Notes
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[1]
Je remercie mes collègues Pierre Baumann, Claire Kaiser, Pierre-Yves Modicom, Nicolas Patin, Nicole Pelletier et Judith Syga-Dubois pour les échanges fructueux que nous avons eus et qui m’ont permis d’approfondir ma connaissance et ma réflexion sur les Stolpersteine.
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[2]
Voir le site consacré au mémorial, et notamment la page « Chronik » où l’on a accès à l’agenda des poses. (http://www.stolpersteine.eu/chronik/) On peut aussi suivre l’équipe sur Facebook : Stolpersteine. @STOLPERSTEINEvonGunterDemnig.
-
[3]
Voir la conférence donnée à Bordeaux le 7 avril par G. Demnig dans ce dossier. Voir aussi « Von Stolperstein zu Stolperstein », un film de Christopher Roos et Timo Leich, mis en ligne en janvier 2015. (URL : https://www.youtube.com/watch?v=xBpOQq6V8WI&list=PLxt_Og7CuhTYAPvq2aYLgvHPvZojaJh45&index=17, consulté le 30 mai 2018).
-
[4]
Informations communiquées par Anna Thomas le 20 juin 2018. Par comparaison, Anna Warda, une autre collaboratrice, estimait le nombre de pavés à plus de 60 000 en mars 2017 (pour 21 pays) et G. Demnig à environ 61 000 en avril 2017. Cf. Anne Warda, « Ein Kunstdenkmal wirft Fragen auf. Die “Stolpersteine” zwischen Anerkennung und Kritik », in : Zeitgeschichte-online, März 2017, (URL : https://zeitgeschichte-online.de/geschichtskultur/ein-kunstdenkmal-wirft-fragen-auf , consulté le 30 mai 2018). Cf. Conférence de G. Demnig dans ce dossier.
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[5]
Information Facebook Stolpersteine, post du 5 juin 2018, consulté le 13 juin 2018.
-
[6]
Cf. Claire Kaiser, « Les premiers Stolpersteine en France : état des lieux d’une difficile implantation », dans ce même dossier.
-
[7]
Cf. la conférence de G. Demnig dans ce dossier. Le dixième pavé a été posé en Pologne le 10 décembre 2017. Voir page Facebook du projet, post du 10/12/2017.
-
[8]
On pense ici aux travaux d’Aleida Assmann, Helmut König, Peter Reichel, Henry Rousso ou Norbert Frei. Ce passage sur les débats mémoriels des années 1990 s’appuie sur des recherches déjà publiées dans l’article suivant : H. Camarade, « L’usure de la mémoire. L’empreinte du temps qui passe sur les mémoriaux de la Seconde Guerre mondiale », in : Pierre Baumann, Amélie de Beaufort (éd.), L’Usure, excès d’usages et bénéfices de l’art, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2016, p. 112-125.
-
[9]
Henry Rousso, « Les dilemmes d’une mémoire européenne », in : C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia (dir.), Historicités, Paris, La Découverte, 2009, p. 209.
-
[10]
H. Camarade, « La mémoire du national-socialisme en République fédérale d’Allemagne : essai de périodisation », in : H. Camarade, E. Guilhamon, C. Kaiser (dir.), Le national-socialisme dans le cinéma allemand contemporain, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 11-29 ; H. Camarade, « Le passé national-socialiste dans la société ouest-allemande entre 1958 et 1968 : paramètres d’un changement de paradigme mémoriel », in : Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 110, avril-juin 2011, p. 83-95.
-
[11]
Cf. Sarah Gensburger, Marie-Claire Lavabre, « Entre “devoir de mémoire” et “abus de mémoire” : la sociologie de la mémoire comme tierce position », in : Bertrand Müller (dir.), L’Histoire entre mémoire et épistémologie. Autour de Paul Ricœur, Lausanne, Payot, 2004, p. 76-95. Voir aussi : Sébastien Ledoux, Le Devoir de mémoire. Une formule et son histoire, Paris, CNRS éditions, 2016.
-
[12]
Paul Ricœur, Histoire, mémoire, oubli, Paris, Le Seuil, 2000, p. 110 ; François Bédarida, « Mémoire et conscience historique dans la France contemporaine », in : Histoire et mémoire, dossier du CRDP de Grenoble, 1998.
-
[13]
Tzvetan Todorov, Les abus de la mémoire, Paris, Arléas, 1998.
-
[14]
Régine Robin, La mémoire saturée, Paris, Stock, 2003.
-
[15]
Theodor W. Adorno, « Was bedeutet : Aufarbeitung der Vergangenheit ? » (1959), in : T. W. Adorno, Eingriffe. Neun kritische Modelle, Frankfurt/Main, Surhkamp, 1963, p. 126.
-
[16]
Le terme est popularisé par : Margarete und Alexander Mitscherlich, Die Unfähigkeit zu trauern. Grundlagen kollektiven Verhaltens, München, Piper, 1967.
-
[17]
Martin Walser, Friedenspreis des Deutschen Buchhandels 1998. Erfahrungen beim Verfassen einer Sonntagsrede, Frankfurt/Main, Surhkamp, 1998.
-
[18]
Hans Hesse, Stolpersteine. Idee. Künstler. Geschichte.Wirkung, Essen, Klartext, 2017, p. 511.
-
[19]
C’est la ville de Cologne qui est au centre des premiers projets de l’artiste car il réside près de cette ville.
-
[20]
Cf. la conférence de l’artiste dans ce dossier.
-
[21]
On rencontre une démarche analogue chez la réalisatrice Ruth Zylberman : dans son film documentaire Les enfants du 209 rue Saint-Maur (France, 2017, 103 min, Zadig Productions), elle prend comme point de départ un immeuble parisien et retrace l’histoire des familles disparues qui l’ont habité.
-
[22]
G. Demnig, « Projekt Stolperstein », in : Gabriele Lindinger, Karlheinz Schmid (éd.), Grössenwahn – Kunstprojekte für Europa, Regensburg, 1993, p. 61, cité in : H. Hesse, op. cit., p. 108.
-
[23]
On peut cependant signaler que dans les toutes premières versions du projet, il n’était pas encore question de la mention « Hier wohnte… ».
-
[24]
On peut voir différentes photos de ce projet dans l’ouvrage suivant, la plupart issues des archives de G. Demnig : H. Hesse, op. cit., p. 89-104.
-
[25]
Cf. la conférence de l’artiste dans ce dossier.
-
[26]
Il n’est pas impossible qu’il ait aussi pensé aux 2 146 pavés sur lesquels l’artiste Jochen Gerz et ses étudiants ont, clandestinement au début, gravé les noms des cimetières juifs allemands avant de les replacer, invisibles, face gravée vers le sol, d’où le nom de « monument invisible », dans la ville de Sarrebruck. (Cf. Barbara von Jhering, « Duell mit der Verdrängung. Warum der Künstler seine Werke unsichtbar macht », in : Die Zeit, 7.2.1992 Nr. 07.) Cette entreprise a été menée à la même époque, entre 1990 et 1993, mais G. Demnig n’y fait, à ma connaissance, pas allusion.
-
[27]
Cf. Nicolas Patin, « Le Reichstag emballé par Christo et Jeanne-Claude », in : Parlement[s]. Revue d’histoire politique, 2014/1, n° 21, p. 127-130.
-
[28]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 106.
- [29]
-
[30]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 213.
-
[31]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 118-119.
-
[32]
Cf. le témoignage de G. Demnig dans ce dossier.
-
[33]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 174-175.
-
[34]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 200.
-
[35]
On peut consulter une liste non exhaustive chez H. Hesse, op. cit., p. 216-218.
-
[36]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 301.
-
[37]
Cette liste croise les informations avancées par H. Hesse et d’autres trouvées sur le site de la Fondation G. Demnig. Cf. H. Hesse, op. cit., p. 223-233.
-
[38]
C’est une allusion aux propos d’un élève que G. Demnig aime citer : « (…) c’est avec nos têtes et nos cœurs que nous butons sur les pavés ». Cf. la conférence de l’artiste dans ce dossier.
-
[39]
Jakob Wetzel, « Gedenken, das entzweit », in : Süddeutsche Zeitung, 13.10.2014. http://www.sueddeutsche.de/muenchen/debatte-um-stolpersteine-gedenken-das-entzweit-1.2170096 (dernière consultation 20 juin 2014).
-
[40]
H. Hesse, op. cit., p. 330.
-
[41]
Cf. Claudia Keller, « Stolperstein-Verbot spaltet München », in : Der Tagesspiegel, 28.10.2014. https://www.tagesspiegel.de/themen/reportage/gedenken-an-die-shoah-stolperstein-verbot-spaltet-muenchen/10897112.html (dernière consultation 20 juin 2018).
-
[42]
Propos de G. Demnig, dans : Stolperstein (DVD, Ein Film von Dörte Franke, 2007, 73 min.).
-
[43]
Voir le post en date du 14 octobre 2017 sur la page facebook. https://www.facebook.com/STOLPERSTEINEvonGunterDemnig/posts/10155710630924763.
-
[44]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 330-334.
-
[45]
Voir la conférence de l’artiste dans ce dossier.
-
[46]
Cf. Beatrice Ossberger, « Streit über Stolpersteine in Augsburg spitzt sich zu », in : Die Welt, 27.04.2017. Cf. https://www.welt.de/regionales/bayern/article164065675/Streit-ueber-Stolpersteine-in-Augsburg-spitzt-sich-zu.html (dernière consultation 30 juin 2018).
-
[47]
Cf. Anna Warda, op. cit.
-
[48]
Cf. Christian Rost, « Stolpersteine sind keine Grabsteine », in : Süddeutsche Zeitung, 19.10.2017. http://www.sueddeutsche.de/bayern/augsburg-die-stolpersteine-sind-keine-grabsteine-1.3713554 (dernière consultation 20 juin 2018).
-
[49]
Hermann Harder explique dans son article que la commission de la ville de Berlin a refusé en 2004 que l’on pose des pavés pour deux membres de la famille Greve au motif qu’ils avaient survécu à la déportation. Cette restriction est levée à Berlin depuis 2010. Cf. H. Harder, « Walter Greve, Kaiserdamm 10, Berlin Charlottenburg, 11 mai 1939 » dans le présent dossier.
-
[50]
Cf. Journal télévisé du WDR (Westdeutscher Rundfunk), 26 juin 2018, Informations locales de Düsseldorf. Cf. https://www1.wdr.de/mediathek/video/sendungen/lokalzeit-duesseldorf/video-lokalzeit-aus-duesseldorf-1744.html.
-
[51]
Cf. Thomas Borgmann, « Stolpersteine dürfen bleiben », in : Stuttgarter Zeitung, 18.03.2011, cité in : Warda, op. cit. (dernière consultation 29 juin 2018).
-
[52]
Anna Warda, op. cit.
-
[53]
Cf. Till Eckert, « Stolpersteine werde immer wieder ausgerissen. Das zeigt, wie wichtig sie sind. Ein Kommentar », in : ze.tt, 08.11.2017. Cf. http://ze.tt/stolpersteine-werden-immer-wieder-herausgerissen-das-zeigt-wie-wichtig-sie-sind/. Cf. aussi : Maritta Adam-Tkalec, « Schändung von Stolpersteinen. Die Täter verfolgten einem perfiden Plan », in : Berliner Kurier, 10.11.2017. Cf. https://www.berliner-kurier.de/berlin/kiez---stadt/schaendung-von-stolpersteinen-die-taeter-folgen-einem-perfiden-plan-28819426 (dernières consultations 30 juin 2018).
-
[54]
Cf. Judith Langowski, « Wir verlegen jeden Einzelnen neu », in : Der Tagesspiegel, 04.12.2017. Cf. https://www.tagesspiegel.de/berlin/berlin-neukoelln-wir-verlegen-jeden-einzelnen-neu/20664836.html (dernière consultation 30 juin 2018).
-
[55]
Aleida Assmann, Das neue Unbehagen an der Erinnerungskultur. Eine Intervention, Munich, Beck, 2013, p. 66.
-
[56]
Il s’agit des propos d’André Schmitz, chef de la chancellerie du Sénat de Berlin, rapportés dans : Malte Conradi, « Steine in den Weg gelegt » ; in : Berliner Zeitung, 15/16.10.2005, cité par H. Hesse, op. cit., p. 252.
-
[57]
James E. Young, « The Counter-Monument : Memory against Itself in Germany Today », in : Critical Inquiry, 18 (2), p. 276-296.
-
[58]
Stefanie Endlich, « Ein “dezentrales Monument” ? Anmerkungen zu einem ungewöhnlichen Denkmalskonzept », in : Neue Gesellschaft für Bildende Kunst e. V. (éd.), Stolpersteine, Berlin, 2002, p. 29-36 ; Harjes, Kirsten, « Stumbling Stones. Holocaust Memorials, National Identity, and Democratic Inclusion in Berlin », in : German Politics & Society, 2005, Vol. 23 Issue 1, p. 138-151.
-
[59]
H. Hesse, op. cit., p. 257.
-
[60]
Voir l’article de Hermann Harder sur Berlin dans ce dossier. Voir aussi : www.stolpersteine-berlin.de.
-
[61]
Dans l’article « Stolpersteine à Bordeaux et Bègles. Retour sur un projet mémoriel, historique et artistique de Gunter Demnig », notre équipe fait le compte rendu de ce travail en amont de la pose.
-
[62]
Stolperstein (Film documentaire de Dörte Franke, Allemagne, 2007, 73 min.).
-
[63]
Par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=cQy1C8oaKEc (vidéo postée le 17 juillet 2017, dernière consultation : 25 juin 2018).
-
[64]
Voir la dernière partie intitulée « Accompagner une “sculpture sociale” avec une micro édition » dans l’article « Stolpersteine à Bordeaux et Bègles. Retour sur un projet mémoriel, historique et artistique de Gunter Demnig » coécrit par P. Baumann, H. Camarade, C. Kaiser et N. Patin dans ce dossier.
-
[65]
Cf. Volker Harlan, Rainer Rappmann, Peter Schata, Soziale Plastik – Materialien zu Joseph Beuys, Achberger Verlagsanstalt, 1976.
-
[66]
Cf. « Stolpersteine à Bordeaux et Bègles. Retour sur un projet mémoriel, historique et artistique de Gunter Demnig », op. cit.
-
[67]
Propos tenus lors de la conférence le 6 avril 2017 à l’Institut-Goethe de Bordeaux, retranscrite dans le présent dossier.
-
[68]
Voir le site du projet et la bibliographie. http://www.stolpersteine-hamburg.de/?MAIN_ID=25 (dernière consultation 25 juin 2018).
-
[69]
Voir le site : http://stolpersteine-guide.de/# (dernière consultation 25 juin 2018).
-
[70]
Cf. Hans Hesse, op. cit., p. 363-370.
-
[71]
H. Hesse, op. cit., p. 254-255.
-
[72]
On pense ici aux pavés dont la pose à venir à Fontenay-sous-Bois a été récemment annoncée dans la presse française, sans que l’artiste ne soit au courant. Cf. l’article de Claire Kaiser dans ce dossier. Cf. « Fontenay : sur les pavés, la mémoire des déportés », in : Le Parisien, 23 avril 2018. http://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/fontenay-sur-les-paves-la-memoire-des-deportes-23-04-2018-7680048.php#xtor=AD-1481423551 (dernière consultation 22 juin 2018).
-
[73]
« Satirische Stolpersteine vor der AfD-Zentrale. Anna Warda im Gespräch mit Stephan Karkowsky », in : Deutschlandfunk, émission du 7 décembre 2017. Cf. http://www.deutschlandfunkkultur.de/satirische-stolpersteine-vor-der-afd-zentrale-stiftung-wir.2156.de.html?dram%3Aarticle_id=402566 (dernière consultation : 22 juin 2018).
-
[74]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 233-234.
-
[75]
Voir le site du mémorial (http://www.londres38.cl/1937/w3-propertyvalue-35252.html-) et le descriptif du projet : http://www.londres38.cl/1937/articles-93493_recurso_1.pdf (dernière consultation 25 juin 2018).
-
[76]
L’un des témoignages les plus connus est le suivant : Margarete Buber-Neumannn, Als Gefangene bei Stalin und Hitler. Eine Welt im Dunkel (1949), Munich, Ullstein, 2002.
-
[77]
« Auf meinem Weg zurück sah ich endlich meine ersten Stolpersteine, jene Steine, die ich in Salzburg so inbrünstig gesucht hatte. Ich bemerkte sie zufällig, eingelassen vor einem eleganten Wohnhaus, (…). So, von oben gesehen, erschienen sie so unschuldig, ein Teil des touristischen Dekors. Wie gruselig war es doch, zu denken, wie die Leute tagtäglich nonchalant über diese Steine hinweggingen. Noch gespenstischer war es, an die Menschen zu denken, die nun ihre Leben in den Wohnungen führten, die einst systematisch für die “wahren” Deutschen geräumt worden waren. », in : Deborah Feldman, Überbitten. Roman, traduit de l’anglais avec Christian Ruzicska, Zurich, Secession, 2017. Cet ouvrage n’a pas été publié en anglais, l’autrice a écrit une première version du manuscrit en anglais qu’elle a ensuite réécrit en allemand avec l’aide d’un traducteur.
-
[78]
Tom Schulz, Die Verlegung der Stolpersteine, Hanser Verlag, 2017.
-
[79]
Rudi Raab, Julie Freestone, Stumbling Stone, 2015 (Der Stolperstein, traduit de l’anglais par R. Raab, Alvarado Press, 2017).
-
[80]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 374-378.
-
[81]
Il s’agit de Das Wortauskunftsystem zur deutschen Sprache in Geschichte und Gegenwart (« Système d’information lexicale sur la langue allemande dans l’histoire et le présent »), cf. https://www.dwds.de/wb/Stolperstein#wb-1 (consulté le 30 juin 2018).
1Le mémorial décentralisé conçu par Gunter Demnig dans les années 1990, visant à sceller des pavés à la mémoire des victimes du national-socialisme devant l’un de leurs derniers domiciles, rencontre un tel succès qu’il est impossible de connaître le nombre exact de pavés posés car celui-ci est en constante augmentation [1]. En suivant G. Demnig et son équipe sur les réseaux sociaux, on a d’ailleurs l’impression qu’il en pose presque quotidiennement [2]. Lui même expliquait en 2017 qu’il y consacre environ 270 jours par an [3]. Pour avoir un repère, même éphémère, on peut citer le chiffre de plus de 69 000 pavés posés jusqu’en juin 2018 dans 23 pays différents, chiffres avancés par l’une de ses collaboratrices, Anne Thomas [4]. Le nombre de pays concernés croît lui aussi en permanence ; les premiers pavés posés en Finlande l’ont été le 2 juin 2018 à Helsinki [5]. Le projet a donc considérablement évolué depuis ce que l’artiste considère être la première pose dans le quartier de Kreuzberg à Berlin en mai 1996. Même si ces pavés rencontrent encore des réticences parfois très tenaces, comme dans la ville de Munich où ils sont toujours interdits, ou s’ils restent relativement méconnus dans certains pays, par exemple en France [6] ou en Pologne [7], ils sont désormais ancrés dans le paysage mémoriel européen. Comment expliquer un tel engouement international pour ces petits pavés de laiton discrètement disséminés sur les trottoirs de nos villes ? J’étudierai ici l’hypothèse selon laquelle ce mémorial atypique offre une forme de commémoration qui répond à un usage de la mémoire adapté au monde contemporain.
2À l’époque où Gunter Demnig conçoit et développe son projet, l’Europe occidentale se trouve en effet confrontée à une forme d’essoufflement dans les pratiques mémorielles, notamment dans la pratique commémorative devenue de plus en plus ritualisée et désincarnée. Or les Stolpersteine – ces « pavés d’achoppement », également appelés « pavés de mémoire » – viennent proposer une forme nouvelle de commémoration, à la fois plus individualisée et, pour ainsi dire, participative car elle se prête à de nombreuses formes d’appropriation. Afin d’analyser les spécificités du mémorial de Gunter Demnig et d’en comprendre le succès international, nous retracerons ici la genèse, les évolutions mais aussi les obstacles rencontrés par son projet en le replaçant dans le paysage mémoriel ouest-européen depuis les années 1990 ; nous reviendrons ensuite sur la dimension sociale et participative de son mémorial qui en fait une œuvre en mouvement impliquant, à chaque victime honorée, plusieurs personnes vivantes dans le processus mémoriel.
1. Les Stolpersteine à l’ère de l’essoufflement de la commémoration
3Les historiens travaillant sur les phénomènes mémoriels ont identifié un régime d’historicité propre à la mémoire de la Seconde Guerre mondiale qui serait commun aux pays d’Europe occidentale [8]. Ils considèrent en général que celui-ci est composé de trois phases : la première, assez courte, qui correspond à l’immédiat après-guerre, se caractérise par un tiraillement entre la volonté de tourner la page et celle de rendre hommage aux victimes et de punir les coupables. La deuxième, plus longue, s’étend des années 1950 jusqu’aux années 1960 et correspond à la phase de reconstruction politique, matérielle et morale ; elle est marquée par une forme d’amnésie. La troisième, qui commence dans les années 1970, est à l’inverse une période d’anamnèse lors de laquelle les sociétés s’intéressent vivement au passé récent, le commémorent et s’interrogent sur la culpabilité et la collaboration [9]. Cette troisième phase correspond en outre à un autre paradigme mémoriel, celui de la mémoire de la Shoah qui vient se substituer, en France, à celui de la mémoire des résistants, dominant dans l’après-guerre et, en Allemagne, à celui de la mémoire auto-victimaire des Allemands qui se percevaient, dans les années 1950, comme les premières victimes du national-socialisme [10].
4Or deux débats voient le jour dans les années 1990 qui se développent en réaction à la fois à cette anamnèse et au paradigme de la mémoire de la Shoah. En France, le débat se cristallise autour de la notion de « devoir de mémoire », cette injonction à entretenir collectivement la mémoire des crimes et des victimes [11]. Nombre d’historiens et de philosophes mettent en garde contre les méfaits de ce qui semble être devenu, pour Paul Ricœur, une « ère des commémorations » qui confine, selon François Bédarida, à un « culte de la mémoire [12] ». Ceux-ci expliquent que l’injonction moralisante à se souvenir peut paradoxalement produire des formes d’oubli dans la mesure où les commémorations excessives permettent d’éluder la complexité des questions, voire d’oblitérer complètement le travail des historiens. Ce que Tzvetan Todorov nomme un « abus de mémoire [13] » pourrait ainsi produire un affaiblissement de la connaissance historique. À ces mésusages, s’ajouterait un trop-plein de mémoire qui, à son tour, produirait l’inverse de l’effet recherché. On aurait atteint, selon l’expression de Régine Robin, une « saturation de la mémoire [14] » en raison d’une « surexposition » du passé ou de certaines périodes historiques. C’est dans ce contexte qu’émerge d’ailleurs la question de la « concurrence des mémoires » ; des voix se font entendre en France, critiquant une attention trop grande portée à la Shoah au détriment, par exemple, des mémoires de l’esclavage ou de la colonisation.
5C’est sur la question d’une surexposition de la Shoah que le débat se cristallise en Allemagne. On ne parle pas en allemand de « devoir de mémoire », plutôt de « travail critique sur le passé » (Aufarbeitung der Vergangenheit) [15], terme proche du « travail de mémoire ». Mais la langue allemande possède elle aussi un concept moralisant, celui du « dépassement du passé » (Vergangenheitsbewältigung) [16], entendu comme processus critique continu qui ne peut pas, et n’entend pas, arriver à terme. Cette injonction morale à se confronter sans cesse au passé est depuis des décennies l’objet d’attaques formulées par des représentants de la droite nationale et de l’extrême droite, qui entendent « tirer un trait sur le passé », selon l’expression consacrée.
6Ces attaques étaient restées marginales jusqu’en 1998, date à laquelle l’écrivain Martin Walser prononce un discours qui fait polémique et installe le débat dans l’espace public. Walser y dénonce une « instrumentalisation [17] » d’Auschwitz ainsi qu’une commémoration « routinière », devenue vide de sens. Il confesse par exemple qu’il a désormais l’habitude de détourner les yeux lorsque des images du génocide lui sont imposées dans les médias ; et il s’interroge sur la valeur d’une parole commémorative qui ne serait prononcée que du bout des lèvres, de façon ritualisée et non intériorisée. Walser explique que ses yeux sont finalement « usés » par les images trop regardées de l’Holocauste, que la parole expiatoire, martelant l’existence d’une culpabilité allemande de façon mécanique et routinière, n’aurait plus de prise sur lui ; elle serait, elle aussi, éculée. L’écrivain constate ainsi l’érosion de ses sens et dénonce, à son tour, les usages abusifs ou ritualisés du souvenir collectif. Il fut à l’époque accusé de faire le jeu de l’extrême droite, mais certains lui ont reconnu le mérite de dire tout haut ce que de plus en plus d’Allemands pensaient tout bas, cinquante ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale.
7C’est dans ce contexte, mais sans y faire sciemment allusion, que Gunter Demnig conçoit et développe son projet. Il est assez difficile d’en retracer la genèse avec exactitude, sans doute parce que tout s’est mis en place par étapes et que la forme actuelle du projet n’a jamais été planifiée en tant que telle ; ce sont les ajustements apportés par l’artiste, puis les appropriations dont l’idée initiale a fait l’objet, ici aussi par strates successives, qui l’ont transformée ou prolongée et lui donne sa forme actuelle. Grâce à différents témoignages livrés par l’artiste et aux recherches de l’historien Hans Hesse [18], on peut cependant reconstituer comment les grandes lignes du projet se sont mises en place.
2. Conception et enjeux mémoriels du projet de Gunter Demnig
8C’est dans le cadre d’une action à la mémoire des Roms, menée à Cologne en 1990, que Gunter Demnig décide d’honorer les victimes là où elles ont vécu, et non là où elles ont été assassinées [19]. Le projet Ein Strich durchs Vergessen (« Un trait au milieu de l’oubli ») l’amène en effet à tracer à la peinture blanche, grâce à une petite machine de sa confection, l’inscription « Mai 1940 : 1 000 Roms et Sinti » sur une vingtaine de kilomètres au cœur de la ville de Cologne, en suivant le chemin qui conduit de l’ancien lieu de vie des Roms à la gare de Deutz d’où ils furent déportés [20]. À cette occasion, il rencontre une habitante de la ville qui lui affirme avec beaucoup d’assurance qu’il n’y a jamais eu de Roms à Cologne. G. Demnig raconte que c’est à ce moment-là qu’il comprend qu’il faut en quelque sorte réintégrer les communautés disparues dans l’espace urbain européen pour entretenir leur souvenir, parfois à l’insu des habitants [21]. Il s’agit notamment de rappeler aux riverains – ou de leur apprendre – qui ont été leurs voisins ou qui a habité avant eux dans leur demeure ; et d’agir ainsi contre l’oubli ou le déni. Dans la première version de son projet en 1993, l’artiste écrivait d’ailleurs : « Vor der eigenen Haustür wird die Verdrängung schwieriger [22] » (« Le déni est plus difficile quand le souvenir se trouve devant votre porte »). Il envisage ainsi de créer un mémorial de proximité, intégré au paysage urbain et à la vie quotidienne de tout un chacun. Peut-être y a-t-il aussi chez lui la volonté de signaler que des biens immobiliers ont été spoliés aux familles juives, ou du moins d’en garder la trace.
9Le choix de commémorer les victimes sur leur lieu de vie permet en outre de respecter leur dignité en ne les cantonnant pas à un statut de victime ; on rencontre un souci analogue chez les concepteurs d’expositions travaillant sur les persécutions nazies qui, de nos jours, cherchent plutôt à présenter des photographies des victimes dans leur vie civile, et non les clichés pris par les organes de répression sur lesquels les personnes apparaissent humiliées, apeurées, vêtues d’un uniforme ou dégradées au rang de numéro.
10En posant des pavés commençant immanquablement par la mention Hier wohnte… (« Ici habitait… »), un verbe qui désigne un processus et implique l’idée d’une durée intrinsèque, Demnig déjoue du reste l’horizon d’attente lié à l’action de commémorer. En général, on commémore plutôt un événement précis ou l’aboutissement d’un processus : « Ici sont enterrés… », « Ici ont été fusillés… ». En signalant, pour ainsi dire, un non-événement, Demnig ramène les disparus dans la communauté des vivants, celle de la vie quotidienne et de sa banalité. Ce sont ensuite les informations retraçant succinctement le parcours des persécutions qui créent le hiatus avec l’évocation de la vie civile : « Hier wohnte Rita Laufer, Jg. 1929, deportiert 1943, Auschwitz, ermordet » (« Ici habitait Rita Laufer, née 1929, déportée 1943, Auschwitz, assassinée »). C’est ainsi le souvenir d’une vie intégrée à la cité et brusquement arrachée à son quotidien que l’on commémore [23].
Pavé pour Rita Laufer, Neue Schönhauser Strasse 10, Berlin-Mitte, août 2014
Pavé pour Rita Laufer, Neue Schönhauser Strasse 10, Berlin-Mitte, août 2014
12À Cologne, l’inscription à la peinture à la mémoire des Roms s’étant effacée, la ville accepte que G. Demnig la remplace par plusieurs plaques scellées au sol à différents endroits de la ville, ce qu’il fait en juin 1993 ; déjà des plaques scellées, déjà l’ancrage dans le sol urbain [24]. C’est à peu près à la même période, en discutant avec le rabbin de Cologne qui lui explique que selon le Talmud, une personne disparaît vraiment quand son nom est oublié, que germe l’idée de rappeler le souvenir des victimes non pas collectivement, mais en redonnant à chacune son identité, en mentionnant son nom et son année de naissance [25]. L’idée est aussi d’aller à rebours de l’entreprise de déshumanisation pratiquée par les nationaux-socialistes qui ont cherché à réduire les individus à de simples numéros. La commémoration par les noms est assez répandue de nos jours ; on lit par exemple à haute voix les noms des victimes lors de cérémonies du souvenir, ou on les grave, notamment sur le Mur des Noms du Mémorial de la Shoah à Paris. De même, il existe une salle des noms au Mémorial de Yad Vashem à Jérusalem ou au Centre d’information du Mémorial des Juifs assassinés d’Europe à Berlin.
13L’individualisation ne s’arrête pas à l’identité de la victime sur le pavé, elle se trouve à toutes les étapes du processus puisque chaque pavé est confectionné manuellement dans un petit atelier berlinois ; aujourd’hui, c’est le sculpteur Michael Friedrichs-Friedlaender, venu prêter main forte à G. Demnig, qui s’en charge. Le texte y est inscrit, lettre après lettre, au poinçon. C’est ensuite G. Demnig qui transporte lui-même les pavés dans son véhicule – depuis des décennies, un combi Peugeot –, parfois à travers tout l’Europe. Sur place, c’est lui qui descelle les pierres existantes, prépare le site, puis pose les pavés et les essuie.
14Dans les années 1990, l’idée première de l’artiste était de sceller des plaques murales à la mémoire de chaque victime sur les façades de leur dernier domicile. Et c’est cette fois un ami juif de Leipzig qui l’en dissuade, lui expliquant que les propriétaires n’accepteront jamais d’apposer de telles plaques sur leurs façades. C’est ainsi qu’il décide de les sceller dans les trottoirs, dans l’espace public ; l’idée lui étant peut-être venue en posant les plaques à la mémoire des Roms à Cologne [26].
15G. Demnig finalise le concept en 1992, qui s’intitule alors Projekt STOLPERSTEIN, et le présente en 1993 dans le cadre d’un concours d’art sur le thème de l’Europe. À ses côtés, on trouve d’ailleurs le projet de Reichstag emballé, proposé par Christo et Jeanne-Claude et réalisé en juin 1995 [27]. Ce concours donne lieu à une publication que les concepteurs, frappés par le gigantisme de la plupart des projets, intitulent Grössenwahn. Kunstprojekte für Europa (« Folie des grandeurs. Projets artistiques pour l’Europe ») [28]. Le tout premier pavé, dont le texte retranscrit des extraits de l’ordonnance prise par Himmler le 16 décembre 1942 par laquelle les Roms sont déportés à Auschwitz – et qui n’évoque donc pas une victime, contrairement au descriptif du projet –, est posé le 16 décembre 1992, date anniversaire de l’ordonnance, devant l’Hôtel de ville de Cologne.
16Si l’on cherche à comprendre le succès de ce mémorial, il faut également mesurer l’impact qu’ont l’ancrage au sol et la dissémination dans les villes. Ces choix impliquent en effet qu’il ne s’agit pas d’une commémoration qui se ferait à date fixe, de manière collective ou ritualisée, non plus d’un mémorial que l’on visiterait de manière délibérée. Ce sont les pavés qui se trouvent sur notre route, qui nous cueillent de façon fortuite ou nous surprennent dans notre vie quotidienne, nous faisant « trébucher » (au sens littéral de stolpern) ou buter sur le souvenir d’un disparu. Mais cette irruption dans notre quotidien, cet achoppement (au sens cette fois également figuré de stolpern) n’est pas pesant ou prescriptif, chaque passant restant libre de s’arrêter pour lire l’inscription, de continuer son chemin ou même, selon son humeur, d’ignorer délibérément le pavé. Ainsi, c’est le souvenir qui nous trouve, c’est lui qui s’impose en quelque sorte à nous, nous laissant cependant tout aussi bien la possibilité de l’écarter. Le terme de commémoration est d’ailleurs presque impropre puisque c’est à chaque passant d’accueillir le pavé comme bon lui semble, en toute liberté. Ce caractère discret et interstitiel du mémorial respecte finalement autant les victimes disparues que les vivants qui le rencontrent sur leur route.
Pavé pour David Guther, Auguststrasse 14, Berlin-Mitte, août 2016
Pavé pour David Guther, Auguststrasse 14, Berlin-Mitte, août 2016
18La dissémination des pavés qui en fait un mémorial décentralisé conduit par ailleurs à un phénomène de répétition. Et c’est aussi l’action répétée de la butée ou de l’achoppement qui contribue à activer le souvenir, celui du passant qui, à force d’achopper, finit par s’arrêter, ou celui gravé en quelque sorte dans le pavé, qui garde la trace des butées. En effet, si Gunter Demnig a choisi le laiton pour recouvrir ses petits cubes de béton de 9,6 cm x 9,6 cm x 10 cm, c’est parce que cet alliage de cuivre et de zinc est une matière vivante qui se patine au frottement. À chaque pas, le pavé est comme réveillé ou ranimé sous l’action du polissage. Il s’use et s’abîme, ce qui le rend vivant, il garde en quelque sorte la trace des passants qui l’ont trouvé sur leur route.
19Loin de la commémoration ritualisée, prescrite et collective, la rencontre avec un pavé d’achoppement est aussi une expérience physique liée à l’exercice de la marche. C’est dans son corps que le passant éprouve le pavé ; à la passivité d’un individu qui écoute un discours commémoratif, assis ou debout, dans une assistance semi somnolente – on pense ici aux propos de Martin Walser en 1998 –, fait écho le mouvement corporel nécessairement lié à la rencontre avec un pavé. Cette mise à l’épreuve des corps ou cette mise à contribution des corps dans l’acte de commémoration est assez fréquente dans les mémoriaux conçus au cours des dernières décennies. Que l’on pense aux 2 700 stèles qui composent sur plus de 19 000 m² le Mémorial aux Juifs assassinés d’Europe à Berlin, entre lesquelles on peut déambuler pendant des heures, ou au Mémorial pour les homosexuels persécutés par le national-socialisme à Berlin qui force le visiteur à se pencher pour regarder à travers une saillie sans savoir au préalable ce qui l’attend. Ou encore au dispositif mémoriel qui se trouve au sous-sol du Musée juif de Berlin composé, entre autres, d’une salle entièrement obscure, étroite et au plafond très haut ; quand on la pénètre et qu’on ferme la porte derrière soi, on est saisi par le silence, le froid et l’obscurité, puis on distingue tout en haut une fente qui laisse entrer un tout petit filet de lumière et filtrer les bruits lointains de la ville [29].
3. Les trois grandes phases du projet
20Dans son ouvrage, Hans Hesse propose une périodisation du projet de Demnig. Selon lui, les débuts difficiles s’étendent de 1992-93 à l’année 2000, date à laquelle des poses légales ont lieu à Cologne et Berlin. Vient ensuite une période pendant laquelle le projet se développe au niveau national amenant l’artiste à constituer une véritable équipe autour de lui. La dernière phase commence, selon Hesse, en 2006 avec l’internationalisation du projet [30].
21Pour en revenir à la phase des débuts, Demnig estime dès 1992-93 qu’il ne rencontre pas le soutien souhaité auprès de la municipalité de Cologne et il organise alors, à l’automne 1994, avec le concours du pasteur Kurt-Werner Pick, une exposition dans l’église protestante des Antonins lors de laquelle il expose 250 pavés [31]. Une première pose, non autorisée, à la mémoire de Roms a lieu en janvier 1995 dans la Thieboldsgasse à Cologne, puis trois autres jusqu’en juin 1995. Ces premiers pavés sont cependant anonymes (« Hier wohnte eine Sinteza… » ; « Ici vivait une Sintetsa… »), en partie à la demande des familles Roms. Ceux posés en juin 1995 ne sont plus anonymes, mais l’artiste considère aujourd’hui ces poses comme des galops d’essai.
22Les entraves étant trop nombreuses à Cologne, G. Demnig envisage alors d’exporter le projet dans une autre ville, et c’est en mai 1996 que le projet se concrétise vraiment à Berlin lorsqu’il participe à l’exposition Künstler forschen nach Auschwitz (« Les artistes à la recherche d’Auschwitz ») organisée par la Neue Gesellschaft für Bildende Kunst (Nouvelle Société des arts visuels). S’appuyant sur un ouvrage consacré aux Juifs du quartier de Kreuzberg, l’artiste identifie 51 victimes qui ont vécu dans la Oranienstrasse, la rue où se trouve cette institution, et il décide de poser des pavés à leur mémoire sans demander d’autorisation aux services de la voirie [32].
23C’est étonnamment à l’étranger, en Autriche, à St. Georgen près de Salzbourg, que les premiers pavés sont posés légalement, en juin 1997, un an après la pose non autorisée à Berlin. Cet événement a lieu à l’initiative d’Andreas Maislinger, fondateur en Autriche d’un service civil spécifique pour les objecteurs de conscience qui peuvent effectuer celui-ci en travaillant dans un mémorial. Si, aujourd’hui, la majorité des pavés commémore la mémoire de victimes juives, il est intéressant de souligner que tout a démarré pour G. Demnig avec les victimes Roms et que les premiers pavés autorisés (autrichiens donc) l’ont été à la mémoire de deux témoins de Jéhovah, exécutés pour désertion.
24G. Demnig souhaite cependant poursuivre l’entreprise en Allemagne. À Cologne, sa première demande officielle auprès de la ville date de 1995, mais ce n’est qu’en 1999 que son projet est véritablement évalué par la Commission des Arts de la mairie. Fort du soutien du Centre de documentation sur le national-socialisme de Cologne (NS-Dokumentationszentrum) et du Musée municipal, le projet est transmis en 2000 au Conseil municipal avec un avis favorable de la Commission, et c’est finalement en avril 2000 que la ville autorise la pose de 900 pavés [33]. Celle-ci commence en juillet 2000 dans la Aachener Strasse.
25Quant à Berlin, le projet en serait sans doute resté là si le neveu sud-africain d’un couple de Juifs disparus n’avait pas contacté l’artiste, probablement entre 1997 et 2000, pour lui demander de poser des pavés à leur mémoire, toujours dans le quartier de Kreuzberg. Cette fois, G. Demnig invite ce descendant à demander les autorisations de la voirie avant de procéder à la pose qui a lieu en juillet 2000 dans la Naunynstrasse [34].
26À partir de l’an 2000, les poses vont aller croissantes, tout d’abord dans le bassin rhénan autour de Cologne et dans différents quartiers berlinois, puis dans de nombreuses autres villes allemandes, et cela de manière exponentielle [35]. Ne pouvant plus porter le projet seul, Demnig s’entoure d’une équipe, composée tout d’abord de sa compagne de l’époque, Uta Franke, coordinatrice associée au projet jusqu’en 2011, puis du sculpteur Michael Friedrichs-Friedlaender à partir de 2005, puis d’Anne Thomas en 2009, à l’époque étudiante, désormais en charge des poses à l’étranger. À partir de 2016, l’équipe est encore élargie à Katja Demnig, l’épouse de l’artiste, chargée des actions pédagogiques, Anna Warda, coordinatrice, Karin Richert pour la presse et Jérôme Heuper pour les réseaux sociaux.
27En 2006, Gunter Demnig conçoit une première extension à son projet avec les Stolperschwelle, les « seuils d’achoppement », qui sont des barres de laiton d’un mètre de long et 10 cm de large, posées dans le sol et commémorant un collectif de victimes. Cette extension du projet a une raison essentiellement pragmatique : l’artiste ne sait comment faire lorsqu’il doit poser plusieurs dizaines de pavés sur un même lieu. À Unna en Rhénanie du Nord-Westphalie, il est ainsi parvenu, en 2012, à poser 145 pavés dans la Mozartstrasse devant une ancienne maison de retraite pour Juifs, composant une sorte de coulée de pavés, mais cela n’est pas toujours possible. Depuis 2006, il pose ainsi ponctuellement des seuils d’achoppement, par exemple devant d’anciens asiles psychiatriques, d’anciennes usines ou des synagogues [36].
28L’internationalisation du projet commence en 2006 et se poursuit de façon très régulière, comme en témoigne cette impressionnante liste : reprise des poses en Autriche (2006), puis viennent la Hongrie (2007), les Pays-Bas (2007), la Tchéquie (2008), la Pologne (2008), la Belgique (2009), l’Ukraine (2009), l’Italie (2010), la Norvège (2010), la Slovaquie (2012), la Slovénie (2012), la France (2013), la Croatie (2013), le Luxembourg (2013), la Russie (2013), la Suisse (2013), la Roumanie (2014), la Grèce (2015), l’Espagne (2015), la Biélorussie (2016), la Lituanie (2016), l’Argentine (2017) et la Finlande (2018). [37]
29En 2014, le projet a franchi une nouvelle étape avec la création d’une Fondation intitulée Stiftung – Spuren – Gunter Demnig (Fondation – Traces – Gunter Demnig) qui entend donner un cadre au projet pour le jour où l’artiste, né en 1947, disparaîtra. Parmi les principaux objectifs, on compte la préservation de l’œuvre de G. Demnig et la promotion du travail pédagogique auprès des jeunes.
4. Débats et résistances
30Le développement du projet ne s’est pas fait sans résistance, en Allemagne ou à l’étranger. C’est le scellement dans le sol qui cristallise les critiques les plus vives adressées à G. Demnig par les adversaires, désormais assez rares, du mémorial. Au début du projet cependant, certaines municipalités craignaient que les passants ne trébuchent véritablement sur les pavés et que ces derniers ne représentent un danger pour la sécurité des personnes. Depuis, la preuve a été faite que seule la pensée, en quelque sorte, court le risque de trébucher [38]. Les adversaires formulant des critiques plus fondamentales considèrent qu’en marchant sur les pavés, on piétine la mémoire des disparus au lieu de l’honorer. C’est l’argument qu’avance depuis des années Charlotte Knobloch, la présidente de la Communauté israélite de Munich depuis 1985, dont l’avis a certainement pesé dans la décision du conseil municipal de la ville de Munich d’interdire la pose des Stolpersteine en 2004 [39], décision qui fut confirmée en 2015 [40]. La municipalité est même allée jusqu’à desceller une plaque en ciment dans laquelle deux pavés avaient été posés en 2004 – illégalement donc – à la mémoire de Paula et Siegfried Jordan. Les paroles de leur fils, Peter Jordan, sont fréquemment citées dans ce contexte : « C’est comme si on avait déporté mes parents une seconde fois » [41]. À ceux qui craignent que des néo-nazis ne viennent souiller la mémoire des disparus en leur marchant dessus, Demnig répond qu’au contraire, plus on piétinera les pavés, plus ils reluiront [42]. Et il rappelle que ces pavés n’ont jamais eu la vocation à se substituer à des tombes. Depuis 2007, c’est d’ailleurs sur des terrains privés, avec l’accord de leurs propriétaires, qu’il en pose dans la capitale bavaroise en attendant que les choses évoluent [43].
31D’autres villes allemandes ont également refusé, à l’origine, la pose de pavés, puis l’ont finalement acceptée, après de nombreux débats qui ont amené les villes à mieux définir ou à redéfinir leur politique mémorielle, par exemple Augsbourg, Cassel ou Wuppertal. À Augsbourg, on parle d’une « voie de Augsbourg » (Augsburger Weg) – comme on parle d’une « troisième voie » dans un tout autre contexte –, pour désigner la politique spécifique de la ville consistant, depuis une décision du conseil municipal de mars 2016, à autoriser la pose de Stolpersteine mais aussi à concevoir des plaques commémoratives, par exemple fixées aux lampadaires [44]. On peut sans doute voir dans cette décision la volonté de ne pas laisser aux Stolpersteine le monopole du souvenir individuel.
32G. Demnig insiste régulièrement sur le fait qu’il entend rendre hommage à toutes les catégories de victimes du national-socialisme sans exception, également les personnes handicapées, les homosexuels, les travailleurs forcés (dont les STO), les prisonniers de guerre ou les déserteurs, autant de personnes dont la reconnaissance au titre de victimes a été plus tardive ou moins évidente que celles des victimes de la politique raciale ou des persécutions politiques [45]. Un débat annexe fait cependant rage depuis la décision du conseil municipal de Augsbourg en mars 2016, attisé depuis l’automne 2017 par les propos du chargé de mission à la culture, Thomas Weitzel, qui refuse que l’on pose des pavés à la mémoire de personnes qui ont survécu au national-socialisme. Les survivants ne seraient pas, selon Weitzel, des « victimes directes du national-socialisme » [46]. Cette remarque laisse pour le moins songeur quand on pense aux nombreux exilés qui ont dû fuir l’Allemagne nazie, aux survivants des camps de concentration et d’extermination, aux personnes libérées des prisons en 1945 ou aux Juifs qui ont dû vivre cachés en attendant la libération. Cette question de la survie revient cependant assez souvent dans les débats, en dehors du contexte d’Augsbourg, d’autres contradicteurs du projet estimant que les survivants ayant déjà une tombe n’ont pas besoin d’un pavé [47]. C’est ici encore méconnaître la signification accordée aux pavés. Cette conception étroite de la notion de victimes est vivement critiquée par l’artiste qui estime que cela revient à faire des « victimes de première et de seconde catégories » [48]. La disparition des victimes sous le Troisième Reich reste cependant, pour certains, une sorte de condition à la pose du pavé [49].
33D’autres résistances existent ici et là. Dans la petite commune de Viersen, près de Düsseldorf, une décision du conseil municipal, confirmée en avril 2018, autorise les propriétaires à refuser la pose de pavés devant leur domicile, décision qu’une initiative citoyenne cherche à remettre en cause en rassemblant les 4 000 signatures nécessaires pour lancer un référendum municipal sur la question [50]. Les arguments avancés par les propriétaires hostiles sont divers. Certains estiment que les pavés sont une forme de stigmatisation de leur domicile, d’autres qu’il est trop oppressant de vivre avec leur présence au quotidien, d’autres encore prétendent qu’ils font baisser la valeur immobilière de leur bien. Une plainte déposée par un particulier avec ce dernier argument afin d’obtenir le descellement de deux pavés a été rejetée par le tribunal de Stuttgart en 2011 [51]. À l’étranger, G. Demnig a également rencontré des difficultés, par exemple aux Pays-Bas où il était, à l’origine, impensable qu’un artiste allemand commémore les victimes des nazis. De même, la Grèce a longtemps refusé la pose de pavés, jusqu’à ce qu’une initiative citoyenne débloque la situation à Thessalonique [52].
34La notoriété des Stolpersteine a même conduit à ce que certains soient volés ou vandalisés. On pense notamment à la vingtaine de pavés volés au cours du mois de novembre 2017 dans le quartier de Neukölln à Berlin. Certains commentateurs ont fait le lien avec les commémorations du pogrom du 9 novembre 1938 qui avaient lieu de façon quasi concomitante ; et pourtant, les pavés volés concernent aussi bien des résistants que des victimes juives. La plupart des commentateurs renvoient plutôt au climat politique en Allemagne depuis les élections législatives de septembre 2017 qui ont vu le succès du jeune parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), et estiment que le vol des pavés a des motivations politiques, qu’il est l’œuvre de « racistes, d’extrémistes de droite, de néonazis » [53]. Quoi qu’il en soit, la police a été saisie de l’enquête, un appel aux dons a permis, en quelques semaines, de rassembler 10 000 euros afin de remplacer les pavés et la pose du premier nouveau pavé a eu lieu, moins d’un mois après les faits, le 4 décembre 2017 [54].
35On le voit, les Stolpersteine déclenchent parfois les passions, tant chez les adversaires que chez les adeptes du mémorial. Et ces débats et controverses, à petite et grande échelle, contribuent finalement, eux aussi, à faire vivre la mémoire et à pousser les individus et les collectivités à s’interroger sur les formes souhaitables de commémoration et sur la place du souvenir de la Seconde Guerre mondiale dans les vies de chacun. En cela, les Stolpersteine font bel et bien trébucher la pensée.
5. Phénomènes d’appropriation ou l’évolution vers une « sculpture sociale »
36Comme on l’a vu, c’est Gunter Demnig qui a élaboré, par étapes, le concept original des Stolpersteine. Et pourtant, ce ne sont finalement pas les seuls pavés qui réactivent le souvenir de manière efficace et vivace, mais bien l’ensemble des actions qui conduisent à leur pose. En 1997 en Autriche et en 2000 à Berlin, ce sont des personnes tierces, extérieures au projet, qui sont à l’origine des premières poses légales. Ce sont elles qui se sont chargées d’obtenir les autorisations municipales et de rassembler les éléments biographiques inscrits sur les pavés, ce sont elles qui sont devenues en quelque sorte les médiatrices du projet auprès des municipalités, portées par une volonté finalement plus apte à le faire aboutir que celle de l’artiste, ou plus audible, car étant peut-être autrement concernée.
37C’est cette forme de fonctionnement qui va se pérenniser dans le projet : l’initiative vient de personnes privées, d’associations, d’établissements scolaires ou même de mairies qui se chargent du volet administratif, trouvent le financement – 120 euros par pavé –, souvent sous la forme de parrainage, puis effectuent les recherches biographiques. La volonté de poser un pavé vient de la société civile, comme le souligne Aleida Assmann [55]. C’est en cela que l’on a pu parler d’un « mémorial d’en bas » [56] – comme on parle d’une « histoire par en bas » à l’opposé d’une histoire des élites. Les chercheuses Stefanie Endlich et Kirsten Harjes ont pour leur part repris le concept de Counter-Monument [57] (« contre-mémorial »), développé par James E. Young, afin de souligner sa spécificité face aux mémoriaux traditionnels dont la conception est généralement discutée puis décidée en haut lieu, même si elle s’accompagne parfois d’un débat public [58]. L’individualisation de l’hommage se prolonge ainsi dans la façon dont les pavés sont portés par des individus animés par la volonté de les faire exister.
38Les initiatives ayant conduit à la pose de pavés sont multiples et variées. À Berlin, par exemple, ce sont les riverains des rues Stierstrasse et Thomasiusstrasse qui ont pris l’initiative de faire poser des pavés à la mémoire de leurs anciens voisins [59]. Dans certaines villes, la procédure est entre-temps plus ou moins institutionnalisée, comme à Berlin – la ville allemande qui compte le plus de pavés – ou à Augsbourg où des commissions ont été créées pour instruire les dossiers [60].
39Cette dimension collective et participative, qui implique les initiateurs à toutes les étapes du processus mémoriel, n’était pas prévue à l’origine, mais elle est devenue l’une des raisons du succès des Stolpersteine car elle permet de nombreuses formes d’appropriation du souvenir. Les initiateurs préparent en effet l’événement en effectuant des recherches souvent tout à fait inédites, puis en l’accompagnant de diverses façons, ici par la présentation de récits de vie, là par des panneaux d’affichage ou la création de sites internet [61]. À l’occasion de la pose, il n’est pas rare que les parents des victimes, ses amis ou ses anciens voisins viennent assister à l’événement – parfois de très loin – et qu’ils se retrouvent avec les nouveaux habitants, les commerçants, la municipalité, créant ainsi un moment d’échanges et de recueillement. Le film réalisé sur Gunter Demnig par Dörte Franke en 2007 montre d’ailleurs que certains groupes se retrouvent ensuite tous les ans à la date anniversaire de la pose [62].
40Avec le temps, un autre type d’initiative s’est développé montrant combien les gens se sont appropriés ces pavés et le processus commémoratif qu’ils impliquent. Le laiton ayant tendance à noircir, certains ont voulu lui rendre son éclat, et c’est ainsi que des groupes de polisseurs bénévoles se sont constitués pour entretenir les pavés. Des actions coordonnées ont désormais lieu, en général le 27 janvier, Journée internationale de commémoration en mémoire des victimes de l’Holocauste. Il existe même des guides pratiques d’entretien des pavés et des tutoriels en ligne [63]. Dans le soin que les polisseurs bénévoles mettent à nettoyer les pavés, on retrouve la bienveillance ou la douceur que l’on rencontre parfois chez les personnes qui viennent entretenir une tombe dans un cimetière. Elle rappelle combien les initiateurs se sentent parfois dépositaires du pavé, comme s’ils étaient devenus des parrains ou des marraines. Pierre Baumann se demande d’ailleurs dans ce dossier si l’existence des pavés ne dépend pas aussi de leur adoption par des vivants [64].
41Depuis quelques années, Gunter Demnig a repris à son compte le concept de « sculpture sociale » [65], empruntée à Joseph Beuys, pour décrire son mémorial, terme abondamment relayé depuis, tant il résume bien ce qu’il est devenu, une entreprise engageant des personnes de tout âge dans un exercice de commémoration active [66]. Au-delà de ce qu’ils peuvent provoquer chez un passant ou évoquer en lui, les Stolpersteine créent désormais une forme de lien social autour de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale, ils activent inlassablement le souvenir en liant le passé au présent. G. Demnig va même jusqu’à affirmer aujourd’hui : « (…) les pavés ne sont pas l’œuvre d’art. Ce qui constitue l’œuvre d’art, c’est la “sculpture sociale” qui en découle » [67].
42D’autres formes de prolongement à la pose des pavés ont vu le jour. À Hambourg par exemple, les premières poses de 2002 ont donné lieu en 2006 à la création d’un projet intitulé Biographische Spurensuche (« Recherche de traces biographiques »), associant, à ce jour, environ 300 chercheurs qui ont reconstitué les biographies d’environ 3 000 personnes dans le but de leur poser un pavé. Les résultats sont régulièrement publiés par quartier ; la publication comptait déjà 17 volumes en septembre 2016 [68]. Dans un tout autre domaine, une initiative a conduit à la création d’un site internet, doublé d’une application pour smartphone, qui permet de localiser les pavés posés dans toute l’Allemagne [69]. Certaines grandes villes, comme Berlin et sa banlieue, ont des applications spécifiques pour smartphone. Ainsi les pavés peuvent également devenir l’objet d’une promenade singulière, créer en quelque sorte des trajectoires urbaines éphémères autour du souvenir.
6. Copistes et canonisation dans les lettres et les arts
43On peut également mesurer le succès des pavés de Gunter Demnig et leur intégration à la culture mémorielle européenne – ou même mondiale – à plusieurs symptômes révélateurs que sont les imitations de Stolpersteine, la pose de pavés aux victimes d’autres dictatures que le national-socialisme, ou encore leur mention dans des œuvres littéraires ou artistiques.
44Les copies sont un phénomène ancien ; déjà en 2002, à Wuppertal, un groupe de jeunes ayant découvert les pavés à Berlin en avaient confectionné deux et les avaient posés dans leur ville à la mémoire de deux victimes juives [70]. À Werl, en Rhénanie du Nord-Westphalie, ce sont des pavés en granit appelés Erinnerungssteine (« pavés du souvenir ») qui sont posés en 2016. À Berlin, ce sont des Denksteine (« pavés commémoratifs ») en métal qui ont été scellés en 2009 dans le quartier de Tempelhof-Schöneberg. La plupart du temps, ces copies ont pour origine une discorde entre l’artiste et les initiateurs. Dans le cas de Berlin par exemple, G. Demnig avait refusé de déroger à la règle selon laquelle l’inscription sur le pavé ne donne pas la date exacte de naissance, mais seulement l’année. À Werl, les initiateurs ne voulaient honorer que des victimes juives et refusaient de poser des pavés à la mémoire de survivants. Face aux refus de l’artiste de se plier aux exigences des uns et des autres, les initiateurs se sont alors tournés vers d’autres sculpteurs et ont fait poser des pavés semblables aux Stolpersteine.
45Les cas de copies dépassent les frontières de l’Allemagne puisque Hans Hesse en répertorie également en Autriche, en République tchèque et aux Pays-Bas – lui parle d’ailleurs de plagiat. Ce dernier cas est intéressant car les arguments avancés pour le justifier sont que G. Demnig ne pose pas assez de pavés dans le pays, ou qu’il ne vient pas les poser assez vite. C’est donc bien le succès des Stolpersteine qui explique en général que l’on en fabrique de très ressemblants. On peut ici parler de phénomènes d’appropriation abusifs. D’ailleurs, en 2005, l’initiateur du groupe de travail sur les Stolpersteine dans le quartier de Charlottenburg-Wilmersdorf à Berlin avait très sérieusement demandé à G. Demnig de céder les droits sur son projet afin que la ville de Berlin puisse poser des pavés indépendamment de lui [71]. On peut du reste se demander si ces copistes ont bien toujours conscience qu’il s’agit là d’une œuvre d’art et qu’elle relève de la propriété intellectuelle. Certains – notamment à l’étranger – veulent peut-être tout simplement exporter ce qu’ils ont estimé être une bonne idée, sans en savoir beaucoup plus [72].
46Au-delà de ces pavés imités, on peut citer le cas d’un pavé satirique posé au mois de décembre 2017, ici encore à la suite de l’entrée au parlement allemand de plusieurs députés de l’Alternative für Deutschland (AfD) après les élections législatives de septembre 2017. Le groupe d’artistes « Rocco und seine Brüder » (« Rocco et ses frères »), qui se définit comme un groupe de guérilla artistique, a scellé des pavés à la mémoire de la Wehrmacht (Wehrmachtsstolpersteine) devant les locaux de l’AfD à Berlin afin de protester contre les propos du président de ce parti, Alexander Gauland, qui avait affirmé peu de temps auparavant que les Allemands avaient le droit d’être fiers de ce que l’armée allemande avait fait lors des deux dernières guerres mondiales. Ces pavés rappellent les crimes commis par des soldats allemands, notamment l’exécution en 1943, sur l’île grecque de Kefalonia, de 5 200 prisonniers italiens qui s’étaient rendus [73]. Tout en prétendant rendre un hommage ironique aux soldats allemands, ce sont bien la trace de crimes que ces pavés conservent.
47La fortune des Stolpersteine est telle qu’en Corée du Sud ou au Chili, des pavés très ressemblants ont été posés, avec ou sans l’accord de l’artiste, à la mémoire de victimes d’autres dictatures que le national-socialisme. En avril 2016, Gunter Demnig a ainsi été invité à venir poser des stepping stones en Corée du Sud devant l’ambassade du Japon afin de commémorer la mémoire de trois jeunes coréennes, appelées « femmes de réconfort », qui furent enlevées à leurs familles par l’armée japonaise et transformées en esclaves sexuelles pendant la Seconde Guerre mondiale. L’enjeu était alors, pour la Corée du Sud, d’obtenir que le Japon leur verse une retraite, en échange de quoi les pavés seraient descellés. Les pavés coréens ont été confectionnés à Séoul, et l’inscription, gravée au laser, est en anglais et en coréen [74].
48L’extension du concept aux victimes d’autres dictatures ou d’autres systèmes répressifs semble bien engagée puisqu’au Chili, une initiative a eu lieu dès 2008, tout à fait indépendamment de l’équipe des Stolpersteine. Un mémorial a été inauguré à Santiago dans l’immeuble qui a servi de lieu de détention et d’exécution sous la dictature militaire d’Augusto Pinochet. Le mémorial se nomme Londres 38, du nom de la rue (calle Londres) et du numéro où se trouve l’immeuble. Or dans cette rue pavée, les concepteurs du mémorial ont scellé, en une sorte de damier irrégulier, 180 pavés noirs, 100 pavés blancs et 94 pavés métalliques [75]. Les pavés noir et blanc font référence aux récits des détenus qui racontent que, les yeux bandés, la tête inclinée, ils ne voyaient jamais que le carrelage noir et blanc du sol de la prison. Les 94 pavés métalliques portent, pour leur part, chacun le nom, l’âge et l’appartenance politique d’un détenu. Même si la citation n’est pas explicite, on mesure là l’inspiration qu’a pu représenter le concept des Stolpersteine.
49De son côté, l’équipe de Gunter Demnig a dû récemment prendre une décision difficile au sujet d’un pavé qui a finalement été posé en mars 2017 à Berlin-Schlachtensee à la mémoire d’un homme victime d’une double persécution, par les nazis d’abord, puis par les services secrets soviétiques qui l’ont exécuté en 1938. Après réflexion, l’équipe n’a pas souhaité mentionner les persécutions soviétiques sur le pavé, même si cela a pour conséquence une inscription pour le moins sibylline : « Kurt Silbermann. Jg. 1911, Flucht 1936, Sowjetunion » (« Kurt Silbermann, né en 1911, fuite 1936, Union soviétique »). Les cas de doubles persécutions pendant la Seconde Guerre mondiale sont nombreux en Europe [76] ; la position de l’équipe évoluera peut-être avec le temps à ce sujet. À l’inverse, on peut comprendre qu’elle souhaite se concentrer exclusivement sur les crimes nationaux-socialistes pour garder toute la cohérence au projet.
50Les Stolpersteine ont également fait leur apparition dans la littérature, sans doute l’une des formes de canonisation les plus manifestes, après l’œuvre des copistes sculpteurs. Ainsi l’écrivaine américaine Deborah Feldman décrit-elle dans son deuxième roman autobiographique Überbitten sa première rencontre avec des Stolpersteine à Berlin [77]. Son premier roman Unorthodox racontait sa fuite hors de la communauté hassidique ultra-orthodoxe de Brooklyn, elle y évoquait également le rôle primordial accordé à la Shoah dans son éducation. Pour sa part, le poète allemand Tom Schulz fait référence aux pavés dans le titre de son dernier recueil, Die Verlegung der Stolpersteine (« La pose de Stolpersteine »), dédié à la mémoire. La référence aux pavés y semble paradigmatique d’une mémoire non-institutionnelle et non-ritualisée [78]. On peut également citer l’ouvrage intitulé Stumbling Stone d’inspiration autobiographique, paru en traduction allemande sous le titre Der Stolperstein, coécrit par Julie Freestone et Rudi Raab, qui raconte comment le fils d’un haut dignitaire nazi part sur les traces de son histoire familiale au contact d’une journaliste juive [79]. Ici encore, le titre, métaphorique, semble surtout renvoyer à l’action d’achopper, de rencontrer sur son chemin un élément qui, de façon inattendue, nous conduit sur les traces du passé.
51Hans Hesse évoque pour sa part de nombreuses œuvres d’art plastiques ou photographiques inspirées du mémorial de G. Demnig, que ce soit le Mur de Stolpersteine (Stolpersteinwand), un œuvre de Vera Bonzen datant de 2016 qui donne à voir les 152 pavés posés à Heidelberg, serrés verticalement les uns contre les autres et formant un mur, ou l’œuvre de Quilt Art de Cherilyn Martin intitulée Hommage to Gunter Demnig présentée en 2011 [80]. On le voit, le concept de Gunter Demnig n’a pas fini d’essaimer et de susciter des prolongements mémoriels ou artistiques.
Conclusion
52Il est finalement assez difficile de présenter le mémorial de Gunter Demnig car il est en constante évolution, voire en permanente redéfinition, comme en témoignent les différentes étapes qui ont, jusqu’à aujourd’hui, conduit à préciser sa nature. Son actualité est quasi quotidienne : à chaque jour, de nouveaux pavés, un nouveau débat, une nouvelle copie ou une nouvelle citation. « Sculpture sociale », « mémorial d’en bas », « contre-mémorial », mémorial de proximité ou décentralisé, les dénominations ne manquent pas pour décrire cette œuvre vivante, unique et évolutive.
53Le terme de Stolperstein n’a d’ailleurs pas été inventé par Gunter Demnig. Si l’on en croit le dictionnaire de la langue allemande en ligne, administré par l’Académie des Sciences de Berlin-Brandenbourg, le terme apparaît après la Seconde Guerre mondiale et se popularise dans les années 1970 au sens de « difficulté, entrave » [81]. Cependant, la fréquence des occurrences répertoriées a significativement augmenté depuis les années 1990, et nombre d’entre elles font désormais directement référence au mémorial. Voilà sans doute l’une des conséquences supplémentaires de l’existence du mémorial qui méritera d’être suivie dans les années à venir.
Notes
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[1]
Je remercie mes collègues Pierre Baumann, Claire Kaiser, Pierre-Yves Modicom, Nicolas Patin, Nicole Pelletier et Judith Syga-Dubois pour les échanges fructueux que nous avons eus et qui m’ont permis d’approfondir ma connaissance et ma réflexion sur les Stolpersteine.
-
[2]
Voir le site consacré au mémorial, et notamment la page « Chronik » où l’on a accès à l’agenda des poses. (http://www.stolpersteine.eu/chronik/) On peut aussi suivre l’équipe sur Facebook : Stolpersteine. @STOLPERSTEINEvonGunterDemnig.
-
[3]
Voir la conférence donnée à Bordeaux le 7 avril par G. Demnig dans ce dossier. Voir aussi « Von Stolperstein zu Stolperstein », un film de Christopher Roos et Timo Leich, mis en ligne en janvier 2015. (URL : https://www.youtube.com/watch?v=xBpOQq6V8WI&list=PLxt_Og7CuhTYAPvq2aYLgvHPvZojaJh45&index=17, consulté le 30 mai 2018).
-
[4]
Informations communiquées par Anna Thomas le 20 juin 2018. Par comparaison, Anna Warda, une autre collaboratrice, estimait le nombre de pavés à plus de 60 000 en mars 2017 (pour 21 pays) et G. Demnig à environ 61 000 en avril 2017. Cf. Anne Warda, « Ein Kunstdenkmal wirft Fragen auf. Die “Stolpersteine” zwischen Anerkennung und Kritik », in : Zeitgeschichte-online, März 2017, (URL : https://zeitgeschichte-online.de/geschichtskultur/ein-kunstdenkmal-wirft-fragen-auf , consulté le 30 mai 2018). Cf. Conférence de G. Demnig dans ce dossier.
-
[5]
Information Facebook Stolpersteine, post du 5 juin 2018, consulté le 13 juin 2018.
-
[6]
Cf. Claire Kaiser, « Les premiers Stolpersteine en France : état des lieux d’une difficile implantation », dans ce même dossier.
-
[7]
Cf. la conférence de G. Demnig dans ce dossier. Le dixième pavé a été posé en Pologne le 10 décembre 2017. Voir page Facebook du projet, post du 10/12/2017.
-
[8]
On pense ici aux travaux d’Aleida Assmann, Helmut König, Peter Reichel, Henry Rousso ou Norbert Frei. Ce passage sur les débats mémoriels des années 1990 s’appuie sur des recherches déjà publiées dans l’article suivant : H. Camarade, « L’usure de la mémoire. L’empreinte du temps qui passe sur les mémoriaux de la Seconde Guerre mondiale », in : Pierre Baumann, Amélie de Beaufort (éd.), L’Usure, excès d’usages et bénéfices de l’art, Bordeaux, Presses universitaires de Bordeaux, 2016, p. 112-125.
-
[9]
Henry Rousso, « Les dilemmes d’une mémoire européenne », in : C. Delacroix, F. Dosse, P. Garcia (dir.), Historicités, Paris, La Découverte, 2009, p. 209.
-
[10]
H. Camarade, « La mémoire du national-socialisme en République fédérale d’Allemagne : essai de périodisation », in : H. Camarade, E. Guilhamon, C. Kaiser (dir.), Le national-socialisme dans le cinéma allemand contemporain, Villeneuve-d’Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2013, p. 11-29 ; H. Camarade, « Le passé national-socialiste dans la société ouest-allemande entre 1958 et 1968 : paramètres d’un changement de paradigme mémoriel », in : Vingtième Siècle. Revue d’histoire, n° 110, avril-juin 2011, p. 83-95.
-
[11]
Cf. Sarah Gensburger, Marie-Claire Lavabre, « Entre “devoir de mémoire” et “abus de mémoire” : la sociologie de la mémoire comme tierce position », in : Bertrand Müller (dir.), L’Histoire entre mémoire et épistémologie. Autour de Paul Ricœur, Lausanne, Payot, 2004, p. 76-95. Voir aussi : Sébastien Ledoux, Le Devoir de mémoire. Une formule et son histoire, Paris, CNRS éditions, 2016.
-
[12]
Paul Ricœur, Histoire, mémoire, oubli, Paris, Le Seuil, 2000, p. 110 ; François Bédarida, « Mémoire et conscience historique dans la France contemporaine », in : Histoire et mémoire, dossier du CRDP de Grenoble, 1998.
-
[13]
Tzvetan Todorov, Les abus de la mémoire, Paris, Arléas, 1998.
-
[14]
Régine Robin, La mémoire saturée, Paris, Stock, 2003.
-
[15]
Theodor W. Adorno, « Was bedeutet : Aufarbeitung der Vergangenheit ? » (1959), in : T. W. Adorno, Eingriffe. Neun kritische Modelle, Frankfurt/Main, Surhkamp, 1963, p. 126.
-
[16]
Le terme est popularisé par : Margarete und Alexander Mitscherlich, Die Unfähigkeit zu trauern. Grundlagen kollektiven Verhaltens, München, Piper, 1967.
-
[17]
Martin Walser, Friedenspreis des Deutschen Buchhandels 1998. Erfahrungen beim Verfassen einer Sonntagsrede, Frankfurt/Main, Surhkamp, 1998.
-
[18]
Hans Hesse, Stolpersteine. Idee. Künstler. Geschichte.Wirkung, Essen, Klartext, 2017, p. 511.
-
[19]
C’est la ville de Cologne qui est au centre des premiers projets de l’artiste car il réside près de cette ville.
-
[20]
Cf. la conférence de l’artiste dans ce dossier.
-
[21]
On rencontre une démarche analogue chez la réalisatrice Ruth Zylberman : dans son film documentaire Les enfants du 209 rue Saint-Maur (France, 2017, 103 min, Zadig Productions), elle prend comme point de départ un immeuble parisien et retrace l’histoire des familles disparues qui l’ont habité.
-
[22]
G. Demnig, « Projekt Stolperstein », in : Gabriele Lindinger, Karlheinz Schmid (éd.), Grössenwahn – Kunstprojekte für Europa, Regensburg, 1993, p. 61, cité in : H. Hesse, op. cit., p. 108.
-
[23]
On peut cependant signaler que dans les toutes premières versions du projet, il n’était pas encore question de la mention « Hier wohnte… ».
-
[24]
On peut voir différentes photos de ce projet dans l’ouvrage suivant, la plupart issues des archives de G. Demnig : H. Hesse, op. cit., p. 89-104.
-
[25]
Cf. la conférence de l’artiste dans ce dossier.
-
[26]
Il n’est pas impossible qu’il ait aussi pensé aux 2 146 pavés sur lesquels l’artiste Jochen Gerz et ses étudiants ont, clandestinement au début, gravé les noms des cimetières juifs allemands avant de les replacer, invisibles, face gravée vers le sol, d’où le nom de « monument invisible », dans la ville de Sarrebruck. (Cf. Barbara von Jhering, « Duell mit der Verdrängung. Warum der Künstler seine Werke unsichtbar macht », in : Die Zeit, 7.2.1992 Nr. 07.) Cette entreprise a été menée à la même époque, entre 1990 et 1993, mais G. Demnig n’y fait, à ma connaissance, pas allusion.
-
[27]
Cf. Nicolas Patin, « Le Reichstag emballé par Christo et Jeanne-Claude », in : Parlement[s]. Revue d’histoire politique, 2014/1, n° 21, p. 127-130.
-
[28]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 106.
- [29]
-
[30]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 213.
-
[31]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 118-119.
-
[32]
Cf. le témoignage de G. Demnig dans ce dossier.
-
[33]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 174-175.
-
[34]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 200.
-
[35]
On peut consulter une liste non exhaustive chez H. Hesse, op. cit., p. 216-218.
-
[36]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 301.
-
[37]
Cette liste croise les informations avancées par H. Hesse et d’autres trouvées sur le site de la Fondation G. Demnig. Cf. H. Hesse, op. cit., p. 223-233.
-
[38]
C’est une allusion aux propos d’un élève que G. Demnig aime citer : « (…) c’est avec nos têtes et nos cœurs que nous butons sur les pavés ». Cf. la conférence de l’artiste dans ce dossier.
-
[39]
Jakob Wetzel, « Gedenken, das entzweit », in : Süddeutsche Zeitung, 13.10.2014. http://www.sueddeutsche.de/muenchen/debatte-um-stolpersteine-gedenken-das-entzweit-1.2170096 (dernière consultation 20 juin 2014).
-
[40]
H. Hesse, op. cit., p. 330.
-
[41]
Cf. Claudia Keller, « Stolperstein-Verbot spaltet München », in : Der Tagesspiegel, 28.10.2014. https://www.tagesspiegel.de/themen/reportage/gedenken-an-die-shoah-stolperstein-verbot-spaltet-muenchen/10897112.html (dernière consultation 20 juin 2018).
-
[42]
Propos de G. Demnig, dans : Stolperstein (DVD, Ein Film von Dörte Franke, 2007, 73 min.).
-
[43]
Voir le post en date du 14 octobre 2017 sur la page facebook. https://www.facebook.com/STOLPERSTEINEvonGunterDemnig/posts/10155710630924763.
-
[44]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 330-334.
-
[45]
Voir la conférence de l’artiste dans ce dossier.
-
[46]
Cf. Beatrice Ossberger, « Streit über Stolpersteine in Augsburg spitzt sich zu », in : Die Welt, 27.04.2017. Cf. https://www.welt.de/regionales/bayern/article164065675/Streit-ueber-Stolpersteine-in-Augsburg-spitzt-sich-zu.html (dernière consultation 30 juin 2018).
-
[47]
Cf. Anna Warda, op. cit.
-
[48]
Cf. Christian Rost, « Stolpersteine sind keine Grabsteine », in : Süddeutsche Zeitung, 19.10.2017. http://www.sueddeutsche.de/bayern/augsburg-die-stolpersteine-sind-keine-grabsteine-1.3713554 (dernière consultation 20 juin 2018).
-
[49]
Hermann Harder explique dans son article que la commission de la ville de Berlin a refusé en 2004 que l’on pose des pavés pour deux membres de la famille Greve au motif qu’ils avaient survécu à la déportation. Cette restriction est levée à Berlin depuis 2010. Cf. H. Harder, « Walter Greve, Kaiserdamm 10, Berlin Charlottenburg, 11 mai 1939 » dans le présent dossier.
-
[50]
Cf. Journal télévisé du WDR (Westdeutscher Rundfunk), 26 juin 2018, Informations locales de Düsseldorf. Cf. https://www1.wdr.de/mediathek/video/sendungen/lokalzeit-duesseldorf/video-lokalzeit-aus-duesseldorf-1744.html.
-
[51]
Cf. Thomas Borgmann, « Stolpersteine dürfen bleiben », in : Stuttgarter Zeitung, 18.03.2011, cité in : Warda, op. cit. (dernière consultation 29 juin 2018).
-
[52]
Anna Warda, op. cit.
-
[53]
Cf. Till Eckert, « Stolpersteine werde immer wieder ausgerissen. Das zeigt, wie wichtig sie sind. Ein Kommentar », in : ze.tt, 08.11.2017. Cf. http://ze.tt/stolpersteine-werden-immer-wieder-herausgerissen-das-zeigt-wie-wichtig-sie-sind/. Cf. aussi : Maritta Adam-Tkalec, « Schändung von Stolpersteinen. Die Täter verfolgten einem perfiden Plan », in : Berliner Kurier, 10.11.2017. Cf. https://www.berliner-kurier.de/berlin/kiez---stadt/schaendung-von-stolpersteinen-die-taeter-folgen-einem-perfiden-plan-28819426 (dernières consultations 30 juin 2018).
-
[54]
Cf. Judith Langowski, « Wir verlegen jeden Einzelnen neu », in : Der Tagesspiegel, 04.12.2017. Cf. https://www.tagesspiegel.de/berlin/berlin-neukoelln-wir-verlegen-jeden-einzelnen-neu/20664836.html (dernière consultation 30 juin 2018).
-
[55]
Aleida Assmann, Das neue Unbehagen an der Erinnerungskultur. Eine Intervention, Munich, Beck, 2013, p. 66.
-
[56]
Il s’agit des propos d’André Schmitz, chef de la chancellerie du Sénat de Berlin, rapportés dans : Malte Conradi, « Steine in den Weg gelegt » ; in : Berliner Zeitung, 15/16.10.2005, cité par H. Hesse, op. cit., p. 252.
-
[57]
James E. Young, « The Counter-Monument : Memory against Itself in Germany Today », in : Critical Inquiry, 18 (2), p. 276-296.
-
[58]
Stefanie Endlich, « Ein “dezentrales Monument” ? Anmerkungen zu einem ungewöhnlichen Denkmalskonzept », in : Neue Gesellschaft für Bildende Kunst e. V. (éd.), Stolpersteine, Berlin, 2002, p. 29-36 ; Harjes, Kirsten, « Stumbling Stones. Holocaust Memorials, National Identity, and Democratic Inclusion in Berlin », in : German Politics & Society, 2005, Vol. 23 Issue 1, p. 138-151.
-
[59]
H. Hesse, op. cit., p. 257.
-
[60]
Voir l’article de Hermann Harder sur Berlin dans ce dossier. Voir aussi : www.stolpersteine-berlin.de.
-
[61]
Dans l’article « Stolpersteine à Bordeaux et Bègles. Retour sur un projet mémoriel, historique et artistique de Gunter Demnig », notre équipe fait le compte rendu de ce travail en amont de la pose.
-
[62]
Stolperstein (Film documentaire de Dörte Franke, Allemagne, 2007, 73 min.).
-
[63]
Par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=cQy1C8oaKEc (vidéo postée le 17 juillet 2017, dernière consultation : 25 juin 2018).
-
[64]
Voir la dernière partie intitulée « Accompagner une “sculpture sociale” avec une micro édition » dans l’article « Stolpersteine à Bordeaux et Bègles. Retour sur un projet mémoriel, historique et artistique de Gunter Demnig » coécrit par P. Baumann, H. Camarade, C. Kaiser et N. Patin dans ce dossier.
-
[65]
Cf. Volker Harlan, Rainer Rappmann, Peter Schata, Soziale Plastik – Materialien zu Joseph Beuys, Achberger Verlagsanstalt, 1976.
-
[66]
Cf. « Stolpersteine à Bordeaux et Bègles. Retour sur un projet mémoriel, historique et artistique de Gunter Demnig », op. cit.
-
[67]
Propos tenus lors de la conférence le 6 avril 2017 à l’Institut-Goethe de Bordeaux, retranscrite dans le présent dossier.
-
[68]
Voir le site du projet et la bibliographie. http://www.stolpersteine-hamburg.de/?MAIN_ID=25 (dernière consultation 25 juin 2018).
-
[69]
Voir le site : http://stolpersteine-guide.de/# (dernière consultation 25 juin 2018).
-
[70]
Cf. Hans Hesse, op. cit., p. 363-370.
-
[71]
H. Hesse, op. cit., p. 254-255.
-
[72]
On pense ici aux pavés dont la pose à venir à Fontenay-sous-Bois a été récemment annoncée dans la presse française, sans que l’artiste ne soit au courant. Cf. l’article de Claire Kaiser dans ce dossier. Cf. « Fontenay : sur les pavés, la mémoire des déportés », in : Le Parisien, 23 avril 2018. http://www.leparisien.fr/val-de-marne-94/fontenay-sur-les-paves-la-memoire-des-deportes-23-04-2018-7680048.php#xtor=AD-1481423551 (dernière consultation 22 juin 2018).
-
[73]
« Satirische Stolpersteine vor der AfD-Zentrale. Anna Warda im Gespräch mit Stephan Karkowsky », in : Deutschlandfunk, émission du 7 décembre 2017. Cf. http://www.deutschlandfunkkultur.de/satirische-stolpersteine-vor-der-afd-zentrale-stiftung-wir.2156.de.html?dram%3Aarticle_id=402566 (dernière consultation : 22 juin 2018).
-
[74]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 233-234.
-
[75]
Voir le site du mémorial (http://www.londres38.cl/1937/w3-propertyvalue-35252.html-) et le descriptif du projet : http://www.londres38.cl/1937/articles-93493_recurso_1.pdf (dernière consultation 25 juin 2018).
-
[76]
L’un des témoignages les plus connus est le suivant : Margarete Buber-Neumannn, Als Gefangene bei Stalin und Hitler. Eine Welt im Dunkel (1949), Munich, Ullstein, 2002.
-
[77]
« Auf meinem Weg zurück sah ich endlich meine ersten Stolpersteine, jene Steine, die ich in Salzburg so inbrünstig gesucht hatte. Ich bemerkte sie zufällig, eingelassen vor einem eleganten Wohnhaus, (…). So, von oben gesehen, erschienen sie so unschuldig, ein Teil des touristischen Dekors. Wie gruselig war es doch, zu denken, wie die Leute tagtäglich nonchalant über diese Steine hinweggingen. Noch gespenstischer war es, an die Menschen zu denken, die nun ihre Leben in den Wohnungen führten, die einst systematisch für die “wahren” Deutschen geräumt worden waren. », in : Deborah Feldman, Überbitten. Roman, traduit de l’anglais avec Christian Ruzicska, Zurich, Secession, 2017. Cet ouvrage n’a pas été publié en anglais, l’autrice a écrit une première version du manuscrit en anglais qu’elle a ensuite réécrit en allemand avec l’aide d’un traducteur.
-
[78]
Tom Schulz, Die Verlegung der Stolpersteine, Hanser Verlag, 2017.
-
[79]
Rudi Raab, Julie Freestone, Stumbling Stone, 2015 (Der Stolperstein, traduit de l’anglais par R. Raab, Alvarado Press, 2017).
-
[80]
Cf. H. Hesse, op. cit., p. 374-378.
-
[81]
Il s’agit de Das Wortauskunftsystem zur deutschen Sprache in Geschichte und Gegenwart (« Système d’information lexicale sur la langue allemande dans l’histoire et le présent »), cf. https://www.dwds.de/wb/Stolperstein#wb-1 (consulté le 30 juin 2018).