NOTES
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[1]
Les premières versions de cet article ont été présentées en 2008 au Séminaire d’histoire de la démographie et de la famille de l’université de Paris-Sorbonne (Centre Roland Mousnier) et, en 2009, au Séminaire avancé de recherche du Département d’histoire économique de l’université de Genève, à l’invitation de Michel Oris. Nous remercions tous les participants des observations qu’ils nous ont adressées lors de ces séances. Par la suite, Guido Alfani, Vincent Gourdon, Élie Haddad et Jérôme Viret ont relu cet article et nous ont aimablement fait part de leurs remarques, de leurs critiques et, parfois, de leurs désaccords constructifs. Nous souhaitons qu’ils trouvent ici, comme les relecteurs anonymes des Annales de Démographie Historique, l’expression de notre plus profonde reconnaissance.
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[2]
New York, Oxford, Berghahn Book, 2007. L’ouvrage est issu d’un colloque intitulé “Kinship in Europe: The Long Run 1300-1900”, qui s’est tenu à Monte Verita (Ascona), en Suisse, du 15 au 20 septembre 2002.
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[3]
Dans le cours de l’article, les numéros entre parenthèses renvoient aux pages du volume.
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[4]
Nous appelons « mariages entre parents proches » les mariages impliquant des parents inclus dans les degrés interdits par l’Église au concile de Latran IV de 1215. Ils concernaient essentiellement les troisièmes cousins (ou cousins deux fois germains ou 4-4), les deuxièmes cousins (cousins issus de germain ou 3-3) et les premiers cousins (cousins germains ou 2-2).
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[5]
Les éditeurs de Kinship in Europe évoquent ici le passage à des systèmes de partage inégalitaire où les filles (mais aussi les fils cadets) sont dotés et donc exclus de la succession aux biens matériels (terres, charges) et symboliques (titres). Nous ne pouvons discuter ici, faute de place, le fait de savoir si l’octroi d’une dot exclut réellement un enfant de la succession car une telle conception réduit la succession à un événement ponctuel qui survient à la mort des parents. Si nous définissons la succession comme la transmission des biens d’une famille d’une génération à une autre, elle se déroule alors à toutes les étapes de la vie des parents et une fille dotée reçoit bien une part de l’héritage parental même si elle est plus faible que celle qu’elle aurait été, en cas de partage égalitaire à la mort des parents, des biens de la génération précédente. Elle n’en est donc pas exclue.
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[6]
Gérard Delille et David Sabean s’accordent cependant pour faire de la seconde moitié du xviiie siècle la période de transition. Le premier y repère l’effacement du système d’échange entre lignées alternées et l’essor des mariages conclus entre individus apparentés ou non. Comme nous le verrons plus bas, le second date de cette période l’explosion des mariages consanguins.
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[7]
Voir également la contribution de Simon Teuscher qui utilise la chronique de Ludwig von Diesbach (p. 83-85).
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[8]
Voir, là encore, Alain Collomp, 1977 : «Cette dernière reconstitution, génération après génération, bute assez souvent au bord d’un vide ou d’une cassure : la famille-souche s’arrête par défaut de descendants, ou bien est partie faire souche ailleurs. »
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[9]
La bibliographie sur le mariage en Europe aux époques médiévale, moderne et contemporaine est imposante mais la question des interdits au mariage est rarement abordée pour elle-même (Trévisi, 2008, 486-491).
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[10]
En Angleterre, la forme d’un mariage valide n’a pas été définie avant le Clandestine Marriage Act (ou Hardwicke’s Marriage Act) de 1753. Une partie importante des unions de fidèles de l’Église d’Angleterre – jusqu’à la moitié des mariages à Londres dans la première moitié du xviiie siècle – étaient jusqu’alors « clandestines » ou, plutôt, « informelles » ou « non conformes » aux usages de l’Église. Mais, comme l’édit de 1556 pour la France, la loi de 1753 précise les conditions de validité (publication des bans ; déroulement de la célébration ; définition de la minorité à 21 ans) et ne s’intéresse pas aux interdits matrimoniaux (Gillis, 1985 ; Lemmings, 1996 ; Probert et d’Arcy Brown, 2008).
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[11]
Les mariages au-delà du quatrième degré (4-5, 5-5, etc.), qui ne nécessitent pas de dispenses, demeurent des mariages entre parents jusqu’à une limite mal définie.
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[12]
L’auteur ne donne malheureusement pas le nombre de mariages réalisés dans les villages qu’il a étudiés, ce qui empêche d’apprécier l’ampleur du mouvement.
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[13]
http://historicaldemography.net/documents/program_patrinus_fr.pdf
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[14]
L’étude porte sur 17 000 certificats de mariage pour les trois communes de Leuwen, Aalst et Bierbeck de 1800 à 1913.
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[15]
Cyril Grange a ainsi travaillé sur 114 généalogies descendantes de familles de la haute bourgeoisie juive française. Il a observé l’importance de l’interconnexion entre ces familles : 85 d’entre elles entretiennent des liens d’alliance dans la période 1850-1899. Il a également relevé 42 mariages renchaînés sur 355 pour la période 1800-1959 (11,8%) avec une décroissance régulière à partir des années 1880 (Grange, 2005, 145).
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[16]
En France, où les charges municipales sont, à l’époque moderne, électives ou cooptatives, les chercheurs ont tous souligné, sans pour autant le quantifier systématiquement, le haut degré d’intermariage dans les lignages d’édiles municipaux (Guignet, 1990 ; Saupin, 1996 ;Mouysset, 2000 ; Coste, 2006, 2007 ; Junot, 2009). Ne travaillant généralement pas sur les généalogies ascendantes ou descendantes des édiles, ils ont cependant rarement étudié les renchaînements d’alliances ou les mariages remarquables. Les analyses sont à peu près identiques pour l’Angleterre (Ruggiu, 2002) mais la situation est très différente en Espagne ou en Italie où les charges municipales étaient souvent héréditaires (Delille, 2003).
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[17]
Les deux mariages ont lieu parfois le même jour et parfois quelques années plus tard lorsque les enfants ont atteint « l’âge compétent » (Collomp, 1977, 462; Bruguière, 1997, 1345).
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[18]
Nous devons ces informations au professeur Paul d’Hollander, de l’université de Limoges, qui achève une étude du diaire d’Hippolyte Delor. Nous le remercions très vivement d’avoir eu l’amabilité de nous permettre de les utiliser ici.
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[19]
Nous nous inspirons ici partiellement de travaux de sociologie politique en particulier Percheron, 1993, 131-143. L’étude des écrits du for privé est une clef essentielle pour entrer dans ces cultures familiales (Mouysset, 2007).
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[20]
David Sabean approche l’idée de « cultures familiales », telle que nous l’entendons, lorsqu’il développe la notion de «milieux » à partir de la contribution de Christopher Johnson sur Vannes au xixe siècle. Mais il reste en grande partie fidèle à la tradition historiographique d’où elle provient, qui est celle de l’étude des sociabilités telle que l’a initiée Maurice Agulhon, en France.
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[21]
Nous rejoignons également ici les analyses d’Osvaldo Raggio: «Da questi processi la parentela emerge come una costruzione sociale fondata sulle interconnessioni (e manipolazioni) tra fatti biologici, fatti culturali et fatti politici. […] Per questo la categoria di parentela non può essere ridotta ad un unico concetto, come ad esempio quello di gruppo di discendenza unilineare, o quello dell’identità tra lignaggio e cognome, né tanto meno ad una categoria normativa fondata sui criteri della consanguinità » (Raggio, 1997, 39). Voir également Sandro Lombardini : “In our case, I think we have been able to perceive how kin group in and around Mondovì may more fruitfully be conceived of as socially constructed networks of exchange than as the outcome of a norm of consanguinity.” (Lombardini, 1996, 244).
1L’ouvrage collectif dirigé par David W. Sabean, Jon Mathieu et Simon Teuscher, Kinship in Europe Approaches to Long-Term Development (1300-1900), est sans conteste un des plus stimulants qui aient été récemment publiés dans le champ de l’histoire de la famille et de la parenté [2]. Il paraît à un moment crucial où cette dernière est justement en train de s’autonomiser par rapport aux champs qui lui sont proches comme la démographie historique. Elle est également en train d’attirer à elle de plus en plus de chercheurs venus d’horizons différents : les anthropologues naturellement ; les historiens du droit, dont l’apport est essentiel aussi bien en ce qui concerne l’étude de la norme que des pratiques qui s’articulent autour d’elles (Bonfield dans Kertzer et Barbagli, 2001) ; les historiens de la société et des groupes sociaux ; les spécialistes de littérature (voir, entre autres, Tadmor, 1992 ; Perry, 2004) ; ou encore, les spécialistes d’une business history attentive aux rôles des cycles familiaux dans le développement des entreprises et des secteurs économiques (Casson et Rose, 1997 ; Owens, 2002 ; Alfani, 2007a ; Cavaciocchi, 2009 ; Alfani et Gourdon, 2010).
2Le volume édité par David W. Sabean, Jon Mathieu et Simon Teuscher est une étape importante dans ce processus d’autonomisation, à la fois par son ampleur chronologique, par la diversité des thématiques qu’il aborde et par la force des problématiques d’ensemble qu’il offre à la discussion collective. Il part de l’idée que les divisions traditionnelles entre les différentes sciences humaines ont eu des effets majeurs dans le domaine de l’étude de la famille et l’étude de la parenté qu’il est peut-être temps de dépasser. Elles remontent, en effet, à la seconde moitié du xixe siècle, lorsque la sociologie, l’ethnologie et l’anthropologie se sont constituées en tant que sciences au prix de violents combats épistémologiques qu’elles ont menées aussi bien les unes contre les autres que contre les humanités classiques, en particulier l’histoire (Simiand, 1903). Comme le note Sylvia Yanagisako (p. 33-45) [3], la parenté est alors devenue l’objet central de l’anthropologie, qui a pris en charge les sociétés dites primitives, ou « froides », alors qu’elle a toujours occupé une place marginale dans la sociologie et dans l’histoire qui s’intéressaient aux sociétés « chaudes ». Les grandes interprétations générales de l’évolution des sociétés occidentales construites par les sociologues, comme Max Weber ou Talcott Parsons, ou par les historiens, ont donc tendu à minorer le rôle de la parenté. Jusque dans les années 1970, la plupart des chercheurs étaient persuadés que les processus de modernisation des sociétés européennes, fondés, à partir de la Renaissance, sur l’essor de l’État et des institutions impersonnelles ou sur le développement de l’économie demarché, passaient nécessairement par l’effacement progressif de la place de la parenté dans la vie de l’individu autonome. La famille conjugale, formée par les parents (le père et la mère) et les enfants, avec une action éventuelle des grands-parents et des collatéraux immédiats (oncles, tantes, cousins germains) pouvait seule conserver une action efficace sur l’individu et donc retenir l’attention des chercheurs. Les travaux de Peter Laslett, qui s’intéressait plus précisément au ménage conçu comme une unité de résidence, d’Edward Shorter, de Lawrence Stone ou de Ronald Trumbach se sont inscrits, à des degrés divers, dans cette perspective.
3Les éditeurs de Kinship in Europe estiment, au contraire, que la parenté est une dimension fondamentale des sociétés occidentales des époques médiévales, modernes et également contemporaines, c’est-à-dire de ces sociétés que les anthropologues qualifient de « complexes » où le choix du conjoint n’est pas prescrit par des règles mais seulement encadré par une série d’interdits (Barry, 2008). Ces sociétés doivent donc être étudiées, selon eux, à travers le prisme des éléments fondamentaux de l’anthropologie que sont l’alliance, la filiation et la parenté spirituelle. Embrassant une période allant de la fin du xie siècle jusqu’au début du xxe siècle, ils affirment également que la parenté est présente, à des degrés divers, dans un ensemble de relations sociales que les historiens ont eu jusqu’à présent tendance à aborder sous d’autres angles comme, par exemple, les relations de crédit, la circulation du capital et de la propriété, ou encore l’exercice des offices et des charges. Ils ne sont pas les premiers ni les seuls à être allés en ce sens. Dès 1986, l’historien britannique David Cressy appelait ainsi à sortir de l’étude de la famille nucléaire pour envisager les interactions des individus avec leur parenté (Cressy, 1986). Il insistait, en particulier, sur les formes de solidarité qui pouvait les unir. Tamara Hareven a ainsi montré que la famille n’a jamais été l’objet passif des transformations industrielles du xixe siècle mais qu’elle en a partiellement façonné les modalités tout en s’adaptant à elles (Hareven, 1991, 2000). Et l’histoire sociale française, de l’époque médiévale (Guerreau-Jalabert et al., 2002) comme de l’époque moderne (Nassiet, 2000; Marraud, 2009; Chatelain, 2008; Haddad, 2009), tend actuellement à intégrer les acquis de l’anthropologie de la parenté.
4Mais les éditeurs de Kinship in Europe sont sans doute les premiers à le faire aussi systématiquement et avec une ambition aussi large, alors que les grandes thèses d’histoire démographique avaient, jusque dans les années 1980, laissé la question de la parenté dans l’ombre. Il est vrai que les reconstitutions de populations, qui ont été menées jusque dans les années 1980 dans la perspective de l’histoire sérielle ouverte par Louis Henry, anonymisaient les données lorsqu’elles les agrégeaient, et ne permettaient donc pas les croisements nécessaires à la mesure des liens de parenté entre les individus observés. Le passage de l’histoire sérielle à l’histoire nominale, qui est la grande mutation paradigmatique des années 1990, a ouvert la voie pour une meilleure appréhension de la parenté (Ruggiu, 2009a). Cependant, la contrepartie de cette évolution semble être une moindre prise en compte, assumée dans Kinship in Europe (113-114), de l’évolution démographique générale et locale des populations et de ses conséquences sur les familles et les parentés, ce qui n’est pas sans poser problème.
5L’ouvrage est composé de quinze chapitres dont une introduction signée de David Sabean et de Simon Teuscher («Kinship in Europe : A New Approach to Long-Term Development ») et une conclusion rédigée par David Sabean («Kinship and Class Dynamics in Nineteenth-Century Europe »). Après la contribution de Sylvia Yanagisako, les douze autres textes sont répartis en deux parties qui correspondent aux deux périodes principalement évoquées : la période tardo-médiévale et moderne d’un côté et de l’autre, le xixe siècle. Chaque partie est introduite par un commentaire qui relie les contributions à la problématique d’ensemble. Une partie de ces textes sont directement en prise avec la problématique générale du volume, soit qu’ils lui fournissent des éléments généraux comme les contributions de Bernard Derouet (« Political Power, Inheritance, and Kinship Relations…») ou d’Elisabeth Joris («Kinship and Gender : Property, Entreprise and Politics »), soit qu’ils l’illustrent par des exemples comme celles de Jon Mathieu («Kin Marriages : Trends and Interpretation from the Swiss Example ») ou de Christopher Johnson («Kinship, Civil Society and Power in Nineteenth-Century Vannes»). La plupart des autres articles apportent un éclairage pour une région et pour un groupe social comme Karl-Heinz Spiess et Christophe Duhamelle, pour différents segments de l’aristocratie allemande, Simon Teuscher, pour la bourgeoisie bernoise au Moyen Âge, Michaela Hohkamp, à propos des familles princières européennes à l’époque moderne, ou encore Gábor Gyáni, pour la classe moyenne hongroise au xixe siècle. Certains explorent une dimension spécifique de la question comme Laurence Fontaine, qui rappelle l’importance des relations de parenté dans les processus de migration, ou Giulia Calvi qui évoque la place des femmes dans la société toscane de la période moderne.
6La plupart des auteurs réunis ici poursuivent un dialogue fructueux depuis de nombreuses années. Dans la plupart des cas, les travaux qu’ils présentent ne sont pas inédits mais ils ont, au contraire, cherché à inscrire des recherches qu’ils mènent depuis longtemps, et dont ils ont souvent été les pionniers, au sein de l’évolution générale des relations de parenté esquissée par les éditeurs du volume. Ils ont alors été naturellement amenés à réemployer, en les resserrant, les résultats des travaux qu’ils ont réalisés précédemment comme David Sabean sur Neckarhausen, Gérard Delille sur le royaume de Naples ou encore Bernard Derouet, au fil d’une belle série d’articles. Kinship in Europe est donc un livre qui récapitule les résultats de plus trente années de recherche et qui leur donne une cohérence par la construction d’un récit historique destiné à remplacer celui du déclin de la parenté dans les sociétés occidentales. Ce n’est pas la moindre de ses nombreuses qualités. Dans cette note de lecture, nous avons donc voulu aller au-delà d’une recension traditionnelle afin de mettre en perspective le schéma proposé au fil de l’ouvrage, sans chercher à rendre compte de l’ensemble des contributions, forcément hétérogènes, qu’il réunit, et des domaines qu’il aborde. Nous avons cherché à présenter les grandes lignes de l’argumentation en essayant de repérer les propositions qui tendent à construire un modèle d’évolution de la place de la parenté dans les relations sociales en Europe de la fin du Moyen Âge au début du xxe siècle, et de les confronter aux autres voies d’étude de la parenté qui ont été explorées par les chercheurs dans les dernières années, et par lesquelles l’évolution esquissée dans cet ouvrage pourrait être confirmée ou infirmée [4].
Réflexions sur les systèmes de parenté
7Les éditeurs de l’ouvrage distinguent dans l’histoire de l’Occident deux périodes durant lesquelles les relations au sein de la parenté ont tendu à s’organiser de manière différente. La première période commence à la fin du Moyen Âge et s’étend jusque dans la seconde moitié du xviiie siècle. Elle est marquée par l’effacement de l’organisation plutôt horizontale des relations de parenté qui prévalaient aux siècles précédents et par la mise en place progressive d’une organisation verticale qui privilégie la filiation. Cette période voit également l’apparition de systèmes de dévolution de l’héritage d’inspiration patrilinéaire et qui cherchaient donc à faire demeurer les biens d’une famille dans sa ligne masculine. Ils favorisent donc l’héritage par les hommes et, plus exactement, dans certains cas, par le fils aîné [5]. Dans ce contexte, les unions se faisaient alors, la plupart du temps, avec des gens qui n’étaient pas des parents (p. 3) même si elles pouvaient être insérées dans le cadre d’échanges entre patrons et clients (p. 12-13). La seconde période commence dans la seconde moitié du xviiie siècle et s’étend jusqu’à la fin du xixe siècle. Malgré la croissance des États bureaucratique, malgré les évolutions du droit qu’a déclenchées dans presque toute l’Europe la Révolution française, et malgré les révolutions industrielles successives, elle se caractériserait non seulement par une forte influence de la parenté sur les relations sociales mais aussi par une influence accrue par rapport à la période précédente. Cette influence prendrait cependant une forme plus horizontale avec une insistance plus grande sur l’alliance et sur l’affinité que sur la filiation. Pour les éditeurs de Kinship in Europe, la société du xixe siècle serait une « kinship-hot society » et le serait davantage que les périodes précédentes. C’est une position forte qui va donc à l’encontre d’une grande partie de l’enseignement actuel de l’histoire de la famille et de la parenté.
8La seconde moitié du xixe siècle ainsi que la période de la Révolution française, et de ses extensions en Europe, apparaissent ici cruciale. Les formes de désignation des élites ont été bouleversées et le mérite, ainsi que le travail, ont commencé à prendre le pas sur la naissance. Il a été également mis un terme à un vaste ensemble d’appropriations familiales des ressources publiques, au premier rang desquelles les charges et les offices, comme les offices de justice en France, par exemple, ou bien les places dans les gouvernements municipaux en Espagne, qui pouvaient jusqu’alors être transmises au sein d’une lignée de la même manière que les biens privés. Enfin, les règles de la dévolution des biens privés ont été transformées dans le sens d’une plus grande égalité entre les héritiers. Une telle réorientation de l’héritage au sein d’une même génération a entraîné, selon les éditeurs de l’ouvrage, un affaiblissement de l’organisation verticale des relations de parenté au profit d’une organisation plus horizontale. Mais elle n’a pas entraîné une disparition des relations de parenté, contrairement à ce qu’avancent les conceptions traditionnelles de la modernisation de la société (p.20).
9Le mécanisme qui est au cœur de cette évolution est le mariage. Il a tendu à devenir de plus en plus endogamique à la fois en termes de classes, de «milieux » et de consanguinité (p.187). Les familles déjà alliées ont, en effet, tendu à multiplier les alliances, soit sur une génération (mariages de frères et de sœurs), soit sur plusieurs générations (mariages répétés de cousins à différents degrés). Elles ont également cherché à croiser toutes les formes possibles de relations familiales comme le parrainage, la tutelle des mineurs ou encore la présence à la signature d’un acte de mariage ou d’un testament (entre autres, Alfani, 2007b, 2008, 2009; Perrier, 1998; Beauvalet et Gourdon, 1998 ; Jahan, 1999 ; Viret, 2004). Les éditeurs de l’ouvrage avancent, enfin, que le mouvement qu’ils dessinent, en particulier la centralité du mariage entre premiers cousins, n’est pas contradictoire avec le fait que les relations personnelles entre les époux ont pris, à la fin du xviiie siècle, une tournure de plus en plus « romantique », qui a posé l’harmonie des sentiments et la similitude des personnalités comme les fondements d’une union réussie (p.188). Ils s’appuient là sur une indiscutable érotisation de la figure du cousin ou de la cousine très sensible dans le discours (Anderson, 1986; Burguière, 1997). Il ou elle devient un partenaire d’autant plus désirable que le frère et la sœur demeuraient interdits alors qu’ils ont été inscrits dans le même processus d’érotisation mais sur un mode mineur (Poumarède, 1987, 215 ; Saurer, 1998, 67-68 ; Adams, 2000). La cousine est d’ailleurs un parti d’autant plus intéressant que les femmes ont tendu au cours des xviiie et xixe siècles, sinon à contrôler entièrement, au moins à posséder un patrimoine croissant (voir, pour l’Angleterre, Berg, 1993; Lane, 2000; Green et Owens, 2003). Élisabeth Joris a, d’ailleurs, centré son texte sur le rôle des femmes dans le contrôle et la transmission du capital dans la Suisse du long xixe siècle (p.231-257).
Les renchaînements d’alliance, un élément structurant des systèmes de parenté européens ?
10Une difficulté que présente Kinship in Europe, d’ailleurs reconnue par les éditeurs scientifiques, est que toutes les contributions n’entrent pas à égalité dans la trame narrative qu’ils ont construite. Les analyses de Gérard Delille («Kinship, Marriage, and Politics »), qui portent sur la première période, de la fin du Moyen Âge au xviiie siècle, s’en distinguent, en effet, nettement. Il se situe dans le droit fil des études de Claude Lévi-Strauss et de Françoise Héritier qui considèrent que c’est l’alliance, plutôt que la filiation, qui est située au cœur des relations de parenté et qu’elle ne peut suivre qu’un nombre fini « de figures de base » (Héritier, 1981, 161). Le point de départ de la réflexion qui a conduit Gérard Delille à modéliser un système de parenté européen (Delille, 2001, 2007) est la reconstitution qu’il a faite des généalogies, sur plusieurs siècles, des familles de Manduria, une petite ville de l’actuelle province de Tarente, dans le sud de l’Italie (Delille, 1985). Elle lui a permis de mettre à jour un mécanisme d’échange entre lignées alternées. Les différentes branches des familles Pasanisa et Giustiniani, qui se sont rapprochées pour des raisons politiques à la fin du xvie siècle, ont, par exemple, régulièrement conclu des mariages au fil des générations qui ont suivi. Lorsqu’elles concernaient des branches déjà alliées, les bouclages de l’alliance sont survenus dès que l’interdit de consanguinité fixé par le concile de Latran s’est effacé, c’est-à-dire à partir du 4e-5e degré de consanguinité. Gérard Delille indique que ce comportement peut être repéré chez d’autres familles de Manduria. Il relie ces bouclages d’alliance, par lesquels les descendants de deux couples d’ancêtres échangent des conjoints sur plusieurs générations, à une autre forme d’intensification des liens entre deux familles. Elle est, cette fois-ci, horizontale (ou entre des gens de la même génération) et non plus verticale (ou au fil des générations). Il s’agit des mariages dits « remarquables », c’est-à-dire des mariages de deux frères avec deux sœurs, ou bien d’un frère et d’une sœur avec un frère et une sœur ou encore d’un cousin avec une cousine.
11Au fil de ses articles, Gérard Delille a donné bien d’autres exemples de l’échange entre lignées alternées, chez les tailleurs de pierre de Fiesole en Toscane, chez les bouchers de Limoges, où il a repéré des mariages internes aux lignées entre le 5e-6e degré et le 6e-7e degré de consanguinité, ou encore dans les familles nobles d’Alicante et de Cáceres en Espagne (Delille, 2000). Et, dans sa contribution à Kinship in Europe, il développe plus précisément le cas des familles de la noblesse arlésienne. Enfin, il précise que ces unions renchaînées ou remarquables cessent progressivement au fil du xviiie siècle pour faire place à un système matrimonial qu’il estime plus ouvert parce que centré sur les individus [6]. Se fondant sur la variété de ces exemples, Gérard Delille a donc inclus le bouclage des alliances dans son « système » de la parenté dans les sociétés occidentales à l’époque moderne. La seconde caractéristique fondamentale de ce système est, selon lui, la forte inflexion patrilinéaire des sociétés de l’époque moderne, ce qui va à l’encontre d’autres chercheurs qui valorisent leur dimension bilatérale ou cognatique.
12Plusieurs critiques peuvent être faites à l’argumentation de Gérard Delille. La première est avancée par Jon Mathieu dans sa contribution à Kinship in Europe (p. 211-230), où il note qu’il est difficile de prouver que les acteurs étudiés avaient une mémoire aussi étendue de la parenté, surtout en dehors des familles de l’élite et qu’ils étaient donc capables de mener les calculs généalogiques que requiert l’échange entre les lignées alternées (Delille, 2007, 155). Comme l’avait déjà perçu Jean-Louis Flandrin, les écrits du for privé, comme les livres de famille, les diaires, les Mémoires, les journaux, les autobiographies, ou les correspondances, forment ici un ensemble documentaire fondamental (Flandrin, 1976). Ils montrent une réelle profondeur généalogique de la plupart des scripteurs, y compris chez ceux qui appartiennent aux groupes moyens ou inférieurs de la société, mais qui, la plupart du temps, ne remonte pas au-delà de trois générations au-dessus d’eux. Jon Mathieu a ainsi travaillé sur la chronique d’un habitant des Grisons en montrant la manière dont la conscience de la parenté s’affaiblissait au fur et à mesure où l’on s’éloigne d’ego [7]. La plupart des études sur la transmission mémorielle au sein des familles de l’époque moderne confirment qu’elle dépasse rarement les trois générations comme le note, dans son étude sur la Haute-Provence, Alain Collomp : «On est d’ailleurs autorisé à se demander si certaines parentés, notamment par les femmes, au 4e degré, ce qui fait cinq générations pour remonter à l’ancêtre commun, n’échappent pas aux intéressés eux-mêmes » (Collomp, 1977). Les autobiographies populaires du xixe siècle comme les enquêtes sociologiques plus récentes vont d’ailleurs dans le même sens (Gourdon, 2001 ; Le Wita, 1988).
13Jean-Marie Gouesse a récemment montré que les villageois du diocèse de Coutances, en Normandie, semblaient avoir, au xviie siècle, une doctrine à eux sur les empêchements au mariage, qu’ils avaient bricolée à partir d’éléments disparates issus de pratiques anciennes et de la coutume normande (Gouesse, 2008). Ils prêtaient ainsi une attention moindre à la parenté féminine qu’à la parenté masculine ; ils ne reconnaissaient pas les empêchements d’affinité ; et surtout, ils pensaient avoir le droit de s’épouser «du tiers au quart », c’est-à-dire du troisième au quatrième degré de parenté, ce qui dénote, là encore, une faible profondeur du système de parenté. Les paysans normands ont ensuite été vigoureusement initiés au respect des principes du concile de Trente par les missions religieuses et les évêques réformateurs. Guy Tassin a, également, noté qu’entre 1701 et 1793, à Havely, sur 53 mariages dont la reconstitution généalogique montre qu’ils auraient nécessité une dispense, un tiers des couples ne l’avait pas demandée (Tassin, 2007, 124). Il est vrai que, dans d’autres parties de l’Europe, comme en Italie, le contrôle pouvait être bien plus strict, et que d’autres acteurs pouvaient remonter les généalogies, en particulier les anciens du village (Merzario, 1981; Trévisi, 2003).
14Une seconde critique est que les familles étudiées par Gérard Delille sont, par nature, des familles qui se sont maintenues sur place pendant plusieurs générations et une telle stabilité a permis les échanges observés. Or, les études actuelles convergent pour mettre en avant le fort taux d’extinction biologique des familles et la réelle mobilité de ces populations en particulier en milieu urbain (Bardet, 1983, 210-217). Le nombre de familles stables sur plus de trois générations dans une même ville ou dans un même village apparaît donc réduit [8]. Quelle place le système de parenté européen, évoqué par Gérard Delille, fait-il alors à ces familles dont la mobilité empêche le bouclage des alliances ? Une troisième remarque concerne le matériel utilisé par l’historien qui s’appuie le plus souvent, sur la lecture de généalogies reconstituées soit par les intéressés, soit par les généalogistes de l’époque moderne et les érudits du xixe siècle, soit, enfin, par lui-même. Il s’agit presque toujours de généalogies incomplètes qui excluent une partie des mariages, comme ceux conclus par les individus qui n’ont pas été essentiels pour la transmission effective des biens. Gérard Delille intègre, d’ailleurs, ce fait à sa réflexion pour estimer que ces généalogies, à l’image de celles dressées par le père Anselme pour la noblesse française à partir des enquêtes des années 1660, trahissent la nature finalement patrilinéaire du système de parenté puisqu’elles ne prennent en compte que les lignées d’héritiers essentiellement en ligne paternelle. Mais il n’en demeure pas moins que l’historien décontextualise les mariages en ne les abordant que sous le seul angle du rôle de la parenté dans le choix du conjoint, figeant ainsi l’histoire des familles. Il écarte les autres logiques généralement réputées à l’œuvre dans les unions et souvent explicitées par les acteurs eux-mêmes comme, par exemple, les liens économiques qui peuvent exister entre la profession du marié et celle de son beau-père (Dolan, 1989).
15En s’éloignant des familles réelles, pour s’en tenir aux régularités observables sur les arbres généalogiques, l’historien tend également à négliger l’impact des conflits qui reconfiguraient, parfois très rapidement, l’ensemble des relations au sein d’une famille et de ses différentes branches. Il oublie, également, que bien des travaux ont montré que les circonstances précises, en particulier démographiques, de la conclusion d’un acte, par exemple la rédaction d’un testament, étaient tout aussi essentielles pour en comprendre le sens précis que les systèmes généraux dans lequel il est inscrit (Dolan, 1998 ; Ruggiu, 2009b). Enfin, il est clair que les conditions démographiques, politiques, socioéconomiques et culturelles du mariage n’ont cessé de changer tout au long de la période envisagée. Le décret Tamesti, rédigé à la fin du concile de Trente, qui a fixé la manière de célébrer une union pour qu’elle soit canoniquement valide a eu un effet majeur sur la conclusion des mariages dans tous les pays catholiques, qu’ils aient ou non intégré directement dans leur droit les décrets du concile (Bossy, 1985 ; Lombardi, 2008). Dans certaines régions, l’État s’est, lui aussi, arrogé un droit de regard sur la conclusion de certaines unions (Head-König, 1993, 456) et il a pu, ailleurs, considérablement modifier l’équilibre entre les rôles de chacune des parties prenantes dans la conclusion d’un mariage (Hanley, 1989). Quel sens peut alors avoir le bouclage au xviiie siècle d’une alliance conclue au xvie siècle ?
16Il est bien sûr périlleux de poser la question du mariage en termes de « motivations », comme s’il était possible aux historiens de sonder les reins et les cœurs, et de comprendre les « raisons » d’une union. Mais ces derniers ont appris à penser en termes d’explications multivariées, qu’il s’agisse d’une lecture du mariage anthropologique (l’union de deux familles et parentés), économique (la mise en commun des ressources ; la circulation des biens matériels) ou culturelle (l’union de deux êtres ; l’accès à la sexualité légitime ; la circulation des biens immatériels). À la suite de tous les chercheurs qui ont travaillé sur la conclusion d’unions réelles (Fillon, 1989 ; King, 1999), nous devons accepter que les Européens de l’époque moderne se mariaient « for their own reasons » (Levine, 1982), parfois après avoir recherché le consentement de toutes les parties (Ingram, 1987, 136), mais vraisemblablement pas pour répondre à un schéma de parenté fondé sur une norme de consanguinité.
17Il est donc difficile de considérer que le bouclage des alliances au-delà du quatrième degré de consanguinité constitue une caractéristique du mariage européen sur le long terme. Cela n’exclut pas que cela puisse être le fruit d’une tactique conjoncturelle, comme le note, d’ailleurs, Gérard Delille qui a évoque, lui aussi, l’idée de cycle court (p. 168). Les mariages remarquables, conclus sur une ou deux générations, sont, en ce sens, bien différents des échanges entre lignées alternées. Cela n’exclut pas non plus, comme nous le verrons, l’existence de lignées patrilinéaires, actives dans certaines circonstances, ou de parentèles bilatérales, constellations familiales plus ou moins denses, où la pratique de l’intermariage est attestée, voire recherchée. Mais il est difficile de faire de l’échange des femmes entre les lignées alternées la base d’un «modèle » de mariage européen puisque l’idée de «modèle » implique l’idée d’une répétition consciente visant à se conformer à un comportement considéré comme normatif et qu’elle suppose une diffusion sinon majoritaire au moins significative dans la population. Et, quoiqu’il en soit, l’idée d’une disparition de ce modèle dans la seconde moitié du xviiie siècle au profit de mariages plus ouverts s’accorde assez mal avec la problématique générale de Kinship in Europe.
Mariage, interdits de consanguinité et parenté spirituelle
18Car la question du mariage dans la parenté et, plus précisément, entre cousins germains d’une part, et avec le frère ou la sœur du conjoint décédé, d’autre part, est bien au cœur de la grande évolution historique brossée par les éditeurs de Kinship in Europe. Selon eux, les mariages dans les sociétés européennes avant la seconde moitié du xviiie siècle se faisaient, généralement, entre « étrangers », c’est-à-dire entre personnes non apparentées. Ils ne font donc pas intervenir la notion d’échange entre lignes alternées évoquée avec force pour l’époque moderne par Gérard Delille. À partir de la seconde moitié du xviiie siècle, ils avancent que les mariages ont de plus en plus souvent tendu à être conclus entre parents proches dans la consanguinité comme dans l’affinité.
19Le premier faisceau de preuves qu’ils avancent est que les lois prohibant le mariage entre les proches parents ont progressivement été allégées dans toute l’Europe [9]. Les interdits canoniques catholiques ont, en fait, peu varié du xiiie siècle au début du xxe siècle, lorsque a été promulgué le Codex juris canonicis. Depuis le concile de Latran IV, en 1215, il était interdit de se marier avec une personne consanguine au quatrième degré ce qui étendait la prohibition jusqu’aux arrière-petits-enfants de deux frères ou sœurs. Il était aussi interdit d’épouser une personne affine au quatrième degré, en raison de l’unita carnis, ainsi qu’une personne avec laquelle avaient été tissés des liens de parenté spirituelle (ou compérage). Les mariages entre parents du premier degré (oncle-nièce ; tante-neveu; frère ou sœur du conjoint décédé) et au deuxième degré (cousins germains ; neveu ou nièce ou cousins germains du conjoint décédé) constituaient les empêchements majeurs alors que les mariages entre parents aux troisième et quatrième degrés (seconds et troisièmes cousins) formaient les empêchements mineurs. Le pape pour les degrés les plus proches et, progressivement, les évêques pour les degrés les plus éloignés, avaient la possibilité d’accorder des dispenses qui relevaient les futurs époux des interdictions de mariage y compris du premier degré d’affinité. Bien qu’il ait débattu longuement de la question, le concile de Trente n’a pratiquement rien changé en la matière sauf pour réduire la portée des empêchements pour cause de parenté spirituelle (Alfani, 2007b). Il est vrai que les pères du concile ont appelé les clercs à être très vigilants sur ces questions et, donc, sur l’émission de ces dispenses. Les autorités ecclésiastiques ont cependant tendu à devenir au fil du temps de plus en plus laxistes sur ce point, en particulier en France (Gouesse, 1982), même si les politiques locales ont pu varier selon les époques et selon les diocèses, même proches (Lanzinger, 2008).
20Au xvie siècle, les États protestants ont pris en charge la gestion du mariage, qu’ils ne considéraient plus comme un sacrement (Bossy, 1985 ; Goody, 1986 ; Harrington, 1995; Watt dans Kertzer et Barbagli, 2001). Sur la question des empêchements, les Réformateurs penchaient pour une suppression des prohibitions liées à la parenté spirituelle et pour un allégement de celles liées à la consanguinité et à l’affinité même s’ils n’ont pas été d’accord entre eux sur ce point. Alors que Luther était partisan de s’en tenir aux seules relations mentionnées dans le Lévitique (18, 7-18), Calvin fut un peu plus restrictif et incluait tous les parents du même degré que ceux explicitement mentionnés dans le Lévitique (Ottenheimer, 1996, 68-69). Les autorités civiles, qui décidaient en ces matières, n’ont, de toute façon, pas toujours suivi leurs avis. Jon Mathieu a ainsi étudié la politique matrimoniale des cantons suisses passés à la Réforme zwinglienne. Les autorités ont décidé, en 1533, de prohiber seulement les mariages au troisième degré et en deçà, puis, malgré les vœux de leurs pasteurs, elles sont devenues de plus en plus laxistes. Au tournant des xvie et xviie siècles, elles ont donc introduit l’usage de dispenses pour les mariages entre parents du troisième degré et, au xviiie siècle, entre un parent du deuxième degré avec un parent du troisième degré. En 1766, les mariages entre parents du deuxième degré (ou premiers cousins) sont devenus éligibles pour les dispenses. Dans la Genève calviniste, les autorités ont également aboli, dès 1713, les interdictions de mariage entre premiers cousins puisque « le mariage, dans ce degré de parentage, n’est point défendu par la Loi Divine » (p.214). Il est facile de prolonger sur ce point la réflexion des éditeurs de Kinship in Europe. En Suède, par exemple, les mariages entre les premiers cousins ont été interdits jusqu’en 1680 puis ils ont été autorisés avec une dispense accordée par le conseil royal jusqu’en 1844, date à laquelle ils sont devenus libres. Les mariages entre seconds et troisièmes cousins semblent, quant à eux, n’avoir plus été interdits à partir de la Réforme (Egerbladh et Bittles, 2008, 206-207). En Angleterre, les cours ecclésiastiques ont continué, dans bien des domaines, à appliquer les règles de l’Église médiévale même après l’adoption en 1559-1563 d’une confession de foi protestante. Mais, en ce qui concerne le mariage, l’archevêque de Canterbury a promulgué, en 1560 puis en 1563, une « table of kindred and affinity » qui précisait quels étaient les trente parents qu’un homme ou une femme ne pouvait épouser (c’est-à-dire, pour nous en tenir à un seul exemple, pour un homme, sa grand-mère, sa tante, sa mère, sa sœur, sa fille, sa petite-fille, sa nièce ainsi que les parents de ces mêmes degrés de sa femme décédée). Dans les années 1660, les juges de la common law ont alors confirmé la légalité du mariage entre premiers cousins mais ont maintenu l’interdiction du mariage entre un homme et la sœur de sa femme décédée (Trumbach, 1978, 18-33) [10].
21Dans le monde catholique, les tensions entre les autorités civiles et ecclésiastiques ont également été vives. Mais elles n’ont pas porté prioritairement sur la question des empêchements canoniques au mariage car elles ont surtout concerné le contrôle des parents sur le mariage des enfants mineurs qui était au cœur des réflexions des théologiens, des légistes, des auteurs et, sans doute, aussi de bien des parents et de bien des enfants. Précédant le concile, la monarchie française a rendu indispensable le consentement des parents au mariage de leurs enfants mineurs par l’édit de février 1556 ainsi que par l’ordonnance de Blois de 1579 (Hanley, 1989). L’encadrement des mariages par les parents a encore été renforcé par la suite et la France n’a pas reconnu sur ce point le concile de Trente, qui, s’il insistait lui aussi sur la nécessité du consentement parental, continuait à considérer comme valides les unions conclues sans leur accord. Dans les autres pays catholiques, le tournant a été pris à la fin du xviiie siècle, en Italie, à Modène et à Naples, en 1771, en Savoie-Piémont, en 1782 ou en Lombardie, en 1784, au Portugal, en 1775 (Lombardi, 2008, 142-153) ou, encore, en Espagne, par la Pragmática sanción de matrimonios promulguée, en 1776, par Charles III et étendue, en 1778, à l’empire espagnol (Saether, 2003 ; Ghirardi et Irigoyen, 2009).
22À la même époque, les lois civiles ont tendu de plus en plus à alléger les anciennes prohibitions. En Autriche, la loi sur le mariage de 1783 n’a plus interdit que les mariages dans la ligne directe et, en ligne collatérale, que les mariages aux premier et deuxième degrés de parenté et d’alliance (Saurer, 1998). En France, l’œuvre laïcisatrice de la Révolution a entraîné une disparition de la notion de parenté spirituelle et une redéfinition des interdits matrimoniaux liés à la consanguinité et à l’affinité, d’abord par la loi du 20 septembre 1792 puis par le Code civil de 1804 qui a été un peu plus restrictif. Le nombre de mariages entre parents qu’il interdisait était néanmoins bien plus faible que sous l’Ancien Régime. En ligne directe, les pères et les mères (et les beaux-parents) ne pouvaient épouser leurs enfants et petits-enfants ; en ligne collatérale, les unions entre les frères et sœurs ainsi qu’entre l’oncle et la nièce ou la tante et le neveu consanguins étaient interdits ; enfin, dans l’affinité, il n’était toujours pas possible d’épouser son beau-frère ou sa belle-sœur (Gouesse, 1986). Tous les autres mariages, en particulier entre cousins devenaient alors licites. La papauté elle-même semble avoir évolué sur ces questions comme le montre, sous le pontificat de Pie VI, la nette augmentation du nombre de dispenses accordées à un conjoint pour épouser le frère ou la sœur de son conjoint décédé, même si les valeurs absolues restent très faibles (Gouesse, 1982).
23La place manque ici pour explorer plus avant les interdits de parenté en Europe et leurs évolutions de l’époque médiévale à nos jours et il est dommage qu’il n’y ait pas encore eu de synthèse à ce sujet.Mais l’étude des différentes législations semble aller dans le sens indiqué par les éditeurs de Kinship in Europe. La question est alors de mesurer correctement l’ampleur et l’évolution des mariages entre parents dont ces derniers affirment qu’ils augmentent nettement à partir de la première moitié du xviiie siècle. La démonstration en a été apportée pour Neckarhausen par David Sabean à partir d’une reconstitution intégrale des familles de ce village du Württemberg sur plusieurs générations (Sabean, 1998, 430). Il a également réuni un dossier de données démographiques concordantes qui portent essentiellement sur la fin du xixe siècle et le xxe siècle (Sabean, 1998, 428-448). Mais la voie la plus fréquente pour travailler sur cette question est l’étude des dispenses de mariage [11]. Jon Mathieu est ainsi parti des dispenses consenties dans une série de localités catholiques des Grisons, de Soleure (Solothurn), de Schwyz, du Tessin, d’Uri et du Valais entre le début du xviie et la fin du xixe siècle. Il note une nette augmentation du nombre de dispenses au cours de la période accompagné d’une augmentation du nombre de mariages entre parents proches, y compris les premiers cousins. Pour ne donner qu’un exemple, à Simplon-Dorf, dans le Valais, le nombre de dispenses demandées est de zéro dans la première moitié du xviie siècle ; il est de 36 pour la seconde moitié du xviiie siècle dont 4 entre parents proches et de 45 dans la seconde moitié du xixe siècle dont 14 entre parents proches [12].
24Dans son étude pionnière sur la question, Jean-Marie Gouesse avait pris une autre perspective en travaillant non à l’échelle d’un village ou d’une paroisse mais à celle des États à partir des dispenses accordées par la Curie romaine au xviiie siècle (Gouesse, 1986). Il a montré que l’endogamie familiale proche était marginale au xviiie siècle en France (prise dans ses limites de 1861) : 1,5‰ des mariages en 1753 ; de l’ordre de 2‰ vers 1766-1768; 3,1‰en 1787, soit un doublement qui est, en lui-même, remarquable. Au xixe siècle, les mariages entre proches parents semblent s’être multipliés et l’auteur utilise, pour les décrire, les images de la «boule de neige » ou du « fleuve en crue ». Décalant son observation sur les sources administratives de l’État, il estime que le taux de proche endogamie est passé à 17‰dans les années 1866-1868. L’augmentation est particulièrement sensible en ce qui concerne les remariages entre un veuf et sa belle-sœur, c’est-à-dire la sœur de son épouse défunte qui était une union affine proscrite par l’Église, autorisée sous la Révolution, à nouveau défendue par le Code civil, mais pour laquelle la chancellerie royale fut autorisée à délivrer des dispenses à partir de 1832. Entre 1200 et 1300 couples bénéficièrent de ces dispenses dans les années 1880, ce qui signifie que sur cent remariages, il y avait alors environ 3 remariages entre un beau-frère et une belle-sœur.
25Bien d’autres travaux attestent une augmentation du nombre de mariages entre parents proches à la fin de la période moderne et au xixe siècle. L’étude de cinq villages de la Valserine montre que le nombre des unions qui ont réclamé une dispense de consanguinité est de 7,3% entre 1750 et 1799, qu’il atteint un maximum de 9,5% entre 1800 et 1850 et qu’il redescend à 7,7% entre 1850 et 1899 (Bideau et al., 1994). Les auteurs notent, d’une part, que les valeurs sont plus élevées dans les villages de la haute vallée et que dans les villages plus faciles d’accès et, d’autre part, qu’il s’agit là d’un niveau relativement modéré par rapport à d’autres villages des hautes vallées savoyardes, ce qu’ils expliquent par un enregistrement minimal des dispenses. Si l’ordre de grandeur n’est donc pas tout à fait exact, le mouvement d’augmentation dans la première moitié du xixe siècle peut être, en revanche, considéré comme valide.
26Mais certaines études vont dans un sens différent. À Castell de Guadelest, une paroisse d’une zone montagneuse du royaume de Valence, le nombre de demandes de dispenses de consanguinité a augmenté fortement dans le dernier tiers du xviie siècle pour atteindre un palier élevé, entre 40% et 50%, des années 1700 et aux années 1750 (Pla Alberola, 1987). Il connaît ensuite un net reflux dans la seconde moitié du xviiie siècle pour se stabiliser aux alentours de 15% dans les années 1790 et 1800. L’auteur explique l’augmentation sensible à partir des années 1660 par la stabilisation de la population arrivée au début du xviie siècle pour prendre la place des Morisques et il lie le reflux à l’augmentation de la population à la fin du xviiie siècle qui élargit le marché matrimonial. Il nous rappelle ainsi le poids des contraintes démographiques conjoncturelles sur les comportements que nous étudions. Mais il constate qu’il n’est pas possible d’expliquer le resserrement matrimonial de la période médiane par l’isolement du village puisqu’il existait d’autres agglomérations importantes à proximité. Il avance plutôt le rôle des stratégies patrimoniales ce qu’il corrobore par le fort taux de mariages doubles, croisés ou parallèles, qui représentent plus de 20% des unions à cette période.
27La plupart de ces monographies, et c’est une de leurs limites, concernent des villages relativement isolés. Lorsque des zones plus étendues ont été étudiées, comme c’est le cas pour le diocèse de Côme, il apparaît que les zones reculées, les « angoli morti », restent les plus grandes demandeuses de dispenses : 56,6% des 963 dispenses accordées entre 1561 et 1655 viennent des vallées et 1,7% seulement de la ville de Côme (Merzario, 1981). Abel Poitrineau, à partir de sondages fait dans 4 600 dossiers de dispenses pour le diocèse de Clermont à la fin du xviie siècle et au xviiie siècle a, lui aussi, remarqué que c’étaient les communautés de parsonniers des montagnes bour-bonnaises et thiernoises ou les métayers du nord de la Limagne qui avaient tendance à pratiquer le mariage consanguin. Les chiffres qu’il donne pour la période 1750-1790 s’échelonnent entre 7,3% des mariages à Chaptuzat et 19,1% à Saint-Rémy (Poitrineau, 1980). Le problème est ici que ces « angles morts » avaient un comportement démographique spécifique, souvent marqué par une forte migration, qui laissait sur place une partie seulement de la population en âge de se marier, composée de gens particulièrement stables et donc, peut-être, plus susceptibles que les migrants d’être pris dans des unions consanguines. Dans cette série d’exemples, le diocèse de Paris est ici une exception puisque sur les 4 611 dossiers présentés devant l’officialité entre 1729 et 1790, une légère majorité vient de la ville (Burguière, 1997). Dans le contexte d’une population importante et particulièrement mobile, le phénomène représente moins de 1% des mariages. Finalement, les résultats de J.-M. Gouesse, 1,7% au milieu du xixe siècle, n’étaient guère éloignés et ils demeurent faibles pour un phénomène présenté comme structurant pour les populations européennes et qui, de surcroît, ne peuvent être rapportés à l’ensemble des couches sociales. L’âge tardif au mariage des femmes ou encore la néolocalité, dont John Hajnal avait fait les piliers d’un premier modèle familial européen, étaient bien plus répandus.
28Les données observées à partir des dispenses restent donc fragiles d’autant plus que les politiques des institutions dans ces domaines variaient considérablement selon les lieux et les époques (Gouesse, 1986 ; Trévisi, 2008, 489). La hausse observée résulte-t-elle d’un comportement différent des populations ou d’une plus grande efficacité du contrôle social ? Il faudrait corroborer ces résultats en utilisant les grandes bases de données qui reconstituent les familles pour un vaste espace et non plus seulement pour une communauté réduite ou isolée. Or, ces bases de données sont relativement rares et, souvent, elles n’ont pas été construites pour permettre une telle analyse. Nous disposons cependant de chiffres pour une région située autour de la ville de Skelleftea, dans le Västerbotten, au nord de la Suède entre 1720 et 1899 (Egerbladh et Bittles, 2008). La progression des mariages au sein de la parenté y est réelle puisque les mariages entre les premiers, deuxièmes et troisièmes cousins passent de 2,34% des 979 mariages recensés entre 1780 et 1799 à 7,19% des 1655 mariages contractés entre 1820 et 1839 et à 8,75% des unions conclues entre 1880 et 1899. Les chiffres pour les seuls mariages entre premiers cousins, dont le régime a changé au cours de la période, comme nous l’avons vu, sont respectivement de 0,5%, 1,45% et 2,9%. Nous retrouvons donc ici la nette augmentation des mariages entre cousins repérée à partir des dispenses et, peut-être, aussi le palier représenté par le premier xixe siècle, qui a été déjà observé et qui semble un point à explorer davantage (Segalen, 1985, 127). Mais la recherche doit être approfondie avant de conclure d’une manière définitive d’autant plus qu’il ne faut pas oublier que les transformations législatives que nous avons évoquées sont loin d’avoir été indolores. Elles ont, au contraire, suscité des débats acharnés dans les cénacles politiques et dans le public, comme, par exemple, en Angleterre où est apparue une véritable anxiété sociale autour de l’inceste, sensible dans les débats autour des lois sur le mariage en 1835 ou encore en 1907 (Anderson, 1986 ; Ottenheimer, 1996).
29La vérification des hypothèses avancées par les éditeurs scientifiques de Kinship in Europe, peut aussi passer par l’utilisation d’autres indicateurs et nous aimerions à présent explorer, malheureusement sans pouvoir s’y arrêter longuement, quelques-unes des voies possibles. Un des indicateurs qui intéressent le plus actuellement la communauté scientifique est le choix d’un parrain ou d’une marraine (Alfani, 2007b). La parenté spirituelle n’est pas réellement un lien social faible dans les sociétés occidentales même si elle n’est clairement pas un lien aussi fort que la parenté proche consanguine ou affine. Le fait d’être parrain ou marraine suppose, d’abord, une présence très symbolique de la ou des personnes choisies à un moment décisif de la vie d’un chrétien, celui de son entrée dans la communauté des croyants et du don de la promesse de salut portée par la religion chrétienne. Le rite est spirituellement puissant et l’engagement pris par le parrain et la marraine ne peut être réduit à sa dimension conjoncturelle car il entraîne, au moins en principe, leur implication dans la vie de leur filleul. Selon Guido Alfani, la principale rupture est survenue dans ce domaine au cours du xvie siècle, lorsque les Réformateurs, même s’ils ont maintenu cette institution, l’ont privée de toute dimension spirituelle, et surtout lorsque le concile de Trente a réduit le nombre des parrains et des marraines à un de chaque sexe. Il estime que les familles catholiques auraient alors cherché à choisir préférentiellement un parrain parmi leurs supérieurs sociaux dans une logique sociale verticale et les données qu’il a recueillies à Ivréa, en Italie du Nord, montrent, en effet, une absence presque complète de parents parmi les parrains et les marraines à la fin du xvie siècle. Guido Alfani estime qu’au xixe siècle, cette logique verticale aurait été progressivement remplacée par une logique plus horizontale qui aurait amené les géniteurs à se tourner vers des membres de leur famille. Cristina Munno a ainsi démontré, à propos de Follina, un bourg industriel de Vénétie, étudié dans les décennies médianes du xixe siècle, que « plus une famille est choisie par les autres, donc dispose d’un certain prestige au sein de la communauté villageoise, plus elle tend à choisir un parrain dans le cercle des parents » (Munno, 2005). Dans d’autres régions, cependant, le choix familial est bien plus précoce. Ainsi, dès le xviiie siècle, les familles stables de Bouaffles, un village de la région de Vernon-sur-Seine, recourait presque systématiquement aux parents. Exactement 70% des enfants baptisés entre 1720 et 1792 à Bouafles, et qui descendaient de parents nés d’un couple uni dans la région de Vernon-sur-Seine, avait un parent pour parrain ou marraine et la possibilité d’un recours à un étranger augmentait sensiblement selon le rang de naissance (Bardet, 2009). Travaillant sur Paris au xixe siècle, à partir de quatre paroisses représentant des espaces sociaux différents, Vincent Gourdon a montré que les parents proches représentaient au minimum entre un quart et un tiers des témoins au baptême et qu’il y a eu une certaine hausse des choix intrafamiliaux dans la seconde moitié du xixe siècle (Gourdon, 2008b). Les travaux en cours, en particulier menés dans le cadre du réseau Patrinus [13], permettront de compléter à l’échelle européenne des données encore éparses (voir également Munno, 2010).
30La relation qui unit les mariés aux témoins à leur mariage, dont la présence a été progressivement rendue obligatoire par les Églises et les États, est, bien, en revanche, un lien faible car il s’agit d’une présence ponctuelle qui témoigne d’une relation intense mais dont les effets dans le temps sont réduits. Dans les pays catholiques, il convient de distinguer la cérémonie religieuse des cérémonies civiles qui les ont accompagnées ou les ont remplacées au cours du xixe siècle. Là encore, les éléments que nous pouvons réunir accréditent l’idée d’une intensification de la dimension familiale de l’événement social qu’est un mariage, au sens de wedding sans, cependant, qu’une interprétation définitive puisse encore être avancée. Une étude sur la Flandre a ainsi montré que le nombre des témoins, qui devaient être au nombre de quatre par union, liés familialement à l’un ou l’autre des conjoints a augmenté au cours du xixe siècle (Matthij, 2003). Cette augmentation a affecté aussi bien le groom ’s side que le bride ’s side. Au milieu du xixe siècle, un ou deux témoins seulement étaient apparentés à l’un ou l’autre des conjoints alors qu’à la fin du xixe siècle, trois voire les quatre témoins étaient dans ce cas [14]. Au début du xxe siècle, les quatre témoins étaient presque systématiquement choisis parmi les membres de la famille des mariés. L’auteur interprète cette évolution comme un signe de privatisation du mariage mais nous pouvons le resituer dans le cadre de la « parentisation » des relations domestiques qui est au cœur de Kinship in Europe.
31D’autres études vont dans le même sens, sur La Haye par exemple, où la proportion de mariages civils sans parents parmi les témoins est passée de 43,7% entre 1858 et 1869 à 26,1% entre 1890 et 1902 (Van Poppel et Schoonheim, 2005, 182). Mais, là encore, certaines données du xviiie siècle montrent que les choses sont plus complexes qu’une simple évolution chronologique. À La Roche Guyon, dans le Bassin parisien, les personnes identifiées comme des amis du couple ne représentaient que 16,64% (175 sur 871) des témoins mentionnés dans les actes de mariage passés entre 1727 et 1768 (Trévisi, 2008, 183-184). Si on leur ajoute les indéterminés, qui ne devaient pas être, pour la plupart d’entre eux, des parents, la proportion ne monte qu’à 25,25% (220 sur 871) ce qui signifie qu’à peu près 75% des témoins du mariage à l’église étaient des parents. À Amiens, en Picardie, entre 1776 et 1783, les parents formaient également 92,1% des témoins à la signature des contrats de mariage passés chez le notaire et qui constituaient un acte civil réglant les relations économiques entre les époux (Trévisi, 2008, 195).
32Le problème ici est que les cérémonies et les actions liées au mariage ou au baptême pouvaient avoir des sens culturels différents selon les circonstances et selon les individus qui étaient, en effet, pris dans des déterminations sociales et religieuses variées et parfois contradictoires. Vincent Gourdon l’a clairement démontré pour le témoignage au mariage civil au xixe siècle (Gourdon, 2008a) ainsi que pour le parrainage à Paris à la même époque (Gourdon, 2008b). Il a alors appelé à bien tenir compte du rapport propre que les individus, selon leur religion, selon leurs classes sociales et selon leur culture, pouvaient avoir avec le rite étudié. Nous retrouvons ici la question posée à propos de la hausse des dispenses : mesurons-nous bien une intensification des relations familiales ou simplement un changement de la valeur attribuée à une action ou à un rite, et qui amènerait par nécessité ou par défaut à choisir des parents ? En d’autres termes, la transformation porte-t-elle sur le rite ou l’action ou bien sur la famille ? Il n’est naturellement pas possible d’écarter tous les éléments qui évoquent bien au xixe une « familialisation » des relations sociales mais il convient néanmoins d’être prudent. Par ailleurs, Vincent Gourdon a attiré, dans ses articles, l’attention sur l’existence au xixe siècle d’un « entre-deux » parisien et, de manière générale, d’un « entre-deux » urbain, qui est valable aussi bien pour le choix des parrains et des marraines que pour celui des témoins au mariage religieux ou civil. C’est vrai également au xviiie siècle car Marion Trévisi a montré que les témoins familiaux au contrat de mariage étaient beaucoup moins nombreux à Paris qu’ailleurs : 63,5% en 1725, 48,6% en 1749-1750 et 54,8% en 1775 (Trévisi, 2008, 188). Dans les grandes villes, les tendances sont donc plus difficiles à identifier et surtout à expliquer d’une manière univoque, ce qui ramène à un des problèmes que posent la plupart des analyses évoquées. Elles concernent, en effet, pour l’essentiel les campagnes, ce qui est parfaitement recevable puisqu’elles abritent la grande majorité de la population de l’Europe à l’époque moderne et encore une partie importante au xixe siècle. Mais les villes, où réside une partie croissante de la population, sont traversées par de puissants courants à la fois d’immigration et d’émigration qui limitent l’enracinement sur place des familles, surtout dans les milieux populaires, et donc les possibilités de disposer sur place de parents proches, avec lesquels redoubler les alliances ou auxquels faire appel pour lors des cérémonies de mariage ou de baptêmes. Nous sommes renvoyés ici, encore une fois, aux logiques migratoires et donc démographiques, qui ne doivent jamais être oubliées.
Parenté et stabilisation sociale
33Une des grandes forces de Kinship in Europe est qu’il inverse la perspective de la plupart des recherches entreprises depuis une quarantaine d’années en histoire sociale. Ses éditeurs partent, en effet, de la famille et de la parenté et cherchent à inscrire en son sein la plupart des évolutions de l’Europe du Moyen Âge au xixe siècle alors qu’ordinairement les chercheurs s’intéressaient à un autre objet, comme les transformations des campagnes, le développement des villes ou l’essor de l’économie de marché, qu’il finissaient par inscrire dans le cadre familial mais souvent de manière allusive ou insuffisamment développée. Les analyses de David Sabean et de ses co-auteurs rejoignent particulièrement celles menées par deux autres groupes de chercheurs : les spécialistes des pouvoirs municipaux à l’époque médiévale et moderne et les spécialistes d’histoire des entreprises ou des sociétés du xixe siècle. Ces chercheurs ne s’intéressaient pas, à l’origine, à l’histoire de la famille, mais ils s’attachaient à étudier les manifestations et le devenir d’un capital, politique, dans le premier cas, sous la forme, le plus souvent, d’une place dans les différents conseils municipaux d’une ville ; économique, dans le second cas, sous la forme d’une participation à une société marchande, industrielle et/ou à une banque. Ils ont alors toujours noté que les individus qui participaient à ces différentes formes de capital étaient inscrits dans des familles qui, le plus souvent, étaient liées par le mariage et, parfois, d’une manière relativement étroite. La contribution de Bernard Derouet à Kinship in Europe (p.105-124), sur les structures politiques des bourgs du sud de la France sous l’Ancien Régime, cherche d’ailleurs à approfondir ce lien.
34Dans son travail sur les familles de patrons du textile lillois à la fin du xviiie siècle et au xixe siècle, Jean-Pierre Hirsch avait déjà montré que le mariage consanguin était le moyen qu’elles avaient choisi pour « conserver et condenser le patrimoine ». Dans un passage intitulé «Bonjour ma cousine », il emploie une image saisissante pour décrire les familles qu’il étudie : « À tel point que, pour l’observateur étranger ou pour l’historien, ces quelques villes [Lille, Roubaix, Tourcoing] évoquent un peu les îles coupées du monde où le navigateur découvre d’hallucinantes consanguinités, Pitcairn peuplée des seules amours des révoltés de la Bounty » (Hirsch, 1991, 303). Il se contente, cependant, d’illustrer les formes de redoublement d’alliances, par exemple le mariage de cousins germains ou celui de deux frères avec deux sœurs, sans les rapporter à la masse des mariages passés dans le groupe qu’il étudie. Mais il prolonge ses observations sur les unions entre parents proches par une réflexion sur le contrat de société dont il fait l’arme de ceux qui ne pouvaient pas s’unir par le contrat de mariage, c’est-à-dire les pères et les mères à leurs fils ou à leur filles, les beaux-frères et les belles-sœurs entre eux ainsi que les frères et les sœurs (Hirsch, 1991, 313). En 1866, sur 163 contrats de société retrouvés, pas moins de 53 faisaient apparaître une parenté entre tout ou partie des associés. Le contrat prolongeait donc, en partie au moins, la parenté.
35Étudiant les banquiers londoniens dans la seconde moitié du xixe siècle, Youssef Cassis a, lui aussi, consacré un chapitre à l’inscription des relations d’affaires dans les réseaux de parenté. Il a noté la force de l’intermariage dans la constitution des merchant banks et des banques privées, en particulier lors de la fusion de 1896, qui a amalgamé une vingtaine d’établissements financiers au sein de la banque Barclay. Il démontre qu’elle a été préparée par des mariages entre les Barclay et les quatre autres grandes familles intéressées par la fusion : les Gurney, les Backhouse, les Birkbeck et les Buxton. Il a également noté que « le nombre de frères, cousins ou amis qui ont épousé deux sœurs est étonnant » (Cassis, 1984, 251, 264). Les éléments rassemblés ici, et d’autres [15], vont donc dans le sens des éditeurs de Kinship in Europe.Mais sont-ils nouveaux ?
36Dans le milieu des fermiers-laboureurs de l’Île-de-France, où les familles se transmettaient de génération en génération les lucratifs baux des vastes domaines céréaliers possédés par les grandes maisons religieuses parisiennes, les mariages consanguins étaient, en effet, une caractéristique ancienne. En 1650-1699, sur 148 mariages recensés, 18 soit 12,2% concernent des parents proches (de 2-2 à 4-4) et la proportion augmente finalement peu par la suite puisqu’elle passe à 13,9% de 1700 à 1749 (24 sur 173) (Moriceau, 1994, 714). Les familles qui occupaient le sommet de la hiérarchie paysanne, et qui étaient même en voie d’anoblissement au xviiie siècle, pratiquaient de façon courante le mariage entre cousins germains, depuis 1649, par exemple, pour la famille Navarre. Tous les hommes de cette famille ont, ensuite, épousé une cousine et les femmes ne sont plus sorties du lignage à partir de 1696. Au mariage de Jean-Louis Navarre avec sa cousine germaine en 1726, le bref pontifical a donc dû les relever de cinq empêchements de parenté simultanés.Mais ce comportement n’est pas propre aux xviie et xviiie siècles car J.-M. Moriceau, en l’absence de registres paroissiaux fiables pour le xvie siècle, a néanmoins pu observer la fréquence des mariages remarquables à cette période : sur 403 mariages de fermiers observés entre 1480 et 1579, 72, soit 18%, font apparaître un renchaînement d’alliance. Et la proportion augmente sur la fin de la période, puisque pour les seuls 216 mariages conclus entre 1550 et 1579, elle est de 22% (Moriceau, 1994, 159-160).
37Une telle constatation n’invalide bien sûr pas les propositions faites par les éditeurs de Kinship in Europe. Elle indique juste que les comportements qu’ils ont observés au xixe siècle pouvaient se produire au xvie siècle dans un milieu aisé et articulé autour du capital socioéconomique que représentait le bail d’une vaste ferme. Et la prégnance de ces mariages « remarquables » est également attestée pour un groupe situé un peu plus bas dans l’échelle sociale, les paysans et les artisans des campagnes au nord de Paris, et à une période très différente, le xviie siècle, marquée par une crise économique latente et un ralentissement progressif de la mobilité sociale. Jérôme Viret a, en effet, attiré l’attention sur l’existence dans le village d’Écouen de « bassins d’alliances » c’est-à-dire de familles, qui partagent généralement une même activité économique, comme, par exemple, les vignerons et les marchands de fruits, les laboureurs moyens ou encore les artisans qualifiés, qui tendent à s’unir préférentiellement entre elles – sans cependant que la consanguinité soit exactement mesurée (Viret, 2004, 334-348). Entre 40% et 45 % des enfants issus de couples appartenant à un de ces bassins se marient à l’intérieur du bassin alors qu’une distribution aléatoire devrait donner un pourcentage allant de 17% à 30%. L’auteur va plus loin en observant l’apparition de ce qu’il appelle les «pools familiaux » c’est-à-dire de « coalition » formées « par le moyen de mariages redoublés entre quelques familles » qui ont un caractère professionnel très marqué et qui par ailleurs, ce qui est assez naturel, suivent les lignes de fractures religieuses du village. Il décrit ainsi un de ces pools, qui sont d’ailleurs de courte durée : il est constitué autour de six chefs de famille dont tous les enfants épousent, à peu d’intervalle, entre 1653 et 1665, un enfant d’un chef de famille du pool.
38Nous pourrions poursuivre les observations de ce type en particulier en nous tournant vers les historiens des pouvoirs municipaux [16] [17]. Il en ressortirait, nous semble-t-il, que le mariage entre parents proches apparaît, à des périodes très différentes, comme une solution pragmatique que les familles stables ont tendance à adopter en particulier, mais pas seulement, pour éviter le morcellement du patrimoine familial. Nous préférons, d’ailleurs, parler de familles « stabilisées » car le phénomène peut durer peu de temps, comme pour les pools d’Écouen ou de Villiers-le-Bel, ou, au contraire, s’étendre sur plusieurs générations, comme pour les familles étudiées par Gérard Delille. Cette solution prend les formes que la configuration démographique de la famille autorise au moment où l’union est souhaitable. Cela explique d’ailleurs pourquoi un bon nombre d’unions remarquables sont, en fait, souvent liés à des remariages, celui d’un veuf ou d’une veuve à un proche parent du conjoint décédé. Cela explique aussi que le remariage d’un veuf et d’une veuve s’accompagne parfois de l’union de leurs enfants respectifs [18]. Il serait d’ailleurs vraisemblablement nécessaire, dans ce type d’études, de mieux distinguer les premiers mariages des remariages qui ressortissent à des configurations et à des tactiques relativement différentes.
39Les comportements mis en avant dans Kinship in Europe ne sont donc peut-être pas autant le résultat d’une évolution temporelle que celui d’une sélection sociale: ils concernent essentiellement les élites, rejoints peut-être, au cours du xixe siècle, par les classes moyennes en voie de structuration. Mais les xvie, xviie et xviiie siècles paraissent avoir été aussi bien des « kinship-hot societies », en employant alors le terme de « société » au sens de l’époque moderne de petits regroupements d’individus et de familles faisant société ensemble et se fréquentant ordinairement. Ces petites « sociétés » de familles stabilisées étaient déjà largement constituées autour de la parenté et de biens autour desquels elles s’organisaient, au premier rang desquels venaient les seigneuries, les charges, les offices, pour les familles les plus importantes (Chatelain, 2008; Haddad, 2009) ou encore le capital économique, les terres ou l’outil de production, voire, peut-être, les savoirs techniques pour les familles de la marchandise ou de l’artisanat. Le grand intérêt de Kinship in Europe est de nous amener à réfléchir à la manière dont la stabilisation s’accompagnait d’une familialisation des relations sociales alors que les lois sur l’héritage, dans certains cas, et, surtout, le contexte culturel dans lequel se concluaient les unions, subissaient une transformation rapide. L’étude de la parenté dans les sociétés qui se développent dans les colonies européennes aussi bien en Amérique, qu’en Asie ou en Afrique, à partir du xvie siècle a, sans doute, beaucoup à nous apporter.
Les anamorphoses de la parenté
40Kinship in Europe fait donc à la communauté scientifique une série de propositions fortes qu’elle doit impérativement prendre en compte. Nous voudrions, dans le dernier temps de notre analyse, esquisser des pistes par lesquelles nous pourrions prolonger ces réflexions. Un des grands acquis de ce volume est, d’abord, qu’il affirme courageusement que la parenté est un objet d’étude qui doit être saisi à l’échelle européenne (avec, éventuellement, ses extensions coloniales qui ne sont pas envisagées ici) et non pas seulement à l’échelle « nationale », si tant est qu’elle ait un sens pour les périodes auxquelles nous nous situons, ou même local qui est, en fait, le cadre d’analyse le plus souvent retenue. L’Europe qui est ici étudiée est, de fait, une Europe lotharingienne, en quelque sorte, essentiellement composée des principautés allemandes, des cantons suisses, ainsi que des États italiens. Et encore cet espace connaît-il des situations qui pouvaient être très diverses et ne pas entrer dans le modèle de la « kinship-hot society » (Lanzinger, 2008, 308). La France apparaît mais seulement sous la forme d’exemples ponctuels alors qu’elle connaissait une très grande variété des situations que n’ont pas forcément éliminé la Révolution et le Code civil (Bruguière, 1993). Les populations vivant dans les Espagnes (castillane, catalane, valencienne, galicienne…), au Portugal, dans les différents royaumes des îles Britanniques, ou encore dans les royaumes du Nord, n’apparaissent pas ou peu. Or, il s’agit de populations placées sous des systèmes politiques bien différents de ceux du Saint-Empire romain germanique, de l’espace suisse ou de la péninsule italienne, et le lien fondamental entre l’organisation de la famille et l’État a été souligné à de nombreuses reprises. Il s’agit également de zones où l’évolution des systèmes économiques a été différente de celui de l’Europe médiane et il conviendrait donc d’étendre les analyses faites ici à ces autres Europes. Nous ne devons pas sous-estimer, cependant, les effets d’une certaine «uniformisation» de l’Europe à partir de la fin du xviiie siècle, dont celle qu’a connue la France du Code civil (avec, cependant, des adaptations qui ont permis dans certaines régions la survivance d’anciennes pratiques) est une forme réduite. Elle est passée par la diffusion du modèle politique de l’État nation aux dépens de tous les autres (en particulier de la monarchie composite) ainsi que de la révolution industrielle et des nouvelles formes de capital qu’elle véhicule ; et par l’homogénéisation des comportements élitaires en raison de la circulation des individus et de l’information. Mais la prépondérance croissante des lois civiles sur la loi des Églises en matière matrimoniale est un élément qui va dans le sens opposé.
41En second lieu, les éditeurs de l’ouvrage contredisent de façon convaincante l’idée prégnante des années 1960 et 1970 selon laquelle les transformations économiques et sociales de l’époque moderne avaient considérablement érodé les liens que pouvait maintenir un individu avec les membres de sa famille et de sa parenté, en particulier, avec les cousins éloignés, ou même avec les cousins proches. Comme nous l’avons rappelé, les historiens de cette période situaient cette évolution dans le cadre de l’essor de l’individualisme qui aurait caractérisé la société postérieure à la Réformation et qui aurait vu le déclin des solidarités familiales au profit d’attitudes plus égocentrées. Les auteurs anglophones, en particulier, y voyaient la racine de l’individualisme anglais et la matrice d’un processus de transfert, d’ailleurs incomplet comme le montrent toutes les études notamment en temps de crise, d’un certain nombre de responsabilités, en particulier de protection, assumées par la famille à l’État, qui caractérise nos sociétés modernes (Macfarlane, 1970; Stone, 1977). En ce sens, Kinship in Europe couronne brillamment un long et indispensable travail de remise en cause de cette interprétation et devrait déboucher sur la réconciliation, dans l’historiographie, de l’individu et de la famille.
42Cependant, les distinctions faites entre les degrés et les lignées de parenté qui séparent ego de ses père et mère, de ses collatéraux immédiats et de ses différents types de cousins (premiers, seconds ou troisièmes ; paternels ou maternels ; parallèles ou croisés), dont l’observation des interventions différentielles dans la vie d’ego est l’essence même de l’anthropologie de la parenté, doivent être davantage interrogées. Le redoublement et l’enchevêtrement des parentés qui caractérisent certains des individus évoqués dans Kinship in Europe, ne conduisent-il pas à une abolition, ou au moins à une perte de signification, des distances parentales ? Que sont donc dans l’ordre de la parenté ces cousins germains qui étaient aussi des beaux-frères ? Au sein d’une famille, un cousin éloigné pouvait parfaitement être appelé «mon oncle » simplement parce qu’il en remplissait les « fonctions ». En 1886, l’abbé Hippolyte Delor, membre d’une grande famille bourgeoise de Limoges, et auteur d’un volumineux diaire, désigne ainsi, dans son testament, Adrien Delor, qui est le fils de son cousin germain paternel, sous la jolie expression de « second neveu ». En retour, Adrien, dans son propre livre de raison, le désigne comme son « oncle », parce que son père et lui étaient liés par « une amitié fraternelle qui remontait aux premières années de leur enfance », et parce que Hippolyte jouait un rôle fondamental dans l’illustration sociale de la famille [18]. De même, une tante « à la mode de Bretagne » recevait, avec cette appellation dont c’était bien le sens, le statut d’une parente proche.
43Les correspondances ou les écrits du for privé abondent de ces exemples de reconfiguration conjoncturelle de la parenté où les degrés se distordent sous l’effet de l’affection et de l’intérêt mélangés et elles existaient aussi bien au xixe siècle qu’aux périodes antérieures. Dans son étude sur la famille Miron aux xvie et xviie siècles, Claire Chatelain évoque le mariage de Philippe Hurault de Cheverny, facilité par une parente, Marguerite Poncher « laquelle était ma cousine germaine, et de plus par dispense, ma belle-sœur […] dont j’ai reçu dès mon enfance toutes les marques d’amitié […] non seulement que j’eusse pu espérer d’une très bonne sœur et cousine, mais d’une parfaite amitié de propre mère, si j’eusse pu en avoir deux » (Chatelain, 2008, 258). Un siècle plus tard, un gentilhomme provençal appauvri, Jean-Baptiste de Grille, décrit dans les mêmes termes sa relation avec Marie d’Estoublon: «Elle était fille du frère de mon père, et je la regardais depuis mon enfance comme une tendre sœur, et depuis la mort de mon oncle, dont j’étais particulièrement aimé, j’avais pour elle les sentiments d’un fils » (Domergue, 2010, 98). Ces cousines-sœurs-mères tendrement aimées avaient pour point commun d’être sans enfant et donc disponibles pour ces saisissantes anamorphoses de la parenté. Nous pourrions également rapprocher l’analyse que fait Simon Teuscher des formes de coopérations quotidiennes au sein de l’élite bernoise de la fin du Moyen Âge, où les individus « tended to cooperate with individuals that they picked selectively and for rather short period of time from a wide range of remote kin as well as from among other acquaintances » (p. 79), avec les observations que nous avons nous-mêmes pu faire sur les élites carolopolitaines et amiénoises dans la seconde moitié du xviiie siècle, au sein desquelles les individus tendaient à élire au sein de leur parenté des parents préférés avec lesquels ils entretenaient des liens plus intenses qu’avec les autres (Ruggiu, 2007).
44Dans cette perspective, où la parenté est importante mais où l’élection en son sein l’est tout autant, le mariage entre cousins ne serait-il donc pas désirable, surtout au xixe siècle, avant tout parce qu’il est un mariage avec un « semblable » ? Le terme de « semblable », dans lequel nous englobons les gens qui sont extérieurs à la parenté mais qui en partagent les caractéristiques, comme le fils ou le neveu d’un associé paternel, par exemple, nous semble parfois plus adéquat pour désigner cette relation qu’une inscription dans le vocabulaire de la parenté. Le mariage entre cousins, proches ou éloignés, ne serait pas alors le signe d’une permanence de la présence de la parenté dans les relations sociales mais une conséquence collatérale d’un resserrement sur le noyau familial proche voire sur un groupe d’élection fondé sur une identité de statut socio-économique et de culture. Un tel mouvement ne serait alors plus contradictoire avec le processus d’individualisation considéré longtemps comme caractéristique des xixe et xxe siècles. L’amour entre cousins est censé, par ailleurs, naître entre des êtres qui se fréquentent depuis longtemps de la même manière que l’affection au sein des couples de la première modernité devait surgir de la relation instaurée par le mariage et n’en était donc pas un préalable à la différence des mariages « romantiques ». L’union avec le cousin ou la cousine, était, dans ce sens, le fruit d’un certain conservatisme relationnel propre aux élites.
Groupes sociaux et cultures familiales
45Justement, les éléments réunis sur le mariage dans Kinship in Europe concernent essentiellement les élites voire les familles royales et princières pour lesquelles les règles de parenté ont toujours été différentes de celles des autres groupes de la société (Bély, 1999). Pour les familles situées depuis un certain temps au sommet de leur échelle sociale, les égaux épousables ou que l’on peut choisir comme parrains ou marraines pour ses enfants, sont souvent aussi des parents. Même s’il est vrai que les mêmes comportements se trouvent chez les familles stabilisées des classes moyennes, ce sont également les élites qui sont allées le plus loin dans l’adoption de systèmes d’héritages patrilinéaires symbolisés, par exemple, par le mayorazgo en Espagne, le strict settlement en Angleterre ou l’existence de règles successorales propres à la noblesse en France. Les éditeurs du volume ont naturellement conscience du biais social des contributions qu’ils ont réunies. Est-il possible à ce moment-là de faire du mariage entre proches parents (par l’affinité ou par l’alliance) une caractéristique du mariage européen, s’il n’est pas prouvé qu’il concerne également les groupes moyens de la société ou encore les masses rurales et, de plus en plus, urbaines de la population? La question de l’urbanisation, d’ailleurs, et des transformations qu’elle induit, apparaît d’ailleurs peu prise en compte dans le volume alors que d’autres évolutions fondamentales de la société des xviiie et xixe siècles, comme la progression de l’économie capitaliste, le sont bien davantage.
46Mais nous aimerions avancer ici une autre direction de recherche que les différentiations de comportement selon les classes sociales. Il nous semble, en effet, qu’une partie des comportements observés ne ressortissent pas à la volonté de groupes sociaux de se conformer à des normes légales, civiles ou religieuses, ni à l’incorporation, et à la restitution, de modèles mais bien plutôt à l’élaboration au sein des familles d’une culture spécifique, nourrie des expériences partagées par un ensemble restreint d’individus et qui est reproduite, voire radicalisée, au fil des générations [19]. La culture familiale, transmise par l’observation des comportements de la génération précédente ou des collatéraux ainsi que par l’éducation domestique, médiatise les normes et les modèles et rend de ce fait acceptables ou inacceptables pour l’entité familiale, plus ou moins élargie, une gamme différenciée d’attitudes. Elle explique les variations de comportements parfois très sensibles au sein de milieux économiques, sociaux et culturels extrêmement proches qui ne relèvent pas alors seulement de l’affirmation d’une ou de plusieurs individualités. L’existence d’une culture familiale peut être mise en valeur à travers une série d’observations comme la transmission des vocations religieuses, le choix d’une profession et, naturellement, le choix du conjoint. L’expérience de la famille, intériorisée par ses acteurs, dessine «naturellement » pour eux des chemins qu’ils doivent emprunter dans le cadre, bien sûr, à l’échelle de la communauté auxquelles ses familles appartiennent, de systèmes plus larges de contraintes normatives ou pratiques.
47La transmission des vocations religieuses au sein de certaines familles est ainsi un phénomène très intrigant. Les historiens avancent souvent que les familles nobles ou bourgeoises faisaient entrer un cadet dans les ordres pour recueillir un bénéfice familial ou bien envoyaient les cadets et les cadettes en surnombre au couvent pour éviter de morceler le patrimoine. Christophe Duhamelle a ainsi magistralement montré la manière dont les lignages des chevaliers d’Empire se sont cristallisés autour de la transmission au sein des familles des plus prestigieux canonicats allemands (Duhamelle, 1998). Mais il est aussi démontré que cette explication traditionnelle ne valait pas pour certaines familles de la noblesse ou de la bourgeoisie urbaine française. Elles formaient dans les villes un milieu «dévot », dont les familles étaient généralement liées les unes aux autres, et qui tendait à peupler les cures et les maisons religieuses locales en n’hésitant pas à y laisser entrer un aîné ou bien en y envoyant un nombre important, voire démesuré, de membres (Dinet, 1988, 2001; Collette, 2001). Certaines d’entre elles ont pu alors s’éteindre après la mort imprévue d’un fils qui était le seul de sa fratrie demeuré dans le monde. L’imitation d’un oncle ou d’une tante, d’un frère ou d’une sœur, par contagion au sein d’un petit cercle, a pu jouer, dans ces destins familiaux, un rôle essentiel.
48Nous formulons donc ici l’hypothèse que le mariage au plus proche fait partie de ces éléments d’une culture familiale qui finissent par produire un spectaculaire effet d’entraînement mais limité à un petit nombre d’individus. Le cas exemplaire de la famille Le Pas de Sécheval et de la famille Pirson, qui résidaient à Verviers au début du xviie siècle, et dont pratiquement tous les membres d’une famille ont épousé un membre de l’autre, dans le cadre de mariages pour la plupart oncletante/nièce-neveu, relève de ce phénomène (Delille, 2000, 227). Claire Chatelain a également montré la manière dont la famille Miron est (trop) longtemps demeurée fidèle à un mode particulier d’alliances passant par l’hypogamie des filles, alors même qu’il n’était plus pratiqué dans le milieu auquel elle appartenait et dans lequel elle était de plus en plus en difficulté (Chatelain, 2008) [20]. La notion de « cultures familiales » semble relativement souple pour rendre compte d’un dernier problème que pose l’identification du mariage entre proches parents comme un élément fondamental du comportement des élites bourgeoises du xixe siècle. Il est, en effet, contradictoire avec une autre tendance majeure de ces élites, qui est justement la visée hypergamique, en particulier pour les filles. L’ascension sociale, dont l’historiographie de l’époque moderne a pris conscience qu’elle n’était sans doute pas une visée universelle qui expliquerait en tous temps et en tous lieux les comportements des individus, en particulier leurs unions, demeure néanmoins une réalité et elle passe forcément par la conclusion d’alliances en dehors de la famille. Lorsqu’une branche connaît une ascension sociale conséquente, ses membres tendent à ne plus se marier avec les cousins et cousines demeurés en arrière mais, au contraire, à consolider son avance en se mariant dans des familles situées au-dessus d’elle. Martine Segalen l’avait déjà noté, à propos des lignées de paysans bas-bretons qu’elle a reconstituées : «Renchaînements et mariages consanguins se cumulent dans les branches où patrimoine et prestige sont à conserver, mais ils ne sont ni aussi systématiques, ni de même densité dès lors que des différentiations sociales et économiques s’instaurent au sein des lignées. » (Segalen, 1985, 156). Ce phénomène a, également, été récemment mis en valeur par Mathieu Marraud dans sa puissante étude de la grande bourgeoisie marchande parisienne de la fin du xviie siècle et du xviiie siècle (Marraud, 2009). Il y a repéré une vaste constellation familiale porteuse d’une culture inclusive qui a pu imposer, sur la longue durée, à ses membres un mariage endogame pour éviter le morcellement du patrimoine et, surtout, le déclin des sociétés marchandes qui en constituaient le cœur. Mais les familles qui la composaient ont su orienter à nouveau leurs unions vers l’extérieur de la constellation afin, d’une part, d’écarter les rameaux en déclin, même si elles continuaient à exercer envers elles des formes de solidarité et, d’autre part, de permettre à certains de leurs membres, surtout aux filles, d’entrer dans la haute noblesse.
Conclusion
49Il faudra beaucoup de temps avant de réussir à développer l’ambitieux et stimulant programme de travail dessiné par les éditeurs de Kinship in Europe. Ils nous invitent, en particulier, à multiplier les études en amont et en aval de la rupture du milieu du xviiie siècle qu’ils ont identifiée. L’idée même d’une rupture à cette période est indiscutablement séduisante car elle semble rejoindre beaucoup d’autres courants qui ont traversé à ce moment là les sociétés occidentales, en particulier la société française. David D. Bien a ainsi montré que les projets de réforme de l’armée française dans les années 1760 et 1770 accordaient un rôle de plus en plus fondamental à la famille, conçue comme le creuset où les vertus militaires devaient se transmettre de père en fils. La nécessité d’une « préférence familiale » devint sous-jacente dans la plupart des réformes qui furent adoptées alors. Le rapport rédigé en 1787 par le comte de Guibert pour le conseil de la Guerre évoque ainsi sans détours « cette classe précieuse des fils ou frères des anciens officiers des régiments, espèce à laquelle il est si essentiel d’assurer des emplois parce qu’elle fournit de bons officiers, que c’est elle qui met dans les corps l’esprit de famille et qui attache au service du Roi les pères par les enfants et les enfants par les pères » (Bien, 1974, 523). La redéfinition des rôles parentaux et l’émergence d’une nouvelle figure grand-parentale forment une autre de ces transformations des années 1750 et 1760 (Gourdon, 2001). Nous pourrions aussi évoquer ici la virilisation des rapports sociaux, qui est sensible dans la dégradation du sort réservé aux filles mères dans les villages français (Fillon, 1989) aussi bien que dans le développement de la culture patriotique et de l’esthétique néoclassique qui exaltaient les valeurs et les vertus masculines.
50Nous avons pourtant cherché à nuancer la place prise par le mariage consanguin dans ce « tournant parental » de la fin du xviiie et du xixe siècle. Nous avons essayé de montrer, d’une part, que certaines de ces caractéristiques se re-trouvent aux époques antérieures et que, d’autre part, en l’état actuel de nos connaissances, elles ne concernaient qu’une minorité de familles. Elles appartenaient généralement aux élites mais elles avaient surtout un point commun qui est d’avoir réussi à se stabiliser pour un temps donné et dans un lieu donné. L’étude de ces mécanismes de stabilisation des individus et des familles dans l’espace social, en particulier urbain, sera un des grands champs pionniers de l’histoire sociale des prochaines années et les historiens de la famille et de la parenté en seront parmi les acteurs essentiels (de Putte, Neven et Oris, 2007). L’organisation de la circulation des biens, récemment explorée pour la noblesse française (Haddad, 2009) ainsi que pour les élites parisiennes (Chatelain, 2008 ; Marraud, 2009), est ici un instrument fondamental. La notion de « cultures familiales », qui désigne les mécanismes par lesquels les familles stabilisées constituent et se transmettent leurs propres règles de fonctionnement et leur propre mé-moire, nous semble être un autre outil par lequel les individus médiatisent les valeurs générales des groupes sociaux.
51Au-delà, l’ouvrage nous fait réfléchir sur l’impact de l’anthropologisation des études sur la parenté à l’époque moderne et au xixe siècle qui nous semble plus poussée en France que, par exemple, dans les pays anglophones. Il nous semble qu’il n’est pas encore pleinement démontré que les figures de l’alliance que dessinent les reconstitutions des arbres généalogiques soient bien la conséquence de l’insertion des individus dans une structure de parenté ou dans des règles d’organisation générale qui gouverneraient les comportements matrimoniaux ou politiques. Nous ne pouvons écarter qu’elles soient, simplement, le résultat de réponses pragmatiques à des situations données façonnées, en grande partie, par les aléas de la démographie, cette « loterie » qui, jusqu’au xxe siècle, a défié les schémas les mieux pensés. Le pragmatisme de ces réponses joint à l’existence de cultures familiales, explique les oscillations qui peuvent être repérées, selon les cas, entre les inflexions patrilinéaires et les inflexions bilatérales. Il nous paraît donc préférable de continuer à travailler sur la parenté aux époques moderne et contemporaine d’une manière qui soit informée par les problématiques de la démographie historique ou de l’histoire sociale plutôt que par celles de l’anthropologie historique en tous cas dans sa variante structuraliste. Elles nous permettent, en effet, de mieux faire varier la focale entre les différents acteurs que sont l’individu, la famille proche, le lignage et la parentèle, dont les besoins et les intérêts peuvent se rejoindre ou diverger. La famille et la parenté apparaissent alors comme des constructions sociales [21], éminemment adaptables et inventives, comme l’a souligné, en particulier, Christophe Duhamelle (p. 139), plutôt que comme des entités pluriséculaires orientées autour de la reproduction d’un système d’alliance. Il nous semble justement qu’un des grands intérêts de Kinship in Europe est de jeter les bases d’une telle histoire tout en reconnaissant, en son sein, l’importance de l’apport de l’anthropologie.
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- Viret, Jérôme Luther (2004), Valeurs et pouvoir. La reproduction familiale et sociale en Île-de-France. Écouen et Villiers-le-Bel (1560-1685), Paris, PUPS.
NOTES
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[1]
Les premières versions de cet article ont été présentées en 2008 au Séminaire d’histoire de la démographie et de la famille de l’université de Paris-Sorbonne (Centre Roland Mousnier) et, en 2009, au Séminaire avancé de recherche du Département d’histoire économique de l’université de Genève, à l’invitation de Michel Oris. Nous remercions tous les participants des observations qu’ils nous ont adressées lors de ces séances. Par la suite, Guido Alfani, Vincent Gourdon, Élie Haddad et Jérôme Viret ont relu cet article et nous ont aimablement fait part de leurs remarques, de leurs critiques et, parfois, de leurs désaccords constructifs. Nous souhaitons qu’ils trouvent ici, comme les relecteurs anonymes des Annales de Démographie Historique, l’expression de notre plus profonde reconnaissance.
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[2]
New York, Oxford, Berghahn Book, 2007. L’ouvrage est issu d’un colloque intitulé “Kinship in Europe: The Long Run 1300-1900”, qui s’est tenu à Monte Verita (Ascona), en Suisse, du 15 au 20 septembre 2002.
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[3]
Dans le cours de l’article, les numéros entre parenthèses renvoient aux pages du volume.
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[4]
Nous appelons « mariages entre parents proches » les mariages impliquant des parents inclus dans les degrés interdits par l’Église au concile de Latran IV de 1215. Ils concernaient essentiellement les troisièmes cousins (ou cousins deux fois germains ou 4-4), les deuxièmes cousins (cousins issus de germain ou 3-3) et les premiers cousins (cousins germains ou 2-2).
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[5]
Les éditeurs de Kinship in Europe évoquent ici le passage à des systèmes de partage inégalitaire où les filles (mais aussi les fils cadets) sont dotés et donc exclus de la succession aux biens matériels (terres, charges) et symboliques (titres). Nous ne pouvons discuter ici, faute de place, le fait de savoir si l’octroi d’une dot exclut réellement un enfant de la succession car une telle conception réduit la succession à un événement ponctuel qui survient à la mort des parents. Si nous définissons la succession comme la transmission des biens d’une famille d’une génération à une autre, elle se déroule alors à toutes les étapes de la vie des parents et une fille dotée reçoit bien une part de l’héritage parental même si elle est plus faible que celle qu’elle aurait été, en cas de partage égalitaire à la mort des parents, des biens de la génération précédente. Elle n’en est donc pas exclue.
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[6]
Gérard Delille et David Sabean s’accordent cependant pour faire de la seconde moitié du xviiie siècle la période de transition. Le premier y repère l’effacement du système d’échange entre lignées alternées et l’essor des mariages conclus entre individus apparentés ou non. Comme nous le verrons plus bas, le second date de cette période l’explosion des mariages consanguins.
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[7]
Voir également la contribution de Simon Teuscher qui utilise la chronique de Ludwig von Diesbach (p. 83-85).
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[8]
Voir, là encore, Alain Collomp, 1977 : «Cette dernière reconstitution, génération après génération, bute assez souvent au bord d’un vide ou d’une cassure : la famille-souche s’arrête par défaut de descendants, ou bien est partie faire souche ailleurs. »
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[9]
La bibliographie sur le mariage en Europe aux époques médiévale, moderne et contemporaine est imposante mais la question des interdits au mariage est rarement abordée pour elle-même (Trévisi, 2008, 486-491).
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[10]
En Angleterre, la forme d’un mariage valide n’a pas été définie avant le Clandestine Marriage Act (ou Hardwicke’s Marriage Act) de 1753. Une partie importante des unions de fidèles de l’Église d’Angleterre – jusqu’à la moitié des mariages à Londres dans la première moitié du xviiie siècle – étaient jusqu’alors « clandestines » ou, plutôt, « informelles » ou « non conformes » aux usages de l’Église. Mais, comme l’édit de 1556 pour la France, la loi de 1753 précise les conditions de validité (publication des bans ; déroulement de la célébration ; définition de la minorité à 21 ans) et ne s’intéresse pas aux interdits matrimoniaux (Gillis, 1985 ; Lemmings, 1996 ; Probert et d’Arcy Brown, 2008).
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[11]
Les mariages au-delà du quatrième degré (4-5, 5-5, etc.), qui ne nécessitent pas de dispenses, demeurent des mariages entre parents jusqu’à une limite mal définie.
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[12]
L’auteur ne donne malheureusement pas le nombre de mariages réalisés dans les villages qu’il a étudiés, ce qui empêche d’apprécier l’ampleur du mouvement.
-
[13]
http://historicaldemography.net/documents/program_patrinus_fr.pdf
-
[14]
L’étude porte sur 17 000 certificats de mariage pour les trois communes de Leuwen, Aalst et Bierbeck de 1800 à 1913.
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[15]
Cyril Grange a ainsi travaillé sur 114 généalogies descendantes de familles de la haute bourgeoisie juive française. Il a observé l’importance de l’interconnexion entre ces familles : 85 d’entre elles entretiennent des liens d’alliance dans la période 1850-1899. Il a également relevé 42 mariages renchaînés sur 355 pour la période 1800-1959 (11,8%) avec une décroissance régulière à partir des années 1880 (Grange, 2005, 145).
-
[16]
En France, où les charges municipales sont, à l’époque moderne, électives ou cooptatives, les chercheurs ont tous souligné, sans pour autant le quantifier systématiquement, le haut degré d’intermariage dans les lignages d’édiles municipaux (Guignet, 1990 ; Saupin, 1996 ;Mouysset, 2000 ; Coste, 2006, 2007 ; Junot, 2009). Ne travaillant généralement pas sur les généalogies ascendantes ou descendantes des édiles, ils ont cependant rarement étudié les renchaînements d’alliances ou les mariages remarquables. Les analyses sont à peu près identiques pour l’Angleterre (Ruggiu, 2002) mais la situation est très différente en Espagne ou en Italie où les charges municipales étaient souvent héréditaires (Delille, 2003).
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[17]
Les deux mariages ont lieu parfois le même jour et parfois quelques années plus tard lorsque les enfants ont atteint « l’âge compétent » (Collomp, 1977, 462; Bruguière, 1997, 1345).
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[18]
Nous devons ces informations au professeur Paul d’Hollander, de l’université de Limoges, qui achève une étude du diaire d’Hippolyte Delor. Nous le remercions très vivement d’avoir eu l’amabilité de nous permettre de les utiliser ici.
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[19]
Nous nous inspirons ici partiellement de travaux de sociologie politique en particulier Percheron, 1993, 131-143. L’étude des écrits du for privé est une clef essentielle pour entrer dans ces cultures familiales (Mouysset, 2007).
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[20]
David Sabean approche l’idée de « cultures familiales », telle que nous l’entendons, lorsqu’il développe la notion de «milieux » à partir de la contribution de Christopher Johnson sur Vannes au xixe siècle. Mais il reste en grande partie fidèle à la tradition historiographique d’où elle provient, qui est celle de l’étude des sociabilités telle que l’a initiée Maurice Agulhon, en France.
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[21]
Nous rejoignons également ici les analyses d’Osvaldo Raggio: «Da questi processi la parentela emerge come una costruzione sociale fondata sulle interconnessioni (e manipolazioni) tra fatti biologici, fatti culturali et fatti politici. […] Per questo la categoria di parentela non può essere ridotta ad un unico concetto, come ad esempio quello di gruppo di discendenza unilineare, o quello dell’identità tra lignaggio e cognome, né tanto meno ad una categoria normativa fondata sui criteri della consanguinità » (Raggio, 1997, 39). Voir également Sandro Lombardini : “In our case, I think we have been able to perceive how kin group in and around Mondovì may more fruitfully be conceived of as socially constructed networks of exchange than as the outcome of a norm of consanguinity.” (Lombardini, 1996, 244).