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Article de revue

Démographie historique et histoire de la famille juive en Italie : entretien avec Sergio Della Pergola

Pages 37 à 58

Notes

  • [1]
    Sur ces questions, nous nous limiterons à renvoyer au numéro spécial des Annales de démographie historique paru en 2015 (n°129), « 50 ans de démographie historique. Bilan historiographique d’une discipline en renouvellement » paru sous la direction de Fabrice Boudjaaba, Vincent Gourdon, Michel Oris, Isabelle Robin et Marion Trévisi.
English version

1Né à Trieste en 1942, Sergio Della Pergola est professeur émérite à l’Université hébraïque de Jérusalem. Démographe au prestige international, il a conduit des recherches et participé à des conférences et projets dans de nombreuses institutions académiques, aux Amériques, en Europe, en Israël, en Russie, en Afrique du Sud et en Australie, recevant de nombreux et prestigieux prix, dont le Marshall Sklare Award de l’Association for the Social Scientific Study of Jewry (1999), le prix Michael Landau pour ses travaux sur les migrations et la démographie (2013) et le titre d’Officier de l’Ordre de la République Italienne (2006).

2Après une première monographie sur les mariages mixtes à Milan (Jewish and Mixed Marriages in Milan, 1901-1968 ; with an Appendix : Frequency of Mixed Marriages among Diaspora Jews, Jerusalem, The Hebrew University, Jewish Population Studies, No. 3, 1972), Sergio Della Pergola a publié en 1976 un ouvrage très dense et pluridisciplinaire sur les juifs italiens à l’époque contemporaine (Anatomia dell’ebraismo italiano. Caratteristiche demografiche, economiche, sociali, religiose e politiche di una minoranza, Assisi/ Roma, Carucci), qui constitue une étape fondamentale des études démographiques sur les juifs de la péninsule.

3Ces deux ouvrages parurent dans un contexte d’effervescence dans le champ de la démographie et de la démographie historique, en particulier en Italie. C’est à ce moment-là, en effet, que les activités du Comité italien pour l’Étude de la démographie historique (Comitato italiano per lo Studio della Demografia Storica), né au sein du Comité italien pour l’étude des problèmes de la population (Comitato italiano per lo studio dei problemi della popolazione, fondé en 1928 sous le fascisme, par Corrado Gini), prenaient leur essor. En 1971, le comité tint ses premiers séminaires de recherche, qui débouchèrent sur la publication de deux volumes d’actes de ces rencontres (Rome, 1974). En 1975, parut le volume Demografia storica, dirigé par Ercole Sori et publié à Bologne par les éditions Il Mulino, qui reproposait et mettait à jour un numéro monographique que la revue Quaderni Storici (1971/2) avait consacré au sujet. Cette floraison d’études arrivait en Italie avec un certain décalage par rapport à la France où la démographie historique avait connu, dès le début des années 1950, un indéniable succès [1]. Ce succès était en partie dû à l’influence de l’historiographie des Annales, qui conférait aux études démographiques un rôle décisif dans la compréhension des dynamiques du passé.

4Dans cette décennie 1970, vivace et pionnière pour la démographie historique italienne, la minorité juive et sa longue présence dans la péninsule ne semblent toutefois pas susciter l’intérêt des démographes historiens, alors qu’elle avait pourtant fait l’objet de travaux pionniers au début du siècle (Livi, 1920). Les travaux de Roberto Bachi et Sergio Della Pergola constituaient, en ce sens, une exception, même s’ils se cantonnaient aux périodes les plus récentes. R. Bachi publiait en 1976 un essai bref mais néanmoins fondamental, qui proposait un programme de recherche global (Population Trends of World Jewry, Jerusalem, The Hebrew University, Jewish Population Studies No. 9, 1976), quand Sergio Della Pergola développait, quelques années plus tard, la thématique dans un volume de synthèse (La trasformazione demografica della Diaspora ebraica, Torino, Loescher, 1983). Les deux auteurs publiaient ensemble en 1984 un article dans Quaderni storici (Bachi, Della Pergola, 1984, traduit en anglais la même année), en cherchant à appliquer certaines des hypothèses générales de la démographie historique au cas spécifique des juifs en Italie.

5Luca Andreoni (LA) et Michaël Gasperoni (MG)  : Des figures importantes de l’école démographique italienne, comme Corrado Gini, Livio Livi ou encore Roberto Bachi ont consacré des travaux importants et pionniers au thème de la démographie historique des juifs d’Italie : quel héritage ces chercheurs aux parcours personnels, aux méthodes et aux résultats très différents ont-ils laissé ?

6Sergio Della Pergola (SDP) : Il est parfois intéressant de se pencher sur les « généalogies » académiques des auteurs. J’ai moi-même effectué mon doctorat à l’université de Jérusalem sur la démographie des juifs italiens, sous la direction de Roberto Bachi qui avait, quant à lui, réalisé son monumental mémoire de maîtrise sur la mobilité résidentielle dans les grandes villes, sous la direction de Corrado Gini. Par ailleurs, Livio Livi – qui était l’auteur d’un travail bien connu et précurseur sur la démographie des juifs italiens dans les années 1910 – était le père de Massimo Livi Bacci, spécialiste des tendances démographiques globales et continentales dans une perspective aussi bien historique que contemporaine. Massimo Livi Bacci était également très attentif aux possibles effets des politiques démographiques, et il a, à plusieurs occasions, joué un rôle positif dans ma propre carrière académique. Il est évident que les contextes historiques et politiques qu’ont connus ces générations de chercheurs sont très différents : ainsi, la distance qui sépare la période du régime fasciste en Italie, que certains d’entre eux ont vécue, et les modalités de fonctionnement de la société contemporaine de l’État d’Israël dans lequel je vis ne pourrait être plus grande. Il faut en outre noter la profonde différence méthodologique et technologique entre les outils de travail disponibles dans le passé et aujourd’hui. Mais il est aussi vrai qu’il existe une importante continuité avec ces illustres chercheurs – et d’autres appartenant à une génération précédente (Lagneau, 1882) – pour ce qui concerne la phénoménologie démographique des communautés juives. Cette attention commune a été avant tout dictée par une activité scientifique désintéressée et n’a certainement pas été motivée par des préjugés discriminatoires envers la continuité historique toute particulière de ces communautés sur la longue durée ainsi que leurs manifestations et transformations dans différents contextes géographiques (Della Pergola, 1993b).

7L’un des thèmes qui a suscité une grande attention et m’a aussi particulièrement intéressé au début de ma carrière est celui des isolats de population, c’est-à-dire des groupes relativement petits et caractérisés par l’absence de relations matrimoniales ou migratoires avec d’autres groupes. La question que l’on se posait alors était celle des capacités de survie de tels isolats : pensons aux travaux de Gini sur les Samaritains de Palestine et sur les Caraïtes en Europe orientale, de Livi sur les îles de la mer Égée et de tous ceux que nous avons cités sur les minorités juives. Sans se prononcer sur la capacité de l’étude de l’endogamie à apporter des réponses à de telles questions, si l’on pouvait adresser une critique aux études antérieures, elle consisterait à pointer la connaissance directe assez sommaire que ces auteurs avaient des aspects normatifs, culturels, linguistiques et communautaires des populations étudiées. On pourrait surtout reprocher aux recherches démographiques du passé d’avoir surestimé les aspects de l’anthropologie physique et de la biologie humaine, et de ne pas avoir suffisamment pris en compte la sociologie, la psychologie sociale et l’anthropologie culturelle comme autant d’éléments essentiels du modèle démographique. Aujourd’hui, les études classiques de génétique ou d’anthropologie sont de plus complètement dépassées d’un point de vue méthodologique après le décodage de l’ADN, qui a définitivement débarrassé le champ scientifique de la funeste doctrine des « races humaines ». D’un côté donc, nous avons une dette intellectuelle notable envers les plus grands démographes du passé, qui ont déblayé le terrain et ouvert la voie à un discours académique systématique et comparatif, par d’importantes intuitions théoriques. Mais ces travaux commencent aussi à dater ; ils sont, d’un point de vue conceptuel, très largement dépassés et nécessitent souvent un réexamen approfondi des matériaux sur lesquels leurs auteurs s’étaient appuyés afin de parvenir à des conclusions plus pertinentes.

8La production plus récente sur la démographie historique des juifs italiens a aussi ses limites. Parmi elles, on pourrait par exemple évoquer sa faible visibilité dans les revues spécialisées d’histoire et de sciences humaines et sociales. À l’Université hébraïque de Jérusalem, nous avons fait beaucoup d’efforts – en obtenant quelque succès – pour donner aux études démographiques sur les populations juives un cadre disciplinaire rigoureux et attentif aux valeurs globales de l’univers étudié. Mais cette production n’a pas toujours reçu l’attention qui lui revenait (je me limiterais à citer ici deux exemples de bons travaux assez peu connus : Meron, 1993, Frattarelli Fischer, 1993). Ainsi, il est plus que souhaitable que ces travaux sortent de la sphère spécialisée et soient intégrés dans une historiographie plus large.

9LA & MG  : L’ombre des lois raciales et de la politique démographique du fascisme faisait-elle des études juives un thème encore difficilement abordable ? Ou le thème des minorités ethnico-religieuses était-il simplement éloigné des préoccupations plus générales des historiens ?

10SDP : Il ne fait aucun doute que la période des lois raciales et des politiques démographiques du fascisme et du nazisme et, en particulier, l’exécrable binôme fasciste de la « Direction générale de la démographie et de la race » (Direzione generale della demografia e della razza - ou Demorazza), qui vit le jour en 1938, ont d’une certaine manière entaché la réputation des études démographiques. La participation active de certains démographes (et pour clarifier définitivement ce point, cela ne concerne aucun des chercheurs mentionnés plus haut) dans la formulation du Manifeste de la race de 1938 en Italie, puis dans la gestion de la question juive en Europe en vue de la tentative de solution finale, a particulièrement nui à la démographie comme discipline. N’oublions pas que la destruction physique des juifs en Italie et dans d’autres pays européens pendant la Seconde Guerre mondiale fut précédée et facilitée par des recensements de cette population, menés avec la plus grande intention de professionnalisme. Au cours de ces dernières décennies, quand j’ai conduit des recherches sur les communautés juives contemporaines, j’ai moi-même souvent dû faire face à des réticences et des oppositions de la part de personnes qui ne souhaitaient absolument pas faire partie de bases de données sur la population juive, qu’elles considéraient comme un instrument dangereux d’identification et de persécution (Bensimon, Della Pergola, 1984 ; Cohen, 2007). On peut trouver des réticences assez similaires à propos de possibles interventions des pouvoirs publics pour influencer certaines tendances démographiques, en particulier dans le domaine des politiques familiales. Ces interventions, davantage présentes en France ou dans les pays scandinaves, sont parfois interprétées comme une ingérence totalitaire, héritée d’un triste passé, dans la vie privée et dans les libres choix des personnes. Il faut évidemment faire la distinction fondamentale entre les encouragements à faire quelque chose – qui représentent simplement des propositions que les individus peuvent librement accepter ou repousser – et des mesures imposées – qui en revanche limitent gravement la liberté des individus. Par ailleurs, et de manière paradoxale, peu de personnes jugent comme totalitaires les décisions des banques centrales, par exemples dans le cadre des politiques monétaires ou des taux d’intérêts, dont les effets macrosociaux sont bien plus profonds par rapport à ceux d’un possible avantage, par exemple pécuniaire, fait aux couples ayant eu un enfant. Mais il est évident que ces questions doivent être traitées avec une grande attention et sensibilité, et que les crimes tragiques du passé doivent toujours être gardés à l’esprit de la société civile pour éviter qu’on ne retombe dans de telles aberrations.

11Aujourd’hui, l’intérêt que suscitent les différences ethniques et religieuses (ou, selon une définition plus générale, les sous-populations) au sein de populations plus vastes augmente fortement dans la communauté épistémique des sciences sociales. Les chercheurs ont bien conscience, désormais, qu’il s’agit d’une dimension analytique incontournable et qu’elle ne peut pas être négligée dans un solide travail comparatif, même si certains expriment encore quelques réserves face à ce qu’ils qualifient de sécessionnisme communautariste. Dans un certain sens, donc, l’intérêt porté aux juifs a anticipé une orientation plus générale de la démographie et des autres sciences sociales.

12LA & MG  : Quand l’attention portée au monde juif italien aux époques médiévale et moderne croît nettement dans l’historiographie, aussi bien sur le plan quantitatif que qualitatif et avec des approches très différentes (la revue Quaderni storici, pour ne prendre qu’un exemple, lui consacra un numéro en 1983), le regard démographique se concentre sur certains thèmes : a) l’anticipation supposée de la transition démographique de la part des juifs comme de certains groupes sociaux élitaires des villes (Livio Livi, Massimo Livi Bacci) ; b) la géographie des établissements et la mobilité des juifs sur le territoire italien (Roberto Bachi, Sergio Della Pergola, Michele Luzzati, Ariel Toaff) ; c) les dynamiques familiales et la reproduction sociale (Luciano Allegra, Carlo Gatti). Ces développements se caractérisent-ils par une certaine originalité ou sont-ils en phase avec le panorama historiographique plus général des études démographiques au cours de ces années ?

13SDP : Reconnaissons tout d’abord à Livio Livi la paternité de la théorie de l’anticipation de la transition démographique des juifs. Nous pourrions ensuite débattre sur les critiques qui ont été formulées à l’encontre de cette hypothèse, mais l’importance de la formulation initiale consiste dans le fait qu’elle détache – et c’est assez rare pour être signalé – les juifs d’un contexte typique de population différente et totalement autonome, en l’intégrant à un schéma analytique dans lequel des mécanismes causaux plus vastes et généraux sont à l’œuvre. Notons au passage que dans de nombreux « États des âmes » [NDLR : sortes de recensements de population que les curés effectuaient à Pâques au moment de la bénédiction des maisons, pour chaque paroisse] et recensements historiques, les juifs apparaissent comme une catégorie séparée du reste de la population comme, d’ailleurs, les moines, les frères des ordres mendiants ou encore les prostituées. Le juif était ainsi considéré comme une catégorie sociétale fixe et monolithique, caractériellement et physiquement différente, déplorable d’un point de vue normatif mais sans doute inévitable.

14L’intégration des juifs dans un discours plus vaste, capable d’articuler plusieurs facteurs, a donc constitué un grand pas en avant, qu’il s’agisse de facteurs spatiaux avec l’étude de leur inscription dans le territoire au sein de localités déterminées où ils purent s’établir plus ou moins librement ou dans des quartiers où ils furent assignés à résidence de manière forcée, comme les ghettos ; de facteurs économiques, comme les spécialisations professionnelles imposées ou choisies ; ou encore de facteurs juridiques, etc. Il s’agit donc de proposer une analyse multidimensionnelle des spécificités juives – s’il y en a – par rapport à un cycle démographique évolutif qui, au cours du temps, s’est révélé commun à la grande majorité des populations, même s’il existe évidemment des décalages temporels. D’ailleurs, à l’intérieur même de l’Italie, la situation générale des juifs comporte des différences parfois notables (pensons par exemple aux différents exemples toscans de Livi Bacci, 1980), sans parler de celles pouvant exister avec d’autres régions européennes ou extra-européennes. Ainsi, le cas juif garde son originalité mais à condition de l’appréhender dans un cadre historico-démographique bien plus vaste. Il est clair, en outre, que la démographie doit être insérée dans une approche historico-sociale plus large permettant de reconstruire l’histoire d’un groupe précis dans toute sa complexité et ses ramifications.

15Mais revenons à l’argument de la supposée transition démographique anticipée des communautés juives par rapport au reste de la population. Ce sujet a constitué l’un des piliers de l’étude de la démographie juive dans une perspective comparée (Bachi, 1976 ; Della Pergola, 1976, 1983, 1986, 1989a, 1996, 2004 ; Vobecká, 2013), qui a plus récemment bénéficié de différents apports critiques (pour l’Italie : Allegra, 2009 ; Derosas 2007 ; pour les Pays-Bas : Schellekens, Van Poppel, 2006).

16Pour interpréter les mutations en cours dans les variables démographiques dépendantes, différents facteurs ont été avancés à cette époque. Parmi ces facteurs, on trouve ceux liés aux différences de densité de la présence juive, qui est souvent le produit d’interdictions juridiques et politiques. S’y ajoutent les facteurs liés aux différences de classes sociales entre juifs et population majoritaire ; mais aussi aux différences d’ordre psychologique liées à la condition de minorité des juifs ; et, enfin, aux différences liées à l’ordre normatif prescrit par les diverses religions d’appartenance. Ce dernier facteur est sans doute le moins populaire dans la littérature scientifique mais mérite une attention particulière, parce que c’est justement sur ce terrain que l’on doit évaluer le juif en tant que porteur actif de valeurs culturelles et religieuses autonomes, et non simplement comme un acteur passif, différent ou victime de discriminations qui annulent la légitimité de son altérité. Le tableau qui suit met en relation un certain nombre de paramètres fondamentaux pour la formation de la famille et de la reproduction selon la manière dont ils sont respectivement prescrits par les normes (ou aussi par les pratiques quotidiennes) juive et catholique, cette dernière étant la plus importante pour la population italienne dans son ensemble (Della Pergola, 1983, 1988).

17Les mots entre parenthèses indiquent une prescription comportant toutefois des exceptions prévues par les normes religieuses. Il faut naturellement garder à l’esprit le fait que les comportements réels, au sein d’une population, ne correspondent que partiellement aux prescriptions normatives du groupe en question. Tout le monde ne choisit pas de suivre les commandements et tout le monde n’est pas conscient de l’existence de telles normes et de leurs implications. Toutefois, il est important de noter que les bases normatives des comportements familiaux juifs et catholiques sont dans certains cas diamétralement opposées. Le concept de civilisation judéo-chrétienne s’adapte assez mal aux variables démographiques. Par certains aspects, le modèle juif, s’il venait à être appliqué, conduirait en théorie à des niveaux de nuptialité et de reproduction plus élevés. En tenant compte de cela, il est plausible que la population juive, dans des époques historiques antérieures à la modernisation, ait pu croître plus rapidement par rapport à la population environnante, et ce aussi grâce à certains avantages que les prescriptions normatives peuvent avoir créés pour ce qui relève des variables déterminantes des niveaux de morbidité et de mortalité (Schmelz, 1971 ; Della Pergola, 1983). Mais au Moyen Âge et jusqu’à avant l’émancipation, ces accroissements possibles d’une population juive étaient annulés à cause des migrations fréquentes souvent dues aux expulsions des pays de résidence, aux conversions forcées et aux massacres locaux. Aux époques successives, à la lumière de ces observations, il faut souligner que les niveaux de la natalité juive sont inférieurs ou équivalents à ceux de la population catholique.

VariableJudaïsmeCatholicismePossible effet du judaïsme normatif sur la natalité
Prescriptions sur le mariage
1. UniverselOuiNon+
2. JeuneOuiNon+
3. MonogamiqueOui/NonaOui(+)
4. HétérosexuelOuiOui
5. Endogamique (consanguinité)(Oui)Non
6. Endogamique (religion)Oui(Non)
7. PatrilocalOui/NonaNon
8. Mariage arrangéOuiNon+
9. Divorce(Oui)Non(-)
10. Secondes nocesOui(Non)+
Prescriptions sur la procréation
1. « Croissez et multipliez »(Oui)Non(+)
2. Relations sexuelles permises uniquement pour la procréation(Non)Oui
3. Séparation mensuelle du couple (au cours du cycle menstruel)OuiNon(+)
4. Allaitement des nouveau-nésOui(Non)(-)
5. Contraception - hommesNonNon+
6. Contraception - femmes(Non)Non(-)
7. Naissances hors mariage(Non)Non(+)
8. Avortement(Non)Non(-)
9. Adoption(Oui)Oui
a. Selon les pays.

18Parallèlement, on note deux mutations fondamentales advenues progressivement au cours de la transition démographique pour l’ensemble des populations européennes. La première concerne l’âge au mariage, qui passe d’une relation initialement inverse à une relation directe par rapport au statut social et au cens, ce qui signifie concrètement que l’âge au mariage augmente pour les catégories sociales les plus aisées. Cela peut s’expliquer à la lumière du « marché » matrimonial, restreint dans les petites communautés, et par le rôle croissant de l’instruction séculière lors du processus de modernisation. La seconde, qui dépend en partie de la première, concerne le nombre des enfants et la dimension des unités familiales qui suivent la même inversion relationnelle, cette fois de manière opposée par rapport au statut social (voir aussi Livi, 1917). On observe donc dans ce cas une baisse proportionnellement plus importante du nombre d’enfants par couple pour les catégories sociales les plus aisées. Mais ces changements ne sont pas synchronisés pour les différents groupes de population. Pour mesurer les différences dans les structures familiales de ces différents groupes, il faut donc savoir précisément dans quelle phase du processus de transition on se trouve au moment de l’observation. Il faut dès lors prendre en considération les différences sociales et culturelles à l’intérieur des différents groupes et, de ce fait, à l’intérieur du groupe juif en particulier. Les travaux qui ont réussi à décomposer la population juive en différentes grandes catégories (rurale ou urbaine, ségrégée dans un ghetto ou intégrée dans d’autres quartiers, de niveau social bas ou élevé) ont pu relever qu’à l’intérieur même de la population juive italienne, la transition démographique ne s’est pas faite de manière synchrone, pas plus que ça n’a été le cas dans les autres pays. Ce qui est incontestable, c’est que la population juive figure parmi celles ayant connu en premier une réduction des niveaux de mortalité (en particulier infantile) et de natalité. Dans les localités urbaines, la précocité des juifs dans ce domaine est parfois moins évidente ou se manifeste uniquement dans des groupes sociaux bien déterminés et non dans d’autres. D’autre part, dans chaque pays, les juifs ont fait partie du contexte national plus général et ont donc suivi son évolution ; aussi, la transition démographique d’une partie d’entre eux et, en particulier, des élites juives de certains pays (comme en Italie et en Allemagne) a précédé de plus d’un siècle celle advenue dans des pays de transition démographique relativement tardive comme la Pologne, la Roumanie, la Bulgarie ou encore la Hollande et, évidemment, les pays musulmans.

19LA & MG  : L’idée de la comparaison entre les différentes réalités et expériences italiennes, en particulier, avance encore avec difficulté. Cela est dû à des raisons objectives (les trajectoires historiques différentes et parfois très éloignées des contextes locaux d’avant l’unification) et des raisons historiographiques (une certaine interprétation de la microhistoire, une tendance au campanilisme historiographique, une certaine interprétation de la présumée unité chrétienne de l’Italie médiévale et moderne et de la présumée subalternité juive, comme le formule Giacomo Todeschini). Progresse-t-on par à-coups ou pensez-vous que les études juives italiennes, et en particulier dans le domaine de la démographie historique et de l’histoire de la famille, peuvent évoluer vers des approches plus globales et comparatives ?

20SDP : Je pense que l’historiographie des juifs en Italie a énormément de mérites et qu’elle a réussi à éclairer de nombreuses situations locales différentes et même à produire des synthèses de grand intérêt. Ce que je vais dire ne doit donc pas être interprété comme une critique de la part de quelqu’un qui, au final, n’a pas fait plus que les autres, mais dans le sens d’une proposition pour un futur idéal de recherches qui ont encore de nombreuses et belles perspectives d’avenir. Je noterai ainsi trois objectifs : géographique, méthodologique et conceptuel.

21La géographie de l’Italie est, comme on le sait, une mosaïque hétérogène dans laquelle différentes réalités politiques, économiques et sociales ont longtemps prédominé dans les différentes parties de la péninsule, déterminant ainsi une variété de situations juridiques, de mentalités et d’opportunités économiques. Un fait intriguant/inquiétant est la persévérance des différences régionales sur la longue durée. Massimo Livi Bacci (1980) note le paradoxe suivant : les résultats provinciaux du référendum de 1974 sur l’abrogation de la loi sur le divorce sont statistiquement en mesure de « prévoir à rebours » la variation provinciale dans la fécondité légitime de 1931. J’ajouterai que la carte des provinces italiennes du vote pour le renouvellement du parlement du 4 mars 2018 est quasiment identique à celle du résultat du référendum du 2 juin 1946 sur le passage de la monarchie à la république (pour un examen plus général de la fracture nord-sud en Italie, voir Grassi, 1976). Les significations de chacune de ces variables sont différentes, mais la distribution des différences sur le territoire national semble assez constante. Si cela est vrai pour la société italienne en général, cela doit se manifester d’une manière ou d’une autre aussi dans la réalité juive des différentes régions de la péninsule. Les différents segments politiques et territoriaux de l’Italie ont de fait eu des attitudes différentes envers les juifs et ont conduit des politiques diamétralement opposées. De même, les juifs présents dans les différentes parties du territoire italien ont des histoires différentes tant en raison de leur provenance géographique (comme c’est encore visible à travers l’onomastique juive contemporaine, Della Pergola, 1984) que des différents modes d’interaction et d’intégration avec la société majoritaire. La plus grande fracture est évidemment liée à l’expulsion des juifs de la péninsule ibérique et des autres territoires espagnols qui se traduit, en Italie, par les expulsions du sud de l’Italie et des îles (Sardaigne et Sicile) et du duché de Milan au cours du xvie siècle. Une autre variable cruciale est l’intensité de l’emprise de l’Église catholique sur les pouvoirs locaux et sur la société environnante qui, à sa manière, a pu influencer les modalités des expulsions ou de la ségrégation dans des ghettos des communautés juives. Il faut ensuite prendre en considération les influences des puissances étrangères (Espagne, France, Autriche ou encore Papauté) sur les gouvernements locaux dans la manière de déterminer les conditions de l’existence ; et enfin les modalités et les temporalités de l’émancipation des juifs des différentes localités de la péninsule. On ne peut ignorer l’impact de ces phénomènes quand on étudie la démographie des juifs : ainsi, il n’existe pas de cas particulier pouvant être érigé en modèle représentatif de l’ensemble sans que les conditions locales aient été prises en considération, tout comme il n’y a pas de réalité proprement « italienne ». Cela nécessite donc à nouveau de faire preuve de beaucoup de prudence face aux généralisations sur les « juifs », que l’on risque de réifier en ignorant leurs caractéristiques culturelles et religieuses autonomes et leurs différents modes d’interaction avec l’espace environnant.

22D’autre part, et à la manière de ce qu’a proposé John Hajnal (1965) pour les populations européennes, c’est-à-dire une typologie sommaire des modèles familiaux à l’est et à l’ouest de la ligne virtuelle Trieste-Léningrad, il est possible d’envisager pour les populations juives une distinction de fond basée sur une typologie géographique sommaire. Dans ce cas, pour la période qui suit l’expulsion des juifs de la péninsule ibérique, je proposerais une ligne de démarcation qui relierait Tanger à l’ouest et Astrakhan à l’est et qui diviserait en substance l’espace dans le sens nord-sud – fondamentalement, mais non de manière exclusive – entre le monde chrétien et le monde musulman. Cette ligne virtuelle traverse l’Italie de manière emblématique plus ou moins à la hauteur de Rome. Le discours sur les juifs italiens doit tenir compte de ces partitions : dans l’histoire démographique de la famille juive avant le xvie siècle, sans doute encore insuffisamment étudiée en détail pour les juifs de l’Italie du sud, on s’attendrait à trouver des résultats différents par rapport à ceux des régions centro-septentrionales. Dans le centre-nord, on serait dépendant de modèles familiaux de nuptialité non universelle et de fécondité non maximale par rapport à d’autres régions européennes (Coale, Watkins, 1986). Mais afin de procéder ultérieurement à l’évaluation des différences locales et de la place de ces parties dans une vision d’ensemble, il faudrait mettre en œuvre une courageuse opération de collecte et d’unification de toutes les sources existantes dans une grande et unique base de données. C’est seulement de cette manière qu’il serait possible de vérifier les modalités de constitution et de reconstruction des familles, généralement tronquées dans les nombreuses monographies locales, en tenant compte des mobilités géographiques et de la présence d’individus déterminés dans de multiples localités (où ils pourraient notamment apparaître sous des noms différents).

23Il convient donc de noter que la pratique désormais bien consolidée dans les sciences expérimentales, de mettre en commun des matériaux collectés afin de développer de grandes recherches comparatives entre des dizaines de laboratoires, n’a pas été appliquée jusqu’à présent à l’écriture de l’histoire. Dans les sciences de laboratoire, les articles publiés ont jusqu’à 15 auteurs et cherchent parfois à parvenir à de grandes synthèses. Les articles d’histoire ou de démographie ont généralement un seul auteur, plus rarement deux ou trois, et présentent donc des observations ponctuelles ou des bases de données sélectives. Cette ambitieuse proposition de mettre ensemble toutes les ressources d’archives existantes me semble donc une voie à suivre afin de procéder au renouvellement de la recherche historique sur la famille juive. On peut calculer de manière un peu fruste que le nombre total de juifs ayant vécu en Italie entre l’an Mil et 1900 se situe entre 600 et 700 000 individus, en incluant les nouveau-nés emportés par la forte mortalité infantile et les juifs ayant transité par la péninsule lors de leur déplacement d’un pays à l’autre et en particulier à travers la Méditerranée. L’ampleur du problème technique inhérent à la création d’une base de données comportant toutes les personnes parvenues à l’âge adulte et documentées dans les différentes sources à notre disposition (recensements, registres de mariage, de naissance et de décès, archives notariales, judiciaires, etc.) est absolument insignifiante par rapport aux instruments de stockage et d’élaboration des données aujourd’hui disponibles. Ces sources ne sont pas encore toutes bien connues ou utilisées pour l’Italie, comme le démontrent, entre autres, les travaux récents de Michaël Gasperoni, qui s’appuient sur de vastes bases de données démographiques (2013, 2014, 2018a, 2018b).

24Il y a également une autre question, plus conceptuelle, qui concerne les contenus profonds de la recherche. Dans l’historiographie, il existe une sorte de tension entre les auteurs qui se sont concentrés sur l’histoire intellectuelle et ceux qui ont fait de l’histoire sociale leur principal objet de recherche. Si je voulais me limiter au panorama des historiens du judaïsme italien qui ont opéré dans les universités israéliennes, je dirais qu’après le travail fondateur de Shlomo Simonsohn et son grandiose effort de collecte systématique des sources, Roberto Bonfil (1990, 1995) et Ariel Toaff (2000, 2013) figurent parmi les représentants les plus connus des écoles antagonistes des études juives italiennes. Le premier a analysé l’expérience des élites intellectuelles et religieuses juives dans le contexte d’un panorama politique italien lui aussi dominé par des élites religieuses et de pouvoir. Le second a privilégié dans ses travaux les parcours de personnes appartenant aux différentes strates de la population, en prêtant une attention toute particulière au phénomène de la déviance sociale. De leurs travaux émergent deux histoires du judaïsme italien complètement différentes : la première est peuplée de doges, de rabbins, de banquiers et de marchands, attentive à la séparation entre les juifs et les autres et à la souffrance de la minorité face aux décisions parfois drastiquement punitives de la majorité ; la seconde s’est quant à elle concentrée sur les tapissiers, les cuisiniers, les tricheurs et les gens de mauvaise vie, mettant parfois l’accent sur les rapports charnels illicites entre juifs et chrétiens et vouée à souligner une plus grande interpénétration et intégration entre minorité et majorité, en particulier dans les classes populaires de la société. Les deux hypothèses historiographiques devraient idéalement être réunies dans un travail commun. C’est probablement la seule manière d’arriver à une vision d’ensemble satisfaisante de l’expérience des juifs dans la péninsule italienne, et en particulier de la démographie et de leur vie familiale.

25LA & MG  : Les travaux pionniers et fondateurs de Luciano Allegra, Eugenio Sonnino et les vôtres ont lancé, dans des cadres et des périodes différentes, avec des approches particulières, des chantiers de travail stimulants et novateurs. Pour rester sur la période moderne, les propositions de L. Allegra ont cherché à lier étroitement approche quantitative de l’histoire de la famille juive et analyse qualitative. Il s’agissait aussi d’une proposition visant à renouveler la démographie historique des juifs tout en revivifiant le filon de la microhistoire. Ce type d’approche reste toutefois encore marginal dans le champ des études juives et de l’histoire de la famille juive. Y a-t-il une certaine défiance envers la microhistoire ou envers les approches quantitatives dans ce domaine ?

26SDP : J’ai déjà évoqué ma prédilection pour les grandes synthèses et pour réintégrer l’Italie à l’intérieur d’un système global caractérisé par de fortes mobilités migratoires. L’Italie a toujours été une terre d’arrivée pour des personnes provenant d’horizons très différents, ainsi qu’une terre de départ vers d’autres rivages, mais elle n’a jamais joué le rôle de terre d’origine ou d’accueil de grandes masses de migrants juifs. Il est, selon moi, nécessaire d’analyser l’Italie dans un contexte géographique plus vaste – comme un pont entre la Méditerranée et l’Europe continentale – en tenant compte des conditions économiques mais aussi sociales liées à la culture et à la religion des différentes régions.

27Cela étant dit, il ne fait aucun doute que les travaux microhistoriques ont eu une fonction fondamentale pour permettre de passer d’une vision plus théorique, généraliste et agrégative à une démonstration désagrégée et concrète de ce qui est arrivé aux individus. Ce serait une erreur que d’interpréter les méthodes quantitative et qualitative comme antinomiques. Elles sont toutes deux essentielles et doivent être savamment combinées dans un travail qui, comme je l’ai évoqué, devrait impliquer la collaboration directe de plusieurs spécialistes. Il me paraît important de souligner que les « stratégies matrimoniales » qui émergent des récits plus particuliers doivent être interprétées dans le sens d’une préoccupation plus grande et générale de la survie et de la continuité juive qui ne peut avoir seulement une signification de défense des intérêts économiques, mais qui répond aussi à un impératif idéal d’existence.

28LA & MG  : Le panorama historiographique sur l’histoire économique et sociale des juifs a connu un renouvellement important au cours de ces deux dernières décennies (Israel, Karp, Penslar, Todeschini, Trivellato, etc.) et le thème de la famille a été particulièrement étudié du point de vue des réseaux sur lesquels les individus s’appuyaient pour développer leurs activités marchandes. À partir des premiers travaux de Jonathan Israel (2002), une empreinte économique des juifs a attiré en particulier l’attention des chercheurs : la perspective marchande. Les élites marchandes ont été particulièrement bien étudiées, soit parce qu’elles faisaient déjà partie de l’autoreprésentation juive à l’époque moderne (Simone Luzzatto, Discorso, 1638), soit parce que la dimension juive du commerce se marie assez bien avec le global turn des travaux actuels. En revanche, certains thèmes restent encore très largement dans l’ombre de ce renouvellement, comme par exemple la reproduction et la mobilité sociale, les métiers de la société du ghetto (Allegra, 2009b). Quel regard portez-vous sur le tournant économique des études juives au niveau européen ? Dès lors qu’on a abandonné les vieux préjugés et clichés présents dans certains travaux classiques (pensons en particulier à Werner Sombart), est-il possible d’étudier les spécificités économiques du monde juif dans une perspective interdisciplinaire qui ne soit pas trop étroite ?

29SDP : Simone Luzzatto (1638) a écrit un des textes les plus intéressants sur les juifs vénitiens, qui reste aujourd’hui tout à fait valable et anticipateur des théories économiques contemporaines. Mais l’objectif apologétique de son écrit, et donc la manière d’aborder son analyse, ne doivent pas nous échapper. Je suis clairement opposé à toute idée selon laquelle il y aurait des prédispositions juives, et en particulier dans le domaine des comportements économiques. Les particularités économiques du monde juif, tout comme celles d’autres groupes, doivent être étudiées dans le cadre d’une théorie générale de l’économie des minorités, comme par exemple celle proposée par Simon Kuznets (2012). En ce sens, les juifs font partie d’une phénoménologie plus générale. Par exemple, en réutilisant les données publiées à l’origine par Livio Livi sur le recensement de Rome de 1526 (Livi, 1914), j’ai pu montrer de manière cartographique que les juifs vivaient déjà en grande partie dans la zone où, près de trente ans après, fut institué le ghetto (Della Pergola, 1989b). Les différences résidentielles entre les différents groupes socioprofessionnels et aussi entre les groupes d’origines géographiques différentes n’en sont pas moins intéressantes (voir notamment Esposito, 1983). Dans la Rome du xvie siècle, les Toscans, les Piémontais ou les individus originaires de Corse, par exemple, ont des configurations résidentielles très différentes les uns des autres. Cela présuppose des réseaux sociaux différents, des activités économiques différentes, des échanges fréquents à l’intérieur de chaque groupe et donc le maintien de formes de cohésion culturelle significatives. Ces caractéristiques sont plus marquées pour les juifs, mais ne font pas défaut pour les autres groupes. Ce serait donc une erreur de se représenter une société générale homogène, de laquelle se détacherait uniquement la petite minorité juive. Voir les juifs exclusivement comme un épiphénomène homogène d’un groupe social particulier ou d’une certaine spécialisation économique me paraît diminuer l’appréhension globale d’une communauté qui, tout en tenant compte des limites imposées par l’extérieur, doit être décrite et étudiée dans toutes ses facettes et ses nuances, ses différences et ses fractures internes.

30LA & MG  : Les spécialisations traditionnelles de recherche tendent à restituer la césure révolutionnaire et l’époque de l’émancipation dans des perspectives d’étude différentes. Les explications classiques sur l’engagement massif dans l’administration publique et dans les professions libérales des juifs italiens au xixe siècle s’appuyaient sur le rôle de l’instruction, largement diffusée dans le monde juif. Cette sorte de « revanche » après des siècles de marginalisation et d’interdiction d’accéder aux institutions de la société majoritaire semblait découler d’une espèce de prédisposition « naturelle » des juifs aux études et à l’élaboration théorique, jusqu’à devenir l’explication unique de leur succès dans la période succédant à l’émancipation. Le risque évident était de s’enfermer dans des explications tautologiques sinon fortement stéréotypées, voire « raciales ». Il ne fait aucun doute que le degré d’instruction des juifs d’Europe à l’époque moderne était bien plus élevé que la moyenne générale de la population, comme l’attestent de nombreux travaux ; toutefois, comme le rappelle Luciano Allegra (2004, 197), « l’inclination des juifs à acquérir un degré élevé d’instruction devrait être rapportée à ses motivations et à ses stratifications historiques, plutôt qu’à un caractère inné présumé ». Sur ce point, il reste encore beaucoup à faire pour l’époque moderne et pour la période de l’émancipation. Quelles perspectives voyez-vous de ce point de vue ? Quels rôles peuvent jouer la démographie historique et les autres sciences sociales dans cette histoire à écrire ?

31SDP : Sur la question du rôle de l’éducation dans les processus de mobilité sociale des juifs, je partage certainement l’opinion d’Allegra. En effet, il est intéressant de relire le travail de Maristella Botticini et Zvi Eckstein (2012) qui ont fixé à l’an Mil la césure déterminée par le plus grand investissement des populations juives dans l’éducation de leurs enfants. En tenant à nouveau compte des énormes différences pouvant exister dans les diverses sociétés pour ce qui concerne les niveaux d’instructions, les communautés juives se sont partout distinguées par un avantage relatif par rapport à la population globale. Il faut donc approfondir l’étude de ces différences et de la manière dont elles auraient pu être influencées par des conditions particulières de l’économie de chacun des pays où ces communautés se trouvaient et à différents moments de l’histoire. Au cours de la transition démographique, il faut examiner conjointement et séparément le rôle des choix rationnels liés aux ressources humaines disponibles et aux opportunités d’emploi existantes, ainsi que des choix fondés sur des présupposés idéationnels. Dans l’étude des phases plus avancées et tardives de la modernisation, quand l’instruction devient un bien largement diffusé, il sera stimulant de vérifier si les différences entre les différents groupes tendent à disparaître et, dans le cas contraire, de comprendre les raisons de leur persistance.

32LA & MG  : Restons sur le thème de la famille à l’époque de l’émancipation. L’étude des mariages mixtes, auxquels vous avez consacré des travaux pionniers et pour lesquels nous disposons de quelques (mais encore rares) études pour certains pays européens, reste un champ particulièrement prometteur. Ce champ pose d’ailleurs un certain nombre de questions, d’ordre méthodologique et épistémologique, qui ont été affrontées de manière différente mais qui restent en suspens. Tout d’abord, quelles catégories doit-on/peut-on utiliser pour définir les juifs et les familles juives après l’émancipation ? Quelle fonction assigner à cet univers de rencontres ? Pour le dire autrement, les mariages mixtes sont-ils des facteurs d’intégration ou de désagrégation ou les deux à la fois ?

33SDP : La question de comment définir les juifs (et en général les groupes ethniques et religieux) nécessiterait une réflexion très longue qu’il n’est pas possible de développer ici (je renvoie à Della Pergola, 2014). Le problème de la définition de l’espace identitaire (Della Pergola, 2015, 2016) revêt un intérêt croissant ces dernières années à la lumière de l’augmentation significative des mariages mixtes. Parallèlement au processus d’émancipation, est advenue une transition dans les identités de groupe, qui sont passées de contraintes et caractérisées par une seule et unique option à volontaires et caractérisées par différentes options possibles. Dans le domaine de l’étude des populations juives, j’ai cherché à donner une définition systématique à de nombreuses situations qui peuvent se créer en notant surtout que le juif, au cours de l’histoire, a été défini non seulement par lui-même mais aussi, et dans une mesure décisive, par le non-juif. Le judaïsme traditionnel a sa norme bien précise pour ce qui concerne la définition de qui appartient ou non au groupe, même si au cours de l’histoire on est passé d’une définition patrilinéaire initiale à une définition matrilinéaire qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. Nous voyons les choses d’un point de vue empirique et non normatif, même si les bases normatives sont essentielles pour comprendre d’où nous sommes partis et dans quelle direction nous allons. Dans le passé, les barrières qui définissaient le juif comme individu et les juifs comme collectivité étaient généralement nettes et difficilement dépassables, même si l’on peut trouver quelques exceptions de passages dans l’une ou l’autre direction. Dans les sociétés contemporaines, les frontières entre les groupes sont devenues plus flexibles, fluides et poreuses.

34Dans le contexte post-émancipatoire et contemporain, il n’y a d’autre alternative que de multiplier les niveaux de réflexion. Pour cela, il faut tenir compte du fait qu’il existe différentes définitions possibles du collectif qui peuvent être imaginées visuellement comme une série de cercles concentriques. Il est recommandé au chercheur de prendre initialement la définition la plus vaste possible, quitte à désagréger ensuite les observations et documenter les différences pouvant exister entre les membres des différents cercles. Au centre de cette hypothétique configuration, nous pouvons situer ceux qui s’identifient comme exclusivement juifs – au-delà de leur niveau personnel d’engagement communautaire juif. Le noyau le plus coriace reconnaît la religion comme l’élément principal d’identification. Toutefois, de nombreux autres individus s’identifient exclusivement comme juifs, mais en dehors de tout intérêt ou toute expérience de type religieux. J’ai défini ces parties les plus visibles de la communauté comme population juive noyau. Une telle définition d’un individu comme juif, qui reflète des perceptions subjectives, se superpose en principe mais non nécessairement avec la Halakhàh (la loi rabbinique) ou d’autres définitions contraignantes du point de vue normatif. La population juive noyau peut inclure aussi tous les convertis au judaïsme, et ce concept offre une approche délibérément globale et pragmatique qui reflète la nature diverse des multiples sources de données démographiques disponibles. Au-delà du noyau, il y a un cercle plus vaste qui inclut ceux qui s’identifient aussi comme juifs tout en maintenant une ou plusieurs autres identités religieuses ou ethniques alternatives. Il s’agit en gros de personnes dont les parents appartiennent à des identités différentes. La définition de population juive élargie a été suggérée pour définir l’ensemble de la population juive noyau et tous les membres des unités familiales respectives, qu’ils soient juifs ou non juifs. Le cercle suivant comprend tous ceux qui ont une connexion avec des juifs, en vertu de liens plus ou moins distants entretenus avec des juifs, à travers leur famille d’origine ou collatérale. Notons encore que la Loi du Retour israélienne définit comme candidats à l’immigration en Israël et à la citoyenneté immédiate du pays les juifs, leurs enfants, leurs petits-enfants et tous leurs époux et épouses, qu’ils soient juifs ou non.

35Juste après l’émancipation, de la fin du xviiie siècle au début du xxe siècle, de nombreuses personnes de descendance juive choisissaient d’abandonner l’identité juive et d’adhérer exclusivement à une religion différente ou à une autre identité. Plus récemment, le processus d’éloignement des origines religieuses et culturelles du groupe juif advient plutôt à travers une indifférence croissante envers l’option identitaire, mais sans rites de passage formels. Dans l’expérience de la vie quotidienne, il est parfois difficile de distinguer de manière claire à quelle catégorie appartient une personne, parce qu’il existe aussi une constante mobilité de nombreux individus à travers les confins virtuels des différents cercles de référence. Cette observation est pertinente non seulement par rapport au temps présent mais aussi si l’on remonte le temps jusqu’à l’Inquisition : il suffit par exemple de penser aux conversos ou aux crypto-juifs de cette période et des périodes successives. L’expérience de recherche démontre néanmoins que les différents types recueillis dans notre typologie à cercles concentriques ont mis en acte des modèles très différents de transmission d’une pratique, d’une culture et d’une identité juives d’une génération à la suivante. La responsabilité de transmettre – c’est-à-dire de formuler une théorie et une routine de transmission de ces notions et de ces valeurs à leurs descendants – a été confiée surtout aux pans les plus religieux et les plus motivés de la communauté juive. Dans une perspective historique, nous assistons donc à une reproduction culturelle partielle et sélective d’une population juive, modulée par ailleurs par toutes les mutations identitaires qui peuvent se dérouler parmi les membres de chaque génération au cours du cycle de vie. Ce mécanisme sélectif se cumule aux effets des rythmes différents de reproduction intergénérationnelle causés par les divers niveaux de fécondité des unités familiales.

36LA & MG  : Écrire l’histoire des juifs, en particulier économique, démographique ou de la famille, a aujourd’hui une signification très différente comparées aux trois dernières décennies ? La prise de conscience d’une Italie multiethnique et terre d’immigration nous pousse à nous interroger sur un passé fait d’ondulations identitaires et de minorités. Le rôle public de l’historien qui s’occupe de « dénombrer les juifs » a-t-il une valeur sociale et politique différente ? Et quels échos cette situation peut-elle avoir – si elle en a – dans l’ouverture de nouveaux chantiers de recherche ?

37Mais ce qui nous intéresse, nous autres chercheurs, c’est surtout de comprendre, à travers l’étude de l’histoire, quels ont été les mythes monolithiques et quelle a en revanche été la réalité sociale et démographique dans sa diversité. On peut chercher à comprendre quels ont été et quels sont les possibles mécanismes de communication et de dépassement des barrières, des craintes et des préjugés entre les groupes, et quels mécanismes ont en revanche poussé et continuent de pousser vers d’inévitables affrontements et tragédies. L’expérience des communautés juives a été un véritable laboratoire de ces processus, et le prix payé a malheureusement été très lourd. Mais c’est justement à partir de ces expériences qu’il faudrait savoir et pouvoir tirer des leçons, ce qui permettrait de diminuer les conflits et de nous conduire vers un projet de société citoyen, partagé, et respectueux des différences.

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Notes

  • [1]
    Sur ces questions, nous nous limiterons à renvoyer au numéro spécial des Annales de démographie historique paru en 2015 (n°129), « 50 ans de démographie historique. Bilan historiographique d’une discipline en renouvellement » paru sous la direction de Fabrice Boudjaaba, Vincent Gourdon, Michel Oris, Isabelle Robin et Marion Trévisi.
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