Notes
-
[1]
L’introduction, les deuxième et troisième parties ainsi que la conclusion ont été rédigées par Fabrice Boudjaaba, la première partie par Marie-Pierre Arrizabalaga.
-
[2]
Des chercheurs ont entrepris des études monographiques sur les systèmes familiaux dans le but de confirmer ou d’infirmer les conclusions des ethnologues. Signalons, parmi bien d’autres, les publications d’Anne-Marie Landes-Mallet (1985) sur le Rouergue, de Xavier Martin (1972) sur l’Anjou et le Maine et de Maïté Lafourcade (1989) sur le Pays Basque.
-
[3]
La cohabitation entre les générations était effectivement une pratique courante dans les Pyrénées, mais aussi ailleurs en France. Les systèmes successoraux, cependant, différaient selon les régions : primogéniture masculine stricte en Béarn (Poumarède, 1972), dans les Hautes-Alpes (Fontaine, 1990, 1992) et en Haute-Provence (Collomp, 1983) ; primogéniture masculine moins stricte dans les Baronnies (Chiva et Goy, 1981, 1986 ; Fauve-Chamoux, 2004b) ; aînesse intégrale au Pays Basque (Lafourcade, 1989 ; Arrizabalaga, 2006, 2009, 2010a, 2010b), dans le Cantal (Duroux, 1992, 1994) et antérieurement à Barèges et dans le Lavedan (Cordier, 1859) ; succession masculine sans distinction de rang de naissance dans le Capsir (Assier-Andrieu, 1987).
-
[4]
Les articles de Pierre Bourdieu dans ce domaine parurent en 1962 (pour celui concernant le célibat) et en 1972 (pour celui concertant les stratégies matrimoniales). Ils furent réédités dans Le bal des célibataires (2002).
-
[5]
L’historiographie sur les femmes et les migrations est importante, notamment lorsqu’il s’agit des migrations internationales. Nombre d’études comparatives sur ces thèmes furent et sont entreprises par les Anglo-saxons.
-
[6]
Il faut souligner l’écart entre la « popularité » des systèmes à maison et le fait qu’ils ne concernent que des régions assez réduites. La famille-souche des Pyrénées est loin de constituer un modèle très répandu dans l’Europe préindustrielle.
-
[7]
Nous renvoyons à l’article de Guido Alfani, Vincent Gourdon, Cyril Grange et Marion Trévisi dans le présent volume. Voir aussi (Alfani, Castagnetti et Gourdon, 2009).
1Faire la synthèse exhaustive des travaux des vingt dernières années traitant des systèmes familiaux, pour la France principalement et l’Europe, en quelques dizaines de pages, relève de la gageure et nous l’avons soigneusement évitée. Le sujet a fait l’objet d’une bibliographie d’une exceptionnelle abondance, qui résulte à la fois de son ancienneté et de son caractère multifacettes. La question des systèmes familiaux est, pour ainsi dire, née en même temps que les sciences sociales, dans la seconde moitié du xixe siècle ; les travaux de Frédéric Le Play autour de la famille élargie constituant une sorte de borne initiale de cette littérature. Le sujet se situe en outre à la croisée de deux traditions historiographiques, aujourd’hui très mêlées, mais qui ne l’ont pas toujours été : la démographie historique d’une part, l’histoire de la famille d’autre part, ce qui multiplie le nombre d’ouvrages ou d’articles qui relèvent peu ou prou de la question des systèmes familiaux.
2Devant cette difficulté, nous nous sommes dérobés. Il nous a paru plus judicieux, et peut-être plus réaliste, de proposer une lecture des évolutions historiographiques en France – en lien avec les historiographies européennes connexes – qui ne fait pas mention de tous les travaux mais tente de rendre lisibles les grandes transformations dans la manière dont les historiens, mais aussi les anthropologues, ont abordé et abordent la question des systèmes familiaux. Cela nous a paru d’autant plus approprié qu’a paru récemment une vaste synthèse (Viret, 2014) des travaux sur la famille et la reproduction sociale, du Moyen Âge au xixe siècle, nécessairement plus complète sur le plan bibliographique. Pour ce faire, nous avons retenu un angle d’approche : celui des méthodes et, surtout, du rapport de l’historiographie à la question des modèles. Il nous a semblé en effet, en revisitant cette riche bibliographie, qu’on pouvait comprendre et interpréter l’essentiel de ces travaux dans leur relation à la question de la validité des modèles et à la possibilité pour l’historien de proposer, au-delà de la richesse de la démarche monographique, des règles de fonctionnement des systèmes familiaux qui soient reproductibles, sous certaines conditions, d’un espace à un autre.
3Dans cette perspective, et quoique l’objectif des articles de ce volume anniversaire soit d’abord de faire un état des lieux des développements récents – les vingt dernières années – dans les travaux relevant de la démographie historique au sens large, nous proposons d’abord un retour sur ce qui fut un moment clé de cette histoire des systèmes familiaux : les tentatives de cartographie des années 1970. Cela est justifié par deux éléments : d’une part, le fait que ces travaux restent constamment invoqués, dans les enquêtes les plus récentes, comme des points de référence par rapport auxquels les historiens, notamment les auteurs de monographie, situent leur propre travail ; d’autre part, parce que ces cartographies sont aussi un des éléments par lesquels la question des modèles de systèmes familiaux et de leur caractère reproductible d’un espace à l’autre est régulièrement posée. L’objectif du parcours historiographique que nous proposons ici, à partir des travaux français principalement et de quelques études européennes sur l’Ancien Régime et le xixe siècle – périodes sans doute les mieux renseignées mais aussi qui connaissent un certain nombre d’inflexions majeures dans le fonctionnement des systèmes familiaux – est donc de comprendre comment, après les avoir quelque peu délaissées, les historiens sont revenus à ces questions, cherchant à identifier des régularités, des éléments systémiques dans le fonctionnement des modes d’organisation familiale et des principes de transmission successorale. Comment, finalement, les chercheurs sont passés d’une cartographie des modes d’habiter et d’hériter à une histoire des processus de reproduction sociale et familiale attentive aux évolutions diachroniques.
La cartographie des systèmes familiaux et des systèmes d’héritage
4Au cours des soixante dernières années, plusieurs cartographies des systèmes familiaux en France ont été publiées. Chacune proposait une synthèse des travaux existant à leur époque à différentes échelles, locale, régionale ou nationale, plus ou moins articulée par les traditions disciplinaires dans lesquelles leurs auteurs se situaient. Tandis que certains chercheurs, notamment les juristes et les historiens du droit, proposaient des synthèses sur la manière dont les lois successorales ont évolué dans le temps, d’autres, comme les historiens et les ethnologues, prenaient davantage en compte les pratiques, en particulier notariales, et leurs inflexions dans le temps, pour construire ces cartographies. Tous ces travaux ont mis en évidence la diversité des coutumes, des lois et de leurs pratiques, à la fois dans les régions égalitaires du nord de la France, mais aussi et surtout dans les régions inégalitaires du sud du pays. Tous, enfin, ont souligné la complexité des pratiques successorales et des mécanismes sociaux à l’intérieur d’une même région ou d’une même province, avant et/ou après la mise en place du Code civil, en 1804.
5Cette historiographie est ancienne. Il faut pourtant y revenir, même succinctement, tant elle continue d’être abondamment citée, et même lue, et forme encore à l’heure actuelle le cadre dans lequel les travaux les plus récents s’inscrivent, ou du moins le cadre dans lequel les chercheurs, à maints égards, se positionnent. Dès 1966, le juriste Jean Yver proposa une cartographie coutumière (Yver, 1966). Il ne s’agissait pas seulement d’une cartographie historique détaillée du droit coutumier du nord de la Loire : elle incluait aussi le Poitou, le Berry, la Marche, le Bourbonnais, et l’Auvergne (voir aussi Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009, 48-50). L’auteur entreprit une synthèse de tous les travaux existants dans le domaine, mais dans une approche comparative. Son intention était de révéler « l’esprit » des différentes coutumes, d’identifier leur diversité et d’expliquer leur fonctionnement à travers les âges et par conséquent dans la longue durée. Si, dans le détail, cette cartographie est naturellement discutée aujourd’hui, la méthode de Jean Yver consistant à analyser les systèmes régionaux à partir des critères du rapport à l’égalité entre héritiers et de la place dévolue au régime dotal dans le fonctionnement de chacun des régimes successoraux, reste en soi une démarche pertinente qui trouve, à certains égards, des réactualisations récentes (Viret, 2014).
6En 1972, une seconde cartographie de la France coutumière fut proposée par Emmanuel Le Roy Ladurie, historien, qui, dans une approche plus globale, a comparé les systèmes familiaux des pays du sud de la Loire avec ceux situés au nord (Le Roy Ladurie, 1972). Dans son article, l’auteur proposait un état des lieux de la recherche sur les différents types de systèmes familiaux en France, comparant la France de la coutume (au nord) à celle du droit écrit (au sud), en s’inspirant largement des travaux de Jean Yver dans son analyse des pratiques des territoires de la partie septentrionale. Le but de cette synthèse était de proposer une « grille qui permet de départager les aires culturelles » et, par conséquent, d’identifier et d’expliquer les divergences dans les pratiques coutumières selon les régions (Le Roy Ladurie, 1972, 825). L’historien distinguait trois zones : une zone préciputaire, inégalitaire, au sud de la France, une zone d’égalité parfaite, au nord du pays, et une zone intermédiaire, plus nuancée en raison du régime dotal dont les règles autorisaient une plus grande flexibilité. Mais surtout, l’article d’Emmanuel Le Roy Ladurie contribua largement à faire des systèmes d’héritage l’un des objets d’étude les plus féconds de l’anthropologie historique et non pas seulement un objet pour l’histoire du droit civil et du droit de la famille.
7Cette démarche cartographique à échelle nationale ne permettait toutefois pas de mettre en évidence la diversité des systèmes familiaux à l’intérieur de chacune des grandes zones géographiques identifiées par les travaux de Jean Yver et d’Emmanuel Le Roy Ladurie. Il est vite apparu nécessaire pour cela de descendre à un niveau plus régional. Jacques Poumarède, juriste, fut ainsi un des premiers à proposer une étude des systèmes familiaux spécifiquement consacrée à la France méridionale, celle du droit écrit. Il présenta une cartographie des pratiques coutumières du Sud-Ouest pyrénéen à partir de l’analyse de nombreux actes notariés médiévaux (Poumarède, 1972). L’auteur distingua deux types de droit écrit dans le Sud-Ouest : d’une part, le droit garonnais, égalitaire à l’ouest et préciputaire à l’est de la région, et d’autre part, le droit pyrénéen, inégalitaire en raison des différentes formes d’héritage unique, préconisées par les textes anciens et perpétuées par les familles dans la pratique. Dans son analyse, il démontrait qu’à l’intérieur de chacun des territoires, les pratiques pouvaient différer de manière significative et que les inégalités entre les enfants d’une même fratrie existaient partout. Les pratiques et les inégalités cependant étaient de différentes natures selon les régions et selon les coutumes, voire parfois à l’intérieur d’un micro-territoire ou entre deux communes voisines. Elles pouvaient apparaître archaïques dans certains lieux et modernes dans d’autres. Jacques Poumarède montra ainsi que, sous l’Ancien Régime, les lois coutumières n’étaient pas si rigoureusement appliquées et que les pratiques familiales pouvaient parfois différer nettement de la législation selon les territoires.
8Si les cartographies proposées par des historiens et des juristes ne proposent pas une définition aussi stricte et immuable des pratiques coutumières et des systèmes familiaux d’Ancien Régime qu’une historiographie plus ancienne, elles n’échappent pas à une certaine réification des réalités qu’elles décrivent, limite inhérente sans doute à la cartographie elle-même qui, par définition, peine à rendre compte des évolutions temporelles. Les pratiques pouvaient ainsi s’éloigner sensiblement des coutumes car les familles prenaient certaines libertés et agissaient de manière parfois autonome afin d’adapter leurs pratiques à leur situation spécifique au moment de la succession. C’est sans doute la prise en compte des variations de ces systèmes au cours du temps qui singularise les travaux des vingt-cinq dernières années, nous y reviendrons.
9Le souci d’une approche diachronique n’est, en effet, pas étranger à la réduction des terrains d’analyse. De nombreux chercheurs ont, dans cette perspective, privilégié l’étude des pratiques notariales à une échelle plus locale, voire à l’échelle des paroisses ou des communes, afin de mieux prendre en compte la complexité et la variabilité des systèmes.
De la cartographie aux pratiques locales
10Ce changement d’échelle s’est traduit par la production d’une profusion de monographies, souvent de grande qualité, venant inévitablement nuancer les conclusions de cartographies par définition synthétisantes. Pour éviter l’effet catalogue d’une énumération, attardons-nous seulement sur certaines d’entre elles qui, parce qu’elles introduisent une innovation méthodologique ou une problématique nouvelle, ont permis de faire évoluer l’historiographie des systèmes familiaux.
11Dans la continuité des travaux des juristes, Anne Zink, historienne, a proposé une cartographie encore plus spécifique et détaillée des systèmes familiaux dans le Sud-Ouest français à partir de l’analyse des pratiques notariales et des textes coutumiers (Zink, 1993). Il s’est agi là d’une cartographie coutumière, réalisée à partir d’une grande enquête sur les systèmes familiaux, passant par l’étude des pratiques de dévolutions déduites de l’analyse minutieuse de centaines d’actes notariés. Son objectif a été d’étudier les pratiques successorales inégalitaires d’Ancien Régime dans les différentes zones culturelles du Sud-Ouest et leurs effets. Grâce à l’étude synchronique des pratiques notariales et à l’analyse des destins des individus selon leur rang de naissance, Anne Zink a déduit plusieurs modèles familiaux. Cette cartographie révèle la multitude et la complexité des systèmes familiaux inégalitaires de cette région de France. Tous se devaient de protéger les droits et pouvoirs des aînés, des fils dans certaines régions (primogéniture) ou des aînés, fils ou filles, dans d’autres zones (aînesse intégrale). Cependant, ces pratiques d’héritage unique qui étaient de règle partout et qui inévitablement favorisaient les aînés différaient sensiblement les unes des autres et leurs modalités d’application affectaient les familles et les individus différemment selon les territoires, voire à l’intérieur d’un micro-territoire. Aussi Anne Zink a-t-elle proposé une cartographie coutumière encore plus fine, détaillée et complexe, que celle de ses prédécesseurs, en soulignant la diversité des pratiques et des destins à l’intérieur d’un même espace.
12Les travaux de Pierre Lamaison illustrent parfaitement la place importante occupée dans ce champ d’étude par la démarche ethnographique ou ethno-historique [2]. Davantage attaché à une démarche par cas, les ethnologues ont jugé les modèles et les analyses proposés par leurs collègues juristes et historiens encore trop générales et, à certains égards, prévisibles. Mais l’apport essentiel de cette démarche réside sans doute davantage dans la réflexion proposée sur l’articulation entre des systèmes familiaux, des règles d’héritage, d’une part, et les mentalités et les pratiques anthropologiques de certaines sociétés. Pierre Lamaison et Élisabeth Claverie (1982) ont ainsi, pour le Gévaudan, mis en relation le fonctionnement des systèmes familiaux et le rapport à la violence des populations concernées. Faisant encore un peu plus abstraction du lien parfois trop étroit établi entre droit, qu’il soit coutumier ou écrit, et systèmes familiaux, Pierre Lamaison a également interrogé la permanence de ces systèmes au-delà de la mise en place du Code civil.
13Il a ainsi imaginé l’élaboration d’une grande enquête nationale à partir de questionnaires envoyés à tous les notaires exerçant en France à l’époque (Lamaison, 1988). Les données collectées ont ensuite été complétées par des entretiens individuels sur le terrain, notamment lorsque les réponses des notaires manquaient de précisions. Plus de 400 professionnels ont participé à l’enquête et ont apporté leurs témoignages détaillés sur leurs expériences personnelles comme notaires. Ils ont volontairement contribué à cette étude nationale consacrée à l’analyse des modalités des pratiques successorales telles qu’elles étaient appliquées dans les cantons (à l’échelle locale) dans le passé et jusqu’en 1988, date de la fin de l’enquête. Les notaires ont ainsi partagé avec les chercheurs leurs connaissances du terrain sur les réalités et pratiques successorales locales, et leur évolution dans le temps, notamment après la mise en place du Code Napoléon. Le but ultime était non seulement de proposer une cartographie des différents systèmes familiaux en France et de révéler la diversité des pratiques, mais encore d’identifier une cartographie des types de comportements.
14Pierre Lamaison démontre ainsi que l’égalité stricte imposée par le Code civil était plus ou moins appliquée dans l’espace et dans le temps. Il apparaît que les notaires utilisaient toutes les prérogatives du Code, en toute légalité, mais pas de manière uniforme, ni avec les mêmes objectifs selon les régions, de telle sorte que la loi républicaine était certes respectée, mais de manière à reproduire certaines pratiques égalitaires ou inégalitaires correspondant aux usages et logiques anciens des différents territoires. L’auteur conclut à l’usage général du Code civil à l’échelle nationale, mais un Code qui donne aux notaires une grande autonomie et une grande marge de manœuvre parfois et qui permet de perpétuer soit l’égalité, soit l’inégalité selon les régions et le bon vouloir des familles. La loi fait ainsi l’objet d’adaptations successives et variées en termes chronologiques et spatiaux, d’où une diversité dans les modalités successorales et dans les pratiques, une flexibilité dans l’usage de la législation selon les régions. En clair, des aspects des modes de transmission d’Ancien Régime sont reproduits sous certaines formes dans toutes les régions françaises, après la mise en place du Code civil (Assier-Andrieu, 1990).
15Au total, de cette période « historique » des recherches sur les systèmes familiaux et leur articulation avec les systèmes successoraux, l’historiographie la plus récente a conservé un certain nombre de caractéristiques, au premier rang desquelles la conviction que l’analyse des systèmes familiaux, envisagés sous l’angle juridique, ne peut faire l’économie de l’analyse des actes de la pratique, notariale au premier chef, mais aussi de la prise en compte du temps long. Toutefois, on peut souligner qu’en dépit de cela, les monographies qui abordent la question des systèmes familiaux continuent de raisonner par grands types de systèmes renvoyant toujours de manière plus ou moins explicite aux grandes cartographies de la fin des années 1960 et des années 1970.
Le temps des structures, le temps des familles : l’analyse des cycles de vie familiaux
16La place durablement centrale, encore aujourd’hui, de ces visions cartographiques dans l’historiographie française, à la différence d’autres pays européens, tient certainement pour partie à une question de sources. L’Angleterre, avec les listes nominatives étudiées par Peter Laslett, mais également l’Italie, avec les états des âmes (stati animarum) et ses recensements municipaux (Klapisch-Zuber, 1978), l’Espagne avec le Catastro de Ensenada (García González, 1998), etc., disposent d’archives, établies certes avec des objectifs et des modalités différents, mais qui toutes permettent, peu ou prou, de tester empiriquement l’existence, dans telle ou telle région ou localité, d’un mode prédominant d’organisation familiale. En France, à l’inverse, avant le deuxième tiers du xixe siècle les recensements par feu sont choses rares (Le Mée, 1999), à l’exception de quelques remarquables exceptions (par exemple Cambrai grâce à Vauban et, plus récemment découvert et exploité, les recensements annuels de Charleville ; Rathier et Ruggiu, 2013 ; Boudjaaba, Gourdon, Rathier, 2010). Dans ces circonstances, la démographie historique française a développé une approche par reconstitution des familles à partir des registres paroissiaux, suivant la méthode de Louis Henry, ce qui la distingue fortement de l’école de Cambridge. Or, la fiche de famille élaborée par Louis Henry est centrée sur la famille conjugale. Elle ne permet donc pas de saisir les structures familiales et les modalités de corésidence. La persistance des cartographies établies à partir des règles juridiques de la transmission pour l’essentiel, comme cadre de compréhension des structures familiales, trouve sans doute ici une part de son explication. Les formes de corésidence sont, en effet, le plus souvent déduites de la lecture des actes notariés – des contrats de mariage qui prévoient par exemple la cohabitation de l’héritier avec ses parents et des testaments qui déterminent le sort du conjoint survivant (et tout particulièrement celui des veuves) et identifient les modalités successorales, voire les conditions de résidence d’un frère célibataire à la maison etc.) –, quand les recensements donnent à lire de manière très directe la composition des ménages.
17Quel que soit le chemin méthodologique emprunté, il faut souligner que la vision par trop statique offerte par les cartographies comme par l’analyse des recensements a fait l’objet de nombreuses remises en cause. Les apports de l’école de Cambridge furent, évidemment, considérables puisqu’ils mettaient en lumière la place prédominante de la famille nucléaire en Europe occidentale et, du même coup, rejetaient la vision linéaire de l’évolution des structures familiales du complexe au nucléaire inspirée des travaux de Frédéric Le Play. Mais les critiques du modèle laslettien furent quasi immédiates et relativement frontale (Berkner, 1972). L’école française de démographie historique a, par comparaison, connu des débats moins houleux sur la question des structures familiales, car ses sources de prédilection ne permettaient pas, au fond, de prendre ce problème à bras le corps. Quoi qu’il en soit, pour ces deux écoles, la remise en cause des visions statiques des systèmes familiaux est passée par la prise en compte des évolutions diachroniques des systèmes, mais surtout par la mise en évidence des évolutions dans le temps, au niveau des familles et des individus, des formes d’organisation familiale et de corésidence.
18Il s’en est suivi une profusion de publications comparatives et pluridisciplinaires à l’échelle nationale et internationale qui ont permis de mieux révéler la complexité des systèmes familiaux par l’étude des structures familiales, des modalités successorales et de leurs évolutions. Depuis les années 1970, les recherches en France se sont multipliées et les approches et méthodes se sont diversifiées de telle sorte qu’il est difficile, en quelques lignes, d’en proposer une synthèse détaillée. À ce titre, et pour éviter des redites, il convient de se référer aux synthèses remarquables proposées par Tiphaine Barthélémy (1988) et Bernard Derouet (1997). Mais depuis, quelles en sont les grandes lignes ?
19Ce qui caractérise la recherche française au cours des trente dernières années est la richesse des débats sur les systèmes familiaux, la diversité des modèles à l’intérieur de la France, la multiplicité des méthodes et des approches utilisées pour appréhender les questionnements, et enfin, la nature, la quantité et la qualité des sources disponibles pour en expliquer les mécanismes. Les nombreuses études sur les structures des ménages ont permis de démontrer que la France est effectivement divisée – très grossièrement – en trois zones, celle des familles nucléaires au nord (aux pratiques successorales souvent égalitaires, mais pas uniquement), celle des familles complexes dans l’Ouest (en dépit de pratiques successorales égalitaires) et celle des familles souches dans le sud de la France (où les pratiques inégalitaires dominaient même après la mise en place du Code civil) (Arrizabalaga, 2005a, 2005b, 2013), la France du centre demeurant largement préciputaire, avec même quelques formes de ménages complexes en Nivernais jusqu’à la Première Guerre mondiale (Fauve-Chamoux et Bolovan, 2009). L’analyse des structures des ménages révèle ainsi la diversité et la complexité des systèmes familiaux et ce grâce à l’étude des pratiques matrimoniales dans le temps et dans l’espace et des stratégies matrimoniales, plus ou moins endogames, selon les régions (Brunet, Fauve-Chamoux et Oris, 1996). Depuis les années 1980, l’analyse macro-structurelle synchronique apparaît insuffisante pour expliquer les mécanismes des systèmes familiaux. C’est pourquoi, les chercheurs ont plutôt recours à l’usage de méthodes diachroniques et micro-longitudinales qui leur paraissent plus pertinentes pour croiser différentes informations biographiques et démographiques, le meilleur moyen dès lors d’affiner les modèles familiaux et expliquer leurs mécanismes. Influencés par les méthodes, approches et conclusions de leurs prédécesseurs sociologues, ethnologues et anthropologues, les historiens ont fait un usage croissant des généalogies familiales établies sur plusieurs générations. Aussi ont-ils souhaité diversifier leurs approches en faisant davantage appel à d’autres sources (plus biographiques) et à de nouvelles méthodes (avec notamment des enquêtes de terrain, des sondages et des entretiens, méthodes si chers aux sociologues et ethnologues) qui, avec les reconstitutions de familles, permettent de mieux décoder les mécanismes sociaux qui régissaient et régissent les systèmes familiaux.
20À partir des cartographies des systèmes familiaux et des nombreuses études locales effectuées depuis les années 1970, les chercheurs ont ainsi conclu à l’existence d’une corrélation entre pratiques successorales et structures familiales. Cette corrélation est particulièrement étroite dans le sud de la France où l’héritage unique, inégalitaire, était de règle, là où le système à maison imposait l’inégalité entre les héritiers, la transmission du patrimoine à un seul enfant et des structures familiales de type « souche » [3]. Cette corrélation n’existait pas dans la France du nord en raison de pratiques successorales majoritairement égalitaires et des structures familiales de type nucléaire. Pour cette raison et pendant longtemps, les chercheurs spécialistes de la France du nord n’ont pas vu l’intérêt de les analyser en détail. En revanche, ils se sont consacrés à l’étude des structures de la parenté et tout particulièrement celle des alliances matrimoniales dans les régions égalitaires.
Les systèmes familiaux et les structures de la parenté et de l’alliance
21Dans le domaine de la parenté, les sociologues et les ethnologues ont apporté leurs pierres à l’édifice de manière remarquable en démontrant notamment qu’en dépit des pratiques successorales égalitaires et des structures familiales de type « nucléaire » dans les régions du nord de la France, les familles s’efforçaient quelquefois de limiter l’émiettement de leur patrimoine, grâce notamment aux jeux des alliances matrimoniales, endogames et croisées, qui leur permettaient d’éviter dans certains cas le partage égalitaire des terres entre les héritiers. Ils ont ainsi conclu que pour comprendre les mécanismes de reproduction familiale, sociale et économique des régions égalitaires et inégalitaires, il était certes essentiel d’appréhender le fonctionnement des systèmes familiaux, et ainsi d’analyser les pratiques successorales et les structures des ménages dans le temps et dans l’espace, mais il était tout aussi important d’étudier les alliances matrimoniales, leurs mécanismes et leurs effets sur les familles.
22Deux chercheurs ont eu un impact considérable dans ce domaine en montrant la nécessité d’aller au-delà de l’analyse des textes de lois (les coutumes) et des pratiques successorales (à partir des actes notariés) et en encourageant la pluridisciplinarité des méthodes, des approches et des questionnements. Le premier, Pierre Bourdieu (2002) [4], a étudié les stratégies matrimoniales en Béarn ; selon lui, dans cette région, les pratiques successorales avaient certes pour objectif d’assurer la transmission du patrimoine familial dans son intégralité à un seul enfant d’une génération à l’autre, mais elles obligeaient surtout les familles à élaborer des stratégies et des alliances matrimoniales spécifiques et parfois complexes qui variaient selon le statut social des familles, le sexe de l’héritier, le montant de la dot du conjoint, et les possibilités économiques offertes pour assurer la reproduction sociale des communautés et ce, pour satisfaire au mieux les intérêts des maisons, des lignées et, si possible, des individus. Il insista aussi sur le fait que les familles n’obéissaient pas aux coutumes de manière inconditionnelle de telle sorte que, à ses yeux, les « lois » successorales écrites n’étaient en aucun cas figées. Il existait certes des « principes implicites » auxquels obéissaient les familles béarnaises : le primat de l’homme sur la femme, le primat de l’aîné sur les cadets, l’héritage unique et intégral, l’autorité parentale, l’exclusion des cadets. Mais, en réalité, les familles opéraient des calculs minutieux et spécifiques adaptés à chacune des situations, aboutissant à l’élaboration de stratégies familiales et individuelles au moment de la sélection de l’héritier, du mariage de l’héritier et des cadets et de la transmission du patrimoine. Enfin, dès 1972, Pierre Bourdieu invitait à adopter une approche analytique nouvelle en faisant usage d’outils méthodologiques pluridisciplinaires permettant aux chercheurs d’appréhender leur objet d’étude de manière plus large et flexible, de manière à mieux décoder les mécanismes de reproduction sociale dans le temps et dans l’espace.
23Le second chercheur, Martine Segalen, ethnologue, a elle aussi orienté la recherche sur les systèmes familiaux en France et à l’étranger, en raison de ses méthodes et approches originales et de ses conclusions sur les structures familiales et les stratégies matrimoniales dans le sud du pays bigouden (Segalen, 1977, 1984, 1985). Elle a pu montrer que, pour étudier les systèmes familiaux de son terrain breton, il convient certes d’entreprendre une étude approfondie des pratiques successorales – et par conséquent d’analyser les actes notariés – mais il faut aussi et surtout reconstruire des généalogies ascendantes et descendantes sur les deux lignées (père et mère) et sur la longue durée, en tenant compte des destins de tous les membres des fratries, les migrants inclus. C’est, selon elle, le seul moyen d’analyser les comportements intra/interfamiliaux et intra/intergénérationnels d’une communauté, d’appréhender les stratégies et pratiques matrimoniales et successorales des familles et de définir les mécanismes de reproduction sociale et économique.
24Martine Segalen, au terme de son étude, rejoignit les positions de Pierre Bourdieu, en estimant qu’il n’existait pas de règles figées déterminant les comportements et les destins individuels et que les systèmes et pratiques n’étaient pas uniformes et automatiques. À l’en croire, on ne peut qu’observer des « régularités matrimoniales » (endogamie, consanguinité, renchaînements d’alliances) dont le degré et la fréquence varient selon les familles et les générations. Ainsi, qu’ils s’agissent de régions égalitaires comme la Bretagne ou inégalitaires comme le Béarn, Martine Segalen et Pierre Bourdieu parviennent à la même conclusion, à savoir que les familles n’obéissaient pas à des lois coutumières fixées une fois pour toutes et à des règles immuables. Les familles se pliaient certes à quelques codes, mais elles évaluaient surtout toutes les possibilités et situations à leur disposition avant d’élaborer les stratégies relatives à la transmission du patrimoine, notamment au moment de choisir le conjoint de l’héritier désigné, car ces décisions avaient inévitablement des effets sur les ménages et tous leurs membres. Rien n’était laissé au hasard, mais rien non plus n’était automatique. Les décisions émanaient de choix familiaux et individuels, et étaient le fruit de discussions et de concessions entre les différents membres ; ces décisions étaient ainsi évaluées et adaptées aux réalités économiques du moment, aux objectifs collectifs des familles et aux intérêts individuels de chacun des membres.
25En somme, loin d’être aussi immuables et réglementés que ce que la mémoire collective laisse entendre et que certains chercheurs ont affirmé, les systèmes familiaux variaient considérablement dans le temps et dans l’espace, à l’intérieur d’une même région, voire au sein d’une même commune. Demeuraient cependant des « principes implicites » (selon Pierre Bourdieu) et des « régularités matrimoniales » (selon Martine Segalen), qui évoluaient dans le temps et que les familles consciemment et sciemment adaptaient à leurs réalités pour protéger les intérêts de la maison, de la famille et des individus. Aux vues de ces conclusions innovantes, le champ apparaissait totalement libre et ouvert à toutes investigations. Depuis, des études pluridisciplinaires ont été entreprises pour répondre à de nouveaux questionnements, qui ont donné lieu à une profusion d’études locales, notamment dans les Pyrénées, mais aussi dans le reste de la France méridionale, ainsi que dans les régions du nord du pays. Le but des études de ce type a été de souligner la flexibilité des systèmes familiaux, la capacité des familles à « utiliser » les lois et à adapter leurs pratiques pour assurer leur reproduction sociale, économique et culturelle en toute légalité. Citons ici en guise d’illustration (parmi bien d’autres recherches), le travail collaboratif interdisciplinaire sur les Baronnies des Pyrénées, qui a abouti à la publication de deux ouvrages dirigés par Isaac Chiva et Joseph Goy, auxquels participèrent notamment George Augustins et Rolande Bonnain (Chiva et Goy, 1981, 1986). L’un des apports importants de cette enquête fut de montrer que les coutumes des Baronnies n’étaient déjà plus respectées à la lettre bien avant le Code civil et que le système de reproduction sociale paraissait menacé dès le début du xixe siècle. En conséquence, la maison dans les Baronnies semblait résister de plus en plus difficilement aux changements démographiques, sociaux et économiques à mesure que le temps passait.
Des collaborations internationales nombreuses
26Les publications en France sur les systèmes familiaux se sont dès lors multipliées. Elles ont considérablement influencé la recherche en Europe (notamment en Italie, en Espagne et plus récemment dans les pays d’Europe de l’Est), ainsi qu’en Amérique et en Asie, où les chercheurs ont testé et continuent de tester les méthodes, les modèles et les questionnements français (ceux de l’école leplaysienne du xixe siècle) et anglais (ceux du Cambridge Group de la seconde moitié du xxe siècle). Aussi les travaux internationaux, pluridisciplinaires et comparatifs sur les mécanismes et les fonctionnements des systèmes familiaux dans le monde foisonnent-ils depuis les années 1980. Les chercheurs s’efforcent d’analyser les structures familiales, les stratégies matrimoniales, les pratiques successorales dans leurs régions ou pays respectifs, ainsi que les effets des lois nationales (notamment après la mise en place du Code civil dans un certain nombre de pays). Leur but est de mettre en exergue les similarités entre les systèmes familiaux, d’une part, et, d’autre part, d’identifier leurs spécificités et leur diversité dans le temps.
27Parmi les nombreux ouvrages collectifs internationaux, comparatifs, pluridisciplinaires, il convient de signaler les collaborations qui se sont mises en place, dans les années 1990, entre chercheurs français et québécois (sous la direction de Gérard Bouchard, côté québécois, et de Joseph Goy, côté français). Au cours de leurs nombreuses rencontres scientifiques, ceux-ci ont pu comparer leurs différents systèmes familiaux et constater combien les modèles familiaux et successoraux, de part et d’autre de l’Atlantique, étaient différents et complexes. Selon eux, ces différences étaient dues aux réalités écologiques, économiques et historiques spécifiques, mais elles étaient aussi liées à la nature des méthodes et approches françaises qui ne peuvent pas toujours s’appliquer au contexte québécois et qui ne sont pas toujours envisagées par les chercheurs québécois – ni même envisageables (Bonnain, Bouchard et Goy, 1992). Ces collaborations entre chercheurs français et québécois, auxquels se sont ensuite associés des chercheurs suisses, se sont poursuivies pendant de nombreuses années. Elles ont abouti à la publication de trois ouvrages collectifs pluridisciplinaires comparatifs sur les liens complexes entre famille, terres et marchés en France, au Québec et en Suisse (Dessureault, Dickinson et Goy, 2003 ; Béaur, Dessureault et Goy, 2004 ; Lorenzetti, Head-König et Goy, 2005). Les participants ont su pointer la diversité des systèmes familiaux et des comportements individuels dans les trois territoires, chaque famille et chaque individu faisant face à des réalités spécifiques à un environnement qui les contraignaient à adapter leurs pratiques et stratégies aux conditions démographiques, économiques et culturelles locales, d’où la complexité des systèmes et des pratiques.
28L’historiographie actuelle des systèmes familiaux s’est enrichie de ces initiatives communes. Depuis une quinzaine d’années, les collaborations internationales ne manquent pas. Certaines ont mobilisé chercheurs français et collègues des pays méditerranéens (notamment ibériques), ces derniers appliquant les méthodes et approches de l’École française et celles de l’École de Cambridge à leurs réalités, avec pour objectif de construire des modèles différents mais pertinents et comparables à ceux de la France (Bouchard, Goy et Head-König, 1998 ; García González, 2008). Plus nombreuses encore sont les collaborations européennes, notamment celles établies dans le cadre du Cost Action 35 sur les sociétés rurales européennes, dirigé par Gérard Béaur, et qui ont abouti à la publication de plusieurs ouvrages, dont celui édité par Anne-Lise Head-König en collaboration avec Péter Pozsgai, en 2012, sur les pratiques successorales, les stratégies matrimoniales et les structures familiales en Europe depuis le xviiie siècle (Head-König, 2012). Cette étude révèle la diversité des systèmes familiaux et des comportements individuels selon les régions, ainsi qu’à l’intérieur de chacune des régions étudiées. À l’échelle européenne, d’autres recherches collectives se sont mises en place qui se sont fixé comme but de souligner la diversité et la spécificité des systèmes familiaux et des pratiques familiales et matrimoniales dans différents pays de l’Europe de l’Ouest (Head-König, Lorenzetti et Veyrassat, 2001) mais aussi et surtout dans les pays d’Europe de l’Est, moins connus. Antoinette Fauve-Chamoux et Ioan Bolovan (2009) ont ainsi édité un ouvrage comparatif et pluridisciplinaire sur les systèmes familiaux. Dans le même temps, hors d’Europe, des collaborations internationales tout aussi remarquables ont rassemblé des chercheurs de nombreux pays d’Europe, d’Amérique latine et d’Asie dans le cadre de colloques successifs, notamment ceux organisés par les organisateurs du projet eurasien, dont Antoinette Fauve-Chamoux, colloques qui avaient pour mission de comparer les systèmes familiaux européens et asiatiques par l’analyse des pratiques successorales, des alliances matrimoniales et des comportements individuels et familiaux. Les chercheurs ont, certes, observé des similarités entre les pratiques européennes et asiatiques, mais ils ont surtout constaté des différences notables et des particularismes remarquables en raison de conditions et de réalités écologiques, démographiques, économiques, sociales et culturelles spécifiques aux différents pays étudiés (Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009 ; Fauve-Chamoux et Arrizabalaga, 2005 ; Takahashi, 2013).
Des systèmes familiaux à l’étude des inégalités de sexe et de genre au sein des familles
29En démographie historique, les femmes ont depuis longtemps fait l’objet d’une attention particulière, notamment dans le cadre des études démographiques sur la natalité, la nuptialité ou la mortalité, que les méthodes de Louis Henry ont permis d’entreprendre. Par ailleurs, dès le début des cartographies, furent observées des inégalités de traitement notables au sein des fratries selon les systèmes familiaux, inégalités qui affectaient tout particulièrement les femmes. Cependant, les études approfondies sur ces inégalités au sein des fratries en fonction des régions d’Europe et selon les systèmes familiaux sont encore rares. Ce sont Martine Segalen et Georges Ravis-Giordani qui, dès 1994, ont innové dans le domaine en France. Ils sont les premiers à avoir organisé une collaboration européenne pour étudier ces inégalités de traitement par l’analyse comparée des destins des cadets en Europe occidentale (Segalen et Ravis-Giordani, 1994). En 1998, un autre projet collaboratif fut lancé cherchant à évaluer les inégalités des destins, les comportements et stratégies des exclus de la terre en France et au Québec (Bouchard, Dickinson et Goy, 1998). Ces deux enquêtes collectives ont révélé les modalités et les raisons de ces inégalités, que les systèmes familiaux ont engendrées et que les familles reproduisaient. Elles ont par ailleurs identifié les différentes pratiques d’exclusion et leurs effets sur les familles et les individus, ainsi que les différents types d’inégalités qui affectaient surtout sur les femmes.
30Ces deux ouvrages ont eu un impact notable parce qu’ils ont ouvert de nouvelles pistes de recherches sur l’étude des inégalités de traitement, en particulier selon le sexe. Dès lors, un certain nombre de chercheurs se sont orientés vers l’étude des inégalités de traitement résultant de pratiques successorales inégalitaires, parfois même après la mise en place du Code civil ; des pratiques qui expliquent les destins différenciés et inégaux des individus au sein des fratries, et des femmes en premier lieu (Arrizabalaga, 2009, 2012). Ces recherches soulignent les effets « négatifs » de certains systèmes familiaux sur les femmes (notamment dans les pays inégalitaires, à héritage unique). Plusieurs collaborations internationales et comparatives se sont mises en place afin d’évaluer, en fonction des systèmes familiaux, ces inégalités de traitement dont pâtissaient les femmes, soit dans le cadre de la famille lors de la sélection de l’héritier unique (Ochiai, 2003), soit dans le monde du travail féminin rural (Vivier, 2005 ; Valsangiacomo et Lorenzetti, 2010) ou urbain (la domesticité par exemple) (Fauve-Chamoux, 2004a), soit dans le cadre des migrations internes et internationales (Steidl et al., 2009) [5].
31Ces études sur les femmes dans les familles et dans les sociétés ont tout d’abord révélé le peu d’intérêt que l’historiographie avait accordé à l’étude de la place, des rôles et des destins féminins dans l’histoire de la famille. Comme nous l’avons indiqué, il ne s’agit pas de nier que les femmes avaient largement fait l’objet d’études spécifiques en démographie historique, notamment dans le cadre des recherches sur la natalité, la nuptialité, le célibat, ni encore de contester que les parcours individuels des femmes et leurs destins avaient été amplement analysés dans le cadre de recherches sur la parenté, les stratégies matrimoniales, l’enfance, les nourrices, l’avortement, pour ne citer que ces domaines en démographie historique (ce dont témoignent entre autres les études publiées au fil des ans dans les Annales de Démographie Historique). Mais les publications sur les femmes comme objet de recherche scientifique spécifique, avec une identité et des destins qui leur étaient propres par rapport aux hommes, sont demeurées rares. La preuve en est cet ouvrage sur l’objet « femmes » en démographie historique, publié en 2009, et intitulé Une démographie au féminin (Oris et al., 2009). Il révèle combien la recherche a été longtemps incomplète dans le domaine et il livre des pistes nombreuses à envisager en démographie historique. Par ailleurs, dans l’étude des systèmes familiaux, il convient de passer de l’étude des femmes et sur les femmes à l’étude des rapports de sexe. Dans ce domaine, l’approche genrée peut constituer une perspective intéressante pour les spécialistes de la famille et des systèmes familiaux en particulier.
32De plus en plus de chercheurs abordent néanmoins leurs études avec une approche genrée. Des rencontres pluridisciplinaires internationales ont d’ailleurs eu lieu ces dernières années sur l’analyse des inégalités de traitement des femmes par rapport aux hommes dans les stratégies successorales et les pratiques familiales. Dans leurs échanges, les chercheurs se sont efforcés d’analyser la nature des inégalités dont souffraient les femmes au sein des fratries et les raisons qui expliquent ces différences de traitement. Pour cela, ils ont reconstitué les parcours de vie différenciés et les destins inégaux des femmes par rapport aux hommes dans le temps et dans l’espace. Plusieurs collaborations internationales ont eu lieu et ont produit des ouvrages de référence dans le domaine. Mentionnons ici les collaborations dans le cadre du Cost Action 34, intitulé Gender and Wellbeing : Interactions Between Work, Family, and Public Policies, entre 2005 et 2009 (Duraes et al., 2009 ; Addabo et al., 2010 ; Green and Owens, 2004). Ces ouvrages ont mis en exergue les inégalités de traitement entre hommes et femmes au sein des familles, notamment dans le cadre des successions et des mariages. Les pratiques familiales étaient particulièrement défavorables aux femmes, même à statut et rang de naissance égaux. Ces questionnements ont aussi partiellement orienté les discussions entre chercheurs européens et américains lors du colloque consacré aux destins des femmes, publié dans les Annales de Démographie Historique en 2006, sous le titre « Itinéraires féminins ».
33Les publications récentes sur les femmes ont certes pour objectif de révéler la nature des inégalités entre les sexes et les différents types de traitements inégalitaires que subissaient les femmes par rapport aux hommes au sein des familles. Mais, il faut aller plus loin dans l’observation et l’évaluation des inégalités. Il s’agit d’utiliser davantage l’approche genrée et les méthodes pluridisciplinaires des sociologues, anthropologues et ethnologues spécialistes du genre. Comme l’écrit l’historienne spécialiste des questions de genre, Françoise Thébaud, dans sa synthèse sur l’étude des femmes et du genre en démographie historique, les historiens démographes (et cela concerne aussi les spécialistes de la famille et des systèmes familiaux) devraient prendre davantage en compte « les relations et les rapports entre hommes et femmes », « les rapports entre réalités sociales et représentations », « les rapports entre poids des structures et marges de liberté des acteurs (l’agency des anglo-saxons) » (Thébaud, 2009, 18). Il s’agit d’évaluer davantage et plus précisément la place des femmes dans les familles, le niveau et le degré des inégalités que connaissaient les femmes dans le passé selon les régions et les systèmes familiaux, ainsi que l’évolution de ces inégalités dans le temps au gré des situations et des événements et des rapports de force entre les sexes.
34De nouveaux questionnements sont donc à envisager. Effectivement, les chercheurs doivent accorder une importance toute particulière à l’étude des femmes et leur capacité à résister aux inégalités de traitement dont elles font l’objet et à faire évoluer leurs conditions de « vivre et d’agir » dans le cadre des familles et dans le temps. Les femmes ne se contentaient en effet pas de subir leurs conditions telles qu’elles leur étaient imposées par les familles, les traditions et/ou les institutions. Elles étaient capables d’utiliser leurs compétences ou « baggage » personnels, familiaux, éducatifs, sociaux et culturels pour engager des rapports de force et lutter contre les inégalités imposées par les hommes de leur entourage, par l’environnement dans lequel elles vivaient, et/ou par les institutions auxquelles elles étaient soumises. Grâce à leurs acquis, elles parvenaient parfois à améliorer leurs conditions de vie en se donnant les moyens d’accéder à de nouvelles opportunités économiques, sociales et professionnelles (dans leur environnement d’origine certes, mais aussi et surtout dans un nouvel environnement, celui que les migrants et migrantes connaissaient en ville ou/et à l’étranger). Ainsi, certaines parvenaient à acquérir de nouveaux droits et pouvoirs qui leur permettaient de réduire les inégalités dont elles souffraient dans le cadre familial et institutionnel depuis leur plus jeune âge. Ce type d’études est tout particulièrement souhaitable dans le cadre des recherches sur les destins des exclus de la succession et de la famille, notamment les femmes dont les seules options étaient le célibat et/ou l’émigration, lorsque l’héritage ou le mariage avec un héritier leur était inaccessible. Et dans ce domaine, il reste encore beaucoup à faire.
35Dans le cadre de ces nouvelles problématiques, répétons-le, il convient de multiplier et diversifier les sources et méthodes en empruntant les outils utilisés par les historiens certes, mais aussi et surtout ceux des sociologues, des anthropologues et des ethnologues intéressés par les questionnements sur les rapports de sexe et de genre. Il s’agit de suivre pas à pas les parcours de vie des hommes et des femmes, à chacune des étapes de leur vie au sein des familles en comparant les différences de traitement entre les sexes et en analysant l’évolution de leurs destins et de leur mobilité sociale et professionnelle dans le temps. Il s’agit aussi de définir la capacité des femmes à résister aux décisions prises par les hommes de leur entourage, d’évaluer leur marge de manœuvre dans l’élaboration de stratégies féminines propres, et enfin de comprendre la manière avec laquelle elles parvenaient à prendre les décisions leur permettant d’améliorer leurs conditions, leur statut et leurs pouvoirs en tant que femmes. Ce type de recherche requiert un travail de longue haleine qui oblige à consulter et à croiser des sources diverses et variées (démographiques et biographiques) et à user de méthodes différentes mais complémentaires. C’est probablement le seul moyen de rendre aux femmes du passé leur vie (their living), leur histoire (their doing), leur être (their being).
Au-delà de l’héritage et de l’alliance
Remises en cause et inflexions
36Quoique fort utiles, ne serait-ce que pour montrer que la France d’Ancien Régime et l’Europe préindustrielle ne vivaient pas uniquement sous le régime d’une famille élargie forcément patriarcale, ces cartographies des systèmes familiaux et/ou des systèmes d’héritage ont fait l’objet de nombreuses remises en cause à partir des années 1980. Il est évidemment difficile de tracer une ligne claire qui distinguerait de manière systématique des travaux dans la continuité des travaux cartographiques de ceux qui seraient en rupture. Il s’agit plutôt d’inflexions dans la manière d’approcher les systèmes familiaux d’héritage. On peut, par souci de clarté de l’exposé, distinguer au moins deux inflexions majeures : d’une part, le tournant critique qu’a représenté la micro-histoire sans que celui-ci ne concerne d’ailleurs que les systèmes familiaux ; d’autre part, une attention accrue des chercheurs pour les autres moments du processus de reproduction familiale hors du moment de l’héritage et du mariage.
37La première inflexion de l’historiographie est donc d’ordre méthodologique. La micro-histoire non seulement tourne le dos à la cartographie, mais elle s’oppose également dans sa démarche au principe des grandes enquêtes qui ont produit quantité de travaux, jusqu’au début des années 1980, sur les systèmes familiaux et qui ont, à certains égards, prolongé la tradition des études leplaysiennes, même si elles pouvaient en contredire les résultats. La micro-histoire posait un regard critique sur les généralisations produites par ces approches cartographiques régionales voire macro-régionales.
38Évidemment, la critique des cartographies n’est pas le propre de la micro-histoire. La figure de la famille méditerranéenne, par exemple, telle qu’elle émergeait des travaux de Laslett, fut largement démentie par nombre de travaux empiriques (Chacon Jimenez, 1990) qui ne relevaient pas de cette école historique.
39Mais, au-delà même des contre-exemples à l’approche macro-régionale que la micro-histoire, et plus simplement l’approche monographique en général, peuvent aisément produire, la démarche micro-historique, par elle-même, conduit à discuter l’idée même de systèmes familiaux. En mettant en avant les espaces de liberté et d’initiatives dont disposent les individus, en cherchant à mettre en évidence des comportements familiaux singuliers qui s’apparentent plus ou moins à des stratégies, la micro-histoire tendait à laisser de côté la recherche de règles, voire de régularités dans les comportements de reproduction familiale. Naturellement cette démarche n’est pas elle-même exempte de critiques. En particulier on peut insister, avec Dionigi Albera (2011), sur le fait que la micro-histoire non seulement rend difficile toute généralisation (mais là encore c’est aussi le propre d’une simple démarche monographique), mais surtout qu’il devient difficile de poser la question du caractère reproductible des modèles dégagés par l’analyse micro-historique.
40Toutefois, la micro-histoire a, nous semble-t-il, constitué un apport important dans l’analyse des systèmes familiaux en ce qu’elle a contribué à faire émerger un acteur relativement sous-estimé dans les approches plus anciennes des systèmes familiaux : la parenté. En effet, les cartographies et les grandes enquêtes ont surtout insisté sur le fonctionnement du ménage. À tel point qu’on peut parfois avoir l’impression d’une confusion entre les systèmes d’héritage d’une part et les modes de corésidence d’autre part, la famille nucléaire étant souvent assimilée au partage égalitaire et les familles complexes ou élargies au partage inégalitaire. Or, les régions qui pratiquent la frérêche démentent la validité de ces associations (Derouet, 1993) et l’on sait également que système inégalitaire ne veut pas forcément dire système à maison [6]. De ce point de vue, la démarche micro-historique a eu le mérite de mettre en évidence le fait qu’on ne pouvait comprendre comment un système de reproduction sociale et familiale trouvait son équilibre, et donc la possibilité de sa perpétuation, sans prendre en compte également le fait que le champ des solidarités, des échanges pouvaient s’étendre souvent bien au-delà du cercle de la famille corésidente. L’équilibre économique de la famille-exploitation agricole est en ce sens également à rechercher dans des relations économiques de travail et/ou de solidarité hors de la ferme familiale, dans le travail sur celle d’un parent, dans des relations de crédit, au sens propre ou figuré, entre parents et dans l’intégration de chaque cellule familiale dans le cercle plus large de la parenté, voire de la communauté villageoise (Boudjaaba, 2014).
41Cette approche n’était cependant pas totalement neuve, ni propre à la micro-histoire. Encore une fois, tracer des lignes de rupture serait artificiel et inexact. Elle était déjà présente, par exemple, chez Élisabeth Claverie et Pierre Lamaison (1982), quand ils mettaient l’accent non pas sur la transmission mais sur le système d’alliance matrimoniale complexe pour expliquer le processus de reproduction familiale en Gévaudan, ou auparavant chez Martine Segalen quand elle étudiait les renchaînements d’alliances des Bas-Bretons sur quinze générations (Segalen, 1985).
42Parallèlement, sans qu’ils se réclament nécessairement d’une démarche micro-historique, les travaux des historiens et des anthropologues ont eu tendance, depuis le milieu des années 1980, à élargir le spectre de leur analyse à l’ensemble du cours de la vie des familles et pas seulement à l’instant de la transmission patrimoniale, c’est-à-dire, a priori, à la mort du père, à la faveur du développement des travaux sur le « cycle de vie » (Lorenzetti, Neven, 2000). Sans que les auteurs soient toujours en mesure d’en mesurer précisément les effets, la prise en compte de ce paramètre est devenue incontournable dans la compréhension des processus de reproduction familiale et sociale. L’âge auquel se passe la transmission, l’âge du défunt mais aussi l’âge des héritiers et des éventuels exclus de l’héritage, la taille des familles en particulier le nombre des enfants et leur répartition selon le sexe, la conjoncture économique à laquelle les individus sont confrontés, le parcours de vie (Neven, 2009), sont des éléments qui peuvent profondément modifier les conditions de la reproduction familiale au sein d’un même espace et bouleverser les effets attendus d’un même système d’héritage. « Les enjeux de la chronologie de la transmission » (Derouet, 1997) sont donc au moins aussi importants que la transmission elle-même. Dans les systèmes inégalitaires, l’acte le plus important au regard de la transmission n’est pas forcément celui du testament mais bien souvent le contrat de mariage (ADH, 2011). Celui-ci sert souvent à désigner l’héritier de la maison et organise la succession bien en amont de la mort des parents. Le contrat de mariage détermine du même coup les modalités de fonctionnement du foyer familial en organisant la cohabitation entre le couple de parents propriétaires et le couple formé par l’héritier désigné. En système égalitaire, de manière plus subtile sans doute, le mariage et les éventuelles avances d’hoiries, même rapportées des années plus tard à la succession, peuvent avoir des conséquences importantes sur le destin socioéconomique des enfants qui en bénéficient. L’avance peut constituer un avantage, sinon en valeur, du moins en durée dans la mesure où le marié profite de cette part d’héritage reçue au mariage pendant parfois de longues années, alors que certains de ses frères et sœurs doivent attendre le décès des parents pour bénéficier de cet apport. Enfin, ce processus peut être ralenti par le veuvage, notamment quand les dispositions testamentaires du conjoint décédé au profit du conjoint survivant retardent la transmission. La transmission peut être également compliquée dans le cas, relativement fréquent, des familles recomposées : le remariage du conjoint survivant, la naissance de nouveaux enfants engendrent en effet le risque d’une certaine confusion des patrimoines des uns et des autres (Perrier, 2009).
43Le décès du père n’est donc pas tout (Oris et Derosas, 2002). L’âge des héritiers a aussi de fortes implications sur le processus de reproduction ; l’âge des enfants, selon qu’ils sont mineurs ou pas, ne les met pas en situation égale de se reproduire socialement ; le mineur étant moins facilement en position de défendre ses intérêts et son patrimoine soumis à tutelle (Perrier, 1998) ; à l’inverse la présence de mineurs parmi les héritiers peut contribuer à figer des situations patrimoniales (via des indivisions), ce qui retarde les évolutions de la structure familiale et la prise d’indépendance des aînés. Le remariage du conjoint survivant peut ajouter une complexité supplémentaire à un processus déjà troublé par la mort prématurée du père.
Systèmes familiaux, rapport à la terre, mobilités des biens et des personnes
44L’approche par le cycle de vie a, d’une manière générale, également contribué, nous semble-t-il, à sortir d’une approche trop binaire, en quelque sorte, entre système égalitaire et système inégalitaire. D’une part, les systèmes mixtes, à commencer par les modes communautaires de résidence (qui allient famille complexe et partage égal souvent), sont nombreux et l’échelle régionale est parfois beaucoup moins pertinente que la distinction, par exemple, entre le plateau et la vallée au sein d’une même région. D’autre part, quel que soit le mode de partage, les processus de reproduction sociale et familiale, particulièrement dans les sociétés de type préindustriel, qui ignorent les modes de prise en charge collective de la vieillesse – en un mot la retraite – sont tous soumis aux variations et aux accidents qui jalonnent le cycle de vie (Fontaine et Schlumbohm, 2000). En ce sens la prise en compte du cycle de vie, visible de manières multiples dans les travaux récents de démographie historique, à commencer par le succès actuel des analyses de parcours de vie, a contribué à réinterroger le fonctionnement des systèmes familiaux dans leurs rapports à leur environnement et singulièrement à leur rapport à la terre.
45Cette inflexion dans l’approche des systèmes familiaux est plutôt venue tout d’abord des travaux consacrés aux régions de partage dit égalitaire. Peu d’historiens s’étaient attelés à ce mode de reproduction familiale et sociale aux temps des grandes enquêtes historiques ou anthropologiques durant les années 1970-80, à l’exception notable des travaux de Martine Segalen sur quinze générations de Bas-Bretons (Segalen, 1985). Contre-effet de la fascination quelque peu aveuglante des systèmes à maison, ou effet de l’incompréhension à l’égard de l’apparent illogisme du partage des terres à chaque génération, les régions de partage égalitaire ont longtemps constitué une sorte d’angle mort de la recherche sur les mécanismes de la transmission. De prime abord, les systèmes inégalitaires semblent en effet offrir un cadre beaucoup plus cohérent et surtout adapté aux sociétés traditionnelles dans lesquelles la rente foncière reste le fondement de la fortune et de la reproduction sociale. En évitant l’éparpillement des terres d’une génération à l’autre, ces systèmes assurent la pérennité des exploitations agricoles et font du ménage, souvent élargi voire complexe, associé à un célibat massif des exclus de l’héritage, l’élément central du système familial que les individus cherchent à reproduire. Les systèmes égalitaires, depuis Le Play au moins, pâtissent à l’inverse d’une réputation désastreuse. Accusés d’être responsables de l’éparpillement des terres – par Balzac déjà ! –, ils semblent, a priori, incompatibles avec la pérennisation des exploitations agricoles, c’est-à-dire des moyens d’existence des familles sur plus d’une génération. Le procès fait aux systèmes égalitaires remonte pour une large part à la Révolution française et au Code civil (Théry et Biet, 1989 ; Halpérin, 1992). Celui-ci l’impose en effet partout en France, mais avec de considérables possibilités d’aménagements (via la pratique testamentaire, les préciputs et la quotité disponible). Tout au long du xixe siècle, les débats politiques sur les effets néfastes du partage égalitaire sont nombreux et ce mode de partage est régulièrement accusé de favoriser l’émiettement des propriétés. Il est, plus largement, jugé responsable, au moins en partie, d’un certain conservatisme, voire d’un certain retard agraire et économique de la France par rapport, par exemple, au modèle anglais des grandes exploitations (Béaur, 2000).
46Les travaux de Martine Segalen des années 1970, puis de Tiphaine Barthélemy ou encore Bernard Derouet dans les années 1980-90 ont notablement infléchi l’approche de ces systèmes égalitaires en insistant sur le fait qu’ils ne sont illogiques que dans la mesure où on les considère dans le seul cadre, quelque peu figé, de la transmission et de ses principes juridiques. Analysés dans le cadre plus large de la mobilité des biens et des personnes, ces systèmes retrouvent alors leur cohérence. Cela passe notamment par au moins quatre éléments.
47Parallèlement aux logiques patrimoniales, il convient de prendre en compte les logiques d’exploitation. La question de la transmission du patrimoine a conduit à focaliser sur le problème de la propriété des moyens d’exploitation ; or un groupe familial bien souvent ne se reproduit que partiellement par la propriété foncière. L’immense majorité des familles paysannes ne possédaient de toute façon pas assez de terres pour vivre de l’exploitation de ses seules propriétés. Cela signifie que pour comprendre les processus de reproduction et d’équilibre économique de ces systèmes familiaux, il faut prendre en compte d’autres formes d’accès à la terre, en particulier les terres prises à bail. Or, ces éléments sont invisibles ou presque dans la documentation liées à l’héritage proprement dit. L’exemple extrême, même si cette perspective n’est pas celle de son auteur, est celui des grands fermiers d’Île-de-France étudiés par Jean-Marc Moriceau (1994), qui possèdent peu de terres, au regard de leur fortune et de leur capacité d’investissement, mais qui, par le jeu des prises à bail de très grandes fermes, et la propriété seulement du matériel d’exploitation, sont en mesure d’installer de manière équitable chacun de leurs (généralement nombreux) enfants, voire de leur offrir une sortie par le haut du milieu agricole grâce à l’instruction et à l’achat de charges et d’offices.
48La pluriactivité et plus généralement l’état du marché du travail jouent un rôle important et constituent un élément essentiel de compréhension des processus de reproduction (Boudjaaba, 2014). Au regard de la diffusion large de la petite propriété dans la France préindustrielle et dans une large partie de l’Europe, l’économie des ménages ne trouve son équilibre qu’avec le concours d’activités d’appoint, qu’il s’agisse d’une pluriactivité de nature essentiellement artisanale au sein du ménage ou de travaux salariés, à la journée généralement, notamment au sein de grosses fermes.
49Sur le rôle des migrations et de la pression démographique comme variable d’ajustement permettant le bon fonctionnement des processus de reproduction, la liste des travaux est très conséquente. Si on s’en tient aux plus récents, citons notamment l’ouvrage comparatif publié dans le cadre des coopérations scientifiques helvético-franco-canadiennes (Lorenzetti et alii., 2005). Deux approches peuvent être ici distinguées : l’une qui se concentre principalement sur l’articulation entre l’économie familiale et les opportunités offertes par les marchés du travail lointains (Fontaine, 2003 ; Lorenzetti, 1999) ; une autre qui se montre plus soucieuse de mesurer précisément l’impact de la pression démographique sur l’équilibre économique des ménages, notamment paysans, et le recours à la migration pour en atténuer les effets (Béaur, 2005 ; Boudjaaba, 2009, 2012).
50Enfin, la prise en compte du rôle, au-delà du ménage corésident, de la parenté dans l’équilibre des systèmes égalitaires s’impose. La parenté large a pu apparaitre comme l’un des vecteurs de la recomposition des exploitations de génération en génération. Certains auteurs (Derouet, 1997) ont insisté notamment sur les processus juridiques qui permettent de limiter les effets de l’émiettement, en particulier le retrait lignager commun à de nombreuses coutumes égalitaires, d’autres sur les possibilités offertes par les renchaînements d’alliance qui créent des solidarités économiques et facilitent les transferts de propriété au sein du cercle de parenté.
51Plus globalement, ces inflexions sont indissociables des évolutions intervenues parallèlement dans le vaste champ de l’histoire de la propriété et de la circulation des biens-fonds dans les sociétés préindustrielles. L’image relativement immobile de la propriété foncière et de sa répartition qui prévalait, dans une certaine mesure, dans les grandes enquêtes régionales sur les campagnes traditionnelles a contribué à faire de l’héritage foncier la clé de voute des systèmes familiaux. Outre que cette position historiographique a été contestée pour des raisons propres à l’histoire économique des campagnes qu’il n’y a pas lieu de développer ici, il faut insister sur la multiplication des travaux sur les marchés dans les sociétés préindustrielles, le marché foncier tout d’abord (Béaur, 1984 ; Viret, 2004 ; Boudjaaba, 2008), les marchés du crédit et de l’argent (Fontaine et al., 1997) ensuite, et surtout sur leurs incidences sur l’interprétation des systèmes d’héritage. Dès lors que les historiens ont mis au jour l’existence de circuits substantiels de circulations des biens-fonds par la voie du marché, il est devenu difficile d’envisager les modes de transmission des patrimoines comme des processus autarciques permettant la reproduction du groupe familial à l’identique. Plusieurs travaux ont mis en évidence l’insertion des individus et des patrimoines familiaux dans des circuits plus amples d’échanges économiques. Ainsi, Jérôme Viret (2004) a bien montré à côté d’un attachement à la transmission de certains biens, la maison notamment, comment, en Île-de-France, même si la voie successorale l’emportait largement, d’autres biens circulaient au xviie siècle de façon non négligeable par le jeu du marché, notamment les terres à labours. D’autres auteurs sont allés plus loin et ont été conduits, par la réévaluation qu’ils ont faite du rôle du marché foncier, à relativiser fortement le rôle de l’héritage comme vecteur quasi exclusif de la circulation des biens et du même coup comme clé de lecture principale des processus de reproduction du groupe familial (Boudjaaba, 2008). Dans ces inflexions historiographiques, les régions dites de partage égalitaires ont été privilégiées. C’est assez naturel, dans la mesure où la prise en compte de l’insertion des familles dans les marchés donnait enfin une clé de lecture de ces systèmes jugés illogiques (Herment, 2012). Mais il serait souhaitable de multiplier ce type d’approche pour les régions de partage inégalitaire dont les marchés, en particulier celui de la terre, ont été peu étudiés jusque-là. Ce qu’a fait notamment Marc Conesa (2012) sur la Cerdagne, confirmant l’existence d’un marché foncier actif et de véritables tensions dans le fonctionnement du modèle de reproduction des familles-souches en lien avec ce marché.
52Au total, ces travaux ont en quelque sorte réintroduit du contexte là où l’approche cartographique tendait à prendre appui d’abord sur le droit ; ils ont contribué à sortir d’une vision trop culturaliste des systèmes d’héritage. Ils ont également réintroduit le temps, le changement dans une approche traditionnellement plutôt synchronique (sans doute en lien avec l’importance des travaux anthropologiques dans ce champ historiographique). L’évolution des systèmes familiaux et d’héritage n’est pas le résultat des changements récents du « monde que nous avons perdu » dans les cinquante dernières années, cher à Peter Laslett, ni même le simple résultat de l’introduction de Codes civils d’inspiration plus ou moins française dans différents pays européens au cours des xixe et xxe siècles. En fait, ces systèmes apparaissent en constante évolution y compris à l’époque moderne, contraints de s’adapter notamment aux variations de la pression démographique. Bernard Derouet avait déjà montré comment le partage entre frères pouvait, à un moment donné, en Franche-Comté, évoluer vers des logiques nouvelles fondées sur la corésidence des frères (Derouet, 1993). Antoinette Fauve-Chamoux a mis en évidence la création de nouvelles maisons à Esparros à la fin du xviiie et au cours du xixe siècle, en contradiction avec le principe même de la maison pyrénéenne, pour faire face à la pression démographique particulièrement intense de cette période (Fauve-Chamoux, 2004b). Dionigi Albera (2011) récemment a montré que l’unicité successorale des Alpes françaises, loin d’être une constante depuis le Moyen Âge, était le fruit d’une évolution relativement rapide à l’époque moderne d’un système, avant tout agnatique à l’origine, vers un système de type patrilinéaire.
53À ce stade, la complexité des processus de reproduction des groupes familiaux mis à jour par les travaux des vingt dernières années peut sembler conduire à une impasse, du moins à brouiller les cartes. Les termes de systèmes d’héritage et de systèmes familiaux ont-ils encore un sens quand les distinctions qui fondaient les grands essais de cartographie, qu’il s’agisse de l’opposition entre partage égalitaire/inégalitaire ou de la distinction entre logiques de lignage et logiques de résidence, sont contestées de toutes parts. Les cartographies régionales sont-elles encore utiles quand tant de travaux ont souligné non seulement leurs infinies variations au niveau local, mais également leur plasticité au cours du temps ?
Des systèmes en mouvement au retour des modèles ?
54La production scientifique la plus récente laisse voir clairement que la notion de système familial, loin d’être délaissée, continue d’intéresser les chercheurs, comme l’attestent aussi bien la parution d’ouvrages collectifs portés par le souci du comparatisme en Europe et entre l’Europe et d’autres espaces, notamment l’Asie (Neven et Capron, 2000 ; Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009 ; Lundh et Kurosu, 2014), que la publication d’essais sur les systèmes familiaux (Sabean et al., 2007 ; Albera, 2011 ; Todd, 2012) qui renouent avec la tentation des modèles. Deux questionnements principaux au moins articulent les recherches les plus récentes : celle du rapport au droit, d’une part, et, d’autre part, celle du rôle, et préalablement, de la définition de la parenté comme acteur du processus de reproduction à l’identique, ou pas, du groupe familial corésident qui est généralement plus visible, de manière immédiate, dans les sources.
Le droit : poids des normes juridiques versus stratégies familiales et individuelles
55Les cartographies établies dans les années 1960 et 1970 sont généralement des cartographies coutumières. Elles reposaient sur la lecture et le classement des coutumes successorales selon deux ou trois variables clé (égalité/inégalité entre héritiers, corésidence/établissement néo-local des jeunes couples, etc.). Or, la variabilité des comportements observés au sein d’un même espace et leurs évolutions au cours du temps malgré le maintien d’une même coutume a conduit les chercheurs à s’interroger plus largement sur le rapport au droit des individus.
56Dans un article des Annales, Laurence Fontaine posait la question de la relation des paysans à la règle et de leur « sujétion aux normes juridiques » (Fontaine, 1992, 1161). Le constat en soi n’était pas nouveau car, de fait, toutes les études à partir des actes de la pratique posent de manière directe ou de manière implicite celle du rapport au droit, de son acceptation ou au contraire de la capacité des individus à l’adapter ou le contourner au profit des objectifs de transmission qui sont les leurs. Mais « les études de village ou de famille qui ont visé à réintroduire le temps et les stratégies familiales et individuelles n’ont pas poussé à leur terme les logiques de cette approche, cherchant trop vite à retrouver des catégories, à montrer dans le foisonnement et la diversité des pratiques des similitudes propres à construire une typologie ou à mettre en évidence le rôle de tel ou tel facteur, quitte à conclure devant la diversité des choix offerts et des pratiques adoptées à l’impossibilité d’entrer profondément dans les logiques des différents groupes paysans » (Fontaine, 1992, 1262). Laurence Fontaine en tire argument pour montrer que les stratégies familiales sont en effet multiples et difficilement réductibles à des typologies régionales. En dernier analyse, le concept même de système ne résiste pas à cette approche. On peut toutefois continuer de penser avec Bernard Derouet (1997) que, certes, chaque famille a sa propre stratégie, mais qu’il existe des types de stratégies, des régularités dans les comportements qui font sens pour un espace donné ou pour un groupe social précis ; il plaidait pour des comparaisons plus systématiques entre espaces ou entre groupes, la monographie villageoise ou sociale courant le risque de juxtaposer des parcours individuels.
57Parallèlement, nombre de recherches ont en effet mis l’accent sur la pratique plutôt que sur les normes telles qu’elles sont consignées dans les coutumiers (Head-König et Goy, 1998). Elles ont insisté sur les effets de la conjoncture économique, le poids des facteurs démographiques et environnementaux sur le fonctionnement des cellules familiales et leur processus de reproduction. Cette approche qui oppose fortement normes et pratiques est elle-même encore actuellement âprement discutée (Viret, 2008, 2014) car elle peut conduire à sous-estimer de manière systématique le poids des règles juridiques. Or, par le biais de l’analyse des relations de pouvoir au sein des ménages, Jérôme-Luther Viret tend à montrer au contraire que les coutumes et le droit épousaient assez fidèlement les intentions des individus et n’étaient pas le produit de juristes coupés des besoins des utilisateurs du droit successoral.
58Quoi qu’il en soit, et nous ne trancherons pas ici ce débat, il semble qu’il y a profit à s’intéresser à certains moments charnières dans l’histoire des dispositions juridiques successorales pour mieux appréhender la logique des systèmes derrière la variété des comportements. Le moment du passage au Code civil constitue ainsi un observatoire privilégié pour analyser le rapport au droit des familles (Petitjean et al., 1980 ; Arnaud-Duc, 1985). Pierre Lamaison avait montré il y a près de trente ans, à partir de son enquête auprès des notaires, la persistance des pratiques de type préciputaire dans les Pyrénées bien après la mise en place du Code civil (Lamaison, 1988). Plus récemment, Lacanette-Pommel (2003) a mis en évidence, dans les Pyrénées également, le respect global du Code mais, surtout, les frictions entre aînés et cadets qu’a fait naître l’émergence du Code civil, ce qui dément l’idée selon laquelle ce système inégalitaire était parfaitement accepté sous l’Ancien Régime. Pour les régions de partage égalitaire, il a été montré pour la Normandie (Boudjaaba, 2011) que le principe d’exclusion des filles, qui apparaît en droit comme l’un des deux fondements du système successoral coutumier, avait une importance somme toute relative aux yeux des Normands que révèle le passage au Code civil. La préservation du régime dotal ou l’acceptation de la communauté des biens relevant davantage de l’influence et de pratiques professionnelles des notaires qu’elles ne font sens en soi. De même, la mise en place du Code civil de 1786 en Autriche constitue également un observatoire privilégié du rapport au droit (Lanzinger, 2011). De ce point de vue, le rôle des intermédiaires dans l’application du droit et la traduction en actes des stratégies familiales, à savoir les notaires, apparaît comme un terrain d’enquête qui doit encore être exploré et sur lequel insistent les travaux récents de Dionigi Albera (2011). Ce mouvement ne se limite pas à l’historiographie française. Ainsi en Espagne, la géographie des structures familiales laisse de plus en plus la place à l’étude des stratégies adaptatives des familles (Dubert, 2005).
Le rôle de la parenté dans ses différentes dimensions : relations intra-générationnelles et solidarités effectives
59Le second chantier actuel est celui du rôle de la parenté dans le fonctionnement et la reproduction du groupe familial corésident. La question n’est pas en soi nouvelle, dans la mesure où c’est à partir de l’articulation entre formes de résidence et logiques lignagères que certaines cartographies des modes d’héritages ont été établies (Yver, 1966 ; Augustins, 1989). La micro-histoire a fortement contribué à réintroduire la parenté là où les cartographies tendaient à concentrer l’attention sur le groupe corésident. Sont plus neufs, semble-t-il, les questionnements sur le contenu concret des relations établies par le groupe familial et sa parenté dans la vie quotidienne, à différents moments du cours de la vie. Car sur ce point, les évidences manquent dès lors que l’on sort du milieu nobiliaire et des élites en général pour lequel une documentation très variée peut nous renseigner et nous montrer que « la famille-foyer s’insère et se développe dans un ensemble plus large, le lignage » (Neveux, 1993, 423).
60Les monographies fournissent sur ce point des réponses variées : existence de « pools familiaux », durant un temps, chez Jérôme-Luther Viret (2004) ; fonctionnement très individualiste des ménages nucléaires normands au xviiie siècle (Boudjaaba, 2008) ; persistance de forts liens de solidarités économiques, de travail, de partage sur les exploitations dans le cas de la Mancha espagnole, cela malgré la non corésidence des couples (García González, 1998).
61Cela se traduit également par un intérêt accru pour certains aspects des relations familiales jusqu’ici peu traités et dont la nature influence directement le fonctionnement des systèmes familiaux. Les relations intra-générationnelles entre frères et sœurs ou entre cousins et la confrontation des destins socioéconomiques différenciés sont l’objet d’une attention soutenue des chercheurs, alors que traditionnellement on observait surtout la relation père/fils (Oris et al., 2007 ; Sabean et al., 2011 ; Bessière, 2010 ; Boudjaaba et al., 2015) . Il reste cependant à approfondir les connaissances sur le contenu concret des relations de parenté et leur rôle dans le fonctionnement des groupes familiaux et des systèmes d’héritages tels qu’ils ont été catégorisés jusque-là. Le recours à des sources peu utilisées auparavant telles que les écrits intimes, les écrits du for privés peuvent être mobilisés dans cette perspective (Bardet et al., 2010). Les travaux récents sur les formes de sociabilité villageoise et familiale perceptibles à travers l’analyse des liens de témoignages ou de parrainages sont une autre voie intéressante et prometteuse [7].
62Autour de ces deux interrogations – rapport au droit et redéfinition du rôle de la parenté – émergent actuellement, nous semble-t-il, une série de travaux sur les systèmes familiaux qui ont pour points communs de renouer avec la question des modèles et de tenter de dépasser la démarche monographique.
63Les travaux comparatifs au sein de l’Europe, mais aussi entre Europe et Asie, se sont multipliés. Ils ont permis de remettre en cause la spécificité du système familial européen. Cette approche héritée des travaux de Laslett, qui soulignait l’articulation possible entre la famille nucléaire et l’émergence d’une société industrielle et capitaliste, a été de longue date discutée par Lutz Berkner (1972). Les travaux comparatifs récents ont largement contribué à relativiser la spécificité d’un modèle européen et, du même coup, la validité de l’articulation entre familles nucléaires et développement économique. Des comparaisons embrassant des territoires aussi vastes et variés prennent sens en étant appliqués à des formes d’organisation familiales précises, pas en envisageant la totalité des modes d’organisation possibles. L’étude de la famille-souche en Europe, qui reste à bien des égards un objet de fascination pour les historiens, a ainsi connu un renouvellement grâce aux travaux comparatifs avec le Japon, mais aussi des formes proches de la famille/maison japonaise (Ie) existant au Vietnam ou en Thaïlande (Fauve-Chamoux et Ochiai, 2009) et, à l’inverse, par des questionnements sur la spécificité de la Ie au regard des modèles comparables européens (Takahashi, 2013). Mais, si la démarche comparative reste fructueuse et prometteuse, on peut faire le constat qu’elle s’est appliquée surtout aux systèmes familiaux de type complexe ou élargi. Des travaux de cette nature manquent encore pour les régions reposant sur des principes essentiellement égalitaires, ou pour des espaces urbains.
Le retour des modèles : moins géographiques dans l’approche, plus attentifs à l’évolution historique des systèmes
64Au total, au-delà de la multiplicité des articles et des nouvelles monographies qui ont paru ces dernières années, l’élément le plus remarquable est le retour des modèles comme moyen d’appréhender les systèmes familiaux. Cette approche généralisante et/ou systémique des processus familiaux de résidence et de reproduction n’avait plus donné lieu à d’importantes publications en France depuis le milieu des années 1970 (excepté en ethnologie, avec Georges Augustins, 1989), ce qui explique sans doute que Jean Yver ou Emmanuel Le Roy Ladurie soient encore largement cités dans les travaux les plus récents. Pourtant, depuis moins d’une dizaine d’années, plusieurs ouvrages importants, largement discutés par la communauté scientifique, ont été publiés. Pour ces auteurs, il n’est évidemment plus question de proposer une cartographie des modes d’organisation familiale et des règles de transmission successorale. Chacun a désormais conscience des limites de l’exercice, qui, quoiqu’utile pour fixer quelques grandes règles de fonctionnement des sociétés préindustrielles, peine à rendre compte de la diversité des situations à un niveau infrarégional d’une part, mais aussi à mettre en évidence d’autre part la plasticité des systèmes et leur évolution à travers le temps et en fonction des contextes économiques, sociaux politiques et démographiques. D’une manière générale, ces auteurs, qui renouent avec les modèles, cherchent à rendre compte le plus exactement possible des transformations des systèmes familiaux qu’ils mettent en évidence.
65L’ouvrage le plus marquant de ce point de vue est sans aucun doute celui de David W. Sabean, Simon Teuscher et Jon Mathieu (2007). Ce livre collectif renoue avec la longue durée, à l’inverse de la plupart des monographies (à l’exception récente et notable de Marc Conesa, 2012), puisqu’il traite de la parenté de 1300 à 1900. L’ouvrage discute une lecture linéaire de l’effacement progressif de la famille entendue comme originellement complexe et/ou élargie avec l’industrialisation et propose une nouvelle chronologie. Dans leur hypothèse, la verticalité patrilinéaire des relations familiales serait un phénomène relativement récent (fin xvie siècle), quand émerge, au xviiie siècle, une certaine horizontalité de la relation conjugale et des relations de parenté (avec le développement des mariages consanguins mi-xviiie-xixe siècle en particulier). Cette hypothèse a revivifié le débat autour des systèmes familiaux en déplaçant la focale de la question auparavant centrale du mode de corésidence vers celle du fonctionnement de la parenté. Elle a été discutée (Ruggiu, 2010) et mérite de l’être encore, ne serait-ce que parce que le modèle d’évolution du fonctionnement de la famille et de la parenté proposé par ces auteurs s’appuie trop sur le monde urbain et les élites et laisse exagérément à l’écart les systèmes familiaux dans le monde rural qui ont pourtant si longtemps concentré l’attention des historiens.
66Dans une démarche du même ordre, Dionigi Albera (2011) a fait le choix d’une échelle certes plus modeste, les Alpes, mais d’une analyse serrée de la multiplicité des facteurs (facteurs environnementaux, économiques, politiques, relations de pouvoirs dans la famille, rôle des intermédiaires, etc.) qui permettent de comprendre la multiplicité des systèmes familiaux dans l’espace alpin. Cette recherche, fruit d’un travail de terrain de plusieurs décennies et d’une connaissance érudite des bibliographies nationales et régionales des pays européens de l’arc alpin, a abouti à une typologie évolutive plus attentive aux variations chronologiques des systèmes et pas seulement à la dimension spatiale de cette variété. Elle constitue à la fois un modèle du genre et une démarche dont on ne peut que souhaiter qu’elle soit reproduite à l’avenir pour d’autres espaces en Europe ou ailleurs, et pour d’autres types de systèmes familiaux.
67Plus récemment encore, Emmanuel Todd, dans un ouvrage intitulé L’origine des systèmes familiaux (2012), dont le succès surprendrait si on ne connaissait la réputation de son auteur hors du cercle restreint des universitaires, a proposé une typologie des systèmes familiaux fondée pour l’essentiel sur la compréhension des systèmes de valeur et des relations de pouvoir au sein du groupe résident. La démonstration, quoi que s’appuyant sur une très grande maîtrise de la bibliographie, peut paraitre parfois un peu hâtive, mais l’hypothèse centrale qui consiste à rechercher dans les systèmes familiaux une clé de lecture des rythmes différenciés de modernisation des sociétés et à affiner une chronologie de la divergence des systèmes familiaux à partir d’une base primitive de type nucléaire égalitaire, est très intéressante en soi. Elle peut constituer une hypothèse de travail fructueuse pour de nouvelles monographies.
68Enfin, signe sinon du retour des modèles, du moins de la nécessité de produire des synthèses ou des états des lieux prenant en compte l’état des connaissances sur le temps long, après plusieurs décennies de production foisonnante de monographies, il faut signaler la parution de l’ouvrage de Jérôme-Luther Viret en 2014, Le sol et le sang, qui tente de faire, pour la France, l’histoire de la famille et des processus de reproduction sociale du Moyen Âge au Code civil, en s’intéressant aux élites comme aux classes populaires, à la ville comme au monde rural (Viret, 2014).
Conclusion
69Les systèmes familiaux sont un champ de la démographie historique et de l’histoire de la famille sur lequel il existe une profusion de travaux, un champ à la croisée des thématiques portées par les Annales de Démographie Historique depuis leur création. L’étude des systèmes familiaux et d’héritage tient en effet tout autant de la tradition de la démographie historique qui consiste à analyser des formes de corésidence dans la lignée de Laslett que de l’histoire des relations familiales, notamment au travers de la question de l’héritage, de la transmission et du pouvoir au sein des familles.
70Un regard rétrospectif sur l’historiographie des années 1980 et 1990 laissait entrevoir le risque d’un certain enlisement de ce champ dans des problématiques répétitives et routinières. La prééminence des travaux sur les systèmes de corésidence complexe et les régions de partage inégalitaire, la multiplication de travaux de nature monographique associée à une certaine défiance à l’égard de toute forme de généralisation pouvaient en effet laisser craindre une perte de vitalité de ce champ d’étude.
71Les quinze ou vingt dernières années offrent un visage plus rassurant et ouvrent des perspectives plus prometteuses. Quatre éléments doivent ici être soulignés : tout d’abord une internationalisation manifeste de ce champ d’étude, porté par une démarche de plus en plus comparative. La confrontation de la diversité des systèmes en France avec celle des autres pays européens et au-delà, a contribué à renouveler des problématiques et méthodes menacées d’une certaine atonie. Deuxièmement, les historiens ont montré un intérêt inédit pour les systèmes familiaux et, surtout, les processus de reproduction familiale dans des espaces historiquement délaissés par les chercheurs de ce point de vue : les zones de partage égalitaire et/ou de famille nucléaire. Ils ont ainsi contribué à faire émerger une vision moins mécaniste de ces processus, l’égalité n’assignant ni rôle ni destin prédéfini aux acteurs. Troisièmement, les travaux les plus récents ont réintroduit le temps là où la cartographie avait tendance à ne mettre que de l’espace. De cette prise en compte du caractère évolutif des systèmes, ont émergé de nouvelle manières d’aborder les systèmes familiaux plus attentives à la diversité des possibles, à la multiplicité de stratégies et à la capacité des acteurs à jouer le jeu de la reproduction ou à se jouer de ses règles. Enfin, le retour des modèles explicatifs qui, par-delà les études de cas, tentent de faire apparaître des mécanismes récurrents de fonctionnement des systèmes familiaux ou des inflexions majeures dans leurs fonctionnements, ont revivifié le débat scientifique. Ces hypothèses, ces schémas généralisant sont évidemment critiquables, mais ils demandent à être vérifiés et discutés par de nouvelles études.
72L’histoire des systèmes familiaux n’est donc pas totalement écrite. Le débat a non seulement été relancé par quelques livres importants ces dix dernières années ; mais tous les terrains d’enquête possibles n’ont pas été non plus défrichés. Notre parcours historiographique, à l’image de l’historiographie, est resté largement cantonnée au monde rural. Cet espace offrait aux historiens à la fois des populations supposées plus stables et des échantillons de taille plus abordable pour les enquêtes monographiques que les villes mobiles et mortifères de l’Europe préindustrielle. La question du fonctionnement des régimes de corésidence et d’héritage dans ces environnements instables reste à approfondir. L’enquête menée actuellement sur la population de Charleville, grâce à ses exceptionnels recensements annuels de la fin du xviie siècle à la veille de la Seconde Guerre mondiale (Rathier et Ruggiu, 2013 ; Minvielle, 2013), est une des voies possibles pour la France. Les espaces coloniaux où les systèmes familiaux sont bousculés par la variété de statuts juridiques des individus et la question des alliances interraciales (Gourdon et Ruggiu, 2011 ; Cousseau, 2016) sont un autre champ d’exploration pour les années à venir.
Bibliographie
Références bibliographiques
- Addabbo, Tindara, Arrizabalaga, Marie-Pierre, Borderias, Cristina, Owens, Alastair (2010), Gender Inequalities, Households and the Production of Well-Being in Modern Europe, Surrey, Ashgate.
- Albera, Dionigi (2011), Au fil des générations. Terre, pouvoir et parenté dans l’Europe alpine (xive-xxe siècles), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble.
- Alfani, Guido, Castagnetti, Philippe, Gourdon, Vincent (dir.) (2009), Baptiser. Pratique sacramentelle, pratique sociale (xvie-xxe siècles), Saint-Étienne, Publications de l’université de Saint-Étienne.
- Annales de Démographie Historique (2006), dossier « Itinéraires féminins », 2.
- Annales de Démographie Historique (2011), dossier « Le contrat de mariage », 1.
- Arnaud-Duc, Nicole (1985), Droit, mentalités et changement social en Provence occidentale : une étude sur les stratégies et la pratique notariale en matière de régime matrimonial, de 1785 à 1855, Aix-en-Provence, Édisud.
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2005a), “Pyrenean marriage strategies in the nineteenth century: the Basque case”, International Review of Social History, 50, 93-122
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2005b), “Succession strategies in the Pyrenees in the 19th century. The Basque case”, The History of the Family: an International Quarterly, 10(3), 271-292.
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2006), « Droits, pouvoirs et devoirs dans la maison basque : la place des hommes et des femmes au sein des familles basques depuis le xixe siècle », Vasconia. Cuadernos de Historia-Geografía, 35, 155-183.
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2009a), “Marriage strategies and well-being among 19th century Basque family pro-perty owners”, 53-74 in Margarida Durães, Antoinette Fauve-Chamoux, Llorenç Ferrer & Jan Kok (eds.), The Transmission of Well-Being. Gendered Marriage Strategies and Inheritance Systems in Europe (17th – 20th Centuries), Bern, Peter Lang.
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2009b), “Gender and well-being in the Pyrenean stem-family system”, 85-102, in Bernard Harris, Lina Gálvez & Helena Machado (eds.), Gender and Well-being in Europe, Historical and Contemporary Perspectives, London, Ashgate Publishing.
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2010a), « Rôles et statuts des femmes dans les sociétés pyrénéennes : le Pays Basque aux xixe-xxe siècles », 296-318, in Nelly Valsangiacomo & Luigi Lorenzetti (eds.), Donne e Lavoro. Prospettive per una storia delle montagne europee, XVIII-XX secc., Milano, Franco Angeli.
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2010b), “Celibacy and Gender Inequalities in the Pyrenees in the Nineteenth and Twentieth Centuries”, 219-234, in Tindara Addabo, Marie-Pierre Arrizabalaga, Cristina Borderias & Alastair Owens (eds.), Gender Inequalities, Households and the Production of Well-Being in Modern Europe, London, Ashgate.
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2012), “Gender and migration in the Pyrenees in the nineteenth century: gender-differen-tiated patterns and destinies”, 127-144, in Béatrice Moring (ed.), Female Economic Strategies in the Modern World, London, Pickering & Chatto.
- Arrizabalaga, Marie-Pierre (2013), “The house system in the Pyrenees: traditions and practices since the Modern Era”, 95-132, in Moto Takahashi (ed.), Finding ‘Ie’ in Western Society: Historical empirical study for the paralleling and contrasting between Japan and Europe, Matsuyama (Japan), Ehime University Publications.
- Assier-Andrieu, Louis (1987), Le Peuple et la loi. Anthropologie historique des droits paysans en Catalogne française, Paris, Librairie de droit et de jurisprudence.
- Assier-Andrieu, Louis (1990), Une France coutumière. Enquête sur les « Usages locaux » et leur codification (xixe-xxe siècles), Paris, CNRS.
- Augustins, Georges (1989), Comment se perpétuer ? Devenir des lignées et destins des patrimoines dans les paysanneries européennes, Nanterre, Société d’ethnologie.
- Bardet, Jean-Pierre, Arnoul, Elisabeth, Ruggiu, François-Joseph (dir.) (2010), Les écrits du for privé en Europe du Moyen Âge à l’époque contemporaine. Enquêtes, analyses, publications, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux.
- Barthelemy, Tiphaine (1988), « Les modes de transmission du patrimoine. Synthèse des travaux effectués depuis quinze ans par les ethnologues de la France », Études Rurales, 110-111-112, 195-212.
- Béaur, Gérard (1984), Le Marché foncier à la veille de la Révolution. Les mouvements de propriété beaucerons dans les régions de Maintenon et de Janville de 1761 à 1790, préface de Pierre Goubert, Paris, EHESS.
- Béaur, Gérard (2005), « Mobiles ou sédentaires ? Les familles rurales normandes face au problème de la migration au xixe siècle (Bayeux, 1871-74) », 263-277, in Luigi Lorenzetti, Anne-Lise Head-Konig, Joseph Goy (dir.), Marchés, migrations et logiques familiales dans les espaces français, canadien et suisse, 18e-20e siècles, Bern, Peter Lang.
- Béaur, Gérard (2000), Histoire agraire de la France au xviiie siècle, Paris, SEDES.
- Béaur, Gérard, Dessureault, Christian, Goy, Joseph (dir.) (2004), Familles, terre, marchés. Logiques économiques et stratégies dans les milieux ruraux (xviie-xxe siècles), Rennes, PUR.
- Berkner, Lutz K. (1972), “The Stem Family and the Developmental Cycle of the Peasant Household: an Eighteenth Century Austrian Example”, American Historical Review, 77-2, 398-418.
- Bessière, Céline (2010), De génération en génération. Arrangements de famille dans les entreprises viticoles de Cognac, Paris, Raisons d’agir.
- Bonnain, Rolande, Bouchard, Gérard, Goy, Joseph (dir.) (1992), Transmettre, hériter, succéder. La reproduction familiale en milieu rural : France-Québec, xviiie-xxe siècles, Paris, EHESS.
- Bouchard, Gérard, Dickinson, John A., Goy, Joseph (dir.) (1998), Les Exclus de la terre en France et au Québec (xviie-xxe siècles). La reproduction familiale dans la différence, Sillery (Québec), Septentrion.
- Bouchard, Gérard, Goy, Joseph, Head-König, Anne-Lise (dir.) (1998), Nécessités économiques et pratiques juridiques. Problèmes de la transmission des exploitations agricoles (xviiie-xxe siècles), Rome, Mélanges de l’École Française de Rome.
- Boudjaaba, Fabrice (2007), « Femmes, patrimoine et marché foncier dans la région de Vernon (1760-1830) : le patrilignage normand face au Code civil », Histoire et sociétés rurales, 28, 2, 33-66.
- Boudjaaba, Fabrice (2008), Des paysans attachés à la terre ? Familles, marchés et patrimoines dans la région de Vernon (1750-1830), Paris, PUPS.
- Boudjaaba Fabrice (2009), « La transmission des patrimoines paysans : clé de voûte de la reproduction sociale et faux problème. L’exemple du canton de Plélan-le-Grand au milieu du xixe siècle », Annales de Bretagne et des Pays de l’Ouest, 116, 141-163.
- Boudjaaba, Fabrice (2011), « Le régime dotal normand : un moyen de préserver les intérêts du patrilignage ? Une comparaison entre deux régions : Vernon et Pont-L’Évêque (1750-1824) », Annales de Démographie Historique, 1, 121-139.
- Boudjaaba, Fabrice (2012), « Mesurer la mobilité sans registre de population en France au xixe siècle : l’apport des registres de successions à l’étude des migrations des ruraux », Cahiers québécois de démographie, 41-1, 9-35.
- Boudjaaba, Fabrice (dir.) (2014), Le travail et la famille en milieu rural (16e-21e siècle), Rennes, PUR.
- Boudjaaba, Fabrice, Gourdon, Vincent, Rathier, Carole (2010), “Charleville’s census reports: an exceptional source for the longitudinal study of urban populations in France”, Popolazione e Storia, 2, 17-42.
- Boudjaaba, Fabrice, Mouysset, Sylvie, Dousset, Christine (dir.) (2015), Histoi-Frères et sœurs du Moyen Âge à nos jours, Bern, Peter Lang.
- Bourdieu, Pierre, 2002, Le bal des célibataires. Crise de la société paysanne en Béarn, Paris, Seuil.
- Brunet, Guy, Fauve-Chamoux, Antoinette, Oris, Michel (dir.) (1996), Le choix du conjoint. Actes des entretiens de la Société de Démographie Historique, Paris, Société de Démographie Historique.
- Chacón Jiménez, Francisco (coord.) (1990), Historia social de la familia en España. Aproximación a los problemas de familia, tierra y sociedad en Castilla (ss. XV-XIX), Alicante, Instituto Alicantino Juan Gil-Albert.
- Chiva, Isaac, Goy, Joseph (dir.) (1981), Les Baronnies des Pyrénées. Maisons, mode de vie, société, T. I, Paris, EHESS.
- Chiva, Isaac, Goy, Joseph (dir.) (1986), Les Baronnies des Pyrénées. Maison, espace, famille, T. II, Paris, EHESS.
- Claverie, Elisabeth, Lamaison, Pierre, (1982), L’impossible mariage. Violence et parenté en Gévaudan, 17e, 18e et 19e siècles, Paris, Hachette.
- Collomp, Alain (1983), La Maison du père. Famille et village en Haute-Provence aux xviie et xviiie siècles, Paris, PUF.
- Conesa, Marc (2012), D’herbe, de terre et de sang. La Cerdagne du xive au xxe siècles, Perpignan, Presses universitaires de Perpignan.
- Cordier, Eugène (1859), Le Droit de famille aux Pyrénées : Barège, Lavedan, Béarn et Pays Basque, Paris, Auguste Durand.
- Cousseau, Vincent, (2016) « La famille retranchée. Transmission foncière et alliances chez les colons de Martinique (xviie-xviiie siècles) », Cahiers d’histoire de l’Amérique Coloniale, 7, à paraître.
- Derosas, Renzo, Oris, Michel (eds.) (2002), When Dad Died. Individuals and Families Coping with Family Stress in Past Societies, Bern, Peter Lang.
- Derouet, Bernard (1993), « Le partage des frères. Héritage masculin et reproduction sociale en Franche-Comté aux xviiie et xixe siècles », Annales ESC, 2, 453-474.
- Derouet, Bernard (1997) « Les pratiques familiales, le droit et la construction des différences (15e-19e siècles) », Annales HSS, 2, 369-391.
- Dessureault, Christian, Dickinson, John A., Goy, Joseph (dir.) (2003), Famille et marché (xvie-xxe siècles), Sillery (Québec), Septentrion.
- Dubert, Isidro (2005), « De la géographie des structures familiales aux stratégies adaptatives des familles en Espagne 1752-1860 », Annales de Démographie Historique, 1, 199-226.
- Duraes, Margarida, Fauve-Chamoux, Antoinette, Ferrer, Llorenç, Kok, Jan (eds.) (2009), The Transmission of Well-Being. Gendered Marriage Strategies and Inheritance Systems in Europe (17th-20th Centuries), Bern, Peter Lang.
- Duroux, Rose (1992), Les Auvergnats de Castille. Renaissance et mort d’une migration au xixe siècle, Clermont-Ferrand, Publications de la Faculté des Sciences et des Lettres.
- Duroux, Rose (2004), “Temporary male migration and female power in a stem-family society: the case of 19th century Auvergne”, 47-71, in David R. Green, Alastair Owens (eds.), Family Welfare, Gender, Property, and Inheritance Since the Seventeenth century, London, Praeger.
- Fauve-Chamoux, Antoinette (2003), “Female transmission in comparative perspective”, 11-29, in Emiko Ochiai (ed.), The logic of female succession: rethinking Patriarchy and Patrilinearity in global and historical perspective, Kyoto, Nichibunken.
- Fauve-Chamoux, Antoinette (ed.) (2004a), Domestic Service and the Formation of European Identity. Understanding the Globalization of Domestic Work, 16th-21st Centuries, Bern, Peter Lang.
- Fauve-Chamoux, Antoinette (2004b), « Stratégies intergénérationnelles à Esparros. Des logiques de reproduction à court ou à long terme (xviie-xxe siècles) », 91-104, in Gérard Béaur, Christian Dessureault et Joseph Goy (dir.), Familles, Terre, Marché, logiques économiques et stratégies dans les milieux ruraux (xviie-xxe siècles), Rennes, PUR.
- Fauve-Chamoux, Antoinette, Arrizabalaga, Marie-Pierre (eds.) (2005), The History of the Family. An International Quarterly, special issue: Family Transmission in Eurasian Perspective, vol. 10, n° 3.
- Fauve-Chamoux, Antoinette, Bolovan, Ioan (coord.) (2009), Families in Europe Between the 19th and 21st Centuries. From the Traditional Model to the Contemporary Pacs, Cluj-Napoca, Cluj University Press.
- Fauve-Chamoux, Antoinette, Ochiai, Emiko (eds.) (2009), The Stem Family in Eurasian Perspective. Revisiting House societies, 17th-20th Centuries, Bern, Peter Lang.
- Fontaine, Laurence (1990), « Solidarités familiales et logiques migratoires en Pays de montagne à l’époque moderne », Annales ESC, 6, 1433-1450.
- Fontaine, Laurence (1992), « Droits et stratégies : la reproduction des systèmes familiaux dans le Haut-Dauphiné (xviie-xviiie siècles) », Annales ESC, 6, 1259-1277.
- Fontaine, Laurence (2003), Pouvoir, identités et migrations dans les hautes vallées des Alpes occidentales (xviie-xviiie siècles), Grenoble, Presses universitaires de Grenoble.
- Fontaine, Laurence, Postel-Vinay, Gilles, Rosenthal, Jean-Laurent, Servais, Paul (dir.) (1997), Des personnes aux institutions. Réseaux et cultures du crédit du xvie au xxe siècle en Europe, Louvain, Bruylant-Academia.
- Fontaine, Laurence, Schlumbohm Jürgen (dir) (2000), Household Strategies for Survival, 1600-2000: Fission, Faction and Cooperation, Cambridge, Cambridge University Press.
- García González, Francisco (1998), Tierra y familia en la España meridional, siglos xiii-xix: formas de organización doméstica y reproducción social, Murcia, Universidad de Murcia.
- García González, Francisco (ed.) (2008), La Historia de la Familia en la Península Ibérica (Siglos XVI – XIX), Castilla-La-Mancha, Ediciones de la Universidad.
- Gourdon, Vincent, Ruggiu, François-Joseph (2011), « Familles en situation coloniale », Annales de Démographie Historique, 2, 5-39.
- Green, David R., Owens, Alastair (eds.) (2004), Family Welfare. Gender, Property, and Inheritance Since the Seventeenth Century, London, Praeger.
- Halperin, Jean-Louis (1992), L’impossible Code civil, Paris, PUF.
- Head-König, Anne-Lise, Lorenzetti, Luigi, Veyrassat, Béatrice (dir.) (2001), Famille, parenté et réseaux en Occident (xviie-xxe siècles). Mélanges offerts à Alfred Perrenoud, Genève, Société d’Histoire et d’Archéologie de Genève.
- Head-König, Anne-Lise, with Pozgai, Peter (eds.) (2012), Inheritance Practices, Marriage Strategies and Household Formation in European Rural Societies, Turnhout, Brepols Publisher.
- Herment, Laurent (2012), Les fruits du partage : petits paysans du Bassin parisien au xixe siècle, Rennes, PUR.
- Johnson, Christopher H., Sabean, David W. (eds.) (2011), Sibling Relations and the Transformations of European Kinship, 1300-1900, New York/Oxford, Berghahn Book.
- Klapisch-Zuber, Christiane (1978), Les Toscans et leurs familles. Une analyse du catasto florentin de 1427, Paris, FNSP.
- Lacanette-Pommel, Christine (2003), La famille dans les Pyrénées de la Coutume au code Napoléon, Estadens, Universatim PyréGraph.
- Lafourcade, Maïté (1989), Mariages en Labourd sous l’Ancien Régime. Les contrats de mariage du pays de Labourd sous le règne de Louis XVI, Bilbao, Universitad del País Vasco.
- Lamaison, Pierre (1988), « La diversité des modes de transmission : une géographie tenace », Études rurales, 110-111-112, 119-175.
- Landes-Mallet, Anne-Marie (1985) La Famille en Rouergue au Moyen Âge (1269-1345). Étude de la pratique notariale, Rouen, Publications de l’Université.
- Lanzinger, Margareth (2001), “Marriage Contracts in Various Contexts: Marital Property Rights, Sociocultural Aspects and Gender-specific Implications. Late-Eighteenth-Century Evidence from two Tyrolean Court Districts”, Annales de Démographie Historique, 1, 69-97.
- Laslett, Peter (1972), Household and Family in Past Time: comparative studies in the size and structure of the domestic group over last three centuries in England, France, Serbia, Japan and colonial America, Cambridge, Cambridge University Press.
- Le Mée, René (1999), Dénombrements, espaces et société, Recueil d’articles, Cahiers des Annales de Démographie Historique, n° 1, Paris, Société de Démographie Historique.
- Le Roy Ladurie, Emmanuel (1972), « Système de la coutume. Structures familiales et coutumes d’héritage en France au xvie siècle », Annales ESC, 4-5, 825-846.
- Lorenzetti, Luigi (1999), Économie et migrations au xixe siècle : les stratégies de la reproduction familiale au Tessin, Bern, Peter Lang.
- Lorenzetti, Luigi, Neven, Muriel (2000), « Démographie, famille et reproduction familiale : un dialogue en évolution », Annales de Démographie Historique, 2, 83-100.
- Lorenzetti, Luigi, Head-König, Anne-Lise, Goy, Joseph (dir.) (2005), Marchés, migrations et logiques familiales dans les espaces français, canadien et suisse, 18e-20e siècles, Bern, Peter Lang.
- Lundh, Christer, Kurosu, Satomi (2014), Similarity in difference. Marriage in Europe and Asia, 1700-1900, Harvard (USA), Massachusetts Institute of Technology Press.
- Martin, Xavier (1972), Les Principes d’égalité dans les successions roturières en Anjou et dans le Maine, Paris, PUF.
- Minvielle, Stéphane (2013), « Les ménages de Charleville aux xviiie-xixe siècles », Histoire & mesure, XXVIII-2, 17-52.
- Moriceau, Jean-Marc (1994), Les Fermiers de l’Île-de-France. L’ascension d’un patronat agricole (xve-xviiie siècles), Paris, Fayard.
- Neven, Muriel (2009), Individus et familles: les dynamiques d’une société rurale. Le Pays de Herve dans la seconde moitié du xixe siècle, Liège, Bibliothèque de la faculté de philosophie.
- Neven, Muriel, Capron, Catherine (eds.) (2000), Family Structures, Demography and Population. A Comparison of Societies in Asia and Europe, Liège, Laboratoire de démographie.
- Neveux, Hugues (1993), « Lignages et réseaux familiaux ruraux en France, xvie-xviiie siècles », 423-433, in Mélanges offerts à Jacques Dupâquier, mesurer et comprendre, Paris, PUF.
- Ochiai, Emiko (ed.) (2003), The Logic of Female Succession: Rethinking Patriarchy and Patrilineality in Global and Historical Perspective, Kyoto, International Research Center for Japanese Studies.
- Oris, Michel, Brunet, Guy, De Luca Barrusse, Virginie, Gauvreau, Danielle (dir.) (2009), Une démographie au féminin. Risques et opportunités dans le parcours de vie, Bern, Peter Lang.
- Oris, Michel, Brunet, Guy, Widmer, Eric, Bideau, Alain (2007), Les fratries. Une démographie sociale de la germanité, Bern, Peter Lang.
- Perrier, Sylvie (1998), Des enfances protégées ; la tutelle des mineurs en France (xviie-xviiie siècles), Saint Denis, Presses universitaires de Vincennes.
- Perrier, Sylvie (2009), « Logique patrimoniale et relations sociales : les familles recomposées dans la France d’Ancien Régime », 69-90, in Agnès Martial (dir.), La valeur des liens. Hommes, femmes et transactions familiales, Toulouse, Presses universitaires du Mirail.
- Petitjean, Michel, Fortunet de Loisy, Françoise (1980), Les contrats de mariage à Dijon et dans la campagne bourguignonne de la fin du xviiie siècle au milieu du xixe siècle. Contribution à l’étude des comportements juridiques, Dijon, Centre de recherches historiques, Publications du Centre de recherches historiques de la Faculté de droit et de science politique.
- Poumarède, Jacques (1972), Les Successions dans le Sud-Ouest de la France au Moyen Âge, Paris, PUF.
- Rathier, Carole, Ruggiu, François-Joseph (2013), « La population de Charleville de la fin du xviie siècle à la fin du xixe siècle », Histoire & mesure, XXVIII-2, 3-16.
- Ruggiu, François-Joseph (2010), « Histoire de la parenté ou anthropologie historique de la parenté ? Autour de Kinship in Europe », Annales de Démographie Historique, 1, 223-256.
- Sabean, David W., Teuscher, Simon, Mathieu, Jon (eds.), (2007), Kinship in Europe Approaches to Long-Term Development (1300-1900), New York/Oxford, Berghahn Book.
- Segalen, Martine (1977), “The family cycle and household structure: five generations in a French village”, Journal of Family History, 2(3), 223-236.
- Segalen, Martine (1984), « L’usage de la généalogie dans une recherche sur les structures de l’alliance dans le Pays bigouden sud », Annales de Démographie Historique, 71-78.
- Segalen, Martine (1985), Quinze générations de Bas-Bretons. Parenté et société dans le pays bigouden Sud, 1720-1980, Paris, PUF.
- Segalen, Martine, Ravis-Giordani, Georges (dir.) (1994), Les Cadets, Paris, CNRS.
- Steidl, Annemarie, Ehmer, Josef, Nadel, Stan, Zeitlhofer, Hermann (eds.) (2009), European Mobility Internal, International, and Transatlantic Moves in the 19th and early 20th Centuries, Göttingen, V&R Unipress.
- Takahashi, Motoyasu (ed.) (2013), Finding ‘Ie’ in Western Society: Historical Empirical Study for the paralleling and contrasting between Japan and Europe, Matsuyama, Ehime University Publications.
- Thebaud, Françoise (2009), « Histoire des femmes et du genre et démographie historique. Convergences, malentendus, divergences », 5-24, in Michel Oris, Guy Brunet et Virginie De Luca Barusse (dir.), Une démographie au féminin. Risques et opportunités dans le parcours de vie, Bern, Peter Lang.
- Thery, Irène, Biet, Christian (éd.) (1989), La Famille, la loi, l’État de la Révolution au Code civil, Paris, CNRS.
- Todd, Emmanuel (2012), L’origine des systèmes familiaux, Paris, Gallimard.
- Valsangiacomo, Nelly, Lorenzetti, Luigi (eds.) (2010), Donne e Lavoro. Prospettive per una storia delle montagne europee, XVIII-XX secc., Milano, Franco Angeli.
- Viret, Jérôme-Luther (2004), Valeurs et pouvoir. La reproduction familiale et sociale en Île-de-France. Écouen et Villiers-le-Bel (1560-1685), Paris, PUPS.
- Viret, Jérôme-Luther (2008), « La reproduction familiale et sociale en France sous l’Ancien régime. Le rapport au droit et aux valeurs », Histoire & sociétés rurales, 29, 165-18.
- Viret, Jérôme-Luther (2013), La famille normande. Mobilité et frustrations sociales au siècle des Lumières, Rennes, PUR.
- Viret, Jérôme-Luther (2014), Le sol et le sang. La famille et la reproduction sociale en France du Moyen Âge au xixe siècle, Paris, CNRS éditions.
- Vivier, Nadine (dir.) (2005), Ruralité française et britannique (xiiie-xxe siècles). Approches comparées, Rennes, PUR.
- Yver, Jean (1966), Égalité entre héritiers et exclusion des enfants dotés : essai de géographie coutumière, Paris, Sirey.
- Zink, Anne (1993), L’Héritier de la maison. Géographie coutumière du Sud-Ouest de la France sous l’Ancien Régime, Paris, EHESS.
Notes
-
[1]
L’introduction, les deuxième et troisième parties ainsi que la conclusion ont été rédigées par Fabrice Boudjaaba, la première partie par Marie-Pierre Arrizabalaga.
-
[2]
Des chercheurs ont entrepris des études monographiques sur les systèmes familiaux dans le but de confirmer ou d’infirmer les conclusions des ethnologues. Signalons, parmi bien d’autres, les publications d’Anne-Marie Landes-Mallet (1985) sur le Rouergue, de Xavier Martin (1972) sur l’Anjou et le Maine et de Maïté Lafourcade (1989) sur le Pays Basque.
-
[3]
La cohabitation entre les générations était effectivement une pratique courante dans les Pyrénées, mais aussi ailleurs en France. Les systèmes successoraux, cependant, différaient selon les régions : primogéniture masculine stricte en Béarn (Poumarède, 1972), dans les Hautes-Alpes (Fontaine, 1990, 1992) et en Haute-Provence (Collomp, 1983) ; primogéniture masculine moins stricte dans les Baronnies (Chiva et Goy, 1981, 1986 ; Fauve-Chamoux, 2004b) ; aînesse intégrale au Pays Basque (Lafourcade, 1989 ; Arrizabalaga, 2006, 2009, 2010a, 2010b), dans le Cantal (Duroux, 1992, 1994) et antérieurement à Barèges et dans le Lavedan (Cordier, 1859) ; succession masculine sans distinction de rang de naissance dans le Capsir (Assier-Andrieu, 1987).
-
[4]
Les articles de Pierre Bourdieu dans ce domaine parurent en 1962 (pour celui concernant le célibat) et en 1972 (pour celui concertant les stratégies matrimoniales). Ils furent réédités dans Le bal des célibataires (2002).
-
[5]
L’historiographie sur les femmes et les migrations est importante, notamment lorsqu’il s’agit des migrations internationales. Nombre d’études comparatives sur ces thèmes furent et sont entreprises par les Anglo-saxons.
-
[6]
Il faut souligner l’écart entre la « popularité » des systèmes à maison et le fait qu’ils ne concernent que des régions assez réduites. La famille-souche des Pyrénées est loin de constituer un modèle très répandu dans l’Europe préindustrielle.
-
[7]
Nous renvoyons à l’article de Guido Alfani, Vincent Gourdon, Cyril Grange et Marion Trévisi dans le présent volume. Voir aussi (Alfani, Castagnetti et Gourdon, 2009).