Notes
-
[*]
Je remercie vivement Georgios Ploumidis de m’avoir ouvert les portes des archives de l’église de San Giorgio dei Greci et Tassos Anastassiadis, Katerina Konstantinidou, Katerina Korrè, Cesare Santus, Laurent Tatarenko pour leur relecture avisée et leurs précieux conseils.
-
[1]
Si « grec » et « orthodoxe » sont souvent deux termes interchangeables dans les sources, ils ne sont pas pour autant synonymes : des communautés grecques étaient catholiques (uniates) et l’essentiel des communautés orthodoxes de Dalmatie était composé de slaves (Grenet, 2015, 30-39). Selon la typologie employée par la Curie romaine à l’époque moderne, le qualificatif « grec » renvoie aux membres des communautés chrétiennes qui suivaient le « rite grec », autrement dit celles qui étaient les héritières de la tradition byzantine du christianisme. Cela explique pourquoi il était fréquent de rassembler sous cette même dénomination les slaves et les grecs (dans le sens actuel ethnico-linguistique), quel que soit leur rattachement juridictionnel (catholique ou orthodoxe) et leurs origines géographiques.
-
[2]
En principe, le mariage avec le représentant d’une autre Église chrétienne était contraire aux règles canoniques, en accord avec les décisions du concile in Trullo de 692. De fait, la reconnaissance légale de telles unions n’est intervenue que très tardivement dans le monde orthodoxe (sous Pierre Ier en Russie et au xixe siècle dans les régions balkaniques et en Grèce). Dans le même temps, les mariages mixtes pratiqués depuis longtemps dans les territoires pluriconfessionnels étaient tolérés par les autorités ecclésiastiques au nom du principe d’oikonomia (Pitsakis, 2003). Du côté catholique, l’Église a essayé d’encadrer et de formaliser plus précocement les mariages mixtes mais elle a néanmoins continué, de jure, à les traiter comme des exceptions à la règle à travers l’exigence de la dispense épiscopale (Naz, 1957).
-
[3]
De manière schématique, les mariages mixtes ont été analysés d’un point de vue dogmatique (Vukušic, 2007), en particulier quand ils mettaient aux prises des catholiques et des hérétiques (Cristellon, 2013, 2016 ; Scaramella, 2009, 2011) ; du point de vue de la construction d’identité composite (Kaplan, 2005, 2007, 2009) ; et sous l’angle du rapport entre communautés (Freist, 2002, 2009 ; Forclaz, 2009).
-
[4]
Les possessions ultramarines de Venise sont amputées des Cyclades en 1540 (sauf l’île de Tinos prise par les Turcs en 1715), de Chypre en 1573, de la Crète (Candie) en 1669, du Péloponnèse (Morée) en 1718 après une éphémère reconquête en 1684. Sont restées sous souveraineté vénitienne les îles ioniennes (l’île de Leucate étant reprise aux Turcs en 1684), la Dalmatie et une partie de l’Albanie qui s’étendirent aux dépens des Ottomans en 1699.
-
[5]
Le recensement, cité par Paladini (2003, note 97, 206-207) comptabilise 202987 Latins et 47211 Grecs en Dalmatie et Albanie vénitiennes.
-
[6]
L’extension de la juridiction de l’archevêque de Philadelphie sur les églises orthodoxes des possessions levantines vénitiennes fut accordée par le patriarche de Constantinople en 1644 et reconnue par Venise en 1653, mais contestée, dans la pratique, par le grand protopapas de Corfou, l’évêque de Céphalonie et Zante qui était placé sous la juridiction du métropolite de Corinthe (Carydis, 2010, 303 ; Zois, Ιστορία της Ζακύνθου, Athènes, 1955, 289).
-
[7]
ASPV, Curia patriarcale, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, f° 21r, copie du décret du Conseil des Dix du 17 juin 1569 : « che, essendo sempre stato comportato che li Greci vivano liberamente nelli Stati nostri et etiam in questa città secondo li riti et opinioni loro antique, dobbiate nell’avvenire usare ogni diligenza maggiore acciò non siano da quel Tribunale dell’Inquisitione introdotte novità, le quali sogliono per lo più partorire scandoli e disturbi, e specialmente che dal predetto Tribunal dell’Inquisitione non siano moltestati li Greci, pur che vivano secondo li riti et antique opinioni loro et che non entrino in queste nuove heresie ».
-
[8]
Ibid., f°23rv. Les archives patriarcales comportent la copie d’une lettre ducale du doge Niccolò da Ponte du 20 août 1578 (transcrite dans Fedalto, 1967, 134-135) : « Voi dovete sapere la diligenza che in ogni tempo havemo usato perché in quel Regno e nelli altri luoghi nostri dove si attrovano Greci gli sia osservato il loro rito, acciò che senza alcun impedimento possino continuar in quello che hanno fatto per tanto spatio d’anni, e perciò quando è occorso ne habbiamo fatto far offitio, et a Roma con li sommi Pontefici et al sacro Concilio di Trento, quando si è trattato di questo, giudicando noi che alla conservatione delli predetti luoghi nostri sia necessario di conservar a’ Greci i riti loro, come è anche il procurar che quelli che seguono il rito latino si conservino in esso et che aumentino ancora, onde abbiamo sempre fato offizio che li prelati latini faccino le loro residenze a questo fine di conservar et accrescer il rito latino ».
-
[9]
L’offensive catholique s’exerçait également dans le Dominio da Terra vénitien où un pope, qui officiait à Bergame auprès des mercenaires grecs des armées vénitiennes, se plaignit en 1622 du prosélytisme des jésuites et craignait que l’État vénitien vît en eux des schismatiques qui auraient été obligés de renier leur foi. Sur cette affaire, voir Korrè, 2008.
-
[10]
En 1582, à la suite de l’interdiction imposée aux popes de célébrer les sacrements à la demande de l’évêque catholique, une ambassade des représentants de l’île auprès de la Seigneurie avait obtenu le vote d’un décret du Sénat (10 décembre 1582) qui rappelait la nécessité de respecter le rite grec (Giotopoulou-Sisilianou 2002, 93-94).
-
[11]
ASVe, Senato, Mar, Deliberazioni, Registri, reg. 59, f° 64v-65r ; Ibid., Filze, filza 142, n° 1-3. L’affaire est rapportée par Giotopoulou-Sisilianou 2002, 96-97.
-
[12]
Ibid., n° 2, supplique écrite le 17 février 1599 et transmise par le provveditore de Corfou le 4 avril 1599 : « né Italiane che passano a mariti greci, né le Greche a passar a mariti italiani sì come è stato sempre praticato con universale sodisfatione non solamente in questa città ma etiam in quella inclita città di Venezia ».
-
[13]
Ibid., supplique datée du 13 avril, transmise le 15 mai 1599. L’Évangile, la Lettre et le psaume sont, d’abord, lus en grec par le pope orthodoxe, puis par le prête catholique en latin avant d’être baisés par les recteurs vénitiens, puis les juges grecs et latins et les syndics de la ville.
-
[14]
Ibid., filza n°3.
-
[15]
ASVe, Compilazione delle leggi, b. 228, “Greci”, f°148r, copie du décret du Sénat du 10 décembre 1582 : « non si conviene quando le donne latine si maritano con Greci proibir che li figlioli che ne nascono non abbiano a seguire il rito del padre et pigliar li sacramenti secondo esso loro rito, purché le donne non siano astrete lasciare il rito latino, et che all’incontro quando le donne greche si maritano con Latini possino esse a beneplacito loro restar nel suo natural rito et essergli amministrati li sacramenti dalli preti greci purché li figlioli abbino sempre a restar latini come quelli che devono seguir la natura et rito delli padri da queli hanno l’origine ».
-
[16]
Lunzi, 1858, 367-368 ; ASVe, Compilazione delle leggi, b. 277, « Matrimoni », f°434r-435r, copie du décret du Sénat du 31 juillet 1599 : « che non si conveniva quando le donne latine si maritano con Greci proibir che li figlioli non abbino a seguire il rito del padre purché le donne non siano astrette lasciar il rito latino, et che all’incontro quando le donne greche si maritano con Latini possano esse a beneplacito loro restare nel suo rito naturale, purché li figlioli abbino sempre a restare latini, come quelli che devono seguire la natura et rito delli padri ».
-
[17]
Ibid., f° 438rv, 440r.
-
[18]
ASVe, Senato Mar, Deliberazioni, Registri, reg. 59, f°64v : « che nell’avvenire non si haverà a sentir più molestia alcuna e potrà esser osservato quello che è stato permesso anco per lo passato circa li matrimonii de Greci con Latini, dovendosi conservar da Latini il rito latino senza poter passar al rito greco sotto pretesto de matrimonii, sì come già gli altre volte deliberate, e come è giusto e conveniente ».
-
[19]
Devant la volonté de Venise de restreindre la propriété ecclésiastique et de limiter le pouvoir des tribunaux ecclésiastiques, le pape Paul V jeta, en 1606, l’Interdit sur les sujets de la République de Venise au prétexte que celle-ci entendait juger deux prêtres selon le droit commun. L’enjeu pour Venise était de défendre la souveraineté de l’État face à l’ingérence du pouvoir pontifical. Ce conflit, qui se résolut grâce à la médiation de la France, donna lieu à une intense campagne d’écritures et mobilisa les plus éminents juristes, parmi lesquels, le servite Paolo Sarpi (Cozzi, 1979 ; De Vivo, 2012).
-
[20]
En mai 1610, en réaction de l’interjection en appel d’une cause devant le tribunal du nonce apostolique de Venise, Paolo Sarpi rappela que, selon la coutume et la décision du Sénat, seul l’archevêque latin de Candie était habilité à juger les litiges matrimoniaux entre Grecs (en l’absence de supérieur orthodoxe dans l’île) et que ce pouvoir était exercé non par commandement de Rome mais par délégation de la Seigneurie. Il déniait donc au nonce toute juridiction d’appel. Dans le parère du 15 septembre, il préconisa que l’archevêque déléguât sa juridiction de première instance et se réservât celle en appel sans altérer la supériorité de la Seigneurie vers laquelle les sujets pouvaient se tourner en ultime recours. Ce qui se jouait dans cette controverse, ce n’était rien de moins que la suprématie juridictionnelle de Venise sur ses sujets grecs. ASVe, Consultori in iure, filza 8, f°37r-38v, 5 mai 1610 ; Ibid., filza 10, f° 23r-32v, 15 septembre 1612. Je remercie Corrado Pin d’avoir aimablement mis à ma disposition, par le truchement de Mario Infelise, ces consulti de Paolo Sarpi dont il assure l’édition.
-
[21]
ASVe, Senato Mar, Deliberazioni, Filze, filza 238 et Consultori in jure, b. 15, f° 325r.
-
[22]
Sur les communautés grecques du Royaume de Naples, voir Falcetta 2016.
-
[23]
ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. S (20), copie du décret du Sénat du 9 juin 1634.
-
[24]
ASVe, Consultori in jure, b. 46, f° 172r-173r, consulto du 7 janvier m. v. 1641 (commentaires marginaux d’une autre main).
-
[25]
ASVe, Senato, Mare, Deliberazioni, Registri, reg. 99, f° 71r et Ibid., Filze, filza 338. ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. A, f° 31rv, copie du décret du Sénat du 11 mai 1641 : « Perché in avvenire non seguano inconvenienti ne gli essercitii del rito greco in cotesta città et intieramente s’aiutino le cose a quanto ricerca la pietà publica verso il culto divino, vi dicemo col Senato essere mente nostra che quei di cotesti fedelissimi et ogn’altro che venisse ad habitare del detto rito greco possano liberamente essercitar le ceremonie lor solite et servir il signore Iddio nella loro chiesa secondo le consuetudini loro, et che anco li lor sponsali et matrimonii seguano nelle forme solite et all’essequie de deffonti possano andar ricercati senza ostacolo di chi si sia li religgiosi, fraglie, hospedali et altri del rito latino ; onde così in tutte queste cose come in cadaun’altra resti per apunto sempre essequito quello che nel medemo rito greco si osserva in questa città, nel Regno di Candia, e negl’altri luoghi nostri del Levante senza imaginabile impedimento di chi si voglia ».
-
[26]
ASVe, Compilazione delle leggi, b. 228, « Greci », f°238rv, décret imprimé du provveditor de Corfou en date du 26 septembre 1643 : « che giornalmente dal rito latino si facci senza alcun freno, anzi in sprezzo delle publiche deliberationi, passaggio al rito greco, altri perché restando orfani del padre latino rimangano sotto l’educazione delle madri greche, altri per esser alla servitù de’ Greci che vengono alletati aderire alli patroni, et altri per diversi particolari fini » ; « che nell’avenire non ardiscano amministrare alcuno delli sette sacramenti della Chiesa, né esercitare alcuna funzione spirituale verso quelli, che per il mezzo del sacro battesimo dal principio si sono consecrati alla Chiesa latina, né meno verso li loro figlioli, eccetuato il sacramento del matrimonio, quando il marito fosse greco e la moglie latina, et eccettuate l’essequie funerali, quando intervenissero con Latini ».
-
[27]
ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. L (13), n. n., lettre de Pietro Vendramin, provveditor général de Dalmatie à l’archevêque de Zara, 6 mars 1728 : « riservatole bensì l’arbitrio d’avvisarne li publici rappresentanti in caso che, sedotte o forzate da loro mariti, passassero al rito greco le donne latine ».
-
[28]
Ibid., scrittura P. Celotti consulto 22 novembre 1742 : « eccesso che non può darsi maggiore rispetto ad un sudditto della serenissima Republica, prencipe cattolico, la quale non solo non ha mai permesso nelle parti di Levante e di Dalmazia abitate da Greci e Latini declinazione e pregiudizio alcuno al rito latino, ma anzi ha procurato con esemplarità e con l’industria di pia attenzione e sollecitudine di coltivarlo ed accrescerlo, come si vede da più deliberazioni antiche e recenti di quest’eccelentissimo Consiglio ed eccelentissimo Senato, le quali, se da un canto tolerano i matrimoni tra Greci e Latini, vietano però dall’altro ai Latini sotto pene di carcere e di galera il passar al rito greco. Tanto più dunque come nel caso presente saranno rei presso vostra Serenità di maggior delitto e meriteranno più severe pene quei Greci di rito serviano inimici giurati della cattolica religione se haveranno ardire di sforzar e violentar le proprie moglie latine e seguir il loro rito ».
-
[29]
La pleine souveraineté de Venise sur ses sujets grecs, y compris en matière religieuse, est rappelée au xviiie siècle, en particulier dans les années 1760 dans les îles ioniennes (Viggiano, 1998, 211-214).
-
[30]
Au début du xviie siècle, l’archevêque de Spalato (Split) voulut étendre sa juridiction sur les habitants de la Craina au-delà de la frontière aux dépens de l’évêque de Bosnie et des Franciscains. P. Sarpi répliqua que les évêques dans les possessions vénitiennes n’avaient pas juridiction à l’extérieur des frontières (« li vescovi proprii non abbiano giuridizione fuori ») en échange de quoi les évêques dont le siège était extérieur à la République n’avaient pas juridiction en son sein (Gambarin, 1938, 8-9).
-
[31]
Une bibliographie sur l’Église slave-orthodoxe de Dalmatie est donnée par Paladini (2003, 203-204, notes 50 et 53).
-
[32]
Sur la disponibilité matrimoniale, voir l’article « Stato libero » (1953) et sur l’exploitation des processetti dans une perspective démographique et sociale, voir Petraccone 1972, Belfanti 1994, Albani 2003-2004, Avorio et alii 2003, Canepari 2003.
-
[33]
ASVe, Compilazione delle leggi, b. 277, « Matrimoni », f°396r, 458r. Le 28 février 1662 m. v., le Sénat vote un décret qui oblige au respect rigoureux des règles en matière de célébration des mariages sur l’insistance du Patriarche qui déplore des abus et des fraudes. Il est, par ailleurs, exigé que les patriciens se présentent à l’Avogaria di Comun pour l’enregistrement de leur mariage avec les attestations (fedi) requises.
-
[34]
ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. L (13), n. n., copie du décret de Giustin da Riva, provveditor général de Dalmatie, 23 décembre 1706 : « Tanto quelli del rito latino quanto del rito greco dovranno soggiacere alle ordinazioni predette et ottenere le licenze e permissioni de superiori ; anzi, contraendosi matrimonio tra greco e latina, o latino e greca, nell’uno e nell’altro caso non si dovrà da parochi o sacerdoti, così dell’uno come dell’altro rito, congiungerli senza permissione e notizia degl’illustrissimi e reverendissimi prelati ordinari e vescovi latini, sotto tutte le pene di sopra espresse, e come s’è dichiarito ».
-
[35]
En 1747, le Sénat se penche sur le cas de la demande de séparation de Fiorina Degiudopolo de son mari Nicolò Mosconà qui devrait être soumise à la juridiction de l’archevêque de Philadelphie puisque le mariage avait été célébré selon le rite orthodoxe dans la maison de l’épouse. Or, à cette date, le siège de l’archevêché est vacant. Le Sénat accorde aux Patriarches de Venise et d’Aquilée de juger la cause, respectivement, en première et seconde instance, mais selon les lois du rite grec. ASVe, Compilazione delle leggi, b. 277, « Matrimoni », f°313v-314r, 521r, 523rv, décrets du Sénat du 18 janvier et du 8 février m.v. 1747. La cause, instruite en 1748, mobilise de nombreux témoignages contradictoires, cf. ASPV, Curia, Sezione antica, Filciae causarum, b. 130, 1746, n. n. La même situation se reproduit en 1772 lors de la séparation entre une épouse catholique (Giovanna Maria di Pietro Massato) et son mari grec (Giorgio Papadopoli q. Pietro) : ASVe, Compilazione delle leggi, b. 277, « Matrimoni », f° 525r.
-
[36]
ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. P, f° 7r-8r ; ASVe, Compilazione delle leggi, b. 228, « Greci », f° 375rv, copie du décret du Sénat du 12 avril 1710 : « Quanto ai matrimoni tra Greci e Latini si osservi il prescritto dal Senato 31 luglio 1599, non dovendo esser impediti con dichiarazione ch’ogn’uno de’ sposi segua il proprio rito. La prole sia educata in quello del padre, le solennità del contratto dipenda dalla condizione del uomo, né il sacredote greco sposi la latina, né il latino la greca, senza fedi di libertà, e nelle cause pure di divorzio spetti la cognizione al prelato di quel rito che con il metodo di sopra espresso averà benedetto il matrimonio ».
-
[37]
« A danno e turpitudine della figliolanza rispetto all’illegitimità e con ingiuria delle costituzioni del sacro Concilio di Trento ». Cité par F. M. Paladini (2003, 174).
-
[38]
Les données – tirées de ASVe, Consultori in jure, b. 426aa, Dettaglio dell’anime di rito latino e di rito greco (…) nella provincia – sont jugées partielles et sousévaluées par F. M. Paladini (2003, 206-207, note 97). À Sebenico l’estimation comptabilise 29970 catholiques et 10737 orthodoxes.
-
[39]
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 4a, fasc. 3, n°18, f°10rv : « Sappia per tanto vostra S. illustrissima e reverendissima qualmente capitata l’occasione ad un greco della parochia Krisca di collocarsi in matrimonio con una puta di rito latino, sono ricorsi al reverendo vicario Disnico per ottenere la fede di libertà della figlia medesima, onde poter suseguentemente celebrare gli sponsali giusto il rito greco ; il predetto reverendissimo signore vicario ricusò la prefatta fede di libertà quando non si assogetasse a suoi esami il greco sposo ».
-
[40]
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 6b, fasc. 22/1-16.
-
[41]
Ibid., n° 8, 2 février m. v. 1783 : « che, essendoli attrovati già giorni otto circa in casa del reverendo padre frà Bonaventura Billupich, attuale parroco nel Borgo sudetto, comparse personalmente il capelano de Greci reverendo papà Basiglio unittamente al detto Steffano Celar, il quale ricercò al medisimo parroco la fede del stato libero della sudetta Petriza Celar per passare a matrimonio con Simon Scocich q. Michiel dal Bordo sudetto di rito greco, e gli fu risposto dal sudetto reverendo parroco che nel proposito ha egli fatto ciò che li incombeva e che aveva spedito l’occorente in curia vicariale ».
-
[42]
Ibid., n°11, 11 février m. v. 1783 : « il […] parroco latino del Borgo sudetto abbia esteso una fede concernente la parentella di Simon Scocich con Petriza figlia di Stefano Celar col fondamento delle attestationi di detta capitulare, il che non è assolutamento vero mentre essi non hanno mai asserto tal cosa ».
-
[43]
Ibid., n°9, 5 février m. v. 1783.
-
[44]
Ibid., n°12, 11 février m. v. 1783 : « avendone di fresco anche in presenza di testimoni esposto al reverendo paroco di rito greco di questo Borgo i ben giusti e onesti motivi per li quali per non offender il suo decoro e machiar la sua conscienza, non fu in caso di rilasciare una fede libera come per lo passato ha stillato con tutte le femine di rito latino che passarono a matrimonio con Greci, delle quali oggidì vivono cinque, come facilmente si può provare ».
-
[45]
Ibid., n° 13, 11 février m. v. 1783 : « (il) reverendo signore vicario capitolare don Domenico Mistura che, invece di far tenere al solito la ricercata fede di libertà a Petrizza figlia di Stefano Celar che desiderava congiungersi in matrimonio con uno del rito greco, come fu pratica da prelati in passato e come era stato promesso dallo stesso reverendo signore vicario al reverendo papà Matteo Vejà officiatore e parroco greco in questa città et all’altre persone e ratificato anco alla presenza del pubblico rappresentante, à rilasciato a seconda del reverendo parroco latino frà Bonaventura Billussich una fede del tutto ultronea e non ricercata d’alcalcunoché forma una incompetente inquisizione, una novità di esempio e contro il consueto ben noto ad esso signore vicario, sopra l’onesta parentella di Simon Scocich di rito greco, aspetta unicamente al parroco di detto rito, come quello che in tal caso per publica providenza deve celebrare la solenità del contrato, cose tutto che vengono a frastornare un matrimonio tra greco e lattina tuttoché stabilito e concluso di commun consenso delle parti contraenti et ad arogarsi possibilmente incompetenti diriti turbativi la libertà de riti contro la publica costante volontà ».
-
[46]
ASPV, Sezione antica, Curia, Examinum matrimoniorum, b. 268, f°346v, 16 juillet 1765.
-
[47]
Les processetti matrimoniali donneront lieu à un programme de recherche sous la direction de J.-F. Chauvard et financé par l’ANR entre 2019 et 2022. Pour l’heure, voir Belfanti, 1994 et Canepari, 2008.
-
[48]
Synodus Veneta ab Illustrissimo & Reverendissimo D. D. Laurentio Priolo Patriarcha Venetiarum, Dalmatiaeque Primate, secundo anno sui Patriarchatus celebrata. Diebus 9. 10. et 11 septembris M.D.X.C.I.I. Sanctiss. D. N. Clemente Octavo Pontifice Maximo Sedente. Venetiis, MDCLXVIII, Ex Typographia Pinelliana. De Matrimoniis ritè contrahendis, cap. VII, p. 25.
-
[49]
Le métropolite de Philadelphie élu en 1685, le philo-catholique Meletios Typaldos, fonda une confrérie grecque-catholique sous le patronage de saint Spyridon et remit en vigueur les décrets du Conseil des Dix obligeant les fidèles de San Giorgio à faire une profession de foi catholique. L’élection de métropolites philo-catholiques conduisit le patriarche de Constantinople à excommunier en 1761 le métropolite Grigorios Fatseas. Cette période de tension prit fin en 1780 quand le nouvel archevêque Sofronios Koutouvalis ne fut plus obligé de signer une profession de foi catholique (Tsirpanlis, 2002 ; Grenet, 2016, 34-36).
-
[50]
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 4a, fasc. 18/2, f°136-140.
-
[51]
Sava II Petrovich était le métropolite du Monténégro qui résidait alors à Cetinje.
-
[52]
Ibid., fasc. 58 : « 15 giugno 1767.
Facio fede io infrascritto confessore del signore Zuanne Doncovichi qualmente il sopradetto Zuanne Doncovichi è di rito greco e libero giusto la sua confessione, capace di aver per moglie ogni putta christiana, munita coli requisiti necessari, di buoni costumi e libera di ogni impegno a qual’oggetto si rilascia la presente al sopradetto Doncovichi per valersene in’ogni sua occorenza. Sarvomonaco Doroteo Vasmulo suo confessor affermo come sopra ». -
[53]
Ibid., b. 6b, fasc. 15, p. 14 : témoignage d’Agapio Loverdo et Catterina et Margarita Nadali en faveur de Pasqual Grammaticopulo de Céphalonie futur époux d’Anna Gosato q. Antonio, 15 août 1783 s. v. : Int. : se conoscono il signor Pasqual Gramaticopulo / Resp. : di sì / Int. : se è di rito greco e battezzato alla greca secondo l’uso della nostra Chiesa oriental / Resp. : di sì / Int. : se il sudetto signor Gramaticopulo à mai incontrato matrimonio et è estato mai impegnato o qua o via di qua, et è in presente libero / Resp. : di non esser mai stato altro cognizione che il signor Gramaticopulo sia stato mai maritato o impegnato ne qua ne via di qua anzi asseriscono che è libero / Int. : se conoscono la sudetta Anna Gosato / Resp. : di sì / Int. : se il sudetto signor Gramaticopulo ha nessuno parentela con la signora Gosato sudetto / Resp. : di no.
-
[54]
Ibid., fasc. 19/1 : « possible di aver la fede del mio battesimo, stante in quelle parti ove nascò non si accostuma tener veruna sorte di registro ».
-
[55]
Ibid., fasc. 15, p. 20-22.
-
[56]
Ibid., fasc. 12, 4 avril 1784. Quand on lui demande si on l’a forcée à être baptisée, elle répond : « Nessuno l’andò viollentata, anci essa mostrò tutto il desiderio e non vedeva l’ora di arivar in cristianità per aver l’aque del santo battesimo ».
-
[57]
L’église de San Giorgio tenait depuis 1599 des registres de baptêmes et de mariages, mais pas des sépultures qui étaient enregistrés dans les registres de l’église paroissiale de Sant’Antonin.
-
[58]
Ibid., fasc. 34/1 : « nel libro in cui si registrano li nomi delli battezzati, tenuto da questi reverendi capellani della chiesa di San Giorgio, non si ritrova il quello registrato il proprio di lei nome e batesimo et non che le seguenti precise et uniche parole, cioè 1765 24 febraro m. v. Margarita figlia legitima del signor, e tutto la restante iscrizione omessa ».
-
[59]
Ibid., fasc. 102/ 1-2.
-
[60]
Ibid., fasc. 99/1-7.
-
[61]
Ibid., fasc. 15, p. 15, licence pour le mariage de Pasqual Grammaticopulo et d’Anna Tosato, 18 août 1783 s. v. : « Per parte della signora Anna Tosato q. Antonio non furono chiamati dal’officio testimoni, ma vedi in filza intitolata Fedi e libertà di matrimonio al n°6 ».
-
[62]
Ibid., fasc. 15.
-
[63]
Ibid., fasc. 94.
-
[64]
Ibid., fasc. 39/1 : « alla greca e che dove naque il medesimo non conservano registri di sorte alcuna, d’esser paesi presentemente possessi dagli infedelli maomettani ».
-
[65]
Ibid., fasc. 34, p. 20-21.
-
[66]
Ibid., fasc. 34, p. 23-24.
1Alors que le mariage chrétien était fermé, par définition, aux Infidèles dont la conversion préalable était une condition absolue, celui entre orthodoxes et catholiques, entre Grecs et Latins selon la terminologie des temps modernes [1], n’était pas prohibé en dépit de limitations canoniques [2] [3]. Il unissait deux chrétiens par le baptême, mais de professions de foi et de rites différents. Les mariages mixtes ne posaient pas moins deux difficultés qui tenaient au fait que l’Église orientale admettait le divorce sous conditions et que la validité du mariage y reposait sur la participation d’un prêtre alors que le mariage latin accordait une centralité au consentement (Orlando, 2014, 271-306 ; Schemri, 2017). Outre le rite dans lequel le mariage devait être célébré, la pomme de discorde portait sur la foi dans laquelle les enfants devaient être baptisés et élevés et sur le risque de conversion d’un des époux. Il était généralement admis que les mariages seraient célébrés et les enfants baptisés dans la religion du père, même si les traditions locales pouvaient imposer d’autres usages. Ces mariages constituaient des sujets de tension potentielle car ils étaient propices à l’ingérence et à la manipulation des Églises. À la faveur du raidissement des frontières confessionnelles qui suivit le concile de Trente (Peri, 1973), les unions mixtes ne perdirent pas leur validité, mais furent plus difficilement acceptées et les familles qui en étaient issues constituèrent un terrain propice à l’action missionnaire des Églises (Cristellon, 2011).
2Dans ce contexte, la République de Venise occupait une position singulière parmi les États catholiques du fait de l’extension de ses possessions ultramarines à une partie du monde grec [4] (les îles ioniennes en particulier), à des espaces, comme la Dalmatie et l’Albanie, où cohabitaient localement des communautés latines et des communautés slaves orthodoxes, dites « serviennes »(Obrknezevic, 1979), et également à cause de la présence dans la cité lagunaire même de très nombreux Grecs, qui, pour partie, furent chassés par l’avancée turque et qui formaient, au tournant des xve et xvie siècles, la seconde, sinon la première communauté étrangère, forte de quatre à cinq milles âmes (Imhaus, 1997). Les travaux de E. Orlando et de C. Ersie Burke ont montré que les mariages dans la Venise du xvie siècle entre Grecs et Latins étaient loin d’être marginaux : sur 200 mariages qui impliquaient un Grec, le tiers concernait des mariages mixtes qui se nouaient dans des segments sociaux très différents, des plus humbles marins à de grandes familles marchandes (Orlando, 2007, 2014, 349 ; Burke, 2016, 31-54). Dans le Dominio da Mar – en Dalmatie, dans les îles ioniennes – la pratique n’a pas été quantifiée, mais la population susceptible d’être concernée était bien supérieure (McKee, 1993). Les comptages – jugés approximatifs – des autorités vénitiennes font état, à la moitié du xviiie siècles en Dalmatie, de 200 000 Latins et 47 000 Grecs [5]. Ils ne disent mot du nombre des mariages mixtes que le manque d’études démographiques ne permet pas, à ce stade, de quantifier. Par conséquent, il est aussi difficile d’établir les raisons qui poussaient à se marier hors de sa communauté d’appartenance. Au-delà des motifs individuels qui ne sont pas à exclure, comme nous le verrons, les mariages mixtes interrogent la structure du marché matrimonial dont l’étroitesse pouvait conduire à prendre conjoint dans l’autre communauté du fait des interdits canoniques. Ils révèlent, en outre, l’existence de relations de parentèle qui ne suivaient pas les frontières religieuses car elles obéissaient localement à d’autres logiques liées au partage des ressources et à l’affiliation à des factions (Paladini, 2003, 197). Dans la noblesse où primaient des considérations de statut, la pratique était aussi banale. La mesure de l’étendue du phénomène serait bien sûr précieuse pour rapporter les controverses et les conflits dont il était l’objet à la réalité. On peut néanmoins émettre l’hypothèse que le sujet des mariages mixtes eut une existence propre sur le plan institutionnel et juridictionnel indépendamment de leur fréquence qui restait, quoi qu’il en soit, limitée.
3Dans le contexte post-tridentin de rigidification des barrières confessionnelles et de renforcement de la discipline matrimoniale, cet article entend donc aborder, successivement, deux dimensions des mariages mixtes : d’abord, leur dimension éminemment politique qui conduisit les autorités vénitiennes à réaffirmer leur attachement pragmatique aux mariages entre Grecs et Latins contre les tentatives de remise en cause des usages établis qui agitèrent de manière sporadique le Dominio da Mar. Ensuite, leur traitement administratif de la part des Églises pour lesquels les mariages mixtes ont, certes, été une source de tensions dans un climat de rivalité, mais aussi de collaboration car ils étaient soumis, en amont, aux mêmes procédures de contrôle, quel que soit le rite dans lequel ils étaient célébrés. Pour apprécier la nature de cette collaboration, la prise en compte du contexte local a toute son importance. Le contrôle du statut matrimonial des futurs époux fut l’un des nombreux sujets de frictions entre les deux Églises au xviiie siècle, au niveau local, en particulier en Dalmatie, alors qu’il reposa, à Venise même, sur la mise en place de procédures similaires, voire communes, entre la curie patriarcale catholique et l’archevêque orthodoxe de Philadelphie.
La défense des mariages mixtes, une affaire de souveraineté
4L’attitude des autorités vénitiennes à l’égard des mariages entre Grecs et Latins s’inscrit dans le cadre plus large de la reconnaissance de la liberté religieuse des sujets de rite grec. À l’image d’autres communautés étrangères présentes à Venise, les Grecs reçurent le droit de disposer d’une confrérie, en 1498, et de célébrer selon leur rite, d’abord dans une église catholique, S. Biagio, puis en 1514, dans une église propre, San Giorgio dei Greci, en accord avec le Saint-Siège (Fedalto, 1967, 2002 ; Manoussacas, 1973 ; Birtachas, 2002). Soustraite à la fois à la tutelle du patriarche de Constantinople et à la juridiction du patriarche catholique de Venise, cette église se vit reconnaître un régime ecclésial propre dont le titulaire, qui fut élevé au rang d’archevêque de Philadelphie en 1577, chercha à étendre, sans y parvenir complètement, sa juridiction à tous les orthodoxes des domaines vénitiens [6] et se trouva, de fait, placée sous l’autorité du pouvoir politique qui garantissait, en retour, la liberté de culte à ses sujets de rite grec. Cette liberté passait par l’acceptation des mariages mixtes dans l’esprit du concile de Florence, dans le respect des usages établis et dans l’intérêt bien compris de la République. L’appréciation des mariages mixtes dépendait localement du rapport de force entre Grecs et catholiques et du sexe des conjoints. À Venise même, où l’hégémonie de l’Église romaine allait de soi, ils étaient, aux yeux des autorités, un gage d’intégration car un étranger qui épousait une Vénitienne avait accès au premier grade du droit de citoyenneté qui lui ouvrait les portes du marché du travail urbain. Dans les territoires composites du Dominio da Mar, le problème ne se posait pas dans les mêmes termes là où les catholiques étaient majoritaires (Dalmatie) et là où les Grecs représentaient l’essentiel de la population (Candie, îles ioniennes). La Sérénissime était soucieuse d’assoir son pouvoir à travers la présence de sujets de rite latin dont la religion avait un statut privilégié. C’est pourquoi elle fut réticente devant les mariages mixtes quand ils pouvaient, comme en Crète, avoir des conséquences préjudiciables sur la transmission des fiefs ou le contrôle des conseils de ville. Ce que recherchait par dessus tout Venise, c’est la préservation de la fidélité de ses sujets, gage de la paix publique et de la perpétuation de sa souveraineté. Cela passait par la défense des mariages mixtes quand ils étaient un outil de concorde entre les communautés, mais aussi par la vigilance quand on craignait qu’ils rompent des équilibres.
5Pour la Sérénissime (comme pour les Habsbourg), il était primordial de s’assurer la fidélité de ses sujets grecs dans des zones de confins où ils pourraient être tentés de fuir vers l’Empire ottoman ou de rechercher sa protection. Avec constance, le gouvernement mit tout en œuvre pour garantir les usages et les rites en vigueur. C’est ainsi qu’il intervint, par l’entremise de ses ambassadeurs, dans les discussions du concile de Trente sur le divorce pour que ses sujets grecs, qui l’admettaient en cas d’adultère de la femme, ne fussent pas frappés par l’interdiction (Fransen, 1970 ; Pani, 2014). Après le concile qui entraîna un renforcement du contrôle de l’Église sur les orthodoxes présents dans les État catholiques, le gouvernement vénitien s’efforça de rester fidèle à l’esprit du concile de Florence d’autant que la perte de Chypre, en 1571, lui fit prendre conscience de la nécessité de s’assurer de la fidélité des sujets orthodoxes dans ses dernières possessions du Levant.
6Les autorités vénitiennes se sont toujours décidées à légiférer ou à rappeler les lois antérieures quand des affaires, survenues localement, parvenaient à leurs oreilles par le truchement de leurs officiers, des suppliques qui leur étaient adressées par les communautés ou de l’interpellation de l’archevêque de Philadelphie. Ces affaires, qui nous sont connues à partir des traces qu’elles ont laissées dans les archives des conseils centraux ou dans les compilations juridiques réalisées dans la seconde moitié du xviiie siècle, ne nous renseignent pas sur l’intensité et la fréquence des frictions qui pouvaient survenir localement autour des mariages mixtes et qui ne dépassaient cette échelle.
7Au nom de la liberté laissée aux Grecs d’observer leurs propres rites, le Conseil des Dix s’opposa, en 1569, à ce que le tribunal de l’Inquisition puisse les poursuivre en assimilant « leurs antiques opinions » aux « nouvelles hérésies » [7]. En réaction à la situation crétoise, une lettre ducale, datée du 20 août 1578, réaffirma la nécessité de « conserver les Grecs dans leurs rites ». Avec pragmatisme, le décret exigeait des prêtres orthodoxes obéissance à l’officiel catholique en contrepartie de quoi ils pouvaient librement prêcher dans leurs églises à condition de « ne pas parler ni contre l’État, ni contre le rite latin » (« purché non parlino di cosa di Stato né contro il rito latino »). Le décret n’établissait pas d’équivalence entre les deux rites puisqu’il appelait de ses vœux l’expansion du catholicisme [8].
8Le gouvernement vénitien rappela périodiquement, à partir de la fin du xvie siècle, son attachement à la liberté confessionnelle des sujets grecs en réponse à un certain nombre d’incidents qui survinrent dans ses possessions adriatiques et qui furent provoqués par des prélats catholiques zélés [9].
9L’épisode le plus sérieux eut lieu en 1599 à Corfou qui avait déjà été le cadre de tensions en 1582 (Setti, 2015, 50-52) [10]. L’île, majoritairement peuplée d’orthodoxes, était le siège d’un archevêché catholique. En avril 1599, les représentants de la communauté de l’île adressèrent une longue supplique à la Seigneurie, composée de six chapitres où étaient exposées diverses doléances [11]. Le premier concernait le mariage entre une pauvre italienne (catholique) et un Grec dénommé Condostano. Unis six mois plus tôt par un prêtre orthodoxe, ils vivaient, selon leurs dires, en bonne harmonie quand l’archevêque de Corfou, le patricien vénitien Vincenzo Querini (1697-1618), ordonna que la jeune fille fût retirée à son mari au prétexte qu’ils étaient de rite différent et qu’aucun concile n’avait proclamé une unité de foi entre Grecs et Latins. L’affaire fut portée à la connaissance du Provveditore de l’île qui ne parvint pas à convaincre l’archevêque de revenir sur sa décision. Le nouveau cas d’une jeune fille d’origine italienne, Giacomina, qui aurait été enlevée et conduit hors de Corfou alors que sa dot avait été versée, provoqua l’ire des habitants qui se tournèrent directement vers le gouvernement vénitien pour obtenir le respect des coutumes ancestrales. Dans leur supplique, ils exigeaient que l’épouse soit rendue à son mari mais aussi que les archevêques latins n’empêchent pas à l’avenir les mariages « d’Italiennes qui se marient à des Grecs, ni ceux des femmes grecques qui se marient à des Italiens, comme il a toujours été pratiqué avec une universelle satisfaction non seulement dans cette ville mais aussi dans l’illustre ville de Venise » [12]. Cette affaire s’inscrivait dans un contexte plus large de remise en question des privilèges réservés aux Grecs par l’archevêque Querini qui, avant son départ, avait modifié le cérémonial des solennités dans la cathédrale en retirant aux juges locaux le privilège de baiser les Évangiles après les recteurs vénitiens [13]. Dans deux lettres du 9 mars et 18 mai, le Provveditore de Corfou rendit un avis, marqué du sceau de la prudence, favorable au statu quo tandis qu’une ambassade de la Communauté de Corfou fut formée pour porter ses doléances auprès du Collège [14].
10La délibération du Sénat, en date du 31 juillet 1599, mit un terme à l’affaire en rappelant les principes qui guidaient la Sérénissime en matière de mariage entre Grecs et Latins. Inspirée par la conservation de la « quiétude commune », elle exhortait l’archevêque Querini à « s’abstenir de toute nouveauté ». Après avoir rappelé que la Seigneurie s’opposait, comme le prélat, à la conversion des sujets catholiques, elle renvoyait à une délibération antérieure de 1582 [15] qui avait été adressée à l’archevêque de Philadelphie et qui stipulait que les femmes latines qui épousaient un homme de rite grec n’avaient pas à abandonner le rite latin et inversement, mais que les enfants nés de ce type de mariage devaient être élevés dans la religion du père [16]. Une autre délibération votée le même jour (31 juillet 1599) exhorta l’archevêque de Corfou à appliquer ces principes sous le contrôle du Provveditore de l’île [17]. Le 9 août, le Collège demanda à l’unanimité que fussent observées les règles qui avaient cours au sujet du mariage des Grecs et des Latins en prenant soin de rappeler que les Latins ne devaient pas adopter le rite grec « sous prétexte de mariage » [18].
11L’hostilité de certains prélats catholiques − d’origine vénitienne − au mariage entre Grecs et Latins dans le Dominio da Mar se manifesta à nouveau dans la première moitié du xviie siècle. Elle fut parfois si virulente qu’elle obligea les autorités politiques à intervenir pour rappeler les usages en vigueur. Ces incidents s’inscrivaient dans le cadre plus large du conflit juridictionnel entre Venise et la papauté qui culmina avec l’Interdit de 1606 [19], mais qui s’exprimait sur un mode mineur dans maints sujets parmi lesquels figurait la tutelle sur les sujets grecs. Paolo Sarpi, le maître d’œuvre de la riposte doctrinale de la Sérénissime dans la bataille juridique qui l’opposa à Rome en 1606-1607, traita, en qualité de consultore in jure, de deux affaires matrimoniales (Gambarin, 1938 ; Fedalto, 1986 ; Frajese, 1994 ; Setti, 2014).
12La première, qui se déroula entre 1609 et 1612, concernait la juridiction habilitée à recevoir l’appellation d’une sentence de l’archevêque catholique de Candie dans une cause matrimoniale impliquant deux sujets grecs [20].
13La seconde affaire, qui eut lieu en 1622 et qui avait été portée à la connaissance de la Seigneurie par l’archevêque de Philadelphie, naquit de l’interdiction opposée par l’évêque de Sebenico (Šibenik en Dalmatie) au mariage entre un homme de rite grec et une femme de rite latin. Le parère de Paolo Sarpi était concis dans la mesure où il jugeait que la réponse avait déjà été apportée par des délibérations du Sénat au sujet de cas similaires advenus à Candie et Corfou – il s’agissait d’une allusion au décret de 1599 [21]. Deux arguments furent convoqués en faveur de l’autorisation de ce type de mariages : le fait qu’ils fussent pratiqués en Calabre sans que Rome s’y opposât et le fait que l’usage fût « fondé sur l’ancienneté » [22]. Se rangeant du côté des intérêts de l’autorité politique, Sarpi jugeait que l’introduction d’une « telle nouveauté » causait « scandales et divisions parmi les peuples ». Les matières mixtes, impliquant Grecs et Latins, relevait pour lui de la souveraineté exclusive de l’État vénitien (Stella, 1964 ; Cozzi, 1979).
14Périodiquement, l’intervention de prélats catholiques qui tentaient d’interdire les mariages mixtes provoqua la plainte de l’archevêque de Philadelphie auprès du gouvernement. En juin 1634, un décret du Sénat, envoyé aux représentants vénitiens à Candie (Crète), Corfou, Zante, Céphalonie et Cerigo (Cythère), reprit les arguments établissant que l’Église grecque n’était pas schismatique en donnant pour preuve une situation de fait : le mariage de Latins avec des femmes grecques et de Grecs avec des femmes latines [23].
15En 1641, une nouvelle affaire se posa exactement dans les mêmes termes que celle de 1622 : l’archevêque de Sebenico avait déclaré nul un mariage entre un dénommé Nicolò de rite grec et Giovanna de rite latin [24]. Le consultore in jure réaffirma alors la validité du mariage entre orthodoxes et catholiques, comme par ailleurs celui entre hérétiques et catholiques. Selon lui, la décision de l’archevêque s’appuyait sur une interprétation abusive des règles du concile de Trente qui requéraient la présence d’un prêtre de la paroisse de l’épouse. Or, il semble que le mariage ait été célébré par un prêtre orthodoxe sans magistère paroissial. Mais ce n’était pas un motif suffisant de nullité car le mariage avait été célébré selon les usages en suivant le rite grec. Cette affaire servit de prétexte, en mai 1641, à un nouveau décret du Sénat qui réaffirma le droit de suivre le rite grec dans les cérémonies de mariage à Sebenico, en Crète et dans les possessions du Dominio da Mar [25].
16Dans le même temps, le gouvernement veillait à ce que la frontière confessionnelle ne fût pas franchie par des conversions forcées aux dépens de la religion catholique dont il œuvrait au maintien et à la propagation. En 1643, avec l’accord du vicaire de l’archevêque, le Provveditor de Corfou fit imprimer un décret qui visait à empêcher les passages à la religion orthodoxe de catholiques, soit parce que, orphelins de père, ils étaient élevés par leur mère grecque, soit parce qu’ils travaillaient au service de Grecs. Dans le même décret était dénoncée l’administration abusive de sacrements par des prêtres de rite grec à des fidèles catholiques, à l’exception notable du mariage quand « le mari était grec et l’épouse latine » [26].
17Les archives des magistratures centrales ne se font pas l’écho d’autres affaires avant le xviiie siècle. Ce qui frappe alors, c’est la constance avec laquelle les autorités vénitiennes se référent à la législation passée quand il leur faut réagir aux plaintes contre les pressions que des maris grecs auraient exercé sur leur épouse de religion catholique. En mars 1728, le provveditor général en Dalmatie, Pietro Vendramin, écrivit à l’archevêque de Zara pour lui rappeler la teneur des décrets « anciens et récents » qui regardaient le mariage entre Grecs et Latins et l’attention que portaient les autorités publiques aux femmes latines « séduites ou forcées par leur mari à passer au rite grec » [27]. En 1742, P. Celotti remit un consulto aux Chefs du Conseil des Dix dans lequel il faisait état des violences exercées par Socco Rujetovich de rite grec (dit servien) sur sa femme et sa belle-sœur pour qu’elles abandonnent la religion catholique en proférant des paroles blasphématoires contre les saints. Le juriste rappelait que dans les îles grecques et en Dalmatie, où cohabitaient Grecs et Latins, le Sénat tolérait les mariages entre les deux communautés, mais qu’il interdisait aux catholiques de devenir orthodoxes sous peine de prison et de galère car un prince catholique se devait, « avec l’exemplarité et l’industrie d’une pieuse attention et sollicitude, de cultiver et accroître [le rite latin] » [28].
18Ces affaires qui mirent en émoi le clergé catholique et obligèrent les autorités vénitiennes à prendre position s’étalèrent sur plus d’un siècle et demi et regardèrent des régions différentes (îles ioniennes, Dalmatie), mais elles eurent un point commun : elles mettaient au prise un homme de rite grec et une femme de rite latin, c’est-à-dire l’union qui, aux yeux de l’Église romaine, comportait le risque d’une conversion forcée de l’épouse et conduisait la descendance à embrasser la foi orthodoxe. La perception des mariages mixtes, si elle était généralement négative, était asymétrique car déterminée par l’identité confessionnelle de la femme dont le mariage pouvait se traduire, selon le point de vue, par un accroissement ou une diminution de sa communauté d’origine. Or, pour Venise, la mixité matrimoniale ne se posait pas seulement en terme d’appartenance religieuse, mais aussi de fidélité politique. Elle entendait, d’un côté, accroître la foi catholique et protéger ses sujets de rite latin dont la présence soutenait son pouvoir, et elle veillait, de l’autre, à respecter les équilibres existants en garantissant les droits de ses sujets grecs et des pratiques matrimoniales ancestrales. La mixité matrimoniale pouvait donc être autant un danger qu’un atout pour la Sérénissime qui chercha à l’appréhender, comme tous les sujets qui regardaient les rapports entre ses sujets orthodoxes et catholiques, à travers le prisme de sa souveraineté [29].
19Elle s’efforça de contrer, d’un côté, les entreprises d’évêques catholiques zélés − qui, pour la plupart, étaient issus de ses rangs ou de la noblesse italienne − [30], et de l’autre, toutes les formes d’ingérence de puissances étrangères au bénéfice des orthodoxes (Paladini, 1998). Cette position reposait sur une impartialité toute relative entre les parties du fait de la faveur accordée à la foi catholique ; et elle fut de plus en plus difficile à tenir au xviiie siècle dans les possessions dalmates et albanaises alors que s’y exacerbaient les antagonismes. La loyauté des communautés serviennes, qui représentaient environ le quart de la population autour d’une centaine d’églises, était mise à l’épreuve par l’absence d’un évêque de leur rite qui leur aurait permis de se soustraire à la tutelle des prélats catholiques (Ratel 1902 ; Gentilizza, 1914 ; Obrknezevic, 1979) [31] ; par l’irruption de la Russie qui s’érigea en protectrice des slaves orthodoxes et ne fut pas étrangère au soulèvement des communautés albanaises vénitiennes durant la première guerre russo-turque (1768-1774) (Alberti 1931) ; et par l’attraction des Empires voisins (turc, autrichien, russe) où des Slaves et des Grecs émigrèrent pour tes motifs économiques (Kappler 1994 ; Wolff 2001, Paladini 2003, 164-197). Ces départs, derrière lesquels on voyait la main des prêtres orthodoxes, alimentaient le fantasme de la « séduction servienne », expression désignant également les forces à l’œuvre dans les conversions forcées, les rapts et l’influence russe si bien que les Serviens, assimilés par certains prélats catholiques à des schismatiques, étaient perçus très différemment des Grecs. Avec constance depuis la fin du xvie siècle, comme en témoigne le renvoi systématique de tout nouveau décret à loi de 1599, le gouvernement vénitien a appréhendé les mariages mixtes, comme toute autre question religieuse mettant aux prises des Grecs, à travers le prisme de la raison d’État et de la défense de sa souveraineté (Setti, 2015). Il continua à obéir à cette logique quand les mariages mixtes ont inspiré, entre le xviie et le xviiie siècles, de nouvelles préoccupations (Setti, 2015).
Le déplacement de la vigilance et des tensions vers le contrôle du stato libero des futurs époux
20Conformément au principe d’indissolubilité du sacrement du mariage, le Tametsi prescrit, en 1563, des règles plus strictes (publications, présence du prêtre, registres) pour contrôler la situation des futurs époux afin d’éviter les risques de bigamie. La tenue de registres se généralisa immédiatement après le concile dans les paroisses vénitiennes à la suite d’une décision synodale et s’étendit en 1599 à l’église de San Giorgio dei Greci qui dut tenir des livres de baptême et de mariage. Le dispositif de contrôle de l’état matrimonial des futurs époux fut également renforcé dans la dernière décennie du xvie siècle par l’examen de pièces probatoires (certificats de baptême, de décès) et l’audition de témoins par la curie patriarcale qui permettait la délivrance d’une attestation de fede di libertà [32]. En dépit de la bureaucratisation de la procédure, l’autorité ecclésiastique déplorait encore au milieu du xviie siècle son manque d’observation, en particulier dans les possessions du Dominio da Mar [33].
21Il est important de relever qu’au début du xviiie siècle les autorités politiques vénitiennes relayèrent ces préoccupations. En effet, la reconquête de la Morée sur les Turcs et l’expansion vénitienne en Dalmatie et en Albanie donnèrent lieu à un rappel des règles qui régissaient les relations confessionnelles afin que le « fleurissement du saint culte » de Dieu ne se fît pas aux dépens de la religion catholique. Incontestablement, c’était le manque d’observation des règles introduites par le concile de Trente pour assurer la publicité, puis la validité du mariage, qui était une source de préoccupation. En décembre 1706, un décret du provveditor général pour la Dalmatie et l’Albanie, Giustin da Riva, déplora la multiplication des mariages « clandestins » et illégaux, sans préciser la confession, faute des publications requises et de permissions délivrées par l’autorité ecclésiastique. Le décret rappelait l’obligation d’obtenir une licence de la part du supérieur du lieu aussi bien pour les personnes de rite latin que de rite grec. Il insistait sur le cas spécifique des mariages mixtes pour signifier que le mariage dans l’un ou l’autre rite requérait la permission de l’évêque catholique (du fait de l’absence d’évêque slave orthodoxe malgré la revendication des communautés) [34]. Les dispositions du décret, valables pour Zara (Zadar) et la Dalmatie, furent étendues, en avril 1710 par un décret du Sénat, aux territoires sous souveraineté vénitienne. Outre le rappel de l’interdiction pour les catholiques de devenir orthodoxes, le Sénat se référait, pour les questions matrimoniales, au décret de 1599, rappelant que chacun des époux devait suivre son propre rite, que les enfants devaient être éduqués dans la religion du père et que les solennités du mariage dépendaient de la confession de l’homme. Il était stipulé, par ailleurs, que les séparations seraient du ressort du prélat de la religion dans laquelle le mariage avait été célébré [35] et, fait nouveau, que « le prêtre grec ne puisse épouser la femme latine, ni un Latin une Grecque sans foi de liberté » [36]. Le gouvernement vénitien défendait les mêmes positions en matière de mariage mixte qu’un siècle plus tôt, mais il élargissait la question au respect de la discipline qui conditionnait la légalité du mariage.
22Dans le Dominio da Mar où les mariages mixtes étaient une réalité sociale, le contrôle de l’état libre des futurs époux et la délivrance d’une licence a pu raviver des tensions latentes. Dans les années 1760, le provveditore général Diedo rapportait les dénonciations de l’évêque de Nona au sujet de prêtres grecs qui, lors du mariage entre une catholique et un orthodoxe, exposaient « la femme au risque l’illégitimité du fait de l’injure faite aux constitutions du sacré concile de Trente » [37]. À l’opposé, certains dignitaires catholiques trouvèrent dans la concession de fedi di libertà l’occasion d’exprimer leur résistance aux mariages mixtes. Deux affaires eurent suffisamment de retentissement pour mobiliser les autorités vénitiennes locales et remonter jusqu’à l’archevêque de Philadelphie qui en alerta le gouvernement. Elles concernent toutes deux la ville dalmate de Sebenico dont le territoire comptait, selon une estimation du milieu du siècle, environ 30 000 catholiques et 10 000 orthodoxes [38].
23En 1765, le procurateur de la cité s’adressa à l’archevêque de Philadelphie pour dénoncer l’abus de pouvoir du vicaire épiscopal catholique Dinisco à l’occasion du mariage de Pietro Krisca, dit Bussovich, avec une jeune fille catholique qui avait demandé une attestation de liberté auprès de la curie afin de se marier dans la paroisse de son futur époux selon le rite grec [39]. Or le vicaire avait refusé de la lui remettre si le futur mari ne se soumettait pas lui aussi à son examen. Une telle exigence provoqua l’indignation des Grecs car elle revenait « à abandonner son propre rite », c’est-à-dire à se placer sous la juridiction exclusive de l’Église catholique alors qu’il appartenait au prêtre orthodoxe de vérifier le statut matrimonial du mari. Le fait que le décret da Riva de 1706 donnât au supérieur catholique autorité pour délivrer une licence aux futurs époux, quelque fût leur rite, a sans doute nourri la discorde.
24Près de vingt ans plus tard, en janvier 1783 (more veneto), le capitaine vénitien de Sebenico, Francesco Bragadin, fut alerté par le curé du Borgo di Terra Ferma, frà Benaventura Biluvich, de la fuite de la maison paternelle de Petriza Celar quondam Stefano, catholique, qui s’était réfugiée dans la maison de Rode Laurich, de rite grec et parent de Simon Scocich avec lequel elle entendait se marier [40]. Dans la lettre qu’il adressa au vicaire de l’évêque, le capitaine rapporta que le curé de la paroisse avait cherché en vain, avec l’appui du père, à ramener Petriza chez elle ou sous le toit de quelqu’un qui n’aurait pas eu « proximité et parenté avec l’amant » (« aderenza o parentella coll’amante »), suspectant un rapt de séduction du fait du refus de la famille Laurich de la laisser partir. Le capitaine déplorait, par ailleurs, l’absence des trois publications imposées par le concile de Trente et confirmées par le Conseil des Dix, « non seulement entre Latins, mais aussi entre Grecs et Latins » (« non solo tra Latini, ma anche tra Greci e Latini »). Il entendait donc ordonner l’assignation de la jeune fille dans une autre maison, les publications et « l’examen de témoins […] sans qui, comme le veut avec constance le gouvernement, le prêtre de rite grec ne peut pas célébrer un mariage », « afin qu’on puisse procéder à la remise des fois de liberté » (« l’esame de testimoni », « senza di che com’è costante massima del Governo il paroco di rito greco non può unire in matrimonio », « per così possare al rilascio di quelle fedi »). Le 30 janvier, après avoir entendu plusieurs personnes « de rite grec et latin », le curé informa le vicaire Domenico Mistura que les futurs époux avaient un lien de consanguinité au 3e ou 4e degré canonique. Mais la situation s’avéra bien plus complexe quand le capitaine comprit qu’il avait été abusé par le curé. Le 28 janvier m. v., le père Stefano Celar fit une déposition chez un notaire dans laquelle il disait son accord avec le mariage et la présence de sa fille dans une famille « honnête ». D’autres témoins, sollicités par Petriza, firent enregistrer chez le même notaire des dépositions qui infirmèrent la thèse du curé. Mattio Pedrizza et Michel Giunacovich déclarèrent avoir assisté, dans le presbytère, au refus du curé de donner l’attestation au prêtre orthodoxe au prétexte qu’il avait transmis les pièces au vicaire [41]. Trois autres témoins affirmèrent que Petriza n’avait pas d’autre engagement que celui avec Simon Scocich. Todoro Calich, qui avait été entendu avec d’autres par le curé, fit dire devant notaire que les conclusions sur le degré de parenté des époux ne reposaient pas sur leurs déclarations et qu’elles étaient donc fausses [42]. Enfin le père de Petriza accusa le curé d’utiliser des prétextes pour refuser la concession de « la foi de liberté de Petriza qui ne peut lui être refusée, celle-ci n’ayant aucun engagement auprès d’un autre » (« la fede di libertà di essa Petriza che non avendo alcuni impegno con altri non gli può esser per giustitia negata ») [43]. Le curé se défendit de toute mauvaise volonté en soulignant qu’il avait remis au vicaire les informations à sa disposition et en rappelant qu’il avait déjà délivré les « fois de liberté » (« fedi di libertà ») pour plusieurs femmes de rite latin en vue de leur mariage avec un Grec [44]. Le curé avait beau dire qu’il n’avait rien contre les mariages entre Grecs et Latins, l’affaire se déplaça sur le terrain des prérogatives de chaque Église quand les chefs de la Confrérie de la Beata Vergine de S. Giulian dei Greci protestèrent au nom de la nation grecque en accusant le vicaire Mistura de ne pas se contenter d’établir la fede di libertà mais d’avoir ordonné des recherches sur la parentèle du marié de rite grec alors que c’était une attribution du prêtre du même rite. Ils s’élevèrent contre ce qu’ils considéraient comme une atteinte à la « liberté de rite contre la constante volonté publique » (« libertà di riti contro la pubblica costante volontà ») [45]. Dans ce type de conflits, le cas particulier servait toujours de prétexte à la réaffirmation des droits de la communauté toute entière au nom des usages établis.
25Cette affaire est triplement instructive. Elle laisse, d’abord, transparaître la possibilité d’un lien de parenté entre les deux époux. Le dossier conservé dans les archives de l’archevêché de Philadelphie à Venise ne permet pas de l’établir ; mais s’il était avéré, il démontrerait que la mixité matrimoniale, du point de vue confessionnel, se combinait avec des alliances endogamiques au sein de la parentèle et était donc assez courante. À l’évidence, elle souligne aussi que le mariage était accepté par la famille si l’on en croit la déclaration du père qui n’hésita pas à contredire son curé et à user de toutes les ressources juridiques (déposition écrite) pour parvenir à ses fins, témoignant d’une capacité de mobilisation des acteurs contre les autorités. Cette affaire démontre, enfin, la capacité d’un litige à nourrir des antagonismes qui se déployaient à différentes échelles : les acteurs de ces mariages mixtes versus leurs Églises d’appartenance ; le clergé catholique local versus le clergé et les représentants de la communauté grecque ; les représentants du pouvoir vénitien versus l’archevêché catholique ; l’archevêché de Philadelphie, saisie de l’affaire, versus le gouvernement vénitien. Manque ici apparemment une implication du nonce à Venise pour que l’affaire soit portée à Rome.
26Les conflits remontant jusqu’à l’archevêché orthodoxe de Venise résultaient, le plus souvent, du zèle de personnalités intransigeantes. Il n’est pas inutile de rappeler qu’ils étaient localisés dans une province, la Dalmatie, et un territoire, celui de Sebenico, où existaient de fortes rivalités entre les Églises, alimentées par la frustration d’un manque de reconnaissance institutionnelle de la part des orthodoxes et la peur de conversions forcées du côté des autorités catholiques. En contrepoint de ces âpres conflits entre et contre des ecclésiastiques des deux rites, l’existence de mariages mixtes ne doit pas porter à conclure à des relations iréniques entre les communautés où des conflits de nature économique pouvaient s’exprimer dans le langage de l’antagonisme religieux (Berengo, 1954 ; Paladini 2003, 194-197). Toutes ces affaires démontrent l’importance prise par la procédure de contrôle de l’état des futurs époux indépendamment de leur confession. Ce qui est établi dans les provinces dalmates l’est plus encore à Venise.
Convergence des procédures de contrôle des futurs époux
27Ce qui préoccupait, au premier chef, la curie patriarcale de Venise, ce n’était pas qu’un des conjoints fût de rite grec, mais que leur situation fût incompatible avec les conditions requises pour se marier. Toute la procédure de contrôle était tendue vers la vérification de l’état libre rendant secondaire l’appartenance confessionnelle. L’exemple d’Antonio q. Nicolò Boxa, dit Boxacovich, Albanais de 28 ans, et d’Anna Maria, fille de Vito Calafatovich, âgée de 26 ans, qui comparurent devant la curie patriarcale de Venise le 16 juillet 1765, est éloquent. Le premier était catholique, mais il avait navigué au Levant pendant 10 ans, ce qui l’obligea à se présenter avec les témoins qu’ils l’avaient accompagné dans ses pérégrinations. La seconde était « grecque », mais le fait qu’elle fût veuve d’un dénommé Iseppo quondam Giovanni Maria, grec lui aussi et décédé en 1763, avait plus d’importance aux yeux du vicaire qui, outre deux témoignages – dont celui de la propre mère de la future mariée –, put s’appuyer sur le certificat de décès transmis par la paroisse de San Pietro di Castello pour déclarer l’un et l’autre « libres et libérés de toute autre engagement matrimonial (« liberi e sciolti d’ogni altro impegno di matrimonio e sponzali ») [46].
28La nécessité pour les époux de se soumettre à une enquête (processetto) destinée à certifier leur liberté matrimoniale fut, d’abord, on l’a dit, une pratique de l’Église catholique qui fut adoptée surtout, entre la fin du xvie siècle et le début du xviie siècle, à la suite d’initiatives synodales dans un contexte marqué par une forte émulation réformiste entre les diocèses et sans que l’autorité romaine, le Saint-Office, n’imposât un cadre commun [47]. À Venise, il fut mis en place après le synode convoqué en 1592 par le patriarche Lorenzo Priuli. Les investigations portèrent, d’abord, sur la population la plus mobile avant d’être généralisées, au début du xviiie siècle, à tous les futurs époux. Elles se fondaient sur des documents et des témoignages qui devaient permettre d’établir si les futurs époux étaient bien baptisés et si aucun empêchement ne s’opposait à leur union. Quand les contractants n’étaient pas en mesure de prouver leur statut par des documents écrits ou quand l’un d’entre eux n’était pas natif du lieu ou était veuf, il devait se présenter à la chancellerie de la curie épiscopale (patriarcale à Venise) en compagnie de deux témoins qui attestaient sous serment de son état libre comme le préconisait le chapitre VII des Actes du synode [48]. Cette procédure conduisit, rapidement, à l’adoption de formulaires d’interrogatoire standardisés, signe de la mise en place d’une routine administrative. Le recours au même dispositif dans d’autres diocèses italiens entraînait une intense circulation de certificats probatoires produits par les curés et les officialités.
29De son côté, l’archevêque de Philadelphie se livrait à des investigations semblables à celles du patriarcat pour établir la disponibilité des deux époux quelque fût leur religion. En l’état de la conservation de la documentation, il est difficile d’établir quand ce type de procédure fut adopté et utilisé de manière systématique, mais le fait que l’église de San Giorgio fût tenue de respecter les prescriptions tridentines dut faciliter l’adoption de pratiques similaires. Il est possible également que cette convergence ait été favorisée par le rapprochement entre uniates (catholiques) et orthodoxes engagé par le métropolite Meletios Typaldos à la fin du xviie siècle et poursuivi par certains de ses successeurs [49]. Il est probable, enfin, que le dispositif mis en place par l’Église catholique ait conduit, sur le plan de la pratique administrative, à une uniformisation des modes de certification, d’autant plus que ces derniers étaient amenés à circuler et à être reconnus par les différentes curies épiscopales, catholiques et orthodoxes.
30Les documents qui ont été jusqu’ici identifiés et exploités sont tardifs ; ils concernent les années 1783-1790, mais leur existence n’est pas exclue pour une période antérieure. Ils sont formés de fascicules dans lesquels était recopiée – à partir de registres perdus – la licence délivrée par l’archevêque orthodoxe ainsi que les dépositions des témoins et les pièces écrites probatoires. Cette documentation laisse entendre que la délivrance de la licence autorisant le mariage à l’église de San Giorgio reposait sur une routine administrative très proche de celle de la curie patriarcale.
31La nécessité d’apporter la preuve de son état matrimonial était parfaitement intégrée par les fidèles orthodoxes. En février 1768, une dénommée Gerolima Ivolci (ou Volovichia) originaire de Cataro (Kotor) se présenta devant la chancellerie de l’archevêché de Philadelphie munie d’une attestation pour être autorisée à se marier à Venise avec un homme de même confession [50]. Elle exhiba un certificat en langue illyrique signée du « métropolite de Schenderia » [51], Sava Petrovich, et datée de 1755 dans lequel était stipulé qu’elle avait épousé un certain Christo Angelovich de Ochrida (Ohrid dans la Macédoine actuelle) qui s’était avéré être un homme marié et qui était retourné vivre par la suite auprès de sa première épouse comme l’intéressé et sa propre mère l’avaient publiquement reconnu. Gerolima s’appuyait sur ce certificat ancien pour faire reconnaître la nullité de son premier mariage et, par conséquent, sa disponibilité matrimoniale. La nécessité d’apporter la preuve de son état libre était parfois anticipée par les fidèles qui se faisaient établir des attestations en prévision d’un éventuel mariage à venir sans que le rite dans lequel celui-ci serait célébré n’entrât en ligne de compte. Ainsi en 1767 Zuanne Doncovichi de rite grec obtint-il de son confesseur un certificat qui le déclarait « libre selon sa confession » et « capable d’avoir pour épouse n’importe quelle fille chrétienne » [52].
32À l’image des enquêtes conduites par la curie patriarcale, l’archevêché de Philadelphie entendait des témoins quand les deux époux grecs étaient nés hors de Venise à la fois pour avoir confirmation de leur religion et pour s’assurer qu’ils n’étaient pas mariés par ailleurs. À l’issue de l’enquête, il donnait licence aux chapelains de l’église de San Giorgio de célébrer le mariage. Les actes du procès (transcription des témoignages, licence de l’archevêque) étaient intégralement écrits en italien même quand les mariés et les témoins étaient grecs. Les pièces originales en grec (actes de baptêmes, fede di libertà) étaient également traduites, le processetto comportant rarement une copie de l’original. Ainsi de la copie de l’acte de baptême de Costantin Gianopulo tiré des registres de San Giorgio de’ Greci (fig. 1).
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 6b, fasc. 125 /2, 3, copie, établie le 20 octobre 1790, de l’acte de Baptême du 6 avril 1769 S. V.
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 6b, fasc. 125 /2, 3, copie, établie le 20 octobre 1790, de l’acte de Baptême du 6 avril 1769 S. V.
33La transcription des dépositions des témoins était tributaire des manières de faire du no de la chancellerie archiépiscopale. Les processetti conservés pour les années 1782-1784 comportaient quatre questions : si les témoins connaissaient l’impétrant, si celui-ci avait été baptisé selon le rite grec, s’il était marié ou avait un engagement et s’il entretenait un lien de parenté consanguin ou spirituel avec la future épouse. Les mêmes questions étaient posées aux deux témoins de la mariée. La concision et la similitude des réponses d’une enquête à l’autre rendent compte de la standardisation poussée de la procédure.
34Interrogés : s’ils connaissent le sieur Pasqual Gramaticopulo.
35Répondent : oui.
36Int. : s’il est de rite grec et baptisé à la grecque selon l’usage de notre Église orientale.
37Rép. : oui
38Int. Si le susdit sieur Gramaticopulo n’a jamais contracté de mariage et n’a jamais été engagé ici ou ailleurs et s’il est présentement libre.
39Rép. : n’avoir jamais eu connaissance que le sieur Gramaticopulo ait été marié ou engagé ici ou ailleurs et qu’il est présentement libre.
40Int. : s’ils connaissent la susdite Anna Gosato.
41Rép. oui.
42Int. : si le susdit sieur Gramaticopulo n’a aucun lien de parenté avec la dame Gosato susdite.
44Si le notaire à l’œuvre entre 1782-1783 utilisait des réponses uniformes, son successeur, Costantin Naranzi, était plus attentif à la parole vive des acteurs.
45Dans quelques cas, l’enquête cherchait à établir, par les témoignages, la preuve du baptême selon le rite oriental en l’absence de documents écrits. En 1784, Voin Cherzia, natif du Monténégro, demanda à ce que fussent entendus deux compatriotes engagés comme lui dans les armées de la République car il ne lui était pas « possible d’avoir la preuve de [son] baptême car dans les contrées où [il] est né on n’a pas l’habitude de tenir de registres » [54]. La même année, la curie se pencha sur la situation de Costantin Mizzi et de Caterina originaire d’Alexandrie d’Égypte. Deux témoins suffisaient à indiquer que Costantin avait été baptisé selon « l’usage de notre sainte Église orientale »(« l’uso della nostra santa chiesa oriental ») [55]. Trois furent entendus en faveur de Caterina pour apporter confirmation de sa conversion de l’islam au christianisme et du rite dans lequel le baptême avait été célébré. Se présentèrent devant l’archevêque le parrain et la marraine qui l’avaient portée sur les fonts dans l’église grecque de San Nicolò nel Molo dans l’île de Zante, le 18 août 1782. La marraine, Catarina Calbo, était l’épouse du capitaine du navire qui avait ramené ladite Caterina [56].
46D’après la documentation conservée, les licences accordées par les archevêques de Philadelphie concernaient, dans le dernier quart du xviiie siècle, indistinctement les mariages entre deux Grecs et les mariages mixtes. Environ une dizaine de mariages étaient célébrés chaque année en l’église de San Giorgio, mais une bonne partie était des mariages mixtes unissant une femme de rite latin et un homme de rite grec.
Nombre de mariages mixtes célébrés en l’église de San Giorgio dei Greci entre 1783 et 1790 sous le métropolite Sofronios Koutouvalis
Années | Nombre total de mariages | Mariages entre un homme de rite grec et une femme de rite latin |
---|---|---|
1783 | 9 | 6 |
1784 | 5 | 2 |
1785 | 9 | 2 |
1786 | 3 | 1 |
1787 | 11 | 6 |
1788 | 7 | 3 |
1789 1790 | 7 11 | 6 8 |
Nombre de mariages mixtes célébrés en l’église de San Giorgio dei Greci entre 1783 et 1790 sous le métropolite Sofronios Koutouvalis
47Dans le respect des prérogatives juridictionnelles des Églises, il appartenait à l’ordinaire de la religion de chacun des époux de produire une attestation d’état libre. La concession d’une licence matrimoniale reposait donc sur la collaboration entre les Églises qui fournissaient à la demande des intéressés des copies d’actes de baptême ou de décès [57] (pour l’Église catholique).
48Quand des jeunes filles de rite grec se mariaient avec un catholique, les chapelains de l’église de San Giorgio étaient sollicités pour délivrer des certificats de baptême. En 1785, à cette occasion, Margarita Gurato quondam Giuseppe découvrit que son baptême n’avait pas été correctement enregistré dans les livres de la paroisse ; l’archevêque de Philadelphie diligenta une enquête destinée à établir les faits [58]. L’audition de plusieurs témoins qui déposèrent longuement conduisit l’archevêque à ordonner que le baptême fût correctement enregistré a posteriori. L’autorité catholique n’a rien dû savoir de ces investigations internes à la curie grecque et accepta le certificat qui lui fut adressé.
49Quand le mariage était célébré à San Giorgio, car le mari était de rite grec, il était d’usage que l’ordinaire dont relevait l’épouse catholique adressât une attestation de fede di libertà. La curie patriarcale, quand l’épouse était native de Venise, ou celle du diocèse d’origine, conduisait une enquête succincte qui ne reposait pas nécessairement sur la convocation de témoins, à la différence des mariages célébrés par l’Église catholique, mais sur la bonne foi du curé de la paroisse de la jeune fille ou/et la vérification des registres de mariage et de décès, après quoi elle délivrait un certificat pré-imprimé, celui-là même qui était remis au curé de paroisse ou envoyé dans un autre diocèse dans le cas d’un mariage catholique. Ainsi trouve-t-on parmi les pièces à disposition du métropolite grec des certificats émanant du patriarche de Venise mais aussi de diocèses catholiques des domaines vénitiens. L’évêque d’Ossero (Osor), Simon Spalatin, attesta que Tomasina Barnich de l’île de Lussino (Lošinj) était libre de tout lien matrimonial en vue de son mariage avec Pietro Popovich de Risano (Risan) sur le territoire de Cattaro [59].
50La licence de l’archevêque de Philadelphie se fondait également sur l’examen de plusieurs pièces fournies par des paroisses catholiques. Pour autoriser le mariage entre Nicolò Quartaro de Corfou et Cattarina Diamentini en novembre 1788, il disposa de la copie de l’acte de Baptême de Cattarina dans la paroisse de S. Bartolomeo et de l’acte de décès de son premier mari, Giuseppe Trompa, fourni par la paroisse de San Giuliano, et de l’attestation de la paroisse de San Bartolomio selon laquelle il n’y avait pas trace de Cattarina dans le livre des oppositions au mariage [60]. Il entendit, par ailleurs, quatre témoins : deux originaires de Corfou et séjournant à Venise pour affaires, Arsenio Zagoriti et Filippo Ruggier, qui connaissaient de longue date le marié et deux Vénitiens catholiques : le diacre de la paroisse de San Luca, Bortolo Pedricini, habitant à San Marcuola, qui déclara que Cattarina était « présentement libre » (« presentemente in stato libero ») et un voisin de Catterina à S. Bartolomeo, Zorzi Biasini.
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 6b, fasc. 15, p. 15 et fasc. 9, 3-4 licence et fedi (preuves) n°6 pour le mariage de Pasqual Grammaticopulo et d’Anna Tosato, 18 août 1783 s. v.
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 6b, fasc. 15, p. 15 et fasc. 9, 3-4 licence et fedi (preuves) n°6 pour le mariage de Pasqual Grammaticopulo et d’Anna Tosato, 18 août 1783 s. v.
51L’audition de témoins par l’archevêque de Philadelphie pour certifier l’état de la future épouse catholique était une pratique très fréquente sans être systématique. L’archevêché y avait recours en l’absence de fede communiquée par la curie patriarcale. À l’inverse, certains processetti justifient le fait de ne pas convoquer de témoins par l’existence d’une attestation : « Pour la dame Anna Tosato q. Antonio ne furent pas appelés de témoins par l’officier, mais voir la liasse intitulée preuves et liberté de mariage au n°6 » [61] (fig. 2).
52L’examen par l’archevêque de Philadelphie de la situation de la femme catholique s’explique également par une logique interne à la procédure de contrôle qui assignait aux deux époux le même traitement. Les processetti des années 1783-1784 étaient strictement identiques, que les mariés fussent tous deux grecs ou non, qu’ils fussent nés à Venise ou dans le Dominio da Mar : des témoins, au nombre de deux ou plus généralement de quatre, étaient convoqués pour attester de leur religion et de leur état matrimonial [62].
53Mais le fait notable est que les témoins catholiques venaient déposer devant la chancellerie de l’archevêque grec alors qu’ils auraient dû être entendus par la curie patriarcale qui aurait alors délivré un certificat de « fede di libertà ». Rappelons que dans le contexte dalmate ce sont des situations assez proches (mais aux dépens de la juridiction de l’Église servienne) qui avaient poussé, en 1765, le représentant de Sebenico à demander à l’archevêque de Philadelphie d’intervenir pour que le vicaire catholique n’examinât pas le statut de l’époux orthodoxe et, en 1783, les chefs de la confrérie grecque de la même ville de se plaindre de l’outre-passement par le curé de ses droits en enquêtant sur la parenté du mari grec. À Venise, à l’inverse, la curie patriarcale ne contestait pas le fait que l’archevêque de Philadelphie entendît les témoins de l’épouse catholique, comme elle recueillait elle-même le témoignage des témoins d’une épouse grecque. Était-ce une forme de délégation informelle du contrôle dans le cadre de pratiques administratives marquées par la reconnaissance réciproque des actes écrits ? Était-ce l’indice de la primauté que la curie patriarcale accorderait à la vérification de l’état libre indépendamment de l’autorité de contrôle dès lors que les cas étaient très limités ? Était-ce le signe de l’existence de procédures qui étaient certes standardisées, mais qui étaient loin d’être parfaitement homogènes, comme en témoigne le nombre variable d’actes réunis pour instruire le processetto ? L’autorité patriarcale était suffisamment assurée de l’hégémonie de la religion catholique pour accepter une forme de délégation qui était aussi une forme de soumission à ses propres pratiques. Du point de vue de l’archevêché de Philadelphie, il y a tout lieu de croire que l’audition de témoins en faveur de l’épouse catholique visait, d’une part, à combler l’absence de la licence émanant du patriarcat et, de l’autre, à se conformer à la pratique en vigueur dans les mariages unissant deux fidèles de rite grec. Sur le plan symbolique, on pourrait y voir également une volonté d’autolégitimation des institutions ecclésiastiques « grecques » comme membres de plein droit de l’appareil administratif local à l’égal de leurs homologues latins.
54La circulation des pièces probatoires entre les deux Églises est à l’image de la banalité des mariages interconfessionnels à Venise. En août 1788, Christoforo Zugara exhiba le certificat de décès de sa première épouse catholique, Giovanna Veronese, délivré par l’église de San Martin, pour se remarier à San Giorgio avec Maria Tomasevich, native de Venise mais de rite grec [63]. En juillet 1785, Paulo Dominica, âgé de 26 ans et originaire de Morée, chercha à obtenir la licence d’épouser Anzola Quatrino, catholique [64]. Depuis 5 ans il était à Venise où il était employé comme « serrante » de l’église de San Giorgio dei Greci. On apprend des témoins qu’il avait été baptisé « à la grecque et que là où il était né on ne conservait pas de registres d’aucune sorte car ces régions étaient présentement en possession des infidèles mahométans ». Il était entré, jeune, au service de Nicolò Cumano, de rite grec et ancien consul vénitien en Arcadie dans le Péloponnèse et après la mort de son patron il avait suivi à Venise la veuve de celui-ci, Cornelia Morali qui témoigna en sa faveur. Or, cette dernière, catholique, avait épousé en seconde noce en février 1784 en l’église de San Giorgio, Nadalin Stratiminovich, originaire de Castel Novo et de rite grec [65]. Quant à la fille du consul, Maria, de rite grec, elle s’était mariée, en juillet 1784 dans la même église, avec Francesco Cartullari, grec originaire de Morée [66]. La différence confessionnelle qui continuait de dicter le rite selon lequel était célébré le mariage ne constituait en aucun cas un obstacle des points de vue institutionnel, culturel et social.
Conclusion
55Au terme de cette étude sur l’approche politique et le traitement ecclésio-administratif des mariages mixtes entre Grecs et Latins, il convient de revenir un instant sur le terrain d’analyse et l’arc chronologique retenus. Le terrain d’analyse, d’abord : si le gouvernement vénitien a adopté des règles dont la validité s’étendait à tous les territoires sous sa souveraineté, il répondait à des difficultés qui étaient survenues localement dans des contextes très différents puisque le rapport de force entre les communautés orthodoxes et latines n’était pas le même dans les îles ioniennes et en Dalmatie. Malgré tout, les quelques affaires autour de mariages mixtes qui sont remontées jusqu’à Venise mettaient aux prises des épouses catholiques dont le clergé de l’Église craignait la sortie de la communauté de foi. À Venise même, où vivait de longue date une minorité grecque dotée d’institutions communautaires et où l’hégémonie de l’Église catholique allait de soi, une toute autre situation prévalait. Les mariages mixtes, qui ne dépassaient pas la dizaine chaque année, ne semblent pas y avoir suscité de querelles particulières une fois admis que les mariages dont le mari était grec seraient célébrés à San Giorgio dei Greci et les enfants élevés dans la foi du père.
56La chronologie a également toute son importance quand on embrasse la question sur deux siècles. Quand, dans le sillage du concile de Trente, se renforcèrent les barrières confessionnelles et le pouvoir ecclésiastique sur les sujets grecs des puissances catholiques, la Sérénissime fut soucieuse de conserver sa pleine souveraineté en luttant pied-à-pied contre le zèle « intransigeant » de prélats qui menaçait la loyauté de ses sujets et l’équilibre confessionnel de ses possessions d’Outre-mer. À la fin du xvie siècle et dans les premières décennies du xviie siècle, Venise opposa une réponse politique à des questions ecclésiales en garantissant aux Grecs le respect de leurs rites en échange de leur fidélité.
57Si des oppositions de principe aux mariages mixtes persistèrent localement, le problème s’élargit à l’observation des procédures de contrôle des futurs époux. Or, sur ce terrain, on observe une parfaite convergence entre les autorités catholiques et orthodoxes. Si la curie patriarcale fut hostile au xvie siècle à l’existence d’une curie métropolitaine orthodoxe à Venise, force est de constater qu’elle imposa des règles communes en matière de contrôle prénuptial qui est à mettre en relation avec l’adoption, en 1599, de registres de baptême et de mariage par l’église de San Giorgio dei Greci. Les tentations uniates de plusieurs métropolites au xviiie siècle contribuèrent sans doute à renforcer cette convergence. À ce stade de la recherche et en l’état des sources disponibles, on ignore quand les processetti, conservés pour la fin du xviiie siècle, devinrent une pratique administrative ordinaire de la part de la curie grecque. Cette convergence procédurale peut-elle être interprétée comme une forme de collaboration ? Différentes lectures sont sans doute possibles. Ces enquêtes témoignent du maintien de barrières confessionnelles puisqu’elles étaient instruites par la curie de la religion du mari. On peut aussi penser que le mimétisme dans les procédures de chaque Église visait précisément à affirmer sa propre juridiction et à empêcher toute ingérence réciproque. L’adoption de telles pratiques « symétriques » pouvait avoir ainsi une importance primordiale pour les communautés placées en position de minorité. La collaboration prit surtout la forme pragmatique de la reconnaissance mutuelle des preuves produites par chacune des institutions dans des situations où le contrôle matrimonial n’était jamais chose aisé. Elle est allée aussi plus loin dès lors que la curie d’une Église écoutait les témoins de la future mariée appartenant à l’autre confession. Cette pratique allait de soi à Venise à la fin du xviiie siècle car elle n’était pas perçue par les Églises comme un empiètement sur leur propre juridiction, tout au contraire. Or c’est ce type d’intrusion juridictionnelle au-delà de la frontière confessionnelle qui suscita l’ire des Grecs de Sebenico dans les mêmes années. La mise en œuvre et l’acceptation des procédures de contrôle, qui n’étaient jamais, par ailleurs, parfaitement uniformes, étaient donc largement tributaires du contexte local et du degré de conflictualité entre communautés qui trouvait sur le terrain religieux un facile mode d’expression. La convergence procédurale, établie dans la capitale entre deux curies dont les relations étaient asymétriques, mais étroites et apaisées, témoigne de la circulation de modèles normatifs entre l’Église romaine et l’Église orthodoxe. Ce résultat offre d’intéressantes perspectives de recherche à condition de changer d’échelle et d’examiner les procédures de contrôle matrimonial en vigueur au niveau local dans les Églises catholiques et orthodoxes des territoires ultramarins vénitiens.
Bibliographie
Références biliographiques
- Albani, Benedetta (2003-2004), Matrimoni e società a Roma nel primo Seicento attraverso i processetti matrimoniali, tesi di laurea, dir. M. A. Visceglia, La Sapienza Università di Roma.
- Alberti, A. M. (1931), “Venezia e la Russia alla fine del secolo XVIII (1770-1785)”, Ateneo veneto, s. v., X, 222-283.
- Avorio, Tiziana, Chianese, Stefano, Guarino, Nicola (2003), “Una città senza immigranti ? Caratteri della mobilità a Napoli tra Settecento e Ottocento”, 111-130, in A. Arru et F. Ramella (a cura di), L’Italia delle migrazioni interne. Donne, uomini, mobilità in età moderna e contemporanea Rome, Donzelli Editore.
- Belfanti, Carlo Marco (1994), Mestieri e forestieri. Immigrazione ed economia urbana a Mantova fra Sei e Settecento, Milano, F. Angeli.
- Berengo, Marino (1954), “Problemi economici-sociali della Dalmazia veneta alla fine del ‘700”, Rivista storica italiana, 66, 469-510.
- Bernhard, Jean (1980), « Le décret Tametsi du concile de Trente ; triomphe du consensualisme matrimonial ou institution de la forme solennelle du mariage ? », Revue de droit canonique, XXX, Études offertes à J. Gaudemet, 209-234.
- Birtachas, Efstathios (2002), “Un ‘secondo’ vescovo a Venezia : il metropolita di Filadelfia (secoli XVI-XVIII)”, 103-121, in I Greci a Venezia, Atti del Convegno internazionale di studio, Venezia, 5-7 novembre 1998, Venezia, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti.
- Blanchet, Marie-Hélène (2003), « La question de l’union des Églises (13e-15e s.). Historiographie et perspectives », Revue des études byzantines, 61, 5-48.
- Burke, Ersie C. (2012), “Our Daughters and Our Future : Greco-Venetian Marriages 1520-1610”, 169-199, in J. Murray (dir.), Marriage in Premodern Europe : Italy and Beyond, Toronto, Centre for Reformation and Renaissance Studies.
- Burke, Ersie C. (2016), The Greeks of Venice, 1498-1600. Immigration, Settlement and Integration, Turnhout, Brepols.
- Canepari, Eleonora (2008), “Mobilità, sociabilità e appartenenze nella Roma moderna”, 301-322, in A. Arru, D. L. Cagliati, F. Ramella (a cura di), Donne e uomini migranti. Storie e geografie tra breve e lunga distanza, Roma, Donzelli.
- Carydis, S. (2009), “Η οργάνωση της ορθόδοξης Εκκλησίας”, in Ch. Maltezou, A. Tzavara et D. Vlassi (a cura di), La Grecia durante la Venetocrazia : uomini, spazio, idee (XIII-XVIII secoli), Venezia,Istituto Ellenico di Studi Bizantini e Postbizantini.
- Cecchetti, Bartolomeo (1874), La Repubblica di Venezia e la Corte di Roma nei rapporti della religione, Venezia, Typografia P. Naratovich.
- Cecchetti, Bartolomeo (1887), « Le consulte di Fra’ Paolo Sarpi », Ateneo veneto, XI, 232-270.
- Cozzi, Gaetano (1979), Paolo Sarpi tra Venezia e l’Europa, Torino, Einaudi.
- Cristellon, Cecilia (2011), “Missionaria o in pericolo di apostasia ? Donne cattoliche e matrimoni misti nei dibattiti del sant’Ufficio”, 175-186, in G. Ciappelli, S. Luzzi, M. Rospocher (a cura di), Famiglia e religione nella prima età moderna. Saggi in onore di Silvana Seidel Menchi, Roma, Edizioni di Storia e Letteratura, 2011.
- Cristellon, Cecilia (2013), “Sposare (o non sposare) „l’eretico“. Matrimoni misti e politica del Santo Uffizio : Venezia nel contesto europeo”, 159-177, in M. Matheus et U. Israel, Protestanten zwischen Venedig und Rom in der Frühen Neuzeit, Venezia, De Gruyter.
- Cristellon, Cecilia (2016), “Mixed Marriages in Early Modern Europe”, 294-317, in S. Seidel Menchi (ed.), Marriage in Europe, 1400-1800, Toronto, University of Toronto Press.
- Cristellon, Cecilia, (2012), “Matrimoni misti in Europa in età moderna”, 219-225, in Simona Marchesini, Matrimoni Misti : una via per l’integrazione tra i popoli, Atti del Convegno 1-2 dicembre 2011, Trento, Ente Promote.
- De Vivo, Filippo (2012), Patrizi, informatori, barbieri. Politica e comunicazione a Venezia nella prima età moderna, Milano, Feltrinelli.
- Falcetta, Angela (2016), Ortodossi nel Mediterraneo cattolico. Frontiere, reti, communità nel Regno di Napoli (1700-1821), Roma, Viella.
- Fedalto, Giorgio (1967), Ricerche sulla posizione giuridica ed ecclesiastica dei Greci a Venezia nel secoli XV e XVI, Firenze, Olschki.
- Fedalto, Giorgio (1986), “Paolo Sarpi e la Chiesa ortodossa nella Repubblica di Venezia”, 261-270, in P. Branchesi e C. Pin (a cura di), Fra Paolo Sarpi dei Servi di Maria. Atti del convegno di studio, Venezia, 28, 29, 30 ottobre 1983, Venezia, Comune di Venezia.
- Fedalto, Giorgio (2002), “La comunità greca, la Chiesa di Venezia, la Chiesa di Roma”, 83-102, in I Greci a Venezia, Atti del Convegno internazionale di studio, Venezia, 5-7 novembre 1998, Venezia, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti.
- Forclaz, Bertrand (2008), « Le foyer de la discorde ? Les mariages mixtes à Utrecht au xviie siècle », Annales. Histoire, sciences sociales, 63, 2008, 5, 1101-1123.
- Frajese, Vittorio (1994), Sarpi scettico. Stato e Chiesa a Venezia tra Cinque e Seicento, Bologna, Il Mulino.
- Fransen, Piet (1970), “Divorzio in seguito ad adulterio nel Concilio di Trento (1563)”, Concilium, 5, 113-125.
- Freist, Dagmar (2002), “One Body, two Confessions : Mixed Marriages in Germany”, 275-305, in U. Rublack (ed.), Gender in Early Modern German History, Cambridge, U. Rublack.
- Freist, Dagmar (2009), “Crossing Religious Borders : The Experience of Religious Difference and its Impact on Mixed Marriages in Eighteenth-Century Germany”, 201-223, in C. Scott Dixon, D. Freist, M. Greengrass (ed.), Living with Religious Diversity in Early-Modern Europe, Farnham, Ashgate.
- Gambarin, Giovanni (1938), “Consulti inediti di Paolo Sarpi riguardanti la Dalmazia”, Archivio storico per la Dalmazia, XXV/149, 2-22 et XXVI/151, 22-32.
- Gentilizza, Giuseppe (1914), “La storia della Chiesa Slavo-ortodossa in Dalmazia”, Bessarione, XXX, 76-96.
- Grenet, Mathieu (2016), La fabrique communautaire. Les Grecs à Venise, Livourne et Marseille 1770-1840, Athènes/Rome, École française de Rome/ École française d’Athènes.
- Hacke, Daniela (2004), Women, Sex and Marriage in Early Modern Venice, Aldershot, Ashgate.
- Histoire de l’Adriatique (2001), 4e partie par Olivier Chaline, L’Adriatique de la guerre de Candie à la fin des Empires (1645-1918), Paris, Le Seuil.
- I Greci a Venezia (2002), Atti del Convegno internazionale di studio, Venezia, 5-7 novembre 1998, in M. F. Tiepolo et E. Tonettia (a cura di), Venezia, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti.
- Giotopoulou-Sisilianou, E. (2002), Πρεσβείες της βενετοκρατούμενης Κέρκυρας 16ος-19ος αι. : πηγή για σχεδίασμα ανασύνθεσης της εποχής, Athènes.
- Imhaus, Brunehilde (1997), Le minoranze orientali a Venezia, 1300-1500, Roma, Il Vetro.
- Kaplan, Benjamin J. (2005), “‘For They Will Turn Away Thy Sons’ : The Practice and Perils of Mixed Marriage in the Dutch Golden Age”, 115- 133, in B. Kaplan et M. R. Forster (ed.), Piety and Family in Early Modern Europe : Essays in Honour of Steven Ozment, Farnham, Ashgate.
- Kaplan, Benjamin J. (2007), Divided by Faith. Religious Conflict and the Practice of Toleration in Early Modern Europe, Cambridge MA, Havard University Press.
- Kaplan, Benjamin J. (2009), “Intimate Negotiationes : Husbands and Wives of Opposing Faiths in Eighteenth-Century Holland”, 225-247, in C. Scott Dixon, D. Freist, M. Greengrass (ed.), Living with Religious Diversity in Early-Modern Europe, Farnham, Ashgate.
- Kappler, Matthias (1994), “I Greci e Balcani, tra Ottomani, Asburgo e ortodossia”, 86-104, in R. Simonato (a cura di), Marco d’Aviano e il suo tempo. Un cappuccino del Seicento, gli Ottomani e l’Impero (Atti del convegno storio internazionale, Pordenone, 12-13 novembre 1993), Pordenone, Edizioni Concordia Sette.
- Korrè, Katerina B. (2008), “Έλληνες στρατιώτες στο Bergamo. Οι πολιτικές προεκτάσεις ενός εκκλησιαστικού ζητήματος (1622-1624)”, Thesaurismata 38, 289-336 [= Stradioti Greci a Bergamo. Le estensioni politiche di un affare ecclesiastico (1622-1624)]
- Lunzi, Emanno (1858), Della condizione politica delle isole Ione sotto il dominio veneto, Venezia, Tipografia del Commercio.
- Manoussacas, Manoussos (1973), “La comunità greca di Venezia e gli arcivescovi di Filadelfia”, 45-87, in La Chiesa greca in Italia dal VIII al XVI secolo, I, Atti del Convegno storico interecclesiale (Bari 30.IV.-4.V 1969), Padova, Antenore.
- Manoussacas, Manoussos, Scoulas, Giovanni (1993), I libri di stato civile della confraternità greca di Venezia, Venezia, Istituto Ellenico di Studi Bizantini e Postbizantini di Venezia.
- McKee, Sally (1993), “Greek Women in Latin Households of Fourteenthe Century Venetian Crete”, Journal of Medieval History, 19, 229-249.
- Naz, Raoul (1957), « Mariage en droit occidental […] XXI-Mariage mixte », Dictionnaire de droit canonique, VI, col. 784-787.
- Obrknezevic, Milos (1979), “The Development of Orthodoxy in Croatia and the Croatian Orthodox Church”, Hrvatska Revija, Munich-Barcelone, juin, 229-262.
- Orlando, Ermanno (2007), “Mixed Marriages between Greeks and Latins in Late Medieval Italy”, Thesaurismata, XXXVII, 101-119.
- Orlando, Ermano (2014), Migrazioni mediterranee. Migranti, minoranze e matrimoni a Venezia nel basso medioevo, Bologna, Il Mulino.
- Paladini, Filippo Maria (1998), “‘Se pol far, come nelle fortezze, acquistando grado a grado’. Appunti sull’atteggiamento delle autorità venete di fronte alle controversie tra riti ed alle ‘seduzioni serviane’ nella Dalmazia del XVIII secolo”, Ricerche di storia sociale e religiosa, XXVII, 54, 92-112.
- Paladini, Filippo Maria (2003), “Un caos che spaventa”. Poteri, territori e religioni di frontiera nella Dalmazia della tarda età veneta, Venezia, Marsilio.
- Pani, Giancarlo (2014), “Matrimonio e seconde nozze al concilio di Trento”, La Civiltà cattolica, Quaderno 3943, 4 octobre.
- Parker, Charles H. (2008), Faith on the Margins : Catholics and Catholicism in the Dutch Golden Age, Cambridge MA, Havard University Press.
- Peri, Vittorio (1973), “Chiesa latina e chiesa greca nell’Italia postridentina (1564-1596)”, 271-469, in La Chiesa greca in Italia dal VIII al XVI secolo, I, Atti del Convegno storico interecclesiale (Bari 30.IV.-4.V 1969), Padoue, Ed. Antenore.
- Peri, Vittorio (1984), “L’Unione della chiesa orientale con Roma. Il moderno regime canonico occidentale nel suo sviluppo storico”, Aevum, LVIII, 463-464.
- Petraccone, Claudia (1972), “Registri di nascite e matrimoni a Napoli”, 647-699, in C.I.S.P., Le fonti della demografia storica in Italia, vol. I, parte II, Roma.
- Pisani, P. (1897), “I cristiani di rito orientale a Venezia e nei possedimenti veneziani (1439-1791)”, Ateneo veneto, XX, 1897, 361-384.
- Pitsakis, Constantinos G. (2003), « Les mariages mixtes dans la tradition juridique de l’Église grecque : de l’intransigeance canonique aux pratiques modernes », Études balkaniques, 10, 107-145.
- Ratel, A. (1902), « L’église orthodoxe serbe de Dalmatie », Échos d’Orient, 5/VI, 362-375.
- Scaramella, Paolo (2009), “dubbi sul sacramento del matrimonio e la questione dei matrimoni misti nella casistica delle congregazioni romane (secc. XVI-XVIII)” MEFRIM, 121, 75-94, (dossier Administrer les sacrements en Europe et au Nouveau Monde, dirigé par P. Broggio, Ch. De Castelnau-L’Estoile, G. Pizzorusso).
- Scaramella, Paolo (2011), “Mescolanze. Proibizione e pratica dei matrimoni misti nell’Europa delle prima età moderna : riflessioni per una ricerca in corso”, 403-412, in D. Dall’Olio, A. Malena et P. Scaramella (a cura di), La fede degli Italiani. Per Adriano Prosperi, vol. 1, Pisa, Edizioni della Normale.
- Schemri, Kevin (2017), Oikonomia, Divorce and Remarriage in the Eastern Orthodox Tradition, Roma, PIO.
- Setti, Cristina (2014), “Sudditi fedeli o eretici tollerati ? Venezia e i ‘greci’ dal Tardo Medioevo ai consulti di Paolo Sarpi e Fulgenzio Micanzio”, Ateneo Veneto, anno CCI, terza serie, 13/II, 145-182.
- Setti, Cristina (2015), “La contaminazione nel discorso giuridico e sociale : i matrimoni tra greci e latini nella Republica di Venezia”, Acta Histriae, 23, 1, 43-66
- « Stato libero » (1953), 1271-1272, in Enciclopedia Cattolica, XI, Città del Vaticano.
- Stella, Aldo (1964), Chiesa e stato nelle relazioni dei nunzi pontifici a Venezia. Ricerche sul giurisdizionalismo veneziano dal XVI al XVIII secolo, Città del Vaticano, Biblioteca Apostolica Vaticana (Studi e Testi, 239).
- Tsirpanlis, Zacharias (2002), “La posizione della comunità greco-ortodossa rispetto al patriarcato ecumenico di Costantinopoli (XV-XVIII secolo). Saggio interpretativo di istituzioni e avvenimenti”, 123-150, in M. F. Tiepolo et E. Tonetti (a cura di), I Greci a Venezia, Venezia, Istituto Veneto di Scienze, Lettere ed Arti.
- Viggiano, Alfredo (1998), Lo specchio della Repubblica : Venezia e il governo delle isole ionien el ‘700, Verona, Cierre.
- Vukušic, Tomo (2007), “matrimoni misti nel cattolicesimo, nell’ortodossia e nell’Islam. La questione giuridica e pastorale nei rapporti interreligiosi”, Church in the World, XLII, 2, 227-243.
- Wolff, Larry (2001), Venice and the Slavs : the Discovery of Dalmatia in the Age of Enlightenment, Stanford, S. U. P.
Notes
-
[*]
Je remercie vivement Georgios Ploumidis de m’avoir ouvert les portes des archives de l’église de San Giorgio dei Greci et Tassos Anastassiadis, Katerina Konstantinidou, Katerina Korrè, Cesare Santus, Laurent Tatarenko pour leur relecture avisée et leurs précieux conseils.
-
[1]
Si « grec » et « orthodoxe » sont souvent deux termes interchangeables dans les sources, ils ne sont pas pour autant synonymes : des communautés grecques étaient catholiques (uniates) et l’essentiel des communautés orthodoxes de Dalmatie était composé de slaves (Grenet, 2015, 30-39). Selon la typologie employée par la Curie romaine à l’époque moderne, le qualificatif « grec » renvoie aux membres des communautés chrétiennes qui suivaient le « rite grec », autrement dit celles qui étaient les héritières de la tradition byzantine du christianisme. Cela explique pourquoi il était fréquent de rassembler sous cette même dénomination les slaves et les grecs (dans le sens actuel ethnico-linguistique), quel que soit leur rattachement juridictionnel (catholique ou orthodoxe) et leurs origines géographiques.
-
[2]
En principe, le mariage avec le représentant d’une autre Église chrétienne était contraire aux règles canoniques, en accord avec les décisions du concile in Trullo de 692. De fait, la reconnaissance légale de telles unions n’est intervenue que très tardivement dans le monde orthodoxe (sous Pierre Ier en Russie et au xixe siècle dans les régions balkaniques et en Grèce). Dans le même temps, les mariages mixtes pratiqués depuis longtemps dans les territoires pluriconfessionnels étaient tolérés par les autorités ecclésiastiques au nom du principe d’oikonomia (Pitsakis, 2003). Du côté catholique, l’Église a essayé d’encadrer et de formaliser plus précocement les mariages mixtes mais elle a néanmoins continué, de jure, à les traiter comme des exceptions à la règle à travers l’exigence de la dispense épiscopale (Naz, 1957).
-
[3]
De manière schématique, les mariages mixtes ont été analysés d’un point de vue dogmatique (Vukušic, 2007), en particulier quand ils mettaient aux prises des catholiques et des hérétiques (Cristellon, 2013, 2016 ; Scaramella, 2009, 2011) ; du point de vue de la construction d’identité composite (Kaplan, 2005, 2007, 2009) ; et sous l’angle du rapport entre communautés (Freist, 2002, 2009 ; Forclaz, 2009).
-
[4]
Les possessions ultramarines de Venise sont amputées des Cyclades en 1540 (sauf l’île de Tinos prise par les Turcs en 1715), de Chypre en 1573, de la Crète (Candie) en 1669, du Péloponnèse (Morée) en 1718 après une éphémère reconquête en 1684. Sont restées sous souveraineté vénitienne les îles ioniennes (l’île de Leucate étant reprise aux Turcs en 1684), la Dalmatie et une partie de l’Albanie qui s’étendirent aux dépens des Ottomans en 1699.
-
[5]
Le recensement, cité par Paladini (2003, note 97, 206-207) comptabilise 202987 Latins et 47211 Grecs en Dalmatie et Albanie vénitiennes.
-
[6]
L’extension de la juridiction de l’archevêque de Philadelphie sur les églises orthodoxes des possessions levantines vénitiennes fut accordée par le patriarche de Constantinople en 1644 et reconnue par Venise en 1653, mais contestée, dans la pratique, par le grand protopapas de Corfou, l’évêque de Céphalonie et Zante qui était placé sous la juridiction du métropolite de Corinthe (Carydis, 2010, 303 ; Zois, Ιστορία της Ζακύνθου, Athènes, 1955, 289).
-
[7]
ASPV, Curia patriarcale, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, f° 21r, copie du décret du Conseil des Dix du 17 juin 1569 : « che, essendo sempre stato comportato che li Greci vivano liberamente nelli Stati nostri et etiam in questa città secondo li riti et opinioni loro antique, dobbiate nell’avvenire usare ogni diligenza maggiore acciò non siano da quel Tribunale dell’Inquisitione introdotte novità, le quali sogliono per lo più partorire scandoli e disturbi, e specialmente che dal predetto Tribunal dell’Inquisitione non siano moltestati li Greci, pur che vivano secondo li riti et antique opinioni loro et che non entrino in queste nuove heresie ».
-
[8]
Ibid., f°23rv. Les archives patriarcales comportent la copie d’une lettre ducale du doge Niccolò da Ponte du 20 août 1578 (transcrite dans Fedalto, 1967, 134-135) : « Voi dovete sapere la diligenza che in ogni tempo havemo usato perché in quel Regno e nelli altri luoghi nostri dove si attrovano Greci gli sia osservato il loro rito, acciò che senza alcun impedimento possino continuar in quello che hanno fatto per tanto spatio d’anni, e perciò quando è occorso ne habbiamo fatto far offitio, et a Roma con li sommi Pontefici et al sacro Concilio di Trento, quando si è trattato di questo, giudicando noi che alla conservatione delli predetti luoghi nostri sia necessario di conservar a’ Greci i riti loro, come è anche il procurar che quelli che seguono il rito latino si conservino in esso et che aumentino ancora, onde abbiamo sempre fato offizio che li prelati latini faccino le loro residenze a questo fine di conservar et accrescer il rito latino ».
-
[9]
L’offensive catholique s’exerçait également dans le Dominio da Terra vénitien où un pope, qui officiait à Bergame auprès des mercenaires grecs des armées vénitiennes, se plaignit en 1622 du prosélytisme des jésuites et craignait que l’État vénitien vît en eux des schismatiques qui auraient été obligés de renier leur foi. Sur cette affaire, voir Korrè, 2008.
-
[10]
En 1582, à la suite de l’interdiction imposée aux popes de célébrer les sacrements à la demande de l’évêque catholique, une ambassade des représentants de l’île auprès de la Seigneurie avait obtenu le vote d’un décret du Sénat (10 décembre 1582) qui rappelait la nécessité de respecter le rite grec (Giotopoulou-Sisilianou 2002, 93-94).
-
[11]
ASVe, Senato, Mar, Deliberazioni, Registri, reg. 59, f° 64v-65r ; Ibid., Filze, filza 142, n° 1-3. L’affaire est rapportée par Giotopoulou-Sisilianou 2002, 96-97.
-
[12]
Ibid., n° 2, supplique écrite le 17 février 1599 et transmise par le provveditore de Corfou le 4 avril 1599 : « né Italiane che passano a mariti greci, né le Greche a passar a mariti italiani sì come è stato sempre praticato con universale sodisfatione non solamente in questa città ma etiam in quella inclita città di Venezia ».
-
[13]
Ibid., supplique datée du 13 avril, transmise le 15 mai 1599. L’Évangile, la Lettre et le psaume sont, d’abord, lus en grec par le pope orthodoxe, puis par le prête catholique en latin avant d’être baisés par les recteurs vénitiens, puis les juges grecs et latins et les syndics de la ville.
-
[14]
Ibid., filza n°3.
-
[15]
ASVe, Compilazione delle leggi, b. 228, “Greci”, f°148r, copie du décret du Sénat du 10 décembre 1582 : « non si conviene quando le donne latine si maritano con Greci proibir che li figlioli che ne nascono non abbiano a seguire il rito del padre et pigliar li sacramenti secondo esso loro rito, purché le donne non siano astrete lasciare il rito latino, et che all’incontro quando le donne greche si maritano con Latini possino esse a beneplacito loro restar nel suo natural rito et essergli amministrati li sacramenti dalli preti greci purché li figlioli abbino sempre a restar latini come quelli che devono seguir la natura et rito delli padri da queli hanno l’origine ».
-
[16]
Lunzi, 1858, 367-368 ; ASVe, Compilazione delle leggi, b. 277, « Matrimoni », f°434r-435r, copie du décret du Sénat du 31 juillet 1599 : « che non si conveniva quando le donne latine si maritano con Greci proibir che li figlioli non abbino a seguire il rito del padre purché le donne non siano astrette lasciar il rito latino, et che all’incontro quando le donne greche si maritano con Latini possano esse a beneplacito loro restare nel suo rito naturale, purché li figlioli abbino sempre a restare latini, come quelli che devono seguire la natura et rito delli padri ».
-
[17]
Ibid., f° 438rv, 440r.
-
[18]
ASVe, Senato Mar, Deliberazioni, Registri, reg. 59, f°64v : « che nell’avvenire non si haverà a sentir più molestia alcuna e potrà esser osservato quello che è stato permesso anco per lo passato circa li matrimonii de Greci con Latini, dovendosi conservar da Latini il rito latino senza poter passar al rito greco sotto pretesto de matrimonii, sì come già gli altre volte deliberate, e come è giusto e conveniente ».
-
[19]
Devant la volonté de Venise de restreindre la propriété ecclésiastique et de limiter le pouvoir des tribunaux ecclésiastiques, le pape Paul V jeta, en 1606, l’Interdit sur les sujets de la République de Venise au prétexte que celle-ci entendait juger deux prêtres selon le droit commun. L’enjeu pour Venise était de défendre la souveraineté de l’État face à l’ingérence du pouvoir pontifical. Ce conflit, qui se résolut grâce à la médiation de la France, donna lieu à une intense campagne d’écritures et mobilisa les plus éminents juristes, parmi lesquels, le servite Paolo Sarpi (Cozzi, 1979 ; De Vivo, 2012).
-
[20]
En mai 1610, en réaction de l’interjection en appel d’une cause devant le tribunal du nonce apostolique de Venise, Paolo Sarpi rappela que, selon la coutume et la décision du Sénat, seul l’archevêque latin de Candie était habilité à juger les litiges matrimoniaux entre Grecs (en l’absence de supérieur orthodoxe dans l’île) et que ce pouvoir était exercé non par commandement de Rome mais par délégation de la Seigneurie. Il déniait donc au nonce toute juridiction d’appel. Dans le parère du 15 septembre, il préconisa que l’archevêque déléguât sa juridiction de première instance et se réservât celle en appel sans altérer la supériorité de la Seigneurie vers laquelle les sujets pouvaient se tourner en ultime recours. Ce qui se jouait dans cette controverse, ce n’était rien de moins que la suprématie juridictionnelle de Venise sur ses sujets grecs. ASVe, Consultori in iure, filza 8, f°37r-38v, 5 mai 1610 ; Ibid., filza 10, f° 23r-32v, 15 septembre 1612. Je remercie Corrado Pin d’avoir aimablement mis à ma disposition, par le truchement de Mario Infelise, ces consulti de Paolo Sarpi dont il assure l’édition.
-
[21]
ASVe, Senato Mar, Deliberazioni, Filze, filza 238 et Consultori in jure, b. 15, f° 325r.
-
[22]
Sur les communautés grecques du Royaume de Naples, voir Falcetta 2016.
-
[23]
ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. S (20), copie du décret du Sénat du 9 juin 1634.
-
[24]
ASVe, Consultori in jure, b. 46, f° 172r-173r, consulto du 7 janvier m. v. 1641 (commentaires marginaux d’une autre main).
-
[25]
ASVe, Senato, Mare, Deliberazioni, Registri, reg. 99, f° 71r et Ibid., Filze, filza 338. ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. A, f° 31rv, copie du décret du Sénat du 11 mai 1641 : « Perché in avvenire non seguano inconvenienti ne gli essercitii del rito greco in cotesta città et intieramente s’aiutino le cose a quanto ricerca la pietà publica verso il culto divino, vi dicemo col Senato essere mente nostra che quei di cotesti fedelissimi et ogn’altro che venisse ad habitare del detto rito greco possano liberamente essercitar le ceremonie lor solite et servir il signore Iddio nella loro chiesa secondo le consuetudini loro, et che anco li lor sponsali et matrimonii seguano nelle forme solite et all’essequie de deffonti possano andar ricercati senza ostacolo di chi si sia li religgiosi, fraglie, hospedali et altri del rito latino ; onde così in tutte queste cose come in cadaun’altra resti per apunto sempre essequito quello che nel medemo rito greco si osserva in questa città, nel Regno di Candia, e negl’altri luoghi nostri del Levante senza imaginabile impedimento di chi si voglia ».
-
[26]
ASVe, Compilazione delle leggi, b. 228, « Greci », f°238rv, décret imprimé du provveditor de Corfou en date du 26 septembre 1643 : « che giornalmente dal rito latino si facci senza alcun freno, anzi in sprezzo delle publiche deliberationi, passaggio al rito greco, altri perché restando orfani del padre latino rimangano sotto l’educazione delle madri greche, altri per esser alla servitù de’ Greci che vengono alletati aderire alli patroni, et altri per diversi particolari fini » ; « che nell’avenire non ardiscano amministrare alcuno delli sette sacramenti della Chiesa, né esercitare alcuna funzione spirituale verso quelli, che per il mezzo del sacro battesimo dal principio si sono consecrati alla Chiesa latina, né meno verso li loro figlioli, eccetuato il sacramento del matrimonio, quando il marito fosse greco e la moglie latina, et eccettuate l’essequie funerali, quando intervenissero con Latini ».
-
[27]
ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. L (13), n. n., lettre de Pietro Vendramin, provveditor général de Dalmatie à l’archevêque de Zara, 6 mars 1728 : « riservatole bensì l’arbitrio d’avvisarne li publici rappresentanti in caso che, sedotte o forzate da loro mariti, passassero al rito greco le donne latine ».
-
[28]
Ibid., scrittura P. Celotti consulto 22 novembre 1742 : « eccesso che non può darsi maggiore rispetto ad un sudditto della serenissima Republica, prencipe cattolico, la quale non solo non ha mai permesso nelle parti di Levante e di Dalmazia abitate da Greci e Latini declinazione e pregiudizio alcuno al rito latino, ma anzi ha procurato con esemplarità e con l’industria di pia attenzione e sollecitudine di coltivarlo ed accrescerlo, come si vede da più deliberazioni antiche e recenti di quest’eccelentissimo Consiglio ed eccelentissimo Senato, le quali, se da un canto tolerano i matrimoni tra Greci e Latini, vietano però dall’altro ai Latini sotto pene di carcere e di galera il passar al rito greco. Tanto più dunque come nel caso presente saranno rei presso vostra Serenità di maggior delitto e meriteranno più severe pene quei Greci di rito serviano inimici giurati della cattolica religione se haveranno ardire di sforzar e violentar le proprie moglie latine e seguir il loro rito ».
-
[29]
La pleine souveraineté de Venise sur ses sujets grecs, y compris en matière religieuse, est rappelée au xviiie siècle, en particulier dans les années 1760 dans les îles ioniennes (Viggiano, 1998, 211-214).
-
[30]
Au début du xviie siècle, l’archevêque de Spalato (Split) voulut étendre sa juridiction sur les habitants de la Craina au-delà de la frontière aux dépens de l’évêque de Bosnie et des Franciscains. P. Sarpi répliqua que les évêques dans les possessions vénitiennes n’avaient pas juridiction à l’extérieur des frontières (« li vescovi proprii non abbiano giuridizione fuori ») en échange de quoi les évêques dont le siège était extérieur à la République n’avaient pas juridiction en son sein (Gambarin, 1938, 8-9).
-
[31]
Une bibliographie sur l’Église slave-orthodoxe de Dalmatie est donnée par Paladini (2003, 203-204, notes 50 et 53).
-
[32]
Sur la disponibilité matrimoniale, voir l’article « Stato libero » (1953) et sur l’exploitation des processetti dans une perspective démographique et sociale, voir Petraccone 1972, Belfanti 1994, Albani 2003-2004, Avorio et alii 2003, Canepari 2003.
-
[33]
ASVe, Compilazione delle leggi, b. 277, « Matrimoni », f°396r, 458r. Le 28 février 1662 m. v., le Sénat vote un décret qui oblige au respect rigoureux des règles en matière de célébration des mariages sur l’insistance du Patriarche qui déplore des abus et des fraudes. Il est, par ailleurs, exigé que les patriciens se présentent à l’Avogaria di Comun pour l’enregistrement de leur mariage avec les attestations (fedi) requises.
-
[34]
ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. L (13), n. n., copie du décret de Giustin da Riva, provveditor général de Dalmatie, 23 décembre 1706 : « Tanto quelli del rito latino quanto del rito greco dovranno soggiacere alle ordinazioni predette et ottenere le licenze e permissioni de superiori ; anzi, contraendosi matrimonio tra greco e latina, o latino e greca, nell’uno e nell’altro caso non si dovrà da parochi o sacerdoti, così dell’uno come dell’altro rito, congiungerli senza permissione e notizia degl’illustrissimi e reverendissimi prelati ordinari e vescovi latini, sotto tutte le pene di sopra espresse, e come s’è dichiarito ».
-
[35]
En 1747, le Sénat se penche sur le cas de la demande de séparation de Fiorina Degiudopolo de son mari Nicolò Mosconà qui devrait être soumise à la juridiction de l’archevêque de Philadelphie puisque le mariage avait été célébré selon le rite orthodoxe dans la maison de l’épouse. Or, à cette date, le siège de l’archevêché est vacant. Le Sénat accorde aux Patriarches de Venise et d’Aquilée de juger la cause, respectivement, en première et seconde instance, mais selon les lois du rite grec. ASVe, Compilazione delle leggi, b. 277, « Matrimoni », f°313v-314r, 521r, 523rv, décrets du Sénat du 18 janvier et du 8 février m.v. 1747. La cause, instruite en 1748, mobilise de nombreux témoignages contradictoires, cf. ASPV, Curia, Sezione antica, Filciae causarum, b. 130, 1746, n. n. La même situation se reproduit en 1772 lors de la séparation entre une épouse catholique (Giovanna Maria di Pietro Massato) et son mari grec (Giorgio Papadopoli q. Pietro) : ASVe, Compilazione delle leggi, b. 277, « Matrimoni », f° 525r.
-
[36]
ASPV, Sezione antica, Scritture antiche e recenti della chiesa dei Greci, b. 1, Proc. P, f° 7r-8r ; ASVe, Compilazione delle leggi, b. 228, « Greci », f° 375rv, copie du décret du Sénat du 12 avril 1710 : « Quanto ai matrimoni tra Greci e Latini si osservi il prescritto dal Senato 31 luglio 1599, non dovendo esser impediti con dichiarazione ch’ogn’uno de’ sposi segua il proprio rito. La prole sia educata in quello del padre, le solennità del contratto dipenda dalla condizione del uomo, né il sacredote greco sposi la latina, né il latino la greca, senza fedi di libertà, e nelle cause pure di divorzio spetti la cognizione al prelato di quel rito che con il metodo di sopra espresso averà benedetto il matrimonio ».
-
[37]
« A danno e turpitudine della figliolanza rispetto all’illegitimità e con ingiuria delle costituzioni del sacro Concilio di Trento ». Cité par F. M. Paladini (2003, 174).
-
[38]
Les données – tirées de ASVe, Consultori in jure, b. 426aa, Dettaglio dell’anime di rito latino e di rito greco (…) nella provincia – sont jugées partielles et sousévaluées par F. M. Paladini (2003, 206-207, note 97). À Sebenico l’estimation comptabilise 29970 catholiques et 10737 orthodoxes.
-
[39]
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 4a, fasc. 3, n°18, f°10rv : « Sappia per tanto vostra S. illustrissima e reverendissima qualmente capitata l’occasione ad un greco della parochia Krisca di collocarsi in matrimonio con una puta di rito latino, sono ricorsi al reverendo vicario Disnico per ottenere la fede di libertà della figlia medesima, onde poter suseguentemente celebrare gli sponsali giusto il rito greco ; il predetto reverendissimo signore vicario ricusò la prefatta fede di libertà quando non si assogetasse a suoi esami il greco sposo ».
-
[40]
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 6b, fasc. 22/1-16.
-
[41]
Ibid., n° 8, 2 février m. v. 1783 : « che, essendoli attrovati già giorni otto circa in casa del reverendo padre frà Bonaventura Billupich, attuale parroco nel Borgo sudetto, comparse personalmente il capelano de Greci reverendo papà Basiglio unittamente al detto Steffano Celar, il quale ricercò al medisimo parroco la fede del stato libero della sudetta Petriza Celar per passare a matrimonio con Simon Scocich q. Michiel dal Bordo sudetto di rito greco, e gli fu risposto dal sudetto reverendo parroco che nel proposito ha egli fatto ciò che li incombeva e che aveva spedito l’occorente in curia vicariale ».
-
[42]
Ibid., n°11, 11 février m. v. 1783 : « il […] parroco latino del Borgo sudetto abbia esteso una fede concernente la parentella di Simon Scocich con Petriza figlia di Stefano Celar col fondamento delle attestationi di detta capitulare, il che non è assolutamento vero mentre essi non hanno mai asserto tal cosa ».
-
[43]
Ibid., n°9, 5 février m. v. 1783.
-
[44]
Ibid., n°12, 11 février m. v. 1783 : « avendone di fresco anche in presenza di testimoni esposto al reverendo paroco di rito greco di questo Borgo i ben giusti e onesti motivi per li quali per non offender il suo decoro e machiar la sua conscienza, non fu in caso di rilasciare una fede libera come per lo passato ha stillato con tutte le femine di rito latino che passarono a matrimonio con Greci, delle quali oggidì vivono cinque, come facilmente si può provare ».
-
[45]
Ibid., n° 13, 11 février m. v. 1783 : « (il) reverendo signore vicario capitolare don Domenico Mistura che, invece di far tenere al solito la ricercata fede di libertà a Petrizza figlia di Stefano Celar che desiderava congiungersi in matrimonio con uno del rito greco, come fu pratica da prelati in passato e come era stato promesso dallo stesso reverendo signore vicario al reverendo papà Matteo Vejà officiatore e parroco greco in questa città et all’altre persone e ratificato anco alla presenza del pubblico rappresentante, à rilasciato a seconda del reverendo parroco latino frà Bonaventura Billussich una fede del tutto ultronea e non ricercata d’alcalcunoché forma una incompetente inquisizione, una novità di esempio e contro il consueto ben noto ad esso signore vicario, sopra l’onesta parentella di Simon Scocich di rito greco, aspetta unicamente al parroco di detto rito, come quello che in tal caso per publica providenza deve celebrare la solenità del contrato, cose tutto che vengono a frastornare un matrimonio tra greco e lattina tuttoché stabilito e concluso di commun consenso delle parti contraenti et ad arogarsi possibilmente incompetenti diriti turbativi la libertà de riti contro la publica costante volontà ».
-
[46]
ASPV, Sezione antica, Curia, Examinum matrimoniorum, b. 268, f°346v, 16 juillet 1765.
-
[47]
Les processetti matrimoniali donneront lieu à un programme de recherche sous la direction de J.-F. Chauvard et financé par l’ANR entre 2019 et 2022. Pour l’heure, voir Belfanti, 1994 et Canepari, 2008.
-
[48]
Synodus Veneta ab Illustrissimo & Reverendissimo D. D. Laurentio Priolo Patriarcha Venetiarum, Dalmatiaeque Primate, secundo anno sui Patriarchatus celebrata. Diebus 9. 10. et 11 septembris M.D.X.C.I.I. Sanctiss. D. N. Clemente Octavo Pontifice Maximo Sedente. Venetiis, MDCLXVIII, Ex Typographia Pinelliana. De Matrimoniis ritè contrahendis, cap. VII, p. 25.
-
[49]
Le métropolite de Philadelphie élu en 1685, le philo-catholique Meletios Typaldos, fonda une confrérie grecque-catholique sous le patronage de saint Spyridon et remit en vigueur les décrets du Conseil des Dix obligeant les fidèles de San Giorgio à faire une profession de foi catholique. L’élection de métropolites philo-catholiques conduisit le patriarche de Constantinople à excommunier en 1761 le métropolite Grigorios Fatseas. Cette période de tension prit fin en 1780 quand le nouvel archevêque Sofronios Koutouvalis ne fut plus obligé de signer une profession de foi catholique (Tsirpanlis, 2002 ; Grenet, 2016, 34-36).
-
[50]
AEIB, B. Chiesa, 3. Archidiocesi di Filadelfia, b. 4a, fasc. 18/2, f°136-140.
-
[51]
Sava II Petrovich était le métropolite du Monténégro qui résidait alors à Cetinje.
-
[52]
Ibid., fasc. 58 : « 15 giugno 1767.
Facio fede io infrascritto confessore del signore Zuanne Doncovichi qualmente il sopradetto Zuanne Doncovichi è di rito greco e libero giusto la sua confessione, capace di aver per moglie ogni putta christiana, munita coli requisiti necessari, di buoni costumi e libera di ogni impegno a qual’oggetto si rilascia la presente al sopradetto Doncovichi per valersene in’ogni sua occorenza. Sarvomonaco Doroteo Vasmulo suo confessor affermo come sopra ». -
[53]
Ibid., b. 6b, fasc. 15, p. 14 : témoignage d’Agapio Loverdo et Catterina et Margarita Nadali en faveur de Pasqual Grammaticopulo de Céphalonie futur époux d’Anna Gosato q. Antonio, 15 août 1783 s. v. : Int. : se conoscono il signor Pasqual Gramaticopulo / Resp. : di sì / Int. : se è di rito greco e battezzato alla greca secondo l’uso della nostra Chiesa oriental / Resp. : di sì / Int. : se il sudetto signor Gramaticopulo à mai incontrato matrimonio et è estato mai impegnato o qua o via di qua, et è in presente libero / Resp. : di non esser mai stato altro cognizione che il signor Gramaticopulo sia stato mai maritato o impegnato ne qua ne via di qua anzi asseriscono che è libero / Int. : se conoscono la sudetta Anna Gosato / Resp. : di sì / Int. : se il sudetto signor Gramaticopulo ha nessuno parentela con la signora Gosato sudetto / Resp. : di no.
-
[54]
Ibid., fasc. 19/1 : « possible di aver la fede del mio battesimo, stante in quelle parti ove nascò non si accostuma tener veruna sorte di registro ».
-
[55]
Ibid., fasc. 15, p. 20-22.
-
[56]
Ibid., fasc. 12, 4 avril 1784. Quand on lui demande si on l’a forcée à être baptisée, elle répond : « Nessuno l’andò viollentata, anci essa mostrò tutto il desiderio e non vedeva l’ora di arivar in cristianità per aver l’aque del santo battesimo ».
-
[57]
L’église de San Giorgio tenait depuis 1599 des registres de baptêmes et de mariages, mais pas des sépultures qui étaient enregistrés dans les registres de l’église paroissiale de Sant’Antonin.
-
[58]
Ibid., fasc. 34/1 : « nel libro in cui si registrano li nomi delli battezzati, tenuto da questi reverendi capellani della chiesa di San Giorgio, non si ritrova il quello registrato il proprio di lei nome e batesimo et non che le seguenti precise et uniche parole, cioè 1765 24 febraro m. v. Margarita figlia legitima del signor, e tutto la restante iscrizione omessa ».
-
[59]
Ibid., fasc. 102/ 1-2.
-
[60]
Ibid., fasc. 99/1-7.
-
[61]
Ibid., fasc. 15, p. 15, licence pour le mariage de Pasqual Grammaticopulo et d’Anna Tosato, 18 août 1783 s. v. : « Per parte della signora Anna Tosato q. Antonio non furono chiamati dal’officio testimoni, ma vedi in filza intitolata Fedi e libertà di matrimonio al n°6 ».
-
[62]
Ibid., fasc. 15.
-
[63]
Ibid., fasc. 94.
-
[64]
Ibid., fasc. 39/1 : « alla greca e che dove naque il medesimo non conservano registri di sorte alcuna, d’esser paesi presentemente possessi dagli infedelli maomettani ».
-
[65]
Ibid., fasc. 34, p. 20-21.
-
[66]
Ibid., fasc. 34, p. 23-24.