Notes
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[1]
Chiffre donné par l’assistante de Gunter Demnig en charge des poses à l’étranger, Anne Thomas. Mail à C. Kaiser, 28 juin 2018.
-
[2]
En l’absence de base de données de la Fondation Gunter Demnig, les chiffres ont été obtenus par recoupement à partir du site internet de G. Demnig Stolpersteine.eu, du livre de Hans Hesse, Stolpersteine. Idee. Künstler. Wirkung, Essen, Klartexte Verlag, 2017 et des pages wikipedia en allemand dédiées aux Stolpersteine en Autriche (Stolpersteine in Österreich) et aux Pays-Bas (Liste der Orte mit Stolpersteinen, rubrique Niederlande).
-
[3]
Les pavés collectifs ou seuils d’achoppement (Stolperschwelle) honorent un groupe de personnes, sans que les noms ne soient toujours cités et ont une forme rectangulaire allongée à l’instar d’une traverse. Voir le site internet de G. Demnig Stolpersteine.eu et notamment, sous la rubrique aktuell, l’article intitulé « Oktober 2017- Erste Stolperschwelle außerhalb Europas », URL http://www.stolpersteine.eu/aktuell/, consulté le 10 janvier 2018.
-
[4]
Mail de Anne Thomas à Claire Kaiser, 27 janvier 2017.
-
[5]
Voir l’article de C. Baumann, H. Camarade, C. Kaiser et N. Patin dans ce dossier.
-
[6]
Comme il n’y a aucun ouvrage ni article scientifique dédié aux Stolpersteine en France, les résultats de recherche proposés ici sont le fruit d’un travail d’enquête et s’appuient essentiellement sur des entretiens téléphoniques et des échanges de courriers électroniques.
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[7]
Entretien mené par C. Kaiser lors de la rencontre du 21 avril 2016 à Berlin.
-
[8]
Ce refus concerne la première demande officielle faite auprès d’une mairie. D’autres approches plus informelles avaient déjà été engagées, mais sans jamais déboucher sur une demande d’autorisation. Ce fut par exemple le cas en 2004 à Paris.
-
[9]
Il s’agit de Linda Besso et de ses trois enfants, Jacqueline, Janine et Freddy Besso. Mail de Sarah Francis à C. Kaiser, 19 décembre 2017.
-
[10]
Dans un mail adressé à Sarah Francis, Xavier de Zuchowicz se demande ainsi si « cette démarche ne porterait pas atteinte aux règles constitutionnelles sur la laïcité et la liberté d’opinion ». Mail de Xavier de Zuchowicz, du 23 septembre 2011, transmis par Sarah Francis à Claire Kaiser, op. cit.
-
[11]
X. de Zuchowicz, ibid.
-
[12]
Xavier de Zuchowicz contacté par C. Kaiser, n’a pas souhaité commenter cette décision, dans la mesure où « il s’agit d’une décision collective de la municipalité, qu’il a portée ès qualités, en tant qu’élu référent, mais qui a trop été souvent présentée, notamment sur Internet, comme une décision personnelle le nommant », ainsi que nous l’a fait savoir Jean Gugol, Directeur Général des Services, dans un mail en date du 24 juillet 2017. C’est donc ce dernier qui a répondu à nos questions et apporté des précisions supplémentaires.
-
[13]
Loi portant sur le statut des Juifs, 3 octobre 1940, signée du Maréchal Pétain et publiée au Journal officiel le 18 octobre 1940. Le terme « race » est souligné par nos soins. Voir documents en annexe dans : Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton, Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, 2015 (1981), p. 555.
-
[14]
Loi du 2 juin 1941 remplaçant la loi du 3 octobre 1940 portant sur le statut des Juifs, publiée au Journal officiel le 14 juin 1941. L’expression en italique a été soulignée par nos soins. Cité d’après M. Marrus et R. Paxton, op. cit., p. 559.
-
[15]
Mail de Jean Gugol à C. Kaiser, 24 juillet 2017.
-
[16]
M. Marrus et R. Paxton, op. cit., p. 13.
-
[17]
Il s’agit de la rafle du 12 décembre 1941, lors de laquelle 743 Juifs furent arrêtés à Paris. Cette implication massive de la police allemande fut considérée comme une atteinte inacceptable à la souveraineté française en zone occupée. Ibid., p. 350, 328 et 337-338.
-
[18]
Le premier convoi de Juifs déportés part de Drancy pour Auschwitz le 27 mars 1942. Ibid., p. 327.
-
[19]
Ibid., p. 338.
-
[20]
Ibid., p. 342. Voir également 337-342. On peut rappeler que la zone non occupée est envahie le 11 novembre 1942 par les Allemands et les Italiens.
-
[21]
Ibid., p. 309. Sur le rôle de la police dans les rafles, voir également p. 350-400.
-
[22]
Mail de S. Francis à C. Kaiser, 19 décembre 2017.
-
[23]
Second mail de J. Gugol à C. Kaiser, 11 septembre 2017.
-
[24]
Lettre du Directeur Général des services, pour le maire de La Baule Yves Métaireau au Proviseur et aux élèves de 1re L du Lycée Grand Air de La Baule, en date du 11 juin 2018. Lettre transmise par Sarah Francis à C. Kaiser, mail du 23 juin 2018.
-
[25]
Louis Deslandes, Nuit d’enfer à Hambourg : Altona, nuit du 24 au 25 juillet 1943, Chantonnay, Mosée Éditions, 2004.
-
[26]
Douze périrent directement sous les bombes au phosphore et l’un des suites du typhus. Il faut rappeler que les travailleurs forcés étaient rarement autorisés à se réfugier dans les abris anti-aériens et que cela était totalement exclu pour les travailleurs issus des territoires de l’Est de l’Europe.
-
[27]
Voir l’article en ligne sur le site AltonaINfo-digitale zeitung, « Zwangsarbeiterlager Norderstraße : Gedenktafel und Stolpersteine werden enthüllt », 22 janvier 2013, URL : http://www.altona.info/2013/01/22/zwangsarbeiterlager-norderstrae-gedenktafel-und-stolpersteine-werden-enthllt/, consulté le 17 mai 2017.
-
[28]
La résolution 60/7 intitulée « Mémoire de l’Holocauste » a été adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 21 novembre 2005 et peut être consultée sur le site des Nations Unies, URL : http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/60/7&Lang=F, consulté le 13 juillet 2017.
-
[29]
Mail de Gaby von Malottki, archiviste aux archives municipales du quartier d’Ottensen (Stadtteilarchiv Ottensen) et membre du groupe de recherche, à C. Kaiser, en date du 15 juin 2017.
-
[30]
C’est Niki von Salisch, l’une des membres du groupe de recherche, qui a émis cette idée. Ibid.
-
[31]
Voir le site « Stolpersteine Hamburg » et notamment la rubrique « Projekt Biographische Spurensuche », URL : http://www.stolpersteine-hamburg.de/index.php?MAIN_ID=25, consulté le 13 juillet 2017.
-
[32]
La plaque commémorative porte l’inscription suivante : 25. JULI 1943 / BOMBEN AUF HAMBURG / DIESE ZWANGSARBEITER AUS DER VENDEE / FRANKREICH / STERBEN (25 juillet 1943 / Bombes sur Hambourg / ces travailleurs forcés de Vendée / France / meurent). Suivent ensuite les noms sur chacun des pavés.
-
[33]
Entretien téléphonique avec Serge Deau, 20 juillet 2017. Voir également : Michèle Besson, « Hambourg honore la mémoire de 13 Vendéens », Ouest-France, article en ligne, 2 novembre 2013, URL : http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/hambourg-honore-la-memoire-de-13-vendeens-1493222, consulté le 13 juillet 2013.
-
[34]
Anne Thomas, mail du 11 juillet 2017 à C. Kaiser.
-
[35]
Gunter Demnig, « Erste Stolpersteine in Frankreich sollen verlegt werden - Interview mit Gunter Demnig », dapd, 23 octobre 2012, URL : https://www.report-k.de/Kultur/Kunst/Erste-Stolpersteine-in-Frankreich-sollen-verlegt-werden-Interview-mit-Gunter-Demnig-12893, consulté le 10 juin 2017. Traduit par nos soins. On remarque qu’au moment de l’interview, G. Demnig évoque vingt pavés, alors que finalement seuls treize seront posés en Vendée et à Hambourg, ce qui est certainement le fruit d’une confusion, car dès le début du projet hambourgeois, il est question de treize victimes françaises.
-
[36]
Il s’agit des villages de Fontenay-le-Comte, Longèves, Beaulieu-sous-la Roche, L’Aiguillon-sur-Mer, Saint-Médard-des-Prés, Bourneau, Nieul-sur-l’Autise, Fontaines et Mervent.
-
[37]
À Bamberg, la Société Willy Aron (Willy-Aron-Gesellschaft) s’occupe de la pose de Stolpersteine. Le premier pavé a été posé à Bamberg en 2004 en l’honneur du jeune juriste juif Willy Aron. Depuis, plus d’une centaine de pavés a été posée dans la ville.
-
[38]
Il s’agit des deux petites-filles de Ferdinand Rapiteau, accompagnées de la première adjointe au maire, Marianne Léturgie.
-
[39]
Mail d’Anne Thomas à C. Kaiser, 19 mars 2018. Pour la Suède, où il n’y a pour l’instant aucun pavé, G. Demnig envisage également de poser conjointement des Stolpersteine dans ce pays et en Allemagne. A. Thomas, ibid.
-
[40]
Voir la conférence de G. Demnig dans ce numéro.
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[41]
Plusieurs autres lieux furent également évoqués. En Vendée, par exemple, la famille d’une des victimes a suggéré de poser les pavés dans le cimetière, ce qui fut refusé, dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un lieu de passage. Ces informations ont été recueillies lors de l’entretien téléphonique de C. Kaiser avec Serge Deau, 20 juillet 2017. On comprend dès lors plus aisément pourquoi les monuments aux morts recueillirent l’assentiment de G. Demnig.
-
[42]
Dans un entretien téléphonique du 16 juin 2016, C. Woehrle indique d’ailleurs avoir proposé à G. Demnig, dans le cadre de son travail de doctorant, de faire des recherches sur des victimes non raciales pour contourner l’argument de la laïcité et permettre au projet de décoller en France.
-
[43]
Voir par exemple les ouvrages suivants : Patrice Arnaud, Les STO. Histoire des Français requis en Allemagne nazie, Paris, CNRS Éditions, 2010 - Helga Elisabeth Bories-Sawala, Dans la gueule du loup. Les Français requis du travail en Allemagne, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2010 - Raphaël Spina, Histoire du STO, Paris, Perrin, 2017.
-
[44]
Plus de 160 pavés ont été scellés dans les trottoirs de Dresde, notamment grâce à l’association Stolpersteine für Dresden e. V. On peut consulter le site de l’association à l’adresse suivante : http://stolpersteine-dresden.de.
-
[45]
Karine Ruillère, « Stratégies d’entraide et de survie face aux persécutions antisémites : le groupe familial Oferman-Rotbart dans la France des années 1930-1940 à travers l’étude de sa correspondance », mémoire de Master recherche 2e année, sous la direction de Patrick Cabanel, Université Toulouse Jean Jaurès, 2015.
-
[46]
Plusieurs maquis étaient localisés en Saône-et-Loire, notamment autour de Cluny où étaient positionnées des compagnies formant le « Commando de Cluny ». Voir Angélique Marie, « Mémoire des maquis et de la lutte armée en Bourgogne », in : François Marcot (dir.), La Résistance et les Français : lutte armée et maquis. Colloque international de Besançon, 15-17 juin 1995, Paris, les Belles Lettres, 1996, p. 463-464 et Stéphane Simonnet, Maquis et maquisards. La résistance en armes 1942-1944, Paris, Belin, 2015.
-
[47]
Les deux enfants du couple formé par Jacques Oferman et Fanny Rotbart purent échapper aux rafles et ne furent pas déportées : Annette la fille aînée était cachée dans une école catholique et Claudine fut sauvée par une voisine qui l’entraîna chez elle au moment de l’arrestation de sa mère, le 3 mars 1944. Joseph Rotbart, le frère de Fanny Rotbart, avait quant à lui été arrêté dès février 1943 pour faits de résistance. Claudine Rotbart était présente à Cluny en mars 2016 lors de la pose des pavés.
-
[48]
Un noyau dur s’est formé autour de cinq étudiants et a activement participé aux recherches et à l’organisation des commémorations lors des poses. Il s’agit de Samuel Amiel, Mélany Frouin, Florence Monchanin-Lion, Alyson Saldot et Julia Unzuetta.
-
[49]
Voir l’article d’Hélène Camarade dans ce numéro.
-
[50]
Voir Walid Salem, « Aux Bassins à flot, le Vril risque de partir en vrille », Rue 89 Bordeaux, 4 novembre 2015, URL : https://rue89bordeaux.com/2015/11/sur-les-bassins-a-flot-le-vril-risque-de-partir-en-vrille/, consulté le 10 décembre 2017. Voir également Denis lherm, « Bassins à flot à Bordeaux : la future soucoupe volante ne plaît pas à tout le monde », Sud Ouest, 5 novembre 2016.
-
[51]
Le 6 avril 1944, Klaus Barbie, responsable de la Gestapo à Lyon, ordonne l’arrestation et le transfert pour Drancy des 44 enfants et 7 adultes juifs de la colonie d’Izieu. À part trois d’entre eux, envoyés en camp de travail en Estonie, tous seront déportés à Auschwitz-Birkenau. Le 4 juillet 1987, à l’issue du procès qui s’est tenu devant la cour d’assises du Rhône à Lyon, Klaus Barbie est reconnu coupable de crimes contre l’humanité et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Voir Michel Zaoui, « La signature du crime contre l’humanité », in : Jean-Paul Jean, Denis Salas, Barbie, Touvier, Papon. Des procès pour la mémoire, Paris, Éditions Autrement, 2002, p. 33.
-
[52]
Philip Cordery a été député des Français du Benelux de 2012 à 2017.
-
[53]
Arguant de l’hostilité d’une partie de la communauté juive de la ville, le bourgmestre d’Anvers Patrick Janssen (PS) a refusé la pose des pavés, lors d’une première demande en 2011. Depuis 2013, son successeur Bart De Wever (N-VA) maintient ce refus pour les mêmes raisons, cette question divisant la communauté juive. Vingt-deux pavés, déjà financés et fabriqués, dont huit pour les enfants d’Izieu, sont ainsi en attente d’une autorisation. Mail de Nicole Weisman à C. Kaiser, 30 juin 2017. Voir également Géraldine Kamps, « Anvers et les pavés interdits », in : Regards, n° 883, avril 2017, URL : http://www.cclj.be/actu/politique-societe/anvers-et-paves-interdits, consulté le 14 décembre 2017.
-
[54]
Entretien téléphonique de C. Kaiser avec Isabelle Journo, 27 juin 2017.
-
[55]
Entretien téléphonique avec Serge Deau, 20 juillet 2017. C’est d’ailleurs un argument analogue – la référence aux monuments aux morts – qui, selon les précisions apportées par J. Gugol à C. Kaiser, a en partie pesé dans le refus de la mairie de La Baule. Voir supra.
-
[56]
Pour rappel, le mot Stolperstein est constitué de stolpern, trébucher, et de Stein, pierre. On traduit ce terme en français par « pierre d’achoppement » ou « pavé de mémoire ».
-
[57]
Lettre de Gérard Trémège à Toby Sonneman, en date du 19 décembre 2016, transmise par mail à C. Kaiser par Toby Sonneman le 17 novembre 2017.
-
[58]
Ainsi Ch. Woehrle, interrogé par C. Kaiser sur les refus essuyés, affirmait que « certains refus sont plutôt des non-réponses ». Mail du 18 juin 2017.
-
[59]
C’est dans le contexte d’une pose de Stolperstein à Mannheim à la mémoire de sa grand-tante que l’Américaine T. Sonneman décide de faire des recherches à Tarbes pour son cousin. Hyvet Halfen, pour sa part, tente sans succès depuis les Pays-Bas de faire poser un pavé à Paris pour sa tante maternelle.
-
[60]
S. Deau, entretien téléphonique du 20 juillet 2017.
-
[61]
L’ancienne loi de 1951 établissait une différence avec le statut des réfractaires au STO et ne leur reconnaissait pas le statut de victimes. Ce nouveau statut établi par le décret du 16 octobre 2008, paru au journal officiel le 5 novembre 2008, sous la signature du Secrétaire d’État à la Défense chargé des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, ouvre en outre le droit au port de l’insigne des réfractaires. Voir R. Spina, op. cit., p. 439 et p. 426-440.
-
[62]
La loi a été publiée suite à l’ordonnance allemande du 27 septembre et ne concerne au début que la zone occupée. Voir Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton, op. cit., p. 21-23 et 128.
-
[63]
Ibid., p. 149.
-
[64]
Il convient cependant de rappeler que les premières mesures contre les Juifs sont prises par le gouvernement de Vichy deux mois avant, dès l’été 1940, et ce avant même que les autorités allemandes n’en fassent la demande. Ainsi la loi du 22 juillet 1940 ordonne rétroactivement la révision des naturalisations obtenues après 1927. Si les Juifs ne sont pas directement mentionnés dans cette loi, selon l’historienne Claire Zalc, les critères utilisés, dès l’automne 1940 dans le cadre de cette politique de dénaturalisation montre bien que les Juifs en sont les premières cibles. Claire Zalc, Dénaturalisés, Les retraits de nationalité sous Vichy, Paris, Éditions du Seuil, 2016, p. 23-24 et 97-115.
-
[65]
René Raymond, interviewé par Annette Lévy-Willard, « L’historique de la traque des juifs », Libération, 5 juillet 1996. René Raymond fut le président de la commission sur le « fichier juif » révélé en 1991 par Serge Klarsfeld. Voir aussi R. Marrus et R. Paxton, op. cit., p. 312-352 : Les auteurs évoquent le tournant de l’été 1942, suite notamment au retour de Pierre Laval au gouvernement, qui outre les portefeuilles de l’Intérieur, de l’Information et des Affaires étrangères obtint le titre de chef de gouvernement.
-
[66]
R. Marrus et R. Paxton, op. cit., p. 337 et suivantes.
-
[67]
G. Demnig estime ainsi de manière très globale en 2012, que la mémoire de la collaboration aurait en partie constitué un frein au démarrage du projet en France, citant La Baule et Paris en exemple. L’artiste complète son jugement en évoquant également les plaques commémoratives déjà existantes, semblant suggérer une concurrence des modes de commémoration. Voir G. Demnig, « Erste Stolpersteine in Frankreich sollen verlegt werden - Interview mit Gunter Demnig », op. cit.
-
[68]
Olivier Wieviorka, La Mémoire Désunie. Le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Paris, Éditions du seuil, 2010, p. 23.
-
[69]
Éric Conan, Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Gallimard, 1996, (nouvelle édition 2013) p. 32.
-
[70]
Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Gallimard, 2001 (1992), p. 425.
-
[71]
O. Wieviorka, op. cit., p. 175-198.
-
[72]
Ibid., p. 184.
-
[73]
Ibid., p. 183.
-
[74]
Ibid., p. 185-186. Voir également Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, op. cit., p. 462. L’ouvrage de R. Paxton a en outre été publié deux ans après l’émotion considérable soulevée par la grâce accordée par Georges Pompidou au milicien Paul Touvier. Cependant, c’est autant l’ouvrage lui-même que les recensions dans la presse qui contribuèrent à sa notoriété, en en faisant un jalon incontournable de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. « Dès lors la lecture réelle ou par ouï-dire des thèses de Paxton n’a cessé d’accompagner les discours de toute sorte sur [le] passé de Vichy » (H. Rousso, ibid. p. 462).
-
[75]
Henry Rousso, « Le “syndrome de Vichy” : la justice, la mémoire et l’histoire », in : Jean-Jacques Becker, Annette Wieviorka (dir.), les Juifs de France, de la Révolution à nos jours, Paris, Liana Lévi, 1998, p. 401-402 : « Ces procès tardifs […], centrés uniquement sur la politique antijuive de Vichy […] ont joué un rôle non négligeable dans l’évaluation et la prise de conscience collective des responsabilités propres d’un gouvernement français dans l’un des plus grands crimes de l’histoire ».
-
[76]
O. Wieviorka, op. cit., p. 279.
-
[77]
Ibid., p. 242 : « L’intervention de Jacques Chirac, comme le procès Papon mirent donc un point final aux nombreuses controverses qui avaient, à de multiples reprises, perturbé le calendrier politique, soudant, d’autre part, un réel consensus, puisque la cause de Vichy semble aujourd’hui entendue. Seule une poignée de nostalgiques réclame, avec constance, que Philippe Pétain repose à Douaumont auprès de ses soldats. »
-
[78]
On peut ainsi rappeler que le 10 avril 2017, à deux semaines du second tour de l’élection présidentielle française, Marine Le Pen suscitait une vive polémique en affirmant que la France n’était pas responsable de la rafle du Vel’ d’Hiv. Eric Zemmour avait, de même, provoqué une controverse en 2014, par ses propos sur Vichy. Voir Robert O. Paxton « Polémique Zemmour : Vichy, une collaboration active et lamentable », in : Le Monde, 18 octobre 2014.
-
[79]
E. Conan, H. Rousso, op. cit., p. 36.
-
[80]
Ibid. Selon les auteurs, « en vingt ans, la mémoire de Vichy a changé à la fois d’échelle et de nature. Elle n’est plus matière à d’interminables controverses. Elle a fait, au contraire, l’objet d’un investissement considérable de la part de l’État, des associations, de l’opinion en général. Le problème public qui émerge au début des années 1990 de manière conflictuelle […] a débouché sur de véritables politiques publiques de mémoire, qui ont à leur tour lancé d’autres débats. »
-
[81]
Le terme est assez récent et date de 1995. Voir Sébastien Ledoux, Le Devoir de mémoire. Une formule et son histoire, Paris, CNRS Éd., 2016.
-
[82]
O. Wieviorka, op. cit., p. 251.
-
[83]
O. Wieviorka, op. cit., p. 257.
-
[84]
Ibid., p. 270
-
[85]
Ce que O. Wieviorka appelle la mémoire fragmentée. Voir supra.
-
[86]
C’est par exemple ce qu’a mis en évidence l’étude conduite en 2002 en Allemagne, Opa war kein Nazi, qui révèle entre autres que, malgré une politique mémorielle volontariste de la part de l’État fédéral allemand et une information intensive sur les crimes du nazisme, les petits-enfants, confrontés aux récits transmis par les grands-parents ne peuvent envisager que « grand-père était un nazi ». Ainsi a-t-on, d’un côté, une culpabilité collective admise, et de l’autre, un refus de reconnaître la responsabilité de sa propre famille. Voir Harald Walzer, Sabine Möller, Karoline Tschuggnall, « Opa war kein Nazi », Nationalsozialismus im Familliengedächtnis, Frankfurt am Main, Fischer, 2002 (traduit en français en 2013).
-
[87]
François Azouvi, Le mythe du grand silence. Auschwitz, les Français, la mémoire, Paris, Gallimard, 2015 (première édition 2012), p. 481.
-
[88]
Ibid., p. 481.
-
[89]
E. Conan, H. Rousso, op. cit., p. 88-89.
-
[90]
Voir le livre de Pierre Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand 1934-1947, Paris, Fayard, 1994. Lors de sa sortie en 1994, ce livre a placé François Mitterrand au centre d’une violente polémique.
-
[91]
O. Wieviorka, op. cit., p. 208-212.
-
[92]
Extrait du discours de Jacques Chirac, 16 juillet 1995. Le discours est consultable en ligne sur le site de la revue L’Histoire, URL : http://www.lhistoire.fr/discours-de-jacques-chirac-du-16-juillet-1995, consulté le 14 décembre 2017.
-
[93]
Annette Wieviorka, « Analyse du discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 », L’Histoire, 16 mars 2016. Article en ligne, URL : http://www.lhistoire.fr/analyse-du-discours-de-jacques-chirac-du-16-juillet-1995, consulté le 15 décembre 2017.
-
[94]
Voir Thomas Wieder, « Vel’ d’Hiv : M. Hollande réaffirme le rôle de la France », Le Monde, 23 juillet 2012.
-
[95]
Annette Wieviorka : « La participation de la France, une tache indélébile », entretien réalisé par Sonia de la Forterie, L’Humanité, 16 juillet, 2012. URL : https://humanite.fr/annette-wieviorka-la-participation-de-la-france-une-tache-indelebile, [consulté le 14 décembre 2017].
-
[96]
A. Wieviorka, ibid.
-
[97]
Anne Roekens, La Belgique et la persécution des Juifs, Bruxelles, Renaissance du Livre, 2010, p. 45-48.
-
[98]
Ibid., p. 64.
-
[99]
La « Loi relative au dédommagement des membres de la Communauté juive de Belgique pour les biens dont ils ont été spoliés ou qu’ils ont délaissés pendant la guerre 1940-1945 » a été votée le 20 décembre 2001 par le Sénat belge.
-
[100]
A. Roekens, op. cit., p. 117.
-
[101]
Guy Verhofstadt, « Discours du premier ministre Guy Verhofstadt, prononcé à l’occasion de la cérémonie en hommage aux « Justes » de Belgique et aux citoyens qui, au péril de leur vie, sont venus au secours des juifs persécutés pendant de l’occupation nazie », 8 mai 2007. Le texte peut être consulté en ligne, URL : http://www.presscenter.org/fr/pressrelease/20070508/discours-verhofstadt-les-justes, consulté le 26 juin 2018. Il avait déjà présenté des excuses en 2002 à Malines, principal camp de transit belge vers Auschwitz. Voir A. Roekens, op. cit., p. 118.
-
[102]
Ibid., p. 118. On peut rappeler que Bart De Wever, bourgmestre d’Anvers depuis 2013, refuse d’autoriser la pose de Stolpersteine dans la ville portuaire, à l’instar de son prédécesseur Patrick Janssen.
-
[103]
Freddy Thielemans, « Discours du bourgmestre de la ville de Bruxelles, Cérémonie de reconnaissance officielle de l’implication des autorités de la ville de Bruxelles en place pendant la seconde guerre mondiale dans la déportation des Juifs », 2 septembre 2012. Le texte peut être consulté en ligne, URL : http://www.cegesoma.be/docs/media/Accueil/DiscoursThielemans_sept2012.pdf, consulté le 20 décembre 2017.
-
[104]
C’est à Malines, dans la Caserne Dossin, que fut ouvert le 27 juillet 1942 un camp de transit en vue de la déportation des Juifs de Belgique. Entre le 4 août 1942 et le 31 juillet 1944, près de 25 000 Juifs, soit 40 % des Juifs du pays, y ont été internés et déportés vers Auschwitz-Birkenau. Voir A. Roekens, op. cit., p. 79.
-
[105]
Extrait de la résolution adoptée le 24 janvier 2013, dont le texte est consultable sur le site internet du sénat belge, URL : http://www.senat.be/www/?MIval=/publications/viewPub.html&COLL=S&LEG=5&NR=1370&VOLGNR=4&LANG=fr, consulté le 15 décembre 2017.
-
[106]
Nicolas Maetrelinck, « Le Sénat reconnaît la responsabilité de l’État belge dans les persécutions des juifs », 24 janvier 2013, Belga News, article en ligne sur le site de la rtbf, URL : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-senat-reconnait-la-responsabilite-de-l-etat-belge-dans-la-persecution-des-juifs?id=7914401, consulté le 14 décembre 2017.
-
[107]
Extrait de la résolution adoptée le 24 janvier 2013, op. cit.
-
[108]
A. Roekens, op. cit., p. 64.
-
[109]
Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), Bruxelles, Éditions Complexe, 2004, p. 46-47 et A. Roekens, op. cit., p. 61.
-
[110]
À titre de comparaison, en France environ 25 % de la population juive a été déportée et assassinée. Voir A. Roekens, op. cit., p. 87. Il faut également mentionner qu’une partie des secrétaires généraux, ces hauts fonctionnaires qui depuis l’exil du gouvernement belge à Londres assuraient la gestion de l’État, étaient souvent acquis aux idées de l’Ordre nouveau rallié au national-socialisme et membres du parti d’extrême droite Vlaams Nationaal Verbond (VNV) flamand ou du parti francophone Rex de Léon Degrelle. Voir M. Steinberg, op. cit., p. 23, 12 et 141-146.
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[111]
A. Roekens, op. cit., p 82-87 et douzième et treizième pages du deuxième cahier central, non numéroté. On ne peut s’empêcher de se demander si l’implication active de la police anversoise, qui a largement dépassé celles des autres villes de Belgique, ne jouerait un rôle dans les refus successifs de la mairie d’Anvers d’autoriser la pose de Stolpersteine dans cette ville, même si en 2007 le bourgmestre Patrick Janssen a présenté des excuses officielles. Voir supra.
-
[112]
Mail de Nicole Weismann à Claire Kaiser, 16 juin 2017.
-
[113]
Ibid. Le 11 février 2018, l’AMS a d’ailleurs scellé deux Stolpersteine à Anvers, passant outre le refus de la mairie. Voir « L’association pour la mémoire de la Shoah a posé deux pavés à Anvers sans autorisation », La Libre Belgique, 11 février 2018.
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[114]
Marion Kremp, « Fontenay : sur les pavés, la mémoire des déportés », Le Parisien, 23 avril 2018.
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[115]
Mail de Anne Thomas à C. Kaiser, 4 mai 2018.
-
[116]
Mail de Josette Mélinon, survivante de la rafle du 10 janvier 1944 en Gironde et présidente de l’association « Souvenir de Myriam ERRERA », à C. Kaiser, 28 juin 2018. Voir également le site de l’association : http://www.souvenirdemyriamerrera.fr, consulté le 29 juin 2018.
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[117]
David Foenkinos, Charlotte, Gallimard, 2014.
-
[118]
Ibid., p. 46 pour la collection Folio.
1En 2018, plus de 69 000 Stolpersteine [1] (« pavé de mémoire » ou « pierre d’achoppement ») ont déjà été posés par l’artiste allemand Gunter Demnig dans une vingtaine de pays européens, à la mémoire de victimes du nazisme. Si les premiers pavés apparaissent en Allemagne à partir de 1995, G. Demnig élargit rapidement son champ d’action à d’autres pays. Ainsi dès 1997, des pavés sont installés en Autriche qui en compte aujourd’hui (2018) plus de 600, puis à partir de 2007 en Hongrie et aux Pays-Bas, où il en existe désormais près de 3 000 [2]. Suivront, entre autres, la République Tchèque en 2008, puis la Belgique en 2009, jusqu’à la Grèce plus récemment (2016), et même l’Argentine, premier pays non européen à avoir accueilli en 2017 un pavé collectif à la mémoire d’enfants scolarisés à Buenos Aires, après avoir fui l’Europe sous domination nazie [3]. Désormais, l’artiste pose environ 5 000 pavés par an [4].
2Or, lorsque notre groupe d’enseignants-chercheurs de l’Université Bordeaux Montaigne prend l’initiative au printemps 2016 d’engager des démarches afin de faire sceller des pavés dans la capitale girondine [5], il n’en existe que 17 en France. Deux ans plus tard, il n’y en a guère que 35 dans l’Hexagone. En analysant les conditions de l’implantation des premiers pavés en France, nous chercherons à comprendre pourquoi, en comparaison avec d’autres pays européens, leur apparition a été relativement tardive et pourquoi leur nombre reste encore limité [6].
I. La situation en France : un état des lieux
Le cas de la Baule (2011)
3En avril 2016, dans le cadre d’une rencontre à Berlin afin de préparer sa venue à Bordeaux, G. Demnig regrettait que la mise en place de Stolpersteine en France soit si compliquée et que son projet ait tant de peine à démarrer de ce côté-ci du Rhin [7]. L’histoire de l’implantation des pavés en France a en effet commencé par un rendez-vous manqué, par un refus jugé en son temps aussi radical qu’incompréhensible [8] et dont l’impact fut déterminant dans la manière dont G. Demnig a appréhendé son travail en France. En 2011, La Baule a ainsi opposé une fin de non-recevoir à Sarah Kate Francis qui avait sollicité la mairie pour poser quatre pavés pour des victimes juives [9]. Le conseiller municipal en charge des relations avec les associations patriotiques, Xavier de Zuchowicz, a invoqué au nom du conseil municipal le respect du principe de laïcité dans le domaine public [10] et même envisagé de saisir le Conseil d’État « ou tout autre organisme officiel autorisé à nous répondre [11] » afin de vérifier si cette démarche ne portait pas atteinte aux règles de la République [12]. Cet argument sur la laïcité paraît assez surprenant dans la mesure où, d’une part, la religion des victimes ne figure pas sur les Stolpersteine et, d’autre part, la définition des Juifs dans la législation de Vichy n’est pas religieuse mais raciale. En effet, la loi du 3 octobre 1940 portant sur le statut des Juifs établit l’appartenance à la « race juive » en fonction de l’ascendance et non de la religion, ainsi que le stipule l’article 1er : « Est regardé comme juif […] toute personne issue de trois grands-parents de race juive ou de deux grands-parents de la même race, si son conjoint lui-même est juif [13] ». Et la loi du 2 juin 1941, remplaçant celle d’octobre 1940, confirme bien que l’appartenance religieuse n’est pas un critère décisif : « Est regardé comme juif, celui ou celle, appartenant ou non à une confession quelconque, qui est issu au moins de trois grands-parents de race juive […] [14] ». On peut en outre rajouter que les Stolpersteine ont vocation à honorer toutes les victimes sans distinction, persécutées pour raisons raciales ou pour raison politiques, les Juifs comme les résistants.
4En réponse à notre étonnement et à nos demandes de précision, Jean Gugol, Directeur Général des Services contacté par mail, a aussi évoqué « la gêne de certains élus » vis-à-vis du projet de G. Demnig dans « une ville à vocation touristique », d’autant « qu’aucune autre ville française n’avait alors installé de Stolpersteine ». Selon M. Gugol « la ville a considéré que la mémoire des victimes du nazisme serait honorée de façon plus officielle et consensuelle, collectivement, sur le monument aux morts communal, érigé spécifiquement pour commémorer et honorer les soldats et, plus généralement, les personnes tuées ou disparues par faits de guerre. À cet effet, sur ce monument aux morts baulois, ont été apposées deux plaques commémoratives, le 8 mai 2012, dont celle en la mémoire de 27 Juifs arrêtés le 15 juillet 1942 et déportés à Auschwitz [15] ». Ce faisant J. Gugol omet de mentionner que les plaques ont été apposées suite à une campagne de sollicitation intense menée par Sarah Francis et deux des descendants de la famille Besso, résidants en Angleterre. Sur la plaque commémorative, on peut lire : « Aux familles juives de la Baule-Escoublac déportées par l’occupant – 1940-1945 – Souvenons-nous ».
5La formulation utilisée (« déportées par l’occupant ») qui passe totalement sous silence la complicité de Vichy ne peut manquer de nous interpeller. Car si les si les rafles ont été ordonnées par l’occupant nazi, elles ont été exécutées par la police française avec la « participation énergique de l’administration traditionnelle » ayant procédé en amont au recensement des Juifs [16]. Ainsi, comme le précise Robert Paxton, de toutes les opérations menées en 1941, une seule a été effectuée majoritairement par les policiers allemands [17] et, à partir de 1942, lorsque l’Allemagne nazie met en place son programme génocidaire [18], c’est désormais à la politique de déportation que la police française prête main forte. Les ordonnances antijuives sont ainsi exécutées « en complète indépendance » par les forces de police de René Bousquet, dans le cadre d’une « politique étroite et permanente de collaboration [19] », sanctionnée par deux accords, les accords Oberg-Bousquet (août 1942 et avril 1943), garantissant à Vichy « la souveraineté en matière de police en zone occupée [20] ». Comme le souligne R. Paxton, c’est donc bien la police française qui « chargeait les Juifs dans les wagons [21] ».
6On remarque par ailleurs que la plaque commémorative ne mentionne ni noms, ni âges, ni dates d’arrestation, alors que ces indications existent bien pour les autres victimes inscrites sur le monument aux morts, ce que déplore Sarah Francis [22]. Enfin, à notre demande, M. Gugol confirmait qu’aucune demande n’avait été déposée par la municipalité auprès du Conseil d’État ou du Conseil Constitutionnel, alors que cet élément avait pourtant pesé dans le refus de la mairie de La Baule [23]. La mairie a d’ailleurs depuis réitéré son refus, puisqu’en juin 2018, elle n’a pas non plus donné suite à une nouvelle demande concernant toujours la famille Besso, mais émanant cette fois du Proviseur du Lycée Grand Air de La Baule. Là encore, le respect de la laïcité a été avancé ainsi que l’hommage plus consensuel que représenterait la plaque commémorative – pourtant lacunaire – sur le monument aux morts. Enfin, l’argument connu, selon lequel les pavés placés au sol constitueraient un manque de respect pour les victimes dont les noms pourraient être piétinés, a été repris à bon compte [24]. Ces éléments nous amènent à nous demander si ces refus successifs et la forme alternative de commémoration proposée (la plaque) ne masquent pas une réticence vis-à-vis de la remémoration dans l’espace public du rôle de la France dans la déportation des Juifs.
7C’est pourquoi après 2011, échaudé par la réaction de La Baule qui invoque, à mauvais escient ainsi que nous l’avons montré, un argument touchant à la religion des personnes concernées, G. Demnig s’est vu contraint de réorienter stratégiquement le choix des victimes hexagonales et d’honorer dans un premier temps des victimes non raciales, contrairement à l’immense majorité des cas dans lesquels des Stolpersteine ont été posés. Ce refus a en outre ralenti le démarrage du projet en France, considéré alors comme un pays peu enclin à accepter ce genre de commémoration.
1. L’apparition des premiers pavés en France : une initiative venue d’Allemagne
1.1. Hamburg – Vendée, octobre 2013
8Le processus qui a abouti à la pose des premiers pavés en France, en octobre 2013, est un processus compliqué et sinueux qui s’est effectué en trois temps distincts mais complémentaires. L’impulsion de départ a été donnée par Louis Deslandes, ancien requis du STO (Service du Travail Obligatoire) à Hambourg, et auteur du livre Nuit d’enfer à Hambourg [25] qui, en mars 2011, a envoyé une lettre au maire de Hambourg, Olaf Scholz (SPD). Il y relatait son internement pendant la Seconde Guerre mondiale avec d’autres travailleurs forcés dans un camp situé dans la Norderstraße à Altona, un quartier de Hambourg, ainsi que son sauvetage par Hans Ludwig Reineke, un Allemand croisé par hasard, lors des bombardements alliés qui détruisirent en partie la ville hanséatique dans la nuit du 24 au 25 juillet 1943, dans le cadre de l’opération Gomorrhe. Dans sa lettre, L. Deslandes revenait notamment sur le sort funeste de treize de ses camarades vendéens qui périrent cette nuit-là [26] et demandait à ce qu’on ne les oublie pas. À l’initiative du comité d’arrondissement d’Altona et sous la direction de la commission des affaires culturelles de la ville, un groupe de travail a alors été constitué à l’été 2011, en coopération avec le mémorial du camp de Neuengamme et les archives municipales [27]. Très vite Sielke Reineke, la belle-fille de Hans Ludwig Reineke, a été associée à ce groupe dont elle devint l’une des chevilles ouvrières. Elle prit alors contact avec L. Deslandes pour retrouver les traces des autres victimes françaises. Tous deux ont ensuite été épaulés dans leurs démarches par Serge Deau, neveu d’un des STO mort à Hambourg, qui assura la liaison avec les municipalités vendéennes.
9On le voit, dès le départ, la spécificité du projet est l’implication de divers acteurs, institutionnels et privés, allemands et français. Trois étapes, correspondant chacune à différentes modalités de réactivation de la mémoire, se sont alors succédé pour aboutir à la pose des pavés en France. La première étape s’est concrétisée le 27 janvier 2012 par un hommage aux treize STO français lors d’une commémoration officielle à Hambourg. Ce faisant, la municipalité fit le choix d’apporter, à la demande de L. Delandes, une réponse doublement institutionnelle : non seulement la manifestation a été organisée sous l’égide du comité culturel de la ville de Hambourg présidé par l’adjointe au maire, Stefanie Wolpert (die Grünen), mais la date choisie était celle de la Journée mondiale de commémoration de l’Holocauste. En effet, depuis 2002 les ministres de l’Éducation des États membres du Conseil de l’Europe ont instauré une « Journée de la mémoire de l’Holocauste et de prévention des crimes contre l’humanité » (déclaration du 18 octobre 2002). La date a été laissée au libre choix de chaque pays. La France et l’Allemagne optent pour le 27 janvier, jour anniversaire de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. En 2005, l’Organisation des Nations Unies leur emboite le pas par la résolution 60/7 qui fait du 27 janvier la « Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste [28] ».
10Cependant le caractère temporaire d’une telle manifestation ne constituait qu’une réponse partielle à la demande de reconnaissance de l’ancien STO qui souhaitait qu’une plaque commémorative soit apposée pour ses camarades [29]. C’est pourquoi, dans le cadre de la politique mémorielle de la ville, l’idée s’imposa rapidement de faire poser des Stolpersteine afin de pérenniser le souvenir des victimes françaises à Hambourg [30]. En effet, depuis 2006 la ville de Hambourg est à l’initiative d’un projet intitulé « Biographische Spurensuche - Stolpersteine Hamburg » (« Recherche de traces biographiques - Stolpersteine Hambourg ») qui rassemble environ 300 chercheurs et dont l’objectif est la collecte et la diffusion d’informations biographiques sur les victimes du national-socialisme ayant un pavé dans la ville portuaire de l’Elbe. En partenariat avec la Landeszentrale für politische Bildung Hamburg (« Agence régionale pour la formation politique à/de Hambourg ») et l’Institut für die Geschichte der deutschen Juden (« Institut d’Histoire des Juifs allemands »), de nombreux ouvrages sont régulièrement publiés et actualisés au fur et à mesure de l’implantation de nouveaux pavés [31]. Or, plusieurs membres du groupe de recherche dédié aux STO français étaient, via leur travail aux archives municipales, également associés au projet « Biographische Spurensuche ». En 2012, alors que Hambourg comptait déjà près de 4 000 Stolpersteine, le choix de dédier des pavés aux victimes vendéennes s’inscrivait donc très logiquement dans la continuité de ce projet local.
11C’est ainsi que put se concrétiser la deuxième étape : en janvier 2013, treize pavés et une plaque commémorative [32] ont été scellés devant le technisches Rathaus à Altona pour les treize STO français, en présence de membres de leur famille. Si l’initiative des poses revenait à un groupe de chercheurs allemands, la France était également associée au niveau institutionnel, puisque la Consule générale de France, Sylvie Massière, assistait à la cérémonie ainsi que Jean Chaize, président de l’Association des Travailleurs forcés déportés qui a en outre financé le voyage de la délégation française à hauteur de 8 000 € [33].
12Enfin, dans un troisième temps, eut lieu l’implantation de treize pavés en Vendée en octobre 2013. La volonté de sceller des pavés en France a émané de G. Demnig lui-même, qui, dès octobre 2012, en marge des discussions préparatoires à Hambourg a immédiatement envisagé d’intervenir conjointement en Allemagne et dans les villages d’où sont issus les requis du STO. Car conformément au concept développé par l’artiste, les pavés ont vocation à être posés devant les lieux où les victimes ont vécu par choix, et non sous la contrainte. Ainsi que le rappelle son assistante Anne Thomas, si G. Demnig « accepte le principe des pavés à Hambourg, alors il faut aussi qu’il y en ait en Vendée [34] ».
13Il s’agissait aussi pour l’artiste, fort de la coopération franco-allemande dont il était témoin dans le cadre du projet hambourgeois, d’ouvrir une brèche en France, ainsi qu’il l’a indiqué dans une interview en 2012 : « En janvier, 20 pavés seront posés pour des travailleurs forcés français à Hambourg […]. En parallèle, 20 pavés devront être posés dans leurs villages d’origine. J’imagine que, si une première pose a lieu, cela suscitera des demandes en France. En Norvège, cela s’est passé comme ça. Lorsqu’il y a un premier pavé, cela crée un précédent. Ensuite, nous pouvons continuer sur notre lancée [35] ».
14Et c’est ainsi que treize pavés ont enfin été posés en octobre 2013 dans neuf villages vendéens [36] à la mémoire de Daniel Boutin, Camille Charpentier, René Deau, Marcel Jaulin, Alexandre Lambert, René Paris, Roger Roulland, André Léger, Hilaire Mars, Guy Mercier, Pierre Rambaud, Pierre Trillaud et Jean Rossignol.
1.2. Bamberg – Gironde et Charente-Maritime, août 2015
15La deuxième implantation de Stolpersteine en France a résulté d’un processus assez similaire mais qui s’est étendu sur une période plus longue. L’origine indirecte de cette deuxième pose remontait en effet à juillet 2012, avant donc les poses à Hambourg, lorsqu’un pavé fut scellé à Bamberg pour Bernard Delachaux, prisonnier de guerre français, victime d’un tir de carabine en 1942. C’était la première fois en Allemagne qu’un pavé honorait la mémoire d’un Français et l’instigateur était un jeune doctorant alsacien, Christophe Woehrle, préparant une thèse à l’université de Bamberg sur les prisonniers de guerre français détenus en Allemagne. En 2012, il n’était pas encore question de poser en parallèle un pavé dans l’Hexagone. Deux ans plus tard en revanche, en novembre 2014, lorsque le jeune doctorant, en collaboration avec la Willy-Aron-Gesellschaft [37], fit de nouveau poser à Bamberg un pavé pour Ferdinand Rapiteau, prisonnier de guerre originaire de Coux en Charente-Maritime, mort en 1941, il fut prévu d’emblée qu’un pavé soit aussi scellé en France.
16Comme pour Hambourg, une délégation française s’était déplacée ainsi que les descendants de la victime [38], mais cette fois un palier supplémentaire fut franchi : au moment même où se déroulait la pose à Bamberg, une cérémonie était organisée en France devant le monument aux morts de la commune, où une plaque fut dévoilée pour Ferdinand Rapiteau. Mais surtout, point de convergence des commémorations, la lettre écrite en 1949 par le maire de l’époque à l’occasion du rapatriement du corps de Ferdinand Rapiteau dans son village natal, était lue simultanément à Bamberg et à Coux. La cérémonie charentaise permettait ainsi de s’associer à distance au geste mémoriel qui avait eu lieu en Bavière, comme une répétition générale avant la pose en France.
17Par ailleurs, afin de donner plus d’écho à la venue de G. Demnig en France et éviter qu’il ne se déplace pour un seul pavé, C. Woehrle a effectué, dans le cadre de son travail doctoral, des recherches supplémentaires ainsi que les démarches nécessaires pour que soient aussi honorés trois autres prisonniers de guerre français, morts en Bavière. C’est ainsi qu’en août 2015 furent posés en tout quatre pavés en Gironde et en Charente-Maritime, à la mémoire de Ferdinand Rapiteau (Coux), Jean Léger (Cartelègue), Adolphe Maurice Breret (le Grand village plage) et Fernand-Mathieu Lasperches (La Brède).
18À l’aune de ces deux exemples datant de 2013 et 2015, quelques remarques s’imposent. On le voit, dans un premier temps, les poses en France sont conçues comme le prolongement des poses en Allemagne. Les deux événements sont à chaque fois envisagés conjointement, dans une perspective binationale, le volet allemand précédant toujours le volet français. En ce sens, l’étape allemande constitue un levier, une étape anticipatoire à la concrétisation en France. L’une des premières conséquences est que les victimes françaises honorées en Allemagne ont toutes un deuxième Stolperstein dans l’Hexagone. Ces doubles pavés ne constituent cependant pas une spécificité française, puisqu’un processus analogue a eu lieu aux Pays-Bas [39] et que le Kazakhstan pourrait à son tour recevoir des Stolpersteine, dans la mesure où il y a déjà un pavé à Magdebourg à la mémoire d’un prisonnier kazakh tué en pleine rue par un membre de la SS [40].
Pavé pour Ferdinand Rapiteau, Bamberg
Pavé pour Ferdinand Rapiteau, Bamberg
Pavé pour Ferdinand Rapiteau, Coux
Pavé pour Ferdinand Rapiteau, Coux
21Une autre spécificité française est l’installation des pavés devant les monuments aux morts et non devant les lieux de vie des victimes, ce qui déroge au concept initialement élaboré par G. Demnig. Que ce soit en Vendée, en Gironde ou en Charente-Maritime, si l’artiste a accepté de poser des pavés devant des lieux de mémoire plus institutionnels, c’est par pragmatisme, pour donner enfin le coup d’envoi à son projet en France. En effet, dans ces petites communes rurales, certains lieux d’habitation pressentis pour la pose étaient soit trop excentrés, soit situés au bord de routes en terre dépourvues de trottoirs, incompatibles donc avec le scellement de pavés. Stratégiquement, ce choix permet également d’accroître la visibilité des pavés, ainsi placés au centre des villages [41].
Gunter Demnig pose un pavé pour Jean Léger, Cartelègue
Gunter Demnig pose un pavé pour Jean Léger, Cartelègue
Pavé pour Adolphe Maurice Breret le Grand village plage
Pavé pour Adolphe Maurice Breret le Grand village plage
24Enfin, une dernière spécificité est le statut des victimes : les pavés français de cette première phase ne sont pas dédiés à la mémoire de victimes juives, comme c’est majoritairement le cas dans les autres pays européens, mais de victimes du STO ou de prisonniers de guerre. Nous l’évoquions au début, c’est la conséquence du premier refus essuyé par G. Demnig. En effet, en réaction à la réponse de La Baule arguant fallacieusement de l’incompatibilité des Stolpersteine avec le principe de laïcité français, l’artiste dut privilégier des victimes non juives pour ne pas tomber sous le coup de l’argument constitutionnel invoqué [42]. Il ne faut pas manquer enfin d’évoquer le hasard des parcours individuels et des recherches personnelles de ceux qui furent à l’origine des premières poses en France. Ainsi Louis Deslandes, voulait raviver la mémoire de ses camarades requis du STO, à l’heure où l’on commence à reconsidérer leur place et où les recherches voient le jour en France [43] alors que le travail doctoral de Christophe Woehrle sur les prisonniers de guerre l’a tout naturellement orienté vers cette catégorie de victimes.
2. Une deuxième vague à partir de 2016 : le relais des associations et des institutions scolaires et universitaires
25Un deuxième type d’initiative émerge à partir de 2016 au sein d’institutions scolaires ou universitaires françaises, en lien avec des projets pédagogiques, artistiques ou scientifiques initiés de manière individuelle par des enseignants.
2.1. Cluny (Saône-et-Loire) – Lycée La Prat’s, mars 2016
26La première initiative française a été menée par Catherine Labergerie-Girbig et Chantal Clergue, respectivement enseignante et CPE au Lycée La Prat’s à Cluny, près de Mâcon, dans le cadre d’un projet mémoriel interdisciplinaire impliquant sur deux ans une dizaine de professeurs et une quarantaine de lycéens. Intitulé « Matricule 35494 » en hommage à Marie-Louise Zimberlin, professeure de français arrêtée en plein cours en février 1944 et déportée à Ravensbrück, le projet a donné lieu la première année, à partir de mars 2015, à de nombreuses expositions, des rencontres avec des résistants et d’anciens déportés ainsi qu’à des visites de mémoriaux. Pour le deuxième volet, prévu l’année suivante, C. Labergerie-Girbig suggère de faire poser des Stolpersteine à Cluny. Enseignante d’allemand dont le mari est originaire de Dresde [44], elle connaît le travail de G. Demnig. Suite aux recherches menées par Karine Ruillère, professeure d’histoire géographie auteure d’un mémoire sur les persécutions antisémites dans la France des années 1930-1940 [45], il est décidé d’honorer la mémoire de la famille Oferman-Rotbart, une famille juive polonaise assignée à résidence à Cluny et arrêtée en 1944.
27Si l’adhésion du maire de Cluny est immédiate et entière et si le projet est largement soutenu au sein du collège, cette démarche se heurte néanmoins localement à l’hostilité de certains résistants qui y voit une confiscation de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale à Cluny, considéré comme un haut lieu de la résistance [46]. En dépit de cette concurrence mémorielle, cinq pavés sont posés en mars 2016 à la mémoire de Jacques Oferman, Fanny Rotbart, Joseph Rotbart, Claudine Rotbart et Annette Oferman [47]. Ce sont les premiers pavés posés en France pour des victimes juives.
2.2. Bordeaux et Bègles – Université Bordeaux Montaigne, avril 2017
28Les villes de Bordeaux et Bègles vont suivre en avril 2017, dans le sillage d’un projet initié par un groupe d’enseignants-chercheurs et d’étudiants de l’Université Bordeaux Montaigne. Suite à un séjour de formation-recherche à Berlin avec des doctorants français et allemands sur la mémoire européenne, deux germanistes Hélène Camarade et Claire Kaiser décident en mars 2016 d’engager des démarches pour faire poser des pavés à Bordeaux. Afin de mettre en avant à parts égales la dimension mémorielle et artistique du travail de G. Demnig, il est décidé d’élargir le cadre du projet et de travailler avec l’historien Nicolas Patin et l’artiste plasticien Pierre Baumann, tous deux également enseignants-chercheurs à l’Université Bordeaux Montaigne, et d’y associer des étudiants en arts plastiques et en études germaniques [48]. Après plusieurs séances communes de recherche en archives, et afin de privilégier la pluralité des mémoires, le choix du groupe se porte sur des victimes aussi bien françaises qu’étrangères, persécutées pour raisons raciales et pour raisons politiques : cinq membres d’une famille juive d’origine polonaise assassinés à Auschwitz, trois résistants autrichiens arrêtés à Bordeaux et envoyés en déportation et un couple de résistants français arrêtés à Bègles.
29Se met alors en place un travail intense de communication à l’attention de la mairie de Bordeaux, à la fois pour exposer les enjeux du projet et obtenir les autorisations nécessaires. Si le projet est d’emblée soutenu par le Consulat Général d’Allemagne à Bordeaux, le Goethe-Institut et le centre Yavné, une réticence est à craindre de la part de la municipalité en raison du jumelage entre Bordeaux et Munich, cette dernière étant la seule ville allemande à refuser les pavés sur ses trottoirs [49]. Par ailleurs, une polémique autour de l’installation de l’œuvre d’une artiste anglaise, Suzane Treister, devant l’ancienne base de sous-marins allemands sur la Garonne, transformée en centre dédié à l’art contemporain, a contribué à créer localement un contexte sensible autour de la question de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale [50]. Malgré nos craintes, notre initiative reçoit un accueil très favorable et un accord de principe est immédiatement donné par Marik Fétouh, adjoint au maire de Bordeaux en charge de l’égalité et de la citoyenneté, mais le projet reste soumis à l’acceptation finale du maire Alain Juppé (UMP) après validation par une commission interne.
30Une première autorisation, définitive cette fois, est très rapidement obtenue de la ville de Bègles après une unique et chaleureuse rencontre avec le maire Noël Mamère (EELV). Les soutiens institutionnels et associatifs, tout comme l’accord donné par Bègles, qui dépend de la même communauté urbaine que Bordeaux ayant peut-être accéléré le processus décisionnel bordelais, la mairie de Bordeaux donne à son tour son aval. Et les 6 et 7 avril 2017, dix Stolpersteine sont posés pour la première fois dans des grandes villes françaises. À Bordeaux, cinq pavés sont scellés place Saint Pierre à la mémoire de Chana et Abraham Baumgart et de leurs enfants, Léon Henri Kociolek, Bernard Baumgart et Roland Baumgart, alors que devant l’ancien Fort du Hâ, où étaient internés les résistants et les otages détenus par les nazis, trois pavés sont dédiés à Fritz Weiss, Alfred Loner et Alfred Gottfried Ochshorn. Enfin à Bègles, deux pavés honorent la mémoire de Paula et Raymond Rabeaux.
2.3. Belley (Ain) – Lycée du Bugey, mai 2017
31La pose de pavés qui a eu lieu en mai 2017 à Belley, près de Lyon, est née d’une collaboration entre le lycée du Bugey et diverses associations et s’est articulée en deux volets, au départ totalement indépendants l’un de l’autre, mais qui finiront par se rejoindre. Le premier volet est une action qui débute en Belgique en 2014, sous l’impulsion de l’AMS (Association pour la Mémoire de la Shoah) et de Bertrand Wert, un des administrateurs du mémorial de la Maison d’Izieu, résidant en Belgique. L’objectif est de faire sceller des Stolpersteine à la mémoire de treize enfants juifs d’origine belge réfugiés à la colonie d’Izieu, près de Lyon, raflés le 6 avril 1944 sur ordre de Klaus Barbie [51]. Comme ce fut le cas à Hambourg et Bamberg, la France est présente à travers ses institutions puisque l’ambassade de France soutient cette action et que le montant des treize pavés est en outre pris en charge par Philip Cordery, député (PS) des Français de l’étranger, au titre de sa députation [52]. Sur les treize pavés, seuls cinq pourront être scellés en novembre 2015 à Bruxelles et à Liège, la ville d’Anvers refusant toujours de donner son autorisation [53]. Or, parmi les trois pavés posés à Liège, l’un est dédié au jeune Marcel Bulka, qui était scolarisé au Collège moderne de Belley à quelques encablures d’Izieu.
32Le deuxième volet débute pour sa part début 2015. Il s’agit dans un premier temps d’un projet axé sur le génocide rwandais, initié par Isabelle Journo et Mélanie Martinod, deux enseignantes du Lycée du Bugey dans la commune de Belley. Intitulé « mémoires tissées », ce projet, qui est entre autres soutenu par la Maison d’Izieu et la Maison de la danse de Lyon, s’interroge sur le rôle de l’art dans la réactivation de la mémoire et doit aboutir à la rencontre d’élèves de Kigali et de Belley. Mais, en raison du manque de moyens financiers et dans le contexte sensible qui a suivi les attentats de Paris en novembre 2015, le projet n’aboutit pas et se réoriente vers une réflexion croisée sur le génocide des Tustsi au Rwanda et l’extermination des Juifs d’Europe, pour finalement se recentrer uniquement sur la mémoire de la Shoah. C’est dans ce contexte que Nicole Weisman, présidente de l’AMS, et déjà en contact avec les enseignantes de Belley via la Maison d’Izieu, évoque les Stolpersteine. Car, outre Marcel Bulka, trois autres adolescents juifs de la colonie d’Izieu étaient scolarisés au collège de Belley, qui devint un lycée à l’après-guerre. Cette suggestion rencontre rapidement un écho très favorable et de nombreuses personnes ou associations proposent de financer un Stolperstein (proviseur, association d’anciens élèves, association de déportés) [54]. Et en mai 2017, quatre pavés sont posés devant le lycée du Bugey à la mémoire de Max Balsam, Marcel Bulka, Henri Goldberg et Maurice Gerenstein.
II. Les difficultés et les entraves : hypothèses
33Les recherches effectuées auprès des différents instigateurs à l’origine des poses, aussi bien français qu’allemands, permettent d’émettre plusieurs hypothèses sur le nombre relativement limité de pavés en France. En 2018, trois ans après le premier coup d’envoi, on n’en dénombre en effet que 35. Deux entraves majeures semblent se dessiner.
34L’un des premiers obstacles est sans nul doute la méconnaissance des Stolpersteine en France. Son corollaire, la difficulté à faire comprendre la démarche de G. Demnig et ses enjeux spécifiques est un élément souvent cité. Ainsi, S. Deau qui, en tant que neveu d’un des requis du STO à Hambourg, a pourtant contribué à la première implantation de pavés en Vendée affirmait ne pas saisir l’intérêt de ces pavés alors qu’existaient déjà des monuments aux morts, jusqu’à ce qu’il effectue un voyage à Hambourg sur les traces de son oncle et découvre in situ en Allemagne les pavés pour les victimes du nazisme [55]. Autre exemple emblématique, lors d’une première prise de contact en juin 2016, la mairie de Bordeaux s’inquiétait en premier lieu de savoir si ces pavés ne risquaient pas de causer des accidents dans l’espace public qui entraîneraient sa responsabilité, puisque l’objectif affiché par les Stolpersteine [56] jusque dans leur nom est de faire trébucher les passants. La réponse de la mairie de Tarbes en 2016, suite aux nombreuses sollicitations de l’Américaine Toby Sonneman pour faire poser un pavé à la mémoire de son cousin Uszer Kahan, illustre également cette méconnaissance des enjeux qui peut aussi parfois entrer en concurrence avec d’autres types de commémoration, privilégiés localement. Le maire Gérard Trémège (UMP) a ainsi motivé son refus par le projet de la ville d’ériger, dans le cadre de la rénovation du musée de la Déportation de Tarbes, un Mur du souvenir « sur lequel Uszer Kahan aura toute sa place [57] ». Quant à certaines mairies, elles ne prenaient même pas la peine de répondre aux sollicitations [58], tant le concept des Stolpersteine leur est étranger. Cependant, une fois le contact établi, l’accueil a été dans la plupart des cas favorable, les réticences étant finalement marginales et souvent dépassées après explicitation de la démarche. Autre corollaire de cette méconnaissance du travail de G. Demnig en France, les quelques personnes qui pensent à faire poser des pavés ont nécessairement un lien particulier avec l’Allemagne : les germanistes Claire Kaiser et Hélène Camarade, l’AMS, l’enseignante d’allemand Catherine Labergerie-Girbig. Parfois ce sont aussi des personnes étrangères, déjà familières des Stolpersteine, qui souhaitent en faire poser en France pour un membre de leur famille, ce qui ne facilite pas leurs démarches, effectuées à distance dans une langue qu’ils ne maîtrisent pas toujours. C’est le cas, par exemple, de Toby Sonneman pour Tarbes et de la Néerlandaise Yvet Halfen pour Paris [59].
35Cette méconnaissance va parfois de pair avec la méfiance de certains groupes de victimes, dont le statut ne fut reconnu que tardivement et qui, en conséquence, accueillent avec prudence – voire avec une certaine défiance – l’initiative de G. Demnig. Ainsi, en Vendée en 2015, il fallut vaincre les réticences des familles qui ne « souhaitaient pas remuer [un] passé [60] » d’autant plus douloureux que les requis du STO furent longtemps considérés comme des collaborateurs de l’Allemagne nazie. Ce n’est d’ailleurs qu’en 2008, par le décret du 18 octobre, qu’ils furent reconnus comme « Victimes du Travail Forcé en Allemagne nazie » et non plus assimilés à de simples « personnes contraintes au travail », comme le stipulait jusque-là la loi de 1951 [61].
36Les difficultés administratives et organisationnelles constituent certainement le deuxième obstacle majeur : sans relais spécifique, les démarches pour faire aboutir les poses sont en effet compliquées et très chronophages. L’exemple de Bordeaux est, à cet égard, emblématique. Dans une ville de cette taille avec plus de 250 000 habitants, les instances décisionnelles sont à la fois éloignées du simple citoyen et multiples : il a fallu ainsi obtenir à la fois l’autorisation de la mairie, de la voirie puisque les trottoirs sont impactés, du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, propriétaire foncier de l’esplanade sur laquelle devaient être posés trois des pavés, de l’agglomération urbaine des 28 communes de la métropole bordelaise (Bordeaux Métropole) et enfin de la Direction régionale des Affaires culturelles au titre des monuments historiques dans la mesure où le centre-ville est, selon les secteurs, soit classé soit protégé. Il a ensuite fallu remplir un dossier préalable à toute manifestation sur la voie publique et produire une assurance « garantissant les risques inhérents à la manifestation ». À cela s’est ajoutée la constitution d’un dossier technique présentant les procédés de pose et le matériel nécessaire à l’attention des agents de la voirie, seuls habilités à manier le marteau-piqueur en secteur protégé. À chaque nouvelle étape, à chaque nouvel interlocuteur, on se voit contraint d’expliquer de nouveau le sens de l’action envisagée. Le projet bordelais a ainsi demandé un an de démarches, incluant de nombreuses rencontres avec les élus et les services administratifs et techniques. Cependant les aléas liés aux questions d’organisation et au fonctionnement administratif ne doivent pas masquer l’accueil enthousiaste suscité par ce projet : ainsi les réactions positives et les soutiens ont été nombreux dans les différents services municipaux, mais aussi auprès des institutions et des associations approchées ou du public en général, si bien que lors des poses l’assistance a été à chaque fois nombreuse.
37Indépendamment des situations locales, il faut de toute façon envisager une action sur le long terme, puisque G. Demnig étant très sollicité, le temps d’attente pour toute intervention est de plus d’un an ce qui peut décourager les initiatives individuelles. Pour chacune des poses hexagonales, il s’est ainsi écoulé entre un et deux ans entre la genèse du projet et sa concrétisation. Chaque nouveau demandeur est en outre un néophyte qui découvre à la fois les arcanes de l’organisation de G. Demnig, via son site Internet (stolpersteine.eu), et souvent aussi les méandres de l’administration française. À l’inverse en Allemagne, par exemple, de très nombreuses associations se sont constituées pour effectuer des recherches sur les victimes et faciliter voire assurer elle-même les démarches administratives. On y dénombre presque autant d’associations que de villes accueillant des pavés : la Willy-Aron-Gesellschaft (Société Willy Aron) à Bamberg, Stolpersteine in Kassel e.V, ou encore Stolpersteine für Dresden, Stolpersteine-Berlin, Stolpersteine-Hamburg… De même en Belgique, c’est l’AMS (Association pour la Mémoire de la Shoah) qui gère les différentes demandes alors que pour Amsterdam, où plus de 250 pavés ont été posés, c’est Paul de Haan, un Néerlandais résidant à Berlin, qui assure la coordination entre G. Demnig et son pays d’origine.
38Enfin, le principe de laïcité qui a pu constituer une entrave au début ne semble plus pertinent aujourd’hui car l’on voit bien que, dans le cadre des initiatives portées par les institutions scolaires et universitaires, ce sont essentiellement des victimes juives qui sont honorées. Ainsi sur les 19 pavés posés depuis 2016, 14 l’ont été pour des victimes raciales. On peut légitimement considérer que l’argument constitutionnel invoqué à deux reprises à La Baule constitue une réserve localement limitée et non représentative.
39Une autre entrave parfois évoquée est la collaboration de la France avec l’Allemagne nazie, notamment en ce qui concerne la politique raciale menée par le régime de Vichy. En effet, en application de la loi du 3 octobre 1940 sur le statut des Juifs [62], la préfecture de police procède au recensement des Juifs français et étrangers et constitue « avec promptitude et efficacité [63] » les fameux fichiers sur les Juifs [64]. Si dans un premier temps, « la politique de Vichy est une politique d’exclusion qui repose sur le principe de la discrimination entre les Juifs et les autres », à partir de 1942, le gouvernement de Vichy intensifie sa collaboration et « accepte d’apporter le concours de son administration à l’exécution de la politique allemande de déportation [65] ». Ainsi que nous l’avons déjà évoqué, ce sont donc les policiers français qui pratiquent les rafles et les arrestations [66]. Il est certain que la collaboration constitue un souvenir sensible, localement attesté et concret, que tous ne souhaitent pas raviver. Cependant, expliquer la laborieuse implantation des pavés uniquement par la réticence de la France à affronter sa responsabilité dans les déportations raciales nous paraît insuffisant, même s’il est évident que cela peut dans certains cas avoir un impact [67].
40Ainsi que le souligne Olivier Wieviorka, « la mémoire de la Seconde Guerre mondiale apparaît, hier comme aujourd’hui, comme une mémoire fragmentée, conflictuelle et politisée qui sépare plutôt qu’elle ne rassemble [68] ». Plus singulièrement, le souvenir des années sombres de l’occupation a suscité les passions et les controverses et connu divers aléas. Si le mythe « résistancialiste [69] », imposé par la doxa gaulliste jusque dans les années 1960, a fait écran au rôle de Vichy et à la spécificité de la Shoah, la vision d’une France glorieuse a commencé à se fissurer à partir des années 1970, sous l’impulsion de la société civile et des associations juives notamment, dans le sillage de la parution de « la bombe de Robert Paxton [70] » La France de Vichy (1973) [71]. Dans son ouvrage, devenu depuis une référence, l’universitaire américain a à la fois brisé le mythe selon lequel Pétain aurait fait office de bouclier face aux exigences nazies et montré que la collaboration, loin de répondre à une demande allemande, avait émané de l’État français « soucieux de négocier la place du pays dans l’Europe nazie » et de maintenir sa souveraineté sur son territoire [72]. Quatre ans après le brûlot documentaire de Marcel Ophul Le chagrin et la pitié (1969) qui avait déjà fait polémique en montrant une France pétainiste plus prompte à collaborer qu’à résister, cette « histoire savante [73] », largement relayée dans les médias en raison de la controverse suscitée, a commencé à faire évoluer la perception de Vichy dans l’opinion publique [74]. Le refus du président Georges Pompidou de faire la lumière sur l’épisode vichyste et l’attentisme de son successeur Valéry Giscard d’Estaing en la matière devenaient dès lors plus difficilement tenables, d’autant que les associations juives ont commencé à demander des comptes et à porter leur revendication sur la place publique, à l’instar de Serge Klarsfeld qui publia en 1978 le Mémorial de la déportation des Juifs de France.
41Dans la foulée de ce premier soubresaut une prise de conscience collective s’est alors amorcée, alimentée par les grands procès (Klaus Barbie en 1987, Paul Touvier en 1994 et Maurice Papon en 1997-98) [75], « lorsque les Français (re)découvrirent la réalité de l’État français », ce qui a contribué à « ébranler [durablement] la doxa dans les années 1980 et 1990 [76] » et à réorienter le débat public vers les responsabilités du régime de Vichy. Et depuis le discours du Vel’ d’Hiv de Jacques Chirac, prononcé le 16 juillet 1995, le rôle de l’État français dans la déportation des Juifs de France semble faire largement consensus [77], même si ce rôle continue ponctuellement à être récusé de manière polémique par certains [78]. L’historien Henry Rousso considère, pour sa part, que la France de Vichy ne constitue plus un tabou aujourd’hui [79] et constate d’ailleurs, depuis les années 1990, une intensification des débats dans l’espace public autour du passé de Vichy et une augmentation des commémorations de la Shoah [80].
42Cependant, cette obsession pour les années sombres et la centralité mémorielle de la Shoah, doublées de l’injonction aujourd’hui récurrente du « devoir de mémoire [81] », ne sont pas sans effets pervers. On note ainsi l’émergence d’une certaine saturation vis-à-vis d’une focalisation jugée excessive sur les victimes juives, une irritation liée à « l’activisme de certains milieux juifs [82] » (l’apposition de plaques rappelant les déportations d’enfants par exemple) qui occulterait d’autres mémoires oubliées. À cela s’ajoute, chez certains, l’idée qu’il serait temps de passer à autre chose et de rompre avec la politique de la repentance. Ainsi que le souligne O. Wieviorka, l’exigence de vérité sur Vichy et le rappel des crimes commis par la France contredisent la revendication d’un roman national édifiant, reposant sur des valeurs communes exemplaires, permettant l’identification heureuse à la nation [83]. Cette crainte d’une représentation négative – voire d’une haine – de la France est d’ailleurs l’un des arguments repris par une partie de la droite française et exprimé par le président Nicolas Sarkozy, lors de son discours à Lyon en avril 2007 : « Je déteste cette mode de la repentance qui exprime la détestation de la France et de son Histoire. Je déteste la repentance qui nous interdit d’être fiers de notre pays [84] ».
43Ces éléments nous amènent à rappeler que la mémoire est traversée de phénomènes contradictoires [85] et que la reconnaissance, par l’État, de l’implication de la France ne signifie pas pour autant qu’au niveau local les responsabilités soient pareillement assumées. Ainsi, si le rôle joué par Vichy dans les déportations fait plutôt consensus, comme nous l’avons déjà évoqué, cette reconnaissance qui pointe les responsabilités au niveau abstrait de l’État peut s’avérer plus problématique à endosser à l’échelle locale, dans la mesure où il est bien plus aisé – et donc gênant – d’identifier et de retrouver les bourreaux parmi ses voisins. Ces décalages vont parfois de pair avec des réticences, voire des occultations, surtout quand il s’agit de mémoire individuelle [86].
III. Analyse comparée de la situation en Belgique : confirmation des hypothèses ?
44Évoquer la situation en Belgique peut s’avérer éclairant au regard de nos hypothèses : en effet, alors que le contexte mémoriel belge est moins favorable qu’en France à la reconnaissance des victimes juives et au rôle joué par l’État dans les déportations raciales, on y trouve beaucoup plus de pavés de mémoire. Comment comprendre cette différence numéraire ? Une comparaison permet-elle de confirmer les pistes autour des deux entraves majeures que constituent à nos yeux, d’une part, la méconnaissance des Stolpersteine et, d’autre part, les difficultés organisationnelles et administratives, alors que la mémoire du passé de Vichy aurait moins d’impact ? Il ne s’agit pas ici de faire l’état des lieux de la mémoire de la collaboration, mais de poser quelques jalons concernant les politiques publiques liées à la mémoire de la déportation des Juifs en France et en Belgique. Nous essayerons ainsi de comprendre pourquoi dans ces deux pays, ayant pratiqué une politique de collaboration avec l’occupant nazi et où le rôle de l’État a été tardivement reconnu, le nombre de Stolpersteine est si différent de part et d’autre.
45En France, selon François Azouvi, le discours prononcé le 18 juillet 1986 par Jacques Chirac en tant que maire de Paris et Premier ministre est un premier « exemple significatif de l’investissement de l’État dans la reconnaissance du génocide » et du « rôle de la France dans l’événement [87] ». Rendant hommage aux victimes de la rafle du Vel’d’Hiv (17 et 18 juillet 1942), J. Chirac évoque, dix ans avant son fameux discours de 1995, « la complicité active de certains de nos concitoyens », la « lâcheté » du gouvernement de Vichy qui, dit-il encore, a précédé la volonté de l’occupant dans la mise en œuvre de sa « volonté exterminatrice [88] ». Mais ce discours, resté assez confidentiel, ne fera pas date. Une autre étape significative est franchie au niveau institutionnel, lorsque le président François Mitterrand ordonne par décret en 1993 la création d’une journée nationale de commémoration des « persécutions racistes et antisémites commises sous l’autorité de fait dite “gouvernement de l’État français (1940-1944)” », instaurée le 16 juillet, date anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv. La formule utilisée (« sous l’autorité de fait dite ») nie cependant tout fondement légal à Vichy et le texte continue d’« éluder la question de la responsabilité du régime [89] ». Le président de la République charge également un comité d’ériger un mémorial à l’emplacement de l’ancien Vélodrome d’Hiver. Celui-ci est inauguré le 17 juillet 1994, la même année que la maison-mémorial d’Izieu, dont la construction a aussi été demandée par F. Mitterrand. Mais les atermoiements du président de la République (son amitié pour René Bousquet, le dépôt de gerbes sur la tombe de Pétain, sa mauvaise volonté à reconnaître les responsabilités de Vichy) ainsi que les révélations sur son passé vichyste [90] vont parasiter les efforts faits au niveau de la politique mémorielle publique [91]. Malgré les avancées qu’ils représentent, ces gestes de Mitterrand ne vont pas marquer les esprits.
46C’est le discours tenu par Jacques Chirac, le 16 juillet 1995, pour commémorer la rafle du Vel’ d’Hiv lors de laquelle 13 000 hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés, qui marque un tournant décisif dans la mémoire collective du passé de Vichy. Jacques Chirac, tout juste élu, y reconnaît en effet officiellement en tant que président de la République la responsabilité de l’État français dans la déportation et l’assassinat de 76 000 Juifs : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français [92] ». Selon Annette Wieviorka, « les années Chirac furent celles de l’apurement des comptes laissés par Vichy. À la suite du discours du 16 juillet 1995 […] était créée la mission d’étude sur la spoliation des biens des Juifs de France. Elle rendit ses rapports en 2000 à Lionel Jospin. Furent alors mises sur pied la Commission d’indemnisation des victimes des spoliations (CIVS), qui continue aujourd’hui encore son travail, et la Fondation pour la mémoire de la Shoah, dont Simone Veil fut la première présidente [93] ». En 2012, à l’occasion du soixante-dixième anniversaire de la rafle du Vel’ d’Hiv, le président François Hollande emprunte la voie ouverte par Jacques Chirac mais va plus loin que son prédécesseur, évoquant un « crime commis en France par la France » tout en rappelant que « pas un soldat allemand, pas un seul, ne fut mobilisé pour l’ensemble de cette opération [94] ». Dans une interview publiée en amont de cette commémoration, A. Wieviorka conclut que « la France a bel et bien rendu des comptes : aux niveaux judiciaire, symbolique et matériel [95] ». Et considère même qu’il n’est plus pertinent d’envisager au niveau institutionnel d’autres actions en réparation concernant la mémoire de la Shoah en France : « Aujourd’hui, je crois qu’il n’y a plus rien à attendre. Il n’y a plus aucune demande sur ce sujet [96] ».
47En Belgique, qui à partir de juin 1940 avait mis en place une politique de collaboration administrative, judiciaire et policière (ou selon les termes de l’époque, une politique d’« accommodation » ou d’« adaptation », la fameuse « politique du moindre mal ») [97] et avait appliqué « sans réserve les ordonnances antijuives [98] » édictées par les nazis, il faut en revanche attendre le milieu des années 2000 pour que soit amorcé un tel processus de reconnaissance politique. En effet, si dès 2001 une loi sur les restitutions des biens juifs est votée afin de dédommager les victimes de spoliation [99], la responsabilité de l’État belge est passée sous silence. Ce n’est qu’en 2004 que le Sénat belge confie au Centre d’Études et de Documentation Guerres et Sociétés Contemporaines (CEGES) la mission d’étudier une éventuelle responsabilité de l’État dans la déportation des Juifs de Belgique. En février 2007, le CEGES conclut dans un rapport de plus de 1 100 pages intitulé « La Belgique docile » à la complicité de l’État belge face aux exigences du programme génocidaire nazi. « Vu la gravité des faits dévoilés, la conclusion du rapport scientifique […] résonne bien au-delà des milieux académiques et suscite de nombreuses réactions [100] ». Le 8 mai 2007, lors d’une cérémonie d’hommage aux Justes, le Premier ministre Guy Verhofstadt présente des excuses et reconnaît la « responsabilité des autorités de l’époque [101] » dans l’Holocauste mais sans citer explicitement l’État belge. En octobre de la même année, le bourgmestre d’Anvers Patrick Janssen (PS) présente ses excuses au nom de la ville portuaire pour l’implication de sa police dans les rafles de l’été 1942, au grand dam de l’Anversois Bart De Wever, président de la N-VA (Nieuw-Vlaamse Alliantie, Nouvelle Alliance flamande) [102]. Cinq ans plus tard, le 2 septembre 2012, dans le cadre de la commémoration de la rafle bruxelloise de septembre 1942 lors de laquelle les premiers Stolpersteine sont officiellement inaugurés à Bruxelles, le bourgmestre de la ville Freddy Thielemans dénonce également dans une longue allocution de repentance « l’implication des autorités politiques et administratives de Bruxelles […] dans le processus de déportation des Juifs [103] ». Enfin, le 9 septembre 2012 à l’occasion du 56e pèlerinage de Malines [104], le premier ministre Elio Di Rupo franchit un pas supplémentaire en reconnaissant officiellement la responsabilité de l’État belge, et plus seulement des autorités locales ou « de l’époque ». Et le 24 janvier 2013, le Sénat, suivant la conclusion du CEGES et s’engageant dans le sillage d’Eli Di Lupo, adopte à l’unanimité une résolution sur « la responsabilité de l’État belge pour la persécution des Juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale ». Si la « collaboration des autorités belges » avec l’occupant allemand, « indigne d’une démocratie [105] », y est officiellement et fermement condamnée, cette reconnaissance tardive est déplorée par certains. « Il a été très difficile pour la Belgique de reconnaître sa responsabilité », a ainsi indiqué à l’issue du vote le sénateur Philippe Mahoux (PS) [106]. Il est intéressant de souligner, dans le cadre de notre réflexion, que la politique mémorielle de la France est citée en exemple. On peut ainsi lire page deux de la résolution : « Malgré les ouvrages d’historiens qui ont ouvert la voie à une appréciation plus critique de cette période, cette page sombre de l’histoire de la Belgique reste méconnue et n’a pas fait l’objet d’une reconnaissance officielle, contrairement à ce qui s’est produit en France [107] ».
48On le voit, la Belgique, comme la France, a pratiqué une politique funeste de « collaboration aveugle [108] » mais a reconnu encore plus tard son implication, notamment au sein des administrations communales de l’état civil qui, suite à l’ordonnance allemande du 28 octobre 1940, ont constitué avec plus ou moins de zèle selon les communes un registre des Juifs de Belgique [109], aboutissant à l’arrestation et à l’extermination de 40 % des Juifs du pays [110]. À cela s’ajoute le rôle de la police communale anversoise qui a été directement active dans les rafles à partir de l’été 1942, notamment celle des 28 et 29 août lors de laquelle le nombre des arrestations dépasse les exigences allemandes [111].
49Comment expliquer dès lors, dans un contexte d’avancées mémorielles plus tardif qu’en France, où la collaboration fut longtemps un point sombre non débattu de l’histoire belge, que plus de 250 Stolpersteine aient pu être posés en Belgique ? Il faut pour cela évoquer le rôle joué par l’AMS (Association pour la Mémoire de la Shoah), dont l’une des principales activités est justement la pose des pavés de mémoire. L’association existe depuis janvier 2005, où elle a été créée sous le nom d’APR (Association Pour la Restitution des biens volés aux Juifs) avec à l’époque un double objectif : l’obtention de réparations individuelles pour les spoliations subies et la réactivation du débat public sur la responsabilité de l’État belge. L’une des modalités d’action de l’APR, qui deviendra AMS en 2012, est notamment l’organisation d’actions mémorielles sur les lieux mêmes des rafles. C’est dans cette logique d’occupation de l’espace public qu’en 2009 un membre de l’APR fait poser deux Stolpersteine à Anderlecht, près de Bruxelles, à la mémoire de ses parents Berek et Pesa Swiatlowski Koronczyk [112]. Dans le sillage de cette première action, l’AMS décide dès 2009 d’initier d’autres poses et s’occupe désormais – mais sans aucun accord d’exclusivité – de réceptionner les demandes, de retrouver les traces aux archives de l’ancienne Caserne Dossin et d’obtenir les autorisations auprès des maisons communales concernées, avant de coordonner la venue de G. Demnig. Grâce à la mobilisation de l’AMS, qui prend en charge les recherches liées aux victimes, ainsi que toutes les démarches administratives, des poses sont organisées deux fois par an en Belgique. À tel point que les Stolpersteine commencent désormais à faire partie du paysage mémoriel belge et que les demandes se multiplient : en février 2018, 21 pavés se sont rajoutés aux 252 déjà existants et une cinquantaine de plus sont prévus en septembre 2018 [113].
50Or, malgré les avancées du travail de mémoire dans l’espace public, c’est justement une telle structure de coordination et de recherche qui fait défaut en France. C’est pourquoi la Néerlandaise Yvet Halfen, qui tente de faire poser des Stolpersteine à Paris, m’a contactée pour me faire part de son désarroi et avoir des conseils, ne sachant pas à quelle administration s’adresser, tout en avouant avoir peu de temps à consacrer à ces démarches. Cela a également été le cas de l’Américain Edwin Matthews qui cherchait également un relai et des conseils pour l’aider à implanter des pavés en France pour un membre de sa famille, alors que ce type de relai est justement fourni par l’AMS en Belgique. Cette analyse comparée tendrait donc à confirmer que les difficultés organisationnelles, sous-tendues par la méconnaissance du travail de G. Demnig, jouent un rôle peut-être plus déterminant que le rapport compliqué à un passé douloureux – ici celui de la collaboration – dans les difficultés d’implantation des pavés en France.
51À ce jour (été 2018), seuls 35 pavés ont été scellés en France dans une vingtaine de lieux. Ces poses sont le résultat de deux phases successives de nature très différente. La première phase, qui débute en 2013, est venue d’Allemagne portée par des chercheurs dans le sillage de poses organisées outre-Rhin pour des requis du STO et des prisonniers de guerre français morts en captivité. L’origine des victimes disparues en terre étrangère est évidemment déterminante puisque, selon le concept mémoriel développé par l’artiste, ce sont les lieux de vie choisis et non imposés sous la contrainte qui doivent être privilégiés pour les Stolpersteine. Cette première phase va alors bénéficier de l’implication personnelle de G. Demnig, avant même que les recherches biographiques menées par les instigateurs allemands n’aient abouti, alors qu’il ne s’engage en général qu’à l’issue des investigations et lorsque les autorisations ont été accordées : désireux d’ouvrir la voie en France, l’artiste va ainsi proposer d’emblée d’élargir à l’Hexagone les projets prévus initialement en Allemagne et de redoubler les pavés allemands par des pavés hexagonaux. Afin de faciliter l’installation et la visibilité des Stolpersteine, il va également accepter de les poser devant des monuments aux morts, ce qui, là encore, déroge à son concept initial mais permet d’amorcer un effet boule de neige sur lequel il compte pour initier, puis pérenniser, son travail en France.
52La deuxième vague, à partir de 2016, est cette fois le fruit d’initiatives françaises, menées au sein d’institutions scolaires et universitaires dans le cadre de projets pédagogiques ou de recherche. Ces initiatives, impliquant élèves et étudiants, sont portées de manière individuelle par des enseignants ou des enseignants-chercheurs ayant une proximité particulière avec l’Allemagne et qui assument sans relai spécifique les démarches administratives en vue d’obtenir les autorisations des mairies concernées. Lors de cette deuxième vague ce sont essentiellement des victimes juives, persécutées sous le régime de Vichy dans le cadre de sa politique collaborationniste avec l’Allemagne nazie, qui sont honorées. Et pour la première fois, en avril 2017, une grande agglomération, l’agglomération Bordeaux/Bègles, accueille des Stolpersteine, semblant donner une notoriété accrue à la démarche de G. Demnig en France.
53Cependant, aucune nouvelle pose n’a eu lieu après mai 2017, ni en 2018 (et aucune n’est d’ailleurs prévue d’ici la fin de l’année), à l’exception notable des faux pavés implantés à Fontenay en avril 2018 à l’initiative de Loïc Damiani, professeur d’histoire et adjoint municipal en charge du patrimoine (PC) [114]. Même si les pavés ont été présentés dans la presse comme résultant du travail de G. Demnig, l’artiste n’a rien à voir avec cette initiative, ainsi que le confirme Anne Thomas [115]. Certes, le plagiat de l’œuvre initiale est à la fois une appropriation et une sorte de consécration, mais il démontre également qu’il est plus simple, d’un point de vue logistique depuis la France, de contourner l’organisation et le protocole mis en place par l’artiste et de procéder soi-même aux poses. Enfin, deux poses sont prévues en 2019. L’une, à Libourne (Gironde), devrait avoir lieu le 29 avril à l’instigation de l’association « Souvenir de Myriam Errera » pour honorer neuf victimes, des Juifs français et étrangers ainsi que des résistants libournais [116]. L’autorisation a d’ores et déjà été accordée par la mairie. Quant à l’autre, elle devrait se dérouler en Alsace à la mémoire de victimes juives, sous l’impulsion de Christophe Woehrle, le doctorant français déjà à l’initiative des premières poses à Bamberg et en France (voir supra). Aucune date n’a encore été fixée. On le voit les nouvelles initiatives individuelles sont encore timides et, dans un cas, émane d’un instigateur déjà aguerri, et le fameux effet boule de neige escompté ne semble pas se faire ressentir avec autant de vigueur qu’espéré.
54En nous appuyant sur l’analyse des différents projets hexagonaux, nous pouvons donc émettre un faisceau d’hypothèses afin d’expliquer pourquoi la démarche de G. Demnig peine jusqu’à présent (2018) à prendre de l’ampleur. Un élément déterminant est certainement le caractère encore confidentiel du travail de l’artiste en France qui n’est, pour l’instant, pas encore contrebalancé par une présence significative de pavés dans l’espace public. Il y eut bien quelques recensions dans les journaux (papiers et télévisés) ainsi que sur les réseaux sociaux, mais cela reste cependant trop local pour toucher un public plus vaste. Cette confidentialité s’ancre plus largement en France dans une méconnaissance de l’Allemagne et de sa culture mémorielle. Pour le moment, les poses hexagonales sont donc le fait de germanistes ou d’instigateurs proches de l’Allemagne, assumant ainsi un rôle de défricheurs et de passeurs franco-allemands. À cela s’ajoutent les difficultés administratives et logistiques : l’absence de structures relais et de coordination qui pourraient, comme en Allemagne ou en Belgique par exemple, prendre en charge les démarches organisationnelles chronophages, jouent ici, ainsi que nous avons tenté de le montrer, un rôle non négligeable. La mémoire de la collaboration est également un aspect à prendre en considération. Même si, au niveau institutionnel, l’État a reconnu sa responsabilité dans les déportations raciales et si le rôle de Vichy fait aujourd’hui consensus, on ne peut préjuger localement des réticences à raviver dans l’espace public le souvenir des années noires. Certaines voix s’élèvent toujours pour relativiser, voire contester, l’implication de la France et dénoncer la politique de repentance. Par ailleurs, la critique parfois formulée à l’encontre de la surexposition de la Shoah, pouvant déboucher sur une concurrence des mémoires, peut aussi impacter l’implantation des pavés. Enfin, peut-être existe-t-il également en France une hésitation à s’emparer à titre individuel des questions de mémoire, doublée d’une tentation de déléguer ce champ aux institutions et aux historiens.
55Il faudrait désormais que d’autres formes de médiatisation prennent le relai. Ainsi la littérature parviendra peut-être à faire connaître davantage les Stolpersteine en France. En effet, dans son roman Charlotte [117], dédié à l’artiste peintre juive berlinoise Charlotte Salomon, David Foenkinos évoque-t-il les Stolpersteine, ces « petites plaques dorées au sol [118] » rencontrées dans les rues de Berlin. Prix Goncourt des lycéens en 2014 et Prix Renaudot la même année, ce roman contribuera peut-être à interpeller au-delà du cercle des initiés et à susciter, sinon des vocations, du moins la curiosité chez ses lecteurs.
Notes
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[1]
Chiffre donné par l’assistante de Gunter Demnig en charge des poses à l’étranger, Anne Thomas. Mail à C. Kaiser, 28 juin 2018.
-
[2]
En l’absence de base de données de la Fondation Gunter Demnig, les chiffres ont été obtenus par recoupement à partir du site internet de G. Demnig Stolpersteine.eu, du livre de Hans Hesse, Stolpersteine. Idee. Künstler. Wirkung, Essen, Klartexte Verlag, 2017 et des pages wikipedia en allemand dédiées aux Stolpersteine en Autriche (Stolpersteine in Österreich) et aux Pays-Bas (Liste der Orte mit Stolpersteinen, rubrique Niederlande).
-
[3]
Les pavés collectifs ou seuils d’achoppement (Stolperschwelle) honorent un groupe de personnes, sans que les noms ne soient toujours cités et ont une forme rectangulaire allongée à l’instar d’une traverse. Voir le site internet de G. Demnig Stolpersteine.eu et notamment, sous la rubrique aktuell, l’article intitulé « Oktober 2017- Erste Stolperschwelle außerhalb Europas », URL http://www.stolpersteine.eu/aktuell/, consulté le 10 janvier 2018.
-
[4]
Mail de Anne Thomas à Claire Kaiser, 27 janvier 2017.
-
[5]
Voir l’article de C. Baumann, H. Camarade, C. Kaiser et N. Patin dans ce dossier.
-
[6]
Comme il n’y a aucun ouvrage ni article scientifique dédié aux Stolpersteine en France, les résultats de recherche proposés ici sont le fruit d’un travail d’enquête et s’appuient essentiellement sur des entretiens téléphoniques et des échanges de courriers électroniques.
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[7]
Entretien mené par C. Kaiser lors de la rencontre du 21 avril 2016 à Berlin.
-
[8]
Ce refus concerne la première demande officielle faite auprès d’une mairie. D’autres approches plus informelles avaient déjà été engagées, mais sans jamais déboucher sur une demande d’autorisation. Ce fut par exemple le cas en 2004 à Paris.
-
[9]
Il s’agit de Linda Besso et de ses trois enfants, Jacqueline, Janine et Freddy Besso. Mail de Sarah Francis à C. Kaiser, 19 décembre 2017.
-
[10]
Dans un mail adressé à Sarah Francis, Xavier de Zuchowicz se demande ainsi si « cette démarche ne porterait pas atteinte aux règles constitutionnelles sur la laïcité et la liberté d’opinion ». Mail de Xavier de Zuchowicz, du 23 septembre 2011, transmis par Sarah Francis à Claire Kaiser, op. cit.
-
[11]
X. de Zuchowicz, ibid.
-
[12]
Xavier de Zuchowicz contacté par C. Kaiser, n’a pas souhaité commenter cette décision, dans la mesure où « il s’agit d’une décision collective de la municipalité, qu’il a portée ès qualités, en tant qu’élu référent, mais qui a trop été souvent présentée, notamment sur Internet, comme une décision personnelle le nommant », ainsi que nous l’a fait savoir Jean Gugol, Directeur Général des Services, dans un mail en date du 24 juillet 2017. C’est donc ce dernier qui a répondu à nos questions et apporté des précisions supplémentaires.
-
[13]
Loi portant sur le statut des Juifs, 3 octobre 1940, signée du Maréchal Pétain et publiée au Journal officiel le 18 octobre 1940. Le terme « race » est souligné par nos soins. Voir documents en annexe dans : Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton, Vichy et les Juifs, Paris, Calmann-Lévy, 2015 (1981), p. 555.
-
[14]
Loi du 2 juin 1941 remplaçant la loi du 3 octobre 1940 portant sur le statut des Juifs, publiée au Journal officiel le 14 juin 1941. L’expression en italique a été soulignée par nos soins. Cité d’après M. Marrus et R. Paxton, op. cit., p. 559.
-
[15]
Mail de Jean Gugol à C. Kaiser, 24 juillet 2017.
-
[16]
M. Marrus et R. Paxton, op. cit., p. 13.
-
[17]
Il s’agit de la rafle du 12 décembre 1941, lors de laquelle 743 Juifs furent arrêtés à Paris. Cette implication massive de la police allemande fut considérée comme une atteinte inacceptable à la souveraineté française en zone occupée. Ibid., p. 350, 328 et 337-338.
-
[18]
Le premier convoi de Juifs déportés part de Drancy pour Auschwitz le 27 mars 1942. Ibid., p. 327.
-
[19]
Ibid., p. 338.
-
[20]
Ibid., p. 342. Voir également 337-342. On peut rappeler que la zone non occupée est envahie le 11 novembre 1942 par les Allemands et les Italiens.
-
[21]
Ibid., p. 309. Sur le rôle de la police dans les rafles, voir également p. 350-400.
-
[22]
Mail de S. Francis à C. Kaiser, 19 décembre 2017.
-
[23]
Second mail de J. Gugol à C. Kaiser, 11 septembre 2017.
-
[24]
Lettre du Directeur Général des services, pour le maire de La Baule Yves Métaireau au Proviseur et aux élèves de 1re L du Lycée Grand Air de La Baule, en date du 11 juin 2018. Lettre transmise par Sarah Francis à C. Kaiser, mail du 23 juin 2018.
-
[25]
Louis Deslandes, Nuit d’enfer à Hambourg : Altona, nuit du 24 au 25 juillet 1943, Chantonnay, Mosée Éditions, 2004.
-
[26]
Douze périrent directement sous les bombes au phosphore et l’un des suites du typhus. Il faut rappeler que les travailleurs forcés étaient rarement autorisés à se réfugier dans les abris anti-aériens et que cela était totalement exclu pour les travailleurs issus des territoires de l’Est de l’Europe.
-
[27]
Voir l’article en ligne sur le site AltonaINfo-digitale zeitung, « Zwangsarbeiterlager Norderstraße : Gedenktafel und Stolpersteine werden enthüllt », 22 janvier 2013, URL : http://www.altona.info/2013/01/22/zwangsarbeiterlager-norderstrae-gedenktafel-und-stolpersteine-werden-enthllt/, consulté le 17 mai 2017.
-
[28]
La résolution 60/7 intitulée « Mémoire de l’Holocauste » a été adoptée par l’Assemblée Générale des Nations Unies le 21 novembre 2005 et peut être consultée sur le site des Nations Unies, URL : http://www.un.org/fr/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/60/7&Lang=F, consulté le 13 juillet 2017.
-
[29]
Mail de Gaby von Malottki, archiviste aux archives municipales du quartier d’Ottensen (Stadtteilarchiv Ottensen) et membre du groupe de recherche, à C. Kaiser, en date du 15 juin 2017.
-
[30]
C’est Niki von Salisch, l’une des membres du groupe de recherche, qui a émis cette idée. Ibid.
-
[31]
Voir le site « Stolpersteine Hamburg » et notamment la rubrique « Projekt Biographische Spurensuche », URL : http://www.stolpersteine-hamburg.de/index.php?MAIN_ID=25, consulté le 13 juillet 2017.
-
[32]
La plaque commémorative porte l’inscription suivante : 25. JULI 1943 / BOMBEN AUF HAMBURG / DIESE ZWANGSARBEITER AUS DER VENDEE / FRANKREICH / STERBEN (25 juillet 1943 / Bombes sur Hambourg / ces travailleurs forcés de Vendée / France / meurent). Suivent ensuite les noms sur chacun des pavés.
-
[33]
Entretien téléphonique avec Serge Deau, 20 juillet 2017. Voir également : Michèle Besson, « Hambourg honore la mémoire de 13 Vendéens », Ouest-France, article en ligne, 2 novembre 2013, URL : http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/hambourg-honore-la-memoire-de-13-vendeens-1493222, consulté le 13 juillet 2013.
-
[34]
Anne Thomas, mail du 11 juillet 2017 à C. Kaiser.
-
[35]
Gunter Demnig, « Erste Stolpersteine in Frankreich sollen verlegt werden - Interview mit Gunter Demnig », dapd, 23 octobre 2012, URL : https://www.report-k.de/Kultur/Kunst/Erste-Stolpersteine-in-Frankreich-sollen-verlegt-werden-Interview-mit-Gunter-Demnig-12893, consulté le 10 juin 2017. Traduit par nos soins. On remarque qu’au moment de l’interview, G. Demnig évoque vingt pavés, alors que finalement seuls treize seront posés en Vendée et à Hambourg, ce qui est certainement le fruit d’une confusion, car dès le début du projet hambourgeois, il est question de treize victimes françaises.
-
[36]
Il s’agit des villages de Fontenay-le-Comte, Longèves, Beaulieu-sous-la Roche, L’Aiguillon-sur-Mer, Saint-Médard-des-Prés, Bourneau, Nieul-sur-l’Autise, Fontaines et Mervent.
-
[37]
À Bamberg, la Société Willy Aron (Willy-Aron-Gesellschaft) s’occupe de la pose de Stolpersteine. Le premier pavé a été posé à Bamberg en 2004 en l’honneur du jeune juriste juif Willy Aron. Depuis, plus d’une centaine de pavés a été posée dans la ville.
-
[38]
Il s’agit des deux petites-filles de Ferdinand Rapiteau, accompagnées de la première adjointe au maire, Marianne Léturgie.
-
[39]
Mail d’Anne Thomas à C. Kaiser, 19 mars 2018. Pour la Suède, où il n’y a pour l’instant aucun pavé, G. Demnig envisage également de poser conjointement des Stolpersteine dans ce pays et en Allemagne. A. Thomas, ibid.
-
[40]
Voir la conférence de G. Demnig dans ce numéro.
-
[41]
Plusieurs autres lieux furent également évoqués. En Vendée, par exemple, la famille d’une des victimes a suggéré de poser les pavés dans le cimetière, ce qui fut refusé, dans la mesure où il ne s’agissait pas d’un lieu de passage. Ces informations ont été recueillies lors de l’entretien téléphonique de C. Kaiser avec Serge Deau, 20 juillet 2017. On comprend dès lors plus aisément pourquoi les monuments aux morts recueillirent l’assentiment de G. Demnig.
-
[42]
Dans un entretien téléphonique du 16 juin 2016, C. Woehrle indique d’ailleurs avoir proposé à G. Demnig, dans le cadre de son travail de doctorant, de faire des recherches sur des victimes non raciales pour contourner l’argument de la laïcité et permettre au projet de décoller en France.
-
[43]
Voir par exemple les ouvrages suivants : Patrice Arnaud, Les STO. Histoire des Français requis en Allemagne nazie, Paris, CNRS Éditions, 2010 - Helga Elisabeth Bories-Sawala, Dans la gueule du loup. Les Français requis du travail en Allemagne, Villeneuve d’Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2010 - Raphaël Spina, Histoire du STO, Paris, Perrin, 2017.
-
[44]
Plus de 160 pavés ont été scellés dans les trottoirs de Dresde, notamment grâce à l’association Stolpersteine für Dresden e. V. On peut consulter le site de l’association à l’adresse suivante : http://stolpersteine-dresden.de.
-
[45]
Karine Ruillère, « Stratégies d’entraide et de survie face aux persécutions antisémites : le groupe familial Oferman-Rotbart dans la France des années 1930-1940 à travers l’étude de sa correspondance », mémoire de Master recherche 2e année, sous la direction de Patrick Cabanel, Université Toulouse Jean Jaurès, 2015.
-
[46]
Plusieurs maquis étaient localisés en Saône-et-Loire, notamment autour de Cluny où étaient positionnées des compagnies formant le « Commando de Cluny ». Voir Angélique Marie, « Mémoire des maquis et de la lutte armée en Bourgogne », in : François Marcot (dir.), La Résistance et les Français : lutte armée et maquis. Colloque international de Besançon, 15-17 juin 1995, Paris, les Belles Lettres, 1996, p. 463-464 et Stéphane Simonnet, Maquis et maquisards. La résistance en armes 1942-1944, Paris, Belin, 2015.
-
[47]
Les deux enfants du couple formé par Jacques Oferman et Fanny Rotbart purent échapper aux rafles et ne furent pas déportées : Annette la fille aînée était cachée dans une école catholique et Claudine fut sauvée par une voisine qui l’entraîna chez elle au moment de l’arrestation de sa mère, le 3 mars 1944. Joseph Rotbart, le frère de Fanny Rotbart, avait quant à lui été arrêté dès février 1943 pour faits de résistance. Claudine Rotbart était présente à Cluny en mars 2016 lors de la pose des pavés.
-
[48]
Un noyau dur s’est formé autour de cinq étudiants et a activement participé aux recherches et à l’organisation des commémorations lors des poses. Il s’agit de Samuel Amiel, Mélany Frouin, Florence Monchanin-Lion, Alyson Saldot et Julia Unzuetta.
-
[49]
Voir l’article d’Hélène Camarade dans ce numéro.
-
[50]
Voir Walid Salem, « Aux Bassins à flot, le Vril risque de partir en vrille », Rue 89 Bordeaux, 4 novembre 2015, URL : https://rue89bordeaux.com/2015/11/sur-les-bassins-a-flot-le-vril-risque-de-partir-en-vrille/, consulté le 10 décembre 2017. Voir également Denis lherm, « Bassins à flot à Bordeaux : la future soucoupe volante ne plaît pas à tout le monde », Sud Ouest, 5 novembre 2016.
-
[51]
Le 6 avril 1944, Klaus Barbie, responsable de la Gestapo à Lyon, ordonne l’arrestation et le transfert pour Drancy des 44 enfants et 7 adultes juifs de la colonie d’Izieu. À part trois d’entre eux, envoyés en camp de travail en Estonie, tous seront déportés à Auschwitz-Birkenau. Le 4 juillet 1987, à l’issue du procès qui s’est tenu devant la cour d’assises du Rhône à Lyon, Klaus Barbie est reconnu coupable de crimes contre l’humanité et condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Voir Michel Zaoui, « La signature du crime contre l’humanité », in : Jean-Paul Jean, Denis Salas, Barbie, Touvier, Papon. Des procès pour la mémoire, Paris, Éditions Autrement, 2002, p. 33.
-
[52]
Philip Cordery a été député des Français du Benelux de 2012 à 2017.
-
[53]
Arguant de l’hostilité d’une partie de la communauté juive de la ville, le bourgmestre d’Anvers Patrick Janssen (PS) a refusé la pose des pavés, lors d’une première demande en 2011. Depuis 2013, son successeur Bart De Wever (N-VA) maintient ce refus pour les mêmes raisons, cette question divisant la communauté juive. Vingt-deux pavés, déjà financés et fabriqués, dont huit pour les enfants d’Izieu, sont ainsi en attente d’une autorisation. Mail de Nicole Weisman à C. Kaiser, 30 juin 2017. Voir également Géraldine Kamps, « Anvers et les pavés interdits », in : Regards, n° 883, avril 2017, URL : http://www.cclj.be/actu/politique-societe/anvers-et-paves-interdits, consulté le 14 décembre 2017.
-
[54]
Entretien téléphonique de C. Kaiser avec Isabelle Journo, 27 juin 2017.
-
[55]
Entretien téléphonique avec Serge Deau, 20 juillet 2017. C’est d’ailleurs un argument analogue – la référence aux monuments aux morts – qui, selon les précisions apportées par J. Gugol à C. Kaiser, a en partie pesé dans le refus de la mairie de La Baule. Voir supra.
-
[56]
Pour rappel, le mot Stolperstein est constitué de stolpern, trébucher, et de Stein, pierre. On traduit ce terme en français par « pierre d’achoppement » ou « pavé de mémoire ».
-
[57]
Lettre de Gérard Trémège à Toby Sonneman, en date du 19 décembre 2016, transmise par mail à C. Kaiser par Toby Sonneman le 17 novembre 2017.
-
[58]
Ainsi Ch. Woehrle, interrogé par C. Kaiser sur les refus essuyés, affirmait que « certains refus sont plutôt des non-réponses ». Mail du 18 juin 2017.
-
[59]
C’est dans le contexte d’une pose de Stolperstein à Mannheim à la mémoire de sa grand-tante que l’Américaine T. Sonneman décide de faire des recherches à Tarbes pour son cousin. Hyvet Halfen, pour sa part, tente sans succès depuis les Pays-Bas de faire poser un pavé à Paris pour sa tante maternelle.
-
[60]
S. Deau, entretien téléphonique du 20 juillet 2017.
-
[61]
L’ancienne loi de 1951 établissait une différence avec le statut des réfractaires au STO et ne leur reconnaissait pas le statut de victimes. Ce nouveau statut établi par le décret du 16 octobre 2008, paru au journal officiel le 5 novembre 2008, sous la signature du Secrétaire d’État à la Défense chargé des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, ouvre en outre le droit au port de l’insigne des réfractaires. Voir R. Spina, op. cit., p. 439 et p. 426-440.
-
[62]
La loi a été publiée suite à l’ordonnance allemande du 27 septembre et ne concerne au début que la zone occupée. Voir Michaël R. Marrus et Robert O. Paxton, op. cit., p. 21-23 et 128.
-
[63]
Ibid., p. 149.
-
[64]
Il convient cependant de rappeler que les premières mesures contre les Juifs sont prises par le gouvernement de Vichy deux mois avant, dès l’été 1940, et ce avant même que les autorités allemandes n’en fassent la demande. Ainsi la loi du 22 juillet 1940 ordonne rétroactivement la révision des naturalisations obtenues après 1927. Si les Juifs ne sont pas directement mentionnés dans cette loi, selon l’historienne Claire Zalc, les critères utilisés, dès l’automne 1940 dans le cadre de cette politique de dénaturalisation montre bien que les Juifs en sont les premières cibles. Claire Zalc, Dénaturalisés, Les retraits de nationalité sous Vichy, Paris, Éditions du Seuil, 2016, p. 23-24 et 97-115.
-
[65]
René Raymond, interviewé par Annette Lévy-Willard, « L’historique de la traque des juifs », Libération, 5 juillet 1996. René Raymond fut le président de la commission sur le « fichier juif » révélé en 1991 par Serge Klarsfeld. Voir aussi R. Marrus et R. Paxton, op. cit., p. 312-352 : Les auteurs évoquent le tournant de l’été 1942, suite notamment au retour de Pierre Laval au gouvernement, qui outre les portefeuilles de l’Intérieur, de l’Information et des Affaires étrangères obtint le titre de chef de gouvernement.
-
[66]
R. Marrus et R. Paxton, op. cit., p. 337 et suivantes.
-
[67]
G. Demnig estime ainsi de manière très globale en 2012, que la mémoire de la collaboration aurait en partie constitué un frein au démarrage du projet en France, citant La Baule et Paris en exemple. L’artiste complète son jugement en évoquant également les plaques commémoratives déjà existantes, semblant suggérer une concurrence des modes de commémoration. Voir G. Demnig, « Erste Stolpersteine in Frankreich sollen verlegt werden - Interview mit Gunter Demnig », op. cit.
-
[68]
Olivier Wieviorka, La Mémoire Désunie. Le souvenir politique des années sombres, de la Libération à nos jours, Paris, Éditions du seuil, 2010, p. 23.
-
[69]
Éric Conan, Henry Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Paris, Gallimard, 1996, (nouvelle édition 2013) p. 32.
-
[70]
Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, Paris, Gallimard, 2001 (1992), p. 425.
-
[71]
O. Wieviorka, op. cit., p. 175-198.
-
[72]
Ibid., p. 184.
-
[73]
Ibid., p. 183.
-
[74]
Ibid., p. 185-186. Voir également Henry Rousso, Vichy. L’événement, la mémoire, l’histoire, op. cit., p. 462. L’ouvrage de R. Paxton a en outre été publié deux ans après l’émotion considérable soulevée par la grâce accordée par Georges Pompidou au milicien Paul Touvier. Cependant, c’est autant l’ouvrage lui-même que les recensions dans la presse qui contribuèrent à sa notoriété, en en faisant un jalon incontournable de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. « Dès lors la lecture réelle ou par ouï-dire des thèses de Paxton n’a cessé d’accompagner les discours de toute sorte sur [le] passé de Vichy » (H. Rousso, ibid. p. 462).
-
[75]
Henry Rousso, « Le “syndrome de Vichy” : la justice, la mémoire et l’histoire », in : Jean-Jacques Becker, Annette Wieviorka (dir.), les Juifs de France, de la Révolution à nos jours, Paris, Liana Lévi, 1998, p. 401-402 : « Ces procès tardifs […], centrés uniquement sur la politique antijuive de Vichy […] ont joué un rôle non négligeable dans l’évaluation et la prise de conscience collective des responsabilités propres d’un gouvernement français dans l’un des plus grands crimes de l’histoire ».
-
[76]
O. Wieviorka, op. cit., p. 279.
-
[77]
Ibid., p. 242 : « L’intervention de Jacques Chirac, comme le procès Papon mirent donc un point final aux nombreuses controverses qui avaient, à de multiples reprises, perturbé le calendrier politique, soudant, d’autre part, un réel consensus, puisque la cause de Vichy semble aujourd’hui entendue. Seule une poignée de nostalgiques réclame, avec constance, que Philippe Pétain repose à Douaumont auprès de ses soldats. »
-
[78]
On peut ainsi rappeler que le 10 avril 2017, à deux semaines du second tour de l’élection présidentielle française, Marine Le Pen suscitait une vive polémique en affirmant que la France n’était pas responsable de la rafle du Vel’ d’Hiv. Eric Zemmour avait, de même, provoqué une controverse en 2014, par ses propos sur Vichy. Voir Robert O. Paxton « Polémique Zemmour : Vichy, une collaboration active et lamentable », in : Le Monde, 18 octobre 2014.
-
[79]
E. Conan, H. Rousso, op. cit., p. 36.
-
[80]
Ibid. Selon les auteurs, « en vingt ans, la mémoire de Vichy a changé à la fois d’échelle et de nature. Elle n’est plus matière à d’interminables controverses. Elle a fait, au contraire, l’objet d’un investissement considérable de la part de l’État, des associations, de l’opinion en général. Le problème public qui émerge au début des années 1990 de manière conflictuelle […] a débouché sur de véritables politiques publiques de mémoire, qui ont à leur tour lancé d’autres débats. »
-
[81]
Le terme est assez récent et date de 1995. Voir Sébastien Ledoux, Le Devoir de mémoire. Une formule et son histoire, Paris, CNRS Éd., 2016.
-
[82]
O. Wieviorka, op. cit., p. 251.
-
[83]
O. Wieviorka, op. cit., p. 257.
-
[84]
Ibid., p. 270
-
[85]
Ce que O. Wieviorka appelle la mémoire fragmentée. Voir supra.
-
[86]
C’est par exemple ce qu’a mis en évidence l’étude conduite en 2002 en Allemagne, Opa war kein Nazi, qui révèle entre autres que, malgré une politique mémorielle volontariste de la part de l’État fédéral allemand et une information intensive sur les crimes du nazisme, les petits-enfants, confrontés aux récits transmis par les grands-parents ne peuvent envisager que « grand-père était un nazi ». Ainsi a-t-on, d’un côté, une culpabilité collective admise, et de l’autre, un refus de reconnaître la responsabilité de sa propre famille. Voir Harald Walzer, Sabine Möller, Karoline Tschuggnall, « Opa war kein Nazi », Nationalsozialismus im Familliengedächtnis, Frankfurt am Main, Fischer, 2002 (traduit en français en 2013).
-
[87]
François Azouvi, Le mythe du grand silence. Auschwitz, les Français, la mémoire, Paris, Gallimard, 2015 (première édition 2012), p. 481.
-
[88]
Ibid., p. 481.
-
[89]
E. Conan, H. Rousso, op. cit., p. 88-89.
-
[90]
Voir le livre de Pierre Péan, Une jeunesse française. François Mitterrand 1934-1947, Paris, Fayard, 1994. Lors de sa sortie en 1994, ce livre a placé François Mitterrand au centre d’une violente polémique.
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[91]
O. Wieviorka, op. cit., p. 208-212.
-
[92]
Extrait du discours de Jacques Chirac, 16 juillet 1995. Le discours est consultable en ligne sur le site de la revue L’Histoire, URL : http://www.lhistoire.fr/discours-de-jacques-chirac-du-16-juillet-1995, consulté le 14 décembre 2017.
-
[93]
Annette Wieviorka, « Analyse du discours de Jacques Chirac du 16 juillet 1995 », L’Histoire, 16 mars 2016. Article en ligne, URL : http://www.lhistoire.fr/analyse-du-discours-de-jacques-chirac-du-16-juillet-1995, consulté le 15 décembre 2017.
-
[94]
Voir Thomas Wieder, « Vel’ d’Hiv : M. Hollande réaffirme le rôle de la France », Le Monde, 23 juillet 2012.
-
[95]
Annette Wieviorka : « La participation de la France, une tache indélébile », entretien réalisé par Sonia de la Forterie, L’Humanité, 16 juillet, 2012. URL : https://humanite.fr/annette-wieviorka-la-participation-de-la-france-une-tache-indelebile, [consulté le 14 décembre 2017].
-
[96]
A. Wieviorka, ibid.
-
[97]
Anne Roekens, La Belgique et la persécution des Juifs, Bruxelles, Renaissance du Livre, 2010, p. 45-48.
-
[98]
Ibid., p. 64.
-
[99]
La « Loi relative au dédommagement des membres de la Communauté juive de Belgique pour les biens dont ils ont été spoliés ou qu’ils ont délaissés pendant la guerre 1940-1945 » a été votée le 20 décembre 2001 par le Sénat belge.
-
[100]
A. Roekens, op. cit., p. 117.
-
[101]
Guy Verhofstadt, « Discours du premier ministre Guy Verhofstadt, prononcé à l’occasion de la cérémonie en hommage aux « Justes » de Belgique et aux citoyens qui, au péril de leur vie, sont venus au secours des juifs persécutés pendant de l’occupation nazie », 8 mai 2007. Le texte peut être consulté en ligne, URL : http://www.presscenter.org/fr/pressrelease/20070508/discours-verhofstadt-les-justes, consulté le 26 juin 2018. Il avait déjà présenté des excuses en 2002 à Malines, principal camp de transit belge vers Auschwitz. Voir A. Roekens, op. cit., p. 118.
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[102]
Ibid., p. 118. On peut rappeler que Bart De Wever, bourgmestre d’Anvers depuis 2013, refuse d’autoriser la pose de Stolpersteine dans la ville portuaire, à l’instar de son prédécesseur Patrick Janssen.
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[103]
Freddy Thielemans, « Discours du bourgmestre de la ville de Bruxelles, Cérémonie de reconnaissance officielle de l’implication des autorités de la ville de Bruxelles en place pendant la seconde guerre mondiale dans la déportation des Juifs », 2 septembre 2012. Le texte peut être consulté en ligne, URL : http://www.cegesoma.be/docs/media/Accueil/DiscoursThielemans_sept2012.pdf, consulté le 20 décembre 2017.
-
[104]
C’est à Malines, dans la Caserne Dossin, que fut ouvert le 27 juillet 1942 un camp de transit en vue de la déportation des Juifs de Belgique. Entre le 4 août 1942 et le 31 juillet 1944, près de 25 000 Juifs, soit 40 % des Juifs du pays, y ont été internés et déportés vers Auschwitz-Birkenau. Voir A. Roekens, op. cit., p. 79.
-
[105]
Extrait de la résolution adoptée le 24 janvier 2013, dont le texte est consultable sur le site internet du sénat belge, URL : http://www.senat.be/www/?MIval=/publications/viewPub.html&COLL=S&LEG=5&NR=1370&VOLGNR=4&LANG=fr, consulté le 15 décembre 2017.
-
[106]
Nicolas Maetrelinck, « Le Sénat reconnaît la responsabilité de l’État belge dans les persécutions des juifs », 24 janvier 2013, Belga News, article en ligne sur le site de la rtbf, URL : https://www.rtbf.be/info/belgique/detail_le-senat-reconnait-la-responsabilite-de-l-etat-belge-dans-la-persecution-des-juifs?id=7914401, consulté le 14 décembre 2017.
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[107]
Extrait de la résolution adoptée le 24 janvier 2013, op. cit.
-
[108]
A. Roekens, op. cit., p. 64.
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[109]
Maxime Steinberg, La Persécution des Juifs en Belgique (1940-1945), Bruxelles, Éditions Complexe, 2004, p. 46-47 et A. Roekens, op. cit., p. 61.
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[110]
À titre de comparaison, en France environ 25 % de la population juive a été déportée et assassinée. Voir A. Roekens, op. cit., p. 87. Il faut également mentionner qu’une partie des secrétaires généraux, ces hauts fonctionnaires qui depuis l’exil du gouvernement belge à Londres assuraient la gestion de l’État, étaient souvent acquis aux idées de l’Ordre nouveau rallié au national-socialisme et membres du parti d’extrême droite Vlaams Nationaal Verbond (VNV) flamand ou du parti francophone Rex de Léon Degrelle. Voir M. Steinberg, op. cit., p. 23, 12 et 141-146.
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[111]
A. Roekens, op. cit., p 82-87 et douzième et treizième pages du deuxième cahier central, non numéroté. On ne peut s’empêcher de se demander si l’implication active de la police anversoise, qui a largement dépassé celles des autres villes de Belgique, ne jouerait un rôle dans les refus successifs de la mairie d’Anvers d’autoriser la pose de Stolpersteine dans cette ville, même si en 2007 le bourgmestre Patrick Janssen a présenté des excuses officielles. Voir supra.
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[112]
Mail de Nicole Weismann à Claire Kaiser, 16 juin 2017.
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[113]
Ibid. Le 11 février 2018, l’AMS a d’ailleurs scellé deux Stolpersteine à Anvers, passant outre le refus de la mairie. Voir « L’association pour la mémoire de la Shoah a posé deux pavés à Anvers sans autorisation », La Libre Belgique, 11 février 2018.
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[114]
Marion Kremp, « Fontenay : sur les pavés, la mémoire des déportés », Le Parisien, 23 avril 2018.
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[115]
Mail de Anne Thomas à C. Kaiser, 4 mai 2018.
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[116]
Mail de Josette Mélinon, survivante de la rafle du 10 janvier 1944 en Gironde et présidente de l’association « Souvenir de Myriam ERRERA », à C. Kaiser, 28 juin 2018. Voir également le site de l’association : http://www.souvenirdemyriamerrera.fr, consulté le 29 juin 2018.
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[117]
David Foenkinos, Charlotte, Gallimard, 2014.
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[118]
Ibid., p. 46 pour la collection Folio.