Notes
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[1]
Dans cette situation d’enfermement, le typhus était dangereux pour les migrants car les conditions sanitaires durant la période de quarantaine étaient infâmes. À cela s’ajoutait l’absence de soins. En 1847, plusieurs milliers (5 424) de migrants sont décédés à Grosse-Île (Charbonneau et Sévigny, 1997 et Barrett, 2001).
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[2]
Au cours de cette période, le processus de sous-traitance était déjà à l'œuvre. Les compagnies maritimes étant responsables des premières formalités pendant la traversée, étaient aussi dans l’obligation de prendre en charge les frais de séjours des migrants retenus à Ellis Island et le cas échéant, leur retour en Europe. Les travaux sur Ellis Island soulignent également que le lien entre cet espace de migration et les questions de détention s’est affirmé au fil des décennies : au tournant du xixe et du xxe siècle, courtes détentions visant à renvoyer certains migrants « indésirables » dans leur pays de provenance, puis pendant les deux guerres mondiales, conversion de ce lieu en prison pour des migrants arrivant par bateau à New York et considérés comme ennemis ou appartenant à des nations contre lesquelles les États-Unis d’Amérique étaient en guerre.
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[3]
Voir notamment Marcus Rediker (2010) Les forçats de la mer. Marins, marchands et pirates dans le monde anglo-américain, 1700-1750, Paris, Libertalia (collection Terra Incognita), 464 p. ; Collectif Maurice Florence (2009) Archives de l’infamie, Paris, Les Prairies ordinaires, 160 p. ; Artières P. et Burel L. (2011), Archives du biopouvoir, Marseille xviiie-xxe siècles, Marseille, It éditions et les Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 192 p. Ce dernier ouvrage présente divers documents d’archives relatifs à l’enfermement administratif dans et autour du port de Marseille.
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[4]
Dans les textes législatifs français, on parle de « maintien en zone d’attente » ou de « rétention », ce dernier terme est également repris dans la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. En Belgique, on parle de « centre fermé » ou « centre pour illégaux », etc. (cf. Migreurop, 2012, p. 83).
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[5]
Les marins et les professionnels travaillant dans les ports parlent aussi de Ro-Ro, diminutif pour nommer ces bateaux qui transportent des marchandises chargées grâce à une ou plusieurs rampes d’accès.
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[6]
Signifie Protection and Indemnity Insurance Clubs. Ces compagnies d’assurance ont été conçues au Royaume-Uni au milieu du xixe siècle, et leurs agents travaillent auprès d’armateurs pour couvrir la responsabilité civile de ces derniers ainsi que celle des affréteurs de navires que les assureurs classiques dits « à primes fixes » ne garantissaient pas. Depuis la fin des années 1990, les contrats proposés par ces compagnies couvrent également la prise en charge des « passagers clandestins » susceptibles de gêner l’itinéraire prévu du navire (cf. document 2).
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[7]
Programme ANR (Réf. : ANR-08-JCJC 2008-0121-01) qui a également bénéficié du financement du Conseil Régional d’Aquitaine (Réf. : 2010407003).
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[8]
Les enquêtes se sont déroulées dans sept États de l’Union européenne et un pays voisin (Maroc), soit 23 ports au total. Il y a des zones portuaires importantes comme celles d’Hambourg ou Rotterdam, d’autres de taille moyenne comme Barcelone, Gênes ou Marseille et des ports plus petits – en termes de volume d’échanges – comme Limassol, La Rochelle ou Saint-Nazaire. Les enquêtes effectuées dans le port de Nantes-Saint-Nazaire ont été menées avec Maud Steuperaert (Cimade, Nantes).
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[9]
Nous avons également bénéficié de l’aide précieuse de Véronique Aubert et Patrick Chaumette de l’Observatoire des droits des marins à Nantes. L’activité scientifique menée au sein de ce centre de recherche et les contacts de nombreux professionnels (juristes, acteurs associatifs, syndicaux,…) qu’ils nous ont fournis, nous ont permis de mieux comprendre le fonctionnement des navires et des zones portuaires, et les enjeux.
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[10]
Voir tout l’arsenal technologique et humain qui a été développé aux frontières extérieures de l’UE depuis 1990 pour limiter l’accès des migrants au territoire européen (Migreurop, 2012).
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[11]
L’Organisation maritime internationale (OMI) en liaison avec l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation mondiale des douanes (OMD).
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[12]
Dictionnaire historique de la langue française où il est indiqué qu’en 1647, le verbe signifiait « maintenir prisonnier par mesure d’ordre, de punition, sens [qui sera] réintroduit au xviiie siècle (1743) dans un contexte militaire » où de nombreux navires jouent un rôle important.
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[13]
Définition du verbe « consigner » dans le dictionnaire Le Petit Robert (2008).
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[14]
« À la demande du procureur de la République […] ou avec son accord, le capitaine peut ordonner la consignation dans un lieu fermé, pendant la durée strictement nécessaire, d’une personne mettant en péril la préservation du navire, de sa cargaison ou de la sécurité des personnes se trouvant à bord lorsque les aménagements du navire le permettent » (article 29 du CDPMM).
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[15]
Rapport du rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, François Crépeau (2012) Étude régionale : la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et ses incidences sur les droits de l’homme des migrants, p. 10 [disponible sur Internet]
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[16]
Le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande (CDPMM) souligne également que la plus haute autorité à bord du navire est le capitaine, l’équipage et les passagers réguliers comme « clandestins » peuvent donc être soumis à ses ordres. « Le décret n° 60-1193 définit et délimite son pouvoir disciplinaire et pénal ; ce pouvoir est soumis au principe de légalité, il n’est nullement arbitraire, à travers le livre de discipline, le journal de bord, les rapports de mer, le capitaine rend des comptes tant à son armement qu’à l’administration de l’État du pavillon » (Chaumette, 2008).
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[17]
Au sein de l’UE, la directive du 28 juin 2001 demande aux États membres de prendre « les mesures nécessaires pour imposer aux transporteurs [maritimes, aériens et ferroviaires] qui ne sont pas en mesure d’assurer le retour d’un ressortissant de pays tiers dont l’entrée est refusée, l’obligation de trouver immédiatement le moyen de réacheminement et de prendre en charge les frais correspondants, ou, lorsque le réacheminement ne peut pas être immédiat, de prendre en charge les frais de séjour et de retour du ressortissant de pays tiers en question » (article 3). Le texte mentionne un montant minimal qui ne doit pas être inférieur à 3 000 euros et un montant maximal qui ne doit pas être inférieur à 5 000 euros. « Indépendamment du nombre de personnes transportées » (article 4), une amende forfaitaire d’un montant minimal de 500 000 euros peut même être appliquée aux transporteurs.
-
[18]
En 1997, l’Organisation maritime internationale (Omi) recommandait aussi à l’ensemble des pays membres que tous les efforts devaient être faits pour « éviter les situations où un passager clandestin doit être détenu à bord d’un navire indéfiniment ». Pour cela, l’Omi demandait aux autorités portuaires de coopérer avec les armateurs afin d’organiser le retour de la personne dans un pays approprié.
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[19]
Comme nous le verrons dans les parties 2.2 et 2.3, cet élément – au même titre que celui concernant le rôle et les prérogatives du capitaine – apparaît essentiel pour étudier l’ambiguïté des postures et attitudes de l’équipage vis-à-vis des passagers clandestins : peur et crainte de maladies, humanisme, occasion de se livrer à des trafics et autres formes d’économie informelle, etc.
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[20]
En France, en juin 2013, les durées maximales de détention dans les zones d’attente et les centres de rétention administrative sont respectivement de 24 et 45 jours.
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[21]
Solas (Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer) est un traité international adopté en 1974 visant à définir différentes règles relatives à la sécurité, la sûreté et l’exploitation des navires.
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[22]
Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires.
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[23]
Bavolet : partie supérieure oblique d’une clôture grillagée supportant généralement un ensemble de fils barbelés tendus, renforçant son caractère anti-intrusif.
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[24]
Par exemple, les ports de Saint-Nazaire en France, de Rotterdam aux Pays-Bas et de Gênes en Italie s’étendent respectivement sur 45, 40 et 22 kilomètres, en conséquence la « sécurisation » des zones portuaires se limite aux terminaux pétroliers et de gaz, plates-formes logistiques et sites industriels sensibles.
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[25]
C’est aussi le premier port français pour l’importation de produits forestiers. Les marchandises proviennent notamment de Dakar (Sénégal), Monrovia (Libéria), Libreville et Port Gentil (Gabon), Luanda (Angola) et Boma (République démocratique du Congo).
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[26]
À La Rochelle, il est indiqué que « toute personne circulant sur le Port doit être en possession d’un titre d’accès en cours de validité et correspondant à la zone à laquelle elle souhaite accéder ».
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[27]
Plusieurs exemples relevés dans la presse montrent que des personnes tentent d’échapper aux autorités portuaires : en 1999 et 2001, deux personnes autorisées à aller sur le pont du navire durant la dernière heure précédant l’arrivée au port de La Rochelle, se sont noyées en tentant de rejoindre le rivage à la nage ; le 16 octobre 2008, un Africain de 31 ans, meurt noyé dans le port d’Anvers. Il avait sauté par-dessus bord avec un autre homme de 23 ans. Ils étaient enfermés dans une cabine sur un bateau qui devait les rapatrier ; octobre 2010, un Algérien meurt noyé dans le port de Valence.
-
[28]
Judith Attali, Le transport maritime de passagers clandestins, Mémoire de Master II professionnel de Droit Maritime et des Transports sous la direction de Christian Scapel (Université de Droit, d’Économie et des Sciences d’Aix-Marseille III), 2008, p. 30.
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[29]
Entretien réalisé le jeudi 27 janvier 2011 à La Rochelle.
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[30]
Roland Doriol se souvient aussi que « dans certains ports comme à Abidjan, Lomé, Pointe Noire ou Cotonou, il arrivait souvent qu’une heure avant le départ, on levait les ponts et on faisait la "fouille aux clandestins". Nous regardions partout, dans tous les recoins possibles, les canots de sauvetage, les cheminées, les cabines, les armoires, derrière les ventilateurs, dans les gaines de ventilations, sous les planchers des machines, etc. Mais les bâtiments sont immenses, il est donc difficile de regarder partout » (janvier 2011).
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[31]
Pour visualiser plusieurs types de parcours migratoires, nous vous renvoyons à la carte intitulée « « Passagers clandestins » à bord des navires de la marine marchande : des situations récurrentes », disponible sur le site de l’ANR TerrFerme : http://terrferme.hypotheses.org/
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[32]
Les « passagers clandestins » sont considérés comme des « grains de sable dans le fret maritime » (Migreurop, 2011, p. 31) car si les escales des bateaux sont retardées à cause de leur seule présence, des marins nous ont confié que des retraits d’une partie des salaires pouvaient être appliqués à l’ensemble des membres de l’équipage.
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[33]
Rencontre à l’Observatoire des droits des marins (Nantes).
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[34]
Selon Roland Doriol, si un navire abandonne son équipage ou une partie des personnes présentes sur le bateau lors d’une escale au Japon, les autorités nipponnes peuvent par la suite sanctionner l’ensemble des membres, en leur interdisant – pendant une année – de descendre lors des prochaines escales.
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[35]
Dans le quotidien belge Le Soir du 28 décembre 1995, dans un article intitulé « Aller simple pour les quatre clandestins survivants de l’Élise D » [disponible sur Internet], l’auteur, Eddy Surmont, souligne que les exilés ont du « travailler pour mériter leur nourriture tout au long de leur séjour à bord ».
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[36]
En France, cet euphémisme lié à la terminologie officielle masque bien souvent la réalité de l’enfermement à laquelle les migrants sont confrontés.
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[37]
En 2003, une dizaine de personnes ont été maintenues dans cet hôtel situé à proximité du port de La Pallice.
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[38]
Entretien réalisé en janvier 2011 avec un agent maritime du port de La Rochelle.
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[39]
L’article L. 222 du Ceseda précise qu’au-delà de quatre jours, le maintien en zone d’attente peut être prolongé deux fois de huit jours, uniquement par le juge judiciaire, garant des libertés individuelles en vertu de l’art. 66 de la Constitution.
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[40]
Les consignataires s’occupent de l’équipage du navire lors des escales alors que les agents maritimes sont des représentants commerciaux, ils sont là pour suivre (et assurer) l’embarquement et le débarquement des marchandises. Selon le directeur de l’agence SOGEBRAS à Saint-Nazaire et par ailleurs président du Syndicat des agents consignataires de navire (SACN), « il y a des sociétés qui assurent les deux fonctions, ce qui conduit à maintenir la confusion entre ces deux catégories professionnelles ».
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[41]
À l’arrivée du navire, le capitaine remet au consignataire une liste où il est indiqué les identités des membres d’équipage ; et au départ du navire, le capitaine remet à nouveau un document similaire. Soit les identités sont identiques parce que les membres d’équipage sont les mêmes que ceux qui sont arrivés, soit elles diffèrent parce qu’il y a eu un changement de membres d’équipage.
-
[42]
Bien plus que celles qui s’opèrent dans les centres de rétention administrative.
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[43]
Par exemple, si un « passager clandestin » demande l’asile, cela engendre des jours d’escale supplémentaires dans le port le temps que les autorités donnent une réponse au requérant, soit un coût financier plus important pour l’armateur. En conséquence comme nous l’a indiqué l’employée d’une agence maritime du port de La Rochelle : « Vous savez, on ne doit pas leur dire qu’ils peuvent demander l’asile, nous sommes là pour défendre les droits des armateurs. […] Plus la procédure va vite, mieux c’est. […] Nous avions de bonnes relations avec la police qui nous recommande d’en dire le moins possible. Nous sommes là pour mettre de l’huile dans les rouages de l’administration. »
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[44]
Il fait notamment référence à un changement d’équipage en 2009 sur un navire où les marins ukrainiens sont rentrés chez eux en bus, depuis le port de La Rochelle.
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[45]
Entretien réalisé le jeudi 27 janvier 2011 à La Rochelle.
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[46]
Paloma Maquet, doctorante à Migrinter, effectue actuellement une thèse de géographie intitulée « De port en port : l’immigration à bord des navires de la marine marchande. Recherche dans les ”douves” de la forteresse européenne » sous la direction d’Emmanuel Ma Mung et de Nelly Robin.
Introduction
1 Les liens entre enfermement et navire s’inscrivent dans le temps long à l’image des déportations qui se sont déroulées depuis la traite négrière entre l’Afrique et les Amériques du xvie au xixe siècle jusqu’aux éloignements de détenus européens vers les États-Unis, les territoires océaniens ou les colonies sud-américaines. Toutefois, ces événements sont à différencier d’autres formes d’enfermement sur les navires et dans les ports. Plusieurs épisodes historiques montrent en effet que des navires destinés aux transports des migrants sont devenus de facto des lieux d’enfermement. Notons par exemple la mise en quarantaine de populations jugées indésirables comme les Irlandais fuyant la famine au milieu du xixe siècle. Ces derniers étaient maintenus au milieu du Saint-Laurent à Grosse-Île – sur les bateaux à bord desquels ils étaient arrivés, le temps de dissocier les immigrants « sains » de ceux atteints de fortes fièvres voire du typhus [1]. Ces migrations maritimes vers les Amériques qui se perpétuent dans le temps, ont aussi engendré la détention de nombreuses personnes à Ellis Island (New York), principale porte d’entrée des migrants arrivant aux États-Unis. Sur les 16 millions d’émigrants qui y ont transité entre 1892 et 1924, 250 000 personnes ont été maintenues dans un entrepôt (soit 1,6 % des migrants) avant d'être refoulées ou non vers l’Europe [2]. Robert Bober et Georges Perec ont par conséquent décrit cette île comme « le prolongement des bateaux » (Bober et Perec, 1980). Entre le xviiie et le xxe siècle, l’accroissement exponentiel des échanges maritimes internationaux se traduit également par la consignation à bord des navires de nombreux « passagers clandestins ». À titre d’exemple, on trouve de nombreux cas de personnes originaires des colonies tentant de rejoindre la métropole (Le Bourhis, 2001). Montés à bord clandestinement, ne disposant souvent d’aucun titre de voyage (même falsifié), ces passagers pouvaient être enfermés le temps de leur renvoi dans le port d’embarquement. Sur le plan historique, d’autres ouvrages font également référence à ces situations d’enfermement [3].
2 Dans la période contemporaine qui nous intéresse, soit les quarante dernières années (1970-2012), la littérature scientifique demeure lacunaire sur ce phénomène. Quelques études scientifiques se penchent sur les bateaux comme lieu de détention (Walters, 2008 ; Burtin et Maquet, 2012), mais cet objet est principalement laissé à la presse. Des rapports d’associations (Anafé, 1998 ; Migreurop, 2011) rappellent aussi que des personnes sont détenues à bord de bateaux parce qu’elles n’étaient pas en possession de documents de voyage en règle. À l’aune des observations récentes d’ONG, les bateaux de la marine marchande et les zones portuaires peuvent être considérés comme les lieux oubliés d’un dispositif plus vaste de l’enfermement des migrants. Le maintien des migrants à bord des bateaux et dans les ports peut être ainsi qualifié par les termes de détention ou d’enfermement avec une dimension spatiale et une dimension juridique étroitement liées. Pour rappel, depuis le début des années 1990, tous les États membres de l’Union européenne (UE) ont développé des dispositifs législatifs, administratifs et politiques qui se matérialisent par l’installation de camps fermés dont les noms diffèrent selon les pays [4]. Les migrants y sont enfermés le temps que les autorités instruisent leur demande d’entrée sur le territoire et/ou préparent leur renvoi lorsqu’ils sont démunis de titre de séjour en règle (Migreurop, 2012 ; Valluy, 2005). Dans cet ensemble, le maintien des personnes étrangères à bord de navires – comme les rouliers [5], les vraquiers et les ferries transportant les voyageurs – semble révéler une configuration matérielle et réglementaire particulière. L’enfermement des « passagers clandestins » repose sur une multitude d’acteurs privés avec un faible investissement matériel et humain de la part des États, ce qui se traduit par des formes de sous-traitance, desquelles résulte un assemblage de réglementations diverses, de jeux d’acteurs et de procédures largement informels et – par conséquent – difficilement visibles.
3 À l’appui d’enquêtes réalisées dans quatre ports de la façade atlantique (Bordeaux, La Rochelle, Saint-Nazaire et Le Havre), il s’agit donc de caractériser ce type d’enfermement, d’en analyser la dimension et le fonctionnement. Je cherche ici à décrire les modalités de production de l’enfermement sur (et autour) des navires de la marine marchande, l’enfermement étant saisi comme la résultante des politiques européennes de contrôles migratoires visant à renvoyer des migrants en situation « irrégulière » vers leur pays d’origine. À la différence d’autres terrains d’étude, les enquêteurs rencontrent rarement les principaux protagonistes, à savoir les migrants eux-mêmes lors des enquêtes menées dans les ports de commerce. Les raisons pour lesquelles très peu de migrants ont pu être interrogés sont liées au fait que les procédures sont généralement rapides dans les ports, et en conséquence leur présence au sein de ces espaces est d’une courte durée. L’étude s’appuie sur 14 entretiens semi-directifs menés auprès de membres d’équipages, d’assureurs (P & I Clubs) [6], d’agents maritimes, de policiers et de douaniers, de membres d’associations de marins ou de défense des étrangers. Ces entretiens ont été menés entre janvier et février 2011 dans les quatre villes portuaires précédemment citées. Ces enquêtes réalisées avec l’appui du programme Terrferme Les dispositifs de l’enfermement. Approche territoriale du contrôle politique et social contemporain [7], ont également été utilisées pour l’élaboration du rapport du réseau Migreurop (2011). Elles ont ainsi pu être comparées avec celles menées dans d’autres zones portuaires [8]. Ainsi, ces comparaisons ont permis de corroborer des tendances sur les modes d’enfermement pratiqués à l’échelle de l’Union européenne autour de ces « situations migratoires [9] ». J’ai également tiré des informations dans des rapports de visites de zones d’attente portuaires que j’avais effectuées entre 2003 et 2006 pour le compte de l’Anafé (2006). Face à la dimension des espaces et à la diversité des acteurs en présence, je ne prétends pas saisir la réalité de l’ensemble des zones portuaires. Certains ports sont plus faciles d’accès que d’autres bien que je n’aie pas essuyé de refus à l’exception d’un service des douanes.
4 Après avoir reconstitué les différentes étapes des législations qui touchent l’enfermement des « passagers clandestins » dans les navires de la marine marchande et dans les ports, il s’agira donc de savoir comment les acteurs publics et privés coopèrent à travers des normes internationales et nationales, en les respectant ou en s’en affranchissant. Puis nous tenterons de saisir quels sont les modes de confinement et les aménagements qui apparaissent au sein et autour des bateaux et des zones portuaires où des étrangers sont maintenus dans des régimes d’invisibilités où il leur est bien difficile de faire valoir leurs droits.
1. Le droit maritime et autres codes législatifs : des outils au service du contrôle migratoire
5 Au cours du xxe siècle, les lois relatives au maintien des « passagers clandestins » à bord des navires de la marine marchande ont été de plus en plus codifiées afin de faciliter les refoulements vers les pays de provenance. Ainsi dans une perspective chronologique, il s’agit de voir tout d’abord comment ces lois ont évolué et la façon dont les modes d’enfermement des « passagers clandestins » différent aujourd’hui – sur le plan législatif – selon que le navire est en mer ou à quai. Puis nous verrons que sous l’effet d’une politique européenne de contrôle migratoire restrictive – notamment en termes de droits pour les migrants [10] – et d’un renforcement des lois anti-terroristes depuis 2001 (Faist, 2002), les pays occidentaux avec l’aide des organisations internationales [11], ont intensifié la « sécurisation » des espaces dits stratégiques (Migreurop, 2011) parmi lesquels figurent les zones portuaires ouvertes au trafic international.
1.1. La consignation à bord : un héritage historique
6 Les personnes consignées [12] à bord des navires reposent sur une pratique très ancienne, l’idée étant de les « empêcher […] de sortir [du bateau] par mesure d’ordre, par punition » [13] afin qu’elles n’entrent pas sur le territoire. En France, la question de la consignation des « passagers clandestins » à bord des bateaux apparaît juridiquement pour la première fois dans une circulaire du 23 mai 1927 (Le Bourhis, 2001, p.72). À cette période, selon le ministère de l’Intérieur, de nombreux « indigènes sans ressources de l’Afrique occidentale française et de l’Afrique du nord » tentent de gagner la métropole sur les navires commerciaux. En conséquence, les autorités demandent aux capitaines de surveiller et consigner à bord les personnes concernées. En cas d’impossibilité, une procédure judiciaire peut être établie à l’encontre des passagers « indésirables ». À l’époque, la peine prévue dans le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande (CDPMM) va de six jours à six mois de prison ferme (article 74), peine que les migrants exécutent dans des établissements situés généralement en métropole. Parmi ceux qui ont été condamnés à de la prison ferme, le ministère de l’Intérieur évoque, une fois qu’ils seront libérés, la nécessité d’assurer « un hébergement et un gardiennage » le temps que le bateau soit à nouveau à quai et reprenne éventuellement « ses passagers ». Selon Kristenn Le Bourhis (2001, p. 73), cette mesure ne semble pas faire diminuer le nombre des candidats présents sur les flottes commerciales, et un décret-loi adopté le 30 octobre 1935 impose aux responsables de navire de rapatrier à leur frais les « passagers clandestins ».
7 Des législations semblables existent dans d’autres États européens (Allemagne, Belgique, Espagne, Italie). Les transporteurs de la marine marchande sont responsables de la présence des « passagers clandestins » sur leurs navires, « ils doivent donc en assurer la charge » (Le Bourhis, 2001, p. 73), et par le principe des amendes, les États contraignent les transporteurs à les maintenir à bord, le temps de les ramener à leur port d’embarquement. Le maintien des migrants à bord des bateaux demeure une pratique qui se poursuit durant tout le xxe siècle, mais les cadres législatifs de ces détentions – selon que le bateau est en mer ou à quai – vont se différencier sous l’influence de l’adoption et de l’évolution de différents codes.
1.2. Enfermement (il)légal selon que le bateau est en haute mer ou à quai
8 Selon la législation française, une personne qui mettrait en péril le fonctionnement d’un navire, sa cargaison ou la sécurité des autres personnes à bord, durant sa traversée, peut être détenue « pendant la durée strictement nécessaire [14] ». Les « passagers clandestins » peuvent donc être enfermés durant tout le trajet, ce qui atteste du fait que les migrations « irrégulières » sont d’abord perçues comme un problème de sécurité [15]. Dans le code français des transports, il est rappelé que le capitaine est aussi responsable du maintien de l’ordre, de la sûreté et la sécurité du navire et des personnes embarquées. Dépositaire de l’autorité publique, le capitaine peut donc « employer à ces fins tout moyen de coercition nécessité par les circonstances et proportionné au but poursuivi » (article L. 5531-1) [16]. En raison de la durée de certaines traversées s’échelonnant parfois sur plusieurs mois, ces dispositions législatives entraînent généralement des périodes d’enfermement qui vont au-delà des durées de détention ou de garde à vue prévues sur la terre ferme. Mais au regard des codes mentionnés, ces durées de détention sur les mers et les océans demeurent légales.
9 Toutefois, depuis 1992, il y a eu des évolutions législatives avec la loi Quilès. Pour les étrangers demandant à entrer sur le territoire français comme ceux qui sont dans les ports à bord de navires de la marine marchande, « des prestations de type hôtelier » doivent leur être assurées, soit « un souci humaniste transformé en norme juridique » (Razac, 2012, p. 83). Cette disposition tend donc à éloigner l’aspect carcéral de la procédure tout en maintenant le volet de la mise à l’écart.
10 Par ailleurs, en 1992, une nouvelle législation établit à nouveau le principe des sanctions financières imposées aux transporteurs lorsque ces derniers délèguent la prise en charge des migrants aux policiers aux frontières, loi qui fait ensuite l’objet d’une harmonisation au niveau européen en 2001. L’adoption de ces deux lois – nationale et européenne – laisse la possibilité aux sociétés de transport de faire en sorte que les « passagers clandestins » soient renvoyés vers leur pays de provenance sans préciser la façon dont ces retours sont organisés [17]. En conséquence, la consignation des personnes à bord des navires de la marine marchande est implicitement tolérée, et ce malgré l’adoption de la loi de 1992 mentionnant la création de zones d’attente dans les ports où les étrangers, interceptés aux frontières, devraient être placés pour être informés de leurs droits.
11 Plusieurs décisions de justice comme l’arrêt du Conseil d’État du 29 juillet 1998 sont venus par la suite rappeler aux autorités (Police aux frontières, douanes) qu’il est interdit d’enfermer un étranger sur un navire situé dans un port, lorsque la personne demande à entrer sur le territoire. Mais ces diverses décisions judiciaires n’ont que très peu modifié les pratiques de l’administration [18]. Les officiers de la police aux frontières disent bien souvent avoir l’aval de leurs supérieurs hiérarchiques pour faire en sorte que les étrangers soient maintenus sur les navires (Anafé, 2004 ; Migreurop, 2011) afin qu’ils soient renvoyés vers le port où ils ont embarqué voire un autre. C’est donc à partir de ce moment qu’intervient le rôle informel des équipages [19], et de ce fait les autorités acceptent que les migrants soient maintenus illégalement sur les bateaux.
12 Or une fois les bateaux à quai, si les durées de maintien des exilés sont habituellement très courtes [20], elles ont la plupart du temps un caractère arbitraire qui n’est pas condamné par la justice. Les clôtures récemment mises en place autour des zones portuaires ne permettent pas en effet que ces situations soient rendues publiques.
1.3. Clôture et sécurisation des zones portuaires
13 Suite aux attentats du 11 septembre 2001, sous la houlette des États-Unis d’Amérique et d’autres pays occidentaux, les États parties à la convention Solas [21] se sont entendus en décembre 2002 sur l’élaboration d’un nouveau code maritime, l’International Ship and Port Facility Code (ISPS) [22]. Cette réglementation visait à renforcer la surveillance des zones portuaires et de l’ensemble des navires qui y accostent. Si l’objectif initial était d’anticiper les actes de terrorisme qui pourraient avoir lieu au sein de ces espaces, le code a également inclus la lutte contre la piraterie et les trafics illicites (contrebande d’armes ou de stupéfiants), les prises d’otage et l’immigration dite clandestine. Adoptée en 2004, cette réglementation est aujourd’hui ratifiée par la quasi-totalité des pays de la planète (164 en 2011). En effet, les États qui n’appliqueraient pas ces nouvelles mesures se mettraient en marge des échanges économiques maritimes d’une part, tandis que les navires battant pavillon ou provenant de pays n’ayant pas adopté le Code ISPS éprouveraient de grandes difficultés à entrer dans l’espace international sécurisé d’autre part. De par la concurrence qui prévaut dans le transport et l’économie maritimes, ces mesures se sont progressivement mises en place, engendrant une séparation de plus en plus nette entre les zones portuaires et les espaces urbains qui les entourent.
14 Au cours des années 2000, dans un grand nombre de ports à travers le monde, des périmètres de sécurité sont donc mis en place : clôtures grillagées avec des bavolets [23] entourant une partie ou la totalité des rades selon l’étendue de ces dernières [24], caméras de surveillance soulignant la volonté d’avoir une vigilance continue, accès sécurisés et détecteurs de métaux aux entrées principales. Si ces dispositifs mis en place et gérés généralement par des sociétés privées participent au développement de l’économie relative à la sécurité, ils matérialisent le cloisonnement et la fermeture de ces espaces maritimes. À La Rochelle, sixième port français avec plus de huit millions de tonnes de marchandises traitées [25], les travaux entrepris en 2006 et 2011 ont ainsi permis d’établir une clôture de l’espace portuaire (cf. carte 1), estimée à plusieurs millions d’euros. Selon le commandant adjoint du port, La Rochelle serait en conséquence « beaucoup moins confrontée à l’arrivée de passagers clandestins, car s’il est difficile d’accéder aux navires, il est beaucoup plus délicat de sortir de la zone portuaire où le bateau accoste ». De nombreux agents portuaires mentionnent en effet qu’entrer ou sortir du port sans se faire contrôler « n’est pas chose aisée ». Les infrastructures mises en place ont donc interdit les mobilités des personnes non concernées par les activités professionnelles autour des rades [26].
15 Ainsi, l’approche sécuritaire consécutive à l’application du code ISPS, a conduit à l’établissement de zones tampon autour des navires. Ces « zones sont de plus en plus circonscrites en fonction de la nature des contrôles et la tendance au repli des ports se prononce, […] ce qui participe de fait à leur isolement géographique » (Migreurop, 2011, p. 49). Par exemple, l’introduction de ce nouveau référentiel limite considérablement l’accès des associations de défense des étrangers susceptibles d’apporter une aide à celles et ceux qui demandent à entrer sur le territoire, et elle rend également plus difficile les contacts entre les membres d’équipages du navire et les associations de marins.
16 Les mesures relatives aux contrôles migratoires qui s’appuient sur une rhétorique antiterroriste, ont donc conduit à d’importantes transformations dans le fonctionnement de ces espaces du point de vue juridique. Dans nombre de ports, le code ISPS a permis de renforcer la délégation des compétences policières et douanières à des sociétés de sécurité privée et à des corps de métier de première ligne, c’est-à-dire les agents travaillant pour le compte des compagnies maritimes et les marins des équipages des bateaux (Migreurop, 2001, p. 48).
17 Cette brève chronologie législative montre que les mises à l’amende des transporteurs contraignent toujours les marins à mettre à l’écart les « passagers clandestins » avec des modes d’enfermement sur les navires et dans les ports qui oscillent entre des pratiques héritées et des processus codifiés. Si le confinement des étrangers diffère de celui qui prévaut dans les grands centres de détention pour migrants, il montre aussi un volet punitif plus fort. En effet à la différence des centres officiels où les migrants sont maintenus collectivement, les « passagers clandestins » sur les navires sont bien souvent détenus dans des cabines ou des cellules isolées.
2. Les conditions des « passagers clandestins » sur les navires en haute mer : entre enfermement et mise au travail
18 Sur les navires de la marine marchande, lorsque les exilés ne bénéficient pas de la complicité de membre(s) d’équipage permettant d’effectuer la traversée clandestinement, les différents témoignages soulignent que les « passagers clandestins » sortent de leur cachette au bout de quelques jours pour ensuite être pris en charge par les marins. Les premières mesures sont un entretien avec le capitaine puis une mise à l’écart des « passagers clandestins » dans des cabines dont les conditions matérielles diffèrent selon les navires. Au-delà de ces dispositifs légaux, d’autres rapports s’établissent aussi entre les marins et les « passagers clandestins », montrant des paradoxes entre l’intransigeance de l’enfermement, la mise au travail des migrants voire des moments de loisirs partagés – somme toute relatifs – entre ces différents acteurs.
Questionnaire utilisé en France par les représentants des P & I clubs / Questionnaire used in France by P & I club representatives
2.1. Des acteurs contraints à enfermer
19 Une fois que les « passagers clandestins » ont été découverts, le capitaine ou/et ses seconds s’entretiennent avec eux afin d’enregistrer les premières informations relatives à leur identité voire des éléments liés à leur physionomie : taille, poids, couleur des yeux et des cheveux, forme du visage, couleur de la peau, etc. (cf. document 1). Il s’agit aussi de connaître leur lieu d’embarquement pour commencer à préparer – en lien avec des agents de la compagnie maritime présents sur la terre ferme – leur procédure de débarquement et de renvoi dans leur pays de provenance. Les systèmes actuels de communications et les trajets parfois très longs – entre le moment où les « passagers clandestins » sont découverts et celui où ils seront débarqués – permettent aux différents acteurs de préparer sereinement les procédures d’expulsion sans que celles-ci ne soient confrontées à des obstacles. Les « passagers clandestins » disposent rarement de défenseurs pour les assister à la différence des étrangers qui sont détenus dans des centres de rétention administrative où ils peuvent bénéficier d’une aide juridique. Après l’entretien, le capitaine ordonne à ses marins d’enfermer les « passagers clandestins » dans un lieu « sécurisé » qui diffère selon les navires.
2.2. Des lieux transformés en prison
20 Les conditions matérielles de l’enfermement des « passagers clandestins » sur les navires sont très diverses : si certains bateaux disposent de cellules spécialement aménagées à cet effet, sur les autres navires, ce sont les marins qui improvisent la façon dont le lieu d’enfermement sera disposé, espace qui pourra être réutilisé le cas échéant. Selon les agents des P & I Clubs, depuis l’instauration du code ISPS, de plus en plus de navires – notamment ceux qui effectuent des lignes régulières pour les voyageurs ou les marchandises – possèdent des cabines destinées spécifiquement à l’enfermement des personnes. Sur les porte-conteneurs construits au cours des années 2000, il y a également des cellules dites « sécurisées » mais ces dernières ne sont pas réservées aux seuls « passagers clandestins ». Elles peuvent servir à des pirates interceptés, voire à des marins qui s’opposeraient violemment aux responsables du navire (Migreurop, 2011, p. 59). Des caméras sont parfois mises en place pour filmer en permanence la porte du local où les « passagers clandestins » sont maintenus, les images étant transmises dans la cabine de pilotage. Sur les autres navires de la marine marchande, lorsque le capitaine ordonne à ses subordonnés de mettre à l’écart les « passagers clandestins », les marins peuvent condamner les ouvertures en mettant des cadenas aux portes des cabines et des barreaux aux hublots pour éviter que ces derniers ne s’évadent au moment de l’arrivée au port [27]. Ces aménagements qui s’opèrent sur les navires passent bien souvent inaperçus, ils font toutefois dire à nombre d’acteurs avertis dans les ports qu’il y a des « prisons » sur les navires. Et à la différence des cabines aménagées à cet effet, les espaces « sécurisés » par les marins sont souvent dépourvus de tout mobilier. Certains capitaines qualifient eux-mêmes d’indignes les conditions de détention imposées à ces étrangers [28]. Un ancien officier de la police aux frontières du port de La Rochelle souligne qu’il « faut voir les endroits où ces personnes se sont cachées et où elles ont ensuite été maintenues. Quand j’ai commencé à travailler dans la police aux frontières, ce sont des choses auxquelles je ne m’attendais pas. […] La cabine avait pour seul confort un léger matelas et un filet d’eau. Les conditions matérielles étaient vraiment sales, et parfois ce n’était guère mieux pour les marins. […] Les bateaux de la misère accueillent la misère [29] ».
21 L’utilisation de ces cabines renvoie à l’idée de « l’espace des disciplines [qui] est toujours, au fond, cellulaire » (Foucault, 1975, p. 168), un espace que l’architecture des navires rend possible et qui se prête à plusieurs usages comme celui d’isoler des personnes que l’équipage n’avait pas repérées avant le départ du bateau [30]. Que l’aménagement des cabines en lieu d’enfermement soit continu ou temporaire, les agents maritimes et les capitaines de navires que nous avons interviewés mentionnent que les « passagers clandestins » sont l’objet d’une surveillance accrue de la part des membres d’équipage à qui les États n’ont d’autre choix que de déléguer cette fonction de contrôle.
22 Ainsi si les premiers moments après la découverte des « passagers clandestins » sont marqués par des mesures de surveillance et de mise à l’écart, les marins veillent aussi à discipliner les migrants – durant ces traversées qui peuvent durer plusieurs semaines [31] – pour que ces derniers ne contribuent pas à trop augmenter leur temps de travail.
2.3. Des pratiques informelles : sortir de la cellule sur le bateau, participer au travail
23 Durant les premiers jours, les étrangers peuvent être autorisés à sortir de leur cellule, au mieux quelques heures par jour et à condition qu’une surveillance continuelle soit assurée par un ou deux marins. C’est une besogne que les marins doivent effectuer en plus de celles qu’ils ont à faire, en conséquence l’enfermement des « passagers clandestins » est vu comme une activité supplémentaire sans qu’un complément de rémunération soit prévu par la compagnie [32]. Les membres d’équipage sont en effet dans l’obligation de leur donner à manger et de les vêtir du mieux qu’ils peuvent. Les marins doivent également s’assurer de leur hygiène, en les accompagnant à la douche, patienter le temps que les personnes se lavent et ensuite les raccompagner dans leur cellule. Par ailleurs « parce que le métier de priver un homme de sa liberté et de le surveiller en prison est un exercice de tyrannie » (Foucault, 1975, p. 135) – tâche à laquelle les professionnels de la mer ne sont pas préparés et qu’ils exécutent en y étant contraints – les marins disent bien souvent chercher à atténuer les effets de la sanction des « passagers clandestins ». Le maintien de l’ordre sur le navire, s’il est assuré par des mesures répressives, suppose aussi quelques aménagements, des moyens qui rappellent à une autre échelle les pratiques des gardiens dans les prisons vis-à-vis des détenus (Chauvenet, 1998, p. 91). Selon la conduite des passagers clandestins, des interdits (déplacements sur telles parties du navire, etc.) peuvent donc être levés. Ainsi sur certains bateaux, lorsqu’une confiance relative s’installe entre ces hommes et les membres d’équipage, ces derniers peuvent tolérer que les « clandestins » soient avec eux quelques heures pour regarder la télévision (cf. la lettre de Roland Doriol ci-dessous). Parfois ils acceptent aussi que les étrangers partagent le repas avec eux mais « le fait de manger avec les « passagers clandestins », de parler avec eux peut nous conduire à être considérés comme complices du point de vue des autorités » précisait le commandant Jean-Paul Declerq en juillet 2011 [33]. En conséquence ces pratiques semblent moins répandues depuis les années 2000 (Migreurop, 2011, p. 61).
. Extrait d’une lettre d’avril 1986 de Roland Doriol, ancien marin et prêtre jésuite
Pour le moment, il bosse sur le pont avec les matelots aux endroits souvent ingrats, il est nourri et a repris du poids. Il n’a pas le droit d’avoir ni fourchette ni couteau ! Il loge dans un des bureaux des pointeurs indépendants des aménagements où il n’a pas le droit de venir. Mais le dimanche soir, je l’ai déjà vu à deux reprises au carré philippin pour voir la télévision. Aujourd’hui, en prévision des escales d’Extrême Orient, des barreaux ont été soudés sur une « vraie cabine » ; son futur logement « en prison » sur notre navire n’a rien de comparable avec la paillasse par terre et la couverture de son logement actuel. Les ennuis et les tracasseries policières vont sans doute commencer bientôt. À entendre les réflexions en anglais ou en hindi le concernant, ou bien concernant d’autres cas vécus sur d’autres navires, je me demande si l’idée de le passer par-dessus bord n’a pas traversé l’esprit de certains !
24 Mais ces permissions accordées aux « passagers clandestins » par les membres d’équipage couvrent d’autres formes de punitions. Les étrangers peuvent en effet être mis à contribution dans les tâches à faire sur le navire. Ils sont employés pour effectuer des activités d’entretien souvent ingrates (cf. la lettre de Roland Doriol ci-dessus) [35]. Pour de nombreux marins, il est admis que les « passagers clandestins » doivent assurer les frais de leur prise en charge (nourriture, etc.), ce qui fera aussi moins d’heures supplémentaires à accomplir pour les membres d’équipage. Les acteurs défendent aussi cette pratique qui s’apparente à une forme d’exploitation, comme un moyen d’atténuer l’enfermement auquel les migrants sont soumis. Toutefois, il semblerait que depuis l’instauration du code ISPS au milieu des années 2000, l’utilisation économique des « passagers clandestins » soit moins fréquente. Des responsables maritimes disent qu’aujourd’hui, il n’est pas demandé aux migrants de travailler, ces derniers étant plus souvent mis à l’écart dans des cellules jusqu’à la prochaine escale.
25 Lorsque les navires sont en haute mer, les « passagers clandestins » sont donc maintenus à l’écart et surveillés par les membres d’équipage de diverses façons : enfermement de fait, exploitation, etc. des pratiques qui sont prises dans une tension permanente entre des actes légaux et illégaux. Et à côté de ces situations, il arrive que des formes d’intégration s’opèrent entre les marins et les hôtes de passages jusqu’à ce que ces derniers soient débarqués.
3. Dans (et autour) des zones portuaires : les zones d’ombre de la détention des migrants
26 Lorsqu’un bateau fait escale dans un port avec la présence de « passagers clandestins », au-delà de l’obligation de les déclarer aux autorités, le capitaine et les marins doivent dans bien des cas continuer à surveiller leurs « hôtes de passage » en les maintenant à bord du navire, bien que la loi interdise ce mode de confinement qui échappe à tout contrôle juridictionnel. Plus rarement il arrive qu’ils soient enfermés dans des lieux difficilement visibles et accessibles car situés dans les interstices des paysages portuaires. Mais sous la menace d’une sanction financière des autorités, les divers acteurs liés à l’activité économique du navire consentent à accepter la prise en charge des « passagers clandestins » dont le devenir semble avoir été décidé bien en deçà de l’arrivée du bateau dans le port. Il s’agit donc ici de s’intéresser à la manière dont les « passagers clandestins » se retrouvent enfermés dans une double invisibilité, du point de vue géographique car placés dans des lieux difficiles d’accès, et échappant à toute visibilité sociale entraînant une perte de leurs droits.
3.1. Une multiplicité de petits lieux d’enfermement
27 Dans les ports européens, pour qualifier l’enfermement des « passagers clandestins », les différents acteurs professionnels parlent souvent de consignation à bord des navires, dans une moindre mesure de détention ou de prison, et parfois de maintien en zone d’attente [36], autant de termes qui correspondent à une seule et même sanction : l’enfermement dont le caractère peut être arbitraire ou légal au sein d’un même espace. Ainsi, la cabine où les « passagers clandestins » étaient détenus lorsque le bateau était en pleine mer peut devenir un espace en marge de la loi à partir du moment où les autorités consentent à y maintenir les personnes une fois que le bateau est amarré. Les détentions arbitraires peuvent également s’opérer de façon temporaire dans un entrepôt ou un local de la zone portuaire. Un des exemples les plus connus en France est le hangar d’Arenc à Marseille où des organisations militantes ont découvert en 1975 que des étrangers étaient maintenus en dehors de tout cadre légal, situation qui s’est poursuivie jusqu’en 1980, année au cours de laquelle le bâtiment fut transformé en un lieu officiel de détention pour migrants. Malgré le développement du cadre législatif, la détention des « passagers clandestins » continue de faire l’objet de mesures discrétionnaires. Ces différents lieux de confinement utilisés par les autorités, une fois le bateau à quai, révèlent donc une géographie de l’éphémère, et si certaines de ces structures sont utilisées de façon provisoire, elles peuvent perdurer dans le temps. On retrouve également ces processus au sein des postes des douanes et des polices aux frontières voire des chambres d’hôtels réquisitionnées par les autorités (Cherbourg, La Rochelle, Sète) où là aussi la détention peut, soit reposer sur une simple « routine » policière en dehors du cadre légal, soit à l’opposé faire l’objet au préalable d’un arrêté préfectoral.
28 En France, dans la plupart des grands ports de commerce et de voyageurs, il y a des espaces qui sont délimités par le préfet du département. Ils sont destinés à y maintenir les étrangers qui y arrivent et n’ont pas de document de voyage en règle. Selon la loi, ces formes spatiales s’étendent « des points d’embarquement et de débarquement à ceux où sont effectués les contrôles des personnes » (article L. 221-2 du Ceseda). Or d’une part elles sont imperceptibles, et d’autre part elles demeurent bien souvent des fictions juridiques car « si les lieux de débarquement sont connus, les contrôles peuvent avoir lieu en tout endroit : ainsi, les zones d’attente portuaires s’apparenteraient davantage à des espaces à géométrie variable » (Migreurop, 2011, p. 66) d’autant plus qu’une loi de 2004 mentionne désormais qu’elle peut s’étendre « sans qu’il soit besoin de prendre une décision particulière, aux lieux dans lesquels l’étranger doit se rendre » (article L. 221.2) pour sa procédure (tribunaux, hôpital, hébergement). Ainsi, des zones d’attente disposent d’une structure d’hébergement située sur l’emprise du port ou à proximité comme à Bordeaux où la structure est située au sein de l’aéroport, soit à plusieurs dizaines de kilomètres des zones portuaires. À La Rochelle, jusqu’au milieu des années 2000, quand il y avait une escale supérieure à vingt-quatre heures, les personnes étaient généralement placées à l’hôtel Les Terrasses [37] (cf. carte 1). Par peur que les étrangers s’évadent de leurs chambres, les policiers ont ensuite utilisé des pièces situées au sous-sol du bâtiment, qui avaient l’avantage d’avoir des barreaux aux fenêtres. « Ce n’était pas une prison, mais ça y ressemblait » estime le responsable d’une agence maritime. Dans les ports de Dunkerque et Le Havre, les autorités ont parfois recours aux foyers des marins.
29 Enfin, il arrive que les étrangers interceptés soient transférés dans d’autres zones d’attente avec des structures d’hébergement bien plus importantes. Par exemple, les migrants arrivant par le port de Marseille sont généralement détenus dans le centre du Canet, ceux qui sont débarqués à La Rochelle ou à Saint-Nazaire sont parfois transférés à la zone d’attente de l’aéroport de Roissy (Paris). Un Ghanéen qui a été intercepté dans le port de La Rochelle à deux reprises, en juillet et décembre 2010, a été conduit lors de sa deuxième arrestation vers la zone d’attente de Roissy [38]. Sa demande d’asile à la frontière a été rejetée par le ministère de l’Intérieur, mais après quatre jours de maintien le juge des libertés et de la détention (JLD) du tribunal de grande instance de Bobigny l’a libéré [39].
30 Après avoir été maintenus dans une cabine du bateau, les étrangers peuvent donc être conduits dans plusieurs lieux « invisibles » de la zone portuaire voire dans de grands centres, les transporteurs, les agents maritimes, etc. étant responsables de l’organisation du maintien et des différents transferts des « passagers clandestins ».
3.2. Une gestion déléguée et privatisée de l’enfermement des « passagers clandestins »
31 Lorsqu’un « passager clandestin » est découvert à bord d’un navire, au-delà de la procédure que j’ai décrite précédemment, des liens qui s’opèrent entre divers acteurs : le capitaine prévient l’armateur qui contacte le P & I Club qui prévient à son tour ses employés basés dans les ports concernés ou à défaut des agents maritimes ou les consignataires [40] travaillant pour leur compte. Au regard des entretiens effectués avec ces acteurs économiques, tout porte à croire que dans bien des cas la police aux frontières intervient peu, voire est absente, au sein de la procédure. Le directeur de l’agence SOGEBRAS à Saint-Nazaire souligne que « la vingtaine de douaniers présents dans l’ensemble des bassins peut difficilement contrôler tous les navires. Ainsi, la douane est présente quand elle a le temps et la police aux frontières ne vient quasiment plus. Les douanes voudraient que nous fassions le travail de contrôle à leur place […] [car tous les espaces portuaires de Nantes et Saint-Nazaire ne sont pas clôturés], en leur indiquant par exemple les bateaux où il y a plus de personnes à bord que sur la liste qui nous a été remise [41]. Or ce n’est pas notre rôle de contrôler, nous sommes là pour défendre les intérêts des armateurs ». Ainsi, les contrôles des « passagers clandestins » effectués par les policiers ou les douaniers lorsqu’ils ont connaissance de leur présence, ont lieu une fois le navire à quai, et parfois – si les exilés sont maintenus à bord – ces mêmes autorités procèdent à un ultime contrôle avant le départ du bateau et/ou avant leur transfert vers l’aéroport d’où ils seront renvoyés. Entre ces deux opérations, si les exilés n’ont pas fui, ils demeurent sous la surveillance des marins du bateau ou d’employés de sociétés de sécurité privées. Lors de l’escale, la nourriture, l’hygiène et les vêtements des « passagers clandestins » sont généralement fournis par les représentants des P & I Clubs. Une employée d’une agence maritime du port de La Rochelle dit à ce propos qu’elle va dans des magasins des environs « pour leur acheter des vêtements (joggings, pulls) car certains migrants n’ont rien à se mettre sur le dos, excepté des tee-shirts et des pantalons légers. Je leur achète également des nécessaires de toilette ». Toutefois, comme j’ai pu le remarquer lors des enquêtes et comme le souligne un juriste de la société McLeans (cf. document 2), les procédures diffèrent d’un port à l’autre, et « avec le temps [dit ce dernier], j’ai appris à ne pas poser de question et à ne pas trop comprendre, c’est vraiment des dossiers où il n’y a pas de règle ».
Capture d’image d’une partie de la page d’accueil du site Internet de la compagnie McLeans (16 février 2015) / Image capture of the McLeans Compagny’s Website
32 Ainsi, à partir du moment où les intérêts des autorités publiques et des entreprises privées convergent : application de la politique migratoire d’un côté et expulsion des « passagers clandestins » de l’autre, les différents acteurs « collaborent » en s’appuyant bien souvent sur diverses formes de détention arbitraire et indéterminée. Les acteurs engagés dans ces procédures estiment qu’elles doivent se faire dans la discrétion [42], car lorsque les associations de défense des étrangers en ont connaissance, elles mettent en jeu des questions de droit international et de normes nationales qui pèsent sur des enjeux économiques importants [43]. La libéralisation et la mondialisation du marché économique maritime laissent donc peu de place au respect des droits de ces passagers enfermés. Selon un responsable de l’agence rochelaise Cogemar, il n’y a aujourd’hui plus de sociétés qui assurent l’ensemble du transport maritime : « En conséquence, dit-il, le personnel d’exploitation est fourni par différentes sociétés. L’exploitation technique est distincte de l’exploitation commerciale et ce sont les dirigeants financiers qui dirigent tout. » Pour le directeur de cette société, seul le minimum est fait pour le bien-être des marins [44] :
« L’armement [à savoir la manière dont un navire est équipé], c’est le cadet de leurs soucis, ajoute-t-il. Aujourd’hui lors des escales, on voit rarement les marins. […] L’aspect humain a complètement disparu de nos professions. Le mot d’ordre est : la meilleure qualité pour le moins cher. […] L’objectif étant d’assurer la sécurité des navires tout en étant le moins cher possible, alors vous imaginez bien que les droits des passagers clandestins pèsent bien peu dans cet ensemble [45]. »
34 Pour terminer, rappelons que, dans ces zones portuaires, les « passagers clandestins » ont des droits, notamment celui de ne pas être enfermés sur des bateaux une fois arrivés à quai. Le cadrage extrêmement rigoureux de la loi exige que les migrants soient maintenus dans des lieux où ils peuvent être informés d’autres droits (demander l’asile, etc.). Or la nature géographique des espaces portuaires contemporains couplée à la pression économique qui oblige des acteurs professionnels à cacher des exilés, permet ce type de maintien dans des lieux « invisibles ». En conséquence, les pratiques illégales de détention persistent et elles ne sont pas reconnues et condamnés car elles ne sont pas rendues publiques. La raison économique demeure plus forte que la raison humanitaire, conduisant ces espaces à échapper au contrôle de la société civile.
Conclusion
35 Les formes d’enfermement mises en place sur les navires demeurent récurrentes. Si depuis le début du xxe siècle, les dimensions juridiques et matérielles qui ont une vocation et en partie punitive ont certes évolué, des parties du bateau continuent de se muer en espace de détention. Ces modes de captivité peu visibles font partie de la politique migratoire répressive des États européens et voisins de l’UE, et sont un chaînon du dispositif de lutte contre l’immigration « clandestine ». Ils rappellent les conditions matérielles de nombreux centres de détention administrative pour étrangers qui sont préoccupantes au regard de la nature carcérale du régime d’enfermement : confinement en cellules, heures de promenade restreintes, droit de visite limité, placement en isolement (Migreurop, 2012).
36 Cette myriade de lieux de relégation officiels ou en marge du droit souligne l’organisation d’une territorialité en réseaux qui a également recours à une multitude d’acteurs appartenant aux États et surtout aux compagnies privées dont la surveillance n’est pas une de leurs missions premières. Ces acteurs doivent gérer, du fait de la contrainte légale et/ou des circonstances matérielles et conjoncturelles, des situations d’enfermement avec de nécessaires adaptations informelles. En effet si les navires sont les supports de dispositifs légaux de l’enfermement lorsqu’ils sont en mer, des formes d’organisation arbitraire du maintien des étrangers se mettent bien souvent en place sur ces mêmes bateaux en haute mer (travail). Et une fois les bateaux à quai, bien que plusieurs dispositions législatives aient tenté de limiter, voire d’interdire la consignation des « passagers clandestins » à bord des navires de la marine marchande, la délégation du contrôle à des acteurs privés se perpétue en dehors de tout cadre légal.
37 Ces dispositifs « hybrides » relatifs à l’enfermement des migrants évoluent entre des statuts informels et officiels selon la période et les lieux où ils sont établis. Ces situations de confinement qui demeurent tout au long du xxe siècle dans les ports européens, se poursuivent de façon tenace au cours des années 2000, le contexte de guerre économique et de lutte contre le terrorisme international avec le code ISPS ayant même conduit à diffuser ces pratiques à l’ensemble des acteurs des grands ports mondiaux. Nos enquêtes ont montré que l’enfermement extrajudiciaire s’inscrit également dans une multitude de lieux « invisibles » dans et autour des ports : aux bouts des rades, dans une cabine de bateau, dans des dépôts portuaires, dans des pièces de commissariats ou de douanes, dans des hôtels aux bords des routes. Comme le souligne Claire Saas (2012, p. 61), « de nombreux indicateurs révèlent que le traitement de l’immigration se situe, à bien des égards, à mi-chemin entre logique administrative et logique pénale », avec une singularité pour ces situations d’enfermement où des mesures à caractère pénal (Code disciplinaire et pénal de la marine marchande) précèdent des mesures administratives lorsque ces dernières ont lieu. Cette procédure diffère de celle des étrangers maintenus dans les zones d’attente aéroportuaires ou dans les centres de rétention administrative où le recours au pénal vient en dernier ressort lorsque les personnes s’opposent par exemple à une mesure d’expulsion. Ce processus souligne la criminalisation de l’immigration « clandestine » où « l’enfermement et l’expulsion des étrangers au sein des États occidentaux s’inscrivent dans un espace de circulation ambigu, configuré par une série de lieux disciplinaires » (Kobelinsky et Makaremi, 2008). Ainsi, on constate que ces modes de « transport » permettent aux différents acteurs d’envisager et de préparer avec suffisamment de temps le renvoi des « passagers clandestins ». Avant même que les personnes soient débarquées, leur expulsion est déjà organisée. Pour les autorités – au-delà des difficultés que les équipages évoquent – c’est un « archétype procédural ». « D’une pénalité limitée dans le temps et dans l’espace, on glisse vers un continuum dans la répression sans limite temporelle ou spatiale » (Saas C., 2012, p. 32), l’objectif des autorités étant de renforcer la rationalisation des rapatriements des migrants démunis de titre de voyage en règle en usant de ces espaces qui tendent à devenir indiscernables des autres lieux officiels de détention mais privant les migrants de leurs droits. Ces lieux d’enfermement complètent ainsi la géographie des frontières de l’UE relative à la lutte contre les migrations.
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Mots-clés éditeurs : immigration, navire, enfermement, « passagers clandestins », port., droit maritime
Date de mise en ligne : 24/06/2015.
https://doi.org/10.3917/ag.702.0185Notes
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[1]
Dans cette situation d’enfermement, le typhus était dangereux pour les migrants car les conditions sanitaires durant la période de quarantaine étaient infâmes. À cela s’ajoutait l’absence de soins. En 1847, plusieurs milliers (5 424) de migrants sont décédés à Grosse-Île (Charbonneau et Sévigny, 1997 et Barrett, 2001).
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[2]
Au cours de cette période, le processus de sous-traitance était déjà à l'œuvre. Les compagnies maritimes étant responsables des premières formalités pendant la traversée, étaient aussi dans l’obligation de prendre en charge les frais de séjours des migrants retenus à Ellis Island et le cas échéant, leur retour en Europe. Les travaux sur Ellis Island soulignent également que le lien entre cet espace de migration et les questions de détention s’est affirmé au fil des décennies : au tournant du xixe et du xxe siècle, courtes détentions visant à renvoyer certains migrants « indésirables » dans leur pays de provenance, puis pendant les deux guerres mondiales, conversion de ce lieu en prison pour des migrants arrivant par bateau à New York et considérés comme ennemis ou appartenant à des nations contre lesquelles les États-Unis d’Amérique étaient en guerre.
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[3]
Voir notamment Marcus Rediker (2010) Les forçats de la mer. Marins, marchands et pirates dans le monde anglo-américain, 1700-1750, Paris, Libertalia (collection Terra Incognita), 464 p. ; Collectif Maurice Florence (2009) Archives de l’infamie, Paris, Les Prairies ordinaires, 160 p. ; Artières P. et Burel L. (2011), Archives du biopouvoir, Marseille xviiie-xxe siècles, Marseille, It éditions et les Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 192 p. Ce dernier ouvrage présente divers documents d’archives relatifs à l’enfermement administratif dans et autour du port de Marseille.
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[4]
Dans les textes législatifs français, on parle de « maintien en zone d’attente » ou de « rétention », ce dernier terme est également repris dans la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. En Belgique, on parle de « centre fermé » ou « centre pour illégaux », etc. (cf. Migreurop, 2012, p. 83).
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[5]
Les marins et les professionnels travaillant dans les ports parlent aussi de Ro-Ro, diminutif pour nommer ces bateaux qui transportent des marchandises chargées grâce à une ou plusieurs rampes d’accès.
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[6]
Signifie Protection and Indemnity Insurance Clubs. Ces compagnies d’assurance ont été conçues au Royaume-Uni au milieu du xixe siècle, et leurs agents travaillent auprès d’armateurs pour couvrir la responsabilité civile de ces derniers ainsi que celle des affréteurs de navires que les assureurs classiques dits « à primes fixes » ne garantissaient pas. Depuis la fin des années 1990, les contrats proposés par ces compagnies couvrent également la prise en charge des « passagers clandestins » susceptibles de gêner l’itinéraire prévu du navire (cf. document 2).
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[7]
Programme ANR (Réf. : ANR-08-JCJC 2008-0121-01) qui a également bénéficié du financement du Conseil Régional d’Aquitaine (Réf. : 2010407003).
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[8]
Les enquêtes se sont déroulées dans sept États de l’Union européenne et un pays voisin (Maroc), soit 23 ports au total. Il y a des zones portuaires importantes comme celles d’Hambourg ou Rotterdam, d’autres de taille moyenne comme Barcelone, Gênes ou Marseille et des ports plus petits – en termes de volume d’échanges – comme Limassol, La Rochelle ou Saint-Nazaire. Les enquêtes effectuées dans le port de Nantes-Saint-Nazaire ont été menées avec Maud Steuperaert (Cimade, Nantes).
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[9]
Nous avons également bénéficié de l’aide précieuse de Véronique Aubert et Patrick Chaumette de l’Observatoire des droits des marins à Nantes. L’activité scientifique menée au sein de ce centre de recherche et les contacts de nombreux professionnels (juristes, acteurs associatifs, syndicaux,…) qu’ils nous ont fournis, nous ont permis de mieux comprendre le fonctionnement des navires et des zones portuaires, et les enjeux.
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[10]
Voir tout l’arsenal technologique et humain qui a été développé aux frontières extérieures de l’UE depuis 1990 pour limiter l’accès des migrants au territoire européen (Migreurop, 2012).
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[11]
L’Organisation maritime internationale (OMI) en liaison avec l’Organisation internationale du travail (OIT) et l’Organisation mondiale des douanes (OMD).
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[12]
Dictionnaire historique de la langue française où il est indiqué qu’en 1647, le verbe signifiait « maintenir prisonnier par mesure d’ordre, de punition, sens [qui sera] réintroduit au xviiie siècle (1743) dans un contexte militaire » où de nombreux navires jouent un rôle important.
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[13]
Définition du verbe « consigner » dans le dictionnaire Le Petit Robert (2008).
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[14]
« À la demande du procureur de la République […] ou avec son accord, le capitaine peut ordonner la consignation dans un lieu fermé, pendant la durée strictement nécessaire, d’une personne mettant en péril la préservation du navire, de sa cargaison ou de la sécurité des personnes se trouvant à bord lorsque les aménagements du navire le permettent » (article 29 du CDPMM).
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[15]
Rapport du rapporteur spécial sur les droits de l’homme des migrants, François Crépeau (2012) Étude régionale : la gestion des frontières extérieures de l’Union européenne et ses incidences sur les droits de l’homme des migrants, p. 10 [disponible sur Internet]
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[16]
Le Code disciplinaire et pénal de la marine marchande (CDPMM) souligne également que la plus haute autorité à bord du navire est le capitaine, l’équipage et les passagers réguliers comme « clandestins » peuvent donc être soumis à ses ordres. « Le décret n° 60-1193 définit et délimite son pouvoir disciplinaire et pénal ; ce pouvoir est soumis au principe de légalité, il n’est nullement arbitraire, à travers le livre de discipline, le journal de bord, les rapports de mer, le capitaine rend des comptes tant à son armement qu’à l’administration de l’État du pavillon » (Chaumette, 2008).
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[17]
Au sein de l’UE, la directive du 28 juin 2001 demande aux États membres de prendre « les mesures nécessaires pour imposer aux transporteurs [maritimes, aériens et ferroviaires] qui ne sont pas en mesure d’assurer le retour d’un ressortissant de pays tiers dont l’entrée est refusée, l’obligation de trouver immédiatement le moyen de réacheminement et de prendre en charge les frais correspondants, ou, lorsque le réacheminement ne peut pas être immédiat, de prendre en charge les frais de séjour et de retour du ressortissant de pays tiers en question » (article 3). Le texte mentionne un montant minimal qui ne doit pas être inférieur à 3 000 euros et un montant maximal qui ne doit pas être inférieur à 5 000 euros. « Indépendamment du nombre de personnes transportées » (article 4), une amende forfaitaire d’un montant minimal de 500 000 euros peut même être appliquée aux transporteurs.
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[18]
En 1997, l’Organisation maritime internationale (Omi) recommandait aussi à l’ensemble des pays membres que tous les efforts devaient être faits pour « éviter les situations où un passager clandestin doit être détenu à bord d’un navire indéfiniment ». Pour cela, l’Omi demandait aux autorités portuaires de coopérer avec les armateurs afin d’organiser le retour de la personne dans un pays approprié.
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[19]
Comme nous le verrons dans les parties 2.2 et 2.3, cet élément – au même titre que celui concernant le rôle et les prérogatives du capitaine – apparaît essentiel pour étudier l’ambiguïté des postures et attitudes de l’équipage vis-à-vis des passagers clandestins : peur et crainte de maladies, humanisme, occasion de se livrer à des trafics et autres formes d’économie informelle, etc.
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[20]
En France, en juin 2013, les durées maximales de détention dans les zones d’attente et les centres de rétention administrative sont respectivement de 24 et 45 jours.
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[21]
Solas (Convention internationale pour la sauvegarde de la vie humaine en mer) est un traité international adopté en 1974 visant à définir différentes règles relatives à la sécurité, la sûreté et l’exploitation des navires.
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[22]
Code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires.
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[23]
Bavolet : partie supérieure oblique d’une clôture grillagée supportant généralement un ensemble de fils barbelés tendus, renforçant son caractère anti-intrusif.
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[24]
Par exemple, les ports de Saint-Nazaire en France, de Rotterdam aux Pays-Bas et de Gênes en Italie s’étendent respectivement sur 45, 40 et 22 kilomètres, en conséquence la « sécurisation » des zones portuaires se limite aux terminaux pétroliers et de gaz, plates-formes logistiques et sites industriels sensibles.
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[25]
C’est aussi le premier port français pour l’importation de produits forestiers. Les marchandises proviennent notamment de Dakar (Sénégal), Monrovia (Libéria), Libreville et Port Gentil (Gabon), Luanda (Angola) et Boma (République démocratique du Congo).
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[26]
À La Rochelle, il est indiqué que « toute personne circulant sur le Port doit être en possession d’un titre d’accès en cours de validité et correspondant à la zone à laquelle elle souhaite accéder ».
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[27]
Plusieurs exemples relevés dans la presse montrent que des personnes tentent d’échapper aux autorités portuaires : en 1999 et 2001, deux personnes autorisées à aller sur le pont du navire durant la dernière heure précédant l’arrivée au port de La Rochelle, se sont noyées en tentant de rejoindre le rivage à la nage ; le 16 octobre 2008, un Africain de 31 ans, meurt noyé dans le port d’Anvers. Il avait sauté par-dessus bord avec un autre homme de 23 ans. Ils étaient enfermés dans une cabine sur un bateau qui devait les rapatrier ; octobre 2010, un Algérien meurt noyé dans le port de Valence.
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[28]
Judith Attali, Le transport maritime de passagers clandestins, Mémoire de Master II professionnel de Droit Maritime et des Transports sous la direction de Christian Scapel (Université de Droit, d’Économie et des Sciences d’Aix-Marseille III), 2008, p. 30.
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[29]
Entretien réalisé le jeudi 27 janvier 2011 à La Rochelle.
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[30]
Roland Doriol se souvient aussi que « dans certains ports comme à Abidjan, Lomé, Pointe Noire ou Cotonou, il arrivait souvent qu’une heure avant le départ, on levait les ponts et on faisait la "fouille aux clandestins". Nous regardions partout, dans tous les recoins possibles, les canots de sauvetage, les cheminées, les cabines, les armoires, derrière les ventilateurs, dans les gaines de ventilations, sous les planchers des machines, etc. Mais les bâtiments sont immenses, il est donc difficile de regarder partout » (janvier 2011).
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[31]
Pour visualiser plusieurs types de parcours migratoires, nous vous renvoyons à la carte intitulée « « Passagers clandestins » à bord des navires de la marine marchande : des situations récurrentes », disponible sur le site de l’ANR TerrFerme : http://terrferme.hypotheses.org/
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[32]
Les « passagers clandestins » sont considérés comme des « grains de sable dans le fret maritime » (Migreurop, 2011, p. 31) car si les escales des bateaux sont retardées à cause de leur seule présence, des marins nous ont confié que des retraits d’une partie des salaires pouvaient être appliqués à l’ensemble des membres de l’équipage.
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[33]
Rencontre à l’Observatoire des droits des marins (Nantes).
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[34]
Selon Roland Doriol, si un navire abandonne son équipage ou une partie des personnes présentes sur le bateau lors d’une escale au Japon, les autorités nipponnes peuvent par la suite sanctionner l’ensemble des membres, en leur interdisant – pendant une année – de descendre lors des prochaines escales.
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[35]
Dans le quotidien belge Le Soir du 28 décembre 1995, dans un article intitulé « Aller simple pour les quatre clandestins survivants de l’Élise D » [disponible sur Internet], l’auteur, Eddy Surmont, souligne que les exilés ont du « travailler pour mériter leur nourriture tout au long de leur séjour à bord ».
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[36]
En France, cet euphémisme lié à la terminologie officielle masque bien souvent la réalité de l’enfermement à laquelle les migrants sont confrontés.
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[37]
En 2003, une dizaine de personnes ont été maintenues dans cet hôtel situé à proximité du port de La Pallice.
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[38]
Entretien réalisé en janvier 2011 avec un agent maritime du port de La Rochelle.
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[39]
L’article L. 222 du Ceseda précise qu’au-delà de quatre jours, le maintien en zone d’attente peut être prolongé deux fois de huit jours, uniquement par le juge judiciaire, garant des libertés individuelles en vertu de l’art. 66 de la Constitution.
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[40]
Les consignataires s’occupent de l’équipage du navire lors des escales alors que les agents maritimes sont des représentants commerciaux, ils sont là pour suivre (et assurer) l’embarquement et le débarquement des marchandises. Selon le directeur de l’agence SOGEBRAS à Saint-Nazaire et par ailleurs président du Syndicat des agents consignataires de navire (SACN), « il y a des sociétés qui assurent les deux fonctions, ce qui conduit à maintenir la confusion entre ces deux catégories professionnelles ».
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[41]
À l’arrivée du navire, le capitaine remet au consignataire une liste où il est indiqué les identités des membres d’équipage ; et au départ du navire, le capitaine remet à nouveau un document similaire. Soit les identités sont identiques parce que les membres d’équipage sont les mêmes que ceux qui sont arrivés, soit elles diffèrent parce qu’il y a eu un changement de membres d’équipage.
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[42]
Bien plus que celles qui s’opèrent dans les centres de rétention administrative.
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[43]
Par exemple, si un « passager clandestin » demande l’asile, cela engendre des jours d’escale supplémentaires dans le port le temps que les autorités donnent une réponse au requérant, soit un coût financier plus important pour l’armateur. En conséquence comme nous l’a indiqué l’employée d’une agence maritime du port de La Rochelle : « Vous savez, on ne doit pas leur dire qu’ils peuvent demander l’asile, nous sommes là pour défendre les droits des armateurs. […] Plus la procédure va vite, mieux c’est. […] Nous avions de bonnes relations avec la police qui nous recommande d’en dire le moins possible. Nous sommes là pour mettre de l’huile dans les rouages de l’administration. »
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[44]
Il fait notamment référence à un changement d’équipage en 2009 sur un navire où les marins ukrainiens sont rentrés chez eux en bus, depuis le port de La Rochelle.
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[45]
Entretien réalisé le jeudi 27 janvier 2011 à La Rochelle.
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[46]
Paloma Maquet, doctorante à Migrinter, effectue actuellement une thèse de géographie intitulée « De port en port : l’immigration à bord des navires de la marine marchande. Recherche dans les ”douves” de la forteresse européenne » sous la direction d’Emmanuel Ma Mung et de Nelly Robin.