Berriane M. (dir.), contributions de Dewailly B., Hopfinger H., Lamine R., Segui Llinas M., Ovazza J.-M. Tourisme des nationaux, tourisme des étrangers. Quelles articulations en Méditerranée ? Univ. Mohamed V, Fac. des Lettres et Sc. Humaines, Rabat, Série Essais et Études n° 41, Rabat, 2009, 277 p.
Une cohabitation en questions
1 Articulations, interactions, interférences socio-économiques, impacts culturels réciproques entre tourisme domestique et tourisme pratiqué par les étrangers constituent les thématiques de cet ouvrage collectif traitant de cinq pays (Espagne via le cas de Majorque, Maroc, Tunisie, Liban et Syrie). Longtemps négligé dans les études, le tourisme des nationaux est devenu un élément essentiel des mobilités de loisir en Méditerranée, mais il revêt une grande hétérogénéité.
2 Le cas de Majorque l’illustre parfaitement avec la superposition d’un tourisme des Espagnols péninsulaires, d’un tourisme des étrangers installés de longue date sur l’île, du tourisme des Majorquins eux-mêmes, le tout juxtaposé à un tourisme international massif.
3 La Tunisie, avec 4 décennies de développement touristique est un autre cas d’école. Ici, une littoralisation excessive des infrastructures, une inadaptation des structures d’accueil aux demandes des nationaux, la superposition d’un tourisme d’étrangers et d’un tourisme festif des Tunisiens en période estivale créent quelques obstacles à une intégration harmonieuse.
4 Le Maroc, connaît une demande croissante du tourisme interne. Celui-ci est beaucoup trop traité par les opérateurs comme un complément (en basse saison) ou une compensation (en cas de crise internationale). Là aussi, les infrastructures sont mal adaptées. La redécouverte de la mer par les Marocains, des conduites à cheval entre tradition et modernité, un alignement des comportements sur ceux du tourisme international, en même temps qu’une revalorisation de pratiques traditionnelles, on est bien là dans un « monde des paradoxes », comme l’écrit M. Berriane.
5 Le Liban, on s’en doute, est un cas à part. Hypertrophie des infrastructures touristiques dans l’espace beyrouthin et sur le littoral, concentration dans la moyenne montagne en arrière de la capitale et aujourd’hui au sud de Saïda, nette participation des touristes arabes, développement d’un écotourisme mais sans vision générale à l’échelle du pays caractérisent le cas libanais.
6 Enfin la Syrie, qui a la plus faible fréquentation et qui s’est ouverte tardivement au tourisme international dont elle contrôle fortement les déplacements, présente elle aussi des traits différents comme la venue d’Arabes célibataires pour des loisirs bien spécifiques ou encore une pratique ultra-limitée des contacts entre touristes nationaux et étrangers.
7 Partout, on note des mécanismes de privatisation de l’espace, de ségrégation. L’aboutissement le plus récent en serait une forme de sédentarisation des touristes internationaux mais aussi des riches nationaux dans des complexes immobiliers de luxe fermés et sécurisés.
8 L’ouvrage est riche et présente d’intéressantes perspectives, mais celles-ci risquent d’être profondément bousculées par les événements récents (révolutions en Tunisie et Syrie, attentat de Marrakech d’avril 2011 au Maroc et, par contrecoup, rôle des Baléares comme soupape de sécurité, interminable crise politique libanaise). De quoi sera faite demain cette cohabitation qui tentait de se mettre en place ? Il y a là un grand point d’interrogation.