Notes
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[1]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 303r et 308r, 9 octobre 1591. Il s’agit de la longue série des gazettes manuscrites (avvisi) rédigées à destination du duc d’Urbino. Annales HSS, mars-avril 2009, n° 2, p. 375-403.
-
[2]
Sur cette question des nouvelles romaines et de leur intense circulation, de leur incarnation dans la Rome pontificale, je me permets de renvoyer à Renaud VILLARD, « Incarnare una voce : il caso della sede vacante (Roma, XVI secolo) », Quaderni Storici, 121-1,2006, p. 39-68.
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[3]
Cette circulation rapide des rumeurs s’appuie non seulement sur l’oralité, le bouche à oreille, mais aussi sur les satires, les pasquinate vite placardées, auxquelles s’apparentent les chansons satiriques. Les dépêches d’ambassadeurs, ainsi que les avvisi, leur assurent un écho extra-romain.
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[4]
Je fais bien entendu ici allusion à Ernst KANTOROWICZ, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, Gallimard, [1957] 1989, à la mise en œuvre de sa pensée théologico-juridique dans le cas de la monarchie française par Ralph GIESEY, Le roi ne meurt jamais. Les obsèques dans la France de la Renaissance, Paris, Flammarion, [1960] 1987, ainsi qu’à Alain BOUREAU, Le simple corps du roi. L’impossible sacralité des souverains français, XV e - XVIII e siècles, Paris, Les Éditions de Paris, 1988, qui souligne combien les rois de France peinèrent à échapper concrètement à une corporalité souvent bien peu spirituelle.
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[5]
Voir en particulier Jean DELUMEAU, « Les progrès de la centralisation dans l’État pontifical au XVI e siècle », Revue Historique, 461,1961, p. 399-410; Paolo PRODI, Il sovrano pontefice : corpo e due anime. La monarchia papale nella prima età moderna, Bologne, Il Mulino, 1982; Alberto CARACCIOLO, « Sovrano pontefice e sovrani assoluti », Quaderni Storici, 52,1983, p. 279-286; Peter PARTNER, The Pope’s men : The papal civil service in the Renaissance, Oxford, Clarendon Press, 1990. Les enjeux du débat sur la longue recherche de l’État moderne en Italie sont mis en perspective par Elena FASANO GUARINI, « ‘État moderne’ et anciens États italiens. Éléments d’histoire comparée », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 45-1,1998, p. 15-41.
-
[6]
Voir en particulier l’ouvrage récent d’Élisabeth BELMAS, Jouer autrefois. Essai sur le jeu dans la France moderne, XVI e - XVIII e siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2006, qui étudie les pratiques ludiques dans la diversité de leurs enjeux, y compris économiques.
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[7]
Jean DELUMEAU, Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du XVI e siècle, Paris, E. de Boccard, 1957-1959, vol. I, p. 64 (sur le lien entre les courriers extraordinaires, les banques et les paris), et surtout vol. II, p. 862-866 (sur le poids financier des paris, et les hésitations répressives de Sixte Quint).
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[8]
Beaucoup de ces textes normatifs sont rassemblés dans Archivio Segreto Vaticano, Miscellanea Armadio IV e V, 203, f. 517r-525r, pour la période 1578-1590. Voir également Regesti di bandi, editti, notificazioni e provvedimenti diversi relativi alla Città di Roma, Rome, Tipografia Cuggiani, 1920-1934, en particulier les deux premiers volumes.
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[9]
Ces procès se trouvent à l’Archivio di Stato di Roma, Tribunale criminale del governatore, Processi [désormais AS Roma, Processi], en particulier dans les liasses 229-230 et 237.
-
[10]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 203, f. 520r, décret du 2 septembre 1588, du cardinal camerlingue Henrico Caetano : « à tutti i sensali, che tre dì poi alla publicatione del presente bando, non ardischino trattare in modo alcuno di altre scommesse che de suggetti, & per il tempo, & per il sì, e nò, di detti suggetti, e loro promotione, & di maschio ò femina ».
-
[11]
Ibid., f. 517r, Bando contra a quelli che faranno scommesse a Maschio & Femina, publié le 20 mars 1578.
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[12]
Concrètement, un joueur achète auprès d’un courtier un bulletin garanti par un banquier, par exemple un bulletin « Farnèse » à 15 écus, le banquier s’engageant, en cas d’élection du cardinal Farnèse, à verser 100 écus au vainqueur.
-
[13]
Ibid., f. 520r, décret du 2 septembre 1588 : « Et a tutti gli Stampatori, che non possino stampare cedole di alcuna sorte di scommesse se prima l’originale di esse non sarà sottoscritto da detto Commissario. » Un tel bulletin imprimé est conservé, comme pièce à charge, dans un procès pour pari sur l’élection ponticale : voir AS Roma, Processi, b. 237, décembre 1590, f. 245r.
-
[14]
Sur ces reventes, voir la description qu’en donne le décret du 19 février 1588, du cardinal camerlingue Henrico Caetano, ibid., f. 521r : « ordiniamo, comandiamo, & prohibimo, che nell’avenire nessuna persona di qualsivoglia stato, grado, conditione, dignità, & preminentia possi fare alcuna sorte di scommessa, ne per polizza, ne per altra scrittura vendere, ne barattare, ò permutare polizze, senon nel modo, & forma che appresso si dirà sotto l’infrascritte, & altre maggiori pene etiam corporali ad arbitrio nostro ».
-
[15]
Sur cette activité bancaire à Rome, voir notamment les deux monographies d’Aloys SCHULTE, Die Fugger in Rom, 1495-1523. Mit Studien zur Geschichte des kirchlichen Finanzwesens jener Zeit, Leipzig, Duncker & Humblot, 1904, et d’Ermanno PONTI, Il Banco di Santo Spirito fondato da Paolo V con Breve del 13 dicembre 1605, Rome, Anonima romana stampa, 1941, mais aussi les synthèses de J. DELUMEAU, Vie économique et sociale de Rome..., op. cit., vol. II, chap. 3, et Peter PARTNER, Renaissance Rome, 1500-1559 : A portrait of a society, Berkeley, University of California Press, 1979, notamment p. 49-50.
-
[16]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 203, f. 521r, décret du 19 février 1588.
-
[17]
Ibid., f. 518r, décret du 10 juillet 1589.
-
[18]
Voir le procès d’une telle affaire de revente dans AS Roma, Processi, b. 237, décembre 1590, f. 246r-256v.
-
[19]
Voir par exemple, lors du long conclave de 1555, la mention de paris sur cette durée, dans une dépêche de l’ambassadeur de Ferrare du 23 mars, AS Modena, Cancelleria ducale, Ambasciatori, Roma [désormais AS Modena, Amb. Roma], 51,283-XV/33, p. 3 : « gia si scommette che per tutto maggio non si havra papa, et si da sopra di cio LXXXV per cento ».
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[20]
Ainsi, en janvier 1522, après l’élection d’Adrien VI, circule la rumeur de sa mort en Espagne, ce qui suscite des paris, comme les rapporte le Vénitien Marino SANUTO, I Diarii, éd. par M. Allegri et al., Venise, Deputazione Veneta di Storia Patria, 1879-1903, vol. XXXII, p. 367 et p. 381 (où les paris seraient à 8 et 10 pour cent que le pape est mort).
-
[21]
C’est bien entendu les paris les plus fréquemment rapportés par les sources : les exemples en sont innombrables, voir par exemple simplement la citation suivante de M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. V, p. 90, en 1503.
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[22]
En octobre 1523, M. Sanuto rapporte ainsi une lettre romaine, signée Marin Da Pozo, du 25 octobre 1523, dans laquelle apparaît la lassitude des parieurs, depuis un mois et demi que les jeux sont ouverts; voir M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXV, p. 150 : « Le scomesse sono Farnese 15 e 16, Medici 10, Grassis 9, Valle 7, li altri chi 4, 2,3,1,60 che per tutto questo mese non si farà Papa, 15 per tutto il mese di Novembio, 5 per mezo Decembrio. Pur si fan poche facende, et hormai tutti son stanchi, che gli è un mexe e mezo che sono sopra queste pratiche. » Notons que cette lettre désigne l’activité des parieurs comme des pratiche, c’est-à-dire précisément le terme employé pour dénoncer les manœuvres des cardinaux.
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[23]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. V, p. 90, lettre du 21 septembre 1503.
-
[24]
AS Modena, Amb. Roma, 35,223-III/18, dépêche du 27 septembre 1534.
-
[25]
AS Modena, Amb. Roma, 42, par exemple 248-XVII/35 ou 248-XVIII/1.
-
[26]
AS Modena, Amb. Roma, 51,283-XV/32, sur une page annexée, dépêche du 23 mars 1555.
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[27]
AS Modena, Amb. Roma, 94,387-XXXIV/43, en page annexée.
-
[28]
Voir les décrets du gouverneur de Rome du 9 avril 1555 et du 2 mai 1555, dans AS Roma, Bandi, Governo di Roma, a. 1529-1733, doc. 17 et 18. Le recueil d’avis en répercute aussitôt la nouvelle; voir Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1038, f. 54r, avis du 13 avril 1555 : « Et che le scomesse s’eranno bandite per Roma. »
-
[29]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 203, f. 517r.
-
[30]
Ibid., f. 524r, décret du 28 décembre 1588.
-
[31]
Ibid., f. 519r, décret du 31 juillet 1589.
-
[32]
Ibid., f. 522r, décret du 27 décembre 1589.
-
[33]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 14r, avis du 13 janvier 1590.
-
[34]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 203, f. 519r, décret du 31 juillet 1589, qui institue les 15 courtiers spécifiques.
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[35]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 308v, avis du 12 octobre 1591 : « li Giudei qua fanno scommesse, et in Firenze per quel poco tempo, che si è giocato, si sà, che santi quattro era à 32, la Rovere à 24, et tutti gli altri soggetti da 17 in giù ».
-
[36]
AS Modena, Amb. Roma, 148, dépêche du 28 septembre 1591, p. 3 : « In quanta poca stima sia la giustitia di Roma giudicassi dell’essersi fatto delle scomesse in banchi il giovedi sera » [dont il donne ensuite les cotes].
-
[37]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1060, partie I, f. 1r-68r.
-
[38]
AS Modena, Amb. Roma, 168.
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[39]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXII, p. 262 pour la cote du cardinal Médicis le 14 décembre 1521, qui est à 30, et promet de monter à 50 quand il arrive, et p. 287, lettre du 21 décembre de l’ambassadeur de Venise à Rome : « Fin qui Medici è ritornato a 12 per 100, et ge son poste di gran scomesse. Non si sa la causa di tal discadimento, si non dal tropo cridare che si è fatto per tutta Roma che’l sarà Papa. Ben vi dirò che di fermi anzi imutabili se atrova per lui voti 14 et 8 incerti. »
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[40]
AS Modena, Amb. Roma, 147, dépêche du 12 octobre 1590, p. 2.
-
[41]
Gaspare PONTANI, Il diario romano di Gaspare Pontani, gia riferito al Notaio del Nantiporto : 30 gennaio 1481-25 luglio 1492, éd. par D. Toni, Città di Castello, S. Lapi, 1907-1908, III-2, p. 37 : [12 août 1484] « fu saputa pubblicamente l’infermità del papa et molti tenevano che fusse morto, donde non se rascionava d’altro ».
-
[42]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXIV, p. 231-237.
-
[43]
Tommasino LANCELLOTTI, Cronaca modenese di Tommasino de’ Bianchi detto de’ Lancillotti Parme, P. Fiaccadori, 1862-1884, vol. V, p. 390.
-
[44]
AS Modena, Amb. Roma, 35,223-II/17, dépêche du 25 septembre 1534.
-
[45]
Du moins les troubles consécutifs commencèrent-ils à Rome avant la mort de Paul IV : ainsi l’incendie du palais de l’Inquisition eut-il lieu avant le décès, comme le rapporte l’ambassadeur de Ferrare dans une dépêche du 23 août 1559, dans AS Modena, Amb. Roma, 56,283-XXXI/32.
-
[46]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1040, f. 154r, avis du 9 décembre 1565 : « la notte venendo il venerdi li sopragiunse un altro sfinimento, et maggior febre, di modo che avanti hieri che fu venerdi, si teneva fosse morto, per il che le porte della citta stetero serrate, sendosi publicata la morte, onde si ridussero molte genti, onde a hora di nona si ridussero per veder rompere le prigioni ». La rumeur de la mort du pape, anticipant sur l’événement réel, conduit à anticiper également les usages quasi ritualisés de la vacance pontificale, à commencer par l’ouverture des prisons.
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[47]
AS Modena, Amb. Roma, 147, lettre du 29 septembre 1590, p. 1 : l’ambassadeur de Ferrare y avoue avoir, dans sa dépêche précédente, annoncé à tort la mort du souverain pontife.
-
[48]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 275v, avis du 28 septembre 1591.
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[49]
Voir l’avis du 25 novembre 1591, dans une page annexée, dans Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 405r.
-
[50]
Ibid., f. 289r, avis du 2 octobre 1591.
-
[51]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXII, p. 367.
-
[52]
Ibid., p. 369.
-
[53]
Ibid., p. 381, lettre de Sier Zorzo à Sier Justinian Contarini, de Rome, 11 janvier 1522 : « In Banchi si mette scomesse che’l Papa è morto, et ponendo a 8 et 10 per 100, et molto gagliardamente se dice che l’è morto. »
-
[54]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXIII, p. 104 : lettre du Sacré Collège à Adrien VI, 18 mars 1522 : « Accesserat rumor ipsa ex mora confirmatus de Sanctitatis Vestrae non solum aegritudine, sed (quod Deus diu differre dignetur) etiam de morte. »
-
[55]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXII, p. 425, lettre de l’ambassadeur de Venise du 20 janvier 1522.
-
[56]
Ibid., p. 417, dans une lettre, sans auteur, du 19 janvier 1522.
-
[57]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXIII, p. 25.
-
[58]
Ibid., p. 276 : [3 juin] « E il corier a bocha disse il Papa era morto a Barzelona, tamen non fu vero. »
-
[59]
L’ambassadeur de Florence annonce successivement à Lorenzo de’ Medici, dans une série de courtes dépêches, l’élection au pontificat du cardinal Malfetta, puis du cardinal San Marco puis à nouveau du cardinal Malfetta (qui sera effectivement Innocent VIII) : voir Jean BURCHARD, Diarium, Florence, Societas Fontibus Italicae Historiae, 1854, vol. I, appendices 20-25.
-
[60]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXII, p. 249.
-
[61]
Ibid., p. 333.
-
[62]
Ibid., p. 355 : « Farnese, da le 24 hore fino a vespero ozi è stato papa, de modo che tutti li soi amici et favoriti sono stati in gloria et tutta nocte se sono stà facti fochi a sua caxa, saria ita a sacho. Sono stà piantate a la sua caxa le arme papale. »
-
[63]
Ibid., p. 347.
-
[64]
Ibid., p. 357 : « tutte le scomesse sono smarite et non se trova ne chi dia, ne chi toglia; tutti hanno smarita la fede et loro credito, et è dicto publichamente che sono li cardinali in gran contrasti, et poco manca che non si siano batuti, et se ha opinione che ussirano di Conclavio senza fare electione, tanto sono discordi ».
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[65]
Voir M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXV, p. 90.
-
[66]
Ibid., p. 168 : « scomesse Farnese 15,16, Medici 10 [...] et una matina l’Armelino cardinal, ch’è camerlengo, domandò fusse portato le chiave di uno cason per pigliar la mitria et il regno. La brigata pensando fosse fatto Papa cridorono Araceli, Araceli, talmente che li corseno per sachizar la caxa, et poi fu nulla ».
-
[67]
T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. XI, p. 199.
-
[68]
AS Modena, Amb. Roma, 42,248-XVIII/2, dépêche du 4 janvier 1550.
-
[69]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1053, f. 193r, avis du 23 avril 1585.
-
[70]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Ottob. Lat. 2608, De obitu Iulii Tertii et cratione Marcelli II Pont. Max., f. 341v, 17 mai 1555 : « hora enim circiter XIX exijt vox incerto auctore, per Urbe creatum iam esse Pontificem Cardinalem Alexandrum Farnesium [...] ut difficile non fuerit ipsi voci fidem adhiberi. Aliquod accessit expectatio, et desiderium Pontificis futuri, ut id quod expectamus, et cupimus, facile credimus. Quae vox adeo crevit, et vires sumpsit, ut populus bona ipsius Cardinalis Farnesij diripuerit, eius domum depredaverit, eius insignia Thyara Pontificia depinxerit, et in valuis affixerit vitam ei magnis vocibus acclamaverit laetitiae denique publicae signa dederit, eiusque familiares gratulationes acceperint Cursores extra Urbem adid nunciandum destinaverint ».
-
[71]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12316, Giovan Paolo Mucanzio, Diaria 1590-1592; le 9 octobre 1590, la rumeur porte sur l’élection du cardinal Della Rovere; le 10 octobre, elle porte sur les cardinaux Paleotto, Santa Severina et Della Rovere, f. 149r; le 11 octobre, sur les cardinaux Paleotto et Monte Regalo, respectivement f. 154v et 157v; le 6 novembre, sur le cardinal Rusticuccio, f. 165v; le 11 novembre 1590, elle concerne le doyen des cardinaux, f. 107r; le 12 novembre, le cardinal Colonna, f. 107v; le 20 novembre, la rumeur porte sur le cardinal de Crémone.
-
[72]
AS Modena, Amb. Roma, 147, lettre du 12 octobre 1590.
-
[73]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12316, G. P. Mucanzio, f. 154v, 11 octobre 1590 : « foris vero extra Conclave vanus rumor subortus est in Pontificem esse electum Rmum D Cardinalem Paleottum et adeo validus fuit, ut iam muri, et portae Conclavis repente dum scrutinium celebraretur ab exteris dirumperentur, maximo cum tumulti, quem vix reprimere, et sedare licuit. Tandem cognita veritate quieverunt ».
-
[74]
AS Modena, Amb. Roma, 9,54-II/52, p. 2 : « tuti questi se sono molto armati in casa lorone vana voce le case loro fossono poste a saco come gia e stato facto, idest de quelle e facto papa intendum maliciose se cridara papa il tale et non il vero se fa ad effectum per havere piu preda ».
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[75]
Voir respectivement Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 365r, avis du 14 juillet 1590, et Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie I, f. 275v, avis du 28 septembre 1591.
-
[76]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 383r-v, avis de Venise du 21 juillet 1590 : « Alcuni scrivono da Roma, che alli XI fù per tutta quella città una gran confusione di sede Vacante per causa delli hebrei, che si trovavano in piazza Naoni con le loro robbe in Mercato, che sgombrandole, et fuggendosene verso Piazza Giudea per salvarsi diedero voce, che’l Papa fusse morto, onde per questo furono serrate molte strade, et palazzi : ma in effetto fù vana la voce, che preso alcuni hebrei, et carcerati gli fù data anco la corda in secreto per venire in luce dell’Autor di tal voce, che sono stati 7 principali che anco loro sono stati carcerati, per il che il Papa usci fuori à messa a lasciarsi vedere. »
-
[77]
Ludwig VON PASTOR, Storia dei Papi dalla fine del Medio Evo, vol. VI, Storia dei Papi nel periodo della Riforma e Restaurazione cattolica : Giulio 3., Marcello 2. e Paolo 4., 1550-1559, trad. par A. Mercati, Rome, Desclée, 1963, appendice 33 : lettre d’Agostino Gonzaga, arcivescovo di Reggio, au castellano de Mantoue, 9 avril 1555.
-
[78]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12316, G. P. Mucanzio, f. 169r, 20 novembre 1590 : « Vox hac die excitata fuit ad favorem Rsmi D. Cardinalis Cremonensi non quod vere patres in illum ad huc consentirent sed de industria, ut multi dicebant, ob sponsiones, quae apud Banchos fiebant super electione futuri Pontificis. »
-
[79]
Sur ces deux points, l’année 1492 est exemplaire : dès le mois de juillet, alors que Sixte IV est malade, les ambassadeurs des différents États à Rome proposent au collège des cardinaux le soutien de leurs souverains, et les barons romains proposent également leur assistance, comme le montre le diaire de Burchard : voir J. BURCHARD, Diarium, op. cit., vol. I, p. 491. Les troubles graves dans la ville de Rome commencent dès le mois de juillet : Diario della Città di Roma di Stefano Infessura scribasenato, éd. par O. Tommasini, Rome, Forzani e C. tipografi del Senato, 1890, p. 275.
-
[80]
Voir Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, vol. 25, f. 122r : Motu proprio de Pie IV, en avril 1560, contre les vols commis dans le palais pontifical lors de la vacance du pouvoir ou de la maladie du souverain pontife.
-
[81]
T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. V, respectivement p. 378,382, 384,390 et 392.
-
[82]
Ibid., p. 392.
-
[83]
Ibid., p. 382.
-
[84]
Ibid., p. 395-396.
-
[85]
Ibid., p. 403-404.
-
[86]
T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. XI, respectivement p. 130 et 152.
-
[87]
AS Modena, Amb. Roma, 35,2223-III/12, lettre du 30 août 1534 : « la Santità di Nostro Signore è resusitata, cosi si puo dire [...] Il volgo dice che Sua Santità ha uno spirito adosso ».
-
[88]
Ioan FABRIZIO DEGLI ATTI, « Cronaca Todina », éd. par F. Mancini, in G. ITALIANI et al. (dir.), Le cronache di Todi (secoli XIII-XVI ), Florence, La Nuova Italia, 1979, p. 212 : « palesata la morte de decto papa, fo oppinione de molti che decto papa havesse tenuto per arte de nigromantia più iorni lo spirito de vività ».
-
[89]
Sur cette légende, voir le récit qu’en donne le chroniqueur pérugin Francesco MATARAZZO, « Cronaca della città di Perugia dal 1492 al 1503 », éd. par A. Fabretti, in F. BONAINI, A. FABRETTI et F.-L. POLIDORI (dir.), Cronache e storie inedite della città di Perugia dal 1150 al 1563, Florence, G. P. Vieusseux, 1851, vol. 2, p. 222-223.
-
[90]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 454r, avis du 5 septembre 1590 : « Si dice hora che Sisto V° havesse uno spirito Domestico chiamato Dante, et che da quello sia stato ingannato circa il tempo, che doveva vivere in Pontificato. »
-
[91]
Voir par exemple dans Valerio MARUCCI (dir.), Pasquinate del Cinque e Seicento, Rome, Salerno, 1988, la satire CXXXV de 1549, intitulée « Il Cardinal di Chieti chiama il diavolo per aver il papato », p. 199.
-
[92]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 459r, avis du 8 septembre 1590.
-
[93]
Voir la lettre du 19 décembre 1521 de Bernardo Ruta à la marquise de Mantoue, Isabelle d’Este, publiée par Alessandro LUZIO, « Due documenti mantovani sul conclave di Adriano VI », Archivio della R. Società romana di Storia patria, XXIX, 1906, p. 379-396, ici p. 386.
-
[94]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1040, f. 17v, avis du 19 mai 1565.
-
[95]
Sur ce népotisme très ordinaire et ses enjeux sociopolitiques, voir en particulier l’article de Wolfgang REINHARD, « Nepotismus. Der Funktionswandel einer papstgeschichtlichen Konstanten », Zeitschrift für Kirchengeschichte, 86-2,1975, p. 145-185, trad. fr. dans Papauté, confessions, modernité, Paris, Éd. de l’EHESS, 1998, et les réflexions d’Antonio MENNITI IPPOLITO, Il tramonto della Curia nepotista. Papi, nipoti e burocrazia curiale tra XVI e XVII secolo, Rome, Viella, 1999.
-
[96]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 81, doc. 37 : Bulla sanctissimi Domini Pauli divina providentia Papae quarti contra ambientes Papatum, Romae, apud Antonium Bladum Cameralem impressorem, Anno Domini 1559, f. 1v.
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[97]
Sur la bulle de 1559, voir également les commentaires interprétatifs, de la seconde moitié du XVI e siècle, AS Roma, Miscellanea di Carte politiche e riservate, b. 1, fasc 50.
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[98]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm IV e V, 81, p. 37 : 4 juillet 1548, Motu proprio de Paul III.
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[99]
Arch. Segr. Vat., Fondo Pio, 5, f. 140r-143r : Ricordi di Paolo 3° al Cardinale Farnese Intorno al Successore.
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[100]
Sur les saccages rituels des biens pontificaux accompagnant la mort du pape, voir Agostino PARAVICINI BAGLIANI, Il corpo del Papa, Turin, Einaudi, 1994, p. 224 sq.; Reinhard ELZE, « ‘Sic transit gloria mundi’: la morte del papa nel medioevo », Annali dell’Istituto storico italo-germanico in Trento, 3,1977, p. 23-41; Carlo GINZBURG, « Saccheggi rituali. Premessa a una ricerca in corso », Quaderni Storici, 65-2,1987, p. 615-636, ainsi que Florence BUTTAY, « La mort du pape entre Renaissance et Contre-Réforme : les transformations de l’image du Souverain Pontife et ses implications (fin XVe -fin XVIe siècle) », Revue Historique, 625,2003, p. 67-94.
-
[101]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Barb. Lat. 3552, Diarium ab Anno 1509 et die 3 martij Ad annum 1540 Gallice scriptum, f. 16r.
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[102]
Sur ces troubles d’août 1484, voir G. PONTANI, Il diario romano..., op. cit., p. 38; Antonio DE VASCO, Il Diario della città di Roma dall’anno 1480 all’anno 1492 di Antonio de Vascho, éd. par G. Chiesa, Città di Castello, S. Lapi, 1904, p. 513-517; Diario della Città di Roma di Stefano Infessura..., op. cit., p. 161-162.
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[103]
Voir par exemple Diario romano dal 3 maggio 1485 al 6 giugno 1524 di Sebastiano di Branca Tedallini, éd. par P. Piccolomini, Città di Castello, S. Lapi, 1904, p. 305-306 : [le 23 août 1503] « venne in Roma lo signore Fabio Orsino, figliolo dello signore Paolo Orsino, con doi milia persone a Monte Iordano et fece mettere a foco tutte le botteghe delli Spagnoli nello canale de Ponte et Pozzo bianco; quanti ne trovavano tanto de ammazzavano de Spagnoli ».
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[104]
À Modène, en novembre 1523, à l’annonce de l’élection de Clément VII, la population s’empare de la mule du gouverneur Francesco Guicciardini, tente de mettre à sac le palais de Guido Rangone; le gouverneur abandonne ensuite à la foule les livres des condamnés, brûlés sur la place. Ce rituel inventif (Modène est depuis peu intégrée aux États pontificaux) manifeste le consensus autour d’un droit de dépouilles, qui est aussi un devoir de grâce. Les habitants de Modène inventent alors un rituel séditieux, mais aussi lié à la personne pontificale (symboliquement représentée par le gouverneur) à travers la confiscation de la mule, traditionnellement effectuée lors des entrées de souverains pontifes. Ce rituel de Modène est décrit par T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. I, p. 267.
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[105]
Voir par exemple les tentatives de pillage des quartiers juifs de Rome en 1513 et 1521, tels que les rapporte M. SANUTO, I Diarii, op. cit., respectivement vol. XVI, p. 15, et vol. XXXII, p. 234.
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[106]
Les occurrences de telles mentions sont nombreuses : déjà en mars puis mai 1555, un gazetier note que Rome est très calme; c’est le cas également en décembre 1565 ou en octobre 1591 : voir respectivement Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1038, f. 50r, avis du 30 mars 1555 et f. 60r, avis du 11 mai 1555; Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1040, f. 158v, avis du 15 décembre 1565; Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 342v, avis du 26 octobre 1591.
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[107]
Pour les troubles de 1559, voir le récit qui en est donné dans Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1039, f. 71r et 74v, avis des 19 et 26 août 1559; pour ceux de 1590, voir Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 449v, avis du 1er septembre 1590.
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[108]
Par exemple, en août 1484, les conservateurs de Rome demandent au collège des cardinaux d’écarter les troupes qu’ils ont recrutées : elles sèmeraient le désordre dans une ville bien capable d’assurer l’ordre elle-même : voir Diario della Città di Roma di Stefano Infessura..., p. 165. En décembre 1521, ce sont les cardinaux eux-mêmes qui demandent aux autorités municipales de pourvoir à l’ordre urbain, indice d’une dyarchie encore admise : voir Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12274, De Grassis, Diarij Diversi tomo IV, f. 368v : « Item quod vocarentur conservatores et capuriones, quibus imponerentur curas quietis Urbis et si vocati sunt, et eis impositum ut cum magna cura providerent. » En revanche, en mars 1555, la situation paraît plus tendue : le collège des cardinaux mobilise des troupes, alors que les barons romains prétendent pouvoir contrôler la ville : voir ce qu’en dit l’ambassadeur de Ferrare dans AS Modena, Amb. Roma, 51,283-XV/32, p. 3, dépêche du 23 mars 1555.
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[109]
En octobre 1591, le Capitole semble mener une bataille d’arrière-garde pour obtenir que les officiers municipaux conservent leurs pouvoirs juridictionnels pendant la vacance du pouvoir – ce qui leur est refusé – indice d’une confiscation de l’autorité, lors de cette vacance, par le Sacré Collège : voir Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 338r, avis du 26 octobre 1591.
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[110]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXV, p. 135.
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[111]
T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. I, p. 476.
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[112]
AS Modena, Amb. Roma, 147, dépêche du 27 octobre 1590, p. 3.
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[113]
AS Modena, Amb. Roma, 42,248-XVIII/7, dépêche du 14 janvier 1550.
-
[114]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12279, Giovanni Francesco Firmano, Diaria Ioannis Francisci Firmani (1533-68), f. 143r, le 1er décembre 1559 : « deinde Rsmi Deputati dederunt audientiam in sportello gubernatori Burgi, cui ordinarunt, quod faceret claudere omnes cameras, que erant Zota (?) et supter conclave, ac corriturum p’tum et locquia quecumque agebanti, et fieri intendebant quod in Conclavi erant Nota per totam Urbe et dabat causa faciendi scommissas que [...] attulerunt lucrum et Multis alijs damnum bone vita prout accidit quid Luperi qui habitabat prope Rotundam qui cum Malevixisset, et Multas Pecunias amisset in scommissis se ipsum laqueo suspenditet perdidit corpus et animam ».
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[115]
AS Modena, Amb. Roma, 147, lettre du 12 octobre 1590, p. 2 : « Li cardinali inteso ch’hebbero il rumore fatto per Roma di Paleotto, diedero di cio la colpa alli stratagemi, che s’usano nelle scomesse, le quali con tutto che siano prohibite si facevano non diremo alla scoperta, et con fraude donnossissima a molti poverelli semplici ».
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[116]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1053, f. 193r, avis du 23 avril 1585 : « La voce uscita per la Città hiersera, che Farnese era Papa per cinque cannonate sparate da Castello per acquetare alcune questioni, che si facevano in banchi, fece in un tratto sollevare ognuno, et tanto in quell’hora fù il giubilo, et l’allegrezza di Roma, che non si può descrivere all’udire questa gran nuova, che fù poi falsa, con altretanto rammarico de gli interessati in questo desiderio. »
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[117]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 26, f. 210r : Bando circa il governo di Roma in questa Sede vacante [13 décembre 1565] « Item ordina et commanda, che non sia persona alcuna, ch’ardischa di sfoderare spada, o pugnale, o altre, arme per dar delle ferite ad alcuno, o far costione, et rissa con qual si voglia persona precipuamente in banchi sotto pena di haver subito tre tratti di corda et di 50 ducati ».
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[118]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1038, f. 61v, avis du 18 mai 1555.
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[119]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12316, G. P. Mucanzio, f. 100v, 4 novembre 1590 : « Verum circa hotam 20 eiusdem diei costanter affirmabatur Rsmum D Columna futurum Pontificem, quod cum Adversarij intellexissent omni conatu eius exclusionem procuraverunt ».
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[120]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1038, f. 53r, avis du 13 avril 1555.
-
[121]
AS Modena, Amb. Roma, 147, lettre du 12 octobre 1590, p. 3 : « egli hebbe a dirgli, che haverebbe autorità di castigare qualche giudeo ò sensale, ma che non potria mettere mano nelli grandi, ch’attendono a tuor (?) l’prattica, nella quale sono intricati sin de Cardinali, si come veramente far è seguito, che ha fatto pigliare de sensali, et de mercanti, et ad alcuni ha data la corda, vel altri ha triutta (?) la roba, con tutto cio seguitasse le scomesse nella franchigia dell’Illustrissimo Cardinale Sforza ».
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[122]
AS Modena, Amb. Roma, 148, dépêche du 24 novembre 1591, p. 2 (en chiffres).
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[123]
Voir AS Roma, Processi, b. 237, fasc. 4, arrestation pour paris, décembre 1590.
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[124]
Tous les procès conservés s’arrêtent brutalement : voir les procès précédemment cités dans AS Roma, Processi, liasses 230,231,237.
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[125]
Arch. Segr. Vat., Bandi sciolti, s. I, vol. 2,1572-1600, doc. 91,21 mars 1591 : Constitutio S.D.N. Gregorii Papae XIII contra Ineutes sponsiones super vita, & morte, & futura electione Romani Pontificis... : « Qualia multa cum ingenti animi nostri dolore sensimus manere ex frequenti sponsionum illarum usu, quae Excommissae vulgò dictae super futura electione, aut vita, & morte Romani Pontificis [...] non mediocriter hac de causa impediri, perturbari, ac refrigescere necesse est, dum multi temporalibus lucris intenti, aut obliviscuntur, quae Dei sunt, aut certè desiderant saepenumero, & procurant, ut eligantur non ij, qui optimi sunt, sed ex quorum electione plurimum lucri se consecuturos animadvertunt. »
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[126]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 26, f. 8r-13v, Bulla S.mi D.N. D. Pii Papae III [sic]. super reformatione Conclavis in electione Romani Pontificis [1er octobre 1562], notamment le chapitre « Excomissae super Electione Romani Pontificis damnantur ».
1« Le pape meurt en vivant, et vit en mourant [1] » : le rédacteur d’une gazette, dans une nouvelle rédigée à Rome en 1591, décrit ainsi la longue agonie du pape Grégoire XIV, avant d’évoquer le désarroi des médecins face à un souverain pontife réduit à l’état de cadavre en putréfaction, pourtant vivant. La mention pourrait sembler anecdotique : pourtant, elle met en lumière la dimension parfois insaisissable d’un événement normalement daté, celui de la mort du pape. Le paradoxe est frappant : un novelliste attentif, rédigeant une très longue dépêche tous les quatre jours, capable de disposer de sources d’information variées (de la rumeur urbaine à des sources proches du pape), à même de décrire jour après jour l’évolution médicale du pape, semble incapable de dire la mort pontificale – non qu’il s’agisse d’un fait indicible, mais bien plutôt d’une réalité indiscernable.
2L’étude d’une introuvable mort pontificale, d’un brouillage de la vacance du pouvoir, est un enjeu central dans le contexte particulier d’une monarchie tant absolue que discontinue. Cet article va ainsi tenter de comprendre comment des pratiques sociales a priori étrangères au politique, comment une circulation dense et continue de nouvelles et de rumeurs, comment surtout la frénésie de paris qui accompagne l’événement mortuaire, aboutissent à créer une réalité autonome – au point que rumeurs et temps de la mort pontificale interagissent, et que vacances pontificales et conclaves deviennent autant, voire plus, tributaires de ce bruit urbain que du déroulement réel de la disparition.
3Rome, au XVI e siècle, est à ce titre peut-être un exemple unique, pour l’époque moderne, d’une vaste circulation de nouvelles confuses, peu censurées, et surtout conservées [2]. Cet accès direct aux rumeurs romaines permet alors d’examiner l’interaction entre deux espaces de savoir normalement cloisonnés : le savoir réservé et secret de la Curie et du conclave, et ce savoir, souvent irrévérencieux, de la fama et de rumeurs vite transmises [3], en dépit du caractère surprenant de ces rumeurs urbaines multipliées dans un temps qui veut être celui du silence et du secret, ce que la fermeture apparente du conclave incarne bien.
4L’idée est alors de confronter une majesté qui se veut détentrice du secret (dont c’est l’un des attributs) avec une foule normalement exclue du politique, mais dans laquelle l’information politique circule; et cette confrontation sera examinée dans le temps d’affaiblissement, voire de disparition théorique de la souveraineté (du fait de la discontinuité des offices dans la monarchie pontificale), qui est aussi le temps où le dépositaire d’une majesté temporaire (le conclave) revendique haut et fort son monopole du savoir, par la clôture cérémonieuse qui l’entoure.
5Cette étude établira d’abord rapidement les pratiques des paris qui encadrent la vacance du pouvoir pontifical, en soulignant combien, par leur caractère massif, ils se transforment involontairement en instruments de concentration, de focalisation comme de fabrication des rumeurs urbaines. Ensuite, il s’agira de comprendre les conséquences de ce brouillage des temporalités engendré par ce savoir moqueur de la rumeur, porté par une foule réactive. Il conviendra de montrer que le pape, lui non plus, ne meurt jamais : il est pourtant loin d’avoir deux corps, il ne bénéficie pas d’une construction juridique et/ou rituelle qui favoriserait la continuité d’une souveraineté pensée comme extérieure à l’incarnation physique du prince. Plus trivialement, le pape ne meurt jamais parce qu’il n’a ni double corps, ni simple corps [4], mais un corps introuvable, c’est-à-dire, prosaïquement, pas de corps du tout. Dans un dernier temps, cette irruption de la foule dans l’espace réservé de la souveraineté, dans un temps de disparition mais aussi de refondation de la souveraineté, permettra, notamment par l’intermédiaire d’une analyse du rituel des paris, de reposer le problème, historiographiquement débattu [5], de la continuité de la monarchie pontificale au XVI e siècle – monarchie qui, si elle ne correspond pas au paradigme de l’État moderne, sait trouver, bien souvent malgré elle, des modes d’être originaux de la souveraineté. Des comptoirs des parieurs aux mystères de l’Esprit saint, l’étude tentera de comprendre les conséquences inattendues d’une pratique sociale d’apparence triviale (les paris), en soulignant combien le politique, et surtout sa réélaboration, doivent être cherchés en dehors des sentiers battus des institutions et des attributs de la souveraineté. Le pape est non seulement désincarné, mais en outre les parieurs réinventent le conclave, s’approprient pratiques et enjeux, transformant, bien malgré eux, un vide de pouvoir en un tropplein de légitimations politiques.
Le tripot pontifical
6Au cours du XVIe siècle s’imposent massivement, à Rome puis à l’échelle italienne, des pratiques parieuses structurées qui encadrent la vacance du pouvoir pontifical : il devient aussi facile que fréquent de parier sur le futur pape, grâce à un système de courtiers adossés aux banques romaines. Le succès de ces paris politiques est grandement facilité par l’importance et l’omniprésence du jeu à l’époque moderne, récemment soulignées par l’historiographie [6], bien que l’étude de son impact politique demeure rare. Le cas spécifique des paris romains est très peu abordé, souvent ignoré, si ce n’est pour rappeler l’importance plus générale du jeu dans les fastes de la Rome « renaissante ». Seul Jean Delumeau, dans sa thèse, a souligné le poids économique du phénomène [7], sans chercher, ce n’était pas son objet, à en penser l’ombre portée politique. Cette absence d’études tient à la carence de la documentation : comme beaucoup de pratiques sociales très ordinaires, les paris apparaissent surtout dans les textes normatifs régulant ou interdisant leurs pratiques, à la fin du XVI e siècle [8], et dans de rares procès, souvent inaboutis [9], ainsi que dans les gazettes et nouvelles.
7Telle qu’on peut la reconstituer d’après les sources normatives, l’activité parieuse se fonde sur la prévision d’un événement précis [10] (comme l’élection des cardinaux ou le sexe des enfants à naître [11] ), impliquant un gain au cas où l’événement sur lequel on a parié survient, une perte dans le cas contraire. Les courtiers des paris affichent et enregistrent les cotes qui correspondent à la valeur monétaire du bulletin de pari sur tel ou tel candidat ou événement : en cas de gain, le parieur gagne 100 écus, en cas de perte, il ne touche rien [12] (ce qui renvoie, même sur des paris complexes concernant par exemple l’élection pontificale, à des paris à deux termes). Ils donnent lieu à l’établissement d’un acte écrit, d’un reçu (fondé sur un formulaire imprimé [13] ) qui est à son tour négociable ou échangeable [14]. Les paris s’appuient sur le réseau des banques présentes à Rome [15], qui s’engagent à verser les gains des joueurs, et récupèrent bien entendu les mises, une fois versée la commission des courtiers; y participent, plus généralement, les nombreux acteurs liés au prêt d’argent, notamment les juifs de Rome [16].
8Cette activité grouillante des paris, dans certains espaces urbains, est décrite par les sources normatives : les courtiers ameutent les passants, crient les cotes des bulletins qu’ils proposent. Au-delà des courtiers officiels ou tolérés, existent des courtiers officieux ou clandestins; en outre circulent apparemment de faux reçus de paris, indice d’un phénomène de revente des bulletins de jeu [17] alimentant les spéculations [18].
9La très rapide réactivation des paris en période de vacance est facilitée par la continuité de l’usage social : entre deux vacances du pouvoir, les paris sur le sexe des enfants ou sur l’élection des cardinaux permettent de maintenir l’institution des courtiers comme le lien avec le monde bancaire, ce qui facilite la relance des paris aux premiers signes d’une grave maladie (ou supposée telle) du souverain pontife. Ces paris portent alors sur la durée du conclave [19], sur la mort du pape [20], sur le nom du futur pape [21]. Ils commencent dès la maladie du pontife et durent jusqu’à la fin du conclave; cependant, quand ce dernier dure trop longtemps, les paris semblent s’atténuer, les phénomènes de revente paraissent également s’estomper [22], sans doute parce que les jeux sont faits depuis bien longtemps et que certains y ont déjà perdu beaucoup d’argent.
10Les paris concernant l’élection pontificale sont une pratique attestée dès septembre 1503 par le chroniqueur vénitien Marino Sanuto (qui rapporte les propos de l’ambassadeur de la République) :
Et les cardinaux sont en telle réputation, et ceux cités ci-dessous, sont ceux qui se trouvent en position hasardeuse : cardinal de Sienne, hier à 30 pour cent, le soir 45 puis 50 [...] Et aujourd’hui Sienne à 20 : on ne trouve personne qui veuille en prendre. Et s’il venait à être fait pape, le comptoir des Spanocchi gagnerait 12 mille ducats [23].
12Les paris ont déjà la forme qu’ils conserveront ensuite : ils sont liés à la banque, en l’occurrence celle des Spanocchi (et tous les interdits concernant les paris sont affichés, ce n’est pas un hasard, près des banques), les cotes sont déjà très fluctuantes (signe d’une versatilité des opinions, mais aussi du grand nombre de paris), et les sommes engagées considérables – 12 000 ducats pour une seule banque romaine. Cette première attestation présente le phénomène comme normal ou, à tout le moins, familier : peut-être faut-il donc faire remonter les paris sur l’élection du pape (ou sur sa mort) à la fin du XV e siècle – sans doute pas beaucoup au-delà (peut-être à la mort du très décrié Sixte IV), du moins les sources en font-elles des mentions fréquentes surtout à partir des années 1520 environ.
13Le recours aux paris devient massif après 1550; par exemple, les ambassadeurs de Ferrare, qui auparavant n’évoquaient pas ces paris, se mettent à recopier soigneusement les cotes des différents cardinaux à partir du conclave de 1550, bien que l’on en trouve une mention dès 1534 [24]; dans la deuxième moitié du XVIe siècle, les dépêches répercutent soigneusement l’évolution des cotes, régulièrement, et les rédacteurs d’avis agissent à l’identique. Dans la présentation formelle des dépêches même se perçoit cette attention portée aux paris; alors qu’en 1534 l’ambassadeur de Ferrare inclut les cotes dans un paragraphe de sa missive, et agit de même en 1550 [25], en 1555 en revanche il mentionne les cotes dans une feuille annexée, dressant un tableau sommaire, qu’il reproduit sans doute soit d’après les cris des courtiers, soit plus vraisemblablement d’après un tableau des cotes que les courtiers eux-mêmes établissaient [26]. En 1585, l’ambassadeur de Ferrare est plus méticuleux encore, puisqu’il dresse, dans un tableau annexé à sa dépêche, les cotes des cardinaux à Rome et à Florence [27], manifestant ainsi non seulement sa connaissance de l’information, mais aussi celle de la circulation des informations sur les paris à travers les réseaux marchands, qui ont accès aux différents « marchés » des bulletins de jeu, le parallèle avec une organisation boursière primitive étant frappant.
14Les hésitations répressives du pouvoir pontifical trahissent l’inquiétude des autorités face à un phénomène considéré comme contestataire (et, à ce titre, les paris sur l’élection pontificale sont interdits dès 1555 [28] ), mais difficile à interdire entièrement. C’est pourquoi, à la fin du pontificat de Sixte Quint, se multiplient les décrets tentant de contrôler les paris, en imposant un monopole des courtiers officiels pour les paris sur le sexe des enfants et la création des cardinaux. Alors que le 20 mars 1588, les paris sont interdits [29], en août 1588 sont institués 40 courtiers devant monopoliser de tels paris. Quelques mois plus tard, leur nombre est réduit à 30 [30], puis à 15 en juillet 1589 [31], et les paris sont à nouveau interdits en décembre 1589 [32], ce qui contraint le pouvoir pontifical à restituer les 36 000 écus de caution qu’avaient dû verser les courtiers autorisés [33]. C’est dire les hésitations des autorités : face au scandale que représentent les paris sur l’élection pontificale, Sixte Quint tente d’en encadrer fermement l’usage, puisque les interdits sont régulièrement contournés. La réduction progressive des courtiers, le contrôle financier strict qui leur est imposé (à travers le dépôt d’une caution pour exercer leur charge [34] ) tentent de juguler la pratique, d’éviter ses débordements vers le pouvoir souverain – le retour à l’interdiction pure et simple témoignant de la vanité de tels efforts.
15En octobre 1591 encore, après la constitution très ferme de Grégoire XIV contre ces paris, les cotations continuent lors de la maladie de ce même pontife mais semblent se faire plus discrètes, soit qu’elles passent par les juifs de Rome, soit qu’elles passent par Florence [35]. L’ambassadeur de Ferrare a alors la même impression d’un contournement des interdits, qui lui permet de fournir les cotes des parieurs dès septembre [36]. Pourtant, le phénomène parieur, malgré le pessimisme de cet ambassadeur, paraît s’essouffler : en janvier 1592, lors du conclave consécutif à la mort d’Innocent IX, le recueil d’avis ne fournit pas les cotes des paris [37], et l’ambassadeur de Modène, lors des deux conclaves de 1605, ne les mentionne pas non plus [38], signe a priori d’une disparition du phénomène, du moins dans son caractère massif – si certains paris privés peuvent continuer, clandestinement, les paris affichés, criés dans le quartier des banques, suscitant un engouement considérable, ont vécu, et c’est au mieux un retour, en somme, à la situation d’avant les années 1520. Il y aurait ainsi un temps des paris romains, lors duquel la pratique est massive, diffuse dans les différentes couches sociales, connue à l’échelle de l’Italie.
16Ces paris permettent de contourner en partie les secrets masquant les activités de la Curie puis du conclave, et servent de réceptacle d’informations : en effet, les pratiques autour de l’élection pontificale, commencées dès la maladie du pape, y trouvent un écho direct, en raison de l’intérêt des parieurs à miser sur le futur élu. Inversement, les cotes peuvent avoir des répercussions directes sur les négociations entre cardinaux : au cours de ces tractations, il est important de faire croire que l’on détient un grand nombre de voix (ou à tout le moins une minorité de blocage), de même qu’il est important de vérifier les assertions de la faction cardinalice opposée – en ce sens, les cotes des parieurs, parce qu’elles fournissent une information jugée fiable et synthétique, permettent d’informer les cardinaux eux-mêmes et de peser sur le conclave, ce d’autant que les parieurs sont désireux de n’être pas dupes des assertions des cardinaux. Par exemple, en décembre 1521, la cote du cardinal Médicis baisse fortement (passant de 50 % à 12 %), car, dit l’ambassadeur vénitien, il clame partout qu’il sera pape, ce qui paraît suspect, alors même qu’il semble disposer de solides appuis [39].
17Cette intégration immédiate des nouvelles diplomatiques, ou des rumeurs de la Curie, dans les cotes révèle l’action efficace des paris pour centraliser des informations romaines : les paris les intègrent dans la mécanique des cotes, permettant alors une répercussion à large échelle (eu égard à la grande visibilité de tels paris, et à l’enthousiasme collectif qu’ils suscitent). Tout en concentrant les nouvelles romaines, les comptoirs des parieurs fabriquent également des rumeurs : c’est que les parieurs, du moins les plus naïfs d’entre eux sont, aux dires d’un ambassadeur de Ferrare, les victimes de manipulations spéculatives. Les variations de cotes, voire certaines fausses rumeurs d’élection, tiendraient autant d’une convergence d’informations, que de la fabrication lucrative de fausses nouvelles. Évoquant la fausse rumeur de l’élection comme pape du cardinal Paleotto en octobre 1590, l’ambassadeur rapporte l’opinion des cardinaux en conclave, selon laquelle il s’agirait d’une manœuvre des courtiers ou des banques [40] (les enjeux financiers rendent particulièrement rentables des changements brutaux de cotes, des spéculations complexes).
18Cependant, la dénonciation d’une telle fraude par le conclave pourrait n’être à son tour qu’une manipulation, permettant aux cardinaux de dénoncer une activité parieuse désormais fortement prohibée car doublement gênante, non seulement en raison des fausses nouvelles qu’elle engendre, mais surtout du fait qu’elle risque de se substituer au conclave, et donc à l’Esprit saint, normalement responsable de l’élection pontificale. C’est dire l’enjeu de cette multiplication désordonnée des paris : au-delà des masses financières en présence, au-delà de la mobilisation de la foule, l’enjeu crucial est celui du savoir. Les comptoirs des parieurs parviennent donc rapidement à s’imposer comme un lieu de savoir synthétique et presque fiable, remettant en cause, non sans irrévérence, le savoir théoriquement monopolistique du conclave, dans un temps où la réinvention d’un pouvoir souverain rend particulièrement évidente la possible confusion entre savoir et pouvoir.
Une mort introuvable
Des événements devenus incertains
19Le brouillage d’abord interne de l’information (par les secrets de la Curie, d’un conclave théoriquement fermé avec soin) puis externe (par la confusion des savoirs engendrée sur les comptoirs des parieurs) conduit à la multiplication de fausses rumeurs, indice que cette opinion si réactive finit par faire mourir un pape vivant ou par faire élire pape un cardinal, hors du conclave. De telles rumeurs sont légion, rapportées par tous les types de sources. Déjà en août 1484, la chronique romaine de Gaspare Pontani rapporte que certains, à Rome, crurent que Sixte IV était mort avant l’annonce réelle de son décès, soulignant à cette occasion combien cette possible disparition alimentait les conversations [41]. En mai 1523 arrive à Venise la nouvelle de la mort d’Adrien VI, depuis Ferrare, et elle met beaucoup de temps à être infirmée, d’autant qu’elle s’était enflée d’elle-même, puisque le bruit courait que Bologne avait pris les armes en raison de ce décès, et que la route vers Rome était coupée [42]. En 1534, les fausses nouvelles de la mort de Clément VII furent extrêmement nombreuses : le chroniqueur de Modène Tommasino Lancellotti pensa que la mort du pape était volontairement masquée par le cardinal Médicis, qui retiendrait tout le monde prisonnier au Vatican pour assurer son élection [43]; l’ambassadeur de Ferrare lui-même, en septembre de cette année, écrit à son souverain qu’il pense que Clément VII est mort mais qu’il n’en est pas entièrement certain [44].
20De telles rumeurs concernant la mort du pape circulèrent également pour Paul IV (1559) [45], Pie IV (1565) [46], Urbain VII (1590) [47], Grégoire XIV [48] et Innocent IX (tous deux en 1591) [49]. Dans le cas de Grégoire XIV, la nouvelle de sa mort fut considérée comme si certaine que de nombreux courriers furent envoyés pour l’annoncer : la famille du défunt élabora involontairement de fausses rumeurs, patinées en outre de vérité en raison de leur expédition par une chancellerie mobilisée dans l’urgence [50]. Le flou qui gagne la mort du pape peut donc même contaminer ses proches, indice de cette incertitude du savoir, de la forte diffusion de l’idée selon laquelle le temps de la vacance du pouvoir pontifical, entendu au sens large, est nécessairement un moment de la connaissance imprécise, biaisée ou mensongère.
21La diffusion de fausses informations atteint son apogée en 1522, lors de l’élection (très impopulaire, chez les parieurs comme chez les Romains en général) d’Adrien VI : circulèrent de très nombreuses rumeurs affirmant qu’il avait été élu pape alors qu’il était mort; en effet, le pape avait été élu alors qu’il se trouvait en Espagne et il n’arriva à Rome qu’en août. Dès le 5 janvier 1522, les diaires de M. Sanuto rapportent une rumeur qui circule à Venise, sans lien apparent direct avec Rome, selon laquelle avait été élu un mort [51] : ce beau paradoxe de l’élection d’un pape mort subit rapidement une inflexion, et devient, dans une rumeur du 16 janvier 1522, l’affirmation de la non-élection du pape – et ce serait alors la nouvelle initiale (l’élection d’Adrien VI) qui aurait été mensongère [52]. Rome connaît apparemment les mêmes interrogations : certes, la nouvelle de l’élection n’est pas contestée, mais la rumeur du pape élu mort alimente les paris [53] et paraît bien diffuse dans l’opinion romaine, au point d’être mentionnée par les cardinaux dans la lettre qu’ils écrivent à Adrien VI en mars 1522 [54]. L’ambassadeur de Venise la répercute peu après, le 20 janvier, en la donnant pour possible, voire probable [55]. Au même moment, une lettre de Rome parvenue à Venise reprend la rumeur et souligne sa grande popularité [56].
22Ce flux de rumeurs permet ainsi de rendre acceptable l’inacceptable (l’élection d’un cardinal inconnu, non italien) : brouillée par ces rumeurs, l’élection d’Adrien VI devient un non-événement, ou un événement dérisoire mettant en scène un pape mort-vivant. Ce temps de la vacance est occupé, après la nouvelle qu’Adrien VI est vivant, par des interrogations sur la légitimité de l’élection, qui permettent de passer du pape mort au pape non élu : M. Sanuto rapporte ainsi, en mars 1522, que les cardinaux auraient trouvé une bulle stipulant que le pape élu doit être à Rome dans les quatre mois suivants son élection, faute de quoi l’élection serait invalidée [57]. La rumeur, après son démenti, ressurgit pourtant au début du mois de juin 1522, peu avant l’arrivée du pape sur le sol italien : à cette date, le courrier porteur de la lettre de l’ambassadeur de Rome à Venise est chargé d’annoncer, oralement, la nouvelle de la mort d’Adrien VI à Barcelone [58]. La longue semi-vacance du pouvoir (Adrien VI, élu en janvier, n’arrive à Rome qu’en août 1522) génère ainsi de multiples rumeurs, venues combler l’absence d’un souverain décrié. Mort et élection pontificale se confondent ici (à travers la double rumeur d’un pape mort-vivant, ou d’un pape non élu), la chronologie devient incertaine (puisqu’il semble impossible de dire s’il y a ou non vacance du pouvoir), et le vide d’autorité génère des rumeurs sur une absence d’autorité.
23Plus fréquentes encore sont les fausses nouvelles d’élection de souverains pontifes : on en trouve la trace dès 1484 [59]; elles concernent ensuite les cardinaux Médicis et Farnèse en décembre 1521. Dans ce cas, la densité de fausses nouvelles est surprenante : le 4 décembre, le cardinal Médicis est donné pour mort, selon une rumeur dont M. Sanuto fait peu de cas en raison de son origine [60]. À la fin du mois de décembre, alors que le cardinal Médicis a une très haute cote chez les parieurs, circule la rumeur de son élection dans le quartier des Banchi [61]; le 8 janvier 1522, c’est au tour du cardinal Farnèse d’être acclamé pape par la rumeur, alors qu’il est à son tour très haut dans les paris – et la fausse nouvelle est suffisamment répercutée et durable pour créer des interventions de la foule dans l’espace urbain, devant le palais du cardinal en l’occurrence [62].
24Enfin, le 11 janvier parvient à Venise une lettre de l’ambassadeur, annonçant l’élection d’Adrien VI – mais la nouvelle, très improbable, est traitée comme une rumeur [63].
25En moins de quinze jours, la confusion est totale, symétrique de la confusion qui semble régner dans le conclave et qui fait craindre à certains l’absence d’élection pontificale – toujours en interaction avec les paris, avec les fortes pertes de certains parieurs en l’occurrence. M. Sanuto, rapportant les propos de l’ambassadeur de Venise à Rome, évoque un essoufflement des paris le 4 janvier 1522, car les cotes sont trop fluctuantes et que beaucoup de Romains y ont perdu de l’argent, si bien que le conclave semble sans issue, comme si asphyxie des parieurs et blocage de l’assemblée des cardinaux devaient aller de pair :
Tous les paris ont disparu et l’on ne trouve plus ni vendeur, ni preneur; tous ont perdu croyance et crédit, et l’on dit publiquement que les cardinaux sont en grand désaccord, et qu’il s’en est fallu de peu qu’ils ne se battent; et l’on estime qu’ils sortiront de Conclave sans pape élu [64].
27Cette multiplication anarchique des rumeurs d’élections se poursuit lors des conclaves suivants : elle concerne les cardinaux Farnèse [65] puis Araceli en octobre 1523. Dans ce dernier cas, l’anticipation des parieurs, qui surinterprètent les mouvements des cardinaux (la demande d’un clef) conduit à l’acclamation d’un pape, selon une lettre écrite le 31 octobre 1523 de Rome par Marin Pozo, et recopiée par M. Sanuto [66].
28Les attentes des parieurs (et l’existence de favoris) entraînent ainsi une hypersensibilité de la foule, capable d’acclamer un pape avant même toute annonce officielle, capable surtout de décréter le nom du pape censément élu, du fait de la sortie de la tiare. On pourrait ainsi multiplier les exemples de fausses élections par la rumeur et l’acclamation populaire : le cardinal Pole connaît la même mésaventure que celle du cardinal Farnèse, en janvier 1550 cette fois, puisqu’il devient le pape d’une nuit, ce qui conduit la foule à mettre à sac son écurie, après avoir échoué dans le sac de son palais [67].
29À nouveau, la confusion règne, suscitée par la mauvaise circulation des informations, par des signes contradictoires, mais plus globalement par les attentes d’une foule qui, face à un conclave qui dure, finit par acclamer le cardinal porté par la rumeur. Au même mois de janvier 1550 refait surface l’opinion selon laquelle le conclave sera sans issue, c’est-à-dire que le pape serait à nouveau introuvable, selon les propos de l’ambassadeur de Ferrare [68]. Le cardinal Farnèse, souvent favori des parieurs (en sa qualité de bon connaisseur de la Curie, mais sans doute également en sa qualité de cardinal romain) est acclamé pape par la rumeur en 1555 et en 1585 [69]. Une des sources qui rapporte la rumeur de mai 1555 insiste justement sur l’importance de la popularité de ce cardinal, sur le poids des anticipations dans la diffusion de cette rumeur, qui conduit la foule à croire en la véracité de son désir [70].
30En 1555, puis surtout dans les années 1590-1592 (lors desquelles se multiplient les conclaves, quatre en un an et demi), ces rumeurs deviennent presque innombrables. Par exemple, en octobre et novembre 1590, lors du conclave consécutif au très court pontificat d’Urbain VII, ce ne sont pas moins de dix rumeurs d’élection [71] qui circulent dans Rome, portant sur huit cardinaux différents, certaines même suivies d’effet, puisque la rumeur de l’élection du cardinal Paleotto en octobre aboutit à la peinture de ses armes dans la ville [72], ainsi qu’à un début de mise à sac du conclave [73] (pourtant encore clos) avant que le bruit ne soit infirmé.
Le pape ne meurt jamais
31Ces rumeurs aboutissent à la mobilisation rapide de la foule, signe de leur diffusion comme de leur efficacité. En effet, les rumeurs d’élection provoquent une mise à sac du palais du cardinal censé être élu : en octobre 1523, la rumeur de l’élection du cardinal Araceli provoque la mise à sac de son palais, et le même incident se reproduit en 1549 puis en 1555, bien que dans ces deux cas les pillages soient très partiels. Certes, ces rumeurs pourraient être le fruit du désir de pillage, être l’invention de quelques meneurs attirés par l’appât du gain facile : ainsi, en 1492, lors de la vacance pontificale consécutive à la mort d’Innocent VIII, l’ambassadeur de Ferrare rapporte que les cardinaux s’arment, par crainte qu’une fausse rumeur intentionnelle ne provoque le pillage de leurs palais [74].
32Mais une telle instrumentalisation de la rumeur (intéressante au demeurant, puisqu’elle pourrait fournir une autre source possible à ces bruits urbains) semble peu probable, du moins peu systématique : elle n’explique par exemple pas pourquoi, en octobre 1590, la rumeur de l’élection du cardinal Paleotto provoque un début d’attaque du conclave, à fins de pillage. À la rumeur de la mort de Sixte Quint puis de Grégoire XIV, il apparaît que les juifs craignent une mise à sac et se réfugient dans le ghetto : c’est là le signe que de telles rumeurs, vécues comme véridiques, avaient les mêmes conséquences que le décès lui-même [75]; impossible, dans ce cas, d’incriminer une rumeur fomentée par l’appât du gain, puisqu’en l’occurrence ces deux rumeurs émergent au sein des marchands juifs de la place Navone (et l’on retrouve ce petit périmètre de la rumeur romaine), qui rangent à la hâte leur étal par crainte de pillage. La rumeur, par conséquent, prend corps au point d’être suivie d’effet, de susciter des tumultes urbains : le bruit trompeur, non-événement par excellence, finit par créer l’événement. Cette agitation des juifs de la place Navone est prise très au sérieux par les autorités romaines qui, en juillet 1590, entendent poursuivre les auteurs d’une fausse mort pontificale [76]. Les autorités romaines tentent ainsi de réprimer de fausses rumeurs, synonymes de désordres; surtout, cette rumeur contraint le pape Sixte Quint à se montrer à la sortie de la messe, pour prouver qu’il est vivant. C’est le signe d’une inquiétude face à ce débordement d’informations, face à un savoir de la rue qui conduit à l’occultation d’un savoir prétendu réel, mais douteux, détenu par le pouvoir politique.
33Il apparaît qu’au temps de la surinformation correspond un temps de surproduction de rumeurs et d’anticipations, comme si la nouvelle appelait la nouvelle; surtout, il apparaît que non seulement l’activité de paris sert de support à cette intense circulation d’informations et de rumeurs à Rome lors des vacances, mais qu’elle est aussi à l’origine de nombre de ces rumeurs et alimente une hypersensibilité de la population aux différents bruits qui courent, au point que l’activité des parieurs fonctionne comme une participation collective au temps de la mort du pape. Par exemple, on l’a dit, en octobre 1523, l’ambassadeur vénitien (selon les propos qu’en rapporte M. Sanuto) fait savoir à Venise que la rumeur a couru, dans Rome, de l’élection comme pape du cardinal Farnèse, alors que sa cote est à 40 %, rumeur vite démentie ensuite. De même, en avril 1555, une dépêche de l’ambassadeur de Mantoue rapporte les rumeurs qui circulent sur le conclave et fait le lien entre ces rumeurs et la manipulation fomentée par les organisateurs de paris [77]. Pareillement, en novembre 1590, la rumeur de l’élection du cardinal de Crémone est dénoncée comme une manœuvre des parieurs par le maître des cérémonies Giovan Paolo Mucanzio [78].
34Cette confusion chronologique, concernant le temps de la vacance pontificale, est renforcée encore par l’anticipation institutionnelle de la mort du pape; en effet, avant même ce décès, les cardinaux commencent à négocier; parfois même les ambassadeurs proposent l’appui de leur souverain, et les troubles urbains commencent [79]. Cette confusion est même reconnue par la loi qui interdit les vols dans les palais pontificaux lors de la vacance : elle prohibe un usage constaté lors de la grave maladie ou de la mort du pape, ce qui semble indiquer que, dès avant le décès du souverain pontife, ses familiers mettaient à nu le palais pontifical [80].
35C’est dire, finalement, l’occultation de la chronologie réelle au profit d’une multiplication de scansions, largement suscitées par cette opinion publique et ce jeu des paris : l’exemple des rumeurs parvenues à Modène est particulièrement frappant en ce qu’il montre combien les fausses nouvelles finissent par écarter la vraie information. En août et septembre 1534, le chroniqueur de Modène T. Lancellotti, après avoir à six reprises reçu la nouvelle de la mort de Clément VII (puis son infirmation à cinq reprises) [81], conclut le 1er octobre que le pape doit être mort mais que sa mort a été tenue secrète [82] (auparavant, il avait laissé entendre que le pape avait ressuscité [83] ). Ensuite, la nouvelle réelle de l’élection de Paul III arrive à Modène le 14 octobre, est démentie le 17, puis reconfirmée le 19, signe que le doute progresse, que la nouvelle, quelle qu’en soit la source, ne saurait être entièrement fiable [84]. Ce même 19 octobre, le chroniqueur rencontre le gouverneur de Modène qui lui demande d’enregistrer dans sa chronique l’élection de Paul III (malgré les réserves du chroniqueur, qui craint que l’information ne soit fausse), confirmée par des dépêches de Ferrare : ensuite, au cours de la conversation, le gouverneur lui affirme que l’on savait bien, par des pronostics, et depuis 18 mois, que Clément VII ne passerait pas le mois de septembre [85].
36Par conséquent, le gouverneur de la ville met sur le même plan informatif des sources astrologiques et des nouvelles de Rome, face à un chroniqueur qui se voudrait prudent. Le même chroniqueur, à propos de la mort de Paul III, annonce qu’il est mort en septembre, mais que sa mort est tenue secrète; en novembre, recevant la nouvelle officielle de sa mort, il rapporte une rumeur, disant qu’il s’agit d’une désinformation volontaire, produite par un pape désireux de connaître les jugements portés sur ses actions [86]. L’événement réel est donc abaissé au rang de fantasme, tandis que l’événement fictif devient, par la rumeur, événement réel : Paul III ne serait pas mort, tandis que Clément VII l’aurait été bien avant la date officielle, et cette confusion des dates, plus nette encore ici à Modène qu’à Rome, inscrit la vacance pontificale dans le temps long des murmures urbains.
37La confusion chronologique précédemment décrite, où rumeurs, paris, prédictions, satires, événements, construisent autant de chronologies concurrentes et interdépendantes, a une première conséquence, triviale en apparence, mais aux répercussions importantes, à savoir la disparition de l’événement. Dans cette super-position de bruits contradictoires, le temps de la mort comme de l’élection devient incertain : on glisse alors du temps court de l’événement au temps long de la rumeur, c’est-à-dire que la vacance du pouvoir devient un temps de l’incertain, lors duquel l’on ne sait jamais précisément si le pape est mort ou vivant, élu ou cardinal. Cette imprécision chronologique, nourrie par cette succession de rumeurs concurrentes (et qui se rencontrent sur les comptoirs des parieurs), aboutit en outre à une série de légendes concernant la survie du pape ou sa résurrection : ce flou chronologique s’incarne alors dans cette relecture du pouvoir pontifical.
38L’exemple le plus net est celui de Clément VII : très malade en août, au point que la nouvelle de sa mort avait alors circulé, il ne meurt finalement qu’à l’automne. Cette divergence chronologique fait émerger alors une série d’interprétations qui, dans leur diversité, vont dans le même sens : T. Lancellotti affirme que le pape a ressuscité pendant l’été, interprétation rapportée également par l’ambassadeur de Ferrare, de façon métaphorique certes, mais en rapportant également la rumeur populaire selon laquelle le pape disposerait d’un esprit captif [87]. La légende circule, puisqu’une chronique de Todi soutient que le pape a utilisé des pratiques de magie noire pour se maintenir en vie [88]. Ce lien supposé du pape avec les forces démoniaques est explicitement dénoncé dès le pontificat d’Alexandre VI : il aurait contracté un pacte avec le démon pour être élu et aurait été dupé par ce démon sur la durée réelle de son pontificat [89].
39Ce même thème démoniaque ressurgit à la mort de Sixte Quint, en 1590 : un rédacteur d’avis rapporte la rumeur selon laquelle le pape aurait disposé d’un esprit domestique nommé Dante, qui l’aurait lui aussi trompé sur la durée de son règne [90]; l’idée d’un contrat entre pape et démon est au demeurant un grand classique des pasquinate, qui ont beau jeu de dénoncer les accointances démoniaques de certains pontifes [91]. Il est intéressant de noter le lien étroit qu’entretient ce mythe démoniaque du pape avec le récit de sa mort : ces légendes diaboliques apparaissent au moment de la disparition et expliquent le brouillage du temps de la disparition.
40C’est dire combien ce flou chronologique favorise une lecture surnaturelle du pouvoir pontifical, décrit comme capable de jouer avec la vie et la mort, bien qu’il s’en trouve finalement victime. La description de papes morts et vivants révèle également cette confusion du savoir à laquelle seule une anomalie médicale peut donner sens et l’explication surnaturelle n’est à nouveau pas loin, ce que montre le tableau (cité en introduction) du pape Grégoire XIV devenu, médicalement, un cadavre en vie. Pareillement, en septembre 1590, un autre recueil décrit le cadavre vivant de Sixte Quint : une fois son cadavre ouvert, il aurait bougé [92], signe d’un cadavre vivant, qui est peut-être à l’origine de la réactivation de la légende du pacte avec le démon. Ces rumeurs et fantasmes témoignent tous de la matérialisation d’une impossibilité à faire émerger un simple récit des événements de la vacance pontificale, brouillé qu’il est par des rumeurs qui se répandent et s’amplifient par les mêmes canaux d’information. S’élabore ainsi le tableau d’un pape immortel, maîtrisant un savoir occulte et réservé qui lui permettrait de défier ou du moins troubler l’inévitable mort – dans un modèle d’anti-sainteté, d’un pape démoniaque, malodorant, pratiquant des miracles sur son propre corps. Le flou jeté sur l’information a donc même contaminé la loi naturelle; le développement incontrôlé de savoirs, la multiplication des rumeurs d’élection ou de mort, conduit ainsi à rendre illisible la mort pontificale, à rendre la vacance du pouvoir elle-même sujette à caution.
41Le pape ne meurt donc jamais, non en vertu de prises de positions théoriques ou rituelles, mais du simple fait de l’invisibilité de la vacance : les parieurs, en inventant des papes de papier (au sens littéral, suscités qu’ils sont par les bulletins de paris), en comblant le silence attendu de la vacance par des rumeurs suivies d’effet (des prédictions créatrices, presque), conduisent à un brouillage du corps souverain, à une relecture implicite du pouvoir. Malgré sa matérialité charnelle bien identifiée, le corps pontifical n’en acquiert pas moins une forme de transcendance, capable qu’il est d’échapper à la loi naturelle. Rumeurs et paris conduisent donc à une floraison de papes, ainsi qu’à des morts introuvables : par l’attention maniaque portée par la foule des parieurs à la santé pontificale comme à son incarnation bien peu spirituelle, émerge ainsi un corps aussi douteux que permanent du souverain, un corps flou, néanmoins suffisant pour incarner l’autorité et éviter sa disparition.
Un crypto-conclave
42Cette introuvable mort pontificale (comme cette introuvable élection, ce qui revient au même) établit une forme de continuité par défaut du pouvoir souverain, tant il semble difficile de déterminer précisément les temps de vacance réelle. Cette continuité de fait du pouvoir entre en écho avec des interrogations théoriques qui posent la même question du contraste entre discontinuité institutionnelle et continuité de fait de l’autorité. Par exemple, sans entrer dans les débats, en décembre 1521, certains cardinaux refusent d’élire le cardinal Médicis pape (pour succéder à Léon X, pape Médicis) par crainte de créer le précédent d’un pontificat héréditaire [93]; en 1565, Grégoire XIII affirme vouloir empêcher, par une bulle, un pape de nommer son successeur, au cas où ce serait canoniquement envisageable [94]. Face à une continuité de fait du pouvoir (par la pratique du népotisme [95], notamment) s’impose donc le désir de renforcer la rupture en droit entre deux souverains.
43Cette même ambiguïté entre pratique et théorie est perceptible également dans les textes pontificaux qui interdisent aux cardinaux de préparer, du vivant d’un pape, l’élection de son successeur. Cette condamnation des pratiques des cardinaux donne par exemple lieu à une bulle, publiée en 1559 par Paul IV, dans laquelle le souverain pontife réfute la possibilité d’aspirer au pontificat du vivant du pape, au nom de la patrimonialité de la charge, comme au nom du mariage entre le pape et l’Église [96]. Prétendre de son vivant au pontificat équivaudrait alors à remettre en cause les liens du mariage spirituel ou à disposer du patrimoine d’un vivant : non sans paradoxe, ce rejet d’une continuité du pouvoir (puisqu’il ne peut y avoir d’anticipation du décès) se fait au nom du droit civil et canon concernant la famille et le patrimoine, dans lesquels la notion d’héritage a toute son importance. Ce paradoxe d’un pape propriétaire d’un bien dont il ne peut disposer oblige alors à la discontinuité [97].
44De même, quand Paul III Farnèse, en 1548, condamne ceux qui aspirent au pontificat [98], il le fait à la demande du cardinal Farnèse; dans une lettre à ce cardinal, il expose la difficulté qu’il y a à empêcher les tractations des cardinaux et lui donne une série de conseils pour faire élire un pape qui lui soit favorable [99]. Par conséquent, l’affirmation d’une discontinuité du pouvoir se fait au nom de sa possible continuité, familiale pour l’essentiel. Le tableau d’un pape mort vivant, d’un pape qui ne meurt jamais, vient nourrir cette continuité de fait du pouvoir, remédiant aux risques d’une discontinuité au demeurant très théorique.
45En outre, l’invisibilité de la mort pontificale favorise la progressive pacification de Rome et des États pontificaux lors de la vacance du pouvoir : difficile, en effet, de connaître pour la foule le temps du soulèvement et du pillage, dès lors que le pape semble toujours vivant. En effet, à la fin du XVe et dans la première moitié du XVIe siècle, le temps de la vacance pontificale est l’occasion de troubles nombreux, de mises à sac et d’assassinats, à Rome comme dans les États pontificaux [100]. Ces désordres urbains, à la limite parfois de la révolte, sont presque tolérés par des autorités le plus souvent impuissantes à les arrêter; c’est qu’ils sont alors considérés comme normaux, comme relevant d’un droit de dépouille supposé de la population, qui l’autoriserait à se saisir des biens du pape défunt, puis de ceux du cardinal nouvellement élu et du conclave. Par exemple, à la mort de Jules II, le journal d’un Français habitant Rome rapporte :
Lundj xxi de fevrier l’an desusd trepassa Julio pp 2°/ [...] Vendredj xxv de fevrier 1513 après la mort du pape Julio/par les romains fut mis a sac le monastere de saint paul et fut... emporté le grain le vin et argent bestiame, artillerie et tout autres choses qui trouverent dedans [...] et se dison que fut fait de consentement du colege des cardinaulx je ne scay se fut vray et permis [101].
47En 1484, à la mort de Sixte IV, c’est le palais de Girolamo Riario, neveu du pape, qui est tout particulièrement mis à sac [102], tandis qu’en 1503 ce sont les quartiers espagnols [103] (en relation avec la mort du pape espagnol Alexandre VI) : l’interrogation de ce Français de Rome, qui ne sait si le pillage de greniers fut toléré ou non, souligne le caractère ritualisé et traditionnel [104] de tels saccages. Ce sont bien souvent les quartiers juifs [105] qui sont également victimes de tels pillages, ce qui facilite un lien avec l’univers des paris (en raison de la place qu’y occupent les banquiers juifs). De la même logique relève le pillage du palais du Vatican par les officiers pontificaux, lui aussi considéré comme coutumier. À ces pillages s’ajoutent, lors de la vacance du pouvoir, une ouverture par la force des prisons, une recrudescence des violences et assassinats, un retour en force des tensions factieuses.
48En revanche, à partir de la deuxième moitié du XVIe siècle environ (après les excès de 1559), les sources insistent sur le calme de la cité romaine : les boutiques sont ouvertes, la ville se comporte, disent les textes, comme si le pape n’était pas mort [106] – et cette pacification, cette normalisation de la cité (que l’on peut percevoir également dans les autres villes des États pontificaux, bien qu’elle soit moins vraie à la fin du siècle, du fait de la recrudescence du banditisme en période de vacance), s’explique en partie par une mort indicible, qui vient accompagner et conforter la mise en défense de la ville par le collège des cardinaux. Cette progressive pacification est par exemple bien perceptible à travers les réactions différentes de la foule romaine lors de la mort de deux papes honnis, Paul IV et Sixte Quint. Dans le premier cas, la foule met à sac le palais de l’Inquisition et mutile copieusement la statue du pape placée au Capitole, dans un rituel infamant très élaboré; dans le second cas, la foule réclame la statue équivalente de Sixte Quint, mais est apaisée par des barons romains – et le peuple se contente alors d’une interdiction solennelle de dresser de telles statues de souverains pontifes au Capitole [107]. Les pratiques infamantes de 1559 disparaissent donc et s’y substituent des réponses normatives, indice de cet affaiblissement des désordres urbains en période de vacance. Les contradictions institutionnelles d’une papauté (entre discontinuité théorique et continuité de fait, entre élection du pape par l’Esprit saint et manœuvres des cardinaux) se trouvent ainsi résolues par l’affirmation d’un pape qui semble ne jamais mourir ou être toujours élu – les rumeurs emplissent la vacance pontificale de pouvoirs fantasmés qui transforment ce temps de vide en un temps plein, grouillant d’annonces et de contradictions.
49Cet apaisement progressif des troubles, dans une même logique de continuité de fait d’une autorité (qui n’est plus contestée, même quand elle est absente), doit être mis en relation, à nouveau, avec la question des paris, avec le rituel parallèle qu’ils imposent, capable de vider de son sens la pratique des dépouilles. Se pose à ce point la question du lien possible entre le conclave et ces rumeurs, entendues dans leur diversité. À plusieurs reprises, j’ai évoqué cette capacité qu’avait la rumeur à retourner dans la Curie d’où elle est censée provenir, établissant ainsi une forme de dialogue entre le secret théorique du Vatican et les mouvements de foule.
50La question est moins triviale qu’il n’y paraît, si l’on tient compte de la compétition entre les autorités urbaines et le collège des cardinaux lors de la vacance pontificale : pour ces deux institutions, la vacance est l’occasion de tenter de manifester sa prépondérance, de conquérir des privilèges ou des juridictions. Les tensions tournent notamment autour de la sécurisation de Rome pendant la vacance pontificale [108] : les autorités urbaines, ou les barons romains, proposent au collège des cardinaux de se charger eux-mêmes du maintien de l’ordre, tandis que la Curie tend à renforcer l’autorité du gouverneur de Rome. Jusqu’au milieu du XVI e siècle environ, les magistrats de Rome peuvent espérer prétendre jouer un rôle direct après la mort du souverain pontife, avec ou sans l’accord des cardinaux : ensuite, les autorités municipales ne disputent plus la primauté du Sacré Collège, tentant, au mieux, de sauvegarder (en vain, d’ailleurs) le maintien de la juridiction des officiers municipaux lors de la vacance [109]. En outre, en octobre 1523, une délégation du Capitole se rend au conclave pour réclamer un conclave court, et souhaiter qu’il n’aboutisse pas à l’élection d’un pape anglais ou allemand [110] : transcrite par la chronique de T. Lancellotti, la démarche devient plus radicale encore, puisqu’il y voit une explicite menace de la part des Romains de s’occuper eux-mêmes de l’élection pontificale, en privant de ses droits un conclave incapable [111].
51Ces rapides exemples mettent en avant un désir maintenu de participation à la vacance du pouvoir, voire d’influence sur l’élection – le rêve d’une acclamation du pape par son troupeau romain, progressivement abandonné au cours du XVIe siècle. L’idée d’une interaction des rumeurs, et plus spécifiquement des paris, avec le conclave, me semble devoir être comprise notamment comme la résurgence d’un tel mythe. J’ai déjà souligné combien les fausses rumeurs d’élection étaient lues, par les sources, comme des pratiques guidées par l’appât du gain – pour l’essentiel, des manœuvres de parieurs, ou plutôt des banquiers, pour spéculer sur les bulletins de pari. Reste à s’interroger sur un possible retour des paris vers le conclave, qu’il soit réel ou fantasmé.
52Ce lien direct entre tractations des cardinaux et paris transparaît nettement dans certains micro-événements rapportés par les sources; par exemple, en octobre 1590, le serviteur d’un cardinal jette une lettre par la fenêtre du conclave, destinée aux paris [112]; mieux encore, en janvier 1550, l’ambassadeur de Ferrare rapporte que deux cardinaux auraient parié entre eux, dans le conclave, sur la durée de ladite assemblée [113]. C’est dire combien, dans la deuxième moitié du XVI e siècle, au moment où le phénomène des paris semble le plus généralisé, les cardinaux en conclave n’ignorent pas cette multiplication des paris dont ils reçoivent les échos. Ainsi, en décembre 1559, lors du long conclave consécutif à la mort de Paul IV, les cardinaux font ordonner le renforcement de la clôture du conclave, car, selon ce qu’en rapporte le maître des cérémonies, les cardinaux savent que les scrutins électoraux sont connus dans Rome, ce qui alimente les paris [114].
53En octobre 1590, selon l’ambassadeur de Ferrare, les cardinaux, apprenant la fausse nouvelle qui avait couru dans Rome de l’élection du cardinal Paleotto, en font porter la responsabilité aux parieurs et à leurs tromperies :
Les cardinaux, en apprenant la rumeur qui avait couru dans Rome de l’élection de Paleotto, en firent porter la responsabilité aux stratagèmes utilisés lors des paris : ces derniers, bien qu’ils soient interdits, se faisaient presque au vu de tous, entraînant une fraude très dommageable à de nombreux pauvres petits naïfs [115].
55Face à cette multiplication des paris, et aux troubles qu’ils suscitent, les cardinaux n’hésitent pas à intervenir directement, quitte à devoir, à leur tour, faire émerger une fausse rumeur, comme celle de l’élection du cardinal Farnèse, en avril 1585, telle que la rapporte un avis :
La rumeur qui traversa la ville hier soir, selon laquelle Farnese était pape (du fait de cinq canonnades tirées du Château pour apaiser certaines dissensions advenues sur les comptoirs), fit d’un coup se mobiliser tout le monde, et la jubilation, et l’allégresse alors fut telle à Rome, qu’elle ne peut se décrire, en entendant une telle nouvelle; cette dernière fut ensuite démentie, et suscita au moins autant d’amertume chez ceux qui avaient intérêt à un tel désir [116].
57L’exemple cité manifeste le lien entre paris, rumeurs et actions du conclave, puisque la canonnade répond aux débordements des parieurs, et est répercutée ensuite par la vox populi, acquérant alors le statut de vérité, d’autant que la nouvelle correspond aux attentes et intérêts des parieurs. En l’occurrence, en réaction aux débordements des parieurs (débordements bien connus du Sacré Collège, puisque dès 1565, les règlements sur la Sede vacante proscrivent explicitement tout désordre dans le quartier des banques [117] ), les cardinaux jouent sur le registre de la rumeur, répondant aux agitations par une manipulation de la foule. Le bruit, manifestement parfois assourdissant, des paris pénètre donc facilement dans le conclave, ce qui permet de supposer une possible interdépendance entre paris et élection pontificale.
58Par exemple, en mai 1555, un rédacteur d’avis affirme que le cardinal Farnèse, d’ici dix ans, entrera pape au conclave, puisqu’il a déjà une cote très haute chez les parieurs; certes, on est ici dans l’ordre du simple pronostic, mais le modèle invoqué de Paul III, dont on disait qu’il était entré pape dans le conclave, laisse entendre qu’il s’agit, pour le gazetier du moins, d’une certitude [118]. La possible influence des paris sur le conclave peut également intervenir du fait du lien qu’entretiennent les paris avec les avis et les dépêches d’ambassadeurs : les comptoirs des banquiers, très bien informés, pouvaient laisser croire qu’ils disposaient d’informations que le conclave lui-même n’avait pas et susciter ainsi une attention notable des cardinaux. Ce lien est plus explicite quand il s’agit, dans le conclave, de faire taire une rumeur : ainsi, en novembre 1590, la rumeur persistante sur l’élection future du cardinal Colonna provoque le rassemblement d’une classe de cardinaux contre lui, afin d’empêcher cette élection, selon le journal d’un maître de cérémonies (qui assiste au conclave); c’est dire l’influence possible de ces rumeurs, conçues comme révélant les machinations réelles des cardinaux [119]. L’élection de Marcel II, en avril 1555, aurait même résulté d’un coup de force des cardinaux du camp impérial, afin de contrer les manœuvres supposées du cardinal d’Este – manœuvres dont la source d’information principale ne peut être que la rumeur [120]. Ce lien établi entre rumeur et élection ne mentionne pas les paris : cependant, la place centrale des paris dans la rumeur incite à en supposer l’importance. C’est qu’en outre existent quelques indices, ténus mais éclairants, concernant le lien direct entre les cardinaux et les parieurs, qui laissent entendre qu’existerait, parfois, une influence directe des paris sur l’élection pontificale. En effet, en octobre 1590, les cardinaux se plaignent au gouverneur de Rome de la multiplication des paris, lui demandant de prendre des sanctions très rigoureuses; le gouverneur aurait répondu, d’après l’ambassadeur de Ferrare :
Celui-ci eut à leur répondre, qu’il aurait l’autorité nécessaire pour châtier quelque juif, quelque courtier, mais qu’il ne pourrait mettre la main sur les grands, qui s’investissent dans une telle activité, dans laquelle sont impliqués jusqu’à des Cardinaux. Et de fait c’est ce qui s’ensuivit : il a fait arrêter des courtiers, et des marchands, et a fait donner l’estrapade à certains, ou a d’autres il a confisqué les biens, et avec tout cela les paris continuaient au sein des immunités de l’Illustrissime Cardinal Sforza [121].
60Cette dénonciation de l’intervention directe des cardinaux comme banquiers des paris, permet à coup sûr d’affirmer d’éventuelles manipulations des parieurs par de fausses informations venues du conclave, afin d’accroître les gains de certains cardinaux. En outre, le cardinal Sforza cité par le gouverneur semble être un parieur enragé; en effet, un an plus tard, dans une dépêche l’ambassadeur de Ferrare rapporte la conversation qu’il eut avec lui, conversation lors de laquelle Sforza aurait dit qu’il parierait n’importe quoi que, si le pape vivait quelques années, Alessandro d’Este serait cardinal [122]. Ce n’est sans doute pas un hasard si l’essentiel des arrestations pour soupçons de paris en 1590 intervient à proximité du palais Sforza devenu le refuge des joueurs acharnés, en dépit de la répression [123]. Ces arrestations conduisent à des procès vite interrompus, ce qui permet de supposer l’existence de pressions directes exercées sur le gouverneur pour mettre un terme aux procédures [124].
61Il est tentant d’aller plus loin et de se demander si le comportement de certains cardinaux en conclave n’a pas pu parfois être guidé par les sommes qu’ils engagèrent dans les paris, plus que par l’Esprit saint. En mars 1591, peu après cette dénonciation du gouverneur, le pape Grégoire XIV réitère l’interdiction des paris sur l’élection du pape : alors que les précédentes se faisaient au nom de l’ordre public et de la révérence, cette interdiction dénonce les manipulations que suscitent de tels paris, qui aboutissent à ce que des cardinaux élisent le pape par avarice, pour gagner leurs paris. La crainte d’une élection pontificale dictée par les enjeux des paris se double ici d’une dénonciation des diverses pratiques divinatoires, rattachées directement au désir d’anticipation des joueurs : cette circulation d’une information d’inspiration démoniaque, les enjeux financiers importants, risquent de contaminer l’élection pontificale – d’entraîner l’élection du pape en fonction des parieurs [125]. L’inversion du savoir est totale : ce ne sont plus les parieurs qui tentent de percer l’opacité des conclaves, mais bien les conclaves qui se fonderaient sur le savoir issu des paris et de l’astrologie judiciaire – la foule des parieurs faisant et défaisant concrètement les souverains pontifes, comme elle faisait et défaisait déjà des crypto-papes, des papes de la rumeur et de l’instant. Cette intervention de Grégoire XIV est d’autant plus importante qu’elle émane d’un pape qui a été élu lors du conclave pendant lequel le gouverneur de Rome dénonçait les accointances entre cardinaux et parieurs.
62Certes, il s’agit sans doute d’une projection du fantasme d’une mainmise des paris sur l’élection pontificale; si l’on peut estimer que la rumeur, à commencer par l’écho des paris, a pu peser sur les recompositions des conclaves puisqu’elle était censée véhiculer une information, il paraît difficile de croire à une influence aussi sonnante et trébuchante des paris sur l’élection. Il n’en demeure pas moins une crainte d’une interaction entre conclave et paris, manifestée dès la réforme du conclave promulguée en 1562 par Pie IV : son enjeu est alors essentiellement de veiller à la bonne clôture de l’assemblée et d’éviter des paris, explicitement condamnés à la suite du paragraphe interdisant l’envoi de toute lettre de l’extérieur vers le conclave [126]. L’important au demeurant n’est pas là : il faut surtout noter qu’existait ce fantasme d’une influence possible des paris, fantasme repris par le pape lui-même.
63Ce fantasme permet alors de jeter un nouvel éclairage sur ce jeu : certes, les paris peuvent promettre des gains importants, mais peut-être faut-il aussi y voir un désir de participation, ne fût-ce que symbolique, à l’élection du pontife, matérialisé par ces fantasmes, parfois peut-être plus réels qu’il n’y paraît, d’une pression directe des joueurs sur le conclave. En effet, les paris singent parfaitement le conclave : les cotes variables se présentent exactement comme des résultats de scrutins successifs, les reçus de pari comme des bulletins de vote, les échanges ou reventes de reçus comme les ralliements de cardinaux, les manœuvres des banquiers comme celles des cardinaux. Cette surinformation si vite véhiculée, ces abondants paris, ces interrogations sur la mort ou l’élection du pape ouvrent un espace collectif, public (matérialisé, même, sur les comptoirs des parieurs), mais en même temps privé, dominé qu’il est par la notion de contrat entre individus. Cet espace public de l’information, privatisé par les paris et les pronostics, est sans doute une clef pour comprendre la continuité de la monarchie pontificale : la foule, par ses bruits, ses paris, son opinion, participe à la vacance pontificale, s’érige en acteur du politique, l’évolution des cotes des paris faisant pendant aux évolutions des factions et ralliements dans le conclave, instaurant un rituel concurrent qui permet symboliquement à l’opinion de faire le pape.
64L’émergence d’un événement construit par la foule à Rome, voire hors de Rome, transforme ce temps de vide de pouvoir en temps de resacralisation d’un pouvoir – comme si, en prévoyant la mort ou l’élection du pape, la foule choisissait les successeurs au trône de saint Pierre, en même temps qu’elle incarnait provisoirement une autorité supérieure, dotée de droit de vie et de mort sur le pape. En outre, ce vide de pouvoir n’existe plus, empli qu’il est de faux événements et de prévisions qui, dès avant la mort du pape, entendent deviner son successeur, passant sous silence la vacance elle-même. Les paris créent ainsi un simulacre de conclave, un rituel parallèle, hanté par les mêmes secrets et manipulations, capable de générer les mêmes émotions populaires : ce para-rituel, quasi électoral, favorise d’une part l’adhésion des Romains à leur souverain et meuble d’autre part ce vide de pouvoir, transformant une occasion de révolte (ou de contestation) en une pratique festive et collective.
65La progressive pacification de Rome et des États pontificaux lors de la vacance pontificale doit sans doute beaucoup à cet espace collectif de rumeurs, renforcé par une croissance des actes normatifs et des rituels collectifs, croissance rendue possible par cette opinion publique participative. La foule agit, à la fin du XVIe siècle, lors de la vacance pontificale, comme si le pape n’était pas mort : ce temps des paris, malgré son apparence triviale, a ainsi fonctionné comme une institution capable d’incarner la continuité du pouvoir, accompagnant non seulement la domestication des mœurs, mais aussi une relégitimation du souverain pontife posé comme élu par les cardinaux, mais surtout acclamé par les Romains – voire les Italiens, vue l’ample diffusion de ce phénomène.
66Face à la pression des rumeurs, paris et tumultes urbains en période de vacance du pouvoir, les réponses normatives se multiplient. La première, la plus évidente sans doute, repose sur la forte militarisation de la ville de Rome, sur la multiplication des démarches arbitraires, sur l’idée d’un exceptionnel juridique qui autorise toutes les coercitions. En outre, les décrets sur la vacance pontificale proscrivent les rassemblements, les tumultes, les cris séditieux et les agitations, afin de freiner la circulation de ces rumeurs urbaines. L’institution même du conclave est réformée, pour éviter les fuites d’information, la simonie, les pratiques frauduleuses. Sous Sixte Quint puis surtout dans les années 1590-1592 au cours desquelles les conclaves sont nombreux, les textes sur les avis, les satires, les pratiques divinatoires et les paris se multiplient dans un sens toujours plus sévère et restrictif et la répression s’organise, conduisant à l’abandon progressif de ces pratiques. C’est dire le lien entre la pression de ces bruits urbains lors de la vacance pontificale et la répression de ses supports d’expression : fondamentalement, le contrôle de la parole, de la rumeur, des paris, intervient du fait des dérives lors de la vacance pontificale, dérives dont on considère qu’elles menacent les fondements de la souveraineté pontificale, comme incarnant l’entrée de la rue dans un conclave où, déjà, l’Esprit saint a bien de la peine à se manifester, aux dires des sources. Fondamentalement, cette prise de parole citadine est perçue comme une menace, comme sapant la légitimité des cardinaux et du pape – voire mettant en cause la vie même du souverain pontife.
67Il est même possible d’estimer que la promulgation de l’Index de listes de livres prohibés au nom de la morale chrétienne tint beaucoup à ces tensions observées lors des conclaves, à cette tentative de confiscation du conclave par les parieurs. En mars 1572, Pie V interdit avis et pasquins, quelques mois après avoir fondé la Congrégation de l’Index; le premier septembre de la même année, Grégoire XIII, fraîchement élu, promulgue une constitution contre les avis et les pasquins offensant et douze jours plus tard une bulle du même pape crée un Index des livres prohibés, destiné à éviter la diffusion de « pestifere notizie ». Et dans le cas de l’Index comme dans celui des avis et satires, la condamnation touche particulièrement les lecteurs d’avis, c’est-à-dire tente de freiner ce mouvement d’opinion romain. Le temps des paris, dans sa brièveté, a ainsi accompagné et facilité le disciplinement tridentin, qui finit par se retourner contre lui.
68Ironie de l’histoire, une pratique sociale perçue comme contestataire et répréhensible, a permis la continuité d’un pouvoir institutionnellement fragile. L’ironie de l’histoire est plus grande encore si l’on tient compte de la compétition pour le savoir : les paris comme les pronostics, ce crypto-conclave de la rue, finissent par devenir le vrai lieu du savoir, contrastant d’une part avec les prétentions de la souveraineté au monopole du secret, d’autre part avec la vocation du conclave et de la Curie au secret. Cette sur-circulation d’informations et de nouvelles à Rome conduit les parieurs à être les détenteurs du secret, et par là même d’un des fondements de la majesté, ce qui explique sans doute la forte affirmation de fantasmes concernant l’élection du pape par les parieurs : élisant implicitement le pape, les parieurs romains ne pouvaient qu’approuver ce souverain, tout en comblant, par l’agitation des comptoirs, les vides de pouvoir.
69Ce temps conquérant des paris, à la fin du XVI e siècle, fut également son chant du cygne justement parce que ce double défi à la souveraineté (par la dérision et par la monopolisation du savoir) devenait intolérable, dans le contexte d’une papauté qui tente d’imposer une moralisation de la Curie. Les paris furent en outre sans doute victimes de leur succès : la massification du phénomène, l’accroissement, fût-il rêvé, de son impact sociopolitique, l’excès de rumeurs contradictoires, finirent par faire entrer pleinement l’univers des parieurs dans la logique du conclave, où toute information est suspecte, révélatrice de manipulations. En provoquant une surproduction de savoirs, paris, rumeurs et pronostics perdent le monopole d’un savoir qui peut se retourner contre un pouvoir souverain qui, par le truchement des paris, a acquis une dimension surnaturelle ou démoniaque. Le conclave, dans ses excès du XVI e siècle, sa confusion entre discontinuité théorique et continuité pratique, a ainsi généré son propre contre-pouvoir, sous forme d’un miroir moqueur, contraignant l’Église d’une part à la réforme du conclave, d’autre part à la fermeture de cet espace autonome de l’opinion publique.
Notes
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[1]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 303r et 308r, 9 octobre 1591. Il s’agit de la longue série des gazettes manuscrites (avvisi) rédigées à destination du duc d’Urbino. Annales HSS, mars-avril 2009, n° 2, p. 375-403.
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[2]
Sur cette question des nouvelles romaines et de leur intense circulation, de leur incarnation dans la Rome pontificale, je me permets de renvoyer à Renaud VILLARD, « Incarnare una voce : il caso della sede vacante (Roma, XVI secolo) », Quaderni Storici, 121-1,2006, p. 39-68.
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[3]
Cette circulation rapide des rumeurs s’appuie non seulement sur l’oralité, le bouche à oreille, mais aussi sur les satires, les pasquinate vite placardées, auxquelles s’apparentent les chansons satiriques. Les dépêches d’ambassadeurs, ainsi que les avvisi, leur assurent un écho extra-romain.
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[4]
Je fais bien entendu ici allusion à Ernst KANTOROWICZ, Les deux corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge, Paris, Gallimard, [1957] 1989, à la mise en œuvre de sa pensée théologico-juridique dans le cas de la monarchie française par Ralph GIESEY, Le roi ne meurt jamais. Les obsèques dans la France de la Renaissance, Paris, Flammarion, [1960] 1987, ainsi qu’à Alain BOUREAU, Le simple corps du roi. L’impossible sacralité des souverains français, XV e - XVIII e siècles, Paris, Les Éditions de Paris, 1988, qui souligne combien les rois de France peinèrent à échapper concrètement à une corporalité souvent bien peu spirituelle.
-
[5]
Voir en particulier Jean DELUMEAU, « Les progrès de la centralisation dans l’État pontifical au XVI e siècle », Revue Historique, 461,1961, p. 399-410; Paolo PRODI, Il sovrano pontefice : corpo e due anime. La monarchia papale nella prima età moderna, Bologne, Il Mulino, 1982; Alberto CARACCIOLO, « Sovrano pontefice e sovrani assoluti », Quaderni Storici, 52,1983, p. 279-286; Peter PARTNER, The Pope’s men : The papal civil service in the Renaissance, Oxford, Clarendon Press, 1990. Les enjeux du débat sur la longue recherche de l’État moderne en Italie sont mis en perspective par Elena FASANO GUARINI, « ‘État moderne’ et anciens États italiens. Éléments d’histoire comparée », Revue d’Histoire Moderne et Contemporaine, 45-1,1998, p. 15-41.
-
[6]
Voir en particulier l’ouvrage récent d’Élisabeth BELMAS, Jouer autrefois. Essai sur le jeu dans la France moderne, XVI e - XVIII e siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2006, qui étudie les pratiques ludiques dans la diversité de leurs enjeux, y compris économiques.
-
[7]
Jean DELUMEAU, Vie économique et sociale de Rome dans la seconde moitié du XVI e siècle, Paris, E. de Boccard, 1957-1959, vol. I, p. 64 (sur le lien entre les courriers extraordinaires, les banques et les paris), et surtout vol. II, p. 862-866 (sur le poids financier des paris, et les hésitations répressives de Sixte Quint).
-
[8]
Beaucoup de ces textes normatifs sont rassemblés dans Archivio Segreto Vaticano, Miscellanea Armadio IV e V, 203, f. 517r-525r, pour la période 1578-1590. Voir également Regesti di bandi, editti, notificazioni e provvedimenti diversi relativi alla Città di Roma, Rome, Tipografia Cuggiani, 1920-1934, en particulier les deux premiers volumes.
-
[9]
Ces procès se trouvent à l’Archivio di Stato di Roma, Tribunale criminale del governatore, Processi [désormais AS Roma, Processi], en particulier dans les liasses 229-230 et 237.
-
[10]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 203, f. 520r, décret du 2 septembre 1588, du cardinal camerlingue Henrico Caetano : « à tutti i sensali, che tre dì poi alla publicatione del presente bando, non ardischino trattare in modo alcuno di altre scommesse che de suggetti, & per il tempo, & per il sì, e nò, di detti suggetti, e loro promotione, & di maschio ò femina ».
-
[11]
Ibid., f. 517r, Bando contra a quelli che faranno scommesse a Maschio & Femina, publié le 20 mars 1578.
-
[12]
Concrètement, un joueur achète auprès d’un courtier un bulletin garanti par un banquier, par exemple un bulletin « Farnèse » à 15 écus, le banquier s’engageant, en cas d’élection du cardinal Farnèse, à verser 100 écus au vainqueur.
-
[13]
Ibid., f. 520r, décret du 2 septembre 1588 : « Et a tutti gli Stampatori, che non possino stampare cedole di alcuna sorte di scommesse se prima l’originale di esse non sarà sottoscritto da detto Commissario. » Un tel bulletin imprimé est conservé, comme pièce à charge, dans un procès pour pari sur l’élection ponticale : voir AS Roma, Processi, b. 237, décembre 1590, f. 245r.
-
[14]
Sur ces reventes, voir la description qu’en donne le décret du 19 février 1588, du cardinal camerlingue Henrico Caetano, ibid., f. 521r : « ordiniamo, comandiamo, & prohibimo, che nell’avenire nessuna persona di qualsivoglia stato, grado, conditione, dignità, & preminentia possi fare alcuna sorte di scommessa, ne per polizza, ne per altra scrittura vendere, ne barattare, ò permutare polizze, senon nel modo, & forma che appresso si dirà sotto l’infrascritte, & altre maggiori pene etiam corporali ad arbitrio nostro ».
-
[15]
Sur cette activité bancaire à Rome, voir notamment les deux monographies d’Aloys SCHULTE, Die Fugger in Rom, 1495-1523. Mit Studien zur Geschichte des kirchlichen Finanzwesens jener Zeit, Leipzig, Duncker & Humblot, 1904, et d’Ermanno PONTI, Il Banco di Santo Spirito fondato da Paolo V con Breve del 13 dicembre 1605, Rome, Anonima romana stampa, 1941, mais aussi les synthèses de J. DELUMEAU, Vie économique et sociale de Rome..., op. cit., vol. II, chap. 3, et Peter PARTNER, Renaissance Rome, 1500-1559 : A portrait of a society, Berkeley, University of California Press, 1979, notamment p. 49-50.
-
[16]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 203, f. 521r, décret du 19 février 1588.
-
[17]
Ibid., f. 518r, décret du 10 juillet 1589.
-
[18]
Voir le procès d’une telle affaire de revente dans AS Roma, Processi, b. 237, décembre 1590, f. 246r-256v.
-
[19]
Voir par exemple, lors du long conclave de 1555, la mention de paris sur cette durée, dans une dépêche de l’ambassadeur de Ferrare du 23 mars, AS Modena, Cancelleria ducale, Ambasciatori, Roma [désormais AS Modena, Amb. Roma], 51,283-XV/33, p. 3 : « gia si scommette che per tutto maggio non si havra papa, et si da sopra di cio LXXXV per cento ».
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[20]
Ainsi, en janvier 1522, après l’élection d’Adrien VI, circule la rumeur de sa mort en Espagne, ce qui suscite des paris, comme les rapporte le Vénitien Marino SANUTO, I Diarii, éd. par M. Allegri et al., Venise, Deputazione Veneta di Storia Patria, 1879-1903, vol. XXXII, p. 367 et p. 381 (où les paris seraient à 8 et 10 pour cent que le pape est mort).
-
[21]
C’est bien entendu les paris les plus fréquemment rapportés par les sources : les exemples en sont innombrables, voir par exemple simplement la citation suivante de M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. V, p. 90, en 1503.
-
[22]
En octobre 1523, M. Sanuto rapporte ainsi une lettre romaine, signée Marin Da Pozo, du 25 octobre 1523, dans laquelle apparaît la lassitude des parieurs, depuis un mois et demi que les jeux sont ouverts; voir M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXV, p. 150 : « Le scomesse sono Farnese 15 e 16, Medici 10, Grassis 9, Valle 7, li altri chi 4, 2,3,1,60 che per tutto questo mese non si farà Papa, 15 per tutto il mese di Novembio, 5 per mezo Decembrio. Pur si fan poche facende, et hormai tutti son stanchi, che gli è un mexe e mezo che sono sopra queste pratiche. » Notons que cette lettre désigne l’activité des parieurs comme des pratiche, c’est-à-dire précisément le terme employé pour dénoncer les manœuvres des cardinaux.
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[23]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. V, p. 90, lettre du 21 septembre 1503.
-
[24]
AS Modena, Amb. Roma, 35,223-III/18, dépêche du 27 septembre 1534.
-
[25]
AS Modena, Amb. Roma, 42, par exemple 248-XVII/35 ou 248-XVIII/1.
-
[26]
AS Modena, Amb. Roma, 51,283-XV/32, sur une page annexée, dépêche du 23 mars 1555.
-
[27]
AS Modena, Amb. Roma, 94,387-XXXIV/43, en page annexée.
-
[28]
Voir les décrets du gouverneur de Rome du 9 avril 1555 et du 2 mai 1555, dans AS Roma, Bandi, Governo di Roma, a. 1529-1733, doc. 17 et 18. Le recueil d’avis en répercute aussitôt la nouvelle; voir Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1038, f. 54r, avis du 13 avril 1555 : « Et che le scomesse s’eranno bandite per Roma. »
-
[29]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 203, f. 517r.
-
[30]
Ibid., f. 524r, décret du 28 décembre 1588.
-
[31]
Ibid., f. 519r, décret du 31 juillet 1589.
-
[32]
Ibid., f. 522r, décret du 27 décembre 1589.
-
[33]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 14r, avis du 13 janvier 1590.
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[34]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 203, f. 519r, décret du 31 juillet 1589, qui institue les 15 courtiers spécifiques.
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[35]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 308v, avis du 12 octobre 1591 : « li Giudei qua fanno scommesse, et in Firenze per quel poco tempo, che si è giocato, si sà, che santi quattro era à 32, la Rovere à 24, et tutti gli altri soggetti da 17 in giù ».
-
[36]
AS Modena, Amb. Roma, 148, dépêche du 28 septembre 1591, p. 3 : « In quanta poca stima sia la giustitia di Roma giudicassi dell’essersi fatto delle scomesse in banchi il giovedi sera » [dont il donne ensuite les cotes].
-
[37]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1060, partie I, f. 1r-68r.
-
[38]
AS Modena, Amb. Roma, 168.
-
[39]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXII, p. 262 pour la cote du cardinal Médicis le 14 décembre 1521, qui est à 30, et promet de monter à 50 quand il arrive, et p. 287, lettre du 21 décembre de l’ambassadeur de Venise à Rome : « Fin qui Medici è ritornato a 12 per 100, et ge son poste di gran scomesse. Non si sa la causa di tal discadimento, si non dal tropo cridare che si è fatto per tutta Roma che’l sarà Papa. Ben vi dirò che di fermi anzi imutabili se atrova per lui voti 14 et 8 incerti. »
-
[40]
AS Modena, Amb. Roma, 147, dépêche du 12 octobre 1590, p. 2.
-
[41]
Gaspare PONTANI, Il diario romano di Gaspare Pontani, gia riferito al Notaio del Nantiporto : 30 gennaio 1481-25 luglio 1492, éd. par D. Toni, Città di Castello, S. Lapi, 1907-1908, III-2, p. 37 : [12 août 1484] « fu saputa pubblicamente l’infermità del papa et molti tenevano che fusse morto, donde non se rascionava d’altro ».
-
[42]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXIV, p. 231-237.
-
[43]
Tommasino LANCELLOTTI, Cronaca modenese di Tommasino de’ Bianchi detto de’ Lancillotti Parme, P. Fiaccadori, 1862-1884, vol. V, p. 390.
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[44]
AS Modena, Amb. Roma, 35,223-II/17, dépêche du 25 septembre 1534.
-
[45]
Du moins les troubles consécutifs commencèrent-ils à Rome avant la mort de Paul IV : ainsi l’incendie du palais de l’Inquisition eut-il lieu avant le décès, comme le rapporte l’ambassadeur de Ferrare dans une dépêche du 23 août 1559, dans AS Modena, Amb. Roma, 56,283-XXXI/32.
-
[46]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1040, f. 154r, avis du 9 décembre 1565 : « la notte venendo il venerdi li sopragiunse un altro sfinimento, et maggior febre, di modo che avanti hieri che fu venerdi, si teneva fosse morto, per il che le porte della citta stetero serrate, sendosi publicata la morte, onde si ridussero molte genti, onde a hora di nona si ridussero per veder rompere le prigioni ». La rumeur de la mort du pape, anticipant sur l’événement réel, conduit à anticiper également les usages quasi ritualisés de la vacance pontificale, à commencer par l’ouverture des prisons.
-
[47]
AS Modena, Amb. Roma, 147, lettre du 29 septembre 1590, p. 1 : l’ambassadeur de Ferrare y avoue avoir, dans sa dépêche précédente, annoncé à tort la mort du souverain pontife.
-
[48]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 275v, avis du 28 septembre 1591.
-
[49]
Voir l’avis du 25 novembre 1591, dans une page annexée, dans Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 405r.
-
[50]
Ibid., f. 289r, avis du 2 octobre 1591.
-
[51]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXII, p. 367.
-
[52]
Ibid., p. 369.
-
[53]
Ibid., p. 381, lettre de Sier Zorzo à Sier Justinian Contarini, de Rome, 11 janvier 1522 : « In Banchi si mette scomesse che’l Papa è morto, et ponendo a 8 et 10 per 100, et molto gagliardamente se dice che l’è morto. »
-
[54]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXIII, p. 104 : lettre du Sacré Collège à Adrien VI, 18 mars 1522 : « Accesserat rumor ipsa ex mora confirmatus de Sanctitatis Vestrae non solum aegritudine, sed (quod Deus diu differre dignetur) etiam de morte. »
-
[55]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXII, p. 425, lettre de l’ambassadeur de Venise du 20 janvier 1522.
-
[56]
Ibid., p. 417, dans une lettre, sans auteur, du 19 janvier 1522.
-
[57]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXIII, p. 25.
-
[58]
Ibid., p. 276 : [3 juin] « E il corier a bocha disse il Papa era morto a Barzelona, tamen non fu vero. »
-
[59]
L’ambassadeur de Florence annonce successivement à Lorenzo de’ Medici, dans une série de courtes dépêches, l’élection au pontificat du cardinal Malfetta, puis du cardinal San Marco puis à nouveau du cardinal Malfetta (qui sera effectivement Innocent VIII) : voir Jean BURCHARD, Diarium, Florence, Societas Fontibus Italicae Historiae, 1854, vol. I, appendices 20-25.
-
[60]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXII, p. 249.
-
[61]
Ibid., p. 333.
-
[62]
Ibid., p. 355 : « Farnese, da le 24 hore fino a vespero ozi è stato papa, de modo che tutti li soi amici et favoriti sono stati in gloria et tutta nocte se sono stà facti fochi a sua caxa, saria ita a sacho. Sono stà piantate a la sua caxa le arme papale. »
-
[63]
Ibid., p. 347.
-
[64]
Ibid., p. 357 : « tutte le scomesse sono smarite et non se trova ne chi dia, ne chi toglia; tutti hanno smarita la fede et loro credito, et è dicto publichamente che sono li cardinali in gran contrasti, et poco manca che non si siano batuti, et se ha opinione che ussirano di Conclavio senza fare electione, tanto sono discordi ».
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[65]
Voir M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXV, p. 90.
-
[66]
Ibid., p. 168 : « scomesse Farnese 15,16, Medici 10 [...] et una matina l’Armelino cardinal, ch’è camerlengo, domandò fusse portato le chiave di uno cason per pigliar la mitria et il regno. La brigata pensando fosse fatto Papa cridorono Araceli, Araceli, talmente che li corseno per sachizar la caxa, et poi fu nulla ».
-
[67]
T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. XI, p. 199.
-
[68]
AS Modena, Amb. Roma, 42,248-XVIII/2, dépêche du 4 janvier 1550.
-
[69]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1053, f. 193r, avis du 23 avril 1585.
-
[70]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Ottob. Lat. 2608, De obitu Iulii Tertii et cratione Marcelli II Pont. Max., f. 341v, 17 mai 1555 : « hora enim circiter XIX exijt vox incerto auctore, per Urbe creatum iam esse Pontificem Cardinalem Alexandrum Farnesium [...] ut difficile non fuerit ipsi voci fidem adhiberi. Aliquod accessit expectatio, et desiderium Pontificis futuri, ut id quod expectamus, et cupimus, facile credimus. Quae vox adeo crevit, et vires sumpsit, ut populus bona ipsius Cardinalis Farnesij diripuerit, eius domum depredaverit, eius insignia Thyara Pontificia depinxerit, et in valuis affixerit vitam ei magnis vocibus acclamaverit laetitiae denique publicae signa dederit, eiusque familiares gratulationes acceperint Cursores extra Urbem adid nunciandum destinaverint ».
-
[71]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12316, Giovan Paolo Mucanzio, Diaria 1590-1592; le 9 octobre 1590, la rumeur porte sur l’élection du cardinal Della Rovere; le 10 octobre, elle porte sur les cardinaux Paleotto, Santa Severina et Della Rovere, f. 149r; le 11 octobre, sur les cardinaux Paleotto et Monte Regalo, respectivement f. 154v et 157v; le 6 novembre, sur le cardinal Rusticuccio, f. 165v; le 11 novembre 1590, elle concerne le doyen des cardinaux, f. 107r; le 12 novembre, le cardinal Colonna, f. 107v; le 20 novembre, la rumeur porte sur le cardinal de Crémone.
-
[72]
AS Modena, Amb. Roma, 147, lettre du 12 octobre 1590.
-
[73]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12316, G. P. Mucanzio, f. 154v, 11 octobre 1590 : « foris vero extra Conclave vanus rumor subortus est in Pontificem esse electum Rmum D Cardinalem Paleottum et adeo validus fuit, ut iam muri, et portae Conclavis repente dum scrutinium celebraretur ab exteris dirumperentur, maximo cum tumulti, quem vix reprimere, et sedare licuit. Tandem cognita veritate quieverunt ».
-
[74]
AS Modena, Amb. Roma, 9,54-II/52, p. 2 : « tuti questi se sono molto armati in casa lorone vana voce le case loro fossono poste a saco come gia e stato facto, idest de quelle e facto papa intendum maliciose se cridara papa il tale et non il vero se fa ad effectum per havere piu preda ».
-
[75]
Voir respectivement Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 365r, avis du 14 juillet 1590, et Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie I, f. 275v, avis du 28 septembre 1591.
-
[76]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 383r-v, avis de Venise du 21 juillet 1590 : « Alcuni scrivono da Roma, che alli XI fù per tutta quella città una gran confusione di sede Vacante per causa delli hebrei, che si trovavano in piazza Naoni con le loro robbe in Mercato, che sgombrandole, et fuggendosene verso Piazza Giudea per salvarsi diedero voce, che’l Papa fusse morto, onde per questo furono serrate molte strade, et palazzi : ma in effetto fù vana la voce, che preso alcuni hebrei, et carcerati gli fù data anco la corda in secreto per venire in luce dell’Autor di tal voce, che sono stati 7 principali che anco loro sono stati carcerati, per il che il Papa usci fuori à messa a lasciarsi vedere. »
-
[77]
Ludwig VON PASTOR, Storia dei Papi dalla fine del Medio Evo, vol. VI, Storia dei Papi nel periodo della Riforma e Restaurazione cattolica : Giulio 3., Marcello 2. e Paolo 4., 1550-1559, trad. par A. Mercati, Rome, Desclée, 1963, appendice 33 : lettre d’Agostino Gonzaga, arcivescovo di Reggio, au castellano de Mantoue, 9 avril 1555.
-
[78]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12316, G. P. Mucanzio, f. 169r, 20 novembre 1590 : « Vox hac die excitata fuit ad favorem Rsmi D. Cardinalis Cremonensi non quod vere patres in illum ad huc consentirent sed de industria, ut multi dicebant, ob sponsiones, quae apud Banchos fiebant super electione futuri Pontificis. »
-
[79]
Sur ces deux points, l’année 1492 est exemplaire : dès le mois de juillet, alors que Sixte IV est malade, les ambassadeurs des différents États à Rome proposent au collège des cardinaux le soutien de leurs souverains, et les barons romains proposent également leur assistance, comme le montre le diaire de Burchard : voir J. BURCHARD, Diarium, op. cit., vol. I, p. 491. Les troubles graves dans la ville de Rome commencent dès le mois de juillet : Diario della Città di Roma di Stefano Infessura scribasenato, éd. par O. Tommasini, Rome, Forzani e C. tipografi del Senato, 1890, p. 275.
-
[80]
Voir Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, vol. 25, f. 122r : Motu proprio de Pie IV, en avril 1560, contre les vols commis dans le palais pontifical lors de la vacance du pouvoir ou de la maladie du souverain pontife.
-
[81]
T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. V, respectivement p. 378,382, 384,390 et 392.
-
[82]
Ibid., p. 392.
-
[83]
Ibid., p. 382.
-
[84]
Ibid., p. 395-396.
-
[85]
Ibid., p. 403-404.
-
[86]
T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. XI, respectivement p. 130 et 152.
-
[87]
AS Modena, Amb. Roma, 35,2223-III/12, lettre du 30 août 1534 : « la Santità di Nostro Signore è resusitata, cosi si puo dire [...] Il volgo dice che Sua Santità ha uno spirito adosso ».
-
[88]
Ioan FABRIZIO DEGLI ATTI, « Cronaca Todina », éd. par F. Mancini, in G. ITALIANI et al. (dir.), Le cronache di Todi (secoli XIII-XVI ), Florence, La Nuova Italia, 1979, p. 212 : « palesata la morte de decto papa, fo oppinione de molti che decto papa havesse tenuto per arte de nigromantia più iorni lo spirito de vività ».
-
[89]
Sur cette légende, voir le récit qu’en donne le chroniqueur pérugin Francesco MATARAZZO, « Cronaca della città di Perugia dal 1492 al 1503 », éd. par A. Fabretti, in F. BONAINI, A. FABRETTI et F.-L. POLIDORI (dir.), Cronache e storie inedite della città di Perugia dal 1150 al 1563, Florence, G. P. Vieusseux, 1851, vol. 2, p. 222-223.
-
[90]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 454r, avis du 5 septembre 1590 : « Si dice hora che Sisto V° havesse uno spirito Domestico chiamato Dante, et che da quello sia stato ingannato circa il tempo, che doveva vivere in Pontificato. »
-
[91]
Voir par exemple dans Valerio MARUCCI (dir.), Pasquinate del Cinque e Seicento, Rome, Salerno, 1988, la satire CXXXV de 1549, intitulée « Il Cardinal di Chieti chiama il diavolo per aver il papato », p. 199.
-
[92]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 459r, avis du 8 septembre 1590.
-
[93]
Voir la lettre du 19 décembre 1521 de Bernardo Ruta à la marquise de Mantoue, Isabelle d’Este, publiée par Alessandro LUZIO, « Due documenti mantovani sul conclave di Adriano VI », Archivio della R. Società romana di Storia patria, XXIX, 1906, p. 379-396, ici p. 386.
-
[94]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1040, f. 17v, avis du 19 mai 1565.
-
[95]
Sur ce népotisme très ordinaire et ses enjeux sociopolitiques, voir en particulier l’article de Wolfgang REINHARD, « Nepotismus. Der Funktionswandel einer papstgeschichtlichen Konstanten », Zeitschrift für Kirchengeschichte, 86-2,1975, p. 145-185, trad. fr. dans Papauté, confessions, modernité, Paris, Éd. de l’EHESS, 1998, et les réflexions d’Antonio MENNITI IPPOLITO, Il tramonto della Curia nepotista. Papi, nipoti e burocrazia curiale tra XVI e XVII secolo, Rome, Viella, 1999.
-
[96]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 81, doc. 37 : Bulla sanctissimi Domini Pauli divina providentia Papae quarti contra ambientes Papatum, Romae, apud Antonium Bladum Cameralem impressorem, Anno Domini 1559, f. 1v.
-
[97]
Sur la bulle de 1559, voir également les commentaires interprétatifs, de la seconde moitié du XVI e siècle, AS Roma, Miscellanea di Carte politiche e riservate, b. 1, fasc 50.
-
[98]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm IV e V, 81, p. 37 : 4 juillet 1548, Motu proprio de Paul III.
-
[99]
Arch. Segr. Vat., Fondo Pio, 5, f. 140r-143r : Ricordi di Paolo 3° al Cardinale Farnese Intorno al Successore.
-
[100]
Sur les saccages rituels des biens pontificaux accompagnant la mort du pape, voir Agostino PARAVICINI BAGLIANI, Il corpo del Papa, Turin, Einaudi, 1994, p. 224 sq.; Reinhard ELZE, « ‘Sic transit gloria mundi’: la morte del papa nel medioevo », Annali dell’Istituto storico italo-germanico in Trento, 3,1977, p. 23-41; Carlo GINZBURG, « Saccheggi rituali. Premessa a una ricerca in corso », Quaderni Storici, 65-2,1987, p. 615-636, ainsi que Florence BUTTAY, « La mort du pape entre Renaissance et Contre-Réforme : les transformations de l’image du Souverain Pontife et ses implications (fin XVe -fin XVIe siècle) », Revue Historique, 625,2003, p. 67-94.
-
[101]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Barb. Lat. 3552, Diarium ab Anno 1509 et die 3 martij Ad annum 1540 Gallice scriptum, f. 16r.
-
[102]
Sur ces troubles d’août 1484, voir G. PONTANI, Il diario romano..., op. cit., p. 38; Antonio DE VASCO, Il Diario della città di Roma dall’anno 1480 all’anno 1492 di Antonio de Vascho, éd. par G. Chiesa, Città di Castello, S. Lapi, 1904, p. 513-517; Diario della Città di Roma di Stefano Infessura..., op. cit., p. 161-162.
-
[103]
Voir par exemple Diario romano dal 3 maggio 1485 al 6 giugno 1524 di Sebastiano di Branca Tedallini, éd. par P. Piccolomini, Città di Castello, S. Lapi, 1904, p. 305-306 : [le 23 août 1503] « venne in Roma lo signore Fabio Orsino, figliolo dello signore Paolo Orsino, con doi milia persone a Monte Iordano et fece mettere a foco tutte le botteghe delli Spagnoli nello canale de Ponte et Pozzo bianco; quanti ne trovavano tanto de ammazzavano de Spagnoli ».
-
[104]
À Modène, en novembre 1523, à l’annonce de l’élection de Clément VII, la population s’empare de la mule du gouverneur Francesco Guicciardini, tente de mettre à sac le palais de Guido Rangone; le gouverneur abandonne ensuite à la foule les livres des condamnés, brûlés sur la place. Ce rituel inventif (Modène est depuis peu intégrée aux États pontificaux) manifeste le consensus autour d’un droit de dépouilles, qui est aussi un devoir de grâce. Les habitants de Modène inventent alors un rituel séditieux, mais aussi lié à la personne pontificale (symboliquement représentée par le gouverneur) à travers la confiscation de la mule, traditionnellement effectuée lors des entrées de souverains pontifes. Ce rituel de Modène est décrit par T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. I, p. 267.
-
[105]
Voir par exemple les tentatives de pillage des quartiers juifs de Rome en 1513 et 1521, tels que les rapporte M. SANUTO, I Diarii, op. cit., respectivement vol. XVI, p. 15, et vol. XXXII, p. 234.
-
[106]
Les occurrences de telles mentions sont nombreuses : déjà en mars puis mai 1555, un gazetier note que Rome est très calme; c’est le cas également en décembre 1565 ou en octobre 1591 : voir respectivement Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1038, f. 50r, avis du 30 mars 1555 et f. 60r, avis du 11 mai 1555; Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1040, f. 158v, avis du 15 décembre 1565; Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 342v, avis du 26 octobre 1591.
-
[107]
Pour les troubles de 1559, voir le récit qui en est donné dans Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1039, f. 71r et 74v, avis des 19 et 26 août 1559; pour ceux de 1590, voir Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1058, f. 449v, avis du 1er septembre 1590.
-
[108]
Par exemple, en août 1484, les conservateurs de Rome demandent au collège des cardinaux d’écarter les troupes qu’ils ont recrutées : elles sèmeraient le désordre dans une ville bien capable d’assurer l’ordre elle-même : voir Diario della Città di Roma di Stefano Infessura..., p. 165. En décembre 1521, ce sont les cardinaux eux-mêmes qui demandent aux autorités municipales de pourvoir à l’ordre urbain, indice d’une dyarchie encore admise : voir Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12274, De Grassis, Diarij Diversi tomo IV, f. 368v : « Item quod vocarentur conservatores et capuriones, quibus imponerentur curas quietis Urbis et si vocati sunt, et eis impositum ut cum magna cura providerent. » En revanche, en mars 1555, la situation paraît plus tendue : le collège des cardinaux mobilise des troupes, alors que les barons romains prétendent pouvoir contrôler la ville : voir ce qu’en dit l’ambassadeur de Ferrare dans AS Modena, Amb. Roma, 51,283-XV/32, p. 3, dépêche du 23 mars 1555.
-
[109]
En octobre 1591, le Capitole semble mener une bataille d’arrière-garde pour obtenir que les officiers municipaux conservent leurs pouvoirs juridictionnels pendant la vacance du pouvoir – ce qui leur est refusé – indice d’une confiscation de l’autorité, lors de cette vacance, par le Sacré Collège : voir Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1059, partie II, f. 338r, avis du 26 octobre 1591.
-
[110]
M. SANUTO, I Diarii, op. cit., vol. XXXV, p. 135.
-
[111]
T. LANCELLOTTI, Cronaca modenese..., op. cit., vol. I, p. 476.
-
[112]
AS Modena, Amb. Roma, 147, dépêche du 27 octobre 1590, p. 3.
-
[113]
AS Modena, Amb. Roma, 42,248-XVIII/7, dépêche du 14 janvier 1550.
-
[114]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12279, Giovanni Francesco Firmano, Diaria Ioannis Francisci Firmani (1533-68), f. 143r, le 1er décembre 1559 : « deinde Rsmi Deputati dederunt audientiam in sportello gubernatori Burgi, cui ordinarunt, quod faceret claudere omnes cameras, que erant Zota (?) et supter conclave, ac corriturum p’tum et locquia quecumque agebanti, et fieri intendebant quod in Conclavi erant Nota per totam Urbe et dabat causa faciendi scommissas que [...] attulerunt lucrum et Multis alijs damnum bone vita prout accidit quid Luperi qui habitabat prope Rotundam qui cum Malevixisset, et Multas Pecunias amisset in scommissis se ipsum laqueo suspenditet perdidit corpus et animam ».
-
[115]
AS Modena, Amb. Roma, 147, lettre du 12 octobre 1590, p. 2 : « Li cardinali inteso ch’hebbero il rumore fatto per Roma di Paleotto, diedero di cio la colpa alli stratagemi, che s’usano nelle scomesse, le quali con tutto che siano prohibite si facevano non diremo alla scoperta, et con fraude donnossissima a molti poverelli semplici ».
-
[116]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1053, f. 193r, avis du 23 avril 1585 : « La voce uscita per la Città hiersera, che Farnese era Papa per cinque cannonate sparate da Castello per acquetare alcune questioni, che si facevano in banchi, fece in un tratto sollevare ognuno, et tanto in quell’hora fù il giubilo, et l’allegrezza di Roma, che non si può descrivere all’udire questa gran nuova, che fù poi falsa, con altretanto rammarico de gli interessati in questo desiderio. »
-
[117]
Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 26, f. 210r : Bando circa il governo di Roma in questa Sede vacante [13 décembre 1565] « Item ordina et commanda, che non sia persona alcuna, ch’ardischa di sfoderare spada, o pugnale, o altre, arme per dar delle ferite ad alcuno, o far costione, et rissa con qual si voglia persona precipuamente in banchi sotto pena di haver subito tre tratti di corda et di 50 ducati ».
-
[118]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1038, f. 61v, avis du 18 mai 1555.
-
[119]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Vat. Lat. 12316, G. P. Mucanzio, f. 100v, 4 novembre 1590 : « Verum circa hotam 20 eiusdem diei costanter affirmabatur Rsmum D Columna futurum Pontificem, quod cum Adversarij intellexissent omni conatu eius exclusionem procuraverunt ».
-
[120]
Bibl. Apostol. Vat., Ms Urb. Lat. 1038, f. 53r, avis du 13 avril 1555.
-
[121]
AS Modena, Amb. Roma, 147, lettre du 12 octobre 1590, p. 3 : « egli hebbe a dirgli, che haverebbe autorità di castigare qualche giudeo ò sensale, ma che non potria mettere mano nelli grandi, ch’attendono a tuor (?) l’prattica, nella quale sono intricati sin de Cardinali, si come veramente far è seguito, che ha fatto pigliare de sensali, et de mercanti, et ad alcuni ha data la corda, vel altri ha triutta (?) la roba, con tutto cio seguitasse le scomesse nella franchigia dell’Illustrissimo Cardinale Sforza ».
-
[122]
AS Modena, Amb. Roma, 148, dépêche du 24 novembre 1591, p. 2 (en chiffres).
-
[123]
Voir AS Roma, Processi, b. 237, fasc. 4, arrestation pour paris, décembre 1590.
-
[124]
Tous les procès conservés s’arrêtent brutalement : voir les procès précédemment cités dans AS Roma, Processi, liasses 230,231,237.
-
[125]
Arch. Segr. Vat., Bandi sciolti, s. I, vol. 2,1572-1600, doc. 91,21 mars 1591 : Constitutio S.D.N. Gregorii Papae XIII contra Ineutes sponsiones super vita, & morte, & futura electione Romani Pontificis... : « Qualia multa cum ingenti animi nostri dolore sensimus manere ex frequenti sponsionum illarum usu, quae Excommissae vulgò dictae super futura electione, aut vita, & morte Romani Pontificis [...] non mediocriter hac de causa impediri, perturbari, ac refrigescere necesse est, dum multi temporalibus lucris intenti, aut obliviscuntur, quae Dei sunt, aut certè desiderant saepenumero, & procurant, ut eligantur non ij, qui optimi sunt, sed ex quorum electione plurimum lucri se consecuturos animadvertunt. »
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Arch. Segr. Vat., Misc. Arm. IV e V, 26, f. 8r-13v, Bulla S.mi D.N. D. Pii Papae III [sic]. super reformatione Conclavis in electione Romani Pontificis [1er octobre 1562], notamment le chapitre « Excomissae super Electione Romani Pontificis damnantur ».