Couverture de ANNA_681

Article de revue

Quelle langue parlait Toussaint Louverture ?

Le mémoire du fort de Joux et les origines du kreyòl haïtien

Pages 109 à 132

Notes

  • [*]
    Cet article est accompagné d’un dossier documentaire accessible sur le site de la revue (annales.ehess.fr), rubrique « Compléments de lecture ».
  • [1]
    Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture. Un révolutionnaire noir d’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1989, p. 554.
  • [2]
    Dans cet article, le terme « kreyòl » désigne la langue afro-européenne des colonies françaises, tandis que « créole » désigne les personnes nées aux Amériques.
  • [3]
    Pour un rare exemple d’utilisation du « langage guinéen », voir Michel Étienne DESCOURTILZ, Voyage d’un naturaliste et ses observations, Paris, Dufart, 1809, vol. 3, p. 245.
  • [4]
    Beaubrun ARDOUIN, Études sur l’histoire d’Haïti, suivies de la vie du général J.-M. Borgella, vol. 5, 1801-1803, Paris, Dézobry et E. Magdeleine, 1854, p. 318.
  • [5]
    Bibliothèque nationale de France (BNF), ms. NAF 6864, Isaac LOUVERTURE, « Origine de Toussaint-Louverture racontée par Isaac Louverture », vers le 15 févr. 1819 ; Antoine MÉTRAL, Histoire de l’expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon Bonaparte (1802-1803), suivie des mémoires et notes d’Isaac Louverture, Paris, Karthala, [1825] 1985, p. 326.
  • [6]
    Sur les origines françaises du kreyòl, voir Jules FAINE, Philologie créole. Études historiques et étymologiques sur la langue créole d’Haïti, Port-au-Prince, Impr. de l’État, 1936 ; Albert VALDMAN, Le créole. Structure, statut et origine, Paris, Klincksieck, 1978, p. 386. Sur les origines africaines du kreyòl, voir Suzanne SYLVAIN, Le créole haïtien. Morphologie et syntaxe, Wetteren/Port-au-Prince, Impr. De Meester/l’auteur, 1936 ; John A. HOLM, Pidgins and Creoles, Cambridge, Cambridge University Press, 1988-1989, 2 vol. Sur les origines franco-africaines du kreyòl, voir Robert A. HALL, Pidgin and Creole Languages, Ithaca, Cornell University Press, 1966 ; Michel DEGRAFF, « Haitian Creole », in J. A. HOLM et P. L. PATRICK (dir.), Comparative Creole Syntax : Parallel Outlines of 18 Creole Grammars, Londres, Battlebridge, 2007, p. 101-126, en particulier p. 123. Pour une vision du kreyòl comme langue simplifiée, voir Derek BICKERTON, Roots of Language, Ann Arbor, Karoma, 1981. Sur le pidgin originel, voir Morris F. GOODMAN, A Comparative Study of Creole French Dialects, La Haye/Londres/Paris, Mouton, 1964, p. 130 ; Gwendolyn Midlo HALL, Africans in Colonial Louisiana : The Development of Afro-Creole Culture in the Eighteenth Century, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1992, p. 190.
  • [7]
    Deborah JENSON, Beyond the Slave Narrative : Politics, Sex, and Manuscripts in the Haitian Revolution, Liverpool, Liverpool University Press, 2012 ; Daniel DESORMEAUX (éd.), Mémoires du général Toussaint Louverture, Paris, Classiques Garnier, 2011.
  • [8]
    Marie-Christine HAZAE¨L-MASSIEUX, Textes anciens en créole français de la Caraïbe. Histoire et analyse, Paris, Publibook, 2008, p. 23.
  • [9]
    Justin GIROD-CHANTRANS, Voyage d’un Suisse dans différentes colonies d’Amérique pendant la dernière guerre, Neuchâtel, Impr. de la Société typographique, 1785, p. 189-191.
  • [10]
    Library Company of Pennsylvania, Du Simitière Collection, 968. F.9, Pierre Eugène du SIMITIÈRE, « Vocabulaire créole », années 1770 environ.
  • [11]
    Médéric Louis Élie MOREAU DE SAINT-MÉRY, « Patois expressif », Description topographique et politique de la partie espagnole de l’isle Saint-Domingue, Philadelphie, l’auteur, 1796, vol. 1, p. 64-67 et, pour la chanson, p. 66 ; George LANG, « A Primer of Haitian Literature in Kreyòl », Research in African Literatures, 35-2, 2004, p. 128-140, ici p. 131.
  • [12]
    D. JENSON, Beyond the Slave Narrative..., op. cit., p. 238.
  • [13]
    Aletha STAHL, « ‘Enfans de l’Amérique’ : Configuring Creole Citizenship in the Press, 1793 », Journal of Haitian Studies, 15-1/2, 2009, p. 168-179, ici p. 171.
  • [14]
    S. J. DUCŒURJOLY, Manuel des habitans de Saint-Domingue, Paris, Arthus-Bertrand, [1802] 1803, vol. 1, p. VI et vol. 2, p. 283-294.
  • [15]
    Charles Victor Emmanuel LECLERC, Lettres du général Leclerc, commandant en chef de l’armée de Saint-Domingue en 1802, éd. par P. Roussier, Paris, Société de l’histoire des colonies françaises/Ernest Leroux, 1937, p. 64 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 101 ; Jeremy D. POPKIN, You Are All Free : The Haitian Revolution and the Abolition of Slavery, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 143.
  • [16]
    Archives nationales (AN), CC9A/19, Agence du Directoire exécutif à Saint-Domingue, « Arrêté concernant la police des habitations et les obligations réciproques des propriétaires ou fermiers et des cultivateurs », 6 thermidor VI [24 juil. 1798].
  • [17]
    David GEGGUS, « Le soulèvement d’août 1791 et ses liens avec le Vaudou et le marronnage », in M. HECTOR (dir.), La Révolution française et Haïti. Filiations, ruptures, nouvelles dimensions, Port-au-Prince, Éd. Henri Deschamps, 1995, vol. 1, p. 60-70, ici p. 69.
  • [18]
    M. É. DESCOURTILZ, Voyage d’un naturaliste..., op. cit., vol. 3, p. 359. Voir aussi Notice historique sur les désastres de St-Domingue pendant l’an XI et l’an XII, par un officier français, détenu par Dessalines, Paris, Pillot, vers 1804, p. 29 ; Peter CHAZOTTE, Historical Sketches of the Revolutions, and the Foreign and Civil Wars in the Island of St. Domingo, New York, W. Applegate, 1840, p. 53.
  • [19]
    Historic New Orleans Collection (HNOC), box 1, 85-117-L, P., « Mon odyssée », vers 1798.
  • [20]
    BNF, ms. NAF 14879, Pélage-Marie DUBOYS, Précis historique des Annales de la Révolution à Saint-Domingue, vol. 2, p. 80.
  • [21]
    M. É. DESCOURTILZ, Voyage d’un naturaliste..., op. cit., vol. 3, p. 251.
  • [22]
    AN, dossier 1490, aa53/a, Toussaint LOUVERTURE, « Frères et amis », 29 août 1793.
  • [23]
    Bulletin officiel de Saint-Domingue, 58, 19 messidor IX [8 juil. 1801].
  • [24]
    AN, AB XIX/3302, dossier 15, Jean-Jacques DESSALINES, « Proclamation », 1er janv. 1804.
  • [25]
    Juste CHANLATTE, L’entrée du roi dans sa capitale en janvier 1818, Cap-Haïtien, 1818 ; Bambi B. SCHIEFFELIN et Rachelle CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole : Ideology, Metalinguistics, and Orthographic Choice », American Ethnologist, 21-1, 1994, p. 176-200, ici p. 188 ; Albert VALDMAN, « Haitian Creole at the Dawn of Independence », Yale French Studies, 107, 2005, p. 146-161, ici p. 151 et 156 ; M.-C. HAZAE¨L-MASSIEUX, Textes anciens..., op. cit., p. 227-235.
  • [26]
    B. ARDOUIN, Études..., op. cit., vol. 6, p. 102.
  • [27]
    Thomas MADIOU, Histoire d’Haïti, Port-au-Prince, Impr. J. Courtois, 1847, vol. 1, p. VIII.
  • [28]
    Joan DAYAN, Haiti, History, and the Gods, Berkeley, University of California Press, [1995] 1998, p. 4 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 103.
  • [29]
    Pour un rare exemple d’utilisation d’une langue régionale dans la colonie (le provençal), voir Jean-Baptiste LEMONNIER-DELAFOSSE, Seconde campagne de Saint-Domingue du 1er décembre 1803 au 15 juillet 1809, Le Havre, Impr. H. Brindeau et Cie, 1846, p. 14.
  • [30]
    AN, 18AP/3, dossier 12, Bayon de Libertat à Pantaléon II de Bréda, 21 oct. 1777. Bayon était né en France et envoya ses filles y étudier.
  • [31]
    AN, aa55/a, dossier 1511, Pompée à [Sonthonax ?], 11 juin 1794.
  • [32]
    AN, aa55/a, dossier 1512, Pierrot à [Sonthonax], 9 juil. 1793.
  • [33]
    AN, *D/XXV/16, dossier 758, Raimond à Sonthonax, 21 déc. 1792.
  • [34]
    AN, *D/XXV/16, dossier 755, Jean-Joseph à Pinchinat, 9 oct. 1793.
  • [35]
    G. LANG, « A Primer of Haitian Literature... », art. cit., p. 129.
  • [36]
    British National Archives (BNA), CO 137/105, Paul Louverture à Louverture, 5 germinal IX [26 mars 1801] ; Boston Public Library (BPL), ms. Hait. 66-182, Moïse à Louverture, 17 fructidor [IX ?] [4 sept. 1801 ?] ; New York Public Library (NYPL), Schomburg Center, Sc. Micro R-2228 reel 5, Charles Bélair à Louverture, 11 germinal X [1er avril 1802].
  • [37]
    Harvard University (HU), Houghton Library, autograph file, T., Louverture à Jean-Jacques Dessalines, oct. 1798.
  • [38]
    Archives départementales de la Gironde (ADGir), 61J18, Suzanne Louverture à Louverture, 13 juil. 1794.
  • [39]
    Louverture à Suzanne Louverture, 17 sept. 1802, in H. PAULÉUS SANNON, Histoire de Toussaint Louverture, Port-au-Prince, Impr. A.A. Héraux, 1933, vol. 3, p. 162.
  • [40]
    Jacques de NORVINS, Souvenirs d’un historien de Napoléon. Mémorial de J. de Norvins, Paris, Plon/Nourrit et Cie, 1896, vol. 2, p. 31.
  • [41]
    AN, 210, AF/III, Louverture à Isaac et Placide Louverture, 22 prairial VI [10 juin 1798] ; BPL, ms. Hait. 79-3, Louverture à Placide Louverture, 25 thermidor VIII [13 août 1800].
  • [42]
    Jean-Baptiste Coisnon à Denis Decrès, 20 févr. 1802, Le moniteur universel, 212, 1802, p. 1.
  • [43]
    Pamphile de LACROIX, La révolution de Haïti, Paris, Karthala, [1819] 1995, p. 241.
  • [44]
    R. A. HALL, Pidgin and Creole Languages..., op. cit., p. 131 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 314-317 et 367 ; B. B. SCHIEFFELIN et R. CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole... », art. cit., p. 178.
  • [45]
    AN, AF/III, 210, dossier 961, pièce 12, T. LOUVERTURE, « Rapport au Directoire exécutif », 18 fructidor V [4 sept.1797] ; J. de NORVINS, Souvenirs..., op. cit., vol. 2, p. 395-396.
  • [46]
    AN, AF/III, 210, Sonthonax au Directoire exécutif, 11 pluviôse VI [30 janv. 1798].
  • [47]
    « Toussaint Louverture au fort de Joux (1802). Journal du général Caffarelli », Nouvelle revue rétrospective, 94, 1902, p. 17.
  • [48]
    Archives nationales d’outre-mer (ANOM), 1DPPC 2324 : un « Toussaint » apparaissant au bas de l’acte de sépulture du fils aîné de Louverture, daté du 17 nov. 1785, correspond peut-être à sa signature (document communiqué par Jean-Louis Donnadieu).
  • [49]
    A. MÉTRAL, Histoire de l’expédition..., op. cit., p. 326.
  • [50]
    Historical Society of Pennsylvania (HSP), (Phi) 1602, Borie Family Papers, box 6 : 11, Jean-Baptiste à Moïse, 22 thermidor VIII [10 août 1800], « nous roulons depuis le 12 thermidor que nou avon fait 11 barique sucre avec bien de la misere fautte dannimaux et daux ».
  • [51]
    ADGir, 61J18, Suzanne Louverture à Louverture, 13 juil. 1794, « je vous envoy les linge que vous mé démandé, j’ay cinq serviet que vous avoit avec vous, et une sac ».
  • [52]
    AN, *D/XXV/1, Jean-François, Biassou et al. à [Mirbeck, Saint-Léger, Roume], 12 déc. 1791.
  • [53]
    Victor SCHOELCHER, Vie de Toussaint-Louverture, Paris, P. Ollendorf, 1889, p. 394.
  • [54]
    HU, Houghton Library, autograph file, T., Louverture à Dessalines, oct. 1798 ; AN, AF/III, 210, Louverture à Gabriel d’Hédouville, vers 1798 ; Library of Congress, Manuscript Division (LC-MD), Papers of Toussaint Louverture, Louverture à Renne de Saba, 28 germinal VII [17 avril 1799] ; HSP, (Phi) 1602, Borie Family Papers, box 6 : 6, Louverture à Dupuche, 10 mai 1800 et 24 sept. 1801 ; BPL, ms. f Hait. 69-29, Louverture à Augustin d’Hébécourt, 15 ventôse IX [6 mars 1801] ; ADGir, 61J18, Louverture à Henry Christophe, 8 floréal X [28 avril 1802]. Les archives britanniques conservent une copie qui respecte l’orthographe d’un original aujourd’hui disparu (BNA, CO 137/107, « Council minutes », 22 nov. 1799).
  • [55]
    HU, Houghton Library, autograph file, T., Louverture à Dessalines, oct. 1798.
  • [56]
    Jacques de CAUNA (éd.), Toussaint Louverture et l’indépendance d’Haïti. Témoignages pour un bicentenaire, Paris/Saint-Denis, Karthala/SFHOM, 2004, p. 102.
  • [57]
    AN, *D/XXV/16, dossier 758, Charles Guillaume Castaing à [Sonthonax ?], 7 mars [1793].
  • [58]
    AN, AF/III, 210, Louverture à Hédouville, vers 1798.
  • [59]
    LC-MD, Papers of Toussaint Louverture, Louverture à Renne de Saba, 28 germinal VII [17 avril 1799].
  • [60]
    Philippe R. GIRARD, The Slaves Who Defeated Napoleon : Toussaint Louverture and The Haitian War of Independence, 1801-1803, Tuscaloosa, University of Alabama Press, 2011, trad. fr. à paraître aux Éd. Les Perséides.
  • [61]
    Service historique de la Défense, Vincennes (SHD-DAT), 7Yd284, « Extrait des registres des délibérations des consuls », 4 thermidor X [23 juil. 1802] ; B7/6, Baille à Philippe Romain Ménard, 9 fructidor X [27 août 1802].
  • [62]
    AN, AF/IV/1213, six lettres sont dans le dossier 1. Voir aussi Louverture à Suzanne Louverture, 17 sept. 1802, in H. PAULÉUS SANNON, Histoire de Toussaint Louverture, op. cit., vol. 3, p. 162 ; Louverture à Marie François Caffarelli, vers le 17 sept. 1802, in « Toussaint Louverture au fort de Joux (1802)... », art. cit., p. 17. ; Louverture à Baille, in Louis MORPEAU (éd.), Documents inédits pour l’histoire. Correspondance concernant l’emprisonnement et la mort de Toussaint Louverture, Port-au-Prince, Librairie du Sacré-Cœur, 1920, p. 9.
  • [63]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1 ; ANOM, EE1734, dossier 2.
  • [64]
    Joseph SAINT-RÉMY (éd.), Mémoires du général Toussaint-L’Ouverture, écrits par lui-même pouvant servir à l’histoire de sa vie, Port-au-Prince, Fardin, [1853] 1982.
  • [65]
    Daniel DESORMEAUX, « The First of the (Black) Memorialists : Toussaint Louverture », Yale French Studies, 107, 2005, p. 131-145 ; D. DESORMEAUX (éd.), Mémoires..., op. cit., p. 15 et 43.
  • [66]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1, Louverture à Bonaparte, 30 fructidor X [17 sept. 1802].
  • [67]
    AN, CC9B/18, Louverture à Baille, vers le 18 oct. 1802.
  • [68]
    John R. BEARD, Toussaint Louverture : A Biography and Auto-Biography, Boston, J. Redpath, 1863.
  • [69]
    Jacques de CAUNA (éd.), Mémoires du général Toussaint-Louverture commentées par Saint-Rémy, Guitalens-L’Albarède, Éd. La Girandole, 2009 ; D. DESORMEAUX (éd.), Mémoires..., op. cit.
  • [70]
    ANOM, EE1734, dossier 2.
  • [71]
    J. SAINT-RÉMY (éd.), Mémoires..., op. cit., p. 18 ; SHD-DAT, 8Yd638, Chaptal à Decrès, 24 floréal XI [14 mai 1803].
  • [72]
    « Rapport de Caffarelli au Premier Consul », vers le 16 sept. 1802, in Alfred NEMOURS, Histoire de la captivité et de la mort de Toussaint Louverture. Notre pèlerinage au fort de Joux, Paris, Berger-Levrault, 1929, p. 249.
  • [73]
    BNF, ms. NAF 6864, Jeannin à Isaac Louverture, 24 nov. 1810.
  • [74]
    P. de LACROIX, La révolution de Haïti..., op. cit., p. 355.
  • [75]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1.
  • [76]
    Université de Porto Rico Rio Piedras (UPR), Nemours Collection, TL-2B2b, Baille à Bry, 17 vendémiaire XI [9 oct. 1802].
  • [77]
    SHD-DAT, B7/8, Ménard à Berthier, 30 vendémiaire XI [22 oct. 1802].
  • [78]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1, Louverture à Bonaparte, 26 oct. 1802.
  • [79]
    AN, CC9B/18, Baille à Decrès, 23 brumaire XI [14 nov. 1802].
  • [80]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1, Berthier à Bonaparte, 13 prairial XI [2 juin 1803] ; P. PLUCHON, Toussaint Louverture..., op. cit., p. 537.
  • [81]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1.
  • [82]
    Sur l’usage des accents et du « y » en France, voir Claude BUFFIER, Grammaire françoise sur un plan nouveau, Paris, Bordelet, [1709] 1754, p. 329 et 341 ; L.M. P. FAVRE, Rèflèxions intèrèssantes sur la prononciation de la langue française, Lyon, Cizeron, 1771, p. 6.
  • [83]
    Sur la prononciation de « respect », voir Nicolas Antoine VIARD et Pierre Joseph François LUNEAU DE BOISJERMAIN, Les vrais principes de la lecture, de l’orthographe, et de la prononciation françoises, Paris, Delalain, 1773, vol. 1, p. 69 et 79 ; Charles THUROT, De la prononciation française depuis le commencement du XVIe siècle, Paris, Impr. nationale, 1882, vol. 2, p. 104.
  • [84]
    Sur l’usage du /we/ en France au XVIIIe siècle, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 330, 345 et 348 ; N. A. VIARD et P.J. F. LUNEAU DE BOISJERMAIN, Les vrais principes..., op. cit., vol. 1, p. 75. Sur le /we/ en kreyòl, voir M.L. É. MOREAU DE SAINT-MÉRY, Description topographique..., op. cit., vol. 1, p. 66 ; S. J. DUCŒURJOLY, Manuel des habitans..., op. cit., vol. 2, p. 358 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 182.
  • [85]
    Sur le mélange entre /u/ et le /o/ en France (dénoncé par Vaugelas), voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 344. Sur le /u/ et le /o/ en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 181.
  • [86]
    Sur le /i/ et le /e/ en kreyòl rural, voir R. A. HALL, Pidgin and Creole Languages..., op. cit., p. 30 ; B. B. SCHIEFFELIN et R. CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole... », art. cit., p. 189.
  • [87]
    Respectivement AN, AF/IV/1213, dossier 1, Louverture à Bonaparte, 9 oct. 1802 ; ADGir, 61J18, Suzanne Louverture à Louverture, 13 juil. 1794.
  • [88]
    Sur la prononciation du « e » en France, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 333-335.
  • [89]
    Sur la prononciation de « s », « t » et « o » en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 181.
  • [90]
    Sur le /g/ et le /?/ en kreyòl, voir Ibid. (autres prononciations possibles : lagè, zegwi, , sèk, sonjé). Sur la prononciation auvergnate, voir Henri DONIOL, Les patois de la Basse Auvergne. Leur grammaire et leur littérature, Paris, Maisonneuve et Cie, 1877, p. 28.
  • [91]
    Sur le /?/ en français, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 360 et 373. Sur le /?/ en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 179 et 181 ; B. B. SCHIEFFELIN et R. CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole... », art. cit., p. 192.
  • [92]
    Sur les élisions en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 178. Sur les élisions en français, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 352-356 et 370 ; N. A. VIARD et P.J. F. LUNEAU DE BOISJERMAIN, Les vrais principes..., op. cit., vol. 1, p. 72.
  • [93]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1, Louverture à Bonaparte, 9 oct. 1802.
  • [94]
    Sur le /j/ en kreyòl, voir M. F. GOODMAN, A Comparative Study..., op. cit., p. 29 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 181. Sur le /j/ en français, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 355.
  • [95]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1.
  • [96]
    MOLIÈRE, Les femmes savantes, acte II, scène VI.
  • [97]
    Sur les nasalisations normandes, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 38 et 357. Sur les nasalisations en kreyòl rural, voir B. B. SCHIEFFELIN et R. CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole... », art. cit., p. 190.
  • [98]
    T. MADIOU, Histoire d’Haïti, op. cit., vol. 2, p. 91.
  • [99]
    Sur l’aphérèse et l’agglutination en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 180.
  • [100]
    S. SYLVAIN, Le créole haïtien..., op. cit., p. 38, 49 et 161.
  • [101]
    Sur la conjugaison du kreyòl moderne, voir Ibid., p. 103.
  • [102]
    A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 373-379.
  • [103]
    AN, 18AP/3, dossier 12, Bayon de Libertat à Pantaléon II de Bréda, 7 juil. 1783.
  • [104]
    M. F. GOODMAN, A Comparative Study..., op. cit., p. 124.
  • [105]
    J. FAINE, Philologie créole..., op. cit. ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 373-379.
  • [106]
    J. SAINT-RÉMY (éd.), Mémoires..., op. cit., p. 88 ; D. JENSON, Beyond the Slave Narrative..., op. cit., p. 304 ; D. DESORMEAUX (éd.), Mémoires..., op. cit., p. 9.
  • [107]
    M.L. É. MOREAU DE SAINT-MÉRY, Description topographique..., op. cit., vol. 1, p. 66.
  • [108]
    S. J. DUCŒURJOLY, Manuel des habitans..., op. cit., vol. 2, p. 359.
  • [109]
    HNOC, box 1, 85-117-L, P., « Mon odyssée », vers 1798.
  • [110]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1.
  • [111]
    A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 295 et 323.
  • [112]
    - AN, AF/IV/1213, dossier 1, souligné dans le texte.

1Au cours des trois dernières décennies, notre connaissance de la révolution haïtienne a beaucoup progressé, mais un problème demeure : celui des sources. Les planteurs et négociants blancs, les libres de couleur, les administrateurs coloniaux et les philosophes et hommes politiques métropolitains nous ont laissé une masse documentaire impressionnante. Les anciens esclaves cependant, à savoir 90 % de la population de Saint-Domingue (Haïti), sont largement absents des archives. On connaît mieux les principaux révolutionnaires noirs promus au rang de généraux pendant la révolution, mais leur correspondance, certes abondante, fut généralement rédigée par des secrétaires et le français ampoulé de leurs lettres n’avait probablement rien à voir avec le langage qu’ils employaient dans la vie courante. S’ils ne sont pas totalement muets, ces généraux ne parlent plus aujourd’hui que par le biais d’interprètes.

2L’objectif de cet article est de donner enfin une voix aux révolutionnaires domingois – et notamment au plus célèbre d’entre eux, Toussaint Louverture – en utilisant les rares documents écrits de leur main pour reconstituer leur manière de parler. Cette démarche est d’un intérêt à la fois linguistique et historique. Elle permet de faire progresser notre connaissance de la culture orale de l’Haïti coloniale, notamment en ce qui concerne le français populaire et le kreyòl. En montrant à quel point Louverture utilisait le langage pour se différencier des masses laborieuses noires et se rapprocher du modèle métropolitain, ses préférences linguistiques viennent en outre nourrir un débat historique d’importance : était-il un rebelle prônant l’égalité raciale et l’indépendance, comme le veut la tradition, ou plutôt un « héritier de l’Ancien Régime », pour reprendre la formule de Pierre Pluchon [1] ? Cet angle d’approche amène également à élargir notre réflexion sur la période révolutionnaire et à comprendre que certains rebelles n’étaient pas seulement engagés dans une lutte politique pour l’égalité des droits mais avaient aussi pour objectif une reconnaissance sociale, voire une assimilation culturelle.

Le paysage linguistique domingois

3À l’époque coloniale, trois types de langues étaient couramment parlées à Saint-Domingue : les langues africaines, le kreyòl et le français [2]. Les langues africaines auraient dû prédominer dans une colonie où la majorité des esclaves étaient bossales (c’est-à-dire nés en Afrique), mais, bien que majoritaires, ceux-ci étaient dans une telle situation de déracinement et d’exploitation qu’ils ne purent imposer leurs langues maternelles [3]. La diversité des langues africaines limitait aussi leur usage car elle créait d’importants problèmes d’intercommunication (le révolutionnaire Jean-Jacques Dessalines alla jusqu’à qualifier certains de ses soldats bossales de « Polonais » tant leur langue lui semblait incompréhensible [4]). Les préjugés sociaux contre les bossales, qui occupaient le bas de la hiérarchie servile, expliquent aussi la disparition des langues africaines au profit d’autres langues considérées comme plus nobles : pour un esclave, ne s’exprimer qu’en kreyòl était un marqueur social indiquant qu’il était né aux Antilles. Les langues africaines ne perdurèrent que dans les communautés de marrons et dans la culture afro-caribéenne, particulièrement le vodou (à l’époque coloniale comme aujourd’hui, une personne possédée par les esprits s’exprime en pale langaj, la langue des ancêtres africains).

4Le fils de Toussaint Louverture, Isaac, raconte que son père apprit la langue de ses ancêtres aradas (l’ewe-fon) dans sa jeunesse, ce qui est plausible puisque ses parents étaient nés dans l’actuel Bénin. Il est moins crédible quand il ajoute que Louverture conversa fièrement en ewe-fon durant toute sa vie [5]. Aucun autre auteur ne mentionne que Louverture ait utilisé une langue africaine pendant la révolution. Par tous ses choix culturels, Louverture, créole né à Saint-Domingue, chercha à se distinguer des bossales, favorisant par exemple le catholicisme vis-à-vis du vodou (vodun, en kreyòl).

5Le kreyòl était la langue dominante à Saint-Domingue, à la fois chez les esclaves et les colons créoles. Longtemps ignorés par les linguistes, le kreyòl haïtien et ses cousins de Louisiane, des Petites Antilles et de l’océan Indien ont fait l’objet d’études approfondies au cours des dernières décennies. Leur grammaire et leur syntaxe sont aujourd’hui bien connues, mais leurs origines restent débattues. La grande similarité des kreyòls francophones, malgré leur dispersion géographique, demeure mystérieuse. Pour expliquer ce phénomène, certains linguistes jugent que le kreyòl haïtien est majoritairement issu du français, d’autres parlent d’une grammaire basée sur des langues africaines, tandis que d’autres encore estiment que la langue s’est développée à partir de structures syntaxiques communes à ces deux sources. On a pu y voir également le signe d’une adaptation naturelle de l’esprit humain à des langues complexes apprises sur le tard ou trouver son origine dans le pidgin des négriers [6].

6Ces controverses perdurent en partie à cause de la fragmentation des disciplines. Les études sur le kreyòl sont généralement dues à des linguistes qui tentent de reconstruire une langue originelle à partir d’une analyse comparée des kreyòls actuels plutôt que de textes anciens, seuls à même d’étayer leurs théories de manière convaincante. Les historiens disposent des connaissances archivistiques nécessaires mais ont généralement laissé de côté un sujet jugé peut-être trop littéraire pour se concentrer sur les problématiques économiques, politiques et raciales liées à l’esclavage et au colonialisme. Les ouvrages récents de Deborah Jenson et Daniel Desormeaux sur les textes révolutionnaires haïtiens marquent une avancée importante, mais ils portent surtout sur leur signification politique au détriment de leur dimension linguistique [7]. Seule une approche pluridisciplinaire permettrait de donner aux origines du kreyòl toute l’attention que ce sujet mérite.

7Les textes en kreyòl datant de l’époque coloniale sont assez rares du fait du caractère oral de cette langue, mais ils ne sont pas totalement absents. L’existence d’un français « corrompu » (simple déformation du français ou kreyòl à part entière) est mentionnée dès 1655, au début de la colonisation française aux Petites Antilles [8]. Les chroniqueurs venus d’Europe étaient prompts à rabaisser le kreyòl au rang de simple « baragouin » car ils associaient cette langue à la condition servile : les exemples qu’ils citent participent plus, pour utiliser le langage des Lumières, du cabinet de curiosités que d’un projet encyclopédique méthodique [9]. Un visiteur, Pierre Eugène du Simitière, nous a cependant laissé un glossaire kreyòl allant d’arsau (fouet) à zomby (revenant), ainsi que des proverbes tels que grand gout passé maladie (la faim est pire que la maladie) [10].

8Les auteurs créoles, très friands de kreyòl, étaient plus diserts. Le juriste d’origine martiniquaise Médéric Louis Élie Moreau de Saint-Méry, pour qui ce « patois expressif » avait son « génie » et ses « finesses », nous a transmis une chanson kreyòl parfois signalée, à tort, comme le seul exemple de kreyòl prérévolutionnaire [11]. D. Jenson a retrouvé d’autres chansons d’amour conservées par des colons nostalgiques [12]. Aletha Stahl, citant des textes parus dans la presse de Cap-Français, a vu dans l’utilisation du kreyòl par les colons le signe de l’émergence d’un nationalisme antillais, comme dans le cas de ce colon qui préfaça d’une phrase en kreyòl un discours à un commissaire métropolitain [13]. Il faut cependant noter que tous ces exemples sont extraits de discours ou de chansons, le kreyòl restant essentiellement une langue orale.

9La période révolutionnaire est plus riche en textes, mais leur authenticité linguistique est parfois douteuse car ils ont souvent pour origine ou pour public des non-créolophones. S.J. Ducœurjoly établit un dictionnaire français-kreyòl accompagné de quelques conversations types, mais il le destinait à l’usage des négociants venus de métropole [14]. Plusieurs textes officiels concernant les anciens esclaves furent traduits en kreyòl puis lus sur les plantations afin de faciliter leur diffusion. On retrouve ainsi plusieurs traductions de décrets et proclamations des commissaires Léger Félicité Sonthonax et Gabriel d’Hédouville, et des généraux Napoléon Bonaparte et Victoire Leclerc, traduits vraisemblablement par des colons blancs et de couleur car tous les quatre étaient originaires d’Europe [15]. Puisqu’il s’agit de traductions mot à mot de lois ou documents officiels, le résultat est inégal, comme en témoigne cet extrait du règlement des cultures d’Hédouville dont le ton légaliste s’accorde mal avec la spontanéité du kreyòl :

10

Article 1 : Tous cultivateurs yo va gagné quart dan revenu z’habitations ou yo prend z’engagemens. Quart la va resté pour yo – quitté de droits et fraix, sans que yo capable oter à rien malgré tout raison.
Les cultivateurs jouiront du quart du revenu des habitations sur lesquelles ils ont pris des engagements. Ce quart restera quitte de tous droits et frais, sans qu’il puisse en être rien distrait sous aucun prétexte[16].

11Les discours en kreyòl des révolutionnaires noirs durent être nombreux pendant la révolution haïtienne mais très peu ont survécu, souvent filtrés, qui plus est, par des auteurs blancs. Le discours du rebelle Dutty Boukman lors du rituel vodou de Bois-Caïman en août 1791 en est un exemple extrême : il nous est parvenu sous la forme... d’un poème en français et en alexandrins publié près de trente ans après les faits [17]. De Dessalines, nous ne disposons que des bribes rapportées par le naturaliste français Michel Étienne Descourtilz [18]. Le récit d’un colon anonyme est plus instructif car il cite des chansons d’esclaves et une harangue en kreyòl du rebelle Jean-François :

12

Congos tout nus, qui après batter la guerre dans bande a moi, zotes connais ça moi di bous dans bois ?.... Saignez yo, saignez yo tout comme cochons [Congolais tous nus, qui m’avez rejoint pendant la guerre, vous souvenez-vous de ce que je vous ai dit dans les bois ?.... Saignez-les, saignez-les comme des cochons][19].

13Louverture connaissait très bien le kreyòl, qu’il employait pour s’adresser aux classes laborieuses noires. Nous ne savons malheureusement presque rien de ces discours, à part ceux retranscrits par un chroniqueur de Port-au-Prince dans un manuscrit méconnu. L’allocution suivante, datant de l’époque où Louverture combattait le général mulâtre André Rigaud, avait pour but de s’attirer le soutien des cultivateurs noirs de la province sud en leur rappelant qu’il était l’un des leurs :

14

Z’autres pas té connois mai ben, parceque moi te au Cap. N’a pas Nègres au Cap qui batt premier pour libre... C’est Rigaud io, c’est Milatre pîtôt qui vlé faire z’autres tourner esclaves. C’est cila-io qui té gagné esclaves qui faché voir io libres. N’a pas moi qui té esclave moi-même, tout comme z’autres [Vous ne me connaissez pas bien parce que j’étais au Cap. Il n’y a pas de Noir au Cap qui se soit battu plus tôt pour la liberté... Ce n’est pas moi mais Rigaud et les mulâtres qui veulent faire de vous des esclaves. Ce sont ceux qui possédaient des esclaves qui sont fâchés de vous voir libres, pas moi qui fus un esclave comme vous][20].

15Le kreyòl étant associé aux masses noires et le français aux élites domingoises, Louverture passait de l’un à l’autre en fonction de son auditoire. « Je fus un jour très mal écouté pour avoir voulu lui parler le patois du pays », rapporte Descourtilz, « car il ne s’en servait que pour haranguer les ateliers ou ses soldats [21]. » On pourrait y voir une forme d’alternance de code linguistique (ou code-switching), pratique qui consiste à changer de langue au sein d’une conversation en fonction du sujet. Sa célèbre proclamation de Turel (1793), qu’on décrit souvent comme un appel à l’abolition de l’esclavage en vertu d’un passage ambigu, quand elle visait en fait à convaincre les gens de couleur libres et les planteurs blancs de se rallier à lui, fut ainsi écrite en français [22]. Ce fut également le cas de son discours présentant la Constitution de 1801, destinée à être transmise au gouvernement français [23].

16Le kreyòl continua à être exclu de la sphère officielle après la période coloniale. La déclaration d’indépendance de Dessalines du 1er janvier 1804, au ton pourtant violemment francophobe, fut rédigée dans un français très châtié par un mulâtre éduqué en France, Louis Boisrond-Tonnerre [24]. L’indépendance d’Haïti vit apparaître quelques textes en kreyòl rédigés par des auteurs haïtiens dont c’était la langue maternelle, notamment des ouvrages littéraires faisant parler les personnages populaires dans la langue vernaculaire par souci d’authenticité, mais l’immense majorité des ouvrages littéraires et des documents officiels haïtiens du XIXe siècle furent écrits en français [25]. Les historiens Beaubrun Ardouin et Thomas Madiou, pourtant très nationalistes, écrivirent leurs célèbres histoires de la révolution en français tout en s’excusant par avance de leur français « barbare [26] » et corrompu par les « nombreux idiotismes [27] » du kreyòl. Le premier document officiel haïtien en kreyòl ne date que de 1915, et ce n’est qu’en 1987 qu’une Constitution haïtienne fit du kreyòl une langue officielle à part entière [28]. Le kreyòl est maintenant source de fierté nationaliste aux Antilles, mais ce n’était pas le cas à l’époque révolutionnaire, surtout pour Louverture.

17Le français était la troisième langue couramment usitée à Saint-Domingue. Il était parfois plus présent qu’en métropole, où les langues régionales prédominaient encore, car le brassage de l’immigration forçait les colons blancs à adopter une langue commune [29]. Ce français était quasi identique au français métropolitain, ce qui ne surprend pas puisque la plupart des Blancs de Saint-Domingue étaient d’immigration récente et que le manque d’écoles forçait les élites à envoyer leurs enfants finir leur éducation en métropole. Tout au plus peut-on distinguer quelques expressions régionales telles que « maringouin » (moustique), « morne » (colline) et « estère » (marais côtier). « Je pourrai [construire un pont] cet hiver-ci, si les pluies ne tombent pas par avalasses », écrit ainsi François Bayon de Libertat [30], le procureur de la plantation où vivait Louverture (le terme « avalasse », dérivé d’avalanche, désignait une rivière en crue et se retrouve dans le kreyòl moderne lavalas).

18En marge du français standard des élites blanches et de couleur, la période révolutionnaire vit l’émergence de rebelles qui n’avaient jamais été formellement éduqués mais tentaient néanmoins de s’exprimer en français dans un contexte officiel. Dans la correspondance du commissaire Sonthonax, qui abolit l’esclavage en 1793, on trouve ainsi une lettre du rebelle Pompée, actif près de Port-au-Prince, dans laquelle il écrit : « Je suis annantendant apres vos horde [ordres]. Je vous soite un Meilleur sante [31]. » Son style rappelle celui du rebelle Pierrot, actif près de Cap-Français (« Je vous pri de faire laché me gense que lon apris [32] »), ainsi qu’à un degré moindre, celui du mulâtre libre Julien Raimond (« Vous avez fait diner l’archeveque thibaut entre deux hommes noirs sans qui les ait dévorés [33] »). Les lettres du rebelle se décrivant comme « Jean Josephe, Commandante de afriquin [34] » datent de la même époque. Ce français approximatif était-il celui des rebelles ou de leurs secrétaires ? À quel point maîtrisaient-ils le français, tant à l’oral qu’à l’écrit ? Dans quels contextes utilisaient-ils le français et le kreyòl ? Quelle valeur attribuaient-ils à l’une et l’autre langues ? Le seul révolutionnaire pour lequel nous disposons d’éléments de réponse est Toussaint Louverture.

19Certains auteurs affirment que, ses rapports officiels mis à part, Louverture utilisait usuellement le kreyòl, mais ils le font sans citer de sources, comme s’il s’agissait d’une évidence [35]. Sa correspondance avec ses frères et ses neveux (certes rédigée par des secrétaires et concernant surtout des questions politico-militaires) est entièrement en français [36]. Il en est de même de sa correspondance avec Dessalines, vieille connaissance qui maîtrisait mal le français, y compris dans le cas d’une lettre d’octobre 1798 de la main de Louverture [37]. Suzanne Louverture, à en juger par une lettre de sa main adressée à son « cher epous » le 13 juillet 1794, communiquait aussi avec lui en français, même pour des questions d’ordre purement domestique [38]. Une lettre autographe de Louverture à sa femme datée de septembre 1802 est également en français :

20

j’ai ete malade en narrivant ici, mais le conmandant de cet place qui et un homme unmain ma porté toute les cecours possible ; grace a dieu, sa va beacou mieu ; vous save mon namitier pour ma famille et mon nattachement pour une femme que je chéris, pour quoi mavé vous pas donné de vos nouvel[39].

21Suivant l’exemple de Bayon de Libertat et de nombreux planteurs, Louverture envoya ses fils Placide et Isaac étudier en France en 1796. Ils y apprirent à parler et écrire un français standard ; « c’étaient réellement, sauf la couleur, deux jeunes Français », nota un témoin en 1801 [40]. La correspondance entre Louverture et ses fils pendant cette période est entièrement en français, langue venant donc s’immiscer jusque dans le domaine familial, tout au moins à l’écrit [41]. Quand des tiers étaient présents, Louverture et ses fils devaient parfois converser en français car le tuteur de ces derniers, qui les accompagna lors de leur retour à Saint-Domingue en 1802, fut à même de comprendre une de leurs discussions [42]. On pense à ces familles d’immigrés dont les parents choisissent de ne pas apprendre leur langue maternelle à leurs enfants car ils voient dans la langue dominante un outil de promotion sociale. « Vous autres nègres, tâchez de prendre ces manières », dit un jour Louverture à ses officiers en référence à des colons blancs, « voilà ce que c’est que d’avoir été élevé en France ; mes enfants seront comme cela [43]. »

22Le but du langage n’est pas seulement de communiquer mais aussi de mettre en avant un profil social par le biais de divers indices (accent, richesse du vocabulaire, etc.). C’est particulièrement le cas dans des sociétés où coexistent deux langues de renom inégal. Pour cette raison, les élites bilingues haïtiennes sont souvent qualifiées de « diglossiques » car elles emploient le français et le kreyòl dans des contextes sociaux différents, réservant le français aux communications de prestige et reléguant le kreyòl aux communications informelles [44]. Ce sont les origines de cette diglossie que l’on peut discerner dans les choix linguistiques de Louverture – diglossie particulièrement marquée puisqu’il utilisait même le français dans la sphère familiale et privée, ce qui est plus rare en Haïti.

23Il est a priori difficile de faire un portrait du français parlé par Louverture. Des transcriptions intégrales de ses conversations avec des administrateurs français nous sont parvenues, mais elles furent « traduites » en français métropolitain et ne sont pas représentatives [45]. « Toussaint ne parle que le créole, il entend à peine le français, il est parfaitement incapable de tenir le langage qu’on lui prête », protesta ainsi Sonthonax après la publication d’une conversation ayant soi-disant eu lieu entre Louverture et lui [46]. Un autre commentaire révélateur est celui de Marie François Caffarelli, aide de camp de Bonaparte, qui nota que « sa manière de narrer exige beaucoup d’attention, à cause de la difficulté qu’il a de s’exprimer [47] ». En quoi consistait cette « difficulté », c’est ce qui reste à déterminer.

Toussaint Louverture, écrivain

24Faute de descriptions précises du français parlé par Louverture, le chercheur doit se tourner vers ses écrits, tâche malaisée car il fut longtemps analphabète. Né vers 1743, il ne signa aucun des documents d’état-civil et de notariat le concernant avant la révolution, même après son émancipation dans les années 1770 [48]. Selon certains auteurs, ce fut son parrain Pierre-Baptiste, un Noir libre éduqué par un jésuite, qui finit par lui apprendre à lire et écrire [49]. On remarque aussi des similitudes avec la graphie et l’orthographe du gérant d’une de ses plantations, Jean-Baptiste [50], et celles de sa femme Suzanne [51].

25La première lettre incontestablement signée de la main de Louverture date de la fin de 1791, alors qu’il avait près de cinquante ans [52]. Les documents sous son nom se multiplièrent par la suite, mais presque tous furent rédigés par des secrétaires utilisant un français châtié et bureaucratique. Les idées étaient sûrement les siennes, car Louverture dictait souvent la même lettre à plusieurs secrétaires, puis passait ses soirées à relire ou assembler les différentes versions pour s’assurer qu’aucun n’avait trahi sa pensée. Mais son style était probablement fort différent de celui des documents apparaissant sous son nom. « Toussaint dictait séparément à ses secrétaires, en langue créole, ce qu’ils écrivaient en français », raconte même un témoin [53].

26Les documents écrits de la main même de Louverture sont extrêmement rares. Sur les centaines de lettres et de proclamations qui ont survécu, on ne trouve que sept documents autographes datant de l’époque où il vivait à Saint-Domingue : quatre lettres, deux notes d’épicerie et un post-scriptum [54]. Louverture ne prenait la plume que pour des raisons pratiques (une lettre est précédée de la mention « alant et venant », comme s’il était en train de voyager), pour des affaires personnelles (une lettre semble adressée à une maîtresse), pour des questions d’intérêt mineur (notes d’épicerie), ou quand le sujet était polémique, comme dans cette lettre adressée à Dessalines pendant l’affaire de Fort-Liberté en octobre 1798 :

27

Je voussa vé parlé pour le for li berté avan theire, et bien il est au pour voire de la troupe Blanche par le zordre de Ehédouville pour et pare la force de france[55].

28Ces textes, aussi rares que brefs, confirment les témoignages indiquant que Louverture parlait « proverbialement et par comparaison [56] ». Ce trait se retrouve chez d’autres hommes de couleur, telle la lettre où Charles Guillaume Castaing écrit à Sonthonax « Où le chat n’est point les rats dansent » et « Je vous adore comme l’amant idolatre de sa maitresse » [57]. Le style de Louverture était tout aussi imagé, comme le montre cette lettre au commissaire Hédouville :

29

[...] de homme pour leur interé particulier [...] veul fer pacé lé mal pour le bien et le bien pour mal, on faite pacé les tenebre pour la lumier et la lumier, pour les tenebre, il veul que ce qui et dous soi amer, et que ceu qui et amer soi dous[58].

30La graphie et l’orthographe de Louverture étaient hésitantes, ce qui n’a rien d’étonnant pour un ancien esclave éduqué sur le tard. Il faisait généralement une faute à chaque mot, voire plusieurs. La lettre suivante, adressée à une mystérieuse « Renne de Saba », est caractéristique :

31

je resue votre lettre avec tous lasatis[faction] pocible, mes seul regre se d’avoire a pri la maladis de la rene de saba set tune creveceur pour moi de voir une ci bone persone comme El et tafligé, jan suis fache ; je ne peux vous secrire plus lon me devoire men peche, a mon retour je vous repondré pour votre a fer par ticullie Bon jour a tous vos a mi pour moi anbrace votre père doucément va loin et pasiance bas la force[59].

32Ces erreurs d’orthographe sont en partie celles d’un homme qui, par manque d’éducation, écrivait de manière partiellement phonétique (« me devoire men peche » au lieu de « mes devoirs m’empêchent »). Mais certains passages, lus à haute voix, interpellent : quand Louverture écrivait « mes » seul regret (on lieu de « mon ») et « doucément » (au lieu de « doucement »), il transcrivait apparemment de manière phonétique une prononciation différant du français standard. Les lettres écrites à Saint-Domingue sont malheureusement trop brèves et trop peu nombreuses pour aller plus loin : seul un corpus plus large permettrait de tirer des conclusions générales.

33Craignant que Louverture ne déclare l’indépendance, Bonaparte envoya lors de l’hiver 1801 une expédition commandée par son beau-frère le général Leclerc. Celui-ci fit arrêter Louverture en juin 1802 et le déporta en France [60]. Transféré au fort de Joux, Louverture demanda de quoi écrire dès son arrivée ; le directeur de la prison, Baille, accéda à sa demande, contrevenant aux instructions de Bonaparte [61]. Louverture ne dut cependant pas avoir accès régulièrement à un secrétaire car en deux mois il écrivit huit lettres de sa propre main. Cette période, tragique sur le plan personnel, est idéale pour l’historien et le linguiste car elle représente de loin la plus intense activité épistolaire de sa vie [62].

34La plupart de ces lettres sont conservées aux Archives nationales, qui détiennent en outre ce qui constitue la « pierre de Rosette » du langage de Louverture : un long manuscrit de vingt et une pages en petits caractères (15 000 mots environ), entièrement de sa main, ainsi que trois brouillons préparatoires (également de sa main) et deux copies supplémentaires rédigées par un secrétaire mais accompagnées de notes marginales et d’un post-scriptum autographes (une autre copie annotée se trouve aux Archives nationales d’outre-mer) [63]. Ce mémoire fut rédigé entre le 24 août 1802, date de l’arrivée de Louverture au fort de Joux, et le 11 septembre 1802, quand Caffarelli arriva de Paris pour une série d’entretiens. Louverture lui remit le mémoire et plusieurs autres lettres quand il repartit le 17.

35Le texte est généralement connu sous le nom de « mémoires de Toussaint Louverture » car c’est le titre que lui donna l’historien haïtien Joseph Saint-Rémy quand il les publia à Paris en 1853 [64]. Le pluriel donne un caractère autobiographique à ce texte ; D. Desormeaux va même jusqu’à inscrire Louverture dans la tradition littéraire des mémorialistes français et voit dans ces mémoires le véritable testament politique d’un homme qui se savait condamné à mort [65]. Mais l’original porte en fait le titre de « mémoire » au singulier (au sens de « pétition »), ce qui n’est pas une erreur d’orthographe puisque Louverture le qualifia dans une autre lettre de « mon rapor [66] ». Ce titre correspond très bien à un texte dans lequel Louverture ne dit presque rien de sa vie avant 1791 et cherche avant tout à défendre sa conduite récente afin d’obtenir sa libération ou un procès public, leitmotiv qui rythme ses lettres et ses conversations à l’automne 1802. Ce ne fut qu’à la mi-octobre 1802, après une fouille particulièrement humiliante, qu’il abandonna tout espoir de sortir du fort de Joux vivant [67].

36L’édition de Saint-Rémy, traduite en anglais [68] et réimprimée à plusieurs reprises, est demeurée le texte de référence pour des générations d’historiens mais elle présente un défaut majeur : elle n’utilise pas le manuscrit rédigé de la main même de Louverture. On peut supposer que Saint-Rémy préféra reproduire une copie remaniée par un secrétaire dans un français standard. Atterré par le style confus du mémoire, il envisagea même de le réécrire entièrement pour qu’il soit plus conforme aux canons littéraires de son temps. Tout juste s’autorisa-t-il à reproduire un paragraphe de la main de Louverture (deux éditions récentes reproduisent l’original [69]).

37Des trois versions du mémoire se trouvant aux Archives nationales, dénommées ici A, B, et C, la première, de la main du secrétaire, contient beaucoup de ratures et d’ajouts marginaux, comme si elle avait été dictée puis relue et amendée ; elle est en outre incomplète. C’est de toute évidence un premier jet. Le manuscrit B, également de la main du secrétaire, met au propre la première version. Il contient aussi quelques mentions marginales ainsi qu’une « addition au présent mémoire » qui vient se greffer à la fin du texte, puis un dernier paragraphe ajouté par Louverture. C’est le texte reproduit par Saint-Rémy. Le manuscrit C, entièrement de la main de Louverture, présente un contenu globalement similaire à celui du manuscrit B, mais est rédigé avec l’orthographe et la grammaire propres à Louverture. C’est le plus authentique. Un quatrième manuscrit, aux Archives nationales d’outre-mer [70], est une version du manuscrit B mise au propre par le secrétaire. Ce « manuscrit D » était probablement destiné à être envoyé au Premier Consul, car c’est le seul à être suivi d’une signature de Louverture.

38Selon Saint-Rémy, le général mulâtre Martial Besse aida Louverture à rédiger son mémoire, mais il n’arriva au fort de Joux qu’après le décès de Louverture, qui n’avait de toute façon pas le droit de rencontrer d’autres prisonniers [71]. Le rapport de Caffarelli indique que le mémoire fut en fait dicté à « un secrétaire de la sous-préfecture [72] » de Pontarlier, Jeannin. On remarque qu’à l’instar de Louverture, il accompagnait sa signature de trois petits points, symbole attribué aux francs-maçons [73]. Selon Caffarelli et de l’aveu même de Jeannin, le secrétaire ne joua qu’un rôle de copiste. Les versions successives et les corrections marginales de la main de Louverture confirment qu’il relut attentivement le texte pour s’assurer qu’il ne trahissait pas sa pensée.

figure im1
ANOM, EE1734, dossier 2, p. 48. Extrait du mémoire de Toussaint Louverture (version D). La partie supérieure de cette page est de la main du secrétaire Jeannin, comme la plupart du manuscrit D. Pour clore ce dernier, Louverture ajouta de sa main une supplique au Premier Consul dont la graphie et l’orthographe sont caractéristiques.

39Que le fond soit fidèle ne signifie pas nécessairement que les tournures de phrase employées dans le mémoire représentent la vraie « patte » de Louverture. Le style du manuscrit C varie en effet beaucoup et passe d’un français grammaticalement correct (même si l’orthographe est inexacte) à des phrases dont la structure et la conjugaison s’écartent considérablement du français standard. Ces dernières tendent aussi à être plus enflammées, comme si, sous le coup de la colère, Louverture rejetait les tournures de phrase suggérées par le secrétaire pour en revenir à un français plus personnel (un officier qui le rencontra à Saint-Domingue rapporte qu’il passait parfois du français au kreyòl quand il avait du mal à exprimer sa pensée [74]). Des trois passages du manuscrit C reproduits ci-dessous, le premier, tiré de l’introduction, est écrit dans le français très formel qu’on peut attribuer au secrétaire : il apparaît dès la version A et fut remanié à plusieurs reprises par Jeannin. Le second semble plus propre au style créolisant de Louverture : la version C mise à part, il ne figure que dans la version D, trop tard pour être retravaillé par Jeannin. Le troisième, au style similaire, n’apparaît que dans le manuscrit C et constitue l’échantillon le plus authentique de sa manière de parler qui nous soit parvenu.

40

Il et de mon devoire de rendre au gouvernement francois un compte éxact de ma conduite je raconterait les faites avec toute la naivetet et la franchise dun anciens militaire en y a joutant les recflexions qui se presenteront naturellement, enfin je dirai la verite fut elle conte moi même.
arrete abitrairement sans mentendre ni me dire pourquoi ; en parrè toute mes avoire, pillie toute la famille an general, saisire mes papier et les gard der, man barquè anvoier nud comme ver deter, répendus des calomni les plus a tros sur mon conte, , da précela je sui an voier dant le fons du cachot.
ou et dont la promes du General leClerc, ce dont pour me tronpé et cil a ve voulus me tronpé pour quoi natil pas servis les ruse, et la fines seullement : et non sa parolle et la protections du gouvernement francois ; an me don n’ant sa parolle, et ne pas la tinire cet man quié a l honneur ; promi la proections du gouvernement, et agire d un notremaniere ; ce violé les lois ; et manqué au gouvernement même[75].

41Louverture espérait que son mémoire convaincrait Bonaparte de le libérer ou tout au moins de le contacter, mais il n’en fut rien. Trois semaines après le départ de Caffarelli, Louverture envoya de nouvelles lettres, en vain [76]. Le 22 octobre 1802, il annonça qu’il voulait écrire un nouveau mémoire et demanda qu’on fasse venir un de ses fils, « soit pour lui tenir lieu de secrétaire, soit pour le servir et le consoler [77] ». Il invita encore le Premier Consul à se « prononcé a mon sor, et vous ce re plu Gran, et reconpance par lettre suppreme qui connoit les plus ce Gret pence [les secrètes pensées] de nos cœur [78] ». Ce furent ses dernières lignes. Elles aussi restèrent sans réponse.

42Paris réagit en ordonnant qu’on lui confisque son nécessaire d’écriture. Neuf cahiers lui furent aussitôt enlevés ; Louverture dut aussi remettre trois lettres qu’il avait cachées dans sa culotte. « Il m’a paru très affecté de l’enlèvement de ses papiers », nota Baille [79]. Louverture avait en effet été réduit au silence. Nous ne disposons pas de lettres (autographes ou non) datant des derniers mois de sa vie. Tout juste parvint-il à cacher sous le mouchoir en madras qui couvrait sa tête des copies des lettres qu’il avait envoyées à Bonaparte ainsi qu’un texte plus long, aujourd’hui disparu, qui était peut-être un cinquième exemplaire de son mémoire [80].

Le mémoire du fort de Joux : analyse linguistique

43Comme le reste de ses écrits, le mémoire de Louverture est truffé de fautes d’orthographe, même lorsqu’il se contenta de recopier des lettres du général qui l’avait mis aux arrêts. Certaines de ces erreurs sont de simples fautes d’inattention (« prendrandre », « gouvernemement »). Beaucoup reflètent son manque d’éducation. Louverture butait par exemple sur des mots peu courants, tels que « piétater » (pied-à-terre), et utilisait les signes de ponctuation et les lettres capitales de manière presque aléatoire. Ces fautes d’orthographe sont d’un intérêt assez limité pour le chercheur car elles ne font que souligner ce qu’on sait déjà : Louverture n’alla jamais à l’école. Le passage suivant, une fois corrigé, est un simple récit de bataille en français standard :

44

les anglois etoient retranché au pont lestere je les en ai chascé, ils étoient en poscesions de la petite riviere... cela ne ma pas rebute jai emporte d’assaut cette place avant le jour avec mes dragond[81][.]

45Certaines orthographes, considérées comme archaïques en 1802, rappellent aussi que Louverture, né vers 1743, était autant le produit de l’Ancien Régime que de la Révolution. Il écrivait « enfans », « représentans », « isle » à l’ancienne mode. Il utilisait rarement les accents aigus et graves, dont l’usage ne s’était que récemment généralisé en France. Il ignorait certaines règles comme l’utilisation du « y » pour remplacer deux « i » (« voioit »), elle aussi d’origine relativement récente [82]. Les fautes les plus intéressantes sont celles qui permettent de bâtir un pont entre l’oral et l’écrit. Retracer la phonétique historique du français est une tâche ardue car l’orthographe ne correspond pas toujours à la prononciation en français. Cette tâche est plus aisée dans le cas de Louverture, puisqu’il écrivait de manière partiellement phonétique et qu’une lecture à haute voix du mémoire peut révéler comment il prononçait certains mots. C’est un angle d’approche que les historiens ayant publié le mémoire n’ont pas utilisé, préférant se cantonner à une interprétation historique ou littéraire.

46Cette analyse textuelle met en exergue certaines prononciations aujourd’hui désuètes. Écrire « le respec » (ou « respecte ») au lieu de « le respect », par exemple, indique sûrement que Louverture prononçait ce mot /? ?sp ?k/ au lieu de /? ?sp ?/, prononciation courante jusqu’au XIXe siècle et qu’on rencontre encore parfois en France [83]. Louverture indiquait systématiquement l’imparfait avec « oi » au lieu de « ai » (« je marchois » pour « je marchais »), orthographe et prononciation déjà désuètes en 1802. Deux hypothèses (qui ne sont pas mutuellement exclusives) peuvent expliquer cet usage. Peut-être Louverture était-il inspiré par le glissement, courant en français jusqu’au début du XVIIIe siècle, du /wa/ vers le /we/, qu’on retrouve dans l’ancienne prononciation du mot « moi » en France (« moé »), devenu moué en kreyòl du XVIIIe siècle. Ce glissement est toujours de mise au Québec, de même que dans le kreyòl actuel (moi = mwe ou mwen, doigt = dwèt) [84]. Mais en France métropolitaine, à l’époque de la Révolution française, prononcer l’imparfait avec un /we/ final était aussi une manière pour l’élite de se distinguer du bas-peuple par son attachement à une prononciation d’Ancien Régime. Pour cette raison, cette prononciation était devenue politiquement incorrecte en 1802 ; peut-être Louverture, personnage souvent traditionaliste, continuait-il à prononcer ses imparfaits à l’ancienne mode afin d’imiter les nobles qu’il avait connus lorsqu’il était esclave. Louverture ajoutait souvent des sons /u/ ou remplaçait /o/, /y/ et /œ/ par /u/ : « au goumente » (augmenter), « boucoup » (beaucoup), « loui » (lui), « soucoure » (secours). Il s’agit encore peut-être d’une survivance coloniale d’une ancienne prononciation française, puisque les sons /u/ et /o/ étaient souvent mélangés jusque vers 1700 en métropole. Cette pratique rappelle aussi certains mots du kreyòl actuel (biskouit pour « biscuit », nouaj pour « nuage ») [85].

47Les substitutions de voyelles présentes dans le mémoire sont elles aussi typiques du kreyòl. Louverture remplaçait souvent /y/, /œ/ et /e/ par /i/ (« quine » pour « qu’une », « regitter » pour « rejeter », « tis moint » pour « témoins »). Le kreyòl moderne fonctionne de manière identique (li = lui ; piti = petit ; vini = venez), surtout dans le kreyòl rural, qui transforme en /i/ et /e/ les sons /y/ et /œ/, le kreyòl urbain de l’élite étant très influencé par le français moderne (français « du riz », kreyòl urbain duri, kreyòl rural diri ; français « bleu », kreyòl urbain bleu, kreyòl rural blé) [86]. Dans le mémoire, les /œ/ se transforment aussi très souvent en /e/ ou en /?/ : « pour mé arreter », « une des mes habitations », « jai cé » (je sais). On retrouve le même glissement dans ses lettres (« couragé » pour « courageux ») et celles de sa femme (« vous mé démandé », « rémerciment ») [87]. Il est d’ailleurs probable que Louverture employait le son /e/ encore plus souvent que le mémoire ne l’indique, car il utilisait très peu d’accents à l’écrit. Sa prononciation du mot « seulement », par exemple, qu’il écrivait « selemet », était sûrement assez proche du kreyòl actuel (sèlman). On peut là encore attribuer sa manière de parler au fait que la prononciation de la lettre « e » était encore très variable au début du XVIIIe siècle en France (allant du /œ/ au /e/ ou au /?/ selon les régions) [88].

48Dans son mémoire, Louverture écrivit systématiquement « Brunette », « Fressinette » et « Boudette » pour désigner les généraux Brunet, Fressinet et Boudet. Il semble aussi avoir prononcé des consonnes finales qui sont normalement muettes en français, comme les « r » (« des lois basére sur les moeurs » ; « du premiere consul »), les « t » (« jai tous faite », « utile au interète de tous ») et les « s » (« honnet gence »). Cette habitude n’est pas sans rappeler l’accent méridional. Peut-être Louverture avait-il acquis cet accent par le biais de Pantaléon II de Bréda (à qui il avait appartenu en tant qu’esclave) ou du procureur Bayon de Libertat, tous deux d’origine gasconne. Comme 40 % des colons domingois venaient d’Aquitaine, il est même possible que l’accent du Sud-Ouest ait influencé l’accent de tous les Haïtiens, pas seulement celui de Louverture. Le mot « moins », par exemple, se dit mwens en kreyòl (en prononçant le « s » final) et le mot « habit » se dit abit (en prononçant le « t » final). Comme dans le Midi de la France, la lettre « o » est souvent ouverte en kreyòl (« jaune » se dit jòn, « l’autre » lòt et « rose » wòz) [89]. On peut supposer que Louverture faisait de même, mais les différences entre les « o » fermés (/o/) et ouverts (/?/) sont difficiles à détecter par le biais de l’orthographe en français (ils s’écrivent respectivement « o » et « ò » dans la graphie moderne du kreyòl).

49Louverture écrivait presque toujours « geurre » au lieu de « guerre », ce qui suggère qu’il prononçait la lettre « g » avec le son /?/ (voire /d?/) plutôt que /g/. Ceci correspond de près à la prononciation de « guerre » (ladjè) et « aiguilles » (zédjui) en kreyòl. Le kreyòl prononce aussi parfois les /k/ et les /s/ comme des /?/ ou des /t?/ (tchè = cœur, chèch = sèche, chonjé = songer), mais cette tendance ne se retrouve pas chez Louverture. Il est tentant d’attribuer ces palatalisations à une influence auvergnate, mais les preuves manquent [90]. Louverture éliminait beaucoup de /?/ à l’écrit (« sortis » pour « sortir », « conte » pour « contre »). Cette simplification était assez courante en français populaire au début du XVIIIe siècle. Elle est devenue quasi systématique en kreyòl actuel, que le /?/ soit éliminé (bonjou = bonjour, mesi = merci, = corps) ou qu’il se labialise en /w/ (gwo = gros, wòm = rhum) [91]. Louverture contractait souvent les groupes consonantiques difficiles à prononcer. Le son /ks/ devenait /s/ dans « sancetions » (sanctions), processus de simplification qu’on retrouve dans le kreyòl moderne (eskizé = excuser, espré = exprès) et le français populaire du début du XVIIIe siècle. Il éliminait aussi le /s/ dans des mots comme « desatre », ce qui anticipe le kreyòl dezas. Il élidait certaines voyelles telles que le « i » dans « puisque ». Il faisait de même du son /œ/ (« égalment »), ce qui est toujours le cas en kreyòl (tèlman = tellement) et dans l’accent du Nord de la France [92]. Louverture ajoutait parfois des sons /j/ dans son mémoire (« évacuie » pour « évacué ») et dans ses lettres (« a quié rire » pour « acquérir » [93]). On retrouve cette habitude en kreyòl, où le /?/ devient parfois /j/ (bagay vient apparemment du mot « bagage »). Le processus inverse existe aussi puisque certains /j/ deviennent des /?/ (gounouj = grenouille) ou disparaissent entièrement (fanmi = famille). De même, les sons /?/ et /j/ étaient souvent intervertis au XVIIIe siècle en France [94].

50La manière dont Louverture mélange régulièrement « v » et « b » dans son mémoire est plus difficile à rattacher à des prononciations archaïques ou à du kreyòl moderne (« ja bois » pour « j’avais »). Ce sont peut-être les symptômes d’un problème de prononciation dû à son prognathisme ou à la blessure qu’évoque Louverture dans son texte :

51

jai eu une constuvion violante a la tete au casionnere par un boulete qui matellement ebranlé la machoire que les plus grande partie de mes dant sont tombé et que les peux qui mes restent sont encorre tre vacillante [...][95].

52On peut aussi supposer que Louverture avait acquis un accent espagnol en 1793- 1794 quand il combattait pour l’armée hispanique. Cette influence expliquerait aussi le glissement, noté plus haut, du /y/ vers le /u/, du /?/ vers le /j/, et du /œ/ vers le /e/. Il paraît cependant surprenant que l’accent de Louverture ait pu évoluer à cinquante ans. Acquérir de nouveaux mots ou les utiliser à contresens est en revanche un processus plus courant, même à un âge tardif, ce qui expliquerait certains hispanismes dans son mémoire, telle l’utilisation du mot « principe » dans le sens de « début », comme dans l’espagnol principio. Le nom du général Henry Christophe (« Christopher », « Christophete », « Christophte »...) est régulièrement massacré, ce qui s’explique plus aisément : Louverture tentait probablement de prononcer à l’anglaise le nom de son subordonné, né à la Grenade et anglophone.

53Dans son mémoire et ses lettres authentiques, Louverture ajoutait très souvent les sons nasaux /??/, /??/, /??/ et /j??/ : « ingnoré », « St domiengue », « mien vetoit » (m’invitait), « conmuniquieraï » et, de manière systématique, « conmandement » et « conmandant ». Cette tendance se retrouve dans d’anciennes prononciations françaises (« grammaire » se prononce comme « grand-mère » chez Molière [96]), notamment chez les Normands. Elle est toujours d’actualité dans le kreyòl (« maman » se dit manman), particulièrement celui des campagnes (français « agronome », kreyòl urbain agronòm, kreyòl rural agronnom) [97]. Cette nasalisation était très marquée chez Louverture qui, selon T. Madiou, « disait souvent qu’il ne parlait que du nez parce que les Vaudoux avaient lancé sur lui quelque maléfice [98] ».

54Le vocabulaire du texte est celui du français métropolitain. Tout au plus peut-on noter l’utilisation du mot « même » comme interjection (courante aux Antilles) et celle du mot « camper » (dérivé de « se camper ») pour signifier à la fois « rester debout » et « s’arrêter », comme dans le kreyòl actuel. Louverture corrigea aussi dans le manuscrit C une erreur du secrétaire Jeannin, qui avait écrit « hutte » quand Louverture lui avait parlé de « hatte », un terme antillais dérivé de l’espagnol hato et signifiant « enclos à bestiaux ». Les mots d’origine africaine sont en revanche absents du mémoire et de ses lettres, probablement parce que Louverture, comme beaucoup de Noirs libres, occultait volontairement son héritage culturel africain (le mémoire est d’ailleurs très critique vis-à-vis du chef bossale Lamour Derance). Cette tendance se retrouve dans le kreyòl actuel, très pauvre en mots d’origine africaine.

55Une faute d’orthographe fréquente dans les écrits de Louverture consiste à séparer des mots (« en voier » pour « envoyer », « dé tablir » pour « d’établir »). On peut y voir la marque d’un homme tentant de retranscrire des mots qu’il avait entendus mais pas lus : ne pouvant discerner les coupures entre chaque mot à l’oral, il écrivait le français comme une succession de syllabes distinctes. Mais ces espaces intempestifs suggèrent aussi que Louverture éliminait le premier phonème de certains mots, un processus d’aphérèse qu’on retrouve en kreyòl moderne (bòdé = aborder, rivé = arriver). Dans les cas ci-dessus, habitué aux mots voye et tabli (« envoyer » et « établir » en kreyòl), il aurait traité la première syllabe comme une proposition distincte. Le processus inverse, à savoir l’agglutination d’articles, est aussi très commun en kreyòl (lanmè = la mer, dlo = de l’eau), de même que l’agglutination de liaisons (nonm = homme, zwazo = oiseaux). Louverture agglutinait lui-même certains articles (« dumal », « larrivé ») et certaines liaisons (« mon nabitation », « les zotre », « les sotilité »). Ceci se reflétait sûrement dans sa prononciation et dans l’utilisation du mot zot (« les autres »), qui remplace les pronoms « ils » et « elles » en kreyòl [99].

56Les passages les plus créolisants du mémoire sont caractérisés par une grammaire simplifiée qui rappelle celle du kreyòl. Louverture mélangeait souvent masculin et féminin (« un nasamblé » ; « une pareil traitement »). De même, le kreyòl ne connaît généralement pas de genre et n’accorde pas les adjectifs (certains auteurs y voient une influence africaine, mais il pourrait aussi s’agir d’une simplification naturelle d’une caractéristique du français particulièrement difficile à maîtriser [100]). Louverture élidait aussi des négations (« il [ne] m’auroit pas traité de cette manière »), des articles (« [la] balle a raflé un des officie »), des pronoms, des auxiliaires et certaines prépositions (« [ils se sont] en parrè [de] toute mes avoire »). L’utilisation des pronoms et des propositions dans certains passages du mémoire est si particulière qu’elle en vient à rappeler la grammaire du kreyòl : « moi recu plus sieur blaisure dant la jambre », « en vain j en portoit mes plainte a leur conmandant je ne en recevoire aucune satisfaction ».

57Dans certains passages, Louverture abandonne la conjugaison complexe du français pour utiliser presque systématiquement l’infinitif : « que le Gouvernement ordonné » (que le gouvernement ordonne) ; « mes plai et tre profond » (mes plaies sont très profondes) ; « remetre mes troupe » (je remets mes troupes). Cette simplification est propre au kreyòl tant colonial que moderne, qui conjugue les verbes en faisant précéder l’infinitif d’un préfixe pour indiquer le temps [101]. L’utilisation de l’infinitif et l’abandon de la distinction masculin-féminin et de la marque du pluriel caractérisent aussi les dialectes français employés dans certaines régions isolées du Missouri et de Pennsylvanie [102]. Comme ces régions avaient peu de contacts avec la côte africaine, il est fort possible que ces modifications soient plutôt dues à l’influence du français des milieux populaires qu’à celle des langues africaines. Le français de Louverture fut donc peut-être également façonné par les petits Blancs sans éducation qui débarquaient aux Antilles dans l’espoir d’y faire fortune (aventuriers, marins, soldats et engagés) et les étrangers de passage ; des soldats français et espagnols vécurent sur l’habitation Bréda du Haut-du-Cap pendant la guerre d’indépendance américaine, par exemple [103]. Une autre théorie convaincante note que les missionnaires et planteurs blancs, même éduqués, parlaient volontairement « petit nègre » en s’adressant aux esclaves, ce qui expliquerait l’abandon de la conjugaison, des articles et du féminin en kreyòl [104].

58La linguistique du manuscrit C apporte donc des éléments importants aux débats sur les origines du kreyòl. Beaucoup des caractéristiques du mémoire – notamment l’absence totale de mots d’origine africaine – militent pour les théories faisant du français la source principale du kreyòl. Le texte montre néanmoins qu’il est nécessaire d’affiner cette hypothèse pour prendre en compte, non seulement le français standard du XVIIIe siècle, mais aussi certaines prononciations archaïques ayant perduré aux colonies, les patois, les accents régionaux et le français populaire. Cet angle d’approche a été encore trop peu utilisé, hormis dans un livre ancien et mal étayé de Jules Faine sur l’influence du normand et un passage trop bref d’un ouvrage d’Albert Valdman [105].

59Malgré ses dérives créolisantes, le mémoire de Louverture ne fut pas écrit en kreyòl proprement dit, ce qui est logique puisqu’il était adressé au Premier Consul et que Louverture préférait s’exprimer en français dans les contextes officiels et métropolitains. Tout juste peut-on parler de français créolisant (Saint-Rémy l’appelle « parler nègre », D. Jenson « français marron » et D. Desormeaux « langue métissée » [106]). Il suffit de comparer trois exemples de kreyòl de l’époque révolutionnaire à un des passages les plus caractéristiques du mémoire pour saisir immédiatement la différence :

60

To va crer yo bin sincère / Pendant quior yo coquin tro / C’est Serpent qui contrefaire / Crié Rat pour tromper yo [Tu croiras leur cœur sincère / Leur cœur ne veut que tromper / Le serpent sait contrefaire / Le rat qu’il veut dévorer][107].
Vou va baye moué 200 gourdes, et mo engagé moué mété tout cargaison à vou à terre en 4 jours si com mo dir vou, cabrouts là you savé sufi [Vous me donnerez 200 gourdes si je m’engage à mettre votre cargaison à terre en quatre jours, si, comme je vous ai dit, les chariots peuvent suffire][108].
Mire, petit mouché vini / Li vini avé sor a li / Io va bons tant com maman io / Hum ! Guetté com blanc la candio [Regardez, le petit maître arrive / il vient avec sa sœur / ils seront aussi bons que leur mère / Regardez comme ces Blancs-là sourient][109].
il na pas un de ces Generaux conmandant an chef les de partement ou les conmandant des arondisment qui a faite un grand resitance, ce lui qui a navélordre et ceux qui en navoit un peu de connaisance dans les tamilitaire [l’état militaire], tous disoit a ten de les general Toussaint louverture, qui conmande chef lisle[110].

61Louverture savait que son français différait de la norme, mais il ne pouvait faire mieux à cause de son manque d’éducation, dont il était si cruellement conscient qu’il le mentionne par trois fois dans son mémoire (« mal gré que jai peu de con naisance et que jai ne pas d’Education jai aser de Bonsan »). Ce complexe d’infériorité vis-à-vis du français se retrouve aujourd’hui chez certains créolophones monolingues qui ajoutent des formes prétendument françaises pour cacher le fait qu’ils le parlent mal ; cette pratique, dite d’« hyper-correction », consiste par exemple à dire « toujouman » au lieu de « toujours » car le suffixe « ment » est fréquent en français [111]. De même, Louverture écrivait « fics » pour « fils » et « sageste » pour « sagesse », probablement parce qu’il avait peur d’être accusé d’abréger des groupes consonantiques. Ayant l’habitude de simplifier les /yi/ (« pusque »), il compliquait inutilement certaines diphtongues (« tous les maux que lisle a ésiuié »). Conscient qu’il oubliait beaucoup de /?/, il en ajoutait certains à mauvais escient (« tendre » au lieu de « tant de », « sourdrement » au lieu de « sourdement »). Ces efforts montrent à quel point Louverture voulait être perçu comme francophone.

Langue et profil politique

62Aux XVIIIe et XIXe siècles, il était courant que des autobiographies d’esclaves fussent en réalité rédigées par des intermédiaires blancs. C’est ce qui fait tout l’intérêt du mémoire du fort de Joux puisque c’est l’un des rares textes où un ancien esclave – et pas des moindres – donne à entendre sa propre voix presque sans interférence.

63Ce texte, que l’on croit bien connaître car il a été souvent reproduit et cité dans sa version francisée, surprend à plusieurs titres. Bien qu’écrit par un prisonnier à la merci de ses geôliers, il reste dans l’ensemble très combatif. Ce ne sont pas les « mémoires » d’un vieillard retraçant sa carrière d’un ton nostalgique ou la supplique d’un captif en exil mais le « mémoire » d’un homme d’État qui, jusqu’au bout, se défend et ne concède rien. Le texte laisse cependant songeur car il défend une politique somme toute modérée. Louverture y aborde des sujets épineux, comme le racisme, qu’il évitait généralement dans sa correspondance, mais il n’utilise pas cette occasion pour rompre avec le colonialisme, se présentant au contraire comme un serviteur fidèle de la République :

64

parce que je sui noire et ingnorant, et je nedoit pas conte au nombre des soldat de la republique ni avoire de merite, et point des justice pour moi ;[...].
si jai été un blan a pré savoire servis comme jai servis toute cette mal heur mau rait pas arrivé ; [...][112].

65Malgré des décennies d’efforts, les historiens peinent toujours à situer Louverture. Était-il un nationaliste noir se battant pour un peuple africain déraciné ? Un autonomiste créole préparant l’indépendance d’Haïti ? Ou se définissait-il selon les schémas politiques métropolitains, soit monarchiste, soit républicain ? Comme Louverture mena une politique ambiguë pendant la révolution haïtienne, défendant l’abolition de l’esclavage tout en limitant strictement la liberté des anciens esclaves, et cherchant à obtenir une autonomie politique sans toutefois déclarer l’indépendance, il est difficile d’apporter une réponse catégorique en utilisant des sources d’archives traditionnelles.

66Aborder Louverture par le biais de son profil linguistique permet de contourner cet obstacle. Né de parents aradas dans une colonie française des Antilles, il vivait à l’intersection de trois mondes (africain, américain, européen) mais il était loin de les placer sur un pied d’égalité. En reléguant l’ewe-fon au second plan, il enterre les interprétations panafricaines de sa carrière. Contrairement à certains planteurs autonomistes du XVIIIe siècle ou aux nationalistes haïtiens d’aujourd’hui, il n’utilisait pas le kreyòl pour affirmer sa fierté d’être créole, ce qui va à l’encontre des thèses faisant de lui un proto-indépendantiste. La langue qu’il privilégiait à l’écrit et parfois même à l’oral était celle qu’il associait à la promotion sociale, la langue d’un système colonial dont il ne parvint jamais à s’échapper : le français. Plus exactement, il parlait et écrivait le français laborieux, presque honteux, d’un homme en pleine ascension sociale, celui d’un provincial qui débarque à Paris plein d’ambition et tente tant bien que mal de cacher son accent.


Date de mise en ligne : 11/02/2013.

Notes

  • [*]
    Cet article est accompagné d’un dossier documentaire accessible sur le site de la revue (annales.ehess.fr), rubrique « Compléments de lecture ».
  • [1]
    Pierre PLUCHON, Toussaint Louverture. Un révolutionnaire noir d’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1989, p. 554.
  • [2]
    Dans cet article, le terme « kreyòl » désigne la langue afro-européenne des colonies françaises, tandis que « créole » désigne les personnes nées aux Amériques.
  • [3]
    Pour un rare exemple d’utilisation du « langage guinéen », voir Michel Étienne DESCOURTILZ, Voyage d’un naturaliste et ses observations, Paris, Dufart, 1809, vol. 3, p. 245.
  • [4]
    Beaubrun ARDOUIN, Études sur l’histoire d’Haïti, suivies de la vie du général J.-M. Borgella, vol. 5, 1801-1803, Paris, Dézobry et E. Magdeleine, 1854, p. 318.
  • [5]
    Bibliothèque nationale de France (BNF), ms. NAF 6864, Isaac LOUVERTURE, « Origine de Toussaint-Louverture racontée par Isaac Louverture », vers le 15 févr. 1819 ; Antoine MÉTRAL, Histoire de l’expédition des Français à Saint-Domingue sous le consulat de Napoléon Bonaparte (1802-1803), suivie des mémoires et notes d’Isaac Louverture, Paris, Karthala, [1825] 1985, p. 326.
  • [6]
    Sur les origines françaises du kreyòl, voir Jules FAINE, Philologie créole. Études historiques et étymologiques sur la langue créole d’Haïti, Port-au-Prince, Impr. de l’État, 1936 ; Albert VALDMAN, Le créole. Structure, statut et origine, Paris, Klincksieck, 1978, p. 386. Sur les origines africaines du kreyòl, voir Suzanne SYLVAIN, Le créole haïtien. Morphologie et syntaxe, Wetteren/Port-au-Prince, Impr. De Meester/l’auteur, 1936 ; John A. HOLM, Pidgins and Creoles, Cambridge, Cambridge University Press, 1988-1989, 2 vol. Sur les origines franco-africaines du kreyòl, voir Robert A. HALL, Pidgin and Creole Languages, Ithaca, Cornell University Press, 1966 ; Michel DEGRAFF, « Haitian Creole », in J. A. HOLM et P. L. PATRICK (dir.), Comparative Creole Syntax : Parallel Outlines of 18 Creole Grammars, Londres, Battlebridge, 2007, p. 101-126, en particulier p. 123. Pour une vision du kreyòl comme langue simplifiée, voir Derek BICKERTON, Roots of Language, Ann Arbor, Karoma, 1981. Sur le pidgin originel, voir Morris F. GOODMAN, A Comparative Study of Creole French Dialects, La Haye/Londres/Paris, Mouton, 1964, p. 130 ; Gwendolyn Midlo HALL, Africans in Colonial Louisiana : The Development of Afro-Creole Culture in the Eighteenth Century, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1992, p. 190.
  • [7]
    Deborah JENSON, Beyond the Slave Narrative : Politics, Sex, and Manuscripts in the Haitian Revolution, Liverpool, Liverpool University Press, 2012 ; Daniel DESORMEAUX (éd.), Mémoires du général Toussaint Louverture, Paris, Classiques Garnier, 2011.
  • [8]
    Marie-Christine HAZAE¨L-MASSIEUX, Textes anciens en créole français de la Caraïbe. Histoire et analyse, Paris, Publibook, 2008, p. 23.
  • [9]
    Justin GIROD-CHANTRANS, Voyage d’un Suisse dans différentes colonies d’Amérique pendant la dernière guerre, Neuchâtel, Impr. de la Société typographique, 1785, p. 189-191.
  • [10]
    Library Company of Pennsylvania, Du Simitière Collection, 968. F.9, Pierre Eugène du SIMITIÈRE, « Vocabulaire créole », années 1770 environ.
  • [11]
    Médéric Louis Élie MOREAU DE SAINT-MÉRY, « Patois expressif », Description topographique et politique de la partie espagnole de l’isle Saint-Domingue, Philadelphie, l’auteur, 1796, vol. 1, p. 64-67 et, pour la chanson, p. 66 ; George LANG, « A Primer of Haitian Literature in Kreyòl », Research in African Literatures, 35-2, 2004, p. 128-140, ici p. 131.
  • [12]
    D. JENSON, Beyond the Slave Narrative..., op. cit., p. 238.
  • [13]
    Aletha STAHL, « ‘Enfans de l’Amérique’ : Configuring Creole Citizenship in the Press, 1793 », Journal of Haitian Studies, 15-1/2, 2009, p. 168-179, ici p. 171.
  • [14]
    S. J. DUCŒURJOLY, Manuel des habitans de Saint-Domingue, Paris, Arthus-Bertrand, [1802] 1803, vol. 1, p. VI et vol. 2, p. 283-294.
  • [15]
    Charles Victor Emmanuel LECLERC, Lettres du général Leclerc, commandant en chef de l’armée de Saint-Domingue en 1802, éd. par P. Roussier, Paris, Société de l’histoire des colonies françaises/Ernest Leroux, 1937, p. 64 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 101 ; Jeremy D. POPKIN, You Are All Free : The Haitian Revolution and the Abolition of Slavery, Cambridge, Cambridge University Press, 2010, p. 143.
  • [16]
    Archives nationales (AN), CC9A/19, Agence du Directoire exécutif à Saint-Domingue, « Arrêté concernant la police des habitations et les obligations réciproques des propriétaires ou fermiers et des cultivateurs », 6 thermidor VI [24 juil. 1798].
  • [17]
    David GEGGUS, « Le soulèvement d’août 1791 et ses liens avec le Vaudou et le marronnage », in M. HECTOR (dir.), La Révolution française et Haïti. Filiations, ruptures, nouvelles dimensions, Port-au-Prince, Éd. Henri Deschamps, 1995, vol. 1, p. 60-70, ici p. 69.
  • [18]
    M. É. DESCOURTILZ, Voyage d’un naturaliste..., op. cit., vol. 3, p. 359. Voir aussi Notice historique sur les désastres de St-Domingue pendant l’an XI et l’an XII, par un officier français, détenu par Dessalines, Paris, Pillot, vers 1804, p. 29 ; Peter CHAZOTTE, Historical Sketches of the Revolutions, and the Foreign and Civil Wars in the Island of St. Domingo, New York, W. Applegate, 1840, p. 53.
  • [19]
    Historic New Orleans Collection (HNOC), box 1, 85-117-L, P., « Mon odyssée », vers 1798.
  • [20]
    BNF, ms. NAF 14879, Pélage-Marie DUBOYS, Précis historique des Annales de la Révolution à Saint-Domingue, vol. 2, p. 80.
  • [21]
    M. É. DESCOURTILZ, Voyage d’un naturaliste..., op. cit., vol. 3, p. 251.
  • [22]
    AN, dossier 1490, aa53/a, Toussaint LOUVERTURE, « Frères et amis », 29 août 1793.
  • [23]
    Bulletin officiel de Saint-Domingue, 58, 19 messidor IX [8 juil. 1801].
  • [24]
    AN, AB XIX/3302, dossier 15, Jean-Jacques DESSALINES, « Proclamation », 1er janv. 1804.
  • [25]
    Juste CHANLATTE, L’entrée du roi dans sa capitale en janvier 1818, Cap-Haïtien, 1818 ; Bambi B. SCHIEFFELIN et Rachelle CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole : Ideology, Metalinguistics, and Orthographic Choice », American Ethnologist, 21-1, 1994, p. 176-200, ici p. 188 ; Albert VALDMAN, « Haitian Creole at the Dawn of Independence », Yale French Studies, 107, 2005, p. 146-161, ici p. 151 et 156 ; M.-C. HAZAE¨L-MASSIEUX, Textes anciens..., op. cit., p. 227-235.
  • [26]
    B. ARDOUIN, Études..., op. cit., vol. 6, p. 102.
  • [27]
    Thomas MADIOU, Histoire d’Haïti, Port-au-Prince, Impr. J. Courtois, 1847, vol. 1, p. VIII.
  • [28]
    Joan DAYAN, Haiti, History, and the Gods, Berkeley, University of California Press, [1995] 1998, p. 4 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 103.
  • [29]
    Pour un rare exemple d’utilisation d’une langue régionale dans la colonie (le provençal), voir Jean-Baptiste LEMONNIER-DELAFOSSE, Seconde campagne de Saint-Domingue du 1er décembre 1803 au 15 juillet 1809, Le Havre, Impr. H. Brindeau et Cie, 1846, p. 14.
  • [30]
    AN, 18AP/3, dossier 12, Bayon de Libertat à Pantaléon II de Bréda, 21 oct. 1777. Bayon était né en France et envoya ses filles y étudier.
  • [31]
    AN, aa55/a, dossier 1511, Pompée à [Sonthonax ?], 11 juin 1794.
  • [32]
    AN, aa55/a, dossier 1512, Pierrot à [Sonthonax], 9 juil. 1793.
  • [33]
    AN, *D/XXV/16, dossier 758, Raimond à Sonthonax, 21 déc. 1792.
  • [34]
    AN, *D/XXV/16, dossier 755, Jean-Joseph à Pinchinat, 9 oct. 1793.
  • [35]
    G. LANG, « A Primer of Haitian Literature... », art. cit., p. 129.
  • [36]
    British National Archives (BNA), CO 137/105, Paul Louverture à Louverture, 5 germinal IX [26 mars 1801] ; Boston Public Library (BPL), ms. Hait. 66-182, Moïse à Louverture, 17 fructidor [IX ?] [4 sept. 1801 ?] ; New York Public Library (NYPL), Schomburg Center, Sc. Micro R-2228 reel 5, Charles Bélair à Louverture, 11 germinal X [1er avril 1802].
  • [37]
    Harvard University (HU), Houghton Library, autograph file, T., Louverture à Jean-Jacques Dessalines, oct. 1798.
  • [38]
    Archives départementales de la Gironde (ADGir), 61J18, Suzanne Louverture à Louverture, 13 juil. 1794.
  • [39]
    Louverture à Suzanne Louverture, 17 sept. 1802, in H. PAULÉUS SANNON, Histoire de Toussaint Louverture, Port-au-Prince, Impr. A.A. Héraux, 1933, vol. 3, p. 162.
  • [40]
    Jacques de NORVINS, Souvenirs d’un historien de Napoléon. Mémorial de J. de Norvins, Paris, Plon/Nourrit et Cie, 1896, vol. 2, p. 31.
  • [41]
    AN, 210, AF/III, Louverture à Isaac et Placide Louverture, 22 prairial VI [10 juin 1798] ; BPL, ms. Hait. 79-3, Louverture à Placide Louverture, 25 thermidor VIII [13 août 1800].
  • [42]
    Jean-Baptiste Coisnon à Denis Decrès, 20 févr. 1802, Le moniteur universel, 212, 1802, p. 1.
  • [43]
    Pamphile de LACROIX, La révolution de Haïti, Paris, Karthala, [1819] 1995, p. 241.
  • [44]
    R. A. HALL, Pidgin and Creole Languages..., op. cit., p. 131 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 314-317 et 367 ; B. B. SCHIEFFELIN et R. CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole... », art. cit., p. 178.
  • [45]
    AN, AF/III, 210, dossier 961, pièce 12, T. LOUVERTURE, « Rapport au Directoire exécutif », 18 fructidor V [4 sept.1797] ; J. de NORVINS, Souvenirs..., op. cit., vol. 2, p. 395-396.
  • [46]
    AN, AF/III, 210, Sonthonax au Directoire exécutif, 11 pluviôse VI [30 janv. 1798].
  • [47]
    « Toussaint Louverture au fort de Joux (1802). Journal du général Caffarelli », Nouvelle revue rétrospective, 94, 1902, p. 17.
  • [48]
    Archives nationales d’outre-mer (ANOM), 1DPPC 2324 : un « Toussaint » apparaissant au bas de l’acte de sépulture du fils aîné de Louverture, daté du 17 nov. 1785, correspond peut-être à sa signature (document communiqué par Jean-Louis Donnadieu).
  • [49]
    A. MÉTRAL, Histoire de l’expédition..., op. cit., p. 326.
  • [50]
    Historical Society of Pennsylvania (HSP), (Phi) 1602, Borie Family Papers, box 6 : 11, Jean-Baptiste à Moïse, 22 thermidor VIII [10 août 1800], « nous roulons depuis le 12 thermidor que nou avon fait 11 barique sucre avec bien de la misere fautte dannimaux et daux ».
  • [51]
    ADGir, 61J18, Suzanne Louverture à Louverture, 13 juil. 1794, « je vous envoy les linge que vous mé démandé, j’ay cinq serviet que vous avoit avec vous, et une sac ».
  • [52]
    AN, *D/XXV/1, Jean-François, Biassou et al. à [Mirbeck, Saint-Léger, Roume], 12 déc. 1791.
  • [53]
    Victor SCHOELCHER, Vie de Toussaint-Louverture, Paris, P. Ollendorf, 1889, p. 394.
  • [54]
    HU, Houghton Library, autograph file, T., Louverture à Dessalines, oct. 1798 ; AN, AF/III, 210, Louverture à Gabriel d’Hédouville, vers 1798 ; Library of Congress, Manuscript Division (LC-MD), Papers of Toussaint Louverture, Louverture à Renne de Saba, 28 germinal VII [17 avril 1799] ; HSP, (Phi) 1602, Borie Family Papers, box 6 : 6, Louverture à Dupuche, 10 mai 1800 et 24 sept. 1801 ; BPL, ms. f Hait. 69-29, Louverture à Augustin d’Hébécourt, 15 ventôse IX [6 mars 1801] ; ADGir, 61J18, Louverture à Henry Christophe, 8 floréal X [28 avril 1802]. Les archives britanniques conservent une copie qui respecte l’orthographe d’un original aujourd’hui disparu (BNA, CO 137/107, « Council minutes », 22 nov. 1799).
  • [55]
    HU, Houghton Library, autograph file, T., Louverture à Dessalines, oct. 1798.
  • [56]
    Jacques de CAUNA (éd.), Toussaint Louverture et l’indépendance d’Haïti. Témoignages pour un bicentenaire, Paris/Saint-Denis, Karthala/SFHOM, 2004, p. 102.
  • [57]
    AN, *D/XXV/16, dossier 758, Charles Guillaume Castaing à [Sonthonax ?], 7 mars [1793].
  • [58]
    AN, AF/III, 210, Louverture à Hédouville, vers 1798.
  • [59]
    LC-MD, Papers of Toussaint Louverture, Louverture à Renne de Saba, 28 germinal VII [17 avril 1799].
  • [60]
    Philippe R. GIRARD, The Slaves Who Defeated Napoleon : Toussaint Louverture and The Haitian War of Independence, 1801-1803, Tuscaloosa, University of Alabama Press, 2011, trad. fr. à paraître aux Éd. Les Perséides.
  • [61]
    Service historique de la Défense, Vincennes (SHD-DAT), 7Yd284, « Extrait des registres des délibérations des consuls », 4 thermidor X [23 juil. 1802] ; B7/6, Baille à Philippe Romain Ménard, 9 fructidor X [27 août 1802].
  • [62]
    AN, AF/IV/1213, six lettres sont dans le dossier 1. Voir aussi Louverture à Suzanne Louverture, 17 sept. 1802, in H. PAULÉUS SANNON, Histoire de Toussaint Louverture, op. cit., vol. 3, p. 162 ; Louverture à Marie François Caffarelli, vers le 17 sept. 1802, in « Toussaint Louverture au fort de Joux (1802)... », art. cit., p. 17. ; Louverture à Baille, in Louis MORPEAU (éd.), Documents inédits pour l’histoire. Correspondance concernant l’emprisonnement et la mort de Toussaint Louverture, Port-au-Prince, Librairie du Sacré-Cœur, 1920, p. 9.
  • [63]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1 ; ANOM, EE1734, dossier 2.
  • [64]
    Joseph SAINT-RÉMY (éd.), Mémoires du général Toussaint-L’Ouverture, écrits par lui-même pouvant servir à l’histoire de sa vie, Port-au-Prince, Fardin, [1853] 1982.
  • [65]
    Daniel DESORMEAUX, « The First of the (Black) Memorialists : Toussaint Louverture », Yale French Studies, 107, 2005, p. 131-145 ; D. DESORMEAUX (éd.), Mémoires..., op. cit., p. 15 et 43.
  • [66]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1, Louverture à Bonaparte, 30 fructidor X [17 sept. 1802].
  • [67]
    AN, CC9B/18, Louverture à Baille, vers le 18 oct. 1802.
  • [68]
    John R. BEARD, Toussaint Louverture : A Biography and Auto-Biography, Boston, J. Redpath, 1863.
  • [69]
    Jacques de CAUNA (éd.), Mémoires du général Toussaint-Louverture commentées par Saint-Rémy, Guitalens-L’Albarède, Éd. La Girandole, 2009 ; D. DESORMEAUX (éd.), Mémoires..., op. cit.
  • [70]
    ANOM, EE1734, dossier 2.
  • [71]
    J. SAINT-RÉMY (éd.), Mémoires..., op. cit., p. 18 ; SHD-DAT, 8Yd638, Chaptal à Decrès, 24 floréal XI [14 mai 1803].
  • [72]
    « Rapport de Caffarelli au Premier Consul », vers le 16 sept. 1802, in Alfred NEMOURS, Histoire de la captivité et de la mort de Toussaint Louverture. Notre pèlerinage au fort de Joux, Paris, Berger-Levrault, 1929, p. 249.
  • [73]
    BNF, ms. NAF 6864, Jeannin à Isaac Louverture, 24 nov. 1810.
  • [74]
    P. de LACROIX, La révolution de Haïti..., op. cit., p. 355.
  • [75]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1.
  • [76]
    Université de Porto Rico Rio Piedras (UPR), Nemours Collection, TL-2B2b, Baille à Bry, 17 vendémiaire XI [9 oct. 1802].
  • [77]
    SHD-DAT, B7/8, Ménard à Berthier, 30 vendémiaire XI [22 oct. 1802].
  • [78]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1, Louverture à Bonaparte, 26 oct. 1802.
  • [79]
    AN, CC9B/18, Baille à Decrès, 23 brumaire XI [14 nov. 1802].
  • [80]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1, Berthier à Bonaparte, 13 prairial XI [2 juin 1803] ; P. PLUCHON, Toussaint Louverture..., op. cit., p. 537.
  • [81]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1.
  • [82]
    Sur l’usage des accents et du « y » en France, voir Claude BUFFIER, Grammaire françoise sur un plan nouveau, Paris, Bordelet, [1709] 1754, p. 329 et 341 ; L.M. P. FAVRE, Rèflèxions intèrèssantes sur la prononciation de la langue française, Lyon, Cizeron, 1771, p. 6.
  • [83]
    Sur la prononciation de « respect », voir Nicolas Antoine VIARD et Pierre Joseph François LUNEAU DE BOISJERMAIN, Les vrais principes de la lecture, de l’orthographe, et de la prononciation françoises, Paris, Delalain, 1773, vol. 1, p. 69 et 79 ; Charles THUROT, De la prononciation française depuis le commencement du XVIe siècle, Paris, Impr. nationale, 1882, vol. 2, p. 104.
  • [84]
    Sur l’usage du /we/ en France au XVIIIe siècle, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 330, 345 et 348 ; N. A. VIARD et P.J. F. LUNEAU DE BOISJERMAIN, Les vrais principes..., op. cit., vol. 1, p. 75. Sur le /we/ en kreyòl, voir M.L. É. MOREAU DE SAINT-MÉRY, Description topographique..., op. cit., vol. 1, p. 66 ; S. J. DUCŒURJOLY, Manuel des habitans..., op. cit., vol. 2, p. 358 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 182.
  • [85]
    Sur le mélange entre /u/ et le /o/ en France (dénoncé par Vaugelas), voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 344. Sur le /u/ et le /o/ en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 181.
  • [86]
    Sur le /i/ et le /e/ en kreyòl rural, voir R. A. HALL, Pidgin and Creole Languages..., op. cit., p. 30 ; B. B. SCHIEFFELIN et R. CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole... », art. cit., p. 189.
  • [87]
    Respectivement AN, AF/IV/1213, dossier 1, Louverture à Bonaparte, 9 oct. 1802 ; ADGir, 61J18, Suzanne Louverture à Louverture, 13 juil. 1794.
  • [88]
    Sur la prononciation du « e » en France, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 333-335.
  • [89]
    Sur la prononciation de « s », « t » et « o » en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 181.
  • [90]
    Sur le /g/ et le /?/ en kreyòl, voir Ibid. (autres prononciations possibles : lagè, zegwi, , sèk, sonjé). Sur la prononciation auvergnate, voir Henri DONIOL, Les patois de la Basse Auvergne. Leur grammaire et leur littérature, Paris, Maisonneuve et Cie, 1877, p. 28.
  • [91]
    Sur le /?/ en français, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 360 et 373. Sur le /?/ en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 179 et 181 ; B. B. SCHIEFFELIN et R. CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole... », art. cit., p. 192.
  • [92]
    Sur les élisions en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 178. Sur les élisions en français, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 352-356 et 370 ; N. A. VIARD et P.J. F. LUNEAU DE BOISJERMAIN, Les vrais principes..., op. cit., vol. 1, p. 72.
  • [93]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1, Louverture à Bonaparte, 9 oct. 1802.
  • [94]
    Sur le /j/ en kreyòl, voir M. F. GOODMAN, A Comparative Study..., op. cit., p. 29 ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 181. Sur le /j/ en français, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 355.
  • [95]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1.
  • [96]
    MOLIÈRE, Les femmes savantes, acte II, scène VI.
  • [97]
    Sur les nasalisations normandes, voir C. BUFFIER, Grammaire françoise..., op. cit., p. 38 et 357. Sur les nasalisations en kreyòl rural, voir B. B. SCHIEFFELIN et R. CHARLIER DOUCET, « The ‘Real’ Haitian Creole... », art. cit., p. 190.
  • [98]
    T. MADIOU, Histoire d’Haïti, op. cit., vol. 2, p. 91.
  • [99]
    Sur l’aphérèse et l’agglutination en kreyòl, voir A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 180.
  • [100]
    S. SYLVAIN, Le créole haïtien..., op. cit., p. 38, 49 et 161.
  • [101]
    Sur la conjugaison du kreyòl moderne, voir Ibid., p. 103.
  • [102]
    A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 373-379.
  • [103]
    AN, 18AP/3, dossier 12, Bayon de Libertat à Pantaléon II de Bréda, 7 juil. 1783.
  • [104]
    M. F. GOODMAN, A Comparative Study..., op. cit., p. 124.
  • [105]
    J. FAINE, Philologie créole..., op. cit. ; A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 373-379.
  • [106]
    J. SAINT-RÉMY (éd.), Mémoires..., op. cit., p. 88 ; D. JENSON, Beyond the Slave Narrative..., op. cit., p. 304 ; D. DESORMEAUX (éd.), Mémoires..., op. cit., p. 9.
  • [107]
    M.L. É. MOREAU DE SAINT-MÉRY, Description topographique..., op. cit., vol. 1, p. 66.
  • [108]
    S. J. DUCŒURJOLY, Manuel des habitans..., op. cit., vol. 2, p. 359.
  • [109]
    HNOC, box 1, 85-117-L, P., « Mon odyssée », vers 1798.
  • [110]
    AN, AF/IV/1213, dossier 1.
  • [111]
    A. VALDMAN, Le créole..., op. cit., p. 295 et 323.
  • [112]
    - AN, AF/IV/1213, dossier 1, souligné dans le texte.
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