Couverture de ANNA_571

Article de revue

Religion et ethnicité

De la comparaison spatiale et temporelle

Pages 127 à 144

Notes

  • [1]
    MARCEL DETIENNE, Comparer l’incomparable, Paris, Le Seuil, 2000; LUCETTE VALENSI, « Retour d’Orient : de quelques usages du comparatisme en histoire », in H. ATSMA et A. BURGUIÈRE (dir.), Marc Bloch aujourd’hui : histoire comparée et sciences sociales, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, pp. 307-316; MARC BLOCH, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Mélanges historiques, Paris, Éditions de l’EHESS, [1928] 1983, vol. 1, pp. 16-40; ID., « Comparaison » in ID., Histoire et historiens, É. Bloch (éd.), Paris, Armand Colin, [1930] 1995, pp. 87-93; CLAUDE LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, Paris, Plon, [1958] 1974, pp. 312-313; THEDA SKOCPOL (éd.), Vision and Method in Historical Sociology, Cambridge, Cambridge University Press, 1984; CHARLES TILLY, Big Structures, Large Processes, Huge Comparisons, New York, Russell Sage Foundation, 1985. Sur « l’impératif comparatif », voir NANCY L. GREEN, « L’histoire comparative et le champ des études migratoires », Annales ESC, 44-6,1990, pp. 1335-1350.
  • [2]
    M. BLOCH, « Pour une histoire... », art. cit., pp. 20-22.
  • [3]
    DON DIGNAN, « Europe’s Melting Pot : A Century of Large-scale Immigration into France », Ethnic and Racial Studies, 4-2,1981, pp. 137-152; NANCY L. GREEN, « “Filling the Void”: Immigration to France before World War I », in D. HOERDER (dir.), Labor Migration in the Atlantic Economies, Westport, Greenwood Press, 1985, pp. 143-161; GÉRARD NOIRIEL, Le creuset français : histoire de l’immigration XIXe - XXe siècles, Paris, Le Seuil, 1988; DOMINIQUE SCHNAPPER, « Un pays d’immigration qui s’ignore », Le genre humain, 19,1989, pp. 99-109; RALPH SCHOR, Histoire de l’immigration en France de la fin du XIXe siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 1996.
  • [4]
    NANCY L. GREEN, « L’immigration en France et aux États-Unis. Historiographie comparée », Vingtième Siècle, 29,1991, pp. 67-82. Ces points sont développés dans ID., Repenser les migrations, Paris, PUF, 2002.
  • [5]
    Sur la notion de grammaire politique, voir LUC BOLTANSKI et LAURENT THÉVENOT, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991; et LAURENT THÉVENOT et MICHÈLE LAMONT, « Conclusion », in M. LAMONT et L. THÉVENOT (dir.), Rethinking Comparative Cultural Sociology : Repertoires of Evaluation in France and the United States, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
  • [6]
    Cf. PIERRE BOURDIEU, Homo Academicus, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984.
  • [7]
    WERNER SOLLORS, Beyond Ethnicity : Consent and Descent in American Culture, New York, Oxford University Press, 1986; KATHLEEN CONZEN et alii, « The Invention of Ethnicity : A Perspective from the USA », Journal of American Ethnic History, 12-1,1992, pp. 3-41; DAVID A. HOLLINGER, Postethnic America : Beyond Multiculturalism, New York, Basic Books, 1995.
  • [8]
    JEAN-LOUP AMSELLE et ELIKIA M’BOKOLO (dir.), Au cœur de l’ethnie, Ethnies, tribalisme et État en Afrique, Paris, La Découverte, 1985; JEAN-LOUP AMSELLE, Vers un multiculturalisme français, Paris, Aubier, 1996; MARCO MARTINIELLO, L’ethnicité dans les sciences sociales contemporaines, Paris, PUF, 1995; PHILIPPE POUTIGNAT et JOCELYNE STREIFF-FENART, Théories de l’ethnicité, Paris, PUF, 1995; DOMINIQUE SCHNAPPER, La relation à l’autre, Paris, Gallimard, 1998, chap. XI, « Le refus de l’ethnique dans la République française », pp. 395-438.
  • [9]
    HERVÉ LE BRAS, Le démon des origines, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 1998, répondant à MICHÈLE TRIBALAT (avec PATRICK SIMON et BENOÎT RIANDEY ), De l’immigration à l’assimilation. Enquête sur les populations d’origine étrangère, Paris, La Découverte/ INED, 1996. Voir également ALAIN BLUM, « Comment décrire les immigrés – à propos de quelques recherches sur l’immigration », Population, 53-3,1998, pp. 569-586; et l’analyse de ce débat par JOAN STAVO-DEBAUGE, « Prendre position contre l’usage de catégories “ethniques” dans la statistique publique. Le sens commun constructiviste, une manière de se figurer un danger politique », in P. LABORIER et D. TROM (dir.), L’historicité de l’action publique, Paris, PUF, à paraître.
  • [10]
    PATRICK SIMON, « Nommer pour agir », Le Monde, 28 avril 1993; et ID., « Nationalité et origine dans la statistique française : les catégories ambiguës », Population, 53-3,1998, pp. 541-566. D’autres chercheurs ont critiqué des discriminations tout en mettant en garde contre des catégorisations : MICHEL WIEVIORKA, La France raciste, Paris, Le Seuil, 1992; ID. (dir.), Une société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat, Paris, La Découverte, 1997; ID., La différence, Paris, Balland, 2000; VÉRONIQUE DE RUDDER, CHRISTIAN POIRET et FRANÇOIS VOURC’H, L’inégalité raciste. L’universalité républicaine à l’épreuve, Paris, PUF, 2000.
  • [11]
    HERBERT GUTMAN, « Work, Culture, and Society in Industrializing America, 1815-1919 », in Work, Culture, and Society in Industrializing America, 1815-1919, New York, Alfred A. Knopf, 1976, pp. 3-78; MICHELLE PERROT, « Les rapports des ouvriers français et des étrangers (1871-1893) », Bulletin de la Société d’histoire moderne, 12e série, 12,1960, pp. 4-9; Commission internationale d’histoire des mouvements sociaux et des structures sociales, Les Migrations internationales de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Éditions du CNRS, 1980; voir aussi note 3.
  • [12]
    Voir la bibliographie in N. L. GREEN, Repenser les migrations, op. cit.
  • [13]
    Cf. RÉMY LEVEAU, « Éléments de réflexion sur l’enquête “Culture islamique et attitudes politiques dans l’immigration maghrébine en France” », in B. ÉTIENNE (dir.), L’Islam en France : Islam, État et société, Paris, Éditions du CNRS, 1990, pp. 85-88.
  • [14]
    MARCUS LEE HANSEN (The Immigrant in American History, Cambridge, Harvard University Press, 1940) avait proposé la distinction entre la première génération, la deuxième, qui ne s’intéresse pas aux origines de ses parents, et la troisième qui y fait un retour.
  • [15]
    Pour une mise au point en français de l’histoire religieuse américaine, voir LUCIA BERGAMASCO et ANNETTE BECKER, « L’histoire religieuse », in J. HEFFER et F. WEIL (dir.), Chantiers d’histoire américaine, Paris, Belin, 1994, pp. 213-236; voir également FRANÇOIS WEIL, « Migrations, Migrants, Ethnicité », in ID. (dir.), pp. 407-432. L’ouvrage classique sur la religion aux États-Unis est de MARTIN E. MARTY, Pilgrims in their own Land : 500 Years of Religion in America, Boston, Little Brown & Co., 1984.
  • [16]
    « Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof [...] ». Sur les rapports entre l’Église et l’État aux États-Unis, voir, par exemple, STEPHEN BOTEIN, « Religious Dimensions of the Early American State », in R. BEEMAN, S. BOTEIN et E. C. CARTER II (dir.), Beyond Confederation : Origins of the Constitution and American National Identity, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1987, pp. 315-330; DONALD L. DRAKEMAN, Church-State Constitutional Issues : Making Sense of the Establishment Clause, New York, Greenwood Press, 1991; ARLIN M. ADAMS et CHARLES J. EMMERICH, A Nation Dedicated to Religious Liberty : The Constitutional Heritage of the Religious Clauses, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1990.
  • [17]
    L’« autobiographie » de Monk s’avéra être un faux, mais cette découverte n’empêcha pas sa grande popularité. Voir DENIS LACORNE, La crise de l’identité américaine, du melting-pot au multiculturalisme, Paris, Fayard, 1997, pp. 123-124.
  • [18]
    L’importance absolue ou relative de l’antisémitisme aux États-Unis reste un objet de débat. Voir LEONARD DINNERSTEIN, Uneasy at Home : Anti-Semitism and the American Jewish Experience, New York, Columbia University Press, 1987; FREDERIC COPLEY JAHER, A Scapegoat in the New Wilderness : The Origins and Rise of Anti-Semitism in America, Cambridge, Harvard University Press, 1994.
  • [19]
    JOHN HIGHAM, Strangers in the Land. Patterns of American Nativism, 1860-1925, New York, Atheneum, [1955] 1985. J. Higham analyse en détail les variantes de la xénophobie américaine, allant d’un anti-catholicisme périodique à un rejet sur fond politique (de la radicalisation importée d’ailleurs : la peur des rouges), à une xénophobie plus « ethnique », le tout débouchant sur les lois limitant l’entrée des immigrés dans les années 1920.
  • [20]
    RUBY JO REEVES KENNEDY, « Single or Triple Melting-Pot ? Intermarriage Trends in New Haven, 1870-1940 », American Journal of Sociology, 49,1944, pp. 331-339; ID., « Single or Triple Melting-Pot ? Intermarriage in New Haven, 1870-1950 », American Journal of Sociology, 58,1952, pp. 56-59.
  • [21]
    WILL HERBERG, Protestant, Catholic, Jew : An Essay in American Religious Sociology, Chicago, University of Chicago Press, [1955] 1983 (Protestants, catholiques et israélites : la religion dans la société aux États-Unis, Essai de sociologie religieuse, Paris, Éditions SPES, 1960). La race et le racisme n’entrent pas dans sa classification, mais W. Herberg parle déjà de l’émergence de « ce que nous appelons groupe ethnique ». Ceci proviendrait d’un processus d’américanisation, fruit de l’immigration et de l’expérience sur place (p. 25).
  • [22]
    MILTON GORDON, Assimilation in American Life : The Role of Race, Religion and National Origins, New York, Oxford University Press, 1964.
  • [23]
    ANDREW M. GREELEY, The Denominational Society : A Sociological Approach to Religion in America, Glenview, Scott, Foresman & Co., 1972; ID., Why Can’t They Be Like Us ? America’s White Ethnic Groups, New York, E. P. Dutton & Co., 1971. Voir également DOLORES LIPTAK, Immigrants and their Church, New York, MacMillan, 1989, et THOMAS ARCHDEACON, Becoming American. An Ethnic History, New York, The Free Press, 1983, chap. 8, « The Triple Melting Pot and Beyond ».
  • [24]
    Dans le Social Science Citation Index pour l’année 2000, W. Herberg (1901-1977) est cité treize fois (dont dix pour Protestant, Catholic, Jew), tandis que NATHAN GLAZER (né en 1923) est cité soixante-dix-neuf fois (dont vingt-sept pour le seul Beyond the Melting Pot, ouvrage influent qu’il a écrit avec Daniel Patrick Moynihan, Cambridge, MIT Press, 1963). En France, voir, par exemple, deux actes de colloques édités par JEAN BÉRANGER, tous deux intitulés Le facteur religieux en Amérique du Nord, Talence, MSHA, 1981 et 1983, le premier s’intéressant à l’Apocalypse et le second aux sensibilités canadiennes.
  • [25]
    T. ARCHDEACON, Becoming American..., op. cit. p. 204.
  • [26]
    N. GLAZER et D. P. MOYNIHAN, Beyond the Melting Pot, op. cit.
  • [27]
    Voir, par exemple, GEORGE E. POZZETTA (dir.), The Immigrant Religious Experience, New York, Garland, 1991, ou le numéro spécial du Journal of American Ethnic History, autour d’un article de ELLIOTT R. BARKAN, « Race, Religion and Nationality in American Society : A Model of Ethnicity – From Contact to Assimilation », 14-2,1995, pp. 38-101.
  • [28]
    ROBERT P. SWIERENGA, « Religion and Immigration Patterns : A Comparative Analysis of Dutch Protestants and Catholics, 1835-1880 », Journal of American Ethnic History, 5-2,1986, pp. 23-45, ici p. 23. TIMOTHY L. SMITH, « Religion and Ethnicity in America », American Historical Review, 8,1978, pp. 1155-1185; MARTIN E. MARTY, « Ethnicity : The Skeleton of Religion in America », Church History, 41,1972, pp. 5-21; HARRY S. STOUT, « Ethnicity : The Vital Center of Religion in America », Ethnicity, 2,1975, pp. 202-224.
  • [29]
    ROBERT A. ORSI, Madonna of 115th Street : Faith and Community in Italian Harlem, 1880-1950, New Haven, Yale University Press, 1985; KAREN MC CARTHY BROWN, Mama Lola : A Voodoo Priestess in Brooklyn, Berkeley, University of California Press, 1991.
  • [30]
    Oscar Handlin avait déjà analysé la religion comme un « mode de vie » cherchant à reproduire les habitudes du pays, mais il a décrit la « rigidification » de celle-là comme la conséquence de cette nostalgie. OSCAR HANDLIN, The Uprooted, Boston, Little, Brown and Co., [1951] 1973, pp. 117-143. Voir également WILLIAM I. THOMAS, Old World Traits Transplanted, New York, Harper and Brothers, 1921; RANDALL MILLER et THOMAS D. MARZIK (dir.), Immigrants and Religion in Urban America, Philadelphie, Temple University Press, 1977.
  • [31]
    Cf. M. GORDON, Assimilation in American Life..., op. cit., p. 27.
  • [32]
    ABDELMALEK SAYAD, « Culture dominante, cultures dominées », Projet, 171/172, 1983, p. 40.
  • [33]
    Voir, notamment, RÉMY LEVEAU et GILLES KEPEL (dir.), Les musulmans dans la société française, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1988.
  • [34]
    YVON GASTAUT, L’immigration et l’opinion en France sous la Ve République, Paris, Le Seuil, 2000, surtout les chapitres suivants : « Le spectre de l’islam » et « La laïcité en question, l’affaire du foulard (depuis 1989) ».
  • [35]
    Cf. PIERRE BOURDIEU et ABDELMALEK SAYAD, « Stratégie et rituel dans le mariage kabyle », in J. PERISTIANY (dir.), Mediterranean Family Structures, Cambridge, Cambridge University Press, 1976.
  • [36]
    SADDEK RABAH, L’Islam dans le discours médiatique, Beyrouth, Les Éditions Al-Bou-raq, 1998; JOCELYNE CESARI, Ê tre musulman en France, Associations, militants et mosquées, Paris, Karthala, 1994, p. 11.
  • [37]
    Un des premiers colloques est celui organisé par le CERI les 29-30 janvier 1987 : « Les musulmans dans la société française », qui a donné lieu à la publication de R. LEVEAU et G. KEPEL, Les musulmans..., op. cit. Voir également FRANÇOISE GASPARD et FARHAD KHOSROKHAVAR, Le foulard et la République, Paris, La Découverte, 1995; GILLES KEPEL, Les banlieues de l’islam : naissance d’une religion en France, Paris, Le Seuil, 1987; BRUNO ÉTIENNE, La France et l’islam, Paris, Hachette, 1988; ID. (dir.), L’Islam en France, op. cit.; DOMINIQUE SCHNAPPER, La France de l’intégration, Paris, Gallimard, 1991, p. 114 sqq.
  • [38]
    L’actualité a fait irruption une fois cet article achevé. Suite aux événements du 11 septembre 2001, il est difficile de prévoir la place que tiendra l’islam dans l’historiographie américaine future. À l’heure actuelle, elle est plutôt réduite dans le champ des études sur l’immigration. Quant à l’« opinion publique », il semblerait que, pour l’instant, l’amalgame s’ethnicise, mêlant musulmans, Arabes-américains, voire Indiens (du sous-continent asiatique) dans une non-différenciation basée sur l’ignorance plutôt que la science.
  • [39]
    Voir, par exemple, GABRIEL LE BRAS, « Sociologie des religions : tendances actuelles de la recherche et bibliographie », Sociologie contemporaine, 5-1,1956, où neuf entrées sur huit cent quatre-vingt-onze sont consacrées à « Ethnies et nationalités » (et dix sur « Religion et questions raciales »). Pour un survol du champ aux États-Unis, voir JON BUTLER, qui plaide pour l’importation d’une méthodologie « à la française » afin de renouveler le domaine surinvesti des études sur les puritains : « The Future of American Religious History : Prospectus, Agenda, Transatlantic Problématique », William and Mary Quarterly, 42-2,1985, pp. 167-183.
  • [40]
    GEORGES MAUCO, Les étrangers en France, Paris, Armand Colin, 1932, pp. 533-536; ALAIN GIRARD et JEAN STOETZEL, Français et immigrés, Paris, INED, « Travaux et Docu-ments-19/20 », 1953-1954. Le sous-titre de l’ouvrage de G. Mauco est certes « Leur rôle dans l’activité économique ». Son livre, le plus complet sur la question avant l’historiographie récente, a été longtemps cité comme la « bible » en la matière, avant les critiques qui ont dévoilé des relents antisémites chez l’auteur (voir ÉLISABETH RUDINESCO, « Georges Mauco (1899-1988) : un psychanalyste au service de Vichy. De l’antisémitisme à la psycho-pédagogie », L’Infini, 51,1995, pp. 69-84).
  • [41]
    Cf. KEVIN J. CHRISTIANO, Religious Diversity and Social Change : American Cities, 1890-1906, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, chap. 2 sur cette catégorie dans les recensements américains.
  • [42]
    JACQUES SUTTER, La vie religieuse des français à travers les sondages d’opinion (1944-1976), Paris, Éditions du CNRS, 1984. Plus récemment, MICHÈLE TRIBALAT et alii ont contourné l’interdiction – avec l’agrément du CNIL – en demandant aux individus s’ils avaient une pratique religieuse ou des interdits alimentaires (De l’immigration à l’assimilation, et Faire France : une grande enquête sur les immigrés et leurs enfants, Paris, La Découverte, 1995).
  • [43]
    SERGE BONNET, Sociologie politique et religieuse de la Lorraine, Paris, Armand Colin, 1972; ID., L’homme du fer, Nancy, Centre lorrain d’études sociologiques, 1976-1984, 4 vols.
  • [44]
    A. GIRARD et J. STOETZEL, Français et immigrés, op. cit.; GÉRARD NOIRIEL, Longwy, Immigrés et prolétaires, 1880-1980, Paris, PUF, 1984; JANINE PONTY, Polonais méconnus. Histoire des travailleurs immigrés en France dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, pp. 147-153 et 279-280; RALPH SCHOR, L’opinion française et les étrangers, 1919-1939, Paris, Publications de la Sorbonne, 1985, pp. 327-346 et 525-526. Pour une mise au point récente, voir RALPH SCHOR, « Religion et intégration des étrangers en France dans l’entre-deux-guerres », in L. GERVEREAU, P. MILZA et É. TÉMIME (dir.), Toute la France : Histoire de l’immigration en France aux XXe siècle, Paris, Somogy/ BDIC, 1998, pp. 248-255.
  • [45]
    BENJAMIN STORA, Ils venaient d’Algérie. L’immigration algérienne en France, 1912-1992, Paris, Fayard, 1992, pp. 70-73; NANCY L. GREEN, Les travailleurs immigrés juifs à la Belle Époque, Paris, Fayard, 1985, pp. 111-120. RIVA KASTORYANO parle plutôt de la vie familiale et des coutumes dans Ê tre Turc en France, Paris, L’Harmattan, 1986. Voir également Les Algériens en France – étude démographique et sociale, Paris, PUF / INED, « Travaux et Documents-24 », 1955; Les immigrés du Maghreb : études sur l’adaptation en milieu urbain, Paris, PUF / INED, « Travaux et Documents-79 », 1977; et, plus récemment, MARIE-CLAUDE BLANC-CHALÉARD, Les Italiens dans l’Est parisien. Une histoire d’intégration (1880-1960), Rome, École française de Rome, 2000; ÉMILE TÉMIME, France, terre d’immigration, Paris, Gallimard-Découvertes, 1999.
  • [46]
    DANIÈLE HERVIEU-LÉGER, La religion pour mémoire, Paris, Le Cerf, 1993.
  • [47]
    R. SCHOR, L’opinion française..., op. cit., p. 335. Voir le journal édité par Chaptal à partir de 1926 : L’étranger catholique en France, qui publiait des articles allant de « Comment un curé français, par ses propres moyens, peut arriver à “paroissialiser” les étrangers établis sur son territoire » aux informations concernant la presse catholique en langue étrangère (polonais, italien, russe, etc.).
  • [48]
    Par exemple, J. PONTY, Polonais méconnus..., op. cit., p. 148. Pour un exemple d’un conflit concernant la première communion des enfants polonais, voir S. BONNET, L’homme du fer, op. cit., pp. 263-265. Voir également la revue Le rayonnement culturel polonais, 1,1990, et 2,1990.
  • [49]
    JOSÉ CUBERO, Nationalistes et étrangers : le massacre d’Aigues-Mortes, Paris, Imago, 1996. Voir également, PIERRE MILZA, Voyages en Italie, Paris, Plon, 1993, chap. 4, « Du rejet à la transparence »; GIANFAUSTO ROSOLI, « La problematica religiosa degli italiani in Francia », in L’immigration italienne en France dans les années 1920, Paris, Éditions du CEDEI, 1988, pp. 311-327; CAROLINE WIEGANDT-SAKOUN, « Les missions catholiques italiennes dans l’entre-deux-guerres : l’exemple français », in P. MILZA (dir.), Les Italiens en France de 1914 à 1940, Rome, École française de Rome, 1986, pp. 471-480; JEAN - LUC POUTHIER, « Émigrés catholiques et antifascisme, Luigi Sturzo et l’Internationale blanche », in ID., pp. 481-497; et LUIGI TARAVELLA, « La pratique religieuse comme facteur d’intégration », in A. BECHELLONI, M. DREYFUS et P. MILZA, L’intégration italienne en France, Bruxelles, Éditions Complexe, 1995, pp. 71-83.
  • [50]
    Pour un exemple similaire entre Juifs immigrés et français, voir N. L. GREEN, Les travailleurs immigrés juifs..., op. cit., pp. 111-120.
  • [51]
    Sur l’écart significatif, voir C. LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, op. cit., pp. 312-313; cf. PIERRE BOUVIER, « Différences et analogies », in P. BOUVIER et O. KOURCHID (dir.), France-USA : les crises du travail et de la production, Paris, Méridiens Klincksieck, 1988, pp. 11-17.
  • [52]
    Elle exclut de fait les immigrés espagnols et portugais.
  • [53]
    MARCEL DETIENNE, Comparer l’incomparable, op. cit.

1« L’impératif comparatif » paraît aujourd’hui en bonne voie. Le thème du « transnational » et l’intérêt pour la World history aidant, nombre d’historiens semblent rejoindre les chercheurs d’autres sciences sociales [1]. Les sujets se multiplient, proches comme lointains, allant de l’industrialisation (vieux thème lié à la concurrence entre la France et l’Angleterre) à l’esclavage (la Grèce ancienne et l’Amérique du XIXe siècle) et du syndicalisme aux révolutions (française, russe ou américaine). Or, on doit aujourd’hui aller au-delà du seul plaidoyer pour l’histoire comparée et examiner de plus près la façon dont la comparaison aide à résoudre certaines énigmes. La comparaison peut n’être qu’heuristique, certes, mais son utilité pour l’historien est d’élargir le regard afin de remettre en question les idées communément admises. Ainsi, dans son article classique sur l’histoire comparée, Marc Bloch explique comment cette méthode lui a permis de voir les enclosures en Provence. Il notait les homonymes abusifs et les hétéronymes qui cachaient des similitudes [2]. Il va s’agir ici de comprendre l’usage de deux catégories différentes pour désigner un même phénomène historique. Si les États-Unis et la France sont des pays d’immigration qui parlent de leurs immigrés de façon différente, ce n’est qu’à travers la comparaison que l’on s’en aperçoit.

2Depuis de nombreuses années, il n’est plus nécessaire de démontrer que la France est, comme les États-Unis, un pays d’immigration et ceci depuis au moins un siècle [3]. Or, malgré cette similitude, de profondes différences subsistent quant aux représentations – passées et présentes – de ce phénomène. Leurs références historiques ont été souvent contrastées : oubli en France, mémoire en Amérique. Or, comme nous l’avons montré ailleurs, cette différence relève de contradictions endogènes [4]. Paradoxalement, la mémoire de l’immigration en France a été longtemps escamotée, et ce malgré une politique de relative ouverture (jusqu’aux années 1970, à l’exception des années trente et quarante). Aux États-Unis, la contradiction n’est pas moindre, puisque la supposée mémoire de l’immigration est allée de pair avec l’oubli des années de fermeture (1920-1965).

3De même, les perceptions actuelles prêtent souvent à une autre divergence franco-américaine : s’agissant des immigrés et de leurs descendants, « religion » et « ethnicité » sont devenues deux catégories hautement médiatisées mais aussi utilisées dans les sciences sociales en France et aux États-Unis. L’Autre est perçu de manière différente dans ces deux sociétés, mais, sans la comparaison, les catégories semblent n’être que de simples données explicatives. Examiner l’immigration dans un seul pays apporte des analyses aussi savantes que complexes, mais peut conduire à des généralisations partielles. Comparer l’image de l’Autre dans deux pays permet de mieux questionner à la fois les catégories et la façon dont celles-ci sont déployées dans le temps et l’espace.

L’histoire comparée des représentations

4L’énigme est la suivante : les immigrés sont « musulmans » en France, « groupes ethniques » aux États-Unis. Mais, religion et ethnicité, ces désignations hâtives et partielles, sont-elles véritablement comparables ? Chaque terme recèle en effet une multiplicité de définitions et de pratiques. Les comparer comme catégories « holistes » escamote leurs réalités plus complexes. La « religion » relève de différents registres : dogmes institutionnels, croyance individuelle, pratiques (qui peuvent créer des divisions au sein des groupes religieux); l’ethnicité peut être ascriptive ou auto-désignée et recouvrir des pratiques identitaires « molles » ou intenses.

5Par ailleurs, ces catégories relèvent de deux épistémès différentes. Peut-être sont-elles trop différentes pour avoir ce noyau de similarité qui rend la démarche comparative intéressante : la religion est une catégorie très ancienne et (plus) « objective »; l’ethnicité serait plus récente dans les sciences sociales. Néanmoins, chaque terme a des similarités d’usage qui sont, au moins, triples : ils sont mobilisés comme explications justificatives par les chercheurs; ils sont utilisés par les acteurs eux-mêmes pour s’identifier ou identifier les autres; ils font partie de la « grammaire politique » sur la scène publique [5]. Toutes deux sont devenues des catégories identiques. Leurs usages comportent donc leurs contradictions et sont des apories, mais ils se rejoignent chez les chercheurs, les acteurs et les pouvoirs publics, eu égard à l’histoire de l’immigration.

6Comparer implique à la fois similitudes et différences en amont, tout comme cette méthode d’observation en trouve en aval. La prémisse d’une similitude catégorielle permet de mieux revenir au constat de départ qui relève d’une comparaison de la différence : comment interpréter l’imaginaire de l’Autre pour chaque pays ? Pourquoi cette insistance sur la religion des immigrés maghrébins, turcs ou africains en France, l’islam devenant la métonymie pour toute « question immigrée », tandis que l’« ethnicité » joue ce rôle de l’autre côté de l’Atlantique ? La question est de savoir comment les historiens et les autres chercheurs en sciences sociales ont abordé le phénomène migratoire en France et aux États-Unis au XXe siècle et avec quel vocabulaire [6] ?

7On peut dire que cette différence franco-américaine dépend du statut selon lequel le terme est décliné. S’agissant de l’islam, ce sont les médias, voire la nébuleuse de l’opinion publique (ou des spécialistes qui ne s’occupent pas de l’islam, sans parler du rôle de l’extrême droite), qui postulent le plus souvent une radicalité religieuse chez ces immigrés en France. Aux États-Unis, le langage de l’« ethnicité » n’est pas cantonné à la sphère publique. Celle-là est reconnue comme un phénomène social, mais elle est aussi le titre de colloques et une catégorie scientifique pour les chercheurs. Même la critique visant à montrer son « invention » n’a pas empêché la vitalité de l’usage de ce concept parmi les chercheurs aux États-Unis [7].

8Il y a des comparaisons implicites ou naïves et d’autres explicites ou savantes. Celles-ci peuvent éclairer celles-là. Les comparaisons « savantes » impliquent des choix – de sujets, de niveaux –, voire des penchants vers la similitude ou la divergence. C’est à travers la comparaison que l’on peut poser trois questions aux chercheurs afin d’analyser – à rebours – la différenciation initiale : religion en France, ethnicité aux États-Unis. Du point de vue de la comparaison spatiale, qu’en est-il de l’« ethnicité » comme catégorie en France, et qu’est devenu le fait religieux dans les analyses nord-américaines ? Et, comparaison temporelle cette fois, comment l’usage de la catégorie « religion » a-t-il changé en France au cours du XXe siècle ?

Refus des groupes ethniques en France

9La récusation de la catégorie « ethnicité » en France dans les sciences sociales (mais aussi dans la grammaire politique et une partie des médias), fondée sur les valeurs républicaines et le reniement d’un passé colonialiste qui « créait » les tribus, a été amplement explicitée ces dernières années [8]. Dans des termes particulièrement vifs, Hervé Le Bras rejette toute référence aux origines comme étant une résurgence des démons du passé [9]. En revanche, d’autres chercheurs ont insisté sur l’importance de nommer les groupes afin de combattre les discriminations à leur égard [10]. Cette polémique semble liée aux appréciations du passé, du présent et du futur. Colonialisme, racisme, antisémitisme sont fustigés par les uns et les autres, tout attachés qu’ils sont aux valeurs d’égalité sociale. Cependant, subsistent des divergences profondes quant à la façon de penser une société plus égalitaire. Les catégories (notamment statistiques) peuvent être ainsi analysées différemment, soit comme un danger, dû à la réification des identités à usages différentiels et nocifs, soit comme un outil pour reconnaître et rectifier des inégalités. Le discours républicain préfère de loin la première interprétation à la seconde. De surcroît, l’« ethnicité », en tant qu’idée et phénomène, est souvent taxée de produit (scientifique) étranger, importé des États-Unis. Son rejet est donc également fondé sur un postulat comparatif d’une différence franco-américaine évidente et nécessaire : présence aux États-Unis, absence caractérisée en France. Ce débat français sur l’ethnicité est bien connu; je n’y reviendrai pas. En revanche, l’usage de la catégorie « religion » parmi les chercheurs (du non-religieux) a été peu étudié dans une telle perspective comparée. L’interroger peut aider à comprendre le phénomène différentiel inverse : sa présence en France, son absence aux États-Unis.

Quand les immigrés étaient des ouvriers

10Avant d’aborder cette différence dans l’espace, on peut se rappeler une similitude antérieure. En France comme aux États-Unis, l’histoire sociale (« nouvelle » en son temps) des années 1960-1970 avait pensé les immigrés de manière similaire, en tant qu’ouvriers. D’ailleurs, dans les deux pays, avant l’avènement relativement récent du champ des études migratoires, l’histoire du monde ouvrier (surtout des OS en France) était souvent celle des immigrés faite sans le savoir ou, tout au moins, sans l’expliciter. L’histoire ouvrière a, dans un premier temps, été construite – de manière novatrice – d’« en bas », comme contre-histoire à l’histoire nationale, quitte à gommer, pour des raisons autant épistémologiques qu’idéologiques, les différences au sein de la classe ouvrière. Il a fallu Herbert Gutman aux États-Unis ou Michelle Perrot en France pour montrer l’importance des immigrés dans le contexte d’une histoire ouvrière [11]. De nombreux travaux sur le rôle des immigrés au sein de la classe ouvrière ont suivi. Dans cette « découverte » des immigrés, l’économique primait. Même les analyses des coutumes et des associations étaient le plus souvent inscrites au sein d’une histoire renouvelée (et plus anthropologique) de l’industrialisation, de ses métiers – grands ou petits – et des classes sociales. Classe et communauté se conjuguaient dans les problématiques [12].

11Aujourd’hui, la vision des immigrés se transforme et leur représentation diverge d’un pays à l’autre. Face à la remise en question globale de la pensée en termes de classes (qui va au-delà du seul champ de l’histoire des migrations), ce sont d’autres catégories qui sont mises en avant pour analyser le phénomène migratoire. Il ne s’agit pas ici de l’opposition fréquente entre un jacobinisme français et un pluralisme culturel américain, ou entre républicanisme et communautarisme. Les discours publics des deux pays divergent par l’usage d’autres références pour parler des immigrés et de leurs descendants. L’« ethnicisation » des catégories prend une importance croissante aux États-Unis à tous les niveaux – chercheurs, pouvoirs publics, acteurs –, tandis que c’est la religion qui semble jouer ce rôle – surtout médiatique – en France [13].

Le choix des concepts

12Pourquoi ces catégories distinctives de conceptualisation et d’usage ? Une première réponse, s’appuyant sur l’histoire sociale, pourrait expliquer la différence par les nouveaux phénomènes sociaux des années 1960-1970 : l’arrivé massive, en France, d’immigrés en provenance d’Afrique du Nord; aux États-Unis, l’évolution d’une troisième génération s’intéressant à ses racines selon la « loi de Hansen [14] », conjuguée à l’arrivée de nouveaux immigrés, hispaniques et asiatiques, consécutive à la nouvelle loi sur l’immigration de 1965. Dans une autre perspective, on peut rattacher l’usage de ces catégories à des thèmes supposés pérennes dans chaque pays. La religion n’est-elle pas une thématique séculaire dans la longue histoire des rapports entre l’Église et l’État en France, et l’ethnicité une idée « naturelle » dans un pays d’immigration tel que les États-Unis ?

13Les explications conjoncturelles ne sont pas plus convaincantes que les références culturelles centenaires. Ni la religion ni l’ethnicité ne sont les seules façons de penser les migrations, et elles n’ont pas toujours été les plus importantes. Il faut donc faire une histoire comparée des concepts afin de voir comment la religion n’a pas été absente de l’analyse américaine, tout comme elle n’a pas toujours fonctionné comme critère le plus pertinent dans l’historiographie française des immigrés. Comment sont construites ces catégories et à quels usages correspon-dent-elles ? La comparaison historiographique doit relever à la fois du temporel et du spatial.

La religion aux États-Unis comme catégorie d’analyse

14Qu’est devenue la religion dans la recherche américaine sur l’immigration [15] ? Une première approche puise dans une comparaison temporelle. On doit rappeler les origines d’un discours républicain aux États-Unis qui, comme en France, repose sur une séparation de l’Église et de l’État. En l’occurrence, la séparation originelle date des premiers colons, qui mettaient un océan entre eux et l’Église anglicane. Au moment de la Révolution américaine – appelée, sans doute plus correctement, guerre d’Indépendance en français –, la nécessité d’une Constitution civile du clergé ne se fit donc pas sentir. Le mythe américain des origines insiste sur le rôle de la liberté des cultes comme motivation première de l’émigration des puritains, et cette notion est inscrite dans le premier amendement de la Constitution, en 1789 : « Le Congrès ne votera aucune loi concernant l’établissement des cultes ni n’empêchera le libre exercice de ceux-ci [16] ».

15Ce texte eut des conséquences multiples et parfois contradictoires. Le principe de séparation resta fondamental au pays des puritains, ainsi que celui de la liberté des cultes (le même amendement consacre les libertés d’expression et d’assemblée). Mais ceci s’exprima, historiquement, de manière complexe, avec une forte prédominance du protestantisme et, de manière répétée, une hostilité à l’égard des autres groupes religieux. Ainsi, la tolérance des multiples formes de protestantisme alla de pair avec un anti-catholicisme parfois virulent qui scandait l’arrivée des immigrés de diverses provenances au XIXe siècle. Furent d’abord visés les Irlandais. Un best-seller intitulé Les terrifiantes révélations sur le couvent de l’Hôtel-Dieu à Montréal (par une certaine Maria Monk) alimenta cet anti-catholicisme du milieu du XIXe siècle [17]. Vers la fin du siècle, une campagne de l’American Protective Association accusa les papistes d’être la cause du chômage. Ce fut au tour des Italiens d’être stigmatisés, les Irlandais étant considérés comme américanisés. L’antisémitisme ne fut pas non plus absent de cette hostilité à l’égard de l’étranger, quel qu’il fût. Le cas le plus célèbre est celui de Leo Frank, riche Juif new-yorkais, accusé de meurtre en 1915 et lynché en Géorgie dans le contexte d’une poussée violente d’antisémitisme. Le Ku Klux Klan (antisémite, anti-catholique, anti-Noir) sévit de manière virulente jusque dans l’entre-deux-guerres, bien que le pays ne connût ni de véritable affaire Dreyfus ni de lois ou de déportations comme sous le régime de Vichy [18].

16Mais au-delà des traces historiques d’une xénophobie religieuse à répétition, que John Higham a si bien analysée dans son classique Strangers in the Land[19], qu’en est-il de la catégorie « religion » dans les sciences sociales comme explication des fondements d’une société d’immigrés ? Curieusement, cette notion a été proposée, puis négligée dans le champ des études de l’immigration américaine.

17Dans deux articles célèbres, de 1944 et 1952, la sociologue Ruby Jo Reeves Kennedy pose une question centrale : « Single or Triple Melting-Pot ? », et suggère une lecture religieuse de la société américaine [20]. À partir de la statistique des mariages (religieusement) mixtes dans la ville de New Haven (Connecticut) entre 1870 et 1950, R. J. R. Kennedy montre comment un triple melting pot des adeptes des trois grandes religions est en train de se constituer. Si les Juifs (groupe désigné à la fois comme national et religieux) restent jusqu’en 1950 très fortement endogames (95 %), les autres populations d’origine immigrée sont en train de se fondre en deux autres « groupes fondamentaux » (fundamental bulwarks) : les protestants britanniques, allemands et scandinaves se marient entre eux, tout comme les catholiques irlandais, italiens et polonais.

18Will Herberg reprend cette thèse dans son célèbre Essay in American Religious Sociology[21]. Publié en 1955, le livre de Herberg insiste sur le « laïcisme d’un peuple religieux ». Pour lui, l’identification religieuse est une réponse à la société moderne. Mais, en ce qui concerne l’analyse de l’immigration, W. Herberg souligne que l’adaptation/assimilation attendue des immigrés ne suppose pas la conversion ou même une convergence religieuse, conclusion confirmée neuf ans plus tard par Milton Gordon dans son Assimilation in American Life[22]. On présume beaucoup des immigrés – apprentissage de l’anglais, adoption de la culture ambiante, voire, à terme, acquisition de la nationalité américaine – mais on n’attend pas qu’ils changent de religion. D’ailleurs, les trois grandes religions représentées aux États-Unis sont, selon W. Herberg, acceptées comme faisant partie d’une tradition occidentale partageant les mêmes valeurs de l’American way of life, valeurs qu’elles soutiennent à leur tour.

19À la suite de ces travaux, qu’est devenue la religion comme catégorie d’analyse ? Andrew Greeley, prêtre et sociologue, s’est voulu le continuateur de Herberg. Avant d’analyser les groupes ethniques blancs (white ethnics), Greeley s’intéressa à la religion et ses rapports aux groupes ethniques [23]. Mais bientôt cette problématique du melting pot des trois religions apparut quelque peu dépassée. Bien que W. Herberg soit encore cité, ses thèses ont été progressivement abandonnées par les historiens de l’immigration [24]. La raison semble conjoncturelle. L’historien Thomas Archdeacon considère que l’« accent mis [par R. J. R. Kennedy et W. Herberg] sur la religion résultait en partie du peu d’informations connues à l’époque au sujet de la persistance des identités ethniques [25] ». Mais ce reproche est fondamentalement anachronique, et l’on pourrait poser la question à l’envers : pourquoi l’ethnicité a-t-elle pris le dessus dans les analyses de la différence ?

20Les écrits de R. J. R. Kennedy et W. Herberg se situent à l’époque de la prospérité, de la modernisation et du consensus relatif de l’après-guerre, période d’assimilation tranquille, où le sens premier du melting pot : fusion, est encore présumé. En mettant la religion au cœur de leurs analyses – et en y subsumant les origines nationales –, ces auteurs ont proposé une catégorie d’analyse pour comprendre le phénomène migratoire et la société américaine en général. Mais ils écrivent juste avant l’explosion sociale des années 1960, la montée en force des mouvements pour les droits civiques des Noirs, et la (re)naissance d’une nouvelle catégorie de mobilisation et d’analyse qui entrera dans le discours public : l’ethnicité. L’affirmation de la « fin du melting pot[26] » (simple ou triple) va renverser les propos de R. J. R. Kennedy, W. Herberg et M. Gordon, et mener à une désagrégation conceptuelle des fundamental bulwarks.

21La religion n’a pas pour autant entièrement disparu comme outil analytique, mais le tout et ses parties se sont inversés. Là où la religion était utilisée afin d’expliquer l’amalgame de populations d’origines nationales diverses, elle devient désormais une des caractéristiques de l’ethnicité chez la plupart des chercheurs [27]. L’histoire comparée est ici un dispositif précieux, comme le soutient Robert P. Swierenga en analysant les fortunes diverses des Hollandais catholiques et calvinistes aux États-Unis. Le caractère universel de l’Église catholique a affaibli le sentiment d’appartenance nationale des premiers, à la différence des seconds. La diversité religieuse au sein d’un groupe national pourrait remettre en cause une analyse ethnique. Or, R. P. Swierenga admet que « c’est une gageure que de vouloir séparer les effets de la religion de l’identité nationale particulièrement forte [28] ».

22La place modeste laissée à la religion comme catégorie d’analyse chez la plupart des historiens de l’immigration se caractérise par deux aspects. D’abord, le fait religieux est examiné dans le cadre d’études de cas, communauté par communauté, groupe par groupe, la religion étant un facteur parmi d’autres de l’ethnicité. Catholiques mexicains-américains, mennonites et immigrés juifs, avec leurs églises ou leurs synagogues, ont été l’objet de recherches monographiques dont le cadre est le groupe « ethnique » et non pas une analyse globale de la société américaine à la Herberg. Les comparaisons sont, d’ailleurs, rarement de mise. Ensuite, ces recherches se placent, pour la plupart, dans une problématique désormais classique qui interroge sur les continuités et les ruptures par rapport au pays d’origine ou sur les négociations culturelles avec le pays d’arrivée. Allant de l’étude des institutions religieuses aux analyses de pratiques populaires (culte de Madonna ou pratique du vaudou [29] ), les travaux qui autrefois mettaient l’accent sur la religion comme sauvegarde de la tradition ou frein à la modernité vont aujourd’hui vers des traitements plus nuancés de syncrétismes, eux-mêmes signes d’accommodements dans une sorte d’« ethnicisation » de la religion [30].

23Trois éléments ressortent de ce survol historique et historiographique de l’intersection entre religion et immigration aux États-Unis. Au niveau de l’histoire sociale, une xénophobie religieuse a scandé l’accueil des immigrés (non-protes-tants) au pays de la tolérance. Néanmoins, et en minimisant ces moments de tension, des chercheurs ont essayé de penser une coexistence paisible entre les trois religions majoritaires. Le melting pot religieux l’était a fortiori pour les groupes nationaux constitutifs des groupes religieux. Mais la représentation de la religion des immigrés a été dépassée par un événement épistémologique : la montée des identités ethniques comme modèle d’explication, et ceci à tous les niveaux, pour les acteurs, chez les chercheurs et dans les médias. Le terme « ethnique » acquit ainsi une certaine fonctionnalité utilitaire dans le discours américain. Il englobe à la fois la religion, la nationalité et la race [31]. Il devint la nouvelle façon de penser les minorités, Juifs, Italiens ou Noirs au sein de l’Amérique contemporaine. Mais, en même temps, ce dernier concept reste étranger aux analyses et aux discours publics en France, laissant la place à une interprétation plutôt religieuse.

La religion en France comme catégorie d’analyse

24L’islam est devenu une métonymie médiatique pour l’immigration en France. Depuis les années 1970 et « l’arrêt » officiel de l’immigration, le discours public découvre que, invités comme travailleurs, pensés comme temporaires, les immigrés sont restés sur place, et ceci malgré toutes les incitations au retour. Pour ceux qui envisageaient l’immigration comme un phénomène temporaire et semblaient ignorer l’histoire des immigrations précédentes, cette réalité semble nouvelle. Or, comme le disait Abdelmayek Sayad :

25

L’immigration de travail a toujours fini par se transformer en immigration de peuplement, et on peut dire qu’il n’est aucune immigration réputée de peuplement qui n’ait été d’abord immigration de travail[32].

26Visions politiques d’un côté, analyses des chercheurs de l’autre, la séparation entre ces deux registres sera plus grande en France. De la grève des OS de l’automobile, qui prient dans un parking d’usine en 1982-1983, à « l’affaire du foulard islamique » en 1989, la construction d’un nouveau visage de l’immigration cristallise l’attention. Si d’autres formes de renouveaux identitaires ont lieu au cours de ces années 1980 (le mouvement beur, « Touche pas à mon pote », les JALB – Jeunes Arabes de Lyon et Banlieue), c’est la religion qui devient le facteur fondamental d’explication médiatique distinguant les nouveaux immigrés des anciens et de la population française [33]. Cet intérêt pour la religion des immigrés comme signe de la différence peut être daté. Yvon Gastaut, dans son étude exhaustive sur L’immigration et l’opinion en France sous la Ve République, montre bien comment les cadres structurants de l’opinion ont changé [34], d’une concentration sur la guerre d’Algérie et un racisme inavoué aux images contradictoires – l’Arabe comme soumis, l’Arabe comme violent – à la peur démographique et au thème de la délinquance. L’immigré était Arabe – ou Kabyle –, il devient musulman [35]. L’islam est devenu le terme populaire pour penser les migrations et la religion une catégorie d’analyse politique. Cette dernière s’étend pour devenir le symbole d’un nouveau défi lancé à la société française, l’islam lui étant étranger. Son extériorité est mise en avant, avec des références répétées à la violence; les procédures discursives (stéréotypes, préjugés, amalgames, dramatisations, etc.) véhiculent des valeurs négatives (refus de la laïcité, polygamie, communautarisme, fanatisme), et, comme l’a écrit Jocelyne Cesari, la perception dominante de l’islam est son « étrange étrangeté [36] ».

27Ces discours publics constituent l’arrière-plan du débat scientifique. Contrairement aux États-Unis, où la recherche sur le « fait ethnique » va de pair avec le mouvement social de redécouverte des origines, les chercheurs français, fondamentalement laïques et républicains, prennent le contre-pied du discours médiatique. Enquêtes et colloques s’efforcent de mieux cerner la réalité de l’islam en France : on met en rapport son renouveau avec la sédentarisation de la population et le processus identitaire; on évoque un « islam tranquille ». La découverte de la permanence de l’immigration sert ici d’élément d’explication, et, contre l’accent mis sur la catégorie « religion » sur la place publique, on renverse, aussi, le tout et ses parties. Intégrer la religion dans une analyse du renouveau identitaire sert à minimiser la notion de l’islam comme catégorie explicative. En renversant la causalité, les chercheurs montrent à qui veut les entendre que ce ne sont pas les fondamentalismes qui créent le désordre mais les discriminations à l’encontre des immigrés et de leurs enfants qui créent le fondamentalisme [37].

28Ici, la comparaison – et la différence – avec les États-Unis est double; les grammaires politiques se croisent. Tandis qu’un groupe « ethnique » (pour utiliser la terminologie américaine) en France, les Arabes, devient un groupe religieux sur la scène publique, les thèmes antisémites ou anti-catholiques s’estompent dans le discours américain face à la montée d’un vocabulaire de l’ethnicité [38]. Dans le même temps, les analyses en sciences sociales prennent des chemins différents dans les deux pays. Elles accompagnent la renaissance ethnique aux États-Unis à partir des années 1970; elles vont à contre-courant de la médiatisation chez les chercheurs français étudiant l’immigration en provenance d’Afrique du Nord.

Immigrés et religion : les silences du passé

29Une autre piste comparative reste peu explorée, celle d’une comparaison temporelle de la catégorie « religion » dans l’historiographie française. De 1598 à 1808 et 1905, de l’édit de Nantes à la création du consistoire juif et à la séparation de l’Église et de l’État, la religion scande l’histoire de la France comme événement, thème et, enfin, catégorie analytique. L’histoire religieuse, comme la sociologie de la religion, sont des disciplines nobles en France, tandis qu’elles sont souvent reléguées aux Divinity Schools aux États-Unis [39]. Mais on ne peut que constater l’absence relative d’une analyse du fait religieux dans l’historiographie de l’immigration en France. Dans Les étrangers en France, livre de synthèse de l’entre-deux-guerres, Georges Mauco n’y consacre que quatre pages sur six cent deux; dans leur importante étude sociologique de l’après-guerre, Alain Girard et Jean Stoetzel ne s’y attardent pas non plus [40]. L’explication est sans doute en partie institutionnelle. Les grandes enquêtes de l’INED s’intéressent à la démographie et aux flux migratoires plutôt qu’aux phénomènes culturels ou religieux. De manière générale, la séparation de l’Église et de l’État concourt à rendre la religion largement invisible. Chose privée, absente des statistiques officielles depuis 1872, elle ne figure pas dans les recensements, qui sont ainsi plus muets encore sur les croyances que sur les origines étrangères des citoyens [41]. Seuls les sondages s’y intéressent, et ceci depuis la Seconde Guerre mondiale [42].

30Le renouveau des études migratoires en France n’a pas non plus particulièrement porté son regard vers la religion. Même Serge Bonnet, dominicain et chercheur au CNRS, un des précurseurs de l’histoire de l’immigration en Lorraine, semble avoir cloisonné ces deux catégories. Quand il publie sa Sociologie politique et religieuse de la Lorraine, en 1972, il s’est certes interrogé sur les rapports entre catholicisme et communisme dans la région, mais les origines nationales des catholiques concernés sont peu explorées explicitement, tandis que, dans les quatre volumes qu’il a dirigés d’une très importante collecte de documents concernant les mineurs de fer et les ouvriers sidérurgistes en Lorraine, L’homme du fer, peu de documents concernent la religion à propos des immigrés polonais et italiens [43]. Qu’il s’agisse des recherches à leur sujet ou sur l’opinion publique et les immigrés entre 1919 et 1939, la religion est loin d’être un objet central [44]. De fait, il s’agissait pour la plupart de populations catholiques, et cette similitude religieuse avec la population autochtone a pu rendre cette catégorie inopérante à première vue. Mais, le constat est le même pour mes propres travaux sur les travailleurs immigrés juifs de la Belle Époque comme pour les Algériens arrivés en France dès avant la Première Guerre mondiale et étudiés par Benjamin Stora [45].

31Outre l’absence de sources statistiques et une profonde méfiance à entrer dans la sphère privée des croyances, il y a d’autres raisons qui ont rendu la religion des immigrants relativement « invisible » dans cette première génération de livres qui leur sont consacrés. L’histoire de l’immigration commence à être écrite dans les années 1970-1980, au moment où le fait religieux est, de manière générale, au plus bas. Danièle Hervieu-Léger a bien montré comment la religion comme référence – et avec elle la sociologie de la religion – s’est transformée depuis une trentaine d’années [46]. De la laïcisation comme tendance de fond, on n’est passé que récemment au renouveau du religieux dans la pratique et les études. En même temps, l’historiographie de l’immigration se développe d’abord au sein d’une histoire de la classe ouvrière. Les immigrés sont pensés plutôt en tant que travailleurs, qu’ils soient originaires de Russie, d’Afrique du Nord, de Pologne ou d’Italie. Et les thèmes démographiques, économiques ou politiques ont en priorité mobilisé les chercheurs.

32Si la religion, jusqu’à une période très récente, n’a donc pas été centrale dans l’approche de l’immigration (ni cette dernière dans l’histoire des religions), que pouvons-nous apprendre néanmoins d’une histoire sociale de l’immigration massive pendant la première moitié du XXe siècle ? La ré-interroger du point de vue du religieux permet de voir comment un certain discours public était bien différent dans le contenu mais peut-être similaire dans la forme que l’on connaît aujourd’hui. Le plus étonnant, sans doute, est la façon dont le catholicisme lui-même – religion de la majorité des nouveaux venus de l’entre-deux-guerres – a pu être mis en cause. L’empathie chrétienne a certes joué un rôle important au moment de l’arrivée des immigrés polonais et italiens de l’entre-deux-guerres. L’Église de France multiplia ses efforts pour accueillir et secourir les immigrés. Une pastorale des étrangers, mise en place sous la direction de Mgr Emmanuel Chaptal, s’efforça d’aider à l’insertion et à l’assimilation des nouveaux venus [47]. Néanmoins, les différents rites et langues ainsi qu’une suspicion quant au nationalisme du fait religieux ont été perçus comme posant un problème pour la population et l’épiscopat français. Les différences sont certes décrites en termes de tensions plutôt que comme de véritables conflits [48]. Mais d’une relecture de cette histoire sociale aujourd’hui, à travers une comparaison temporelle, on est frappé par la vigueur de ces tensions qui ont pu s’exprimer vis-à-vis des pratiques perçues à l’époque comme trop différentes, trop nationalistes (les Polonais) ou ostentatoires (les Italiens).

33Tolérante à première vue, l’Église de France s’inquiétait de la célébration de la messe selon les coutumes polonaises, de l’organisation des paroisses informelles autour de la personne de ministres nationaux. Un accord fut signé en 1924 avec l’épiscopat polonais afin de placer les prêtres polonais sous le contrôle du clergé français. Ils eurent alors le titre officiel d’« aumôniers », mais c’était une désignation de fait – et un statut subordonné – que les intéressés et leurs ouailles tendaient à ignorer dans la pratique. Quant aux Italiens, la xénophobie à leur encontre est souvent associée aux rixes qui dégénéraient en émeutes, comme ce fut le cas à Aigues-Mortes en 1893, lors d’affrontements au cours desquels périrent huit des leurs [49]. Si de telles violences ne traduisent pas nécessairement une haine religieuse, elles montrent que le sujet de l’Autre peut se construire dans la proximité avec lui. La pratique religieuse trop exubérante de certains Italiens (souvent issus des campagnes) et la déchristianisation d’autres (plutôt originaires des villes) ont pu accentuer les différences jugées inacceptables à l’époque.

34Que des Italiens ou des Polonais – catholiques – aient pu faire figure de mauvais immigrés – supposés inassimilables – dans les discours publics est significatif de la transformation des représentations qui s’est produite en France au cours du XXe siècle. Des expressions différentes de la religiosité, internes au catholicisme, ont pu créer de l’allogénéité à partir d’une stigmatisation du Même [50]. La xénophobie des années 1930 a pu s’exercer malgré une proximité religieuse. Le narcissisme de petites différences aidant, l’écart significatif s’est déplacé au fil du temps [51].

35Bien que les historiens en aient fait mention, les conflits d’ordre religieux ne sont pas devenus un objet central de l’explication historiographique, sans doute en raison de la nature des tensions internes au catholicisme au cours des années 1920 et 1930, et de la conjoncture dans laquelle s’est inscrite la production historiographique pendant les années 1970 et 1980. La nature même des sujets choisis concernait d’abord le social, les immigrés ensuite, mais dans leurs identités nationales plus que religieuses. Tant que le religieux restait analysé en termes strictement... religieux (institutions, croyances privées), il était hors sujet. À partir du moment où, ainsi que l’a bien montré la sociologie de la religion, le religieux – comme l’« ethnique » – est devenu un vecteur d’identité culturelle, sa résurgence est apparue, tout à la fois médiatique, analytique, voire politique.

36Il ne s’est pas agi de proposer ici une catégorie plutôt qu’une autre comme mode d’interprétation nécessaire. Mais l’on doit interroger la façon dont la religion a pu être prise en compte ou ignorée dans les discours passés sur les migrations et la façon dont les chercheurs ont tenté d’analyser le phénomène. Si la religion est une catégorie plus présente aujourd’hui en France que par le passé, l’inverse s’est produit aux États-Unis. Cette question est donc fondamentalement comparative. C’est grâce à des enquêtes à travers le temps et l’espace que l’on peut constater la nature changeante de l’usage de certaines catégories. L’histoire et l’historiographie comparative permettent de rendre visible l’invisible. La « découverte » de l’islam à la fin du XXe siècle témoigne tout à la fois de la nature nouvelle d’une présence et de l’intérêt qui lui est porté. Érigée en absolu (dans un certain discours public en France) mais située dans le temps, la vision de l’islam nous incite à ré-interroger le rapport entre religion et immigration, à d’autres époques et sous d’autres cieux, pour l’histoire sociale comme pour l’historiographie.

37L’ironie du phénomène historique est multiple. Alors que le rejet des Polonais et des Italiens a pu se produire en France malgré leur catholicisme (ou à cause de leurs pratiques particulières), l’islam des premiers maghrébins était passé largement sous silence. De même, là où l’antisémitisme d’avant la guerre pouvait opposer une civilisation française et catholique aux Juifs, ceux-ci deviennent une minorité sinon modèle, du moins qui ne fait plus problème dans une reconfiguration de l’énonciation civilisationnelle. C’est l’ensemble « judéo-chrétien » qui est désormais opposé à l’Autre de l’islam dans la grammaire politique.

38C’est alors que la comparaison historique, temporelle et spatiale est précieuse. Si la religion est aujourd’hui devenue une référence en France pour « comprendre » l’immigration [52], seule la comparaison permet de poser la question de sa pérennité et de son rôle comme modalité explicative de l’histoire sociale. La religion est utilisée aujourd’hui dans les médias et par certains chercheurs (qui ne travaillent pas sur l’islam) comme la partie irréductible de la différence, quand l’expression des discriminations raciales, culturelles ou ethniques n’est pas de mise. Le débat porte alors sur le registre des termes qui doivent être utilisés : faut-il recourir à la race – discréditée –, aux origines – suspectes – ou à l’ethnicité – refusée ?

39Reste alors la religion. Aux États-Unis, à peine élaboré dans les sciences sociales, le religieux a été dépassé par l’ethnicité, qui pose d’autres problèmes de définition, sans parler de la grande ligne de partage raciale... Mais l’historiographie comparée montre cette autre différence spatiale : les spécialistes de l’immigration aux États-Unis ont plutôt accompagné la référence (publique) de l’ethnicité, tandis que les spécialistes de l’immigration nord-africaine ont nettement pris le contre-pied de la représentation médiatique de l’islam en France.

40Les formes de stigmatisation sont multiples, et l’on réinvente l’« inassimilabilité » à chaque époque : aujourd’hui la religion ou l’ethnicité, hier les mœurs, les races, les nations. Comme l’a montré Marcel Detienne, on construit l’autochtone, tout comme il y a de multiples façons de caractériser le nomade [53]. Les catégories de religion et d’ethnicité, médiatiques ou analytiques, ont suscité des comparaisons « sauvages » – parfois expéditives – de leurs différents usages en France et aux États-Unis. Au-delà de cette comparaison spatiale, la nécessaire comparaison temporelle permet également de voir comment des catégories apparaissent, disparaissent, resurgissent. La comparaison savante permet de « dé-naturaliser » les explications et de mieux analyser nos enclosures de l’esprit.


Date de mise en ligne : 01/09/2008

Notes

  • [1]
    MARCEL DETIENNE, Comparer l’incomparable, Paris, Le Seuil, 2000; LUCETTE VALENSI, « Retour d’Orient : de quelques usages du comparatisme en histoire », in H. ATSMA et A. BURGUIÈRE (dir.), Marc Bloch aujourd’hui : histoire comparée et sciences sociales, Paris, Éditions de l’EHESS, 1990, pp. 307-316; MARC BLOCH, « Pour une histoire comparée des sociétés européennes », Mélanges historiques, Paris, Éditions de l’EHESS, [1928] 1983, vol. 1, pp. 16-40; ID., « Comparaison » in ID., Histoire et historiens, É. Bloch (éd.), Paris, Armand Colin, [1930] 1995, pp. 87-93; CLAUDE LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, Paris, Plon, [1958] 1974, pp. 312-313; THEDA SKOCPOL (éd.), Vision and Method in Historical Sociology, Cambridge, Cambridge University Press, 1984; CHARLES TILLY, Big Structures, Large Processes, Huge Comparisons, New York, Russell Sage Foundation, 1985. Sur « l’impératif comparatif », voir NANCY L. GREEN, « L’histoire comparative et le champ des études migratoires », Annales ESC, 44-6,1990, pp. 1335-1350.
  • [2]
    M. BLOCH, « Pour une histoire... », art. cit., pp. 20-22.
  • [3]
    DON DIGNAN, « Europe’s Melting Pot : A Century of Large-scale Immigration into France », Ethnic and Racial Studies, 4-2,1981, pp. 137-152; NANCY L. GREEN, « “Filling the Void”: Immigration to France before World War I », in D. HOERDER (dir.), Labor Migration in the Atlantic Economies, Westport, Greenwood Press, 1985, pp. 143-161; GÉRARD NOIRIEL, Le creuset français : histoire de l’immigration XIXe - XXe siècles, Paris, Le Seuil, 1988; DOMINIQUE SCHNAPPER, « Un pays d’immigration qui s’ignore », Le genre humain, 19,1989, pp. 99-109; RALPH SCHOR, Histoire de l’immigration en France de la fin du XIXe siècle à nos jours, Paris, Armand Colin, 1996.
  • [4]
    NANCY L. GREEN, « L’immigration en France et aux États-Unis. Historiographie comparée », Vingtième Siècle, 29,1991, pp. 67-82. Ces points sont développés dans ID., Repenser les migrations, Paris, PUF, 2002.
  • [5]
    Sur la notion de grammaire politique, voir LUC BOLTANSKI et LAURENT THÉVENOT, De la justification. Les économies de la grandeur, Paris, Gallimard, 1991; et LAURENT THÉVENOT et MICHÈLE LAMONT, « Conclusion », in M. LAMONT et L. THÉVENOT (dir.), Rethinking Comparative Cultural Sociology : Repertoires of Evaluation in France and the United States, Cambridge, Cambridge University Press, 2000.
  • [6]
    Cf. PIERRE BOURDIEU, Homo Academicus, Paris, Les Éditions de Minuit, 1984.
  • [7]
    WERNER SOLLORS, Beyond Ethnicity : Consent and Descent in American Culture, New York, Oxford University Press, 1986; KATHLEEN CONZEN et alii, « The Invention of Ethnicity : A Perspective from the USA », Journal of American Ethnic History, 12-1,1992, pp. 3-41; DAVID A. HOLLINGER, Postethnic America : Beyond Multiculturalism, New York, Basic Books, 1995.
  • [8]
    JEAN-LOUP AMSELLE et ELIKIA M’BOKOLO (dir.), Au cœur de l’ethnie, Ethnies, tribalisme et État en Afrique, Paris, La Découverte, 1985; JEAN-LOUP AMSELLE, Vers un multiculturalisme français, Paris, Aubier, 1996; MARCO MARTINIELLO, L’ethnicité dans les sciences sociales contemporaines, Paris, PUF, 1995; PHILIPPE POUTIGNAT et JOCELYNE STREIFF-FENART, Théories de l’ethnicité, Paris, PUF, 1995; DOMINIQUE SCHNAPPER, La relation à l’autre, Paris, Gallimard, 1998, chap. XI, « Le refus de l’ethnique dans la République française », pp. 395-438.
  • [9]
    HERVÉ LE BRAS, Le démon des origines, La Tour-d’Aigues, Éditions de l’Aube, 1998, répondant à MICHÈLE TRIBALAT (avec PATRICK SIMON et BENOÎT RIANDEY ), De l’immigration à l’assimilation. Enquête sur les populations d’origine étrangère, Paris, La Découverte/ INED, 1996. Voir également ALAIN BLUM, « Comment décrire les immigrés – à propos de quelques recherches sur l’immigration », Population, 53-3,1998, pp. 569-586; et l’analyse de ce débat par JOAN STAVO-DEBAUGE, « Prendre position contre l’usage de catégories “ethniques” dans la statistique publique. Le sens commun constructiviste, une manière de se figurer un danger politique », in P. LABORIER et D. TROM (dir.), L’historicité de l’action publique, Paris, PUF, à paraître.
  • [10]
    PATRICK SIMON, « Nommer pour agir », Le Monde, 28 avril 1993; et ID., « Nationalité et origine dans la statistique française : les catégories ambiguës », Population, 53-3,1998, pp. 541-566. D’autres chercheurs ont critiqué des discriminations tout en mettant en garde contre des catégorisations : MICHEL WIEVIORKA, La France raciste, Paris, Le Seuil, 1992; ID. (dir.), Une société fragmentée ? Le multiculturalisme en débat, Paris, La Découverte, 1997; ID., La différence, Paris, Balland, 2000; VÉRONIQUE DE RUDDER, CHRISTIAN POIRET et FRANÇOIS VOURC’H, L’inégalité raciste. L’universalité républicaine à l’épreuve, Paris, PUF, 2000.
  • [11]
    HERBERT GUTMAN, « Work, Culture, and Society in Industrializing America, 1815-1919 », in Work, Culture, and Society in Industrializing America, 1815-1919, New York, Alfred A. Knopf, 1976, pp. 3-78; MICHELLE PERROT, « Les rapports des ouvriers français et des étrangers (1871-1893) », Bulletin de la Société d’histoire moderne, 12e série, 12,1960, pp. 4-9; Commission internationale d’histoire des mouvements sociaux et des structures sociales, Les Migrations internationales de la fin du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Éditions du CNRS, 1980; voir aussi note 3.
  • [12]
    Voir la bibliographie in N. L. GREEN, Repenser les migrations, op. cit.
  • [13]
    Cf. RÉMY LEVEAU, « Éléments de réflexion sur l’enquête “Culture islamique et attitudes politiques dans l’immigration maghrébine en France” », in B. ÉTIENNE (dir.), L’Islam en France : Islam, État et société, Paris, Éditions du CNRS, 1990, pp. 85-88.
  • [14]
    MARCUS LEE HANSEN (The Immigrant in American History, Cambridge, Harvard University Press, 1940) avait proposé la distinction entre la première génération, la deuxième, qui ne s’intéresse pas aux origines de ses parents, et la troisième qui y fait un retour.
  • [15]
    Pour une mise au point en français de l’histoire religieuse américaine, voir LUCIA BERGAMASCO et ANNETTE BECKER, « L’histoire religieuse », in J. HEFFER et F. WEIL (dir.), Chantiers d’histoire américaine, Paris, Belin, 1994, pp. 213-236; voir également FRANÇOIS WEIL, « Migrations, Migrants, Ethnicité », in ID. (dir.), pp. 407-432. L’ouvrage classique sur la religion aux États-Unis est de MARTIN E. MARTY, Pilgrims in their own Land : 500 Years of Religion in America, Boston, Little Brown & Co., 1984.
  • [16]
    « Congress shall make no law respecting an establishment of religion, or prohibiting the free exercise thereof [...] ». Sur les rapports entre l’Église et l’État aux États-Unis, voir, par exemple, STEPHEN BOTEIN, « Religious Dimensions of the Early American State », in R. BEEMAN, S. BOTEIN et E. C. CARTER II (dir.), Beyond Confederation : Origins of the Constitution and American National Identity, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 1987, pp. 315-330; DONALD L. DRAKEMAN, Church-State Constitutional Issues : Making Sense of the Establishment Clause, New York, Greenwood Press, 1991; ARLIN M. ADAMS et CHARLES J. EMMERICH, A Nation Dedicated to Religious Liberty : The Constitutional Heritage of the Religious Clauses, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1990.
  • [17]
    L’« autobiographie » de Monk s’avéra être un faux, mais cette découverte n’empêcha pas sa grande popularité. Voir DENIS LACORNE, La crise de l’identité américaine, du melting-pot au multiculturalisme, Paris, Fayard, 1997, pp. 123-124.
  • [18]
    L’importance absolue ou relative de l’antisémitisme aux États-Unis reste un objet de débat. Voir LEONARD DINNERSTEIN, Uneasy at Home : Anti-Semitism and the American Jewish Experience, New York, Columbia University Press, 1987; FREDERIC COPLEY JAHER, A Scapegoat in the New Wilderness : The Origins and Rise of Anti-Semitism in America, Cambridge, Harvard University Press, 1994.
  • [19]
    JOHN HIGHAM, Strangers in the Land. Patterns of American Nativism, 1860-1925, New York, Atheneum, [1955] 1985. J. Higham analyse en détail les variantes de la xénophobie américaine, allant d’un anti-catholicisme périodique à un rejet sur fond politique (de la radicalisation importée d’ailleurs : la peur des rouges), à une xénophobie plus « ethnique », le tout débouchant sur les lois limitant l’entrée des immigrés dans les années 1920.
  • [20]
    RUBY JO REEVES KENNEDY, « Single or Triple Melting-Pot ? Intermarriage Trends in New Haven, 1870-1940 », American Journal of Sociology, 49,1944, pp. 331-339; ID., « Single or Triple Melting-Pot ? Intermarriage in New Haven, 1870-1950 », American Journal of Sociology, 58,1952, pp. 56-59.
  • [21]
    WILL HERBERG, Protestant, Catholic, Jew : An Essay in American Religious Sociology, Chicago, University of Chicago Press, [1955] 1983 (Protestants, catholiques et israélites : la religion dans la société aux États-Unis, Essai de sociologie religieuse, Paris, Éditions SPES, 1960). La race et le racisme n’entrent pas dans sa classification, mais W. Herberg parle déjà de l’émergence de « ce que nous appelons groupe ethnique ». Ceci proviendrait d’un processus d’américanisation, fruit de l’immigration et de l’expérience sur place (p. 25).
  • [22]
    MILTON GORDON, Assimilation in American Life : The Role of Race, Religion and National Origins, New York, Oxford University Press, 1964.
  • [23]
    ANDREW M. GREELEY, The Denominational Society : A Sociological Approach to Religion in America, Glenview, Scott, Foresman & Co., 1972; ID., Why Can’t They Be Like Us ? America’s White Ethnic Groups, New York, E. P. Dutton & Co., 1971. Voir également DOLORES LIPTAK, Immigrants and their Church, New York, MacMillan, 1989, et THOMAS ARCHDEACON, Becoming American. An Ethnic History, New York, The Free Press, 1983, chap. 8, « The Triple Melting Pot and Beyond ».
  • [24]
    Dans le Social Science Citation Index pour l’année 2000, W. Herberg (1901-1977) est cité treize fois (dont dix pour Protestant, Catholic, Jew), tandis que NATHAN GLAZER (né en 1923) est cité soixante-dix-neuf fois (dont vingt-sept pour le seul Beyond the Melting Pot, ouvrage influent qu’il a écrit avec Daniel Patrick Moynihan, Cambridge, MIT Press, 1963). En France, voir, par exemple, deux actes de colloques édités par JEAN BÉRANGER, tous deux intitulés Le facteur religieux en Amérique du Nord, Talence, MSHA, 1981 et 1983, le premier s’intéressant à l’Apocalypse et le second aux sensibilités canadiennes.
  • [25]
    T. ARCHDEACON, Becoming American..., op. cit. p. 204.
  • [26]
    N. GLAZER et D. P. MOYNIHAN, Beyond the Melting Pot, op. cit.
  • [27]
    Voir, par exemple, GEORGE E. POZZETTA (dir.), The Immigrant Religious Experience, New York, Garland, 1991, ou le numéro spécial du Journal of American Ethnic History, autour d’un article de ELLIOTT R. BARKAN, « Race, Religion and Nationality in American Society : A Model of Ethnicity – From Contact to Assimilation », 14-2,1995, pp. 38-101.
  • [28]
    ROBERT P. SWIERENGA, « Religion and Immigration Patterns : A Comparative Analysis of Dutch Protestants and Catholics, 1835-1880 », Journal of American Ethnic History, 5-2,1986, pp. 23-45, ici p. 23. TIMOTHY L. SMITH, « Religion and Ethnicity in America », American Historical Review, 8,1978, pp. 1155-1185; MARTIN E. MARTY, « Ethnicity : The Skeleton of Religion in America », Church History, 41,1972, pp. 5-21; HARRY S. STOUT, « Ethnicity : The Vital Center of Religion in America », Ethnicity, 2,1975, pp. 202-224.
  • [29]
    ROBERT A. ORSI, Madonna of 115th Street : Faith and Community in Italian Harlem, 1880-1950, New Haven, Yale University Press, 1985; KAREN MC CARTHY BROWN, Mama Lola : A Voodoo Priestess in Brooklyn, Berkeley, University of California Press, 1991.
  • [30]
    Oscar Handlin avait déjà analysé la religion comme un « mode de vie » cherchant à reproduire les habitudes du pays, mais il a décrit la « rigidification » de celle-là comme la conséquence de cette nostalgie. OSCAR HANDLIN, The Uprooted, Boston, Little, Brown and Co., [1951] 1973, pp. 117-143. Voir également WILLIAM I. THOMAS, Old World Traits Transplanted, New York, Harper and Brothers, 1921; RANDALL MILLER et THOMAS D. MARZIK (dir.), Immigrants and Religion in Urban America, Philadelphie, Temple University Press, 1977.
  • [31]
    Cf. M. GORDON, Assimilation in American Life..., op. cit., p. 27.
  • [32]
    ABDELMALEK SAYAD, « Culture dominante, cultures dominées », Projet, 171/172, 1983, p. 40.
  • [33]
    Voir, notamment, RÉMY LEVEAU et GILLES KEPEL (dir.), Les musulmans dans la société française, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1988.
  • [34]
    YVON GASTAUT, L’immigration et l’opinion en France sous la Ve République, Paris, Le Seuil, 2000, surtout les chapitres suivants : « Le spectre de l’islam » et « La laïcité en question, l’affaire du foulard (depuis 1989) ».
  • [35]
    Cf. PIERRE BOURDIEU et ABDELMALEK SAYAD, « Stratégie et rituel dans le mariage kabyle », in J. PERISTIANY (dir.), Mediterranean Family Structures, Cambridge, Cambridge University Press, 1976.
  • [36]
    SADDEK RABAH, L’Islam dans le discours médiatique, Beyrouth, Les Éditions Al-Bou-raq, 1998; JOCELYNE CESARI, Ê tre musulman en France, Associations, militants et mosquées, Paris, Karthala, 1994, p. 11.
  • [37]
    Un des premiers colloques est celui organisé par le CERI les 29-30 janvier 1987 : « Les musulmans dans la société française », qui a donné lieu à la publication de R. LEVEAU et G. KEPEL, Les musulmans..., op. cit. Voir également FRANÇOISE GASPARD et FARHAD KHOSROKHAVAR, Le foulard et la République, Paris, La Découverte, 1995; GILLES KEPEL, Les banlieues de l’islam : naissance d’une religion en France, Paris, Le Seuil, 1987; BRUNO ÉTIENNE, La France et l’islam, Paris, Hachette, 1988; ID. (dir.), L’Islam en France, op. cit.; DOMINIQUE SCHNAPPER, La France de l’intégration, Paris, Gallimard, 1991, p. 114 sqq.
  • [38]
    L’actualité a fait irruption une fois cet article achevé. Suite aux événements du 11 septembre 2001, il est difficile de prévoir la place que tiendra l’islam dans l’historiographie américaine future. À l’heure actuelle, elle est plutôt réduite dans le champ des études sur l’immigration. Quant à l’« opinion publique », il semblerait que, pour l’instant, l’amalgame s’ethnicise, mêlant musulmans, Arabes-américains, voire Indiens (du sous-continent asiatique) dans une non-différenciation basée sur l’ignorance plutôt que la science.
  • [39]
    Voir, par exemple, GABRIEL LE BRAS, « Sociologie des religions : tendances actuelles de la recherche et bibliographie », Sociologie contemporaine, 5-1,1956, où neuf entrées sur huit cent quatre-vingt-onze sont consacrées à « Ethnies et nationalités » (et dix sur « Religion et questions raciales »). Pour un survol du champ aux États-Unis, voir JON BUTLER, qui plaide pour l’importation d’une méthodologie « à la française » afin de renouveler le domaine surinvesti des études sur les puritains : « The Future of American Religious History : Prospectus, Agenda, Transatlantic Problématique », William and Mary Quarterly, 42-2,1985, pp. 167-183.
  • [40]
    GEORGES MAUCO, Les étrangers en France, Paris, Armand Colin, 1932, pp. 533-536; ALAIN GIRARD et JEAN STOETZEL, Français et immigrés, Paris, INED, « Travaux et Docu-ments-19/20 », 1953-1954. Le sous-titre de l’ouvrage de G. Mauco est certes « Leur rôle dans l’activité économique ». Son livre, le plus complet sur la question avant l’historiographie récente, a été longtemps cité comme la « bible » en la matière, avant les critiques qui ont dévoilé des relents antisémites chez l’auteur (voir ÉLISABETH RUDINESCO, « Georges Mauco (1899-1988) : un psychanalyste au service de Vichy. De l’antisémitisme à la psycho-pédagogie », L’Infini, 51,1995, pp. 69-84).
  • [41]
    Cf. KEVIN J. CHRISTIANO, Religious Diversity and Social Change : American Cities, 1890-1906, Cambridge, Cambridge University Press, 1987, chap. 2 sur cette catégorie dans les recensements américains.
  • [42]
    JACQUES SUTTER, La vie religieuse des français à travers les sondages d’opinion (1944-1976), Paris, Éditions du CNRS, 1984. Plus récemment, MICHÈLE TRIBALAT et alii ont contourné l’interdiction – avec l’agrément du CNIL – en demandant aux individus s’ils avaient une pratique religieuse ou des interdits alimentaires (De l’immigration à l’assimilation, et Faire France : une grande enquête sur les immigrés et leurs enfants, Paris, La Découverte, 1995).
  • [43]
    SERGE BONNET, Sociologie politique et religieuse de la Lorraine, Paris, Armand Colin, 1972; ID., L’homme du fer, Nancy, Centre lorrain d’études sociologiques, 1976-1984, 4 vols.
  • [44]
    A. GIRARD et J. STOETZEL, Français et immigrés, op. cit.; GÉRARD NOIRIEL, Longwy, Immigrés et prolétaires, 1880-1980, Paris, PUF, 1984; JANINE PONTY, Polonais méconnus. Histoire des travailleurs immigrés en France dans l’entre-deux-guerres, Paris, Publications de la Sorbonne, 1988, pp. 147-153 et 279-280; RALPH SCHOR, L’opinion française et les étrangers, 1919-1939, Paris, Publications de la Sorbonne, 1985, pp. 327-346 et 525-526. Pour une mise au point récente, voir RALPH SCHOR, « Religion et intégration des étrangers en France dans l’entre-deux-guerres », in L. GERVEREAU, P. MILZA et É. TÉMIME (dir.), Toute la France : Histoire de l’immigration en France aux XXe siècle, Paris, Somogy/ BDIC, 1998, pp. 248-255.
  • [45]
    BENJAMIN STORA, Ils venaient d’Algérie. L’immigration algérienne en France, 1912-1992, Paris, Fayard, 1992, pp. 70-73; NANCY L. GREEN, Les travailleurs immigrés juifs à la Belle Époque, Paris, Fayard, 1985, pp. 111-120. RIVA KASTORYANO parle plutôt de la vie familiale et des coutumes dans Ê tre Turc en France, Paris, L’Harmattan, 1986. Voir également Les Algériens en France – étude démographique et sociale, Paris, PUF / INED, « Travaux et Documents-24 », 1955; Les immigrés du Maghreb : études sur l’adaptation en milieu urbain, Paris, PUF / INED, « Travaux et Documents-79 », 1977; et, plus récemment, MARIE-CLAUDE BLANC-CHALÉARD, Les Italiens dans l’Est parisien. Une histoire d’intégration (1880-1960), Rome, École française de Rome, 2000; ÉMILE TÉMIME, France, terre d’immigration, Paris, Gallimard-Découvertes, 1999.
  • [46]
    DANIÈLE HERVIEU-LÉGER, La religion pour mémoire, Paris, Le Cerf, 1993.
  • [47]
    R. SCHOR, L’opinion française..., op. cit., p. 335. Voir le journal édité par Chaptal à partir de 1926 : L’étranger catholique en France, qui publiait des articles allant de « Comment un curé français, par ses propres moyens, peut arriver à “paroissialiser” les étrangers établis sur son territoire » aux informations concernant la presse catholique en langue étrangère (polonais, italien, russe, etc.).
  • [48]
    Par exemple, J. PONTY, Polonais méconnus..., op. cit., p. 148. Pour un exemple d’un conflit concernant la première communion des enfants polonais, voir S. BONNET, L’homme du fer, op. cit., pp. 263-265. Voir également la revue Le rayonnement culturel polonais, 1,1990, et 2,1990.
  • [49]
    JOSÉ CUBERO, Nationalistes et étrangers : le massacre d’Aigues-Mortes, Paris, Imago, 1996. Voir également, PIERRE MILZA, Voyages en Italie, Paris, Plon, 1993, chap. 4, « Du rejet à la transparence »; GIANFAUSTO ROSOLI, « La problematica religiosa degli italiani in Francia », in L’immigration italienne en France dans les années 1920, Paris, Éditions du CEDEI, 1988, pp. 311-327; CAROLINE WIEGANDT-SAKOUN, « Les missions catholiques italiennes dans l’entre-deux-guerres : l’exemple français », in P. MILZA (dir.), Les Italiens en France de 1914 à 1940, Rome, École française de Rome, 1986, pp. 471-480; JEAN - LUC POUTHIER, « Émigrés catholiques et antifascisme, Luigi Sturzo et l’Internationale blanche », in ID., pp. 481-497; et LUIGI TARAVELLA, « La pratique religieuse comme facteur d’intégration », in A. BECHELLONI, M. DREYFUS et P. MILZA, L’intégration italienne en France, Bruxelles, Éditions Complexe, 1995, pp. 71-83.
  • [50]
    Pour un exemple similaire entre Juifs immigrés et français, voir N. L. GREEN, Les travailleurs immigrés juifs..., op. cit., pp. 111-120.
  • [51]
    Sur l’écart significatif, voir C. LÉVI-STRAUSS, Anthropologie structurale, op. cit., pp. 312-313; cf. PIERRE BOUVIER, « Différences et analogies », in P. BOUVIER et O. KOURCHID (dir.), France-USA : les crises du travail et de la production, Paris, Méridiens Klincksieck, 1988, pp. 11-17.
  • [52]
    Elle exclut de fait les immigrés espagnols et portugais.
  • [53]
    MARCEL DETIENNE, Comparer l’incomparable, op. cit.

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