Notes
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[1]
La commune de Conlie se trouve dans la Sarthe, à environ 20 km au nord-ouest du Mans, à mi-distance entre cette ville et Sillé-le-Guillaume. Par métonymie, dans tout l’article, « Conlie » désigne en fait le camp de Conlie établi à la fin de novembre 1870.
-
[2]
Le Mercier d’Erm, Camille, L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne, 1870-1871, Dinard, À l’enseigne de l’Hermine, 1937, p. XII.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Ibid.
-
[5]
Notons cependant la relative exception que constituent les articles de Rebillon, Armand, « À propos du livre de M. Le Mercier d’Erm : L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne », Annales de Bretagne, 1937, p. 450-462 et de Tanguy, Jean-François, « La Bretagne entre conquête républicaine et intégration nationale (1870-1914) », ABPO, 2004-4, p. 71-96.
-
[6]
Foucqueron, Louis, L’Armée de Bretagne par un volontaire, Paris, Le Chevalier, 1874, p. 87.
-
[7]
Notons que si son œuvre d’érudit a fait l’objet de nombreuses études et publications, ses engagements politiques n’ont pas fait l’objet de la même attention. Signalons cependant Denis, Michel, « Arthur de La Borderie, inspirateur du nationalisme breton ? », Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2002, p. 191-208 et Guiomar, Jean-Yves, « Le bretonisme, une expression de la droite française », in Lagrée, Michel et Sainclivier, Jacqueline (dir.), L’Ouest et le politique, Mélanges offerts à Michel Denis, Rennes, PUR, 1996, p. 129-140.
-
[8]
Guiomar, Jean-Yves, « Le bretonisme, une expression de la droite française… », art. cité, p. 129.
-
[9]
Sur l’abondante bibliographie d’Arthur de La Borderie, voir Kerviler, René, Dictionnaire de bio-bibliographie bretonne, Rennes, Plihon et Hervé, 1888, p. 350-392. À ces quelque 40 pages de références, il conviendrait d’ajouter les 140 ouvrages, préfaces, articles, comptes rendus dus à l’historien breton recensés par Lebeau, Bernard, « Complément à la bibliographie d’Arthur de La Borderie établie par René Kerviler », Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2002, p. 297-318 pour la seule période allant de 1891 à 1901.
-
[10]
Sur ce point, voir Goallou, Henri, L’évolution politique de l’Ille-et-Vilaine du 2 décembre 1851 au 5 janvier 1879, Thèse dact., Rennes 2, 1970, p. 537-538. Arthur de La Borderie est élu avec une confortable avance face au maire bonapartiste de Vitré, Thomas de La Plesse, qui n’obtient que 891 voix contre 1 895 au nouveau conseiller général.
-
[11]
Journal d’Ille-et-Vilaine, 6 mars 1875.
-
[12]
Parmi ceux qui s’engagent, citons Carron de La Carrière, de La Villegontier, Le Gonidec de Traissan qui servent comme officiers dans la garde mobile d’Ille-et-Vilaine. C’est aussi le cas de républicains, à l’instar d’Alfred Le Bastard ou de Martin-Feuillée (Goallou, Henri, L’évolution politique de l’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 738).
-
[13]
Journal de Rennes, 7 septembre 1870.
-
[14]
La Borderie, Arthur de, « Une page d’histoire », Revue de Bretagne et de Vendée, déc. 1870, p. 485.
-
[15]
Ibid., p. 489.
-
[16]
Le Gouvello, Hippolyte, « Études biographiques. M. Henri de Bellevue, capitaine des zouaves pontificaux », Revue de Bretagne et de Vendée, mars 1871, p. 169-187 ; Dubois, Lucien, « Propos d’un assiégé. Les Bretons au siège de Paris », Revue de Bretagne et de Vendée, déc. 1870, p. 474-480 et février 1871, p. 89-105 ; Le Jean, J.-M., « Chant aux guerriers de la Basse-Bretagne en l’année 1870 », Revue de Bretagne et de Vendée, nov. 1870, p. 386-390.
-
[17]
Il est vrai que l’identification des articles de La Borderie est compliquée par le fait qu’il se dissimule derrière de nombreux pseudonymes : Yves ou Yan Le Pennec, Pol Ervoan, Foulques Le Roux, ou encore Jean De Kermalo. C’est d’ailleurs d’un autre de ces pseudonymes qu’il signe l’un des premiers articles qu’il publie après la fin des troubles liés à la guerre et à la Commune : de Kermalo, L., « Le général Trochu devant l’Assemblée nationale », Revue de Bretagne et de Vendée, juillet 1871, p. 76-79.
-
[18]
Sur ce point, voir Le Lous, Ronan, Procès-verbaux des comités de défense de l'Ouest (1870-1871), mémoire de maîtrise, Rennes 2, 2003, p. 18-37.
-
[19]
[Foucqueron, Louis], L’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 87-88.
-
[20]
La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne. Rapport fait à l’Assemblée nationale par Arthur de La Borderie, député d’Ille-et-Vilaine, Paris/Nantes, Plon/Forest et Grimaud, 1874, p. 6-7.
-
[21]
Sur ce point, voir Freycinet, Charles de, La guerre en province pendant le siège de Paris, 1870-1871, Paris, Michel Lévy frères, 1871, p. 52-53.
-
[22]
Dans son édition du 25 janvier 1871, Le Courrier de Bretagne évoque par exemple la situation des mobilisés du Morbihan qui ont été dirigés vers Saint-Brieuc : « la vue de ces hommes révèle assez tout ce qu’ils ont dû y souffrir des rigueurs de la saison, à laquelle ils ont été livrés pour ainsi dire sans défense » y lit-on. Il convient cependant de remarquer que La Borderie lui-même note dans son rapport que « la nourriture des soldats a toujours été, à Conlie, régulièrement distribuée, de bonne qualité et abondante », par ailleurs que « l’état sanitaire n’était pas mauvais ». Il relève 143 morts, dont 88 de variole, bien moins que dans les armées du temps au sein desquelles les décès liés aux combats et à leurs conséquences sont souvent moins nombreux que ceux dus aux maladies (La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 65-66).
-
[23]
La dépêche est citée par La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 165-166. On reproche aussi et surtout au ministère de l’Intérieur de ne pas avoir donné la même publicité à une autre dépêche du 11 janvier, signée de Chanzy. Celle-ci précise entre autres que « le général Gougeard, qui a eu son cheval percé de six balles, a montré la plus grande vigueur et les troupes de Bretagne ont puissamment contribué à conserver [la] position importante [du plateau d’Auvours] ».
-
[24]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 25 janvier 1871.
-
[25]
L’Avenir, 26 janvier 1871.
-
[26]
Notons que le comte de Falloux et le général de Charette, sollicités, ont décliné l’invitation qui leur était faite de figurer sur cette liste (Goallou, Henri, L’évolution politique de l’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 749).
-
[27]
Goallou, Henri, L’évolution politique de l’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 758.
-
[28]
Annales de l’Assemblée nationale. Annexes, tome IV, Paris, Imprimerie du Journal officiel, 1871, p. 3.
-
[29]
Sur ce point, voir Lallie, Alfred, « La Borderie à l’Assemblée nationale », Revue de Bretagne et de Vendée, 1901, p. 194-197.
-
[30]
Parmi ses membres, figure aussi le général d’Aurelle de Paladines, commandant de l’Armée de la Loire, jugé responsable de l’échec devant Orléans, démis pour ces raisons en décembre 1870 par le gouvernement de Défense nationale et remplacé par le général Chanzy. Député monarchiste de l’Allier, il n’est sans doute pas, lui non plus, le plus impartial des enquêteurs.
-
[31]
Une quinzaine de rapports sont envisagés au total. Si certains ont un objet a priori cohérent au regard des objectifs affichés par la commission, près de la moitié d’entre eux ont une ambition strictement locale, liée sans doute à la personnalité de tel ou tel de ses membres. Ainsi, par exemple, du rapport sur les événements de Lyon.
-
[32]
Freycinet, Charles de, La guerre en province…, op. cit., p. 63-64. Il précise sur ces derniers que « leur situation géographique, leur proximité de la mer et leur éloignement du théâtre des hostilités, les avaient fait choisir. Les autres camps, purement d’instruction, ne devaient point être fortifiés et contenaient seulement 60 000 hommes ».
-
[33]
La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 246 et 247.
-
[34]
Rapport fait au nom de la Commission sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale par M. A. de La Borderie, membre de l’Assemblée nationale. Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne. Annexes, Versailles, Cerf et fils, 1873, p. 272-273.
-
[35]
C’est la raison pour laquelle une bonne partie de ces documents sont aujourd’hui conservés aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, sous les cotes 1 F 1093-1096, 1 F 1098, 1 F 1102-1103.
-
[36]
Pocquet du Haut-Jussé Barthélemy, Correspondance politique de Barthélemy Pocquet, rédacteur du Journal de Rennes, 1848-1878, Paris, Klincksieck, 1976, p. 148. Il poursuit en indiquant : « je suis venu à bout de mettre sur pied la première partie (qui a rapport à la première période de Conlie et au commandement de Kératry). Je tenais à la soumettre à la commission avant nos vacances afin de savoir si elle acceptait mon plan, mes conclusions et afin de pouvoir, en conséquence, terminer le travail pendant les vacances de manière à le livrer à l’impression à la rentrée de l’Assemblée ».
-
[37]
Chanzy, Antoine (général), Campagne de 1870-1871.La Deuxième Armée de la Loire, Paris, Plon, 1871, dont un compte rendu a été fait par La Gournerie, Eugène de, « La guerre de 1870-1871 », Revue de Bretagne et de Vendée, sept. 1871, p. 194-205 et oct. 1871, p. 249-263. Gougeard, Auguste (général), Deuxième Armée de la Loire. Division de l’Armée de Bretagne, Paris, Dentu, 1871. Il s’appuie aussi, ponctuellement, sur des ouvrages allemands : von Blume, Wilhelm, Opérations des armées allemandes depuis la bataille de Sedan, d’après les documents officiels du Grand Quartier-général, Paris, Dumaine, 1872 et Rüstow, Wilhelm, Guerre des frontières du Rhin, 1870-1871, Paris, Dumaine, 1871.
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[38]
Pocquet du Haut-Jussé, Barthélemy, Correspondance politique…, op. cit., p. 148.
-
[39]
Voir, sur ce point, [Foucqueron, Louis], L’Armée de Bretagne par un volontaire…, op. cit., p. 89-93, ou Freycinet, Charles de, La guerre en province…, op. cit., p. 50-58. De manière très révélatrice, les mobiles bretons sont armés sans retard, signe que la question n’est pas tant celle de l’origine géographique de ces troupes que du moment auquel elles sont levées, de leurs capacités potentielles, de leur ministère de rattachement aussi : au cours de l’été 1870, il a été décidé que les troupes de ligne et gardes nationales mobiles relèveraient de la Guerre et seraient dotées de fusils se chargeant par la culasse, des Chassepot pour l’essentiel, tandis que les gardes nationales mobilisées et sédentaires relèveraient de l’Intérieur et ne pourraient, à ce titre, recevoir que des armes plus anciennes, des fusils se chargeant par le canon.
-
[40]
Rapport fait au nom de la Commission sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale par M. A. de La Borderie, Annexes…, op. cit. p. 77-78.
-
[41]
Gougeard, Auguste (général), Deuxième Armée de la Loire…, op. cit. « C’est [Gambetta] qui, dans nos malheurs, a su conserver intact l’honneur de la France ; c’est grâce à lui qu’elle peut espérer reprendre un jour le rang qu’elle a perdu » écrit le général lorientais au printemps 1871.
-
[42]
Le Mercier d’Erm, Camille, L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. XII.
-
[43]
La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne…, op. cit. Notons que de larges extraits en avaient déjà été publiés quelques mois auparavant par Kératry, Émile de, Armée de Bretagne, 1870-1871. Dépositions devant les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale avec carte à l’appui, Paris, Lacroix, 1873, afin d’assurer sa défense.
-
[44]
Dans une lettre qu’il adresse le 9 avril 1874 au rédacteur de Paris-Journal, La Borderie lui demande de « vouloir bien porter à la connaissance de vos lecteurs [que] je suis entièrement étranger à [cette] édition », quand bien même « j’apprécie les excellentes intentions de cette feuille » (Kerviler, René, Dictionnaire de bio-bibliographie…, op. cit., p. 375).
-
[45]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 3 janvier 1874.
-
[46]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 7 janvier 1874. Dans son édition du 10 janvier 1874, le journal reprend un article de Saint-Genest qui se termine sur une question, savoir si Gambetta « n’est pas le vrai Bazaine de l’armée de Conlie ».
-
[47]
Le Courrier de Bretagne signale par exemple que « comme riposte à [l’]interpellation [des partisans de Thiers sur la loi sur les maires], le gouvernement fera demander par ses amis la mise immédiate à l’ordre du jour des conclusions du rapport sur le camp de Conlie » (Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 31 janvier 1874).
-
[48]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 7 février 1874.
-
[49]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 21 février 1874.
-
[50]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 14 mars 1874.
-
[51]
Marivault de (général), Déposition de M. le général de Marivault. Extrait des documents de l’enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale, Toulon, L. Laurent, 1874 ; [Foucqueron, Louis], L’Armée de Bretagne par un volontaire…, op. cit. Celle du général de Kératry avait été publiée courant 1873 (Kératry, Émile de, Armée de Bretagne, 1870-1871…, op. cit.), cette publication, prévue en mars 1872, ayant été repoussée à la demande de Thiers.
-
[52]
Ainsi que le rappellent Bourguinat, Nicolas et Vogt, Gilles, La guerre franco-allemande de 1870. Une histoire globale, Paris, Flammarion, 2020, p. 368-369, le nouveau contexte politique, suite à l’adoption des lois constitutionnelles, influence probablement l’ensemble des travaux de la commission d’enquête : tout en chargeant les gambettistes – que l’on ne prit cependant jamais le risque de traduire devant une cour quelconque pour leur action –, il s’agit désormais de ne pas insulter l’avenir en se montrant conciliant avec les républicains les plus modérés, en épargnant notamment Jules Favre ou Jules Simon.
-
[53]
Inauguration du monument des victimes de la guerre. Discours prononcé à la cathédrale de Saint-Brieuc par l’Abbé Morelle, vicaire général honoraire, secrétaire particulier de Monseigneur l’Évêque, le 10 juillet 1892, Saint-Brieuc, Prud’homme, 1892.
-
[54]
[La Borderie, Arthur de], « M. Glais-Bizoin au camp de Conlie », Revue de Bretagne et de Vendée, 1874, p. 238-255. En revanche, d’autres articles de la revue sont consacrés à la guerre de 1870-1871, signe que ce n’est pas le conflit, mais bien Conlie qui tombe dans un oubli au moins relatif.
-
[55]
Notons d’ailleurs que cet « activisme » s’étiole alors que l’amendement Wallon, contre lequel La Borderie a voté, est adopté en janvier 1875. Dans les mois qui suivent, il s’abstient lors du vote des lois constitutionnelles. En tête après le premier tour des législatives de 1876 dans la circonscription de Vitré, Arthur de La Borderie se retire cependant au second tour face à la concurrence d’un légitimiste plus « pointu », le comte Olivier Le Gonidec de Traissan. Il met fin alors à une carrière politique entamée en 1861.
-
[56]
Il faut, par exemple, attendre la publication de des Cognets, Charles, Les francs-tireurs de l’Armée oubliée, Rennes, PUR, 2017, pour que l’histoire de la Légion bretonne soit enfin éclairée.
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[57]
Si l’on trouve bien une référence aux publications de Paul Taillez dans Le Morbihannais, les autres titres de la presse morbihannaise restent silencieux. L’Ouest-Éclair n’en souffle mot, pas plus que Le Moniteur des Côtes-du-Nord, le principal journal de ce département.
-
[58]
Sur ce point, voir Guiomar, Jean-Yves, Le bretonisme. Les historiens bretons au xixe siècle, Rennes, SHAB/PUR, 2019 [2e éd.].
-
[59]
Coroller-Danio, Jeanne, Histoire de notre Bretagne, Dinard, À l'Enseigne de l'Hermine, 1922 et 1932.
-
[60]
À ce sujet, voir Guyvarc’h, Didier et Lagadec, Yann, La Grande Guerre des Bretons. Images et histoire, Rennes, PUR, 2013, p. 178-182. C’est dans ce contexte qu’il faut ainsi replacer l’émergence du mythe des 240 000 morts bretons de la Grande Guerre, un nombre sans rapport avec les quelque 135 000 victimes du conflit dans les cinq départements de la Bretagne historique.
-
[61]
Le Mercier D’Erm, Camille, L’étrange aventure de l'Armée de Bretagne…, op. cit.
-
[62]
C’est ce que le laisse entendre L’Ouest-Éclair qui parle alors d’« une page oubliée » de l’histoire de Bretagne (L’Ouest-Éclair, 3 décembre 1937). On trouve la même allusion à cette « page oubliée » dans le Journal de Pontivy, 23 janvier 1938. La chose demanderait cependant à être pour une part nuancée : en juillet 1937, lors d’une cérémonie religieuse qui réunit quelque 100 000 pèlerins à Sainte-Anne d’Auray, Mgr Duparc, évêque de Quimper, compare la situation de la Grande Guerre à celle de 1870 : « en 14, nous avons senti qu’on ne nous conduisait pas au camp de Conlie » affirme-t-il (L’Ouest-Éclair, 29 juillet 1937).
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[63]
Le Mercier d’Erm, Camille, L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 139. Armand Rébillon, professeur d’histoire à l’université de Rennes, à qui Camille Le Mercier d’Erm a dédicacé son ouvrage, en fait une critique acerbe dans les Annales de Bretagne en 1937 : « À propos du livre de M. Le Mercier d’Erm : L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne », Annales de Bretagne, 1937, p. 450-462.
-
[64]
Guilbaud, F., Les mobilisés d’Ille-et-Vilaine. La vérité sur l’affaire de la Tuilerie à la bataille du Mans en 1871. Rectification à divers documents notamment à l’ouvrage du général Chanzy, La deuxième Armée de la Loire, Angers, Lachèse et Dolbeau, 1871, p. 5-6.
-
[65]
Gestin, Robert, Souvenirs de l’Armée de Bretagne (1870-71), Brest, Le Borgne, 1908, p. 9-10.
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[66]
Ibid., p. 157.
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[67]
Gestin, Robert, Souvenirs…, op. cit., p. 137. Encore ne le fait-elle qu’imparfaitement à en croire F. Guilbaud, qui « regrette bien de n’avoir eu que si tardivement l’occasion de lire le rapport de M. de La Borderie » (Guilbaud, F., Les mobilisés d’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 52).
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[68]
Voir, sur ce point, entre autres, les contributions de Joëlle Quaghebeur ou Jean-Christophe Cassard au colloque « Centenaire de la mort d’Arthur de La Borderie », Bulletins et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2002.
1Dans l’introduction de son ouvrage L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne, 1870-1871 – un ouvrage par ailleurs éminemment contestable –, l’écrivain Camille Le Mercier d’Erm évoque le rôle essentiel d’Arthur Le Moyne de La Borderie dans la construction de l’objet historique qu’est devenu Conlie [1]. Pour lui, c’est l’historien breton qui, « le premier, avec un zèle, un discernement et une conscience exemplaires, s’est appliqué à réunir, au lendemain de la guerre franco-allemande, les matériaux indispensables aux chercheurs de l’avenir [2] ». Et d’expliquer :
Élu député de Vitré à l’Assemblée nationale en 1871, membre de la Commission d’enquête sur les actes du gouvernement de la Défense nationale et chargé par cette commission de préparer un rapport sur l’Armée de Bretagne et le camp de Conlie, La Borderie nous a légué un très remarquable travail auquel on est tenu de se référer tout d’abord [3].
3Le Mercier d’Erm ne tarit pas d’éloges sur son devancier, évoquant un « exposé des faits vivant, rapide, attachant, émouvant même en maintes de ses pages, inspiré d’un constant souci d’exactitude et d’objectivité », avant de conclure : « c’est au scrupuleux rapport de La Borderie qu’il faut reporter le mérite d’avoir fait connaître, au moins dans ses grandes lignes, cette malheureuse affaire de Conlie qui, au lendemain de l’Année terrible, passionna si fort l’opinion publique en France et surtout en Bretagne [4] ». Si l’on pourrait discuter le caractère scrupuleux du texte de La Borderie, si le fait que Conlie « passionna si fort l’opinion publique en France » demanderait à être pour le moins nuancé, il n’en reste pas moins que c’est bien à l’historien breton que l’on doit d’avoir fait connaître aussi largement cette affaire. Et, disons-le d’emblée, quiconque s’intéressant à ce sujet ne peut objectivement faire l’économie de la lecture du rapport de La Borderie.
4Pourtant, aussi indispensable soit-il, ce texte doit faire l’objet d’une critique interne, critique à laquelle personne ou presque ne paraît se livrer avant de s’y reporter [5]. Seul un « volontaire », officiellement anonyme, de l’Armée de Bretagne, auteur d’un petit ouvrage paru en 1874, insiste sur ce qui peut paraître une évidence : Arthur de La Borderie est député de février 1871 à février 1876. À ce titre, il est bien évidemment idéologiquement engagé dans le combat politique du moment, en l’occurrence pour la paix contre la guerre, pour la restauration monarchique aussi et donc contre la République qui a œuvré à la Défense nationale à compter du 4 septembre 1870. Mais l’élu d’Ille-et-Vilaine est aussi très actif sur la scène régionale bretonne, pour ne pas dire régionaliste. Dans une « réponse à M. de La Borderie » qui clôt son ouvrage, Louis Foucqueron – puisque c’est lui qui se cache derrière le récit publié anonymement – raille le choix qui a été fait par l’Assemblée de confier à l’historien breton la présidence de la commission d’enquête sur le camp de Conlie, un « choix […] évidemment dicté par la réputation d’impartialité dont jouit l’honorable député » indique-t-il ironiquement [6]. L’avocat rennais, républicain engagé, n’est, bien évidemment, pas plus objectif que son adversaire politique ; il n’en est pas moins lucide sur la nécessité de prendre en compte la personnalité du député breton dans la compréhension de la construction de Conlie comme objet historique.
5C’est donc bien plus à cette construction et au rôle qu’y a tenu Arthur de La Borderie qu’à l’histoire du camp sarthois lui-même que je voudrais m’intéresser ici, même s’il conviendra, bien évidemment, d’en rappeler à grand trait les principaux épisodes. Il s’agira avant tout de montrer que l’enquête de la commission parlementaire fut essentiellement une enquête à charge, la personnalité de son rapporteur – et la couleur politique de la chambre – faisant du texte final un véritable réquisitoire, forgeant une vulgate sans cesse reprise depuis.
Arthur de La Borderie dans la guerre de 1870-1871
6Dire ce que fut l’activité d’Arthur de La Borderie durant les mois qui vont de la déclaration de guerre à la Prusse, en juillet 1870, à son élection à l’Assemblée nationale le 8 février 1871 n’est pas chose facile. Rares sont en effet les traces archivistiques le concernant au cours de cette période.
7Né en 1827, La Borderie est en 1870 un notable installé, un notable engagé aussi [7]. Issu d’une vieille famille de la petite noblesse vitréenne, diplômé de l’École des chartes, il est devenu une figure essentielle de l’érudition bretonne à compter des années 1850, en venant à incarner ce que J.-Y. Guiomar a qualifié de « bretonisme » : forme du traditionalisme catholique, d’inspiration monarchiste et, plus précisément, légitimiste, ce courant promeut « une vision de la Bretagne comme ensemble distinct, par ses origines et ses caractéristiques, du reste de la France [8] ». Secrétaire de la Classe d’archéologie de l’Association bretonne à compter de 1846, membre fondateur de la Société archéologique d’Ille-et-Vilaine qu’il préside à partir de 1863, membre fondateur aussi de la Société archéologique de Loire-Inférieure en 1854, de la Société archéologique du Morbihan en 1858, fondateur de la Revue de Bretagne et de Vendée en 1857, conçue face à la – trop – républicaine Revue des provinces de l’Ouest, il multiplie les publications de nature historique et archéologique, devenant au fil des ans le grand historien de la Bretagne, tout particulièrement de la Bretagne médiévale [9]. Mais, dans le même temps, Arthur Le Moyne de La Borderie épouse les idées politiques de son milieu : légitimiste, il collabore régulièrement à compter de 1849 au très conservateur et très catholique Journal de Rennes, codirigé par son beau-frère Paul de La Bigne-Villeneuve, y publiant des études historiques mais aussi des prises de position de nature plus politique : ainsi, par exemple, de son analyse des « élections départementales de 1867 » ou de ses « lettres à un électeur », pour n’en rester qu’à ces deux exemples.
8Car La Borderie est aussi un notable engagé, nous l’avons dit. Proche de l’archevêque de Rennes, Mgr Brossays Saint-Marc, membre de la conférence rennaise de Saint-Vincent-de-Paul, il est à l’origine de la Semaine religieuse de Rennes et œuvre activement en faveur de l’enseignement catholique, dirigeant entre autres la Société de l’enseignement libre. Surtout, il est élu conseiller d’arrondissement du canton de Vitré-Est en 1861 puis conseiller général en 1864, son élection constituant cette année-là l’un des rares succès de l’opposition légitimiste face au pouvoir bonapartiste incarné par le préfet à poigne Féart [10]. Il siège ici aux côtés de son frère, Waldeck de La Borderie, quant à lui conseiller général du canton de Vitré-Ouest. Assidu semble-t-il aux sessions du conseil général, il s’intéresse notamment aux questions touchant aux archives départementales. Ses engagements politiques sont clairs : « je suis, j’ai toujours été partisan de la monarchie » rappelle-t-il dans une lettre publiée par le Journal d’Ille-et-Vilaine en mars 1875 [11].
9Homme de lettres, La Borderie n’apparaît guère comme un homme d’action. Au contraire de certains de ses amis légitimistes d’Ille-et-Vilaine, engagés pour certains aux côtés des zouaves pontificaux, pour d’autres dans la garde nationale mobile ou mobilisée à l’automne 1870, il semble se tenir loin de la guerre et de Conlie [12]. À dire vrai, on peine à trouver des sources permettant d’éclairer ce qu’il fit au cours des événements qui, entre l’été 1870 et février 1871, touchent la France en général, la Bretagne et l’Ille-et-Vilaine en particulier. Certes, son nom figure parmi ceux des 24 conseillers généraux libéraux et légitimistes signataires, le 6 septembre, d’un appel dans lequel ils disent s’associer « énergiquement à toutes les mesures d’ordre public et de défense nationale [13] ». Certes, la Revue de Bretagne et de Vendée publie bien, dans son numéro paru fin décembre 1870, un texte consacré à « une page d’histoire », celle du Second Empire, où il évoque ses espoirs de voir la « nation, redevenue maîtresse de ses destinées, [reprendre] glorieusement sa marche en tête du progrès et de la civilisation chrétienne », fondant « sur des bases inébranlables […] le règne définitif de l’ordre, de la paix, de la liberté ». Au lieu de cela, regrette-t-il, « la moitié de ses villes occupées, rançonnées, dévastées et pillées ; d’autres, comme Lyon, souillées par le drapeau rouge ; en un mot, le tiers du pays en proie aux horreurs de l’invasion, le reste soumis à une dictature que je ne comparerai jamais – pour ma part – à celle de Bonaparte, mais qui n’en traite pas moins la nation en mineure incapable, lui ôte le ressort de la liberté », affirmant, sans surprise, son opposition au gouvernement de la Défense nationale [14]. Notons que s’il y dénonce bien « l’égoïsme, l’amour du lucre et l’ambition personnelle » qui caractériseraient le régime impérial déchu, faisant de « Bazaine et Leboeuf, Metz et Sedan », références à l’actualité guerrière du moment, les « résultats » de ces vingt années, il ne souffle pas un mot en revanche sur Conlie dans cet article [15]. Et si d’autres textes, signés d’autres collaborateurs de la revue, évoquent « M. Henri de Bellevue, capitaine des zouaves pontificaux », tué lors de la bataille de Champagné, relatent le rôle des « Bretons au siège de Paris », proposent une « Gwerz brezoulerien Breiz-Izel ar bloaz 1870 », un « chant aux guerriers de la Basse-Bretagne en l’année 1870 », il n’y a, là non plus, rien sur l’Armée de Bretagne ou le camp de la Sarthe, les mobiles et zouaves accaparant toute l’attention [16]. On ne trouve d’ailleurs guère d’autre texte signé par La Borderie que celui de décembre 1870, notamment dans le Journal de Rennes qui, pour sa part, appelle ouvertement à la poursuite de la guerre [17]. Son nom ne figure pas non plus parmi ceux des membres du comité de défense mis en place en Ille-et-Vilaine le 15 septembre 1870 [18]. Il ne participe pas à la tentative de constitution de la Ligue de l’Ouest promue par Carré-Kérisouët, député de Loudéac et futur commissaire-général de l’Armée de Bretagne. En 1874, le très républicain avocat rennais Louis Foucqueron prend de ce fait un malin plaisir à pointer du doigt ce long silence et, pire, cette absence de La Borderie, pourtant choisi durant l’été 1871 par l’Assemblée nationale pour conduire l’enquête sur le camp :
On a sans doute aussi pensé que l’homme qui avait passé tout le temps de la guerre dans le recueillement et le silence et qui, dédaigneux des querelles humaines, était resté à sa campagne de Paramé, à peu de distance de Saint-Malo, tout prêt à prendre le vapeur de Jersey ou celui de Southampton en cas d’arrivée de l’ennemi, serait le plus capable de rechercher la vérité et d’indiquer à l’Assemblée la part qui devrait revenir à chacun [19].
11La critique, injuste pour une part, est facile pour celui qui a, quant à lui, rejoint l’Armée de Bretagne et est donc passé par Conlie. Il faut, ici, rappeler sommairement l’histoire de ce camp. L’idée en revient au général de Kératry, ancien député du Second Empire, devenu préfet de police de Paris en septembre 1870 : le 21 octobre, de passage à Tours, il présente à Gambetta les grandes lignes de son plan qui prévoit de réunir en une armée les mobilisés des cinq départements bretons. Cette armée devra prendre position en avant du Mans, entre les forces de Normandie et celles de l’Armée de la Loire, avec pour objectif de marcher au secours de Paris. Par un décret du 22 octobre, le gouvernement de la Défense nationale lui confie le commandement de cette « Armée de Bretagne », ou « Forces de Bretagne », ou encore « Armée de l’Ouest », suivant un vocabulaire encore assez flou, lui demandant de se fixer à « Laval ou Le Mans [20] ». C’est à Conlie que le général décide d’installer sans tarder le camp qui doit servir à l’instruction et l’armement des troupes : les premières y arrivent le 3 novembre. Le 6, ils sont plus de 6 000, 13 500 le 15, 25 500 le 23, plus de 35 000 le 27, autour de 50 000 sans doute courant décembre. Si, le 23 novembre, 13 500 des meilleurs éléments sont réunis pour former une division de marche qui, aux ordres du général Gougeard, rejoint la 2e Armée de la Loire, combattant à Yvré-L’Évêque en décembre, se distinguant au Mans en janvier 1871, la plus grande partie des mobilisés bretons reste à Conlie dans des conditions déplorables, qu’il convient cependant de replacer dans le contexte de l’époque, tout particulièrement celui des autres armées qui combattent alors, celle de l’Est entre autres. La question de l’armement de ces troupes devient vite un objet de tensions entre Kératry et le ministère de la Guerre, mais aussi avec celui de la Marine : les exigences du général – plus que des armes, il demande les armes les plus modernes, en l’occurrence des fusils Chassepot – sont alors sans doute sans rapport avec les moyens du gouvernement, qui doit réorganiser l’ensemble de l’armée française, une armée au sein de laquelle l’Armée de Bretagne n’est d’ailleurs qu’une « armée auxiliaire [21] ». N’obtenant pas satisfaction, relégué aussi au rang de général de « corps d’armée » et non plus d’armée après le décret du 25 novembre faisant de Conlie un camp régional parmi 11 autres en France, Kératry démissionne le 27.
12Conlie lui survit quelques semaines. La dégradation des conditions de vie dans le camp de toile et de boue que sont devenus les quelque 600 ha affectés à cette armée conduit cependant le gouvernement de la Défense nationale à le faire évacuer à compter de mi-décembre. Si la plupart des mobilisés regagnent la Bretagne, où leur état sanitaire est dénoncé par la presse [22], près de 19 000 hommes restent dans la Sarthe après le 20 décembre. C’est parmi ces hommes, et plus particulièrement parmi les mobilisés d’Ille-et-Vilaine, que l’on réunit six bataillons sans instruction, mal et très tardivement armés, pour constituer la brigade de Lalande qui est engagée à La Tuilerie, face aux Prussiens, le 11 janvier 1871. La position ne peut cependant être tenue, la retraite des gardes nationaux bretons participant de la rupture plus globale du dispositif du général Chanzy. Au lendemain de la défaite, une dépêche du ministère de l’Intérieur aux préfets précise :
Nos positions étaient bonnes hier soir, sauf à la Tuilerie où des mobilisés bretons ont, en se débandant, entraîné l’abandon des positions occupées sur la rive gauche de l’Huisne. Le vice-amiral Jauréguiberry et les autres généraux croient que la retraite est commandée par les circonstances [23].
14Tout autant que le camp de Conlie, sans doute est-ce là ce qui conduit à un raidissement des positions politiques et idéologiques en Bretagne. Le 25 janvier 1871, face à « certains bruits malveillants », le général de Lalande fait savoir par voie de presse qu’il demande à comparaître devant un conseil d’enquête au sujet de son attitude le 11 [24]. Le lendemain, dans L’Avenir, journal républicain rennais, Deloisy, commandant un des bataillons de la légion de Rennes, publie une longue lettre pour répondre à « l’accusation dont les mobilisés sont l’objet au sujet de l’affaire du Mans » [25].
15Trois jours plus tard, l’armistice est signé, et des élections sont annoncées pour le 8 février.
Le député Arthur de La Borderie et l’enquête parlementaire sur Conlie
16Arthur de La Borderie est élu député d’Ille-et-Vilaine à l’Assemblée nationale le 8 février 1871, sur la liste cléricale et monarchiste dite d’Union pour l’Ordre et la Liberté, soutenue par le Journal de Rennes et l’archevêque : conduite par Adolphe Thiers et le général Trochu, elle associe à quelques libéraux et même à deux ex-bonapartistes, des légitimistes, majoritaires, parmi lesquels le conseiller général de Vitré-Est [26]. Le programme annoncé est simple : à l’extérieur, protéger le pays du danger prussien en rétablissant la paix ; à l’intérieur, se prémunir du danger révolutionnaire ou, pour le moins, gambettiste. Si cette liste est toute entière élue et devance de loin la liste républicaine, La Borderie est le douzième et dernier élu, avec 74 535 voix contre plus de 89 000 à Trochu [27]. Ayant rejoint Bordeaux puis Versailles dans une assemblée à majorité monarchiste, le nouveau député participe aux travaux de diverses commissions, par exemple, en juillet 1871, sur « l’état des communications postales et télégraphiques », tout en faisant entendre sa voix dans le processus visant à favoriser une restauration [28]. C’est cependant comme membre de la Commission d’enquête sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale qu’il s’illustre.
17Cette commission, instituée par une décision du 14 juin 1871, débute ses travaux sans tarder [29]. Présidée par M. Saint-Marc-Girardin, académicien, vice-président de l’Assemblée à partir du mois d’août, très actif au centre-droit face à Thiers notamment, elle compte 29 membres parmi lesquels plusieurs Bretons : Frédéric de Pioger, élu du Morbihan, Hyacinthe de Boisboissel, député des Côtes-du-Nord, et donc Arthur de La Borderie [30]. Conlie n’est qu’un des nombreux sujets sur lesquels travaille la commission : une sous-commission du Sud-Est se penche par exemple sur la « révolution lyonnaise », celle sur le Sud-Ouest étudie le cas du camp de Toulouse, tandis que d’autres rapports sont rendus sur les actes de la délégation de Tours et de Bordeaux, la défense de Dreux en octobre 1870, l’armée des Vosges, celle du Nord, le siège de Paris [31], etc. Il convient de tenir compte de ce contexte, notamment en ce que cela permet de redonner à Conlie son importance toute relative dans l’histoire de la guerre de 1870-1871 : non seulement l’issue du conflit ne s’y joue pas, mais le camp n’est qu’un camp parmi d’autres. Il est certes le premier mis sur pied, datant du début du mois de novembre 1870, mais le gouvernement de la Défense nationale crée dix autres camps d’instruction ou camps régionaux par un décret en date du 25 novembre : Saint-Omer, Cherbourg, La Rochelle, les Alpines dans les Bouches-du-Rhône, Nevers, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Toulouse, Montpellier, Sathonay près de Lyon, enfin Conlie, les quatre premiers ayant le statut de « camps stratégiques, c’est-à-dire qu’ils sont destinés à recevoir des fortifications et à abriter des armées pouvant s’élever à 250 000 hommes », ainsi que l’indique Freycinet [32]. Le choix fait par la commission de s’intéresser à ce camp doit sans doute beaucoup à la présence en son sein des députés bretons, et notamment La Borderie, et peut-être moins à ce qui s’est passé à Conlie ou même aux événement de La Tuilerie début janvier, et aux accusations portées contre les mobilisés d’Ille-et-Vilaine au lendemain de la bataille du Mans. En présentant, dans les conclusions de son rapport, les mobilisés bretons comme des « victimes que l’on voulait déshonorer », en dénonçant l’action d’un gouvernement qui a « exposé le nom breton au déshonneur », La Borderie laisse entendre ce qu’ont pu être ses véritables motivations : politiques, pour ne pas dire politiciennes, régionalistes aussi [33].
18Les travaux sur Conlie débutent mi-juillet 1871. Le 15, le comte de Kératry est auditionné une première fois ; il le sera à nouveau en juillet 1872. Suivent, au cours de cette année, une demi-douzaine d’autres généraux et officiers supérieurs de l’Armée de Bretagne entendus spécifiquement sur ces questions (tableau 1), tandis que d’autres acteurs sont eux aussi interrogés sur le camp, parmi d’autres sujets : ainsi de Crémieux, de Glais-Bizoin, ou de Gambetta lui-même.
Tableau 1 – Responsables militaires ayant déposé devant la commission d’enquête (juillet 1871-juillet 1872)
Date | Personnes entendues par la commission | Fonctions à l’automne 1870 |
15 juillet 1871 | Général de Kératry | Général commandant de l’Armée de Bretagne |
19 juillet 1871 | Carré-Kérisouët | Commissaire-général de l’Armée de Bretagne |
3 août 1871 | Bidard | Maire de Rennes |
3 août 1871 | Général de Marivault | Général commandant de l’Armée de Bretagne à la suite de Kératry |
8 août 1871 | Général de Lalande | Général commandant les mobilisés d’Ille-et-Vilaine |
18 mai 1872 | Général de Vauguyon | Colonel, chef d’état-major de l’Armée de Bretagne |
11 juin 1872 | Général Gougeard | Général commandant la division de marche de l’Armée de Bretagne formée fin novembre 1870. |
6 juillet 1872 (2e audition) | Général de Kératry | Général commandant de l’Armée de Bretagne |
Tableau 1 – Responsables militaires ayant déposé devant la commission d’enquête (juillet 1871-juillet 1872)
19À ces auditions s’ajoutent toute une série de rapports, notes ou lettres reçues par la commission, certaines de ces notes ayant d’ailleurs été sollicitées par elle, souvent sur des sujets plus précis. Le rapport final, publié en 1873, contient par exemple une lettre envoyée par La Borderie au commandant Rabatel, officier au 7e régiment d’artillerie cantonné à Rennes, auquel il demande des informations très précises sur les positions des batteries le 11 janvier 1871 à La Tuilerie, sur le rôle tenu par ces pièces d’artillerie et par les mobilisés bretons [34]. Mais ce sont aussi des témoignages sur les travaux du génie de l’Armée de Bretagne, sur l’organisation de l’artillerie ou encore sur tel ou tel épisode que reçoit sous cette forme la commission.
Tableau 2 – Rapports, notes et lettres reçus par la commission d’enquête au sujet de Conlie (juillet 1871-juillet 1872)
Date | Auteurs des rapports, notes et lettres | Fonctions à l’automne 1870 |
2 août 1871 | Lettre du lieutenant-colonel de La Rochette | Commandant de la 2e légion des mobilisés de Loire-Inférieure |
Août 1871 | Rapport du lieutenant-colonel C. Ardin d’Elteil sur la brigade d’Ille-et-Vilaine à La Tuilerie. | Commandant de la 4e légion des mobilisés d’Ille-et-Vilaine |
Sd | Rapport du lieutenant-colonel Pelage de Coniac sur la 2e légion des mobilisés d’Ille-et-Vilaine | Commandant de la 2e légion des mobilisés d’Ille-et-Vilaine |
Sd | Rousseau, rapport sur les travaux du génie au camp de Conlie | Directeur du génie de l’Armée de Bretagne, élu député à l’Assemblée nationale |
11 avril 1872 | Colonel Jehenne | Commandant de la 2e légion des mobilisés de la Loire-Inférieure |
17 juillet 1872 | Colonel Jullien, note sur l’artillerie de l’Armée de Bretagne et la redoute de Tennie | Commandant de l’artillerie de l’Armée de Bretagne |
26 juillet 1872 | Lettre du lieutenant-colonel C. Ardin d’Elteil | Commandant de la 4e légion des mobilisés d’Ille-et-Vilaine |
15 janvier 1873 | Lettre du commandant de Rorthays | Commandant des éclaireurs à cheval de la Loire-Inférieure |
Tableau 2 – Rapports, notes et lettres reçus par la commission d’enquête au sujet de Conlie (juillet 1871-juillet 1872)
20Nombre des témoins auditionnés appuient leurs propos sur des pièces originales, rapports divers, télégrammes officiels, plans qui constituent une masse documentaire de première main, considérable, particulièrement utile. Elle souffre cependant d’un biais archivistique notable : seules ces sources ont été mobilisées, sans tenir compte de celles qui n’auraient pas été retenues par les personnes auditionnées qui cherchent aussi et surtout, en ces circonstances, à assurer leur propre défense, à se dédouaner du double échec que constituent Conlie et La Tuilerie.
21La masse documentaire ainsi rassemblée « à chaud », au nom de la commission d’enquête parlementaire, est de facto « confisquée » par La Borderie au moment de la rédaction du rapport final sur Conlie, à l’été 1872 [35]. Dans une lettre qu’il adresse le 7 août 1872 à Barthélemy Pocquet, co-directeur du Journal de Rennes, il dit avoir été depuis « le 6 ou 8 juillet, […] absorbé par le rapport de Conlie » [36]. Et de préciser :
[...] ce rapport qui ne me paraissait d’abord qu’une petite besogne, a fini par devenir fort gros et fort laborieux, surtout après la seconde déposition de Kératry (6 juillet) qui m’a laissé entre les mains une masse énorme de documents dont beaucoup fort curieux mais assez longs à dépouiller, débrouiller et mettre en œuvre.
23Autant que l’on puisse en juger par ces fonds légués aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, le chartiste procède avec méthode, en bon érudit : il classe les pièces par sujet, en s’appuyant notamment sur la presse locale bretonne dont il recopie des passages ; il en découpe soigneusement d’autres, les collant sur autant de petites fiches. En revanche, il ne s’appuie que très marginalement sur les témoignages et récits dont les publications se font de plus en plus nombreuses, que ce soit au sujet de Conlie, de l’Armée de Bretagne ou des combats de l’Ouest de la France. Les seuls ouvrages auxquels il se réfère – et encore, en toute fin de son rapport – sont celui du général Chanzy, consacré à la 2e Armée de la Loire, paru dès l’été 1871, dont la Revue de Bretagne et de Vendée a d’ailleurs rendu compte dès sa publication ou presque, et, plus brièvement, celui du général Gougeard [37].
24Que contient le rapport au final ? « Des choses réellement curieuses non seulement au point de vue breton mais général » confie La Borderie dans son courrier du 7 août 1872. L’argumentaire du député s’articule autour de trois points principaux. Le premier tient au choix de Conlie pour établir le camp de l’Armée de Bretagne et vise de ce fait plus particulièrement Kératry. Le deuxième concerne l’armement, insuffisant, trop ancien, trop tardif. L’argumentaire de La Borderie s’appuie sur moult chiffres et tableaux sur ce point, notant le décalage entre les promesses du gouvernement au commandant de l’Armée de Bretagne et la réalité des livraisons. Le troisième point concerne l’affaire de La Tuilerie, le 11 janvier 1871 : le député d’Ille-et-Vilaine cherche ici à disculper les mobilisés de son département, qui n’auraient pas lâché, au contraire de ce que mettent en avant Gambetta et Chanzy au lendemain de la défaite. Mais cette critique de l’action du ministre de l’Intérieur et de celui de la Guerre est en fait commune à chacun des points, constituant le fil directeur du rapport, comme La Borderie l’écrit à Barthélemy Pocquet en août 1872 : « j’arrive directement à accuser le gouvernement de Tours, spécialement Gambetta, de n’avoir pas voulu armer les Bretons alors qu’il pouvait le faire et d’avoir agi systématiquement de façon à désorganiser l’armée de Bretagne [38] ».
25La lecture de La Borderie est cependant largement orientée, doublement orientée, nous l’avons vu. Sans doute celle-ci est-elle trop largement bretonne tout d’abord, ce qui le conduit à faire totalement abstraction de la situation globale des armées françaises au lendemain des capitulations de Sedan puis de Metz, de la priorité donnée en matière d’armement à des troupes potentiellement plus efficientes que les mobilisés de Bretagne, en l’occurrence armée régulière et mobiles, y compris d’ailleurs les mobiles bretons [39]. Sa lecture est aussi trop orientée politiquement, s’en prenant à la presse « radicale » – comprendre ici gambettiste –, rejetant systématiquement les dépositions contraires à ce qu’il entend démontrer. Le général Gougeard, placé par Kératry à la tête des mobilisés du Morbihan, rappelle par exemple que « dire […] que la Bretagne a été livrée méchamment à l’ennemi par l’administration de la Guerre et de la Marine, c’est une grave exagération [40] ». Une nuance que La Borderie écarte, de même qu’il passe sous silence la dédicace que fait de son livre ce général, breton d’origine, à Gambetta [41].
26Rédigé courant 1872 pour l’essentiel – il sera marginalement complété courant 1873 –, annexé au procès-verbal de la séance du 22 décembre 1872 de l’Assemblée nationale, le rapport sur Conlie est publié à la fin de l’année 1873 : les quelque 180 pages de texte proprement dit sont complétées d’une vingtaine d’autres consacrées à une « note sur les armes » mais aussi et surtout une masse d’annexes, proposant au lecteur un volume de près de 550 pages au total, ces « matériaux indispensables aux chercheurs de l’avenir » qu’évoquera Camille Le Mercier d’Erm en 1937 [42].
Arthur de La Borderie et l’ancrage de l’affaire de Conlie dans le « roman régional/national breton »
27Le rapport d’Arthur de La Borderie sur Conlie n’est cependant pas un rapport comme les autres. Au contraire de la plupart des autres produits par la commission, à commencer par celui que signe le même La Borderie sur « la suspension du tribunal de La Rochelle », celui-ci fait rapidement l’objet de nouvelles éditions. Sous la plume de La Borderie lui-même, paraît ainsi en avril 1874 une édition « revue par l’auteur » corrigeant certaines erreurs typographiques notamment, « accompagnée de pièces justificatives », moins nombreuses cependant que dans le rapport initial, d’où les nombreux renvois aux annexes de « l’édition officielle », mais aussi « de documents nouveaux [43] ». S’y ajoute, au printemps 1874, une édition populaire, due aux Publications parlementaires de Paris-Journal, réduite à 126 pages, mais vendue 0,30 F seulement et donc accessible à un plus large lectorat [44].
28Rapidement, la presse bretonne se fait l’écho de ces publications qui contribuent à faire de Conlie l’« affaire » qu’elle n’était pas encore, ou qu’elle n’était plus. Dès janvier 1874, s’appuyant sur la version officielle du rapport de la commission, le très conservateur Courrier de Bretagne propose une analyse du rapport de La Borderie sous le titre très évocateur du « roman du camp de Conlie ». Et d’expliquer que
[...] si nous donnons au rapport qui vient d’être déposé au sujet des incidents qui ont signalé l’existence et les actes de l’armée de Bretagne pendant la guerre de 1870, le nom de Roman du camp de Conlie, c’est que jamais aucune histoire n’a enregistré pareilles étrangetés ; il faut en vérité que ce document soit revêtu de l’autorité qui s’attache aux pièces officielles et que la modération même et la sagesse des termes dans lesquels il est conçu soient incontestables pour que le lecteur ne rejette pas le volume en le traitant de pur conte [45].
30Quelques jours plus tard, la même feuille considère qu’il « ressort des témoignages entendus que M. Gambetta n’a paralysé les efforts de M. de Kératry qu’avec l’arrière-pensée de sacrifier les Bretons, qu’il supposait ennemis de la République [46] ». Et si Conlie devient aussi, quelques mois après la chute de Thiers, un élément de la petite politique versaillaise, des jeux de pouvoir au sein de l’Assemblée nationale et entre Assemblée et gouvernement, l’affaire gagne en importance en Bretagne du fait des retards pris par la discussion du rapport par les députés [47]. En février 1874, ainsi que le rapporte le Courrier de Bretagne, « certains impatients s’indignent qu’il ne soit donné sur l’heure aucune suite au rapport sur le camp de Conlie ». Même s’il n’y a « rien d’extraordinaire dans ce retard » rappelle le journal le 7 février, M. de Kerdrel, « qui prendra la parole au nom des cinq départements bretons, […] attend le moment de parler avec une vive impatience [48] ». Le même insiste, deux semaines plus tard, sur le fait que « les députés du Morbihan ont reçu un grand nombre de lettres pressant de demander la mise à l’ordre du jour du rapport de M. de la Bouillerie [sic] sur le camp de Conlie [49] ». Le 9 mars, les députés de Bretagne se réunissent « pour examiner les conclusions du rapport », indique le journal : « après une délibération fort longue, on aurait décidé de proposer en séance publique une motion qui ferait l’assemblée juge de la question [50] ». Dans le même temps, le général de Kératry, « croyant devoir réclamer justice pour ses compatriotes », adresse au président de l’Assemblée « une pétition fortement motivée » demandant à ce que la chambre prenne « en considération une proposition déclarant que “M. Gambetta a sacrifié les intérêts de la Défense nationale à ses desseins politiques” ». Au même moment, paraît, de manière séparée, la déposition du général de Marivault, remontant pourtant à août 1871 tandis que Louis Foucqueron publie de manière anonyme son témoignage, quant à lui ouvertement hostile à La Borderie [51]. Rien ne se passe pourtant : en février 1875, une nouvelle pétition de mobilisés bretons protestant « contre la flétrissure que M. Gambetta leur avait infligée, en les accusant d’avoir, par leur lâcheté, fait perdre la bataille du Mans » rejoint celles qui l’ont précédée pour être « discutées avec le rapport de M. de La Borderie sur le camp de Conlie », qui ne l’a toujours pas été donc.
31En fait, après l’excitation de 1874-1875, l’« affaire » fait « pschitt » : la fièvre retombe rapidement, et il n’est plus guère question de Conlie dans la presse. On peut y voir la double conséquence du vote des lois constitutionnelles instituant la IIIe République et de la républicanisation croissante de l’électorat breton ainsi qu’en témoignent les résultats des élections législatives du printemps 1876 [52]. L’étude de la presse morbihannaise illustre pour une part ce progressif désintérêt. Dans le Courrier de Bretagne, pourtant très virulent sur ce terrain dans les mois précédents, les allusions à Conlie tendent à s’estomper dès le milieu de l’année 1875. Il n’en est plus alors question que très sommairement, pour rappeler la participation de tel ou tel vétéran à l’affaire en 1870-1871, ou encore pour faire de Gambetta « l’homme de Conlie », sans autre précision d’ailleurs. Ni le dixième anniversaire de la guerre, ni la mort de Gambetta en 1882 ne sont d’ailleurs l’occasion de revenir sur les événements de 1870-1871.
Tableau 3 – Mentions de Conlie faites dans le Courrier de Bretagne (1871-1882)
Années | Allusions à Conlie |
1871 | 12 |
1872 | 4 |
1873 | 2 |
1874 | 10 |
1875 | 4 |
1876 | 1 |
1877 | 2 |
1878 | – |
1879 | – |
1880 | – |
1881 | 1 |
1882 | – |
Tableau 3 – Mentions de Conlie faites dans le Courrier de Bretagne (1871-1882)
32Et s’il fallait ne retenir qu’un seul autre exemple de ce désintérêt relatif pour Conlie, y compris au sein de la droite catholique bretonne, le discours de l’abbé Morelle, vicaire général honoraire, lors de l’inauguration du monument aux morts de la guerre de 1870-1871 à Saint-Brieuc en juillet 1892, en offre un des plus significatifs : alors que tous les récits de la cérémonie laissent entendre que les relations entre les autorités civiles républicaines et le clergé sont particulièrement tendues, l’ecclésiastique célèbre bien plus l’action des mobiles des Côtes-du-Nord, des anciens zouaves pontificaux ou encore des mobilisés de la division Gougeard qu’il ne dénonce, brièvement, les conditions du camp de la Sarthe [53].
33Notons, enfin, que le très prolifique auteur qu’est Arthur de La Borderie lui-même ne publie plus rien sur Conlie après 1874 : l’ouvrage issu du rapport parlementaire est la seule référence consacrée à ce sujet dans son immense bibliographie. La Revue de Bretagne et de Vendée elle-même, qu’il dirige jusqu’à sa mort en 1901, n’aura au final consacré qu’un seul article à ce sujet, en fait un extrait inédit de l’ouvrage de son directeur-député devant paraître quelques jours plus tard, occasion aussi et surtout de dénigrer un adversaire politique breton, Alexandre Glais-Bizoin, ex-ministre du gouvernement de la Défense nationale [54].
34L’activisme, très momentané, de La Borderie autour de Conlie aura finalement eu, à moyen terme, un double effet en apparence paradoxal [55]. Il aura tout d’abord sans doute largement contribué à l’effacement de la mémoire régionale d’autres épisodes de la guerre de 1870-1871, plus glorieux notamment, à l’instar de celui de la Légion bretonne ou de l’action des mobiles bretons, à Paris ou ailleurs [56]. Il est vrai que ces épisodes ne prêtent ni à la dénonciation du gouvernement de la Défense nationale, ni à la mise en avant d’une posture victimaire de la Bretagne. Il aura ensuite pour une part conduit aussi à l’effacement, dans cette mémoire régionale, de l’épisode de Conlie, la mémoire de l’événement se trouvant, pour un temps au moins, trop connotée politiquement dans une Bretagne qui se républicanise. Si l’inventaire des publications locales sur la guerre 1870-1871 au cours de la période 1880-1914 reste à faire avec précision, l’impression première est celle d’une progressive « sarthisation » de la mémoire : c’est en Sarthe que les publications de récits, mémoires ou analyses se font, autour de la bataille du Mans entre autres, bien plus qu’en Bretagne. De manière très révélatrice, les cérémonies organisées à Conlie en mai 1913 à l’occasion de l’édification d’un monument commémoratif passent presque totalement inaperçues en Bretagne [57].
35Il faut en fait attendre l’entre-deux-guerres pour assister à la résurgence d’une mémoire spécifiquement bretonne de Conlie. Cette résurgence est à mettre en parallèle avec l’affirmation, pour l’essentiel à compter des années 1900-1914, et plus encore à partir de 1919, d’un mouvement régionaliste voire nationaliste breton, de moins en moins centré sur le seul domaine culturel – le bretonisme qu’avait incarné notamment La Borderie [58] – et de plus en plus politique. C’est cette évolution qu’incarnent par exemple les artistes Jeanne Malivel et René Yves Creston, tous deux membres du groupe des Seiz Breur, à qui l’on doit notamment des gravures représentant Conlie, illustrant des ouvrages consacrés à l’histoire de Bretagne [59]. C’est cette évolution qu’incarne, aussi et surtout, Camille Le Mercier d’Erm, membre fondateur du premier Parti nationaliste breton en 1911, très influent auprès de la nouvelle génération de militants bretons qui s’affirme après 1919, participant de la dérive du mouvement nationaliste à la fin des années 1930 et durant la Seconde Guerre mondiale. Écrivains et artistes contribuent très largement à l’ancrage d’une lecture essentiellement « victimaire » de Conlie, dans la suite de la lecture d’ailleurs faite par ce même Emsav de la Grande Guerre, celle d’une Bretagne éternelle sacrifiée aux intérêts de la France [60].
36La parution, en 1937, de l’ouvrage que Camille Le Mercier d’Erm consacre à Conlie ne se comprend qu’ainsi [61] ; son succès relatif aussi, dans une Bretagne qui a pour une part oublié l’épisode [62]. La lecture de l’événement proposée par La Borderie 60 ans plus tôt s’en trouve du même coup largement remise en cause ou, pour le moins, poussée à l’extrême : certes, Gambetta est toujours dépeint comme le principal artisan d’une entreprise visant sciemment à empêcher l’Armée de Bretagne d’agir ; désormais cependant, c’est parce que le général de Kératry, à la tête d’une « armée de chouans », au nom du « grand rêve de liberté qui depuis quatre siècles sommeille confusément au fond de l’âme bretonne », ambitionne de faire de cette armée l’instrument de visées non plus monarchistes mais séparatistes que le gouvernement de la Défense nationale a agi comme il l’a fait [63]. À nouveau contexte politique, nouvelles interprétations…
37« Habitant d’Angers depuis trois ans, le 24 avril 1881, je suis allé par hasard à la bibliothèque de la Ville » explique F. Guilbaud, ancien commandant du 1er bataillon de la 4e légion d’Ille-et-Vilaine, dans l’avant-propos du livre qu’il publie la même année sur « l’affaire de la Tuilerie [64] ». Et de poursuivre :
Là, j’ai vu un assez gros volume intitulé : Rapport fait au nom de la Commission d’enquête sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale, par M. A. de La Borderie, membre de l’Assemblée nationale, tome V, 1873.
Cet ouvrage avait un puissant intérêt pour moi, je l’ai donc lu attentivement et ce n’est pas sans éprouver un serrement au cœur, une profonde tristesse que j’y ai trouvé les dépositions de nos chefs du camp de Conlie […]. De la lecture de ce rapport officiel ainsi que des pièces qui font suite, il résulte que la vérité tout entière n’ayant pas été sue, n’a pu être écrite.
40Le témoignage de F. Guilbaud est particulièrement intéressant, tant en ce qu’il dit de l’impact immédiat – plus limité sans doute qu’on ne pourrait le penser à la lecture de la seule presse – du rapport d’Arthur de La Borderie à sa parution, en 1873-1874, y compris parmi les vétérans bretons de 1870-1871, que pour ce qu’il révèle de l’importance qu’il a eue dans la fixation de la mémoire à moyen et long terme. C’est d’ailleurs en puisant « de précieux renseignements dans le rapport de la Commission d’enquête sur les actes de la Défense nationale » que le Dr Robert Gestin, médecin des mobilisés du Finistère, promu médecin-chef de la division de marche aux ordres du général Gougeard, rédige ses Souvenirs de l’Armée de Bretagne plus de 35 ans après les faits [65]. Il y loue entre autres la solidité du travail effectué : « la Commission parlementaire d’enquête de 1871, qui a consulté tous les documents publiés à l’époque et recueilli les témoignages et les dépositions des acteurs des événements du 11 janvier, a fait, avec autant de justesse que de modération, les parts dans la responsabilité de notre défaite » estime-t-il entre autres [66].
41Ainsi, des premières publications qui succèdent aux siennes au plus récent article consacré à Conlie sur Wikipédia, le texte rédigé en 1872-1874 par Arthur de La Borderie reste la référence principale des travaux portant sur l’Armée de Bretagne. Une référence trop rarement questionnée cependant, nous l’avons vu, notamment dans ses objectifs, politiques surtout, plus ou moins clairement affichés. « Je ne sais pas si, en dehors de la commission d’enquête de 1871, des voix se sont élevées pour défendre les Bretons, accusés par le général Chanzy d’avoir causé la débâcle du Mans » écrit, de manière fort révélatrice, le Dr Gestin [67]. Car « défendre les Bretons », mais aussi remettre en cause l’œuvre du gouvernement de la Défense nationale, tel est bien l’objectif du rapport La Borderie en particulier, des travaux de la Commission d’enquête en général, bien plus que de tenter de comprendre, de chercher à expliquer.
42Négligeant par trop cette dimension, s’en accommodant ou la taisant aussi et surtout, une large part de l’historiographie consacrée à la Bretagne en 1870-1871, et plus encore à l’Armée de Bretagne et à Conlie, s’en trouve pour le moins fragilisée. Elle offre en effet une vision tronquée des événements, donnant au camp sarthois une place sans rapport avec son rôle réel dans la guerre : l’« hypertrophie mémorielle » que constitue Conlie, due pour une bonne part aux travaux d’Arthur de La Borderie entre 1871 et 1874, est venue ici comme effacer, à tout le moins estomper, l’histoire.
43Sans doute conviendrait-il, 150 ans après les faits, de redonner toute sa place à l’histoire, d’extraire Conlie et La Tuilerie du carcan du militantisme régionaliste voire nationaliste. En un mot, de sortir en ce domaine de l’ère « La Borderie », comme a pu le faire, non sans mal, l’histoire médiévale de la Bretagne [68].
Notes
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[1]
La commune de Conlie se trouve dans la Sarthe, à environ 20 km au nord-ouest du Mans, à mi-distance entre cette ville et Sillé-le-Guillaume. Par métonymie, dans tout l’article, « Conlie » désigne en fait le camp de Conlie établi à la fin de novembre 1870.
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[2]
Le Mercier d’Erm, Camille, L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne, 1870-1871, Dinard, À l’enseigne de l’Hermine, 1937, p. XII.
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[3]
Ibid.
-
[4]
Ibid.
-
[5]
Notons cependant la relative exception que constituent les articles de Rebillon, Armand, « À propos du livre de M. Le Mercier d’Erm : L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne », Annales de Bretagne, 1937, p. 450-462 et de Tanguy, Jean-François, « La Bretagne entre conquête républicaine et intégration nationale (1870-1914) », ABPO, 2004-4, p. 71-96.
-
[6]
Foucqueron, Louis, L’Armée de Bretagne par un volontaire, Paris, Le Chevalier, 1874, p. 87.
-
[7]
Notons que si son œuvre d’érudit a fait l’objet de nombreuses études et publications, ses engagements politiques n’ont pas fait l’objet de la même attention. Signalons cependant Denis, Michel, « Arthur de La Borderie, inspirateur du nationalisme breton ? », Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2002, p. 191-208 et Guiomar, Jean-Yves, « Le bretonisme, une expression de la droite française », in Lagrée, Michel et Sainclivier, Jacqueline (dir.), L’Ouest et le politique, Mélanges offerts à Michel Denis, Rennes, PUR, 1996, p. 129-140.
-
[8]
Guiomar, Jean-Yves, « Le bretonisme, une expression de la droite française… », art. cité, p. 129.
-
[9]
Sur l’abondante bibliographie d’Arthur de La Borderie, voir Kerviler, René, Dictionnaire de bio-bibliographie bretonne, Rennes, Plihon et Hervé, 1888, p. 350-392. À ces quelque 40 pages de références, il conviendrait d’ajouter les 140 ouvrages, préfaces, articles, comptes rendus dus à l’historien breton recensés par Lebeau, Bernard, « Complément à la bibliographie d’Arthur de La Borderie établie par René Kerviler », Bulletin et Mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2002, p. 297-318 pour la seule période allant de 1891 à 1901.
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[10]
Sur ce point, voir Goallou, Henri, L’évolution politique de l’Ille-et-Vilaine du 2 décembre 1851 au 5 janvier 1879, Thèse dact., Rennes 2, 1970, p. 537-538. Arthur de La Borderie est élu avec une confortable avance face au maire bonapartiste de Vitré, Thomas de La Plesse, qui n’obtient que 891 voix contre 1 895 au nouveau conseiller général.
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[11]
Journal d’Ille-et-Vilaine, 6 mars 1875.
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[12]
Parmi ceux qui s’engagent, citons Carron de La Carrière, de La Villegontier, Le Gonidec de Traissan qui servent comme officiers dans la garde mobile d’Ille-et-Vilaine. C’est aussi le cas de républicains, à l’instar d’Alfred Le Bastard ou de Martin-Feuillée (Goallou, Henri, L’évolution politique de l’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 738).
-
[13]
Journal de Rennes, 7 septembre 1870.
-
[14]
La Borderie, Arthur de, « Une page d’histoire », Revue de Bretagne et de Vendée, déc. 1870, p. 485.
-
[15]
Ibid., p. 489.
-
[16]
Le Gouvello, Hippolyte, « Études biographiques. M. Henri de Bellevue, capitaine des zouaves pontificaux », Revue de Bretagne et de Vendée, mars 1871, p. 169-187 ; Dubois, Lucien, « Propos d’un assiégé. Les Bretons au siège de Paris », Revue de Bretagne et de Vendée, déc. 1870, p. 474-480 et février 1871, p. 89-105 ; Le Jean, J.-M., « Chant aux guerriers de la Basse-Bretagne en l’année 1870 », Revue de Bretagne et de Vendée, nov. 1870, p. 386-390.
-
[17]
Il est vrai que l’identification des articles de La Borderie est compliquée par le fait qu’il se dissimule derrière de nombreux pseudonymes : Yves ou Yan Le Pennec, Pol Ervoan, Foulques Le Roux, ou encore Jean De Kermalo. C’est d’ailleurs d’un autre de ces pseudonymes qu’il signe l’un des premiers articles qu’il publie après la fin des troubles liés à la guerre et à la Commune : de Kermalo, L., « Le général Trochu devant l’Assemblée nationale », Revue de Bretagne et de Vendée, juillet 1871, p. 76-79.
-
[18]
Sur ce point, voir Le Lous, Ronan, Procès-verbaux des comités de défense de l'Ouest (1870-1871), mémoire de maîtrise, Rennes 2, 2003, p. 18-37.
-
[19]
[Foucqueron, Louis], L’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 87-88.
-
[20]
La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne. Rapport fait à l’Assemblée nationale par Arthur de La Borderie, député d’Ille-et-Vilaine, Paris/Nantes, Plon/Forest et Grimaud, 1874, p. 6-7.
-
[21]
Sur ce point, voir Freycinet, Charles de, La guerre en province pendant le siège de Paris, 1870-1871, Paris, Michel Lévy frères, 1871, p. 52-53.
-
[22]
Dans son édition du 25 janvier 1871, Le Courrier de Bretagne évoque par exemple la situation des mobilisés du Morbihan qui ont été dirigés vers Saint-Brieuc : « la vue de ces hommes révèle assez tout ce qu’ils ont dû y souffrir des rigueurs de la saison, à laquelle ils ont été livrés pour ainsi dire sans défense » y lit-on. Il convient cependant de remarquer que La Borderie lui-même note dans son rapport que « la nourriture des soldats a toujours été, à Conlie, régulièrement distribuée, de bonne qualité et abondante », par ailleurs que « l’état sanitaire n’était pas mauvais ». Il relève 143 morts, dont 88 de variole, bien moins que dans les armées du temps au sein desquelles les décès liés aux combats et à leurs conséquences sont souvent moins nombreux que ceux dus aux maladies (La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 65-66).
-
[23]
La dépêche est citée par La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 165-166. On reproche aussi et surtout au ministère de l’Intérieur de ne pas avoir donné la même publicité à une autre dépêche du 11 janvier, signée de Chanzy. Celle-ci précise entre autres que « le général Gougeard, qui a eu son cheval percé de six balles, a montré la plus grande vigueur et les troupes de Bretagne ont puissamment contribué à conserver [la] position importante [du plateau d’Auvours] ».
-
[24]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 25 janvier 1871.
-
[25]
L’Avenir, 26 janvier 1871.
-
[26]
Notons que le comte de Falloux et le général de Charette, sollicités, ont décliné l’invitation qui leur était faite de figurer sur cette liste (Goallou, Henri, L’évolution politique de l’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 749).
-
[27]
Goallou, Henri, L’évolution politique de l’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 758.
-
[28]
Annales de l’Assemblée nationale. Annexes, tome IV, Paris, Imprimerie du Journal officiel, 1871, p. 3.
-
[29]
Sur ce point, voir Lallie, Alfred, « La Borderie à l’Assemblée nationale », Revue de Bretagne et de Vendée, 1901, p. 194-197.
-
[30]
Parmi ses membres, figure aussi le général d’Aurelle de Paladines, commandant de l’Armée de la Loire, jugé responsable de l’échec devant Orléans, démis pour ces raisons en décembre 1870 par le gouvernement de Défense nationale et remplacé par le général Chanzy. Député monarchiste de l’Allier, il n’est sans doute pas, lui non plus, le plus impartial des enquêteurs.
-
[31]
Une quinzaine de rapports sont envisagés au total. Si certains ont un objet a priori cohérent au regard des objectifs affichés par la commission, près de la moitié d’entre eux ont une ambition strictement locale, liée sans doute à la personnalité de tel ou tel de ses membres. Ainsi, par exemple, du rapport sur les événements de Lyon.
-
[32]
Freycinet, Charles de, La guerre en province…, op. cit., p. 63-64. Il précise sur ces derniers que « leur situation géographique, leur proximité de la mer et leur éloignement du théâtre des hostilités, les avaient fait choisir. Les autres camps, purement d’instruction, ne devaient point être fortifiés et contenaient seulement 60 000 hommes ».
-
[33]
La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 246 et 247.
-
[34]
Rapport fait au nom de la Commission sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale par M. A. de La Borderie, membre de l’Assemblée nationale. Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne. Annexes, Versailles, Cerf et fils, 1873, p. 272-273.
-
[35]
C’est la raison pour laquelle une bonne partie de ces documents sont aujourd’hui conservés aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine, sous les cotes 1 F 1093-1096, 1 F 1098, 1 F 1102-1103.
-
[36]
Pocquet du Haut-Jussé Barthélemy, Correspondance politique de Barthélemy Pocquet, rédacteur du Journal de Rennes, 1848-1878, Paris, Klincksieck, 1976, p. 148. Il poursuit en indiquant : « je suis venu à bout de mettre sur pied la première partie (qui a rapport à la première période de Conlie et au commandement de Kératry). Je tenais à la soumettre à la commission avant nos vacances afin de savoir si elle acceptait mon plan, mes conclusions et afin de pouvoir, en conséquence, terminer le travail pendant les vacances de manière à le livrer à l’impression à la rentrée de l’Assemblée ».
-
[37]
Chanzy, Antoine (général), Campagne de 1870-1871.La Deuxième Armée de la Loire, Paris, Plon, 1871, dont un compte rendu a été fait par La Gournerie, Eugène de, « La guerre de 1870-1871 », Revue de Bretagne et de Vendée, sept. 1871, p. 194-205 et oct. 1871, p. 249-263. Gougeard, Auguste (général), Deuxième Armée de la Loire. Division de l’Armée de Bretagne, Paris, Dentu, 1871. Il s’appuie aussi, ponctuellement, sur des ouvrages allemands : von Blume, Wilhelm, Opérations des armées allemandes depuis la bataille de Sedan, d’après les documents officiels du Grand Quartier-général, Paris, Dumaine, 1872 et Rüstow, Wilhelm, Guerre des frontières du Rhin, 1870-1871, Paris, Dumaine, 1871.
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[38]
Pocquet du Haut-Jussé, Barthélemy, Correspondance politique…, op. cit., p. 148.
-
[39]
Voir, sur ce point, [Foucqueron, Louis], L’Armée de Bretagne par un volontaire…, op. cit., p. 89-93, ou Freycinet, Charles de, La guerre en province…, op. cit., p. 50-58. De manière très révélatrice, les mobiles bretons sont armés sans retard, signe que la question n’est pas tant celle de l’origine géographique de ces troupes que du moment auquel elles sont levées, de leurs capacités potentielles, de leur ministère de rattachement aussi : au cours de l’été 1870, il a été décidé que les troupes de ligne et gardes nationales mobiles relèveraient de la Guerre et seraient dotées de fusils se chargeant par la culasse, des Chassepot pour l’essentiel, tandis que les gardes nationales mobilisées et sédentaires relèveraient de l’Intérieur et ne pourraient, à ce titre, recevoir que des armes plus anciennes, des fusils se chargeant par le canon.
-
[40]
Rapport fait au nom de la Commission sur les actes du Gouvernement de la Défense nationale par M. A. de La Borderie, Annexes…, op. cit. p. 77-78.
-
[41]
Gougeard, Auguste (général), Deuxième Armée de la Loire…, op. cit. « C’est [Gambetta] qui, dans nos malheurs, a su conserver intact l’honneur de la France ; c’est grâce à lui qu’elle peut espérer reprendre un jour le rang qu’elle a perdu » écrit le général lorientais au printemps 1871.
-
[42]
Le Mercier d’Erm, Camille, L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. XII.
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[43]
La Borderie, Arthur de, Le camp de Conlie et l’Armée de Bretagne…, op. cit. Notons que de larges extraits en avaient déjà été publiés quelques mois auparavant par Kératry, Émile de, Armée de Bretagne, 1870-1871. Dépositions devant les commissions d’enquête de l’Assemblée nationale avec carte à l’appui, Paris, Lacroix, 1873, afin d’assurer sa défense.
-
[44]
Dans une lettre qu’il adresse le 9 avril 1874 au rédacteur de Paris-Journal, La Borderie lui demande de « vouloir bien porter à la connaissance de vos lecteurs [que] je suis entièrement étranger à [cette] édition », quand bien même « j’apprécie les excellentes intentions de cette feuille » (Kerviler, René, Dictionnaire de bio-bibliographie…, op. cit., p. 375).
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[45]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 3 janvier 1874.
-
[46]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 7 janvier 1874. Dans son édition du 10 janvier 1874, le journal reprend un article de Saint-Genest qui se termine sur une question, savoir si Gambetta « n’est pas le vrai Bazaine de l’armée de Conlie ».
-
[47]
Le Courrier de Bretagne signale par exemple que « comme riposte à [l’]interpellation [des partisans de Thiers sur la loi sur les maires], le gouvernement fera demander par ses amis la mise immédiate à l’ordre du jour des conclusions du rapport sur le camp de Conlie » (Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 31 janvier 1874).
-
[48]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 7 février 1874.
-
[49]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 21 février 1874.
-
[50]
Le Courrier de Bretagne. Journal des intérêts généraux du Morbihan, 14 mars 1874.
-
[51]
Marivault de (général), Déposition de M. le général de Marivault. Extrait des documents de l’enquête parlementaire sur les actes du gouvernement de la Défense nationale, Toulon, L. Laurent, 1874 ; [Foucqueron, Louis], L’Armée de Bretagne par un volontaire…, op. cit. Celle du général de Kératry avait été publiée courant 1873 (Kératry, Émile de, Armée de Bretagne, 1870-1871…, op. cit.), cette publication, prévue en mars 1872, ayant été repoussée à la demande de Thiers.
-
[52]
Ainsi que le rappellent Bourguinat, Nicolas et Vogt, Gilles, La guerre franco-allemande de 1870. Une histoire globale, Paris, Flammarion, 2020, p. 368-369, le nouveau contexte politique, suite à l’adoption des lois constitutionnelles, influence probablement l’ensemble des travaux de la commission d’enquête : tout en chargeant les gambettistes – que l’on ne prit cependant jamais le risque de traduire devant une cour quelconque pour leur action –, il s’agit désormais de ne pas insulter l’avenir en se montrant conciliant avec les républicains les plus modérés, en épargnant notamment Jules Favre ou Jules Simon.
-
[53]
Inauguration du monument des victimes de la guerre. Discours prononcé à la cathédrale de Saint-Brieuc par l’Abbé Morelle, vicaire général honoraire, secrétaire particulier de Monseigneur l’Évêque, le 10 juillet 1892, Saint-Brieuc, Prud’homme, 1892.
-
[54]
[La Borderie, Arthur de], « M. Glais-Bizoin au camp de Conlie », Revue de Bretagne et de Vendée, 1874, p. 238-255. En revanche, d’autres articles de la revue sont consacrés à la guerre de 1870-1871, signe que ce n’est pas le conflit, mais bien Conlie qui tombe dans un oubli au moins relatif.
-
[55]
Notons d’ailleurs que cet « activisme » s’étiole alors que l’amendement Wallon, contre lequel La Borderie a voté, est adopté en janvier 1875. Dans les mois qui suivent, il s’abstient lors du vote des lois constitutionnelles. En tête après le premier tour des législatives de 1876 dans la circonscription de Vitré, Arthur de La Borderie se retire cependant au second tour face à la concurrence d’un légitimiste plus « pointu », le comte Olivier Le Gonidec de Traissan. Il met fin alors à une carrière politique entamée en 1861.
-
[56]
Il faut, par exemple, attendre la publication de des Cognets, Charles, Les francs-tireurs de l’Armée oubliée, Rennes, PUR, 2017, pour que l’histoire de la Légion bretonne soit enfin éclairée.
-
[57]
Si l’on trouve bien une référence aux publications de Paul Taillez dans Le Morbihannais, les autres titres de la presse morbihannaise restent silencieux. L’Ouest-Éclair n’en souffle mot, pas plus que Le Moniteur des Côtes-du-Nord, le principal journal de ce département.
-
[58]
Sur ce point, voir Guiomar, Jean-Yves, Le bretonisme. Les historiens bretons au xixe siècle, Rennes, SHAB/PUR, 2019 [2e éd.].
-
[59]
Coroller-Danio, Jeanne, Histoire de notre Bretagne, Dinard, À l'Enseigne de l'Hermine, 1922 et 1932.
-
[60]
À ce sujet, voir Guyvarc’h, Didier et Lagadec, Yann, La Grande Guerre des Bretons. Images et histoire, Rennes, PUR, 2013, p. 178-182. C’est dans ce contexte qu’il faut ainsi replacer l’émergence du mythe des 240 000 morts bretons de la Grande Guerre, un nombre sans rapport avec les quelque 135 000 victimes du conflit dans les cinq départements de la Bretagne historique.
-
[61]
Le Mercier D’Erm, Camille, L’étrange aventure de l'Armée de Bretagne…, op. cit.
-
[62]
C’est ce que le laisse entendre L’Ouest-Éclair qui parle alors d’« une page oubliée » de l’histoire de Bretagne (L’Ouest-Éclair, 3 décembre 1937). On trouve la même allusion à cette « page oubliée » dans le Journal de Pontivy, 23 janvier 1938. La chose demanderait cependant à être pour une part nuancée : en juillet 1937, lors d’une cérémonie religieuse qui réunit quelque 100 000 pèlerins à Sainte-Anne d’Auray, Mgr Duparc, évêque de Quimper, compare la situation de la Grande Guerre à celle de 1870 : « en 14, nous avons senti qu’on ne nous conduisait pas au camp de Conlie » affirme-t-il (L’Ouest-Éclair, 29 juillet 1937).
-
[63]
Le Mercier d’Erm, Camille, L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne…, op. cit., p. 139. Armand Rébillon, professeur d’histoire à l’université de Rennes, à qui Camille Le Mercier d’Erm a dédicacé son ouvrage, en fait une critique acerbe dans les Annales de Bretagne en 1937 : « À propos du livre de M. Le Mercier d’Erm : L’étrange aventure de l’Armée de Bretagne », Annales de Bretagne, 1937, p. 450-462.
-
[64]
Guilbaud, F., Les mobilisés d’Ille-et-Vilaine. La vérité sur l’affaire de la Tuilerie à la bataille du Mans en 1871. Rectification à divers documents notamment à l’ouvrage du général Chanzy, La deuxième Armée de la Loire, Angers, Lachèse et Dolbeau, 1871, p. 5-6.
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[65]
Gestin, Robert, Souvenirs de l’Armée de Bretagne (1870-71), Brest, Le Borgne, 1908, p. 9-10.
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[66]
Ibid., p. 157.
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[67]
Gestin, Robert, Souvenirs…, op. cit., p. 137. Encore ne le fait-elle qu’imparfaitement à en croire F. Guilbaud, qui « regrette bien de n’avoir eu que si tardivement l’occasion de lire le rapport de M. de La Borderie » (Guilbaud, F., Les mobilisés d’Ille-et-Vilaine…, op. cit., p. 52).
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[68]
Voir, sur ce point, entre autres, les contributions de Joëlle Quaghebeur ou Jean-Christophe Cassard au colloque « Centenaire de la mort d’Arthur de La Borderie », Bulletins et mémoires de la Société archéologique et historique d’Ille-et-Vilaine, 2002.