Notes
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[1]
Source : Estimation annuelle du 01/09/06, US Census Bureau.
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[2]
En 2006, les services de l’immigration estimaient le nombre de clandestins à 8 millions, le Pew Hispanic Center avançait le chiffre de 12 millions.
-
[3]
Nous avons choisi de traduire « suburbs » par le mot français banlieue désignant ici : la zone périphérique urbaine autour d’une grande ville qui dépend d’elle et se caractérise par un volume significatif de navetteurs, un important étalement résidentiel de type pavillonnaire et une monotonie paysagère.
-
[4]
C’est-à-dire avec moins de 7 % de population hispanique.
-
[5]
Le concept d’invasion et succession a été proposé par les écologistes de l’école de Chicago (Wirth, 1929) dans l’interprétation des phénomènes de remplacement dans l’espace urbain d’un groupe social par un autre. Selon ce principe, lorsqu’un nombre de résidents perd son équilibre par rapport aux ressources (logement, services) disponibles dans un espace urbain déterminé face à un autre groupe numériquement, politiquement ou économiquement plus puissant, des changements se produisent. Un processus « d’invasion et succession » se réalise. Il désigne, par analogie avec le langage militaire, l’arrivée en nombre de nouveaux venus qui par des choix stratégiques et des actions concertées prennent le contrôle d’un espace urbain par la maîtrise de ses ressources (résidentielles, commerciales ou sociales). Ils pénètrent l’espace urbain d’un groupe auquel ils succèdent. Ce phénomène se caractérise par sa contagion, puisqu’il ne concerne pas seulement la zone considérée, mais aussi les zones contiguës.
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[6]
Selon une note du bureau du recensement de 2006, les taux de croissance des hispaniques en zones métropolitaines et non métropolitaines pour la période 1995-2005 sont respectivement de 60,4 % et de 70,4 %.
-
[7]
Voire à ce sujet l’analyse de R. Pahl (2007).
1 La rapidité de la croissance et les formes prises par la diffusion géographique des populations de langue espagnole aux États-Unis alimentent depuis plusieurs années discours politiques (Huntington, 2004), représentations communautaires et questionnent les présupposés et les catégories d’analyse usuellement utilisés pour décrire ces populations (Arreola, 2004). Les données récentes ainsi que les cartes publiées par le Bureau du Recensement Fédéral donnent à voir l’image d’une nouvelle vague hispanique qui déborde des États traditionnels d’immigration hispanophone du Sud et de l’Ouest vers le nord, l’est, l’ouest et même le centre du pays ; peu d’États, de métropoles, de banlieues résidentielles et de zones rurales échappent à ce débordement. Au-delà de l’analyse immédiate des formes et modalités géographiques de la diffusion de la population hispanique dans le pays, l’objet de cet article est de montrer quels sont les principes à l’œuvre dans ce mouvement. La figure de la diffusion s’affirme comme une réalité forte du fait migratoire hispanique et minore les représentations communes d’un front géographique exprimant une poussée uniforme à partir du sud-ouest, des régions frontalières et de quelques isolats historiques. Cette figure nous paraît éclairante dans l’explication des modes de résidentialisation et des comportements socio-spatiaux de ces groupes à différentes échelles et contextes (régionaux, urbains, ruraux). Nous partons de l’hypothèse que la diffusion repose sur des stratégies migratoires informées, élaborées, multiples et complexes qui déterminent des configurations socio-spatiales plus ou moins différenciées selon les groupes dans leur installation aux États-Unis. À l’instar d’autres chercheurs en géographie (Ley, Murphy, 2001 ; Singer, 2007) et en sciences sociales (Zelinsky, Lee, 1998 ; Suro, 2000), nous considérons que ces comportements participent de tendances générales dans l’élaboration de champs migratoires vers les États-Unis dépendant à la fois de contraintes globales (législation sur l’immigration, réorganisation des conditions économiques) et de dynamiques locales (marché local de l’emploi, possibilités de mobilisation des ressources locales). Loin des paradigmes explicatifs de l’école de Chicago ou de ceux de l’approche postmoderne (Sénécal, 2007), la diversité des modes de diffusion, particulièrement à l’échelle métropolitaine, questionne les modes d’assimilation et d’appropriation. Derrière ces changements, se profile la question de l’intégration, de l’identité et, in fine, de la citoyenneté hispanique, au cœur des questionnements d’une Nation en mutation rapide.
2 Cet article s’appuie sur des enquêtes de terrain conduites dans l’Ouest ainsi que dans plusieurs métropoles de l’Est (Philadelphie, Washington, Miami), complétées par les données récentes du Bureau Fédéral du Recensement.
QU’EST-CE QU’UN « HISPANIQUE » ?
C. Gibson et K. Young (2002), pour l’INS, définissent de trois façons différentes les hispaniques :
- as the Spanish language population
- as the Spanish heritage population (the population of Spanish language and/or Spanish surname
- as the population of Spanish origin or descent based on self-identification.
A priori, non, en raison des définitions 2 et 3. Mais la question tend à supposer que l’anglophonie est a/ monolingue et b/ inéluctable, ce qui est peu vraisemblable a/ dans les villes à dominante hispanophone et b/ dans une communauté qui se fonde justement sur la langue. On peut ajouter que la conception d’une raza pan-hispanique est une idée ancienne, fortement formalisée au moment de la perte de Cuba (1898), notamment par Miguel de Unamuno et Angel Ganivet et qui — fêtée le 12 octobre — a été largement diffusée en Amérique latine : elle retrouve une vigueur nouvelle aujourd’hui. « Les États-Unis d’Amérique, baignent dans la richesse et l’abondance. Face à elles, les anciennes colonies espagnoles font piètre figure, avec leur pauvreté et leurs difficultés politiques et institutionnelles. Mais jusqu’à quel point les États Unis d’Amérique forment-ils une nation spécifique et reconnaissable entre toutes ? D’après Ganivet, l’espagnol possède “comme personne, un pouvoir de caractérisation” » (Barrachina, 2005).
1 La « vague hispanique », une image relativement trompeuse
3 Avec 44,3 millions de personnes en 2006, les populations hispanophones représentent la première minorité étatsunienne (14,8 % de la population du pays [1]) ; celle dont la croissance est de loin la plus importante (fig.1), résultat de la poursuite du fait migratoire et d’une croissance démographique supérieure à la moyenne, surtout lorsqu’elle est confrontée au vieillissement des autres populations.
La part des hispaniques dans l’immigration (1970-2009). Hispanic share in immigration (1970-2009).
La part des hispaniques dans l’immigration (1970-2009). Hispanic share in immigration (1970-2009).
1.1 Vers un élargissement de l’effet frontière
4 Depuis 1990, les États-Unis sont l’objet d’un important regain migratoire, dans lequel l’apport hispanophone assume une part considérable (Borjas, 1999). Depuis 1980, plus de 14 millions d’hispaniques se sont légalement installés aux États-Unis [2]. Loin de se tarir, les données des recensements de 2000 (35,3 millions), les estimations de 2007 (41,3 M) montrent clairement une accélération de l’immigration en ce début de siècle (fig. 1). Les prévisions pour 2010 (47,7 M) et estimations pour 2020 (60, 4 M) sont tout aussi éloquentes.
5 À l’instar des autres groupes de néo-immigrants, les raisons de cette accélération migratoire sont à chercher dans des causes bien connues, en particulier dans le registre législatif. L’Immigration and Naturalization Act (1965) rompt avec une politique de limitation des entrées, ouvrant les portes de la Nation aux pays en voie de développement. L’Immigration Act de 1990 puis celui de 1998 élargissent les perspectives dans le champ circulatoire (Borjas, 1999), en triplant les quotas d’immigration de travail afin de répondre aux besoins de main-d’œuvre. Plus surprenants sont les lieux d’implantation et de croissance des hispaniques, loin des schémas habituels valorisant l’image d’une minorité régionale massée le long de la frontière et dans certains États historiques comme le Texas ou la Floride.
6 Les statistiques confirment la croissance remarquable des hispaniques dans les États méridionaux, ce qui paraît logique compte tenu de la proximité de la frontière avec le Mexique et Cuba pour la Floride. Sept États regroupent 77 % de la population hispanique, mais deux — dans le sud-ouest — près de la moitié (Californie et Texas).
7 L’expression graphique rend également compte de la vision classique d’un front géographique latino et d’une poussée à partir du Sud, que ce soit depuis la Floride ou surtout les États du Sud-Ouest (fig. 2), validant l’image de l’écrivain J.-M. G. Le Clézio, résident d’Albuquerque, qui évoque « un bulldozer humain qui pousse face à une résistance anglo-saxonne déshumanisée ». La progression démographique est si remarquable que les graphistes de l’US Census ont été conduits, entre leur travail de 1990 et celui de 2000 présenté ici, à modifier les limites des classes statistiques pour diminuer l’impact cartographique de la croissance rapide de la population hispanique. Mais, sur ce document de 2000, les zones géographiques les plus marquées par la croissance absolue de la population hispanique par rapport à la population globale — si l’on excepte les quelques secteurs traditionnels que sont par exemple le West Side portoricain à New York — sont celles qui ont été conquises en 1847 par les États-Unis. Il y a donc une simple logique historique à cette répartition. On ne saurait cependant s’arrêter à ce trop facile constat et l’on doit s’étonner un peu plus de l’existence d’îlots émergents. La progression va bien au-delà de l’espace méridional : on constate l’existence de foyers véritablement nouveaux dans les régions de Denver, Washington-Baltimore, Boston, Las Vegas, voire à proximité de Seattle et de la frontière canadienne (fig. 2). Le recensement de 2000 montre que pour l’ensemble des États-Unis, la progression des hispanics (+ 39%) est supérieure à celle que l’on relève dans le Sud, que l’ensemble des métropoles a bénéficié, ainsi que de nombreuses zones rurales, d’une forte croissance. On rejoint ici M. Dear et A. Burridge (2005) qui notent l’importance des explications du global. Ils mettent en avant les exigences du capitalisme flexible et appréhendent l’immigration comme un effet de la globalisation alimentant des processus de diffusion à l’échelle nationale, qui consolide à l’échelle métropolitaine la figure de la ville éclatée. Mais à la différence de ces auteurs, nous considérons que le local joue une part active dans ce processus au travers de stratégies individuelles et collectives comme les politiques plus ou moins accueillantes des métropoles et des États, l’élaboration de schémas circulatoires par les groupes de migrants ou des entreprises en fonction de stratégies de recrutement.
8 Le détail régional souligne que les États à la plus forte croissance en valeur absolue sont d’abord ceux du Sud-Est atlantique avec une croissance moyenne proche de 300%, formant un ensemble relativement compact du Mississippi à la Caroline du Nord, et de la Virginie à l’Arkansas, ainsi que certains États du Midwest et du Nord Est (Delaware, Massachusetts). Les raisons sont à chercher dans le dynamisme économique de cette région dans les secteurs du tourisme et de l’agroalimentaire, grands consommateurs d’emplois peu qualifiés. Les Hispaniques occupent en outre les emplois de type back office jobs, par exemple accueil, distribution du courrier ou manutention, voire des postes intermédiaires administratifs ou techniques. Par ailleurs, ces États mettent en œuvre des politiques moins répressives face aux clandestins et subissent la pression des industriels de l’agroalimentaire qui établissent des schémas circulatoires privilégiés pour le recrutement de leur main-d’œuvre. C’est par exemple le cas des grands éleveurs avicoles de la Caroline du Nord à l’Alabama. Kandell et Parrado (2004) ont souligné la superposition des cartes de localisation de cette activité et de l’immigration hispanique dans cette région. Ces éleveurs, ayant du mal à recruter pour des emplois mal rémunérés et dévalorisants, n’hésitent pas à établir des liens migratoires privilégiés depuis les provinces de Puebla et Mexico vers les zones rurales autour d’Atlanta, de Raleigh ou de Mobile. Ainsi le comté de Duplin (Caroline du Nord), haut lieu de la production de la dinde, a vu sa population hispanique croître de 7 000 % entre 1990 et 2000 ; quant à celui de Hall (Géorgie), où se concentrent des élevages en batterie, la croissance y est de 33 000 % !
Proportion de population hispanique par comté (2000, US Census). Percent Hispanic by county (2000, US Census).
Proportion de population hispanique par comté (2000, US Census). Percent Hispanic by county (2000, US Census).
1.2 De l’élargissement de l’effet-frontière à la figure de la diffusion
9 Une carte inédite parue dans l’édition du 9 août 2007 de USA Today vient confirmer ce constat et bouscule bien des idées reçues sur la progression des hispaniques, qu’elle contribue à « déterritorialiser ». Certes, en proportion de la population totale, c’est bien la partie méridionale du pays qui reste le lieu de résidence d’une minorité qui devient majorité dans de nombreuses villes et dans bien des comtés (fig. 3). Mais la croissance s’exprime aussi dans les États atlantiques (notamment ceux du Sud Est), et particulièrement ruraux (+ 394 % en Caroline du Nord).
10 Ceci nous conduit à avancer l’idée d’un affaiblissement de l’effet frontière au profit d’une diffusion aux échelles nationale, métropolitaine et locale, révélatrice d’une complexité géographique. La figure de la diffusion désigne des comportements migratoires et des stratégies socio-spatiales minorant les installations dans les zones d’accueil traditionnel — selon un schéma valorisant la progression démographique par contagion à partir d’un foyer dense de peuplement et assimilant progression résidentielle à progression sociale — au profit d’une diffusion dans des espaces sans tradition d’accueil par mobilisation des ressources locales et élaboration de stratégies migratoires.
La croissance de la population hispanique (2000-2006) USA Today/US Census Bureau. Hispanic growth (2000-2006) USA Today and US Census Bureau.
La croissance de la population hispanique (2000-2006) USA Today/US Census Bureau. Hispanic growth (2000-2006) USA Today and US Census Bureau.
2 Des modalités d’intégration spatiale inédites
11 Un des faits inédits de ce débordement concerne l’installation en masse des hispaniques dans des métropoles sans tradition d’accueil ainsi que l’apparition de nouvelles portes d’entrée à l’immigration hispanique, soulignant, si besoin était la large diffusion du fait migratoire.
2.1 Un redéploiement métropolitain différencié
12 Bien que le nombre des hispaniques progresse dans les 100 premières métropoles du pays, les données du recensement indiquent qu’aux quatre grandes voies d’entrée traditionnelles que sont Los Angeles, New York, Chicago et Miami, s’en ajoutent de nouvelles : Atlanta, Las Vegas, Washington-Baltimore, Seattle, Boston et Houston.
13 À l’évidence, la croissance économique et la reconversion réussie des métropoles du Nord Est (Philadelphie, Washington-Baltimore, Boston) contribuent à redessiner la carte de la distribution et de la croissance de la population hispanique (fig. 3 et 4). Si l’on reprend la classification proposée par R. Suro (2000), quatre types de « métropoles hispaniques » sont à distinguer.
- Les « métropoles hispaniques établies » désignent 16 métropoles à la forte base hispanique, à la croissance absolue élevée mais à la faible croissance relative (fig. 4). Qualifiées par R. Suro de « hispanic heartland in America », ce groupe désigne les puissantes bases métropolitaines historiques des hispaniques comme Los Angeles, New York, Chicago, Miami, Phoenix ou encore Dallas. Bien qu’importante, la croissance de la population hispanique marque le pas dans les plus grandes d’entre elles, comme Los Angeles (+28 %) et New York (+27 %). Ces villes regroupent encore 32 % des hispaniques et pour certaines d’entre elles les hispaniques y constituent la majorité des habitants (Miami : 57 %, San Antonio : 52 %, Los Angeles : 43 %).
- Un second groupe se compose de 51 métropoles qualifiées de « nouvelles destinations hispaniques » , caractérisées par une plus modeste base numérique (inférieure à 20%) mais des taux de croissance très élevés. Depuis 1980, ils y sont supérieurs à 300%, atteignant 995% pour Atlanta ou 1180% pour Raleigh-Durham, témoignant d’un processus nouveau de latinisation de ces destinations migratoires. De Wilmington à West Palm Beach, de Las Vegas à Raleigh, les hispaniques s’installent dans une grande variété de situations : de grandes métropoles à forte croissance économique (Las Vegas, Orlando), de petites métropoles de la haute technologie (Raleigh-Durham, Charlotte, Greensboro), ou de nouvelles portes d’entrée pour l’immigration étrangère (Washington-Baltimore, Atlanta).
- Les « métropoles à forte croissance hispanique » associent une importante base numérique à une croissance élevée et tendent à succéder aux « métropoles établies » comme foyers d’enracinement hispanique. Elles ne fonctionnent pas comme des lieux d’entrée mais bénéficient du redéploiement des populations des métropoles établies. Sur 11 métropoles, sept se situent en Californie et six correspondent à une redistribution vers les banlieues lointaines de Los Angeles (Riverside, Orange County, San Bernardino) et de San Francisco (Vallejo), irriguant les villes intérieures de Californie.
- Enfin, le dernier groupe, les « petites métropoles hispaniques » , décrit des métropoles au volume d’hispaniques réduit, à la croissance modérée dans des régions métropolitaines jusqu’alors étrangères à cette immigration. On les trouve principalement dans la Rust Belt (Cincinnati, Buffalo, Cleveland, Detroit, Gary) et sur la côte Est (Philadelphie, Newark). Malgré les faibles volumes, les apports d’hispaniques ont permis d’inverser le déclin démographique de villes comme Detroit, Gary ou Buffalo.
2.2 La banlieue : des suburbs [3] à la « suburbanía americana »
15 La diffusion ne se limite pas à la multiplication des destinations métropolitaines, elle caractérise également les modalités de résidentialisation d’une majorité d’hispaniques au sein des espaces métropolitains où prédomine un redéploiement dispersif en banlieue, loin des enclaves ethniques.
16 En 2005, 77 % des hispaniques vivaient en banlieue, et plus de 57 % dans des quartiers non hispaniques [4] (Frey, 2006), se conformant aux dynamiques spatiales observées pour d’autres groupes de néo-immigrants et qualifiés parfois de post-suburbian communities (Germain, 2005). C’est plus particulièrement le cas des néo-immigrants hispaniques qui s’installent dès leur arrivée (à 78 %) dans des banlieues racialement diversifiées des métropoles du Sud-Est (Atlanta, Raleigh) du Midwest (Minneapolis, Columbus) et du Nord-Est (Washington, Philadelphie). En ce sens, les hispaniques se conforment aux comportements des autres groupes de néo-immigrants qui, depuis les années 90, privilégient aux enclaves ethniques des installations dans des quartiers pluriethniques ou blancs de banlieue. Caractérisés dans la littérature comme des « comportements hétérolocalistes » (Zelinsky, Lee, 1998), ces attitudes questionnent les modèles explicatifs de type assimilationniste. Depuis 1990 et les vagues migratoires du Tiers-Monde, ce modèle ne rend plus compte du comportement socio-spatial des entrants (Ley, Murphy, 2001 ; Waldingen, 1987). Celui-ci se caractérise par trois éléments : une diffusion en banlieue hors enclave ethnique (62%), une déconnexion entre espaces de résidence et de travail, une demande sociale qui s’opère moins en services de base (aides sociales, assistanat) qu’en services d’accompagnement (programme d’intégration linguistique, bilinguisme).
Les nouvelles destinations hispaniques. New hispanic destinations.
New York
Washington DC
Atlanta
Los Angeles
Houston
Miaml
E (Ptoatpsuàlaptoiopnuhlaistipoannhiqisupea>n2iq5u%e) établie 1. Métropoles hispaniques établies
Etats à très forte croissance hispanique 2.
Métropoles à forte croissance hispanique
(Croissance 1980-2000 > 200%)
3. Nouvelles destinations hispaniques
Etats faiblement hispanisés
(Population hispanique < 20% ; 4. Petites métropoles hispaniques
croissance 1980-2000 < 100%)
Les nouvelles destinations hispaniques. New hispanic destinations.
Les types de dispersion des hispaniques dans les banlieues états-uniennes. Hispanic sprawl types in suburban America.
1- Diffusion par débordement.
Discontinuité spatiale
A - Débordement par constitution
de nodalités périphériques pCéornipsthitéurtiiqounedse nodalités Dhiéépraerncdhaisnacteioent
Éclatement
Continuité spatiale
B - Débordement par invasion Dépendance et
(voire note infra paginale) Latinisation des périphéries interrelations
Expansion
2 - Diffusion par dispersion Déconnexion
Interconnexions
Dispersion résidentielle
Fractionnement
Les types de dispersion des hispaniques dans les banlieues états-uniennes. Hispanic sprawl types in suburban America.
17 Les forces à l’œuvre dans cette entreprise de diffusion sont doubles. D’une part, s’affirme le poids des stratégies migratoires qui conduisent à privilégier une installation hors des États et espaces urbains d’accueil. Les raisons en sont à chercher non seulement dans le redéploiement de l’offre d’emplois peu qualifiés et intermédiaires au sein des périphéries métropolitaines, mais aussi dans une meilleure connaissance de la société américaine (offre de logements bon marché, meilleures écoles, absence de gangs). Les effets de la réforme du Welfare joue à plein dans l’évitement des enclaves qui, depuis 1996, fournissent moins d’aides publiques (à l’emploi, logement) aux nouveaux arrivants, les privant des réseaux d’aide qui y ont longtemps prospéré. Les stratégies migratoires paraissent plus élaborées et moins dépendantes des logiques communautaires que les vagues précédentes (Faret, 2002). Dans la région de Philadelphie, l’arrivée de plusieurs milliers de Mexicains s’effectue loin des enclaves hispanophones des quartiers du Nord, et en faveur des banlieues du New Jersey et de l’importante offre d’emplois dans les secteurs de l’hôtellerie et du loisir (casinos d’Atlantic City, hôtellerie et restauration de Cape May à Cherry Hill). La présence en nombre de logements accessibles des vieilles bedroom communities facilite aussi la fixation des entrants. Celle-ci s’effectue en deux temps. L’arrivée de travailleurs masculins dispersés dans des quartiers pluriethniques (dominés par les Noirs) précède le regroupement familial où la demande en logements plus grands et l’inscription des enfants dans les écoles conduisent à des processus d’ « invasion » [5]/succession plus localisés. En moins de dix ans, on relève une mobilité intra-métropolitaine des hispaniques au gré des regroupements familiaux et de la scolarisation des enfants. Ils n’hésitent pas à quitter la banlieue industrielle pour une installation dans des comtés à l’offre résidentielle et scolaire de meilleure qualité, conduisant à une colonisation des districts scolaires blancs ou pluriethniques (Giband, 2009). Une preuve évidente en est, à l’échelle nationale, leur accès massif à l’automobile, qui est une évolution majeure depuis 1990 (Taylor et alii, 1995) : sur les 26,1 millions d’Américains envisageant en 2007 l’achat d’un véhicule, 4,7 M étaient hispaniques : leur proportion est donc supérieure à la moyenne. Ils n’achètent d’ailleurs pas que des « carros usados », comme pourraient le laisser penser les commerces de San Diego ou El Paso, qui ressembleraient plutôt à des « casses » automobiles. En effet, 1,9 M projetaient d’acquérir une voiture neuve, et 830 000 y ont consacré 30 000 $ ou plus. À Philadelphie, la qualité de l’offre éducative et l’attitude des districts scolaires face aux demandes hispaniques contribuent à la mobilité de ces groupes mais aussi à la fixation des flux migratoires vers ces destinations suburbaines. Si, compte tenu des volumes réduits de population, ces regroupements ne donnent pas lieu à la création d’enclaves, ils n’en modifient pas moins la composition des quartiers des premières couronnes de banlieue, désormais pluriethniques, de même que les paysages urbains et la vie locale (commerces hispaniques, bilinguisme des affichages publicitaires).
18 D’autre part, à ces stratégies migratoires s’ajoute le cheminement résidentiel des deuxième et troisième générations dont le redéploiement s’effectue des barrios et des enclaves ethniques vers de nouveaux espaces résidentiels en périphérie. C’est par exemple le cas à Los Angeles, où le débordement hispanique s’effectue à deux échelles : d’une part, sous la forme d’un débordement des barrios d’East Los Angeles vers la périphérie résidentielle, et d’autre part, de Los Angeles vers Sacramento et les villes intérieures de l’État.
19 La diffusion prend un caractère complexe qui varie selon le type de métropole, le groupe national, la position sociale des individus et les tensions du marché immobilier local. À New-York, l’ancienneté migratoire, la présence d’enclaves nationales offrant des logements abordables jouent surtout pour les petits groupes comme les Dominicains et Portoricains qui privilégient une installation dans l’enclave ethno-nationale. C’est le cas des Dominicains de Washington Heights à Brooklyn où les formes de solidarités jouent à plein. En revanche, pour les groupes à plus gros volume de migrants et sans tradition locale d’accueil comme les Mexicains à New-York, la situation est plus complexe. Ces derniers se dispersent, soit dans des quartiers à majorité hispanique (comme East Harlem), donnant parfois lieu à des conflits avec les autres groupes nationaux, soit dans d’autres quartiers bon marché souvent peuplés de minorités, comme Flushing Meadows, à majorité asiatique.
20 La géographie urbaine de la différence qu’induit cette nouvelle vague a peu à voir avec les récits de la fragmentation métropolitaine qui dominent la littérature postmoderne sur la question. Ceux-ci décrivent les métropoles américaines comme une juxtaposition de ghettos, d’enclaves ethniques et de communautés fermées minorant les formes et les effets des mobilités des minorités (Germain, 2005). Cependant, la réalité, diverse selon les contextes, n’est pas non plus soluble dans la seule figure de la diffusion. S’il est vrai que les néo-immigrants privilégient une installation dans des quartiers non hispanophones, les enclaves n’ont pas disparu et continuent à progresser du fait de taux de natalité élevés.
21 La figure de la diffusion hispanique dans des quartiers pluriethniques n’est souvent que temporaire ; l’installation des hispaniques participe d’un mouvement classique d’ « invasion »/succession qui produit des effets variables selon les métropoles. Si l’on reprend la typologie établie par R. Suro, la diffusion prend une figure différente selon le type de métropole ; nous proposons d’en distinguer deux : la diffusion par débordement et la diffusion par dispersion (fig. 5).
22 Dans les métropoles où le poids des hispaniques est écrasant, le modèle par débordement prédomine et distingue deux cas de figure. Au fil du temps, la diffusion par débordement donne prise à la constitution en périphérie résidentielle d’importantes concentrations, extensions nodales non contiguës qui constituent autant de « royaumes urbains hispaniques » (Curtis, 2004). La diffusion se fait par contagion de cellules urbaines qui monopolisent l’organisation de l’espace suburbain ou péri métropolitain. C’est le cas à Los Angeles, où l’East Los Angeles hispanique déborde par constitution de cellules urbaines plus ou moins reliées et articulées avec le barrio initial mais où les hispaniques (majoritaires) partagent l’espace avec d’autres minorités. Ces nodalités se distinguent du barrio par une plus grande mixité sociale et raciale, et par l’adoption des paysages résidentiels suburbains. Le débordement peut également s’effectuer par « invasion », et mobiliser des formes de continuité spatiale : c’est le modèle de la suburbanía americana décrit par Yoder et de Gutiérrez (2006) pour certaines banlieues de villes texanes massivement hispaniques comme Laredo ou San Antonio. Sans atteindre ces formes paroxystiques, la suburbanía americana traduit dans de nombreuses villes du Texas et de Californie une latinisation avancée des banlieues pavillonnaires par des classes moyennes hispaniques qui adoptent le mode de vie états-unien mais modifient le paysage de la banlieue traditionnelle en incluant des repères symboliques (noms de rue hispanisés, installation de commerces ethniques, icône religieuse omniprésente comme celle de la Vierge de Guadalupe) et autant de tensions avec les résidents anglo-saxons.
23 À l’autre bout du spectre, c’est-à-dire dans les métropoles à faible proportion d’hispaniques, la diffusion donne lieu à dispersion résidentielle, sans constitution d’enclaves en raison de la grande diversité nationale des entrants, des stratégies migratoires (valorisant l’espace suburbain aux quartiers centraux), et de marchés immobiliers tendus induisant une déconnexion entre espaces de résidence, de travail et de vie sociale. Les regroupements se font dans des lieux à la temporalité souvent limitée mais à la charge symbolique forte. Les hispaniques n’hésitent pas à mobiliser les ressources locales pour reconstituer des lieux éphémères d’hispanicité comme les terrains de football de banlieue, pour les rencontres dominicales qui sont l’occasion de manifestations culturelles et nationales hautes en couleur (Giband, 2006). Les néo-immigrants hispaniques arrivent avec un processus de suburbanisation bien avancé, et à ce titre se fondent dans le moule homogénéisant de la main stream society. C’est le cas dans plusieurs grandes villes de la côte est comme Philadelphie, Washington ou Boston où l’on relève une forte dispersion des hispaniques dans les premières couronnes ainsi que dans certaines banlieues résidentielles ; ce qui n’exclut pas le maintien de pratiques ségrégatives (Davis, 2000).
2.3 Le barrio, de l’enclave mexicaine au patrimoine panhispanique
24 Les formes prises par la résidentialisation des hispaniques pourrait laisser croire à une remise en cause voire à un déclin du barrio. Loin de disparaître, le barrio est sujet à des évolutions successives. Depuis la fin des années 70, sous la pression d’opérations d’urbanisme (construction d’autoroutes, opérations de gentrification) et d’une prise de conscience identitaire, les barrios évoluent d’une logique de « barrioization » (le barrio comme ghetto ethnique) à celle de « barriology » (processus par lequel les hispaniques prennent le contrôle de leur quartier par acquisition de pouvoir politique, maîtrise du processus de planification urbaine, utilisation d’activités artistiques et patrimonialisantes pour créer de l’identité). Dans plusieurs barrios de Los Angeles (Obregón, Elysian Parks) ou de San Diego (Balboa Park, Barrio Logan), cette conscientisation conduit à la mise en place de stratégies défensives voire à la patrimonialisation des hauts lieux du barrio de la part d’activistes, d’entrepreneurs, ou d’associatifs. Menacé par l’extension de quartiers gentrifiés, le quartier de Mission District à San Francisco au début des années 2000 a fait l’objet d’opérations de reconquête patrimoniale et de revalorisation culturelle établissant une solidarité panhispanique inédite et une identité spatiale latina reconnue par l’ensemble des acteurs locaux. Mission District, de barrio mexicain est devenu un haut lieu métropolitain (et national) de l’identité panhispanique en cristallisant des enjeux mémoriaux, patrimoniaux et identitaires : Army Street y devient ainsi la rue César Chavez !
25 D’autres processus modifient paysages et fonctions du barrio. D’une part, au gré de l’ascension sociale des hispaniques, on relève la plus grande banalisation des paysages du barrio au travers d’éléments représentant la société de consommationyanquí (comme les shopping malls, les complexes cinématographiques). D’autre part, les barrios, au même titre que les chinatowns et autres little italies font l’objet d’une mise en tourisme (Conforti, 1996). L’essor du tourisme ethnocentré dans les villes américaines n’épargne pas les grands barrios comme Mission District, Spanish Harlem ou Little Havana. Les façades colorées, les rues animées, les peintures murales (fig.6) constituent autant d’éléments d’un packaging touristique développés par de grands voyagistes. La société Disney avait un temps envisagé la création d’un parc d’attraction centré sur la culture hispanique au sein du barrio de San Ysidro à San Diego. Il en existe même, créés de toutes pièces, dans de petites villes comme Sedona (Arizona). Le barrio est passé en l’espace de trente ans du statut d’enclave mexicaine dévalorisée et stigmatisante, à celui de haut lieu identitaire à finalité patrimoniale mais aussi touristique.
Un mural symbolique à El Paso. A Symbolic Mural in El Paso.
Un mural symbolique à El Paso. A Symbolic Mural in El Paso.
2.4 Hors des barrios : de nouvelles destinations hispaniques ?
26 Plus surprenante et bien que modeste (3,8 millions) est l’installation des hispaniques hors des grandes métropoles. Depuis 1990, la croissance des hispanophones est plus forte dans les petites villes et les espaces ruraux que dans les zones métropolitaines [6]. Plusieurs études sur la question attribuent cette forte croissance à la conjonction de trois phénomènes (Kandell et Parrado, 2006). Tout d’abord, le durcissement des politiques répressives dans les grandes métropoles envers les clandestins pousse nombre de ceux-ci vers des zones rurales moins contrôlées. Ensuite, la saturation du marché de l’emploi dans les grandes métropoles comme Los Angeles, Houston ou Chicago et les difficiles conditions de vie (violences, coûts prohibitifs du logement, médiocre qualité des écoles publiques) incitent des « pioneer migrants » (Kandell, Parrado, 2006) à s’installer dans des régions où la concurrence interethnique sur le marché de l’emploi est moins forte et où la qualité de vie paraît meilleure. L’installation en nombre des hispaniques dans les zones rurales du Sud-Est (Caroline du Nord et du Sud, Géorgie) est facilitée par la croissance économique de ces régions qui bénéficie aux petites villes et à leurs arrières pays agricoles. Enfin, les stratégies de recrutement des industriels de l’agroalimentaire, du textile ou des exploitations agricoles jouent à plein. Ici, les hispaniques constituent globalement un prolétariat paupérisé et peu éduqué mais dont les modes de résidentialisation hésitent entre dispersion dans des quartiers pluriethniques et concentration dans des structures spatiales allant des « latino rows » (concentration de population et de commerces hispaniques le long des artères urbaines ou le long de certaines routes) aux (plus rares) « mexicatowns » (petites communes rurales à majorité hispanique).
27 L’exemple du comté de Teton (Wyoming) montre cependant combien il est difficile d’énoncer des vérités générales sur cette question. Ainsi, dans la ville de Jackson Hole (8 647 h en 2000), où les autres minorités sont peu représentées (0,2 % d’afro-américains ! ), les hispaniques, en quasi-totalité mexicains, étaient déjà 1024, soit 11,8 % de la population totale. Ils sont aujourd’hui au moins moitié plus. Ils occupent certes des emplois modestes, mais n’y constituent pas un prolétariat rural particulièrement défavorisé comme on a pu en voir dans le Sud-Est ou dans les Plaines. Dans cette zone très visitée, toute proche des parcs nationaux du Grand Teton et de Yellowstone, ils sont embauchés dans les services touristiques et forment notamment l’essentiel du personnel hôtelier d’entretien des chambres, de maintenance et de service. Mais on les trouve jusqu’au niveau des emplois intermédiaires par exemple à la réception. Le grand commerce de détail — hors boutiques touristiques — s’est clairement adapté à cette population nouvelle. Il est intéressant de noter que la minorité hispanique — tout en conservant sa langue — n’y est pas repliée sur elle-même et fréquente les mêmes lieux commerciaux que la majorité anglo-saxonne. Dans son esprit et ses méthodes, la minorité « latine » s’avère donc très différente des autres. Elle ne reste pas ancrée dans un territoire spécifique, comme peuvent l’être les Noirs attachés au Vieux Sud ou à des quartiers ethniques. L’accès des hispaniques aux professions intermédiaires observé à Jackson Hole n’est un cas ni isolé, ni récent. Ainsi, les cubano-américains sont à Miami à la tête de 23000 entreprises de taille modeste, mais que l’on ne peut manquer de comparer avec les 3 000 qui appartiennent aux afro-américains de langue anglaise qui en manifestent un fort ressentiment. Cette ascension sociale touche aussi la population des Whites only qui n’ont guère l’habitude d’être concurrencés dans les postes de responsabilité et crient à la discrimination, ce qui ne manque pas d’intérêt. Ceci étant, le phénomène, s’il est aujourd’hui amplifié, est moins récent que l’on pourrait le penser : en 1998 déjà, 13 % des « hispanos » occupaient des postes de décision et d’encadrement ! En 2006, ils sont 16,6 % ; les noirs ne sont que 9 % dans la même situation en 2004.
3 De la diffusion à l’identité : à la recherche de la communauté hispanique
28 En dépit des apparences, il n’existe pas a priori de communauté hispanique aux États-Unis. Si cette affirmation peut surprendre, rappelons que les « hispaniques » regroupent une variété de populations, de nationalités, de cultures, de groupes ethniques et parfois même de langues.
3.1 Être hispanique : une nouveauté ?
29 Les qualificatifs « hispanics » et « latinos » renvoient à des catégories d’analyse créées par le Bureau du Recensement Américain en 1970 pour la catégorie « hispaniques » et en 2000 pour la catégorie « latino » (Gibson, Young, 2002). Depuis le recensement fédéral de 2000, les deux termes sont utilisés indifféremment comme même catégorie d’analyse homogénéisante, suivant les directives de l’Office of Budget and Management (2000) ; mais ils établissent une différence entre hispaniques blancs et non blancs. Cette distinction témoigne d’une projection des conceptions raciales anglo-saxonnes et non des représentations individuelles et collectives des hispanophones dont l’hispanicité se construit dans l’appartenance nationale.
30 Les regroupements de migrants se font généralement par nationalités et reproduisent en interne le système sud-américain des caciques. À San Francisco, les chicanos ne parlent pas avec les gens d’Amérique centrale, qui eux-mêmes adressent difficilement la parole aux populations originaires d’Amérique du Sud (Body-Gendrot, 1990). Il existe un gradient géographique de l’estime mutuelle qui valorise d’autant les individus qu’ils sont issus de pays proches des États-Unis. D’autres hiérarchies naissent du degré de métissage et notamment de la proportion de « sang » indien, ainsi que du degré de structuration des groupes nationaux : ainsi les Cubains de Floride sont remarquablement organisés par une « élite » politique à la peau claire née de l’anti-castrisme, même si 27% des marielitos — souvent plus foncés — sont aujourd’hui au chômage. Le mouvement de diversification s’accentue actuellement en raison des migrations transaméricaines dont témoignent les passages légaux et illégaux de la frontière méridionale du Mexique depuis le début des années 1990.
31 Rappelons que l’émergence d’une « communauté hispanique » en tant que groupe « ethnique » institué au sein de la nation américaine reste un fait tardif. Ce n’est qu’à partir des années 70, et de façon plus systématique dans les années 80, qu’une communauté hispanique nationale est revendiquée et se structure dans des émissions télévisées de langue espagnole (Giband, 2006). Elle prend corps dans la dynamique de consolidation capitalistique des petites stations de télévision hispanophone en réseaux nationaux par de plus grands groupes comme Univisión et Telemundo qui structurent une offre géographiquement éparse (des Portoricains du New Jersey aux Mexicains de Californie en passant les Cubains de Floride). La construction communautaire des groupes latino-américains autour d’un espace télévisuel hispanique bénéficiant de l’appui de l’État fédéral, relève d’une stratégie de « commodification » de ces groupes en un marché national, expression commerciale de la panethnicité latino-américaine. Au même moment, la catégorie hispanique apparaît dans la nomenclature fédérale comme légitimation de politiques sociales qui, dès 1971 et l’arrêt Cisneros, font des hispaniques une catégorie de population désavantagée, cible des programmes de ségrégation positive.
32 Cependant, la communauté de langue joue un rôle qui s’affirme en maintes occasions : ainsi, les divisions s’effacent lorsqu’il s’agit de critiquer les « descentes » de l’Immigration National Service dans le barrio de Misión à San Francisco ou les dénonciations à l’encontre des clandestins originaires du Salvador (Body-Gendrot, 1990) ou du Guatemala, pourtant peu estimés de la majorité mexicaine... Ce sentiment d’appartenance à un groupe élargi s’avère assez récent mais de plus en plus net. D’une certaine manière, et paradoxalement, c’est la forte persistance du communautarisme états-unien qui contribue à fonder et à souder cette entité sociale « hispanique », même si le facteur d’unité est ici linguistique et non racial ou national comme précédemment. Dans la sphère officielle, la création de cette catégorie par les statisticiens de l’US Census a évidemment été un acte important, mais au fond moins décisif que le recrutement massif d’hispanophones dans les rangs de l’INS, facilité par l’obligation faite aux fonctionnaires de savoir parler le castillan (Bromwich, 1997). Cette jeune génération de supervisors de l’INS, qui accompagne les nouveaux venus légaux et les aide à s’installer, contribue à renforcer le sentiment d’une union latine. Elle oppose en effet le citoyen américain au ressortissant étranger, assimilé à sa langue plutôt qu’à son origine géographique en raison du caractère primordial de la nécessaire communication entre l’agent fédéral et l’immigrant. Dans ce rôle protecteur, le fonctionnaire de l’INS reçoit d’ailleurs l’appui global des hispanophones, sans distinction d’origine. L’aide administrative est par contre dénoncée par les anglo-saxons qui se plaignent qu’un Américain soit à Los Angeles « replaced by a Hispanic supervisor ». Parfois, le rejet est beaucoup plus violent et institutionnalisé au travers de groupements ultra-nationalistes comme V-Dare, longtemps soutenu par The Center for American Unity, qui dénonce « these emerging threats : mass immigration, multiculturalism, multilingualism, and affirmative action ». Face à cette menace indifférenciée d’expulsion généralisée, les hispanohablantes ont des réactions de solidarité relativement nouvelles et commencent à se reconnaître dans des cadres qui n’existaient guère jusqu’à maintenant. La stigmatisation des hispaniques dans le débat politique (fortification de la frontière) concourt à l’émergence d’enjeux communs pour une fraction audible — autant que visible — de la population qui finit par s’identifier à son commun dénominateur. C’est pourquoi cet article, tout en montrant les liens ténus qui structurent originellement la communauté hispanique, et donc la fragilité initiale du concept [7], est, en fin de compte, conduit à l’utiliser. Mais on peut dès lors se demander ce que valent les représentations de l’immigration « hispanique » aux États-Unis, et en particulier celle de la déferlante progressant dans presque tous les États.
3.2 Nouveaux territoires d’immigration et citoyenneté hispanique
33 Les nouveaux territoires d’immigration montrent la volonté extrêmement forte de ne se cantonner ni au barrio, ni à des comtés, ni même à une vaste marge états-unienne méridionale. Cela s’accompagne de l’émergence de nouvelles demandes sociales, la première étant la reconnaissance de l’identité linguistique : l’exemple du Québec nous a parfois été cité dans les entretiens. Toutefois, il ne s’agit pas de former une « société distincte ». En particulier, l’idée d’une indépendance territoriale n’est aucunement revendiquée, comme les ultra-nationalistes anglophones voudraient le laisser croire en dénonçant le projet de constitution d’un hypothétique Aztlanland. Au contraire, comme nous le disait avec la plus grande fermeté une pompiste de Los Angeles : « somos ciudadanos norteamericanos » ; de ce fait, elle adhère fortement aux valeurs fondatrices de la nation impériale, notamment à celle de l’élévation sociale individuelle et du bonheur promis par la Constitution. La détestation souvent sensible du gringo, héritée de l’Amérique latine, ne va pas jusqu’à nier le désir d’intégration. Mais in fine, les hispaniques s’estiment citoyens américains « de lengua española ». Cette revendication trouve partout son expression dans le Sud-Ouest, où bien des panneaux, dans les bâtiments publics ou privés, sont maintenant bilingues. Si la progression de la langue continue à ce rythme, et rien ne l’empêche légalement, puisqu’il n’y a pas d’idiome national aux États-Unis, le quart, voire le tiers des habitants de ce pays seront hispanohablantes dans cinquante ans, à l’image de ce que l’on peut constater actuellement le long de la frontière méridionale. On ne peut manquer de s’interroger sur les conséquences à plus ou moins long terme, non seulement sur la géographie linguistique mais aussi sur la géographie sociale du pays. Sans même parler de la condition de la deuxième minorité (les Noirs anglophones), ce sont des pans entiers des concepts fondateurs de « nation impériale » qui peuvent être remis en cause. On pense notamment à la vision religieuse, très organisatrice de l’État américain.
34 La question scolaire s’annonce d’ores et déjà comme centrale dans la gestion des hispaniques aux États-Unis. En 2007, les enfants et adolescents latinos représentent 21 % de la population scolaire, mais les projections pour 2050 font état de plus de 50 % ; les croissances sont plus spectaculaires encore dans les neuf États du sud-est, où ils ont, entre 1995 et 2005, progressé de 322 % en moyenne, modifiant la composition des districts scolaires et influant sur les pratiques et politiques éducatives (Giband, 2009).
35 Les effets de cette volonté de citoyenneté ne se limitent pas aux espaces scolaires et universitaires ; ils atteignent aujourd’hui l’armée — et à cet égard, l’aventure militaire irakienne dont un des techniciens majeurs est le général Ricardo Sanchez — ne pèsera pas peu dans la géographie linguistique et sociale des États-Unis. En effet, une part importante du contingent est hispanophone et catholique, comme le prouvent les intentions de prière affichées dans les églises. À San Francisco de Asís, aux Ranchos de Taos (2 390 h dont 1 800 hispaniques, tous catholiques d’après le bedeau), c’est une quarantaine de photos de jeunes engagés qui étaient affichées en août 2004 ! Or, cela représentait environ 10 % de la classe d’âge des 20 à 34 ans : c’est dire le poids de cette communauté chez les seuls militaires, même s’il est impossible de le déterminer ici avec précision : en effet, les soldats des Ranchos de Taos ne sont pas professionnellement recensés au lieu de résidence. Les effets se manifestent aussi dans la sphère politique, même si ce n’est aujourd’hui que dans les comtés du Sud Ouest, comme en témoignent les bulletins de vote bilingues depuis presque 20 ans que l’on trouve au Nouveau-Mexique. Cela est vrai jusque dans le comté de Bernalillo, qui est celui de la ville d’Alburquerque où l’on pourrait s’attendre, compte tenu du statut de cette ville universitaire, à les voir exclusivement rédigés en anglais.
3.3 Une citoyenneté sans territoire ?
36 L’émergence d’une citoyenneté hispanique se pose donc comme l’un des enjeux politiques majeurs de ce début de siècle. Elle renvoie à l’idée d’une « citoyenneté différenciée » (Torres, 2000) pour une population de langue espagnole à l’identité états-unienne singulière ; dont les positions en faveur du multiculturalisme se posent en alternative forte à un sens anglo-saxon de l’identité pluriethnique, tout en utilisant l’État-Nation comme un cadre normatif d’action et de représentations. L’anthropologue Renato Rosaldo évoque à ce sujet une « citoyenneté culturelle » faiblement territorialisée et régionalisée qui désigne « une grande diversité de pratiques sociales qui, prises ensemble, réclament et établissent un espace social distinct pour les Latinos du pays » (Rosaldo, Flores, 1997, p. 1). Citoyenneté encore en construction, sorte de « communauté imaginée » faiblement territorialisée (au sens de R. Pahl, 2007) dont les fondements sont à chercher dans des identités transnationales (Faret, 2002), dans l’émergence d’un espace national télévisuel, l’expérience urbaine locale et les pratiques linguistiques. Cette citoyenneté pâtit pour l’heure du faible taux d’inscription sur les listes électorales, alors même qu’émergent d’importantes figures politiques ainsi que des lobbies très actifs. Mais là aussi, les choses évoluent rapidement : lors du forum démocrate de Miami, retransmis dans les deux langues, 60 % de l’audience chez les adultes de 18 à 49 ans a été obtenue par la chaîne hispanophone Univisión, contre seulement 30 % pour les réseaux anglophones (ABC, CNN, Fox News et NBC).
Niveau d’études atteint par les hispaniques (US Census). Educational level reached by hispanic people (US Census).
Niveau d’études atteint par les hispaniques (US Census). Educational level reached by hispanic people (US Census).
Pour conclure
37 Récemment, Z. Yu et D. Myers (2007) concluaient leur analyse des modes de résidentialisation des immigrés dans trois enclaves ethniques de Los Angeles par le constat d’une grande diversité des comportements socio-spatiaux et d’une confusion des échelles. À l’évidence, les hispanics se conforment à ces tendances globales et témoignent d’une géographie urbaine complexe que ni l’approche assimilationniste de l’école de Chicago ni les grands récits de celle de Los Angeles ne permettent d’appréhender entièrement (Sénécal, 2007). Ce qui renvoie à la nécessité d’une approche de la complexité urbaine interrogeant à la fois les parcours individuels, les interactions sociales et les territorialités qui se nouent dans les espaces d’accueil des immigrants mais aussi dans les lieux de vie et de mobilité. Derrière la figure de la diffusion, il s’agit de questionner les formes émergentes de territorialité et de proximité qui s’expriment de moins en moins dans l’espace clos de l’enclave ethnique. Dans ce rapport multiple et fractionné des néo-immigrants à l’espace, c’est moins la création de nouveaux types d’espaces ethniques (de type « post-suburbian communities » ou « espaces hétérotopiques » des postmodernes) qui retient l’attention que l’émergence d’autres rapports à l’espace. Ces derniers figurent sans doute une modernité avancée où chaque acteur dispose d’une plus ou moins grande marge de manœuvre dans la construction de ses territorialités, balisée par des positions individuelles et des appartenances de groupes. Nous rejoignons les positions de L. Deshaies (2006) qui envisage la question sous l’angle d’une approche « proxiglobale » ; où les phénomènes de proximité sont compris dans un emboîtement d’échelles multiples et où les relations inter scalaires se posent sous la forme d’un va-et-vient permanent. Ce qui autorise un dépassement des lectures par emboîtements spatiaux, et permet de sortir des déterminismes ethniques dans la compréhension de la ville américaine. Ce qui permet aussi d’envisager le « vivre ensemble » des groupes ethnoculturels non pas à la manière de Nijman (2000), considérant à partir de l’exemple de Miami que les néo-immigrants s’identifient peu à la ville et ne fonctionnent qu’en communautés transnationales. Mais plutôt sous l’angle d’une diversité ethnoculturelle de type kaléidoscope, où chacun définit dans son quotidien le régime de proximité/distance qu’il établit avec les autres. D’autre part, nous considérons que les appartenances transnationales se font dans l’interscalaire et ne sont nullement exclusives de formes d’appartenance et d’identification à l’espace urbain ou métropolitain d’accueil. Enfin, l’exemple hispanique pose la question de l’identité américaine, aujourd’hui largement débattue à l’occasion des élections présidentielles. La place croissante et visible qu’occupent dans toutes les sphères de la société les néo-immigrants conduit à une redéfinition de l’identité états-unienne dans un sens que certains qualifient de post-ethnique (Hollinger, 1995), et que nous préférons pour l’heure envisager sous l’angle d’identités hybrides construites dans un mouvement de va-et-vient entre inscriptions locales fractionnées et dynamiques transnationales. Ce n’est pas sans conséquences sur le traitement de questions politiques comme l’immigration, l’identité nationale et même le régionalisme transfrontalier avec le Mexique.
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Mots-clés éditeurs : métropole, diffusion, identité, migration, Hispaniques, citoyenneté
Mise en ligne 01/01/2010
https://doi.org/10.3917/ag.667.0270Notes
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[1]
Source : Estimation annuelle du 01/09/06, US Census Bureau.
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[2]
En 2006, les services de l’immigration estimaient le nombre de clandestins à 8 millions, le Pew Hispanic Center avançait le chiffre de 12 millions.
-
[3]
Nous avons choisi de traduire « suburbs » par le mot français banlieue désignant ici : la zone périphérique urbaine autour d’une grande ville qui dépend d’elle et se caractérise par un volume significatif de navetteurs, un important étalement résidentiel de type pavillonnaire et une monotonie paysagère.
-
[4]
C’est-à-dire avec moins de 7 % de population hispanique.
-
[5]
Le concept d’invasion et succession a été proposé par les écologistes de l’école de Chicago (Wirth, 1929) dans l’interprétation des phénomènes de remplacement dans l’espace urbain d’un groupe social par un autre. Selon ce principe, lorsqu’un nombre de résidents perd son équilibre par rapport aux ressources (logement, services) disponibles dans un espace urbain déterminé face à un autre groupe numériquement, politiquement ou économiquement plus puissant, des changements se produisent. Un processus « d’invasion et succession » se réalise. Il désigne, par analogie avec le langage militaire, l’arrivée en nombre de nouveaux venus qui par des choix stratégiques et des actions concertées prennent le contrôle d’un espace urbain par la maîtrise de ses ressources (résidentielles, commerciales ou sociales). Ils pénètrent l’espace urbain d’un groupe auquel ils succèdent. Ce phénomène se caractérise par sa contagion, puisqu’il ne concerne pas seulement la zone considérée, mais aussi les zones contiguës.
-
[6]
Selon une note du bureau du recensement de 2006, les taux de croissance des hispaniques en zones métropolitaines et non métropolitaines pour la période 1995-2005 sont respectivement de 60,4 % et de 70,4 %.
-
[7]
Voire à ce sujet l’analyse de R. Pahl (2007).