Couverture de ADH_136

Article de revue

La succession d’Abraham-Béhor, Comte de Camondo – entre droits français, italien, hébraïque et ottoman

Pages 59 à 81

Notes

  • [*]
    L’auteur tient à remercier Corinne Le Chevanton-Gomez pour sa contribution au travail d’archive et ses remarques stimulantes. Michael Gasperoni a généreusement relu ce texte qui a bénéficié de ses commentaires avisés.
  • [1]
    Succession d’Abraham-Béhor, en date du 9 juin 1890, Archives de Paris, DQ7 12219 n° 861 (principale) et n° 856 (complémentaire).
  • [2]
    Par Jugement du Tribunal de la Seine. Archives du Musée Nissim de Camondo.
  • [3]
    L’application de la transaction a été approuvée par délibération du Conseil de famille du 15 mai 1897, homologuée par jugement du Tribunal de la Seine du 16 juillet 1897. Le Conseil de famille du 6 décembre 1897 autorise Léon Alfassa, tuteur de Clarisse de Camondo à signer à son tour l’acte de liquidation et de partage (Acte n° 1582. Enregistré à Paris, 2ème bureau de l’Enregistrement et du Timbre, le 7 décembre 1897). Archives du Musée Nissim de Camondo.
  • [4]
    Musée Nissim de Camondo : Cartons A(braham) B(ehor), 1 & 2. Carton AB, Biens en Turquie. Dossier Léon Alfassa 1. Dossier Clarisse de Camondo 1. Registre de famille, 1897.
  • [5]
    Cette fidélité à l’Italie sera récompensée par Victor-Emmanuel II qui accorde en 1867 à Abraham-Salomon le titre de comte, transmissible par primogéniture mâle. De même Nissim, le petit-fils cadet d’Abraham-Salomon se voit concéder le titre de comte en 1870 (Seni, Le Tarnec, 55-57).
  • [6]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 1ère Observation.
  • [7]
    Ibidem, page 2, 1ère Observation.
  • [8]
    Ibid. Il est précisé dans le texte que « ladite exemption » est faite « aux termes de l’article 229 du Code Italien ».
  • [9]
    Abraham-Béhor liste avec précision dans son testament les institutions légataires de fonds issus de la quotité disponible :
    • 50.000 francs à notre école de Has Keuy, cette somme sera employée en valeurs de tout repos ou en immeubles, le revenu lui sera donné ;
    • 10.000 francs répartis aux pauvres de Constantinople ;
    • 10.000 francs à la caisse de l’Alliance Israélite qui seront placés en valeurs de tout repos ; elle ne pourra disposer que de l’intérêt ;
    • 10,000 francs à la Société de Bienfaisance Italienne, qui seront placés en valeurs de tout repos ; elle ne pourra disposer que de l’intérêt ;
    • 10.000 francs à l’Assistance Publique ;
    • 5.000 francs au huitième arrondissement ;
    • 15.000 francs aux différentes institutions du Consistoire Israélite de Paris ;
    • 3.000 francs aux pauvres de Nice, en mémoire de ma sœur et de ma mère qui sont enterrées là-bas ;
    • 10.000 francs à l’hôpital Rothschild, pour créer un lit qui portera mon nom.
  • [10]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, page 2, 1ère Observation.
  • [11]
    Succession d’Abraham-Béhor, en date du 9 juin 1890, Archives de Paris, DQ7 12219 n° 861 (principale) et n° 856 (complémentaire).
  • [12]
    Rappelons qu’avant 1901, il n’y a pas de centralisation de biens immobiliers dispersés géographiquement au sein d’une même déclaration de succession. On ouvre autant de déclarations pour les biens immobiliers qu’il y a de biens dispersés dans les différents bureaux de l’Enregistrement dont ils relèvent. Cette possible dispersion des successions pour les biens immobiliers fait qu’il est difficile de connaître l’étendue de la fortune immobilière d’un individu, aucune centralisation des déclarations n’étant effectuée.
  • [13]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, page 2, 1ère Observation. Code civil italien, Section IV. De la portion des biens dont on peut disposer par testament, article 805.
    (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5725138k/f142.item.r=805)
  • [14]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 2ème Observation, page 6. Notons aussi « qu’en vertu de la présomption légale, tous les biens acquis pendant le mariage sont réputés appartenir au mari, sauf ceux qui figurent achetés par la femme ou en son nom ».
  • [15]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 3ème Observation, p. 8.
  • [16]
    Pour le détail cf. Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Mémoire à la masse totale ou Succession d’Abraham-Béhor, en date du 9 juin 1890, Archives de Paris, DQ7 12219 n°861 (principale) et n°856 (complémentaire).
  • [17]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 2, Abraham Béhor, Document 8. La société a été formée par acte du 1er avril 1889 déposé à Maître Olagnier, à Paris, le 11 avril 1889.
  • [18]
    Archives du Musée Nissim de Camondo. Dossier Léon Alfassa / état civil. Original du document en italien (Original de la traduction (sur papier timbré) remis avec l’original en italien, manuellement à M. Alfassa, le vendredi 14 septembre 1917), Article 3.
  • [19]
    Rappelons que les legs sont effectués hors droits, ceux-ci étant payés par le testateur.
  • [20]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897.
  • [21]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier Abraham Béhor, Procès-Verbal d’Inventaire – Succession du Comte Abraham de Camondo.
  • [22]
    Salomon Halfon est le fils de Michel Halfon et Rebecca de Camondo, tante d’Isaac et de Clarisse. Salomon Halfon s’est marié le 23 octobre 1879 avec Laurence Alice Pereire, petite-fille d’Isaac Pereire.
  • [23]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 5ème Observation.
  • [24]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 13ème Observation.
  • [25]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier Inventaire de Succession, Consulat Général d’Italie à Paris, Procès-verbal d’Inventaire, Abraham Béhor, 9 juin 1892. Tous les extraits qui suivent proviennent du même document.
  • [26]
    Ces titres de chapitre ont été ajoutés par nous pour une plus grande clarté.
  • [27]
    Propriété de Léon et Clarisse Alfassa.
  • [28]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, page 63.
  • [29]
    Contrat de mariage de Leon Alfassa et Clarisse de Camondo article 4. L’original du document est en italien et datée du 9 septembre 1867 au Consulat général d’Italie à Constantinople. L’original de la traduction se trouve aux Archives du Musée Nissim de Camondo. Dossier Léon Alfassa, état civil, remis à Léon Alfassa le 14 septembre 1917. L’original en Italien n’est pas dans le dossier. On dispose d’une autre copie toujours aux Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 4ème Observation.
  • [30]
    Aux termes de l’article 1369 du Code civil italien, « la constitution de dot peut comprendre, en tout ou en partie tant les biens présents que les biens futurs de la femme ou même un objet déterminé. La constitution en termes généraux, de tous les biens de la femme, ne comprend pas les biens à venir ». Ainsi, outre les biens de la femme qui n’ont pas été constitués en dot, sont paraphernaux (article 1425) et les biens recueillis par elle dans la succession de son père le sont aussi. Ceci implique selon les termes de l’article 1427 du Code civil italien que la femme conserve la propriété, l’administration et la jouissance de ces biens paraphernaux. Mais Madame Alfassa étant interdite et placée sous la tutelle légale de son mari depuis 1890, c’est à ce dernier qu’incombe, en sa qualité de tuteur, l’administration des dits biens.
  • [31]
    Contrat de mariage de Léon Alfassa et Clarisse de Camondo article 4, op. cit.
  • [32]
    Code civil italien, Section II, Des droits du mari sur la dot, article 1399.
    (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5725138k/f222.item.r=1399)
  • [33]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 13ème observation - Transaction entre les héritiers.
  • [34]
    ibid.
  • [35]
    ibid.
  • [36]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier Abraham Béhor 2, Document 10, copie de l’extrait de la « Loi concédant aux Etrangers le droit de Propriété Immobilière dans l’Empire Ottoman ».
  • [37]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 13ème observation, Transaction entre les héritiers, quatrième point.
  • [38]
    Le montant des divers legs doit en effet être déduit.
  • [39]
    100 % de la quotité disponible représentent 33 % des biens immobiliers auxquels s’ajoutent la moitié des 66 % composant le restant de la succession.
  • [40]
    Article 8 des Dispositions préliminaires au Code civil italien.
  • [41]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier succession, Abram Behor / 2.
  • [42]
    Archives du Musée Nissim de Camondo. Verbal de famille, 6 décembre 1897, 10ème observation.
  • [43]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, Transaction, article 3, pp. 68-69.
  • [44]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, Chapitre Transaction, article 3, p. 71
  • [45]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, Chapitre Transaction, article 4, p. 71.
  • [46]
    Je rappelle ici que Clarisse Alfassa a été déclarée incapable juridiquement.
  • [47]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, Chapitre Transaction, Article 5.
  • [48]
    Le texte exact de la lettre est : « Vous avez signé en date de ce jour (27 novembre 1897) l’acte de partage intervenu entre nous de la succession de feu le comte Abraham de Camondo. Je viens vous déclarer par la présente que je prends envers vous l’engagement formel de la signer à mon tour aussitôt après l’homologation par le Tribunal de la délibération du conseil de famille de Madame Alfassa approuvant le dit partage. Le conseil de famille se réunira à cet effet le six décembre prochain. Veuillez agréer Monsieur l’expression de mes sentiments les plus distingués ».
  • [49]
    On relève les indications suivantes à la suite du tableau de partage : Fait à Paris, le 27 novembre 1897, Enregistré à Paris, 2ème bureau de l’Enregistrement et du Timbre, le Sept Décembre 1897, Acte n° 1582. Source : Archives Camondo, Gros Registre Succession AB, doc. 3.
  • [50]
    ibid.
  • [51]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, 13e observation – Transaction entre les héritiers, § 4e
  • [52]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 13ème observation, paragraphe 4, pp.64-65.

1Originaire d’Istanbul et co-dirigeant de la Banque Isaac de Camondo et Cie, Abraham-Béhor de Camondo décède à Paris le 13 décembre 1889. Six mois plus tard, le 9 juin 1890, sa déclaration de succession est déposée auprès de l’Administration de l’Enregistrement [1]. Ce n’est que plus de sept ans plus tard que l’acte de partage est définitivement accepté par ses deux héritiers, son fils Isaac et sa fille Clarisse, épouse Alfassa, représentée par son mari car déclarée incapable juridiquement le 5 août 1890 [2]. La succession d’Abraham a donné lieu à d’âpres négociations entre les deux parties et les clauses du partage sont définitivement entérinées le 7 décembre 1897 [3].

2Tout au cours de ces négociations les deux héritiers réservataires vont faire appel aux diverses législations – italienne, française et ottomane – pour obtenir gain de cause. C’est ici l’intérêt de ce conflit de famille que de mettre au jour la manière dont les différents droits nationaux sont sollicités afin d’aboutir à un accord, acceptable par les deux parties. La difficulté de parvenir à un accord est étroitement liée à la question du pluralisme juridique.

3Ce conflit, qui voit s’affronter les héritiers sur de longues années, trouve à la fois ses origines dans le caractère transnational de la fortune du défunt, et dans la possibilité qui leur est donnée d’utiliser des droits concurrents ou encore des arguments inhérents aux pratiques communautaires. En cela, il comporte des similitudes avec les affrontements autour des partages des successions de Nessim Scemama et du général Husayn, deux personnalités « tunisiennes » de la seconde moitié du xixe siècle. Caissier général et directeur des finances de la Régence Tunisienne, Nessim Scemama quitte la Tunisie en 1864 pour s’installer à Paris. Il y restera cinq années avant de partir pour Livourne où il décède le 24 janvier 1873. Le règlement de la succession de Nessim Scemama renvoie à la question de sa nationalité – tunisienne, italienne – qui détermine la législation à appliquer. Celle-ci a des effets immédiats sur telle ou telle catégorie d’héritiers : héritiers légitimes, héritiers testamentaires… Dans le cas de Nessim Scemama, par ailleurs, sa nationalité est « brouillée par le problème du statut de la minorité juive et de son rapport à l’Etat tunisien en posant la question de savoir jusqu’à quel point être juif dans la Régence de Tunis conditionne une appartenance à l’État tunisien » (Ben Slimane, 2015, 33).

4On retrouve une problématique semblable avec le règlement de la succession du Général Husayn qui décède à Florence le 27 juin 1887. « Affranchi d’origine circassienne », il est « éduqué et promu auprès des gouverneurs de la province ottomane de Tunis jusqu’à se voir confier la présidence de la municipalité de la capitale en 1860, puis la charge de ministre de l’éducation au cours des années 1870 » (Oualdi, 2014, 94). Bien que ce décès ait lieu six ans après la colonisation de la Tunisie par la France, le règlement de la succession voit s’opposer l’Empire ottoman représenté par son consul à Florence qui considère le défunt comme un sujet ottoman alors qu’avec l’instauration du protectorat français sur la Tunisie en 1881, les agents diplomatiques français se sentent investis de la protection des intérêts des tunisiens et des nationaux de la régence de Tunis (Oualdi, 2014, 94).

5Se posent ainsi, avec ces deux exemples, le problème de la coexistence et de l’application de plusieurs systèmes légaux entrant parfois en concurrence, et des conséquences induites par ces situations de pluralisme juridique tant pour les acteurs que pour les États. C’est dans une perspective proche que s’inscrit le conflit qui surgit lors du partage de la succession d’Abraham de Camondo, qui permet d’éclairer ces questions sous un angle différent. Le problème, ici, résulte moins de la nationalité d’Abraham-Béhor que de la localisation des biens immobiliers qu’il détenait à son décès. Il reste que chacune des parties va s’efforcer de légitimer l’application de telle ou telle législation nationale (italienne, française, ottomane) selon qu’elle sert au mieux ses propres intérêts. Ce conflit illustre plus généralement la complexité possible de la transmission du patrimoine pour des familles juives transnationales aux biens fréquemment dispersés.

6Si la question ne semble pas concerner exclusivement les familles juives mais pourrait aussi se poser pour d’autres familles transnationales, il y a dans le conflit autour de la succession d’Abraham de Camondo, des éléments liés exclusivement aux pratiques juives autour de la dot – et notamment de son augmentation à la charge du mari. Par ailleurs, l’intérêt de cette succession ressortit également de l’histoire des diasporas juives et de leur agilité à faire concourir des législations différentes, comme le montre, par exemple, le cas de marchands juifs de l’Empire ottoman (Cihan, 2015).

7Cette recherche a été l’occasion de découvrir un document d’archives très précieux conservé aux Archives du Musée Nissim de Camondo à Paris. Lors du conseil de famille de décembre 1897, a été rédigé un gros registre de 179 pages, récapitulant toute la procédure et les étapes intermédiaires de ce conflit successoral. Nous avons bien entendu, parcouru l’ensemble des documents liés à cette affaire dans les différents cartons [4], conservés également au Musée Nissim de Camondo, afin de vérifier la véracité du document produit à la fin de la procédure judiciaire. Pour des raisons pratiques on se réfère dans les notes de cet article à ce registre plutôt qu’aux dossiers distincts constitués antérieurement.

8Après un bref historique de la famille des Camondo, nous suivrons pas à pas les différentes étapes du règlement de la succession d’Abraham-Béhor : testament, dépôt de la déclaration auprès de l’Administration de l’Enregistrement, composition de la succession, partage. C’est évidemment le thème du partage qui constitue la problématique centrale de cet article. On observera notamment comment chacune des parties recourt à telle ou telle législation nationale pour se voir attribuer le partage le plus avantageux.

Les Camondo, une famille de financiers stambouliotes qui émigre à Paris

9Installés à Istanbul au xviiie siècle, la famille des financiers Camondo en est expulsée en 1782 suite à une intrigue qui reste encore aujourd’hui non résolue. Elle s’installe alors à Trieste où ses membres deviennent sujets autrichiens. De retour à Constantinople, ils appartiennent au groupe des juifs étrangers – alors désignés par les turcs comme Francos. En 1862, les Francos se séparent de la communauté sépharade et fondent « la communauté italienne dotée de ses propres synagogue et administration » (Saban, 1999, 90). Cette communauté, liée au Consulat italien, est reconnue le 2 mai 1862 par l’empire ottoman (Benbassa, Rodrigue, 1993, 157) [5]. Créée en 1802 par Isaac de Camondo la banque éponyme est installée dans le quartier de Galata à Constantinople. À la mort, en 1832, de son fondateur resté sans descendance, elle revient à son frère Abraham-Salomon. Celui-ci la dirigera pendant près de 30 ans « lui insufflant son exceptionnel essor, décidant de ses principales orientations. De crédits à des pachas en emprunts pour le gouvernement ottoman, il édifie l’une des plus importantes fortunes des territoires turcs » (Seni, Le Tarnec, 27). Bien avant sa mort en 1873, la banque est transmise à son fils unique Salomon-Raphaël (1810-1866), puis aux deux fils de celui-ci, Abraham (1829-1889) et Nissim (1830-1889).

10En 1869, Abraham et son frère Nissim décident de quitter Constantinople pour Paris. Cette installation résulte pour beaucoup de la prise de conscience qu’il est désormais plus aisé de négocier les emprunts contractés par la Sublime Porte à Paris et que, par ailleurs, la présence d’institutions occidentales au sein des syndicats de prêteurs est un élément favorable à l’octroi de ces emprunts (Seni, Le Tarnec, 1997, 24-25). C’est donc en tant qu’intermédiaires privilégiés de l’Empire ottoman auprès des financiers occidentaux qu’Abraham et Nissim de Camondo veulent poursuivre leur activité bancaire à Paris. L’arrivée des Camondo est à inscrire dans le même mouvement que l’arrivée des banquiers Halfon de Bucarest.

Fig. 1

Généalogie de la dynastie des Camondo (extrait)

Fig. 1

Généalogie de la dynastie des Camondo (extrait)

Le testament d’Abraham-Béhor

11Sujet italien, Abraham-Béhor avait consigné ses dernières volontés dans un testament déposé au Consulat général d’Italie à Paris, et enregistré auprès du Tribunal civil de Paris le 23 juin 1892. Ce testament révèle la volonté d’Abraham de favoriser son fils Isaac au dépend de sa fille Clarisse. Abraham-Béhor écrit : « Il est bien entendu que la première moitié de ma fortune, la propriété pleine et entière de tous les biens meubles et immeubles de quelque nature que ce soit qui composeront ma succession sans aucune exception ni réserve, appartiendra à mes héritiers, elle sera répartie selon la loi italienne » [6]. Mais il précise tout de suite après : « voulant user de la faculté qui m’est réservée par l’article 805 du Code Civil italien de disposer de la moitié de tous mes biens, je déclare par les présentes léguer jusqu’à concurrence de la dite moitié disponible, la propriété pleine et entière de tous les biens meubles et immeubles de quelque nature que ce soit qui composeront ma succession, sans aucune exception et réserve, ainsi qu’il va être indiqué ci-après ». Sont listés alors les bénéficiaires des legs. Il indique ici clairement sa volonté de disposer à sa guise de la quotité disponible dont il annonce qu’elle servira notamment à léguer des biens à des personnes ou institutions de son choix.

12Parmi ses légataires apparaissent en premier lieu ses six petits-enfants nés du mariage de Clarisse sa fille avec Léon Alfassa. Il lègue à chacun la somme de 150 000 francs « qui seront employés en valeurs dites, obligations de tout repos ; les intérêts seront capitalisés et le tout sera réparti entre eux au fur et à mesure de leur majorité pour les garçons et lors de leur mariage pour les demoiselles » [7]. En raison de ces legs, il nomme son fils Isaac « curateur spécial, avec les pouvoirs les plus étendus à l’effet de gérer et administrer les biens que je leur lègue ». Il précise encore que ces legs « sont faits avec la stipulation expresse que les sommes qui en sont l’objet seront exemptes d’usufruit légal réservé aux père et mère des enfants » [8]. Il y a ici transmission directe du grand-père aux six petits-enfants et l’appel à Isaac montre aussi clairement une volonté de contourner les parents des enfants légataires.

13Autre legs familial d’importance, celui fait à sa veuve, la comtesse Régina de Camondo née Baruch. Abraham-Béhor instaure en sa faveur une rente viagère de 25 000 francs (soit les revenus, à un taux de 5 %, d’un capital de 500 000 francs). Suit une liste d’associations de bienfaisance juives ou non juives, d’écoles et d’institutions juives (Consistoire de Paris, Alliance Israélite Universelle) auxquelles sont allouées des sommes comprises entre 3 000 et 50 000 francs [9], dont le total représente une part minime de la quotité.

14Le reste de la quotité disponible revient donc à son fils Isaac. Il l’écrit d’ailleurs sans ambages : « Le reste de cette seconde partie de la moitié de ma fortune, après déduction des legs ci-haut, je la donne et je la lègue à mon fils Isaac que j’aime de tout mon cœur, pour qu’il puisse avoir une fortune digne du nom pur que je lui laisse, à condition qu’il doit faire à sa mère, indépendamment du droit légal qu’elle a sur la première moitié de ma fortune, une rente de 25 000 francs annuellement sa vie durant. » Il complète ce propos en disant : « La conduite de mon fils est un gage pour moi, qu’il transmettra aussi dignement ce nom à ses descendants, que notre famille a acquis depuis un siècle. Si je puis faire un vœu, c’est que je désire qu’il se marie. » [10]

Éléments de la succession d’Abraham-Béhor, comte de Camondo

15Le second acte se rapportant à la succession d’Abraham de Camondo est le dépôt de la déclaration auprès de l’Administration de l’Enregistrement, administration fiscale créée en l’an VII et chargée de taxer les mutations. La déclaration de succession d’Abraham-Béhor est déposée auprès de l’Enregistrement à la date du 9 juin 1890 [11]. On distingue une déclaration principale et une déclaration complémentaire datées du même jour. Cette déclaration complémentaire est relative à des biens immobiliers possédés par le défunt hors du ressort du bureau de l’Enregistrement dont dépend sa résidence principale [12].

16La déclaration de succession principale fournit des renseignements, d’une part, sur le contrat de mariage, l’identité des héritiers et certaines dispositions prises par ces derniers à l’égard de la succession, et d’autre part, sur la composition et le montant des biens du défunt.

17Il apparaît ainsi que, n’ayant pas fait précéder leur mariage d’un contrat, les époux Camondo – Abraham-Béhor s’est marié le 3 septembre 1847 avec Regina Baruch – sont soumis au régime de la séparation de biens comme la loi italienne le prévoit. Il semble étonnant au regard de la fortune de la famille, qu’Abraham Behor n’ait pas jugé nécessaire de faire précéder son mariage d’un contrat. L’introduction de son testament confirme pourtant bien qu’il se place sous les règles régissant les mariages sans contrat dans le Code civil italien : « Il est bien entendu que la première moitié de ma fortune, la propriété pleine et entière de tous les biens meubles et immeubles de quelque nature que ce soit qui composeront ma succession sans aucune exception ni réserve, appartiendra à mes héritiers, elle sera répartie selon la loi italienne.

18Voulant user de la faculté qui m’est réservée par l’article 805 du Code Civil italien de disposer de la moitié de tous mes biens, je déclare par les présentes léguer jusqu’à concurrence de la dite moitié disponible, la propriété pleine et entière de tous les biens meubles et immeubles de quelque nature que ce soit qui composeront ma succession, sans aucune exception et réserve, ainsi qu’il va être indiqué ci-après » [13].

19Le couple a eu deux enfants Clarisse née en novembre 1848 et Isaac né en juillet 1851. Clarisse épouse en septembre 1867 à Istanbul Léon Alfassa originaire d’Andrinople, Isaac est resté célibataire.

20Le texte de la déclaration poursuit : « lorsqu’un sujet italien décède laissant sa veuve et deux enfants issus du mariage, la succession légitime est dévolue en totalité aux deux enfants en parties égales et la veuve a droit à l’usufruit d’un quart du patrimoine laissé par l’époux » [14]. À ce propos il est précisé, toujours dans la déclaration, que « suivant acte dressé par le Consul d’Italie à Paris le 18 mai 1890 Mme la Comtesse de Camondo a renoncé non seulement à la part d’usufruit qui lui appartenait dans la succession de son mari, mais encore à tous legs fait en sa faveur par son mari » [15]. Aucun document d’archive ne permet de comprendre les raisons d’un tel renoncement. Isaac et sa sœur Clarisse sont ainsi héritiers « en parties égales » de la succession de leur père.

21L’acte se poursuit avec le descriptif des actifs patrimoniaux. Nous ne rentrerons pas ici dans le détail des actifs mais retiendrons les grandes masses [16].

22Parmi les postes importants il faut citer : l’hôtel du 61 rue de Monceau qui est estimé à 1 860 000 francs ; les droits sociaux du défunt dans la société Camondo et Cie, maison de banque [17], estimés à 11 280 721,50 francs ; un total de valeurs mobilières estimé à 1 445 904,07 francs ; une créance sur Madame Alfassa d’un montant de 694 916,73 francs ; la dot et le trousseau de Mme Alfassa, « constitués par contrat reçu par le Consul d’Italie à Constantinople » de 515 000 francs » [18].

23Le total des actifs successoraux s’élève à 16 297 416,30 francs-or. Le montant des droits de succession s’élève à 1 %, hors le montant des biens légués qui sont eux taxés à hauteur de 9 % [19]. L’ensemble des droits s’élève à 208 779 francs-or.

24Une recherche antérieure menée sur un corpus de 152 successions relevant de la population des élites économiques juives installées à Paris entre 1870 et 1939 (Grange, 2016, 111-145) permet de situer ce montant de patrimoine au décès dans la hiérarchie des fortunes de cette population spécifique. Il en est de même pour sa composition selon le type d’actifs. Deux types de résultats seront présentés ici. Le premier concerne l’ensemble de la période sachant que les montants ont été transposés en euros 2011 (Grange, 2016, 113), le second se rapporte plus particulièrement aux successions relevant de la période 1870-1894 (51 successions).

25Dans la hiérarchie des fortunes juives de l’ensemble du corpus des successions, la fortune d’Abraham-Béhor appartient au groupe des 33 % des fortunes les plus importantes. Ce groupe des successions les plus élevées rassemble 93,1 % de la somme des patrimoines des 152 successions observées, ce qui traduit une très grande dispersion de ces patrimoines juifs. Il reste que la fortune détenue par Abraham ne le positionne pas parmi les personnalités les plus riches de ce corpus – il apparaît au 28ème rang sur 152 – assez loin du sommet de cette distribution qui comprend des représentants des familles Rothschild, Haber, Bischoffsheim, Deutsch de la Meurthe, etc.

26Lorsque l’on prend uniquement en compte les successions relevant de la période 1870-1894 (51 successions dépouillées), la valeur du patrimoine au décès d’Abraham-Béhor atteint plus du double de la valeur moyenne – 26,5 millions d’euros 2011 – des successions de cette période (Grange, 2016, 114). Enfin, en termes de composition, la fortune d’Abraham de Camondo ne déroge pas au profil classique des successions des élites économiques avec une proportion de 11 % de biens immobiliers, et de 89 % de biens mobiliers (Grange, 2016, 120-121).

Une famille en conflit : le partage de la succession d’Abraham-Béhor

27Si la succession d’Abraham-Béhor a pu être déposée dans les délais impartis et les droits de mutation payés règlementairement, la question du partage entre les deux héritiers va donner lieu à une longue négociation qui s’achève par un accord le 14 mai 1897, soit plus de sept ans après le décès d’Abraham. Le partage est définitivement validé lors du Conseil de famille du 6 décembre de la même année [20]. Dans le cas des actifs immobiliers composant la succession, l’argumentation de chacune des parties va notamment mettre en avant les différentes législations nationales (italienne, française, ottomane) susceptibles de s’appliquer en leur faveur.

28Les difficultés qui surgissent au moment du partage sont clairement explicitées dans le procès-verbal d’inventaire de la succession d’Abraham de Camondo en date des 3, 17 et 24 octobre 1892, inventaire dressé au Consulat Général d’Italie à Paris. Cet inventaire a été demandé « à la requête de Monsieur le Comte Isaac de Camondo, fils du feu Comte Abraham, natif de Constantinople, banquier, demeurant à Paris, citoyen italien, en sa qualité de cohéritier et subrogé tuteur de l’interdite Madame Clarisse de Camondo, et de Monsieur Léon Alfassa fils de feu Nissim, natif d’Andrinople (Turquie), rentier, demeurant à Paris, rue des Camps, numéro seize, citoyen italien, tuteur légal de Madame Clarisse de Camondo, sa femme, interdite par sentence du Tribunal Civil de la Seine, […] » [21].

29On apprend avec ce texte la mise sous tutelle de Clarisse de Camondo. Celle-ci est la conséquence indirecte d’un désastre boursier déclenché par son mari en 1885, alors qu’il est fondé de pouvoir de la Banque I. de Camondo. Afin d’effacer les dettes de son gendre, Abraham-Béhor va rembourser les créanciers sur ses fonds propres. Le comportement inconséquent de Léon Alfassa va ternir l’image d’une banque auparavant renommée pour sa solidité et le sérieux de sa gestion. Ce moment de tension familiale intense vécu par la dynastie des Camondo aura des conséquences graves sur l’état de santé mentale de Clarisse de Camondo épouse Alfassa. Sophie Le Tarnec et Nora Seni écrivent à ce propos que ce choc « fragilise Clarisse, puis il atteint son équilibre nerveux, la plongeant dans une anxiété irréversible et destructrice ». Son état devient tel « qu’il oblige son entourage à la mettre “sous tutelle” » de son mari Léon « obscurcissant les affaires familiales et compliquant les héritages jusqu’à l’inextricable » (Seni, Le Tarnec, 1997, 123). Il reste que la dégradation de son état semble avoir duré car le jugement instaurant Léon Alfassa tuteur légal de Madame Clarisse de Camondo, sa femme, interdite, date du 5 août 1890 (Tribunal civil de 1er Instance de la Seine du 5 août 1890), soit cinq ans après la banqueroute de son mari. Son frère Isaac assurait à l’origine la fonction de co-tuteur de sa sœur. Il y renonce le 5 juillet 1892, étant alors remplacé par Salomon Halfon, cousin germain de Clarisse et d’Isaac [22]. Ce retrait s’explique probablement par l’échec de la première tentative de conciliation de 1892.

Les points conflictuels

30Il semble qu’aucun inventaire des biens d’Abraham n’ait été réalisé au moment de son décès. Seule la déclaration déposée à l’Enregistrement donne un état de leur composition. Un inventaire commence à être dressé le 9 juin 1892 par le Consul Général d’Italie à Paris à la demande d’Isaac et de Léon Alfassa, en tant que tuteur de sa femme Clarisse. Plusieurs séances seront nécessaires, la dernière datant du 24 octobre 1892 [23]. À l’inventaire de 1892 fait suite une tentative de conciliation qui se solde par un échec. Les divergences de vue entre les deux parties sont alors clairement énoncées. Nous les reprenons ici telles qu’elles apparaissent dans la 13ème Observation du Verbal du Conseil de famille du 6 décembre 1897 [24]. Cependant nous ne retiendrons dans notre développement que les principaux points de friction, notamment ceux qui sont l’objet de négociations quant aux droits nationaux qui doivent s’appliquer [25]. Ainsi :

31

(A) [26]
« Monsieur Léon Alfassa, en qualité de tuteur de Madame Clarisse Alfassa, sa femme, (…) déclare que Madame Alfassa, sa femme, et ses enfants ont des droits particuliers sur une partie des titres composant la fortune particulière, ci-dessus énoncés. Droits que Monsieur Alfassa se réserve de faire valoir en temps opportun.
Le Comte Isaac de Camondo fait toutes ses réserves, sur cette déclaration de Monsieur Alfassa, et il déclare dans l’intérêt et au nom de sa mère, la Comtesse Régina de Camondo, que celle-ci croyait avoir des droits sur cette même partie des titres composant la susdite fortune particulière. Droits qu’elle se réserve de faire valoir en temps opportun.
(B)
Le Comte Isaac de Camondo déclare qu’il a trouvé dans le coffre-fort particulier de son père, les titres et valeurs composés suivant détail ci-après, et qui sauf mesures contraires doivent appartenir à la succession »

32Suit une liste de valeurs mobilières avec le nombre de titres détenus sans mention de leur valeur à la date de l’inventaire.

33

(C)
Le Comte Isaac de Camondo demande le rapport de la somme de francs 400.000 (quatre cent mille francs) qui représentent la dot de Madame Alfassa, et la somme de 115.000 (cent quinze mille francs) représentant le trousseau.
Monsieur Léon Alfassa en sa qualité de tuteur, déclare qu’il se réservera de prouver, que la dot, ne peut être sujette à rapport, par les raisons, qui seront produites en temps opportun. Quant au trousseau Monsieur Alfassa se réserve également de prouver qu’il n’est pas rapportable.
(D)
Le Comte Isaac de Camondo demande le rapport de la somme de 1.311.312,05 représentant les avances d’hoiries, faites par le défunt à Madame Alfassa, pour payer les dettes contractées par son mari.
Monsieur Léon Alfassa, en sa qualité de tuteur, déclare qu’il se réserve de prouver, que les dits paiements, dont le solde est d’ailleurs de beaucoup inférieur au chiffre de francs 1.311.312,05, n’ont pas été faits à titre d’avances d’hoiries, et que en tous cas ils ne sont pas rapportables.
(E)
Le Comte Isaac de Camondo déclare avoir effectué divers paiements pour éteindre un passif du Comte A. de Camondo, s’élevant à francs 45 420,48 et s’oblige à présenter dans quinze jours à dater d’aujourd’hui, les preuves, c’est-à-dire pièces à l’appui, qui seront annexées au présent inventaire.
Monsieur Alfassa en sa qualité de tuteur déclare qu’il se réserve de reconnaitre la dite somme, après l’examen des pièces à l’appui.
(F)
Le Comte Isaac de Camondo conformément aux réserves déjà faites dans l’inventaire, relativement à la créance de francs 80.000, sur le Château de Monsalan à Sucy-en-Brie[27], déclare que les intérêts, devront s’ajouter à la dite somme, s’élevant à ce jour à 23 080,90 ».

34Dans un premier temps, nous souhaitons revenir sur certains des points de conflit dans la négociation : la question des actifs financiers (A), le rapport de la dot et du trousseau (B) et l’avance faite à Léon Alfassa par son beau-père, pour éponger ses dettes (C). À cette liste de points de discorde, il conviendra d’en ajouter un autre essentiel, sur lequel nous reviendrons plus loin, à savoir le partage des biens immobiliers entre les héritiers.

La question des actifs financiers

35Les réserves émises par Léon Alfassa suite à l’inventaire des valeurs et titres composant la fortune particulière du Comte Abraham de Camondo étaient fondées « sur certaines notes tenues par le Comte Abraham de Camondo, indiquant son intention d’attribuer partie de ses titres soit à la Comtesse Regina, sa femme, soit à Madame Alfassa et aux enfants de cette dernière ». La réclamation de Léon Alfassa ne retient pas l’attention de la justice car l’accord de partage précise que, « outre que le Comte Abraham de Camondo semble avoir voulu substituer à ces libéralités projetées, celles résultant de ses dispositions testamentaires, il est certain en fait, qu’il ne s’est jamais, de son vivant, dessaisi d’aucune partie des susdits titres trouvés en sa possession, lors de son décès » [28]. Ainsi tous les titres trouvés en la possession du Comte Abraham après son décès et énoncés dans l’inventaire comme constituant sa fortune particulière, doivent bien être compris dans la masse active de la succession à liquider. Il ne doit pas être tenu compte des réserves formulées à ce sujet soit par le Comte Isaac de Camondo, soit par Monsieur Alfassa. Ce premier conflit est ainsi rapidement résolu.

La question du rapport de la dot et du trousseau

36Cette question renvoie au contrat de mariage établi par les familles Alfassa et Camondo au moment du mariage de Léon et Clarisse. Certains articles sont à l’origine du désaccord observé lors de l’établissement de la liste des actifs d’Abraham à son décès.

37Mariés à Constantinople le 9 septembre 1867, Léon et Clarisse font constater le même jour par acte public devant le Consul Général d’Italie les clauses et conditions de leur union « qu’ils ont déjà d’un commun accord convenu et arrêté » [29].

38L’article 1 stipule que « Mr Léon Alfassa et la Comtesse Clarisse de Camondo, (…) avec le consentement de leurs parents respectifs, promettent de vouloir s’unir en contrat légitime de mariage dans les formes prescrites par la loi civile ainsi que par le rite de la religion israélite à laquelle ils appartiennent [souligné par nous], et cela sur la simple demande de l’un et de l’autre. »

39Les conjoints ont opté pour le régime dotal (Article 2). À cet effet le père de la mariée, constitue à cette dernière une dot de 400.000 lires italiennes en « espèces métalliques » (Article 3). Des précisions sont données par la suite sur la constitution de dot et son emploi : le contrat précise que, dans le cas présent, les biens futurs reçus par legs, donations ou successions de la femme ne pourront pas venir enrichir la dot [30].

40L’article 4 du contrat stipule néanmoins qu’« avec le consentement de qui de droit, la dite somme restera entre les mains de Monsieur de Camondo qui en soignera le placement dans l’intérêt exclusif des époux et en augmentation successive de leur fortune » [31]. Ainsi, concrètement, la dot n’a pas été remise à Léon Alfassa. Elle est restée « entre les mains » d’Abraham Béhor qui en distribue les fruits au couple, sous la forme d’une rente. Il s’agit là clairement d’un accord familial puisque l’article 1399 du Code civil italien, stipule que « le mari seul a l’administration de la dot » [32].

41L’article 5 précise d’ailleurs le fonctionnement prévu par le comte Abraham : « Comme les époux demeureront dans la maison Camondo pour un délai indéterminé, au gré de Mr le Comte Abraham de Camondo, celui-ci devra prélever une somme de L. It. 12.000 annuelle sur les intérêts produits par la somme de 400.000 L. It. susdite, et qui sera mise à la disposition des époux pour pourvoir convenablement aux frais d’établissement et autres frais usuels ».

42On peut noter que « d’après l’ancien usage de ses coreligionnaires », Léon Alfassa « déclare faire à son épouse, Clarisse de Camondo, l’augmentation d’usage de 30 % sur la susdite somme de 400.000, c’est-à-dire L. It. 120.000, ce qui forme un total de L. It. 520.000 » (article 8). On peut considérer ces 120.000 lires italiennes comme augment de dot ou tosephet qui est pris par la femme en proportion de la dot (Weinstein, 2006).

43Sur cette question du rapport de la dot, la transaction se fera au bénéfice d’Isaac, Madame Alfassa « rapportera seulement à la succession, l’action qu’elle a contre son mari en restitution de la somme de quatre cent mille Lires Italiennes à elle constituée en dot, laquelle action figurera à la masse active pour mémoire » [33]. Cette formule informe d’un conflit relatif au devenir des 400.000 francs dont Léon Alfassa aurait eu la gestion. On retrouve une indication de ce problème à nouveau dans le texte de l’article 5 du texte de la transaction « Madame Alfassa fera le rapport de la succession de l’action qu’elle a contre son mari, en restitution de la somme de 400.000 Lires Italiennes (400.000 francs en monnaie française). Cette action restera indivise entre les héritiers attendu l’impossibilité de lui attribuer quant à présent, une valeur. » Il apparaît ainsi que la dot est appelée à être restituée lorsque Léon Alfassa sera en mesure d’en remettre le montant à sa femme. Sa restitution et son rapport à la succession d’Abraham-Béhor, permettra à Isaac d’en hériter d’une partie.

44Autre pomme de discorde, le trousseau. Selon le contrat de mariage, Monsieur de Camondo, père de la mariée s’oblige en outre à remettre à cette dernière à l’époque de son mariage, comme cadeaux de noces, un trousseau et des bijoux pour la valeur totale de 115,000 lires (article 6). L’article 7 précise que « tous les objets ci-dessus constituant le trousseau de la mariée, ainsi que les cadeaux qui, à l’occasion de son mariage pourraient lui être faits tant par son époux que par les parents de ce dernier, deviennent propriété entière et absolue de la femme ». Cette « propriété entière et absolue de la femme » fait que la demande d’Isaac de voir aussi cette somme rapportée à la succession n’est pas recevable. Ces biens, constitués de cadeaux faits à l’épouse avant et au moment du mariage, lui appartenaient en propre. Aussi appelés « second trousseau », ils sont une spécificité juive, bien connue des historiens de la famille juive italienne de l’époque moderne et complètent parfois la dot de manière conséquente, comme c’est le cas ici (Allegra, 1996, 174-175 ; Gasperoni, 2015, 181-186).

« L’avance » faite par Abraham-Béhor à Léon Alfassa pour le sauver de la débâcle financière en 1885

45Suite à des erreurs de jugement dans les placements qu’il effectue en tant que fondé de pouvoir de la Banque I. de Camondo en 1885, Léon se voit dans l’obligation de demander le soutien de son beau-père. Cet épisode revient dans le cadre du partage, avec la demande, formulée par Isaac de Camondo, de rapporter l’argent avancé à la succession. Le montant de cette avance correspond probablement à 1 311 312,05 francs. C’est en effet cette somme que le Comte Isaac voudrait voir rapporter à la succession par sa sœur. Cette demande repose sur l’hypothèse selon laquelle Clarisse de Camondo aurait servi d’intermédiaire dans le versement de l’argent de la dette. C’est ce que plaide Léon Alfassa. Son exposé de la situation défend l’idée que « la dite somme, à la supposer justifiée, représentait des avances faites à Monsieur Alfassa personnellement et non à Madame Alfassa qui n’en avait pas profité et que, dès lors, la dite somme n’était pas rapportable » [34]. C’est cette thèse qui sera retenue lors de la transaction qui verra Isaac de Camodo « débouté » de sa demande [35].

Les biens immobiliers, objets d’une bataille juridique

46Sujets italiens, les Camondo ont pu acquérir des biens immobiliers à Constantinople selon les termes de la « Loi concédant aux Etrangers le droit de Propriété Immobilière dans l’Empire Ottoman », Rescrit Impérial du 7 Sépher 1284 (18 janvier 1867). Son article II établit que « Les étrangers sont admis, au même titre que les sujets ottomans et sans autre condition, à jouir du droit de propriété des immeubles urbains ou ruraux dans toute l’étendue de l’Empire, à l’exception de la province de l’Hédjaz ». Aussi, « Les étrangers, propriétaires d’immeubles urbains ou ruraux, sont, en conséquence, assimilés aux sujets ottomans, en tout ce qui concerne leurs biens immeubles. » [36]

47L’ensemble des arguments juridiques conduisant à la résolution du conflit relatif aux biens immobiliers sont exposés dans le Verbal de Conseil de famille du 6 décembre 1897 [37] (Annexe 1). Le point de départ est le testament d’Abraham de Camondo qui lègue à son fils Isaac la quotité disponible de sa succession qui représente la moitié des biens du défunt selon la loi italienne, quel que soit le nombre d’enfants. La loi italienne se distingue là de la loi française pour laquelle le pourcentage de la succession attribué à la quotité disponible varie selon le nombre d’enfants du défunt. La différence de traitement que réserve Abraham à ses enfants est importante puisque doit revenir à Isaac près de 75 % de la succession [38] alors que Clarisse n’est appelée à n’en disposer que de 25 %.

48Le problème se pose avec les biens immobiliers situés en France et dans l’Empire ottoman, pays pour lesquels la législation successorale est différente. En France, lorsque le défunt laisse deux enfants, la quotité disponible représente au maximum le tiers de la succession ;la loi ottomane établit que la dévolution des biens immobiliers se fait à égalité entre les enfants, sans qu’une disposition testamentaire ne puisse modifier cette règle.

49En retenant le principe de souveraineté territoriale, les biens immobiliers situés en France doivent revenir au deux-tiers à Isaac [39] contre un tiers à sa sœur, et à 50 % à chacun des deux enfants pour les biens immobiliers ottomans. Mais la législation italienne, dans l’article 8 des dispositions préliminaires du Code civil, affirme en matière de succession la prééminence de « la loi nationale de la personne dont la succession est en question, quelle que soit la nature des biens, et quel que soit le pays où les biens se trouvent »[40]. Les deux parties sont alors appelées à s’affronter sur ce point de droit.

50Isaac ne voit pas d’inconvénient à ce que les législations particulières s’appliquent pour les biens situés en France et dans l’Empire ottoman, si sur l’ensemble de la succession de son père, sa part atteint 75 %. Les conseils de Madame Alfassa proposent de sortir les immeubles français et ottomans de la masse successorale et de leur appliquer les législations locales, le restant de la succession pouvant alors suivre ce que prescrit la loi italienne. Il ne s’agit en aucune manière de compenser avec les biens « italiens », le surplus qu’elle recueille grâce aux législations françaises et ottomanes.

51L’accord auquel parviennent les deux parties fait globalement prévaloir la législation italienne alors que les législations française et ottomane s’appliquent pour les seuls biens immobiliers que ces pays abritent. C’est donc clairement la position d’Isaac qui est retenue dans l’accord final. Il obtient même, dans le cas de l’Empire ottoman, des arrangements qui lui donnent un net « avantage », tant en ce qui concerne les revenus des immeubles que le produit de leur vente, s’il était décidé de s’en séparer.

52Il faut préciser ici au préalable que les biens immobiliers ottomans de la succession d’Abraham de Camondo sont « logés » dans une société civile détenue à part égale entre Abraham de Camondo et son neveu Moïse. À la suite du décès du père de Moïse, survenu le 21 janvier 1889, Abraham et l’unique héritier de son frère créent une Société civile le 1er juillet 1889. Celle-ci a pour objet « l’exploitation et la vente des immeubles dont ils sont propriétaires en Turquie » (article 1). À propos des biens, l’article 2 précise que « Le fond social se compose des immeubles sis en Turquie, dont Monsieur le Comte Abram de Camondo et Monsieur le Comte Moïse de Camondo, sont propriétaires indivisément et dont ils font apport à la Société civile, avec les charges dont ils peuvent être grevés, excepté les deux maisons de campagnes situées à Yenikeuy, appartenant en particulier à Messieurs les Comtes Abram et Moïse de Camondo […] » [41]. Les biens turcs correspondent à un ensemble de 55 lots différents, qui peuvent être des maisons, des terrains, des immeubles de bureaux, des boutiques, une briqueterie ou une usine, des oliviers ou encore le théâtre de Galata à Istanbul. Les revenus d’une dizaine de lots, pour l’essentiel des boutiques et une école, n’ont pas été ajoutés aux apports, car ils ont été affectés à des œuvres pieuses [42]. Ces précisions n’ont aucune influence sur l’arrangement auquel Isaac et sa sœur Clarisse sont parvenus, mais rendent plus facile la compréhension des décisions prises.

53L’article 3 de la Transaction stipule [43] :

54

« En ce qui concerne les immeubles situés en Turquie, dont 4 huitièmes appartenant au Comte Moïse de Camondo doivent être inscrits en son nom sur les registres de la propriété immobilière en Turquie et dont les 4 autres huitièmes dépendent de la succession du Comte Abram, 2 huitièmes seront inscrits sur les dits registres au nom de Madame Alfassa et 2 huitièmes au nom du Comte Isaac, conformément aux prescriptions de la loi Ottomane.
Mais sur la part de 2 huitièmes lui revenant ainsi dans ces immeubles, Madame Alfassa abandonne à son frère Isaac, la jouissance viagère d’un huitième, les parties convenant formellement que les revenus nets des dits immeubles depuis le jour de l’ouverture de la succession du Comte Abram, jusqu’au décès du Comte Isaac, seront partagés dans la proportion de 3 huitièmes à ce dernier et de un huitième à Madame Alfassa ».

55Cet arrangement inclut la maison de campagne de Yenikeuy, propriété exclusive du Comte Abraham. Si chacun des deux héritiers devient propriétaire pour moitié de ce bien, « les revenus et produits à provenir du dit immeuble seront partagés dans la proportion de trois quarts au Comte Isaac et de un quart à Madame Alfassa ».

56Le dernier paragraphe de l’article 3 met au jour la mainmise d’Isaac sur ce qui relève des biens situés en Turquie. Isaac se prémunit contre d’éventuels agissements de sa sœur ou plutôt de son beau-frère, tuteur de celle-ci. Ainsi, « pour garantir au Comte Isaac la perception de la part à lui revenir, sa vie durant dans les revenus et produits des dits immeubles turcs telle qu’elle vient d’être déterminée, il sera pris, à même ceux qui seront attribués à Madame Alfassa, des titres représentant un capital de deux cent mille francs, lesquels titres resteront comme gage, aux mains du Comte Isaac » [44].

57Soulignons que pour la vente des immeubles dépendant de la succession du Comte Abraham situés en France, les revenus et produits éventuels seront attribués aux deux tiers au Comte Isaac et pour un tiers à Madame Alfassa, conformément aux dispositions de la loi française sur la quotité disponible [45].

58L’ensemble des conventions transactionnelles vont être, ainsi que le prescrit la loi italienne, approuvées purement et simplement par le Conseil de famille de Madame Alfassa [46], suivant délibération prise devant le Chancelier de l’Ambassade d’Italie à Paris, le 15 mai 1897, puis homologuées également purement et simplement par le Tribunal civil de 1ère Instance de la Seine, suivant jugement rendu par la première chambre du Tribunal, l7 juillet 1897. » [47]

Conclusion

59Le 27 novembre 1897, Léon Alfassa adresse une lettre à Isaac de Camondo dans laquelle il prend l’engagement de signer l’acte de partage de la succession du comte Abraham de Camondo intervenu entre eux [48]. L’arrangement négocié entre les deux parties met un terme à un conflit familial de près de huit ans – soit la période qui court entre la date de dépôt de la déclaration de succession auprès de l’administration de l’Enregistrement et l’accord sur le partage.

60Le document signé à Paris, le 27 novembre 1897 par Isaac de Camondo et Léon Alfassa, et ensuite enregistré au 2ème bureau de l’Enregistrement à Paris (le 7 Décembre 1897) attribue à Isaac de Camondo un montant de 12.570.791,69 francs-or et à sa sœur une somme de 4.044.640,42 francs. La répartition trois-quart / un quart voulue par le défunt est une réalité comptable.

61Dans le cas des biens immobiliers dispersés dans plusieurs pays, la question du partage de la succession d’Abraham-Béhor de Camondo s’est résolue en conjuguant plusieurs droits nationaux. Il reste que c’est le droit relevant de la nationalité du défunt qui l’emporte, l’application d’une loi étrangère dans un conflit entre particuliers ne peut la concurrencer et fait figure d’anomalie. Au xixe siècle le droit international privé s’est partagé entre partisans de conceptions nationalistes et de thèses universalistes. Dans ce débat sur la nature des lois, le particularisme l’a souvent emporté (Halperin, 1999).

Tab. 1

Tableau d’attribution de la succession d’Abraham de Camondo selon les héritiers, par masse[49]

Tab. 1

Tableau d’attribution de la succession d’Abraham de Camondo selon les héritiers, par masse[49]

62Le désir d’Abraham de faire perdurer la lignée des Camondo confère une responsabilité à Isaac. L’injonction exprimée dans le testament : « La conduite de mon fils est un gage pour moi, qu’il transmettra aussi dignement ce nom à ses descendants, que notre famille a acquis depuis un siècle. Si je puis faire un vœu, c’est que je désire qu’il se marie. » [50] ne sera cependant pas suivie d’effet. Isaac n’épousera pas sa maîtresse attitrée, l’actrice Lucie Bertrand, et ne reconnaitra pas les deux garçons – Jean né en 1902 et Paul né en 1903 – issus de cette liaison. Ils porteront le patronyme de leur mère et d’ailleurs eux-mêmes n’auront pas de descendance. Toutefois Isaac leur transmet un capital important (Grange, 2016, 143).

63La lignée des Camondo aurait dû perdurer au travers de la descendance de Moïse de Camondo, l’unique cousin d’Isaac et seul représentant mâle avec ce dernier de la dynastie. Moïse, de son mariage avec Irène Cahen d’Anvers, a eu deux enfants, Nissim, né en 1892 et Béatrice, née 1894. Isaac voit probablement en Nissim le véritable continuateur de la lignée des Camondo. C’est dans cette optique qu’il désigne Moïse de Camondo, son cousin, comme légataire universel sans pour autant déshériter ses enfants naturels (Grange, 2016, 142). Un tel dessein ne pourra se réaliser. Lieutenant-aviateur, Nissim meurt en 1917 à 25 ans lors d’une mission de reconnaissance.


Annexe 1

Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897 – 13e observation – transaction entre les héritiers [51]

13e observation transaction entre les héritiers

64« par son testament, le comte abraham de camondo, sujet italien, a légué à son fils isaac, la quotité disponible de tous ses biens, telle qu’elle est déterminée par la loi italienne. l’article 805 du code civil italien fixant cette quotité disponible à la moitié des biens du testateur, quand il laisse des enfants, quel qu’en soit le nombre, le comte isaac se trouvait ainsi appelé à recueillir les trois quarts de la succession et madame alfassa un quart.

65mais le comte abraham a laissé des immeubles situés en france, lesquels, aux termes de l’article 3 du code civil français, tel qu’il est interprété par la jurisprudence, sont, quant à leur transmission par succession, régis par la loi française, laquelle fixe au tiers seulement la quotité disponible, quand le testateur laisse deux enfants.

66il a aussi laissé d’importants immeubles, dits vacoufs, situés en turquie, qui sont en principe, quant à leur dévolution par succession, régis par la loi ottomane, d’après laquelle les dits immeubles sont transmis de plein droit aux descendants de premier degré, sans distinction de sexe, et également entre eux, sans que cette égalité puisse être rompue par disposition testamentaire.

67par application du principe de souveraineté territoriale, le comte isaac appelé par la loi italienne et par le testament à recueillir les trois quarts de l’universalité des biens meubles et immeubles dépendant de la succession de son père, ne devrait ainsi recueillir que les deux tiers des immeubles français et la moitié des immeubles turcs.

68mais aux termes de l’article 8 des dispositions préliminaires du code civil italien :

69

« Les dispositions légitimes ou testamentaires, soit pour l’ordre de la succession, soit pour la détermination des droits successifs, et la validité intrinsèque des dispositions, sont réglées par la loi nationale de la personne dont la succession est en question, quelle que soit la nature des biens, et quel que soit le pays où les biens se trouvent. »

70se basant sur cette disposition qui répudie formellement la maxime «  tot hereditatis, quot territoria  » le comte isaac soutenait que si le principe de la souveraineté territoriale réduisait aux deux tiers, sa part dans les immeubles français, et à la moitié sa part dans les immeubles turcs, il avait incontestablement droit, d’après la loi italienne, aux trois quarts de l’universalité des biens laissés par son père, sujet italien, et que dès lors, s’il ne recueillait dans les immeubles français et turcs qu’une part inférieure aux trois quarts, il avait droit de se récupérer de la part dont il était ainsi privé, notamment par un prélèvement sur les meubles dépendant de la succession, de façon à ce que madame alfassa ne recueillit en tous cas dans l’ensemble de cette succession que sa portion légitime [soit 25%], conformément aux dispositions du testateur et à la loi italienne, qui devait recevoir tout son effet, en tant qu’elle ne portait pas atteinte au principe de la souveraineté territoriale étrangère.

71au nom de madame alfassa, il était soutenu au contraire que le principe posé par l’article 8 ne peut s’appliquer aux immeubles dépendant de la succession d’un italien, quand ils sont situés dans des pays où les droits de succession à ces immeubles est considéré comme exclusivement territorial ; qu’en conséquence, madame alfassa avait doit au tiers de immeubles français et à la moitié des immeubles turcs, sans être aucunement obligée de faire compte à son cohéritier de la part ainsi recueillie par elle dans ces immeubles, en tant qu’elle peut excéder celle fixé par la loi italienne »[52].

Bibliographie

Références bibliographiques

  • Allegra, Luciano, (1996), Identità in bilico. Il ghetto ebraico di Torino nel Settecento. Torino, Silvio Zamorani editore.
  • Artunç, Cihan (2015). “The Price of Legal Institutions : The Beratlı Merchants in the Eighteenth-Century Ottoman Empire”, The Journal of Economic History, 75(3), 720-748.
  • Benbassa, Esther, Rodrigue, Aron, (1993), Juifs des Balkans. Espaces judéo-ibériques xive-xxe siècles, Paris, La Découverte.
  • Gasperoni, Michael (2015), « La misura della dote. Alcune riflessioni sulla storia della famiglia ebraica nello Stato della Chiesa in età moderna », 175-216, in Graziani Secchieri, Laura (ed.), Vicino al focolare e oltre. Spazi pubblici e privati, fisici e virtuali della donna ebrea in Italia (secc. XV-XX), Florence, La Giuntina.
  • Grange, Cyril (2016), Une élite parisienne, les familles de la grande bourgeoisie juive, 1870-1939, Paris, CNRS Editions.
  • Halpérin, Jean-Louis (1999), Entre Nationalisme juridique et communauté de droit, Paris, PUF.
  • Oualdi, M’Hamed (2014), « Le « pluralisme juridique » au fil d’un conflit de succession en Méditerranée à la fin du xixe siècle », Revue d’histoire du xixe siècle, 48, 93-106.
  • Oualdi, M’Hamed (2015), « La nationalité dans le monde arabe des années 1830 aux années 1960 : négocier les appartenances et le droit », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 137, 13-28.
  • Sabban, Giacomo (1999), « À propos de la communauté juive italienne de Constantinople », Revue des Etudes juives, 158 (1-2), 89-106.
  • Seni, Nora, Le Tarnec, Sophie (1997), Les Camondo ou l’éclipse d’une fortune, Paris, Actes Sud.
  • Slimane, Fatma (2015), « Définir ce qu’être Tunisien. Litiges autour de la nationalité de Nessim Scemama (1873-1881) », Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, 137, 31-48.
  • Weinstein, Roni (2006), “Gift exchanges during marriage rituals among the italian jews in the early modern period : a historic-anthropological reading”, Revue des Etudes juives, 165 (3-4), 485-521.

Notes

  • [*]
    L’auteur tient à remercier Corinne Le Chevanton-Gomez pour sa contribution au travail d’archive et ses remarques stimulantes. Michael Gasperoni a généreusement relu ce texte qui a bénéficié de ses commentaires avisés.
  • [1]
    Succession d’Abraham-Béhor, en date du 9 juin 1890, Archives de Paris, DQ7 12219 n° 861 (principale) et n° 856 (complémentaire).
  • [2]
    Par Jugement du Tribunal de la Seine. Archives du Musée Nissim de Camondo.
  • [3]
    L’application de la transaction a été approuvée par délibération du Conseil de famille du 15 mai 1897, homologuée par jugement du Tribunal de la Seine du 16 juillet 1897. Le Conseil de famille du 6 décembre 1897 autorise Léon Alfassa, tuteur de Clarisse de Camondo à signer à son tour l’acte de liquidation et de partage (Acte n° 1582. Enregistré à Paris, 2ème bureau de l’Enregistrement et du Timbre, le 7 décembre 1897). Archives du Musée Nissim de Camondo.
  • [4]
    Musée Nissim de Camondo : Cartons A(braham) B(ehor), 1 & 2. Carton AB, Biens en Turquie. Dossier Léon Alfassa 1. Dossier Clarisse de Camondo 1. Registre de famille, 1897.
  • [5]
    Cette fidélité à l’Italie sera récompensée par Victor-Emmanuel II qui accorde en 1867 à Abraham-Salomon le titre de comte, transmissible par primogéniture mâle. De même Nissim, le petit-fils cadet d’Abraham-Salomon se voit concéder le titre de comte en 1870 (Seni, Le Tarnec, 55-57).
  • [6]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 1ère Observation.
  • [7]
    Ibidem, page 2, 1ère Observation.
  • [8]
    Ibid. Il est précisé dans le texte que « ladite exemption » est faite « aux termes de l’article 229 du Code Italien ».
  • [9]
    Abraham-Béhor liste avec précision dans son testament les institutions légataires de fonds issus de la quotité disponible :
    • 50.000 francs à notre école de Has Keuy, cette somme sera employée en valeurs de tout repos ou en immeubles, le revenu lui sera donné ;
    • 10.000 francs répartis aux pauvres de Constantinople ;
    • 10.000 francs à la caisse de l’Alliance Israélite qui seront placés en valeurs de tout repos ; elle ne pourra disposer que de l’intérêt ;
    • 10,000 francs à la Société de Bienfaisance Italienne, qui seront placés en valeurs de tout repos ; elle ne pourra disposer que de l’intérêt ;
    • 10.000 francs à l’Assistance Publique ;
    • 5.000 francs au huitième arrondissement ;
    • 15.000 francs aux différentes institutions du Consistoire Israélite de Paris ;
    • 3.000 francs aux pauvres de Nice, en mémoire de ma sœur et de ma mère qui sont enterrées là-bas ;
    • 10.000 francs à l’hôpital Rothschild, pour créer un lit qui portera mon nom.
  • [10]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, page 2, 1ère Observation.
  • [11]
    Succession d’Abraham-Béhor, en date du 9 juin 1890, Archives de Paris, DQ7 12219 n° 861 (principale) et n° 856 (complémentaire).
  • [12]
    Rappelons qu’avant 1901, il n’y a pas de centralisation de biens immobiliers dispersés géographiquement au sein d’une même déclaration de succession. On ouvre autant de déclarations pour les biens immobiliers qu’il y a de biens dispersés dans les différents bureaux de l’Enregistrement dont ils relèvent. Cette possible dispersion des successions pour les biens immobiliers fait qu’il est difficile de connaître l’étendue de la fortune immobilière d’un individu, aucune centralisation des déclarations n’étant effectuée.
  • [13]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, page 2, 1ère Observation. Code civil italien, Section IV. De la portion des biens dont on peut disposer par testament, article 805.
    (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5725138k/f142.item.r=805)
  • [14]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 2ème Observation, page 6. Notons aussi « qu’en vertu de la présomption légale, tous les biens acquis pendant le mariage sont réputés appartenir au mari, sauf ceux qui figurent achetés par la femme ou en son nom ».
  • [15]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 3ème Observation, p. 8.
  • [16]
    Pour le détail cf. Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Mémoire à la masse totale ou Succession d’Abraham-Béhor, en date du 9 juin 1890, Archives de Paris, DQ7 12219 n°861 (principale) et n°856 (complémentaire).
  • [17]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 2, Abraham Béhor, Document 8. La société a été formée par acte du 1er avril 1889 déposé à Maître Olagnier, à Paris, le 11 avril 1889.
  • [18]
    Archives du Musée Nissim de Camondo. Dossier Léon Alfassa / état civil. Original du document en italien (Original de la traduction (sur papier timbré) remis avec l’original en italien, manuellement à M. Alfassa, le vendredi 14 septembre 1917), Article 3.
  • [19]
    Rappelons que les legs sont effectués hors droits, ceux-ci étant payés par le testateur.
  • [20]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897.
  • [21]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier Abraham Béhor, Procès-Verbal d’Inventaire – Succession du Comte Abraham de Camondo.
  • [22]
    Salomon Halfon est le fils de Michel Halfon et Rebecca de Camondo, tante d’Isaac et de Clarisse. Salomon Halfon s’est marié le 23 octobre 1879 avec Laurence Alice Pereire, petite-fille d’Isaac Pereire.
  • [23]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 5ème Observation.
  • [24]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 13ème Observation.
  • [25]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier Inventaire de Succession, Consulat Général d’Italie à Paris, Procès-verbal d’Inventaire, Abraham Béhor, 9 juin 1892. Tous les extraits qui suivent proviennent du même document.
  • [26]
    Ces titres de chapitre ont été ajoutés par nous pour une plus grande clarté.
  • [27]
    Propriété de Léon et Clarisse Alfassa.
  • [28]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, page 63.
  • [29]
    Contrat de mariage de Leon Alfassa et Clarisse de Camondo article 4. L’original du document est en italien et datée du 9 septembre 1867 au Consulat général d’Italie à Constantinople. L’original de la traduction se trouve aux Archives du Musée Nissim de Camondo. Dossier Léon Alfassa, état civil, remis à Léon Alfassa le 14 septembre 1917. L’original en Italien n’est pas dans le dossier. On dispose d’une autre copie toujours aux Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 4ème Observation.
  • [30]
    Aux termes de l’article 1369 du Code civil italien, « la constitution de dot peut comprendre, en tout ou en partie tant les biens présents que les biens futurs de la femme ou même un objet déterminé. La constitution en termes généraux, de tous les biens de la femme, ne comprend pas les biens à venir ». Ainsi, outre les biens de la femme qui n’ont pas été constitués en dot, sont paraphernaux (article 1425) et les biens recueillis par elle dans la succession de son père le sont aussi. Ceci implique selon les termes de l’article 1427 du Code civil italien que la femme conserve la propriété, l’administration et la jouissance de ces biens paraphernaux. Mais Madame Alfassa étant interdite et placée sous la tutelle légale de son mari depuis 1890, c’est à ce dernier qu’incombe, en sa qualité de tuteur, l’administration des dits biens.
  • [31]
    Contrat de mariage de Léon Alfassa et Clarisse de Camondo article 4, op. cit.
  • [32]
    Code civil italien, Section II, Des droits du mari sur la dot, article 1399.
    (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5725138k/f222.item.r=1399)
  • [33]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 13ème observation - Transaction entre les héritiers.
  • [34]
    ibid.
  • [35]
    ibid.
  • [36]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier Abraham Béhor 2, Document 10, copie de l’extrait de la « Loi concédant aux Etrangers le droit de Propriété Immobilière dans l’Empire Ottoman ».
  • [37]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 13ème observation, Transaction entre les héritiers, quatrième point.
  • [38]
    Le montant des divers legs doit en effet être déduit.
  • [39]
    100 % de la quotité disponible représentent 33 % des biens immobiliers auxquels s’ajoutent la moitié des 66 % composant le restant de la succession.
  • [40]
    Article 8 des Dispositions préliminaires au Code civil italien.
  • [41]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier succession, Abram Behor / 2.
  • [42]
    Archives du Musée Nissim de Camondo. Verbal de famille, 6 décembre 1897, 10ème observation.
  • [43]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, Transaction, article 3, pp. 68-69.
  • [44]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, Chapitre Transaction, article 3, p. 71
  • [45]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, Chapitre Transaction, article 4, p. 71.
  • [46]
    Je rappelle ici que Clarisse Alfassa a été déclarée incapable juridiquement.
  • [47]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, Chapitre Transaction, Article 5.
  • [48]
    Le texte exact de la lettre est : « Vous avez signé en date de ce jour (27 novembre 1897) l’acte de partage intervenu entre nous de la succession de feu le comte Abraham de Camondo. Je viens vous déclarer par la présente que je prends envers vous l’engagement formel de la signer à mon tour aussitôt après l’homologation par le Tribunal de la délibération du conseil de famille de Madame Alfassa approuvant le dit partage. Le conseil de famille se réunira à cet effet le six décembre prochain. Veuillez agréer Monsieur l’expression de mes sentiments les plus distingués ».
  • [49]
    On relève les indications suivantes à la suite du tableau de partage : Fait à Paris, le 27 novembre 1897, Enregistré à Paris, 2ème bureau de l’Enregistrement et du Timbre, le Sept Décembre 1897, Acte n° 1582. Source : Archives Camondo, Gros Registre Succession AB, doc. 3.
  • [50]
    ibid.
  • [51]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, 13e observation – Transaction entre les héritiers, § 4e
  • [52]
    Archives du Musée Nissim de Camondo, Dossier 1, Abraham Béhor, Document 3, Ambassade Royale d’Italie à Paris, Verbal du Conseil de famille, 6 décembre 1897, 13ème observation, paragraphe 4, pp.64-65.
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