatiale cumulant le lac et son bassin.
37 Cette vision a été lancée dans les montagnes Blanches du New Hampshire, à environ 200 km au nord-ouest de Boston. Ce fut là que les États-Unis créèrent, en 1955, un bassin versant représentatif et expérimental, truffé d’instruments de mesures, celui du ruisseau Hubbard, comprenant un petit lac, le Mirror. Pendant plusieurs décennies, à partir de son article fondateur (Bormann et Likens, 1967), G.E. Likens milita pour une recherche écosystémique fondée sur le bassin versant, et, devenu un limnologue renommé, s’associa à Robert Wetzel pour généraliser le lien entre le lac et le bassin comme fondement du lake system. « Pour les limnologues, les lacs, étangs, fleuves et rivières, ainsi que les bassins d’alimentation qui leur sont associés, représentent les écosystèmes ayant de l’intérêt » (Wetzel et Likens, 1979, p. 272, en anglais). Finalement, dans le manuel de limnologie considéré comme la référence mondiale, R. Wetzel (2001, p. 131, en anglais) pouvait conclure qu’« il est maintenant communément admis que l’écosystème lacustre consiste en l’ensemble du lac et de son bassin d’alimentation ».
38 Les géologues et géomorphologues définissent ou emploient généralement le géosystème lacustre selon une vision spatiale identique à celle de l’écosystème lacustre des biologistes, c’est-à-dire focalisant sur les relations entre le lac et son bassin. Ainsi, le lac tel le « bassin récepteur » du géologue français V. Bichet (1997) répond à l’importance de la notion de recipient lake chez les limnologues biologistes américains (Wetzel et Likens, 1979 ; Likens, 1985). L’articulation entre le bassin versant et le lac est aussi au cœur des préoccupations spatiales des géomorphologues (Brisset et al., 2012). Même chez les géographes russes, pourtant auteurs du géosystème dans son sens initial, l’expression de géosystème lacustre est souvent devenue synonyme du lien entre le lac et son bassin. C’est par exemple ainsi que le pratiquent V. Beliakova et S. Chaporenko pour le lac Seliger (Белякова, Шапоренко, 2004).
39 Quant au géologue J.-M. Jaquet (1989), il a fait entrer le limnosystème dans la langue française en écrivant que « le système lacustre comprend le lac lui-même, alimenté et vidangé par des rivières, et le bassin versant » (Jaquet, 1989, p. 459). Ce lien entre le lac et son bassin s’est tellement ancré dans la définition du limnosystème que le biologiste suisse J.-B. Lachavanne s’appuie sur ce concept pour étudier les écotones aquatiques, c’est-à-dire les zones littorales lacustres. L’objet d’étude est ainsi devenu le lieu de ce lien. « La notion de limnosystème comprend un bassin versant (source de matières, de nutriments et d’organismes), des cours d’eau (tributaires) qui transportent ces matières et un lac (collecteur [18]) » (Lachavanne et Juge, 1997, p. 18, en anglais).
40 Bien entendu, tous les limnologues connaissent l’influence du lac sur son émissaire et travaillent parfois sur elle, mais force est de reconnaître qu’ils se refusent à conceptualiser l’ouverture du plan d’eau vers l’effluent et les rétroactions sur les versants encadrants. L’unité territoriale du système n’est jamais cartographiée comme un lac avec son amont et son aval et c’est comme si l’aval n’avait pas d’intérêt à être spatialisé, comme si l’influence de l’eau lacustre s’écoulant dans l’émissaire n’avait pas de limite, n’avait plus d’échange avec la nappe, n’avait pas d’effet sur le microclimat. Certes J.-M. Jaquet (1989, p. 459) fait apparaître l’émissaire dans sa définition du système lacustre, mais de façon allusive, par le seul mot de « vidangé », sans le conceptualiser et le mettre sur le même plan hiérarchique que le bassin. L’essai a bien été tenté dans une démarche systémique pour l’organigramme des interrelations (Touchart, 1993), mais sans aller jusqu’à la cartographie du territoire concerné.
41 Cette remarque selon laquelle il est regrettable que le lac ne soit en général pas au centre, mais seulement en bout de course, de l’hydrosystème lacustre lui-même, peut paraître n’avoir pas sa place dans un raisonnement scientifique, car elle possède une part émotionnelle. Pourtant, celle-ci joue un rôle dans le choix de l’objet de recherche principal et la réaction n’est pas la même selon la formation disciplinaire initiale du chercheur qui se trouve devant une inégalité de traitement. Face au caractère limno-centré ou fluvio-centré des recherches et leur évolution historique, le biologiste peut regretter la place secondaire de l’intérêt porté aux cours d’eau [19] (Lévêque, 2011), le géographe déplorer la place secondaire de l’intérêt porté aux plans d’eau (Touchart et al., 2014).
4.3. Le limnosystème comme géosystème limnique ayant une structure, un fonctionnement et un comportement
4.3.1. Le géolimnosystème : les échelles d’interdépendance entre le plan d’eau et son environnement
42 Si l’on souhaite privilégier l’étude du plan d’eau à l’échelle du « mésocosme », au sens de J.-B. Lachavanne et R. Juge (1997, p. 18), alors nous émettons l’hypothèse que l’espace délimité par le lac et son bassin versant est survalorisé dans la bibliographie limnologique actuelle, et qu’il conviendrait d’apporter d’autres espaces en aval, à mieux définir que le seul émissaire. L’échelle la plus pertinente serait à discuter, celle correspondant à l’unité territoriale du géosystème centré sur le lac, en insistant sur l’interdépendance de cette entité, ou, pour traduire littéralement le terme russe de взаимообусловленность (Исаченко, 1981), son interconditionnalité. Ce limnosystème recouvrirait un espace plus grand, donc plus complexe [20] (Demangeot, 1996), que le périmètre délimité par le lac dans son bassin d’alimentation. Les méthodes d’étude de cet espace, dans lequel le lac ne serait pas seulement un aval collecteur, mais aussi un amont moteur, n’auraient en revanche pas de raison d’être fondamentalement différentes de celle des géosystèmes, exposée par ailleurs et résumée dans la trilogie de la structuration interne, du fonctionnement et du comportement (Сочава, 1963, 1973, 1978, Beroutchachvili et Bertrand, 1978, Beroutchachvili et Radvanyi, 1978, Rougerie et Beroutchachvili, 1991), ou bien, nonobstant le fluvio-centrage, de celle des hydrosystèmes (Roux, 1982, Amoros et al., 1987, Amoros et Petts, 1993), dont on sait d’ailleurs que la taille est un facteur limitant pour une partie des méthodes [21] (Malavoi et Bravard, 2010). Cette échelle correspond au géolimnosystème de L. Touchart et al. (2002).
43 La proposition de L. Touchart (2007), ensuite mise en perspective épistémologique (Touchart et al., 2014), de classer les entités centrées sur un plan d’eau en « limnosystèmes de bassin », « limnosystèmes de versant » et « limnosystèmes dépendants » était une tentative de distinguer les échelles de l’interdépendance entre le lac et son environnement, les gradients d’ouverture de l’écosystème, les échelles de balance entre l’autonomie-isolat et l’intégration dans la chaîne hydrographique. Il se trouve que, en reprenant les études de cas, les limnosystèmes de bassin répondent à des plans d’eau dont les dimensions dépassent quelques kilomètres de largeur, les limnosystèmes de versant quelques hectomètres, les limnosystèmes dépendants quelques mètres, les territoires amont et aval associés à ces lacs, étangs et mares les multipliant en taille fréquemment de dix à vingt fois. Si jamais l’on voulait adapter les termes définis par G. Bertrand, dans sa conception de 1968, un limnosystème de bassin pourrait être qualifié de limnosystème au sens strict, un étang de limnofaciès et une mare de limnotope.
4.3.2. Le limnogéosystème : masses d’eau, bilans et rythmes internes
44 Si l’on souhaite privilégier l’étude du plan d’eau à l’échelle du « microcosme », alors il convient d’étudier sa structuration interne, son fonctionnement et son comportement, pour adapter la terminologie russe de V. Sotchava (Сочава, 1978 ; Beroutchachvili et Bertrand, 1978).
45 Sa structuration interne a la particularité d’être composée de masses d’eau, au sens de К.К. Эдельштейн (1991, 2014), qui se cubent et se meuvent dans les trois dimensions, conditionnant les biocénoses comme dans aucun autre géosystème [22] (Rougerie, 1993). Cette « structure hydrologique du plan d’eau » (Эдельштейн, 2014, p. 355, en russe), ce « cubement » (Touchart, 2007) peut être étudié comme l’intégration de l’étagement, qui croise lui-même toutes les stratifications verticales (thermique, photique, oxymétrique, etc.) selon F. Wilhelm (1960), et de la zonation, qui croise elle-même toutes les différences en plan (ceintures thermiques, Россолимо, 1957, opposition entre le large et le littoral [23], Rougerie, 1993, façades au vent et sous le vent, etc.). C’est dans la recherche des gradients et des discontinuités en plan que les géographes se distinguent le plus en limnologie, dans laquelle les biologistes ont l’habitude de favoriser la dimension verticale du fait que, dans celle-ci, la modélisation mathématique est moins difficile à effectuer [24] (Angeli et al., 1995). S’il était pratiqué en ce sens, le limnosystème aiderait à corriger le biais de l’écosystème lacustre de la même manière que, « le géosystème […] ajoute une dimension latérale à la seule dimension verticale retenue par la plupart des approches écosystémiques » (Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 61).
46 Le fonctionnement du plan d’eau est quantifiable par l’étude des flux de matières et d’énergie, des cycles biogéochimiques et des bilans, parmi lesquels le bilan thermique est essentiel (Ragotzkie, 1978 ; Touchart, 2016), permettant de repérer les seuils de discontinuité entre les masses d’eau. C’est à travers cette dynamique de fonctionnement que se révèlent les différences d’échelle entre le lac et l’étang, le brassage du premier déterminé par la convection forcée, celui du second par la convection libre (Horne et Goldman, 1994). Les deux principaux objets d’étude de la limnologie se distinguent aussi par l’importance du rôle du sédiment dans le fonctionnement de l’étang [25] (Dussart, 1992 ; Rougerie, 1993), son caractère secondaire dans la dynamique du lac. Ainsi, le système stagnustre s’appuie sur un biotope sédimentaire, le système lacustre sur un biotope aqueux.
47 Le comportement (поведение dans la terminologie des auteurs russes du géosystème) du plan d’eau s’étudie à travers les échelles temporelles et il correspond à ce que les écrits franco-russes classiques ont appelé « la succession d’états dans le temps » (Beroutchachvili et Bertrand, 1978, p. 173). Cependant, l’expression d’origine de закономерности смен состояний contient en elle la nuance de régularité, de retour qui s’apparenterait plus à un cycle qu’à une variabilité aléatoire. D’ailleurs, l’auteur soviétique qui fonda l’étude scientifique du comportement des géosystèmes, qu’il nomma l’éthologie, N. Beroutchachvili, soulignait l’importance de prévoir les changements d’état (Беручашвили, 1989). Associé aux géographes français, il montra que le « rythme d’allure cyclique » concernait tout particulièrement « l’hydrosphère » (Rougerie et Beroutchachvili, 1991, p. 66).
48 Pour autant, les temporalités acycliques sont importantes, et, à la station caucasienne de Martkopi, on soulignait entre autres, « les états liés à la circulation atmosphérique générale (stagnation des masses d’air, temps perturbé, etc.), [d’]une durée comprise entre 1 et 10 jours », ainsi que « la variabilité interannuelle […] des états du géosystème » (Beroutchachvili et Mathieu, 1977, p. 78). Appliquées au comportement des plans d’eau, ces deux échelles de temps acycliques renvoient d’une part à la notion de polymicticité discontinue, d’autre part à celle d’irrégularité annuelle et de critique de l’oligomicticité.
49 Le brassage fréquent et acyclique d’un plan d’eau peu profond, d’un temps de retour de quelques jours à quelques semaines, que J. Wiszniewski (1953) définit comme étant une polymicticité, qualifiée de discontinue par W.M. Lewis (1983) pour la distinguer des rythmes de brassage diurne, représente une temporalité caractéristique des étangs et lacs pelliculaires. En sus du mélange des masses d’eau, cette temporalité se retrouve dans toutes les composantes du système, y compris le sédiment [26] (Wurtz, 1958) et le comportement des organismes vivants. L’échelle des types de temps est certes connue des climatologues, mais sa conceptualisation pour toutes les composantes du système, correspondant à l’échelle de temps E3 de « l’état météo » de Cl. et G. Bertrand (2000), et sa généralisation en limnologie n’ont pas été aisées [27] (Bertrand Cl. et G., 2002 ; Lewis, 1983). Selon L. Touchart (2007), cette temporalité pourrait être érigée en définition de la différence entre l’étang et le lac.
50 Quant à l’échelle de l’irrégularité interannuelle, réduite à l’oligomicticité des lacs tropicaux par G.E. Hutchinson et H. Löffler (1956), supprimée par W.M. Lewis (1983), elle a été élargie par L. Touchart (2002) du rythme de brassage à l’épaisseur de la tranche d’eau brassée et à la prise en glace.
51 En conclusion, le limnosystème à l’échelle du microcosme associe la structure, le fonctionnement et le comportement, construisant ainsi un limnogéosystème, de sorte que l’échelle de ces relations permet de distinguer les étangs des lacs. La stratification stable du lac, qui est une structure, est liée à la prédominance de la convection forcée, qui est un fonctionnement, laquelle est capable d’agir sur toute la tranche d’eau seulement à l’échelle saisonnière, qui est un comportement. L’oxygénation, les cycles biogéochimiques et les caractères de la biocénose en sont interdépendants. Sur le plan du concept, le croisement entre les trois est ce que V. Sotchava appelle le système dynamique (Сочава, 1978), cette dynamique étant « spatio-temporelle » (пространственно-временная, Исаченко, 1981).
52 On sait que le limnologue S.A. Forbes a créé le concept de microcosme lacustre, car le lac était à l’échelle humaine. Or, si l’on prend le problème à l’inverse, on arrive à la même conclusion. G. Bertrand (1968), quand il s’est mis à réfléchir sur les échelles systémiques et paysagères et a créé ses « six niveaux temporo-spatiaux » (p. 256), a placé le géosystème au centre de toute sa pensée du fait de sa taille [28]. Or cette dernière est justement celle d’un lac caractéristique [29].
5. La prise en compte de la société
53 D’une manière habituelle, en biologie limnologique, l’homme est extérieur à l’écosystème lacustre. Chez les scientifiques russes qui emploient le terme de biogéocénose, le choix est assumé, car celle-ci est clairement un écosystème réduit à toutes ses composantes et interrelations naturelles, à l’exclusion des facteurs anthropiques. Chez les auteurs, occidentaux ou russes, qui utilisent l’écosystème, une certaine ambiguïté existe et on peut ainsi lire chez A. Lerman et al. (1995, p. V, en anglais) que « la fragilité environnementale des systèmes lacustres ne comprend pas seulement l’eau, les sédiments et les terres, mais aussi les communautés d’êtres vivants végétales et animales, ainsi que les populations humaines qui sont souvent fortement intégrées à l’environnement lacustre ». Mais une constante demeure : s’il est pris en compte, l’homme apparaît comme perturbateur et menaçant pour l’écosystème lacustre. L’une de ses actions les plus étudiées à cet égard est qu’il déverse des nutriments dans le bassin versant, lesquels aboutissent dans le lac. C’est selon cette pensée qu’est construit l’ouvrage qui traite des modifications anthropogènes de l’écosystème du lac Imandra (Моисеенко, 2002). Il en va de même dans le manuel de référence français en limnologie (Pourriot et Meybeck, 1995), où le seul des 29 chapitres dont le titre comporte le mot « système » est aussi le seul qui parle des « impacts humains », en l’occurrence de l’eutrophisation et de la pollution chimique (Rapin et al., 1995), car ce chapitre fait le lien entre les rejets dans le bassin versant et la santé du Léman.
54 Ce qui est déjà vrai des recherches sur d’autres écosystèmes est encore accentué dans le cas des plans d’eau, car chez nombre d’auteurs la référence se trouve être le cours d’eau. Dans le concept de continuum fluvial de R.L. Vannote et al. (1980), lointain héritier du profil d’équilibre, les lacs naturels sont déjà considérés comme des ruptures, et, de fait, c’est encore plus vrai des plans d’eau artificiels et des barrages, qu’ils construisent des étangs en tête de bassin ou des retenues (reservoirs pour les Anglo-Saxons) en aval.
55 Il faut aller chez d’autres chercheurs, ceux qui emploient les termes d’hydrosystème ou de géosystème, souvent des géographes mais pas toujours, pour que l’homme soit pris en compte pour ses actions de toutes sortes, et non pas seulement connotées comme perturbatrices, et, dans ce cas, il est souvent intégré dans un long temps historique ou archéologique. Ainsi, les fondateurs de l’hydrosystème écrivent que « l’approche interdisciplinaire dans l’étude des systèmes fluviaux intègre la géomorphologie fluviale, l’hydrologie, l’hydrobiologie, la phyto-écologie, l’histoire et la géographie humaine » (Amoros et al., 1987, p. 21, en anglais). Cette prise en compte des aménagements historiques permet d’ailleurs de s’approcher au plus près de la recherche appliquée actuelle et J.-P. Bravard (1998) a montré que c’était justement la démarche systémique et l’intégration de l’ensemble des dimensions spatio-temporelles qui avaient rendu la géomorphologie fluviale opérationnelle. D’ailleurs, E. Goodarzi et al. (2013) utilisent même le mot d’hydrosystème dans un contexte uniquement dévolu aux équipements hydrauliques et aux problèmes d’ingénierie. Il n’en reste pas moins que, dans de nombreux cas, les géographes employant l’hydrosystème n’envisagent, si des plans d’eau artificiels osent avoir été construits dans le bassin fluvial, que le caractère perturbateur de ceux-ci, comme F. Crepet (2000) pour la Loire supérieure.
56 Il n’est pas lieu de revenir ici sur les longues discussions des auteurs russes et allemands de l’Est [30] (Исаченко, 1972, 1981, Барш, 1971), ainsi que des géographes français les ayant accompagnés il y a un demi-siècle, quant au « composant anthropique » (Beroutchachvili et Bertrand, 1978, p. 176) du géosystème. Elles ont de toute façon conduit au fait que les géographes physiciens ont pris l’habitude d’intégrer, de gré ou de force [31], les impacts de la société dans le géosystème, soit, pour notre propos, dans le géosystème fluvial [32] (Amat et al., 2015), ou, plus rarement, dans le géosystème lacustre (Brisset et al., 2012). Cependant, malgré le souhait théorique de certains de regarder le géosystème « à la fois comme une structure naturelle fonctionnelle et comme un produit du travail social » (Beroutchachvili et Bertrand, 1978, p. 178), force est de reconnaître que, dans la pratique, chez la plupart de ces auteurs, l’homme apparaît comme un agent perturbateur, défricheur du bassin d’alimentation, augmentant la charge sédimentaire, responsable de rejets de nutriments et de polluants aboutissant au lac.
57 C’est que, en plus d’être appréhendée comme forcément négative, l’action anthropique est considérée comme survenant dans le bassin selon une vision spatiale fluvio-centrée. Non seulement cela pose, selon nous, problème pour l’étude objective d’un lac naturel, mais cela empêche a fortiori celle d’un limnosystème d’origine artificielle comme un lac de barrage ou un étang.
58 C’est pourquoi le limnosystème gagnerait à être revisité à la lumière du concept « d’anthroposystème » (Lévêque et al., 2000, Lévêque et al., 2003, Muxart et al., 2003, Lévêque et Muxart, 2004). Conçu comme un « système interactif » (Lévêque et al., 2003, p. 121) entre l’écosystème et le sociosystème, l’anthroposystème s’appuie sur leur « coévolution fonctionnelle » (id. p. 122). Lié au concept d’hydrosystème (Bravard et Piégay, 2000), appliqué au bassin fluvial par un auteur maîtrisant par ailleurs parfaitement la limnologie et le fonctionnement des grands lacs (Lévêque, 2016), le concept d’anthroposystème mériterait d’être utilisé plus directement dans une vision limnocentrée. En effet, grâce au fait qu’il écarte tout jugement de valeur quant aux actions de la nature ou de la société et abolit toute référence à « un type de nature privilégié ou idéalisé » (id. p. 126), l’anthroposystème serait précieux pour réfléchir aux lacunes ou aux dérives de la DCE-2000 sur l’eau quant à la place des plans d’eau.
59 Si le limnosystème était conçu comme un anthroposystème limnique, il formerait un cadre plus opérationnel que l’actuel (fig. 2). Fortifié par les considérations épistémologiques précédentes, il aiderait sans doute, de façon pratique, à résoudre certaines contradictions de l’application française de la DCE que nous pourrions illustrer ainsi. Pourquoi un glissement de terrain qui barre une vallée et construit un lac est-il présenté comme une bénédiction permettant au réseau hydrographique d’enrichir sa biodiversité et la variété de ses habitats, par le simple fait qu’un segment du système lotique a été transformé en système lentique, même si ce bouleversement a eu lieu récemment ? Pourquoi une digue construite pour barrer un vallon il y a mille ans, qui a donné naissance à un étang ennoyant une prairie humide inculte, dont les plantes marécageuses évapo-transpiraient de façon considérable, qui a laissé au cours d’eau le temps de rééquilibrer son profil en long, qui est intégré au système agro-pastoral traditionnel et a acquis une valeur culturelle et patrimoniale aux côtés d’un moulin, est-il présenté comme une atteinte intolérable à la nature, par le simple fait qu’un segment du système lotique a été transformé en système lentique ?
60 À côté de l’anthroposystème, le « système hydro-social » (Swyngedouw, 2009), plus apprécié des sociologues, dit lui aussi s’appuyer sur « une dynamique socio-naturelle à double sens » (Mitroi-Tisseyre, 2016, p. 159), tout en séduisant les géographes, en particulier pour les études à l’échelle globale et en lien avec le concept de « cycle hydrosocial » (Linton, 2010). L’une de ses applications, via l’UNESCO et l’Institute for Water Education, est celui du projet « hydro-social deltas », sous la direction d’Anna Wesselink (2014-2018), dans lequel le système hydro-social est vu comme l’ensemble des interactions entre les processus hydrologiques et les processus sociaux. Ce courant de pensée est proche de celui de « sécurité hydrosociale » apprécié des économistes travaillant sur l’eau (Renou, 2016), en lien avec les services écosystémiques (Downing et al., 2014). Cette vision serait à développer pour les lacs et les étangs, concernant les activités créant de la valeur, des échanges et une image positive, à travers la navigation, le tourisme, la pêche, ou encore la pisciculture. Pour autant, selon les auteurs du présent article, le « système hydro-social » et ses dérivés sont plus éloignés de la démarche systémique au sens strict, la réduisant à un principe intégrateur, si bien qu’ils ont préféré initier, pour la prise en compte des lacs, des étangs et des mares, la notion de « territoires limniques » (Bartout, 2015).
61 Dans le cadre du sociosystème, cependant, il convient de revenir sur la question du caractère fermé du système, discutée précédemment pour la composante naturelle. Le pendant social de l’isolat écosystémique pourrait être étudié en soulignant la « personnalité géographique du lac » (Touchart, 2000, p. 317), son identité. Cela peut certes conduire au risque d’anthropomorphisme et de personnification du plan d’eau (Broc, 2010), mais a le mérite de clarifier le choix assumé que le géographe limnologue a comme objet d’étude le lac, l’étang ou la mare. Dans le cas des ensembles de nombreux petits plans d’eau, d’ailleurs, cela peut confiner à l’identité régionale. Or la démarche systémique pourrait se conforter ainsi. On sait que, pour les géographes russes et pour G. Bertrand, le géosystème est obligatoirement lié au paysage dans le « système GTP ». Ainsi, le paysage d’étangs serait un concept prometteur pour définir la personnalité géographique de certaines régions car « il reste à interroger la capacité des étangs à faire territoire » (Woessner, 2016). À l’instar des paysages tropicaux de rizières en terrasses tant valorisés par le secteur touristique, les chaînes d’étangs des pays tempérés peuvent être regardées comme de « petites pièces d’eau scintillantes qui contribuent, été comme hiver, au charme des paysages limousins » (Balabanian et Bouet, 1989, p. 151). Cela peut mener à l’échelle de la « limnorégion » (Bartout, 2015), fondée sur l’unité de fonctionnement des groupements de lacs, d’étangs et de mares.
6. Conclusion
62 Tout en profitant de manière allusive des avancées de l’écosystème (Gâstescu, 1998) et de l’hydrosystème (Astrade et Nedjai, 2003), le limnosystème est un concept qui a été jusqu’à présent sous-utilisé et pratiquement réduit à une vision spatiale favorisant un géosystème associant le lac à son bassin d’alimentation (Jaquet, 1989, Lachavanne et Juge, 1997). Les auteurs proposent ici de plutôt le rapprocher d’un anthroposystème limnique, qui se fonderait sur une démarche de géographie limnologique, résolument limno-centrée et déclinant les échelles spatio-temporelles propres aux lacs, étangs et mares.
63 La nouvelle définition proposée est la suivante. Le limnosystème est l’ensemble des interactions naturelles (en tant qu’écosystème lentique interagissant avec les écosystèmes lotiques d’amont et d’aval et en tant qu’isolat favorisant l’endémisme interagissant avec l’ensemble du réseau hydrographique) et socioculturelles (comme rendant des services socio-économiques et possédant une identité culturelle) se produisant sur un territoire centré sur un plan d’eau, ce dernier se conduisant à la fois comme un aval collecteur et un amont moteur. Le limnosystème se décline en plusieurs échelles spatio-temporelles : le lac forme un limnosystème saisonnier de bassin, l’étang un limnosystème interdiurne de versant, la mare un limnosystème diurne dépendant. L’origine du limnosystème peut être indifféremment naturelle ou artificielle. Ainsi redéfini, le limnosystème devient un concept géographique par (i) son centrage, à la fois épistémologique et opérationnel, sur un objet géographique, le plan d’eau, (ii) ses caractéristiques multiscalaires, (iii) sa prise en compte sans hiérarchisation de valeur des faits de nature et de société.
Bibliography
Bibliographie
- Alvarez Cobelas M., Rojo C. et Angeler D.G. (2005), « Mediterranean limnology: current status, gaps and the future », Journal of Limnology, 64(1), p. 13-29.
- Amat J.-P., Dorize L., Gautier E. et Le Cœur Ch. (2015), « Exemples de géosystèmes : l’hydrosystème fluvial », Éléments de géographie physique, Paris, Bréal, 4e éd., p. 428-431.
- Amoros C. et Petts G.E. (1993), « Bases conceptuelles », Hydrosystèmes fluviaux, Paris, Masson, 300 p. 3-17.
- Amoros C., Roux A.L., Reygrobellet J.-L., Bravard J.-P. et Pautou G. (1987), « À method for applied ecological studies of fluvial hydrosystems », Regulated Rivers: Research and management, 1(1), p. 17-36.
- Angeli N., Pont D. et Pourriot R. (1995), « Hétérogénéité spatiale et migration du plancton » in Pourriot R. et Meybeck M. (dir)., Limnologie Générale, Paris, Masson, 956 p. 411-440.
- Angelier E. (2000), Écologie des eaux courantes, Paris, Techniques et Documentation, 199 p.
- Astolfi J.-P. (1987), « Approche didactique de quelques aspects du concept d’écosystème », Aster, 3, p. 10-18.
- Astrade L. (1998), « La Saône en crue, dynamique d’un hydrosystème anthropisé », La Houille Blanche, 1, p. 13-17.
- Astrade L. et Nedjai R. (2003), « Avant-propos », Revue de géographie alpine, numéro spécial « Hydrosystèmes lacustres et changements environnementaux », 91(1), p. 5-7.
- Balabanian O. et Bouet G. (1989), L’eau et la maîtrise de l’eau en Limousin, Treignac, éd. Les Monédières, 301 p.
- Barber R.T. (1988), « Ocean basin ecosystems » in Pomeroy L.R. et Alberts J.J. (éd.), Concepts of ecosystem ecology, New York, Springer, « Ecological studies », vol. 67, p. 171-193.
- Bartout P. (2015), Les territoires limniques. Nouveau concept limnologique pour une gestion géographique des milieux lentiques. Univ. Orléans, HDR en géographie, Vol. 1 mémoire inédit, 444 p.
- Bengtsson L., Herschy R.W. et Fairbridge R.W., Ed (2012), Encyclopedia of lakes and reservoirs, Dordrecht, Springer, 954 p.
- Beroutchachvili N. et Bertrand G. (1978), « Le géosystème ou “système territorial naturel” », Revue Géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 49(2), p. 167-180.
- Beroutchachvili N. et Mathieu J.-L. (1977), « L’éthologie des géosystèmes », L’Espace Géographique, 6(2), p. 73-84.
- Beroutchachvili N. et Radvanyi J. (1978), « Les structures verticales des géosystèmes », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 49(2), p. 181-198.
- Bertrand Cl. et Bertrand G. (2000), « Le géosystème, un espace-temps anthropisé : esquisse d’une temporalité environnementale », in Barrué-Pastor M. et Bertrand G., Les temps de l’environnement, Toulouse, Presses Universitaires du Mirail, p. 65-76.
- Bertrand Cl. et Bertrand G. (2002), « Le géosystème (re)construire une géographie naturaliste », Une géographie traversière, l’environnement à travers territoires et temporalités, Paris, Arguments, p. 1-3.
- Bertrand G. (1968), « Paysage et géographie physique globale, esquisse méthodologique », Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest, 39(3), p. 249-272.
- Bethemont J. (1999), Les grands fleuves entre nature et société, Paris, A. Colin, 255 p.
- Beyers R.J. et Odum H.T. (1993), Ecological Microcosms, New York, Springer, 556 p.
- Bichet V. (1997), Impact des contraintes environnementales sur la production sédimentaire d’un bassin versant jurassien au cours du Postglaciaire. Le système limnologique de Chaillexon (Doubs, France), Université de Bourgogne, thèse de doctorat en géologie, 209 p.
- Bormann F.H. et Likens G.E. (1967), « Nutrient cycling » Science, 155(3761), p. 424-429.
- Bourget E. et Fortin M.J. (1995), « A commentary on current approaches in the aquatic sciences », in Balvay G. (Ed.), Space partition within aquatic ecosystems, Proceedings of the Second International Congress of Limnology and Oceanography held in Evian, May 25-28, 1993, 444 p., Hydrobiologia, 300/301, p. 1-16.
- Bravard J.-P. (1996), « Hydrologie continentale », in Derruau M. (Dir.), Composantes et concepts de la géographie physique, Paris, A. Colin, 256 p. 131-142.
- Bravard J.-P. (1998), « Le temps et l’espace dans les systèmes fluviaux, deux dimensions spécifiques de l’approche morphologique », Annales de Géographie, 107(599), p. 3-15.
- Bravard J.-P. et Piégay H. (2000), « L’interface Nature-Société dans les hydrosystèmes fluviaux », Géocarrefour, 75(4), p. 273-274.
- Brisset E., Guiter F., Miramont C., Delhon C., Arnaud F., Disnar J.-R., Poulenard J., Anthony E., Meunier J.-D., Wilhelm B. et Pailles Ch. (2012), « Approche multidisciplinaire d’une séquence lacustre holocène dans les Alpes du sud au Lac Petit (Mercantour, alt. 2 200 m, France) : histoire d’un géosystème dégradé », Quaternaire, 23(4), p. 309-319.
- Broc N. (2010), Une histoire de la géographie physique en France, Perpignan, Presses Universitaires, 2 tomes, 709 p.
- Browne R. A. (1981), « Lakes as islands: biogeographic distribution, turnover rates, and species composition in the lakes of central New York », Journal of Biogeography, 8(1), p. 75–83.
- Buffagni A., Armanini D.G. et Erba S. (2009), « Does the lentic-lotic character of rivers affect invertabrate metrics used in the assessment of ecological quality ? », Journal of Limnology, 68(1), p. 92-105.
- Carter C.S. et Chorley R.J. (1961), « Early slope development in an expanding stream system », Geological Magazine, 98 (2), p. 117-130.
- Chorley R.J. (1962), « Geomorphology and general systems theory », United States Geological Survey Professional Paper, 500B, p. 1-10.
- Chorley R.J. et Beckinsale R.P. (1980), Gilbert’s geomorphology in Yochelson E.L. (éd.), The scientific ideas of G.K. Gilbert. Boulder, The Geological Society of America, Special paper 183, p. 129-142.
- Colwell R.K. et Rangel T.F. (2009), « Hutchinson’s duality: the once and future niche », Proceedings of the National Academy of sciences of the United States of America, 106(2), p. 19651-19658.
- Crepet F. (2000), « Impact des aménagements hydrauliques sur le régime et la dynamique de la Loire amont. Implications pour la gestion du fleuve », Géocarrefour, 75(4), p. 365-374.
- Cushing C.E. et Allan J.D. (2001), Streams: their ecology and life, San Diego, Academic Press, 366 p.
- Demangeot J. (1994), Les milieux « naturels » du globe, Paris, Masson, 5e éd., 314 p.
- Demangeot J. (1996), « Géographie zonale et milieux naturels », in Derruau M. (dir.), Composantes et concepts de la géographie physique, Paris, A. Colin, 256 p. 95-113.
- Downing A.S., Van Nes E. et 38 autres auteurs (2014), « Coupled human and natural system dynamics as key to the sustainability of Lake Victoria’s ecosystem services », Ecology and Society, 19(34), p. 31, http://dx.doi.org/10.5751/ES-06965-190431.
- Dussart B. (1966), Limnologie, l’étude des eaux continentales, Paris, Gauthier Villars, 678 p., rééd. 1992, Boubée, 681 p.
- Drouin J.-M. (1987), « La naissance du concept d’écosystème », Aster, 3, p. 1-9.
- Forbes S.A. (1887), « The lake as a microcosm », Bulletin of the Scientific Association Peoria: 77-87, rééd. 1925, Bulletin of Illinois Natural History Survey, 15, p. 537-550.
- Forel F.-A. (1892, 1904), Le Léman, monographie limnologique, Lausanne F. Rouge, T.1, 543 p., T.3, 715 p.
- Gâstescu P. (1998) « Limnology-definition », in Herschy R.W. et Fairbridge R.W. (éd.), 1998, Encyclopedia of Hydrology and water resources. Dordrecht, Kluwer, 803 p. 467-468.
- Goodarzi E., Ziaei M. et Teang Shui L. (2013), « Basic concepts », in Introduction to risk and uncertainty in hydrosystem engineering. Dordrecht, Springer, 157 p. 1-7.
- Gould S.J. (1987), An urchin in the storm: essays about books and ideas. New York, W. W. Norton Company, 256 p.
- Hagen J.B. (1992), An entangled bank: the origins of ecosystem ecology, New Brunswick, Rutgers, 257 p.
- Håkanson L. et Boulion V.V. (2002), The lake foodweb modelling predation and abiotic/biotic interactions, Leiden, Backhuys, 344 p.
- Herschy R.W. et Fairbridge R.W. (Ed.) (1998), Encyclopedia of Hydrology and water resources. Dordrecht, Kluwer, 803 p.
- Horne A.J. et Goldman C.R. (1994), Limnology, New York, McGraw-Hill, 2e éd., 576 p.
- Hutchinson G.E. (1964), « The lacustrine microcosm reconsidered », American Scientist, 52(3), p. 334-341.
- Hutchinson G.E. et Löffler H. (1956), « The thermal classification of lakes », Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, Washington, 42, p. 84-86.
- Hutchinson G.E. et Wollack A. (1940), « Studies on Connecticut lake sediments: II. Chemical analyses of a core from Linsley Pond, North Branford », American Journal of Science, 238, p. 493-517.
- Hynes H.B.N. (1970), The ecology of running waters. Liverpool, University Press, 555 p.
- Jaquet J.-M. (1989), « Limnologie et télédétection : situation actuelle et développements futurs », Revue des Sciences de l’Eau, 2(4), p. 457-481.
- Lachavanne J.-B. et Juge R. (éd.) (1997), Biodiversity in land-inland water ecotones. Paris, Unesco et Parthenon, 308 p.
- Lerman A., Imboden D. et Gat J., Ed. (1995), Physics and Chemistry of Lakes. Berlin, Springer, 334 p.
- Lévêque, Ch. (2001), Écologie : de l’écosystème à la biosphère, Paris, Dunod, 502 p.
- Lévêque Ch. (2011), « Des fleuves et des estuaires : Pour qui ? Pour quoi ? L'émergence de l’interdisciplinarité dans l'étude des hydrosystèmes », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [en ligne], hors-série 10 décembre 2011, mis en ligne le 30 novembre 2011, URL : http://vertigo.revues.org/11389 ; DOI : 10.4000/vertigo.11389
- Lévêque Ch. (2016), Quelles rivières pour demain ? Réflexions sur l’écologie et la restauration des cours d’eau, Paris, Quae, 288 p.
- Lévêque Ch. et Muxart T. (2004), « Anthroposystème », Hypergéo, http://www.hypergeo.eu/IMG/_article_PDF/article_270.pdf.
- Lévêque Ch., Muxart T., Abbadie L., Weill A. et Leeuw S. van der (2003), « L’anthroposystème : entité structurelle et fonctionnelle des interactions sociétés-milieux », in Lévêque Ch. et Leeuw S. van der (éd.), Quelles natures voulons-nous ? Pour une approche socio-écologique du champ de l’environnement. Paris, Elsevier, p. 110-129.
- Lévêque Ch., Pavé A., Abbadie L., Weill A. et Vivien F.-D. (2000), « Les zones ateliers, des dispositifs pour la recherche sur l’environnement et les anthroposystèmes : une action du programme “Environnement, vie et sociétés” du CNRS », Natures, Sciences, Sociétés, 8(4), p. 43-52.
- Lewis W.M. Jr. (1983), « A revised classification of lakes based on mixing » Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, 40, p. 1779-1787.
- Likens G.E. (1985), An ecosystem approach to aquatic ecology: Mirror Lake and its environment, New York, Springer, 516 p.
- Lindeman R.L. (1942), « The trophic-dynamic aspect of ecology », Ecology, 23(4), p. 399-417.
- Linton J. (2010), What is water ? The history of modern abstraction, Vancouver, UCB Press, 334 p.
- Malavoi J.-R. et Bravard J.-P. (2010), Éléments d’hydromorphologie fluviale, Vincennes, ONEMA, 224 p.
- Marsh G.A. et Fairbridge R.W. (1999), « Lentic and lotic ecosystems », in Alexander D.E. (éd.), Environmental Geology, Dordrecht, Springer, p. 381-388.
- Minshall G.W., Cummins K.W., Petersen R.C., Cushing C.E., Bruns D.A., Sedell S.R. et Vannote R.L. (1985), « Developments in stream ecosystem theory », Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, 42, p. 1045-1055.
- Mitroi-Tisseyre V. (2016), « Introduction au dossier : le Danube, un système hydro-social au sein de l’Europe. Savoirs, pratiques et aménagements pour vivre avec le fleuve », Cinq continents, revue roumaine de géographie, 6(14), p. 159-164.
- Möbius K. A. (1877), Die Auster und die Austernwirtschaft, Berlin, Wiegandt, Humpel und Parey, 126 p.
- Muxart T., Vivien F.-D., Villalba B, Burnouf J. (2003), Des milieux et des hommes, fragments d’histoire croisés, Elsevier, Paris, 214 p.
- Needham J.G. et Lloyd J.T. (1916), The life of inland waters, an elementary textbook of fresh water biology for American students, New York, Ithaca, 454 p.
- Odum E.P. (1953), Fundamentals of ecology, Philadelphia, WB. Saunders et Co, 384 p.
- Odum E.P. et Barrett G.W. (2004), Fundamentals of ecology, Boston, Cengage Learning, 5e éd., 624 p.
- Odum H.T. (1983), Systems ecology, an introduction, New York, Wiley, 644 p.
- Pédro G. (2007), Cycles biogéochimiques et écosystèmes continentaux, Les Ulis, EDP Sciences, Académie des Sciences, 428 p.
- Pourriot R. et Meybeck M. (Dir). (1995), Limnologie générale, Paris, Masson, 956 p.
- Putnam H.D., Sullivan J.H. Jr., Keirn M.A. et Pruitt B.C. Jr. (1980), « Field surveys to determine the community structure of biota exposed to a complex TNT munitions effluent », Proceedings Ecological Damage Assessment Conference, 1980, Society of Petroleum Industry Biologists, p. 165-198.
- Ragotzkie R.A. (1978) « Heat Budgets of Lakes », in Lerman A. (éd.), Lakes: Chemistry, Geology, Physics. New York, Springer, p. 1-19.
- Ramade F. (2009), Éléments d’écologie, écologie fondamentale, Paris, Dunod, 4e éd., 704 p.
- Rapin F., Blanc P., Pelletier J.-P., Balvay G., Gerdeaux D., Corvi C., Perfetta J. et Lang C. (1995), « Impacts humains sur les systèmes lacustres : exemple du Léman », in Pourriot R. et Meybeck M. (dir)., Limnologie Générale, Paris, Masson, p. 806-840.
- Renou Y. (2016), « Pourquoi et comment faut-il sauver la sécurité hydrique ? Changement climatique, écologie politique et services écosystémiques », VertigO – la revue électronique en sciences de l'environnement [en ligne], hors-série 25 août 2016, mis en ligne le 26 août 2016, http://vertigo.revues.org/17461 ; DOI : 10.4000/vertigo.17461
- Rougerie G. (1993), Biogéographie des milieux aquatiques, Paris, Armand Colin, 252 p.
- Rougerie G. (1996), « Géographie physique globale, science du paysage, environnement », in Derruau M. (Dir.), Composantes et concepts de la géographie physique, Paris, Armand Colin, p. 155-165.
- Rougerie G. et Beroutchachvili N. (1991), Géosystèmes et paysages, bilan et méthodes, Paris, Armand Colin, 302 p.
- Roux A.-L. (dir.). (1982), Cartographie polythématique appliqué à la gestion écologique des eaux, étude d’un hydrosystème fluvial : le Haut Rhône français, Paris, Éditions du CNRS, 116 p.
- Schumm S.A. (1977), The fluvial system, New York, Wiley, 338 p.
- Schumm S.A. (1981), « Evolution and response of the fluvial system, sedimentologic implications », The Society of Paleontologists and Mineralogists, 31, p. 19-29.
- Slack N.G. (2011), G. Evelyn Hutchinson and the invention of modern ecology, New Haven, Yale University Press, 476 p.
- Strahler A.N. (1950), « Equilibrium theory of erosional slopes, approached by frequency distribution analysis », American Journal of Science, 248, part I: 673-696, part II, p. 800-814.
- Swyngedouw E. (2009), « The political economy and political ecology of the hydro-social cycle » Universities council on water resources – Journal of contemporary water research and education, 142: 56-60.
- Tansley A.G. (1935), « The use and abuse of vegetational concepts and terms », Ecology, 16(3), p. 284-307.
- Thienemann A. (1925), « Der See » in Die Binnengewässer Mitteleuropas, Stuttgart, E. Schweizerbartische Verlagsbuchhandlung, p. 84-211.
- Touchart L. (1993), « La machine lacustre : l’exemple du Léman », Annales de Géographie, 102(573), p. 449-471.
- Touchart L. (2000), « Qu’est-ce qu’un lac ? », Bulletin de l’Association de Géographes Français, 77(4), p. 313-322.
- Touchart L. (2002), Limnologie physique et dynamique, une géographie des lacs et des étangs, Paris, L’Harmattan, 395 p.
- Touchart L. (2007), « La définition de l’étang en géographie limnologique » in Géographie de l’étang, des théories globales aux pratiques locales, Paris, L’Harmattan, p. 13-53.
- Touchart L. (2016), « Le bilan thermique des étangs : réflexions épistémologiques et application aux étangs limousins », Annales de Géographie, 125(708), p. 143-169.
- Touchart L., Bartout P. et Nedjai R. (2014), « La géographie limnologique en France : conjugaison de l’espace et du temps pour la compréhension des relations homme-milieu », Bulletin de la Société géographique de Liège, 62, p. 93-103.
- Touchart L., Maleval V., Savy B., Ishiguro N., Graffouillère M., Papon P., Bartout P., Nion G. et Bouny J. (2002), « Le PERE (Plan d’Eau de Recherche Expérimental) en géographie limnologique : une approche novatrice appliquée à l’étude des réseaux trophiques aquatiques », Impact des perturbations locales ou planétaires (naturelles ou anthropiques) sur les réseaux trophiques aquatiques, Paris, Institut Océanographique, Recueil du 5e Congrès International de Limnologie-Océanographie, p. 155.
- Tricart J. (1979a) « L’analyse de système et l’étude intégrée de milieu naturel » Annales de Géographie, 88(490) : 705-714.
- Tricart J. (1979b), « Paysage, écologie et approche systémique », Bulletin de l’Association de Géographes Français, 56(465), p. 377-382.
- Vannote R.L., Minshall G.W., Cummins K.W., Sedell J.R. et Cushing C.E. (1980), « The river continuum concept », Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Science, 37, p. 130-137.
- Vergnolle-Mainar Ch. (2007), « Géosystème » Hypergéo, http://www.hypergeo.eu/IMG/_article_PDF/article_404.pdf
- Vergnolle-Mainar Ch. et Sourp R. (2006), « La difficile prise en charge de l’interface nature-société dans la géographie scolaire française : l’échec de l’introduction du concept de géosystème », L’Information Géographique, 70(3), p. 16-32.
- Vernadsky W.I. (1929), La biosphère. Paris, Félix Alcan, 232 p.
- Vinçon-Leite B., Tassin B. et Jaquet J.-M. (1995), « Contribution of mathematical modeling to lake ecosystem understanding: Lake Bourget (Savoy, France) », in Balvay G. (éd.), Space partition within aquatic ecosystems, Proceedings of the Second International Congress of Limnology and Oceanography held in Evian, May 25-28, 1993, 444 p., Hydrobiologia, 300/301, p. 433-442.
- Welch P.S. (1952), Limnology, New York, McGraw-Hill Book Company, 2e éd., 538 p.
- Wetzel R.G. (1983), Limnology, Fort Worth, Saunders College Publishing, 2e éd., 767 p. + R.
- Wetzel R.G. (2001), Limnology, lake and river ecosystems, San Diego, Academic Press, 3e éd., 1006 p.
- Wetzel R.G. et Likens G.E. (1979), Limnological analyses, Philadelphia, W.B. Saunders Company, 357 p.
- Wilhelm F. (1960), « Seen als geographisches Forschungobjekt », Berichte zur deutschen Landeskunde, 25(2), p. 305-321.
- Wiszniewski J. (1953), « Uwagi w sprawie typologii jezior Polskich », Polskie Archiwum Hydrobiologii, 1(14), p. 11-23.
- Woessner R. (2016), « La Route de la Carpe frite dans le Sundgau : enjeu identitaire, enjeu territorial », Revue géographique de l'est [En ligne], vol. 56/n° 1-2, mis en ligne le 29 août 2016. URL : http://rge.revues.org/5786
- Wurtz A. (1958), « Peut-on concevoir la typification des étangs sur les mêmes bases que celle des lacs ? », Verhandlungen Internationale Vereinigung für theoretische und angewandte Limnolologie, 13, p. 381-393.
- Барш Г. (1971), « Отношения между геосистемами и территориальными системамы общественного воспроисводства » in Топология геосистем – 71, Материалы к симпозиуму. Иркутск, 136 с. : 88-91.
- Белякова В.П., Шапоренко С.И., ред. (2004), Структура и функционирование геосистемы озера Селигер в современных условиях. Санкт-Петербург, Наука, 253с.
- Беручашвили Н.Л. (1989), Этология геосистемы ландшафта и картирование состояния природной среды. Тбилиси, Издательство Тбилисского университета, 198 с.
- Бульон В.В. (1994), Закономерности первичной продукции в лимнических экосистемах. Санкт-Петербург, Наука, 222 с.
- Исаченко А. Г. (1972), « Геотопология и учение о ландшафте » Известия Всесоюзного Географического Общества, 104(3) : 161-173.
- Исаченко А. Г. (1981), « Представление о геосистеме в современной физической географии » Известия Всесоюзного Географического Общества, 113(4) : 297-306.
- Моисеенко Т.И., Ред. (2002), Антропогенные модификации экосистемы озера Имандра. Москва, Наука, 403 с.
- Россолимо Л.Л. (1957), Температурный режим озера Байкал. Москва, АН СССР, 551 с.
- Семёнов Ю.М., Снытко В.А. (2013), « К 50-летию выхода в свет первой статьи В.Б. Сочавы о геосистеме », География и природные ресурсы, 3 : 5-8.
- Сочава В.Б. (1963), « Определение некоторых понятий и терминов физической географии », Доклады Института Географии Сибири и Дальнего Востока, 3 : 50-59.
- Сочава В.Б. (1973), « Системная парадигма в географии », Известия Всесоюзного Географического Общества, 105(5) : 393-401.
- Сочава В.Б. (1978), « Введение в учение о геосистемах », Новосибирск, Наука, 320 с.
- Сукачёв В. Н. (1942), « Идея развития в фитоценологии », Советская ботаника, 1-3 : 5-17.
- Эдельштейн К.К. (1991), Водные массы долинных водохранилищ. Москва, изд. Московского университета, 175 с.
- Эдельшейн К.К. (2014), Гидрология озёр и водохранилищ. Москва, Перо, 399 с.
Mots-clés éditeurs : pond., reservoir, limnosystem, epistemology of limnology, hydrosystem, geosystem, lake, lentic ecosystem, river continuum
Mise en ligne 04/09/2018
https://doi.org/10.3917/ag.719.0029Notes
-
[1]
Dans le moteur de recherche Google, l’occurrence du mot « limnosystème » est 27 fois inférieure à celle de « géosystème lacustre », environ 100 fois inférieure à celle « d’hydrosystème lacustre » et « d’écosystème lentique », 1 000 fois inférieure à celle « d’écosystème lacustre », 3 000 fois inférieure à celle de « limnologie », 2 millions de fois inférieure à celle de « lac » (juillet 2017).
-
[2]
C’est-à-dire la limnologie qui reste fidèle à la définition (« océanographie des lacs ») donnée par l’inventeur du terme, le Suisse François-Alphonse Forel, en 1892.
-
[3]
« The study reported herein addresses the effect on the limnosystem of Lake Chickamauga from discharge of TNT wastewaters from the Volunteer Army Ammunition Plan » (Putnam et al., 1980, p. 166).
-
[4]
Il n’est pas inintéressant de noter que, dans les deux premières éditions de ce manuel de référence (1975 et 1983), il n’y avait pas de sous-titre à limnology. Seule la troisième édition de 2001 comprend ecosystem dans l’intitulé.
-
[5]
« Our natural human prejudices force us to consider the organisms (in the sense of the biologist) are the most important parts of these systems, but certainly the inorganic “factors” are also parts – there could be no system without them and there is constant interchange of the most various kinds within each system, not only between the organisms but between the organic and inorganic » (Tansley, 1935, p. 299).
-
[6]
« A lake is considered as a primary ecological unit in its own right, since all the lesser “communities” mentioned above are dependent upon other components of the lacustrine food cycle for their very existence » (Lindeman, 1942, p. 399).
-
[7]
La différence entre les écosystèmes terrestres et lentiques réside dans la facilité de récupération des éléments minéraux solubles par les racines dans les écosystèmes terrestres, mais la difficulté de cette récupération par les mouvements d’eau ascendants (Angelier, 2000, p. 23).
-
[8]
Par exemple : « la limnologie des eaux courantes a été traitée de manière magistrale, éloquente et concise par Hynes (1970). Aussi n’essaierons-nous pas de reprendre cet examen » (Wetzel, 1983, p. 5, en anglais). D’autres citations et leur analyse se trouvent dans l’ouvrage de L. Touchart (2002).
-
[9]
L’emploi de l’adverbe « voire » à deux endroits clefs de son raisonnement, en témoigne : « le système fluvial […] se caractérise […] par des flux entrants et sortants, qui sont l’eau et les sédiments, voire les solutés et la matière organique, si l’on souhaite élargir le système fluvial à son fonctionnement écosystémique » et, plus loin, « hydrologie et géomorphologie se rejoignent dans une nouvelle approche des cours d’eau qui peut intégrer également les bilans de substances dissoutes, voire les bilans biologiques (carbone et azote par exemple) abordés par d’autres disciplines ».
-
[10]
Ch. Vergnolle-Mainar et R. Sourp (2006) ont montré que, dans l’enseignement secondaire, le concept de géosystème est presque toujours présenté par l’exemple de la montagne, alors que l’eau, qui s’y prêterait, ne figure en général pas dans les cas étudiés.
-
[11]
On « peut donc considérer cet ensemble d’éléments d’eau courante, d’eau stagnante, semi-aquatiques, terrestres, tant superficiels que souterrains, et leurs interactions, comme un système, dénommé hydrosystème fluvial […] en raison du rôle prééminent joué par l’eau. En effet, dans un tel système contrôlé par la dynamique fluviale en interaction avec les processus biotiques et anthropogéniques, l’eau assure une triple fonction. Par son énergie cinétique, l’eau courante modèle la structure physique de l’hydrosystème fluvial (géomorphologie). Par ses mouvements longitudinaux, transversaux et verticaux, l’eau constitue un vecteur des flux de matière, d’énergie et d’information entre les divers éléments de l’hydrosystème. Enfin, l’eau apparaît comme une ressource (milieu aquatique, nutrition hydrique des végétaux) et une contrainte (courant, profondeur, durée d’inondation) déterminantes pour les divers peuplements de la plaine, donc pour le fonctionnement écologique de l’hydrosystème » (Amoros et Petts, 1993, p. 9).
-
[12]
« Les biologistes n’ont aucune raison spécifique de privilégier les aspects spatiaux et d’attacher une importance primordiale aux problèmes d’extension et de répartition. Le concept d’écosystème, pour cette raison, n’a pas de support spatial. Il est adimensionnel » (Tricart, 1979a, p. 709). La démarche écosystémique « aboutit à mettre en évidence des relations adimensionnelles d’un point de vue spatial. L’abstraction s’exerce au détriment de la localisation et de la répartition spatiale des phénomènes » (Tricart, 1979b, p. 378).
-
[13]
Le lac « forme un petit monde en soi, un microcosme dans lequel toutes les forces élémentaires sont au travail et le jeu de la vie bat son plein, mais à une échelle si petite qu’elle est facilement à la portée de l’esprit » (Forbes, 1887, éd. de 1925, p. 537, en anglais).
-
[14]
« L’écosystème, fondamental en écologie, a permis de […] consolider les bases théoriques de cette discipline et de donner enfin à l’écologie une unité d’étude. La création du mot en 1935 est le fait d’un botaniste, A.G. Tansley, […] mais il faut attendre 1942 pour qu’un limnologiste, R.L. Lindemann, lui donne le statut de concept » (Barnaud et Lefeuvre, 1992).
-
[15]
Le terme est employé ici au sens large et commun et non au sens strict de système à entropie maximale ne pouvant atteindre un état d’équilibre.
-
[16]
« Les animaux d’un tel plan d’eau sont, dans leur ensemble, remarquablement isolés, étroitement liés entre eux dans tous leurs intérêts, mais tellement indépendants des terres alentour que, si tous les animaux terrestres étaient subitement annihilés, il se passerait sans doute longtemps avant que la multitude générale d’habitants du lac ne ressentît les effets de cet événement d’une manière quelque peu sensible. C’est un îlot de vie plus ancienne et inférieure au milieu de la vie supérieure et plus récente de la région » (Forbes, 1887, éd. de 1925, p. 537, en anglais). « Les lacs sont des bassins fermés, isolés les uns des autres. Ils sont des îles d’eau au milieu des continents terrestres » (Forel, 1904, p. 7).
-
[17]
« Les processus physiques régissant la dynamique fluviale, et par conséquent la morphologie des cours d’eau et leur évolution spatio-temporelle, régissent aussi, directement ou indirectement, la dynamique des écosystèmes qui leur sont associés » (Malavoi et Bravard, 2010, p. 9).
-
[18]
Nous nous permettons la traduction de « lac collecteur » pour « recipient lake », contre la traduction habituelle de « lac récepteur » calquée sur l’anglais.
-
[19]
« Les géographes ont probablement été parmi les premiers scientifiques à s’être intéressés aux cours d’eaux en tant qu’objet physique, éléments de paysages qu’ils ont contribué à façonner. Les écologistes y sont venus tardivement, car les lacs étaient plus simples à étudier que les rivières » (Lévêque, 2011, paragraphe 4).
-
[20]
« La notion de dimension (ou d’échelle) […] implique un degré variable de hiérarchie des facteurs et de complication systémique. Or, dans la nature, plus la surface considérée est grande, plus le système est compliqué et plus il est dynamiquement stable par suite du jeu des inerties et des rétroactions » (Demangeot, 1996, p. 102).
-
[21]
« Ce concept [d’hydrosystème fluvial] est particulièrement adapté aux grands cours d’eau, ou au moins à ceux disposant d’une plaine alluviale suffisamment vaste pour permettre la création de la mosaïque d’unités géomorphologiques et d’écosystèmes » (Malavoi et Bravard, 2010, p. 10).
-
[22]
« Dans la majorité des domaines aquatiques, les peuplements se distribuent de manière amplement tridimensionnelle et les chaînes alimentaires sont peu dépendantes des ressources liées au substrat » (Rougerie, 1993, p. 5).
-
[23]
« Influence plus marquée dans les étangs […]. Sur le plan structural du système, l’absence d’une zone pélagique qui est un domaine essentiel en mer et encore important dans les lacs » (Rougerie, 1993, p. 166).
-
[24]
« L’hétérogénéité horizontale de la répartition du plancton apparaît relever davantage de la règle que de l’exception. […] Les gradients verticaux se prêtent en outre à une simulation expérimentale pour tester les hypothèses formulées. Il en va différemment pour les structures observées dans le plan horizontal, qui sont moins prévisibles » (Angeli et al., 1995).
-
[25]
« Au plan de son fonctionnement, le poids que prend la nature des fonds dans le métabolisme de l’étang » (Rougerie, 1993, p. 166).
-
[26]
« Le biotope particulièrement changeant des étangs » (Wurtz, 1958).
-
[27]
On sait que l’article de W.M. Lewis fut refusé dans plusieurs revues des États-Unis, obligeant l’auteur à tenter sa chance dans une revue canadienne. Quant à Cl. et G. Bertrand (2002), ils expliquent que l’article fondateur de 1968 avait été refusé par les Annales de Géographie.
-
[28]
« Il s’agit donc d’une unité dimensionnelle comprise entre quelques kilomètres carrés et quelques centaines de kilomètres carrés. C’est à cette échelle que se placent la plupart des phénomènes d’interférence entre les éléments du paysage et qu’évoluent les combinaisons dialectiques les plus intéressantes pour le géographe. […]. Enfin, le géosystème constitue une bonne base pour les études d’aménagement de l’espace car il est à l’échelle de l’homme » (Bertrand, 1968, p. 259).
-
[29]
Les lacs du monde (sans la Caspienne) étant compris entre 0,1 km² et 100 000 km², une surface de 100 km² se trouve au centre des 6 classes logarithmiques (10-1-1, 1-10, 10-102, 102-103, 103-104, 104-105).
-
[30]
Reprenant les analyses de G. Barsch, A. Issatchenko qualifiait les liens entre les géosystèmes et les systèmes sociaux de « внешние отношения » (Исаченко, 1972, p. 171), de « relations externes ».
-
[31]
« L’anthropisation de ce qu’on peut appeler le géosystème contraint la géographie physique à intégrer ce paramètre nouveau » (Amat et al., 2015, p. 419).
-
[32]
« Exemple de géosystèmes, l’hydrosystème fluvial » (Amat et al., 2015, p. 428).