Notes
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[1]
Traditionnellement, l’espace est représenté comme figé, tandis que le temps est présenté comme une unité distincte et active. Castells (2004 : 147) a mis en avant l’idée selon laquelle l’espace et le temps ne doivent pas être dissociés mais qu’ils doivent au contraire être perçus comme formant une unité dynamique.
1 La Sierra Leone, la Guinée et le Liberia ont vécu entre 2014 et 2015 une épidémie de fièvre Ebola sans précédent qui a été accompagnée d’un intérêt médiatique croissant. La complexité des causes de l’épidémie ainsi que les chemins de sa propagation en Afrique de l'Ouest ont cependant souvent été passés sous silence. Désireuse d’améliorer la situation sur place, la République fédérale d’Allemagne s’est elle aussi engagée à travers des dons d’argent, mais également de façon concrète en déployant un contingent de l’armée allemande (Bundeswehr) sur place pour combattre le virus.
2 Cette maladie, qui est tout d’abord apparue localement avant de se transformer en épidémie requérant une intervention internationale, a été marquée par une hystérie publique. L’objet de cette contribution consiste dans l’analyse géopolitique de cette situation complexe.
Pertinence géopolitique
3 Nous présenterons dans un premier temps comment l’épidémie d’Ebola a pris une importance géopolitique en Afrique de l’Ouest en 2014, en quoi elle peut servir d’exemple, et les raisons pour lesquelles la recherche, mais aussi la Bundeswehr doivent se pencher sur des évolutions similaires.
4 L’actualité brûlante de l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest est la résultante d’actions à différentes échelles et dans différents domaines, qui ont rendu nécessaire un engagement de l’Allemagne sous forme financière et le déploiement de la Bundeswehr sur place. Tout au long de cet article, nous détaillerons les aspects présentés dans la figure 1, que nous résumerons préalablement dans cette première partie.
Figure 1. Schéma géopolitique de l’épidémie.
Figure 1. Schéma géopolitique de l’épidémie.
5 L’objectif du département de géopolitique et de géographie du Centre d’information géopolitique de la Bundeswehr a été de circonscrire les causes et les conséquences de l’épidémie d’Ebola. Suite aux mouvements d’achat de terres, à l’exploitation industrielle du bois et à la transformation de ses conditions de vie globales, la population a dû trouver de nouvelles terres arables et zones habitables. Le biotope des espèces animales transmettant le virus Ebola s’est lui aussi transformé. La distance spatiale entre l’humain et l’animal s’est réduite de telle sorte que l’agent pathogène change dorénavant d’hôte plus rapidement que par le passé.
6 Ces processus recouvrent plusieurs branches de la géographie. Une expertise économique est nécessaire si l’on veut saisir les dynamiques à l’œuvre dans le commerce local, mais aussi l’impact économique à l’échelle globale. Simultanément, il est essentiel de connaître les traditions, l’identité et les comportements quotidiens de la population en Afrique de l’Ouest. Ici, l’ethnologie offre un apport central. Lorsque les expertises concernant des champs spécifiques n’existent pas au sein du département de géopolitique et de géographie de la Bundeswehr, des experts extérieurs sont consultés.
7 On relève également d’autres causes du déclenchement de l’épidémie d’Ebola que celles mentionnées ci-dessus. Les systèmes de santé des États concernés ont joué un rôle décisif dans la propagation incontrôlée du virus. En 2014, les systèmes de santé guinéen, sierra-léonais et libérien comptaient parmi les plus faibles au monde. Leur capacité d’action réduite est liée à deux raisons majeures : l’évolution historique, en particulier le passé colonial, et les rapports de pouvoir locaux, à commencer par la corruption et le népotisme. Ces facteurs ont rendu impossible l’émergence de systèmes de santé stables. Dans le schéma, ces facteurs relient les différentes échelles d’action (locales, régionales, globales) entre elles et forment un réseau d’influences réciproques. Des modèles à niveaux multiples et l’analyse de réseaux forment des outils pertinents dans une approche géopolitique qui prend son point de départ chez les acteurs politiques.
8 Il s’agit d’étudier les causes du déclenchement de l’épidémie d’Ebola, mais aussi ses conséquences et les réactions géopolitiques face au virus. Le concept d’interaction spatiale [1] (Space of flow) illustre la manière dont les réactions se sont enchaînées, en particulier celles provenant de la communauté internationale qui, ainsi que les États concernés et les organisations non gouvernementales, s’est vue contrainte d’intervenir pour endiguer l’épidémie.
9 La focalisation de la communauté internationale sur le sujet, qui s’explique par un taux de mortalité des personnes infectées allant jusqu’à 90 %, associée à une peur irrationnelle du virus, a mené à une nouvelle dimension de l’intervention de la communauté internationale. Ses actions n’avaient pas en premier lieu pour but des principes humanitaires. En effet, une dégradation des conditions économiques aurait pu avoir des conséquences néfastes sur la politique internationale de sécurité. Des approches telles que la planification de scénarii forment des outils pertinents pour débattre de l’évolution future de situations précises (voir par exemple Lindgren et Bandhold 2009). Cet outil peut aider la Bundeswehr à évaluer les situations au plan de la sécurité et à détecter des crises de manière précoce. La situation en Afrique de l’Ouest a rendu nécessaire une prise en compte de tous les facteurs pour intervenir sur place. Il a été décidé qu’il était possible d’apporter un soutien sur place moyennant des dépenses et un déploiement humain raisonnables.
10 Le danger pour les personnes envoyées dans les régions concernées ainsi que pour le personnel recruté sur place aurait été beaucoup plus grand si la situation dans les trois pays s’était transformée en guerre civile, tel que cela s’est déjà produit dans le passé. La pacification aurait alors nécessité un déploiement militaire massif. Cela avait été le cas en 1999 lors de l’engagement des Nations Unies à travers l’UNAMSIL (la Mission des Nations Unies en Sierra Leone) et l’UNAMIL (la Mission des Nations Unies au Liberia).
11 Dans le cas de l’épidémie d’Ebola, une analyse géopolitique a permis de réagir à temps de façon adéquate.
La zoonose et la première propagation du virus en Afrique de l’Ouest
12 La genèse d’Ebola et de la zoonose peut être établie de façon plausible grâce à des études de terrain (voir par exemple Leroy et al. 2004 ; Wolfe et al. 2005). Jusqu’au début de l’épidémie, on supposait que le déclencheur de la maladie, le virus Ebola-Zaïre, n’apparaissait qu’en Afrique Centrale ou en Afrique de l’Est et qu’il n’existait pas en Afrique de l’Ouest. Les zoonoses sont des maladies qui se transmettent par des agents pathogènes qui passent d’animaux à des humains. Les espèces animales portant le virus servent de réservoirs à ces derniers. Ici, le virus peut être complètement inoffensif ou au contraire entraîner la mort de l’animal réservoir. Dans le cas d’Ebola, les réservoirs primaires sont les roussettes, qui ne développent pas la maladie et qui ne lui succombent pas. Les réservoirs secondaires en revanche consistent en primates ou en antilopes des forêts, qui, quant à eux, peuvent aussi, ainsi que les humains, contracter la maladie et en mourir (Allaranga et al. 2010).
13 La thèse fréquemment évoquée dans les travaux scientifiques selon laquelle il existerait un lien entre les nouvelles maladies infectieuses et la pénétration des humains dans les biotopes des animaux forestiers (Estrada-Pena et al. 2014 ; Wolfe et al. 2007) et que cela vaut particulièrement pour Ebola a été confirmée (Bausch et Schwarz 2014). On part du fait que les hôtes principaux du virus sont les chauves-souris et que ce sont elles qui transmettent le virus de génération en génération. L’immense capacité d’adaptation des animaux aux transformations de leur habitat, telle que la déforestation, et leur faculté à trouver refuge dans les arbres restants ou même dans des habitations augmentent le risque d’une zoonose. Dans les pays étudiés, on ne constate pas de défrichement complet des espaces autrefois nommés forêts vierges pour l’agriculture ou l’exploitation minière, mais plutôt un mitage des étendues forestières (Bausch et Schwarz 2014 ; WHO 2014a).
14 Les zones de contact entre l’humain et la nature ont ainsi augmenté de telle sorte qu’on peut se demander pourquoi l’épidémie ne s’est pas déclenchée beaucoup plus tôt. Il est improbable que la population de roussettes n’ait été infectée qu’au cours des dernières années et qu’aucun humain n’ait jamais contracté de zoonose auparavant. Les humains ont été contaminés par le virus Ebola au contact de ses porteurs primaires ou secondaires ou à travers la consommation de leur chair. Les excréments des animaux sont eux aussi considérés comme transmetteurs de virus. Le gibier forme, avec le poisson fumé, un élément central de la chaîne alimentaire en Afrique de l’Ouest, en particulier dans les zones rurales (WHH 2014). Une étude réalisée en 2014 s’est intéressée aux territoires ayant une forte population animale porteuse du virus. Pigott et al. (2014) se sont appuyés sur l’approche des niches écologiques. Ils combinent des données géographiques sur les différents pays avec l’apparition de réservoirs du virus. Les données ainsi calculées livrent des informations sur le climat, l’utilisation des sols et la présence d’espèces de roussettes portant le virus. Les populations humaines et les infrastructures qui les entourent n’ont cependant pas été prises en compte dans ce calcul (voir la figure 2, p. 4).
15 On considère souvent que le patient zéro était un enfant en bas âge de Gueckedou en Guinée, qui est décédé de la maladie en décembre 2013. Dans les autres régions précédemment concernées par l’apparition du virus telle que l’Afrique de l’Est, la maladie s’était déclenchée à la même saison. Il semble que la période de transition entre la saison des pluies et la saison sèche soit propice au déclenchement de la maladie. Cela laisse penser qu’un climat de plus en plus sec favorisera la propagation virale (Leroy et al. 2004 ; Pinzon et al. 2004).
16 Le virus a probablement été transmis lorsque l’enfant jouait à proximité de l’un des arbres nommés « arbre à maladie » (Tree of Sickness). D’autres théories en revanche partent du fait qu’un chasseur de la communauté avait déjà contracté le virus au préalable, et que c’est lui qui avait contaminé l’enfant (Moninger 2015). Après une première transmission du virus par la zoonose, les humains peuvent se contaminer entre eux (voir Leroy et al. 2004 ; Wolfe et al. 2005).
17 En avril 2014, le soupçon d’une première infection Ebola au Liberia a également été confirmé. Le premier cas d’Ebola a ensuite été détecté en Sierra Leone, plus précisément dans la chefferie de Koindu le 26 mai 2015. Dans ce pays, une guérisseuse traditionnelle est considérée être le cas zéro. Elle s’était rendue en Guinée afin de participer à un enterrement. Laver et embrasser les morts font partie des rites funéraires traditionnels qui augmentent considérablement le risque d’une infection. Le fait que ces festivités familiales et villageoises réunissent de nombreuses personnes a eu un effet multiplicateur sur le risque de contamination (Moninger 2015).
Figure 2. Probabilité de transmission du virus Ebola par des animaux sauvages.
Figure 2. Probabilité de transmission du virus Ebola par des animaux sauvages.
18 La dimension perfide de la propagation de l’épidémie d’Ebola consiste dans le fait que le virus, qui peut déclencher une fièvre, des douleurs articulaires ou une forte fatigue, ne présente pas de symptômes spécifiques qui rendraient la maladie d’Ebola aisément identifiable à première vue. On ne connaît pas précisément la durée d’incubation du virus dans le corps. Le sperme, mais aussi les fluides oculaires peuvent encore contenir le virus plusieurs mois après l’infection.
L’évolution historique de la région
19 Pour comprendre comment le virus a pu se propager de façon d’abord invisible, puis incontrôlée, on doit évoquer l’évolution historique de la région. Elle montre que l’épidémie ne correspond en aucun cas à une évolution spontanée ou aléatoire sur le plan géographique. Le président de la Guinée, Lansana Conté, est arrivé au pouvoir suite à un putsch et a dirigé le pays jusqu’à sa mort en 2008. Charles Taylor (le président du Liberia de 1997 à 2003), soutenu par Mouammar Kadhafi (dirigeant de la Libye de 1969 à 2011), avait initié, depuis la Côte d’Ivoire en décembre 1989, une insurrection contre Samuel K. Doe (président du Liberia de 1980 à 1990) (Zarkpah 2012), qui avait lui-même renversé le président William R. Tolbert Jr en 1980. Taylor avait préalablement été formé en Libye. Kadhafi poursuivait alors son objectif d’une Afrique unie sous sa propre égide et tentait à cette fin de déstabiliser les États sur lesquels les États-Unis s’appuyaient. La Guerre froide a elle aussi eu un impact sur ces dynamiques dans la mesure où Kadhafi était soutenu par l’Union Soviétique.
20 Taylor avait rencontré le Sierra-Léonais Foday Sankoh (chef du groupe rebelle Revolutionary United Front en Sierra Leone) lors de son séjour dans le camp d’entraînement en Lybie. Taylor soutint Sankoh durant la guerre civile sierra-léonaise qui débuta en 1991. Contrairement à Khadafi, Taylor s’intéressait de manière plus limitée à l’extension de son pouvoir sur de grandes parties du continent africain. Il avait avant tout pour objectif la prise de contrôle des ressources diamantaires en Sierra Leone afin de compléter par d’autres sources de revenus le commerce de bois tropicaux, qu’il avait mené de façon excessive et par lequel il avait en grande partie financé la guerre civile. Sankoh enfin visait la consolidation ou plutôt la mise en place de son propre monopole de pouvoir.
21 En raison des guerres civiles en Sierra Leone et au Liberia, environ 500 000 personnes réfugiées vivaient temporairement dans la Guinée voisine. La zone frontalière entre ces trois pays a finalement formé la région dans laquelle la zoonose a débuté en 2013.
22 La fragilité politique qui a résulté de ces évolutions a été défavorable au contrôle des épidémies. L’impasse politique en Guinée sous le gouvernement de Conté et le fait que le pays soit encore classé 30e sur 175 pays en matière de corruption en 2014, ce qui en fait l’un des pays les plus corrompus au monde (Transparency International 2015), a empêché l’émergence d’une économie nationale stable. À cela se sont ajoutés des embargos internationaux, qui ont entre autres empêché une aide à la coopération et au développement. Par conséquent, il n’existe pas en Guinée jusqu’à aujourd’hui de système de santé efficace. La population est marquée par une méfiance extrême à l’égard de son gouvernement et ses institutions publiques. Le même constat s’applique en Sierra Leone et au Liberia. Quatorze ans de guerres civiles et de corruption ont mené à une situation catastrophique : l’économie était anéantie et il régnait une insécurité alimentaire dangereuse, ainsi qu’un taux de chômage élevé (souvent celui d’anciens combattants). Le système de santé était pratiquement inexistant.
23 Le gouvernement du Liberia élu démocratiquement en 2006 avait pour objectif de stabiliser le pays, de le développer et de rendre accessibles les aides humanitaires (UNDP 2014). Le bilan de ce programme politique est cependant décevant. On peut percevoir des avancées, mais une grande partie de la population souffre jusqu’à aujourd’hui de la faim et ne peut pas se permettre les moindres soins médicaux. Le faible développement de la région s’explique d’une part par l’impact des guerres civiles et d’autre part par le népotisme et la corruption omniprésents qui continuent d’entraver le développement.
24 La reconstruction de la Sierra Leone a par exemple mené à une croissance allant jusqu’à 20,1 % par an entre 2003 et 2013 (World Bank 2015). Le revenu par tête a quintuplé durant cette période. En revanche, la part de la population vivant avec moins d’un dollar américain par jour n’a diminué que de façon marginale, passant de 59 % en 2003 à 57 % en 2012 (UNDP 2014, p. 5). Les taux de croissance enfin sont fortement liés aux investissements étrangers dans l’exploitation minière et dans la production d’huile de palme. Cela a d’un côté renforcé l’économie et rapporté des devises, mais en même temps l’extrême vulnérabilité de ces pays face au retrait des investissements, qui ont eu lieu notamment après l’épidémie d’Ebola.
La transformation en épidémie
25 Lewnard et al. (2014) partent du fait que les taux des nouvelles contaminations dans l’épidémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest atteignent 2,5 personnes infectées par personne malade. En 1995, ce taux était de 1,8 au Congo et, au moment du déclenchement de l’épidémie en Ouganda en 2000, de 1,3 (Nishiura et Chowell 2014). Ces taux font de la fièvre Ebola une maladie en théorie très maîtrisable et susceptible d’être endiguée par des mesures d’hygiène et des traitements de quarantaine.
26 Au début de 2014, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré que l’épidémie Ebola formait une urgence sanitaire mondiale. Cela tenait au fait que le virus surgissait pour la première fois en Afrique de l’Ouest dans des régions densément peuplées. Lors des précédentes apparitions de l’épidémie en Afrique Centrale et en Afrique de l’Est, une propagation rapide du virus avait été empêchée d’une part par de bons mécanismes d’identification de la maladie et d’isolement des personnes infectées, comme par exemple en Ouganda, mais aussi par des voies de transport extrêmement difficiles, comme ce fut le cas au Congo ou dans le Soudan du Sud.
27 Comparée à ces États, la région de l’Afrique de l’Ouest est un espace marqué par une très forte mobilité, notamment par des routes commerciales servant au transport de gibier, de cacao ou de café et par un échange transfrontalier élevé de marchandises au sein de la Communauté économiques des États de l’Afrique de l’Ouest (ECOWAS) et l’Union du fleuve Mano (MRU) (Moninger 2015).
28 Une autre raison importante pour laquelle le virus Ebola a pu se propager autant réside tout simplement dans le fait qu’il n’a pas été identifié comme tel par le personnel médical des cliniques et des hôpitaux des États en question. Les mois de mai à octobre correspondent à la saison des pluies dans cette région, une période qui est marquée par une forte augmentation des taux de paludisme. La hausse des cas d’Ebola a eu lieu à cette même période (WHO 2014, Walker et al. 2015, UNDG 2015).
29 En raison de la non-identification de la maladie et du manque de connaissances sur le virus, le personnel des hôpitaux s’est lui-même infecté. Cela a d’une part mené à une diminution du personnel soignant et d’autre part à un nouvel ébranlement de la confiance de la population dans les institutions de santé publiques. L’image de personnes qui croupissaient devant les hôpitaux et à qui l’on refusait l’accès aux soins a attisé la peur du virus. De nombreuses victimes du virus ont tenté de se soigner seules ou se sont tournées vers des guérisseurs traditionnels. En accord avec les traditions locales, les personnes décédées ont été transportées dans leur région d’origine (UNDG 2015). L’exemple de la Guinée a montré que 60 % des infections d’Ebola ont été contractées lors de rituels funéraires et d’enterrements (WHO 2015a).
30 Les personnes dans les quartiers urbains pauvres étaient particulièrement menacées dans la mesure où elles vivaient dans des espaces fortement marqués par la promiscuité, dans lesquels les conditions sanitaires sont catastrophiques et où une eau réellement potable fait défaut. Ces conditions sont très propices à une propagation rapide du virus et rendent difficiles son contrôle.
31 La propagation de l’épidémie a suivi les grands axes routiers des pays. Ici, une analyse plus fine montre que les communautés situées le long de ces routes qui étaient préparées aux mesures de précaution à prendre concernant le contact entre personnes infectées et non infectées ont été quasiment entièrement épargnées. Cependant, l’interdiction de contacts physiques afin de limiter les contaminations a transformé les populations de manière durable. L’état d’urgence a mené à la fermeture de tous les bars locaux. Pendant plusieurs mois, la vie sociale a été complètement paralysée. Les poignées de main, mais aussi le toucher de boutons de portes ou de stylos que d’autres personnes avaient utilisés étaient prohibés. Les étrangers en particulier étaient dévisagés avec méfiance durant cette période (Moninger 2015).
Le traitement médiatique de l’épidémie
32 58 % des personnes ayant contracté le virus d’Ebola ont succombé, avec une fourchette variant de 12 à 90 % en fonction des spécificités virales. L’effet de ces statistiques, renforcé par des films dans lesquels le virus était toujours présenté comme mettant l’humanité en danger, ainsi que la rumeur selon laquelle le virus Ebola était une arme biologique, a suscité un intérêt médiatique supérieur à la moyenne (Walsh et Haseeb 2015). Un élément essentiel de la couverture médiatique a consisté dans la suggestion d’une propagation du virus en Europe et en Amérique du Nord.
33 Un exemple du traitement médiatique des statistiques, qui a largement contribué à l’hystérie, est le cas suivant. Le rapport de l’OMS du 29 avril 2015 a recensé 26 312 cas d’Ebola ayant provoqué 10 899 morts. Ces chiffres comprenaient les cas confirmés tout comme les cas présumés. À cette époque, seuls 14 000 cas étaient confirmés (WHO 2015b). Le traitement médiatique ne différenciait généralement pas les infections confirmées des contaminations présumées et s’appuyait sur une présentation cumulative des cas (voir figure 3). Le schéma présenté illustre le fait que, dans la présentation cumulative, l’épidémie continue d’augmenter, alors qu’elle diminue dans la présentation actualisée de la situation. C’est ce que montre également la compilation des rapports des grands journaux allemands. On a observé des procédés identiques dans la presse internationale. On ne peut cependant pas uniquement reprocher à la couverture médiatique des effets négatifs. La revendication d’une action publique provoquée par les rapports médiatiques a finalement mené à une réaction sur la scène internationale, alors que les premières alertes de Médecins sans Frontières n’avaient guère retenu l’attention.
Figure 3. Plusieurs variantes des courbes de l’épidémie.
Figure 3. Plusieurs variantes des courbes de l’épidémie.
Figure 3. Plusieurs variantes des courbes de l’épidémie.
Figure 3. Plusieurs variantes des courbes de l’épidémie.
34 Les rapports des médias, qui reposaient davantage sur des impressions que sur des informations, avaient tendance à simplifier la géographie du continent africain et le percevaient quasiment comme un pays. On a ainsi assisté à une réduction des distances géographiques imaginaires entre les régions touchées. Une carte présentant les distances partant de l’épicentre de l’épidémie dans les trois pays de façon isochrone (voir figure 4) montre que de nombreux pays européens sont géographiquement plus proches des pays touchés par Ebola que des destinations touristiques prisées en Afrique du Sud ou de l’Est. Néanmoins, on a observé des réticences à se rendre à la Ville du Cap ou à Windhoek suite au déclenchement de l’épidémie d’Ebola en Sierra-Léone, au Liberia et en Guinée. Des villes comme Bruxelles et Paris sont plus proches de Monrovia que Johannesburg ou Nairobi. Elles n’ont pas cependant pas été touchées par un recul de réservations de vols ou de voyages. Par souci d’exhaustivité, il faut cependant préciser qu’Ebola était considéré comme un danger omniprésent sur le continent africain lui-même et que les distances réelles n’y étaient pas non plus perçues de façon rationnelle.
35 La peur d’une pan-épidémie à travers l’importation du virus en Europe ou en Amérique par voie aérienne doit être considérée comme relative. On ne peut cependant pas dire que la probabilité que le virus atteigne par la voie des airs le continent européen soit nulle, dans la mesure où les aéroports d’Europe ont des lignes directes vers les pays concernés. Il s’agit néanmoins de préciser que la probabilité relative est plus élevée que la probabilité réaliste et qu’elle se focalise davantage sur la comparabilité des différentes destinations entre elles (Brockmann 2014) (voir figure 4). On constate également un écart important entre les couches de la population les plus concernées par Ebola et celles qui peuvent se permettre de prendre l’avion. Néanmoins, des personnes infectées sont entrées sur le continent européen par voie aérienne.
36 Cela montre que l’on doit se préparer à avoir des patients touchés par le virus Ebola, sans que cela justifie pour autant l’hystérie. Des pays comme l’Allemagne sont incomparablement mieux préparés à traiter des patients très contagieux que les pays d’Afrique de l’Ouest. A cela s’ajoute qu’avec les mesures de quarantaine établies en Allemagne et une meilleure hygiène globale, il aurait probablement été aisé de contrôler un déclenchement d’épidémie. Une éventualité qui n’a presque pas été envisagée, mais qui aurait été beaucoup plus dangereuse que l’entrée du virus en Europe, aurait été celle d’un voyageur infecté entrant dans les mégalopoles indiennes de New Delhi ou Bombay en transitant par Dubaï.
Figure 4: Les distances entre différentes destinations internationales et les États concernés.
Figure 4: Les distances entre différentes destinations internationales et les États concernés.
L’engagement de l’Allemagne
37 Lors de déclenchements d’épidémies d’Ebola précédents, il y avait eu l’envoi d’une aide humanitaire, par exemple de Médecins sans Frontières, mais les actions des pays directement concernés prévalaient toujours sur celles de la communauté internationale. Ici, pour la première fois, un ensemble complexe de mesures simultanées contre Ebola a dû être coordonné. La concentration des interventions sur un petit nombre secteurs précis s’est révélée inefficace. Il a fallu au contraire se concentrer sur l’ensemble des secteurs : les rites funéraires, la technologie laborantine, la mobilisation sociale, l’observation précise de la situation, la prise en charge psychologique et sociale, les mises en quarantaine, la logistique et la coordination (Moninger 2015).
38 Le 8 août 2014, l’Action Allemande Internationale contre la Faim (Welthungerhilfe) a informé le ministère allemand des Affaires étrangères d’une « aggravation de la situation humanitaire » dans les pays concernés. Le 19 août 2014, elle déclarait la mise à disposition de 100 000 euros sur ses fonds propres. Le lendemain, le ministère des Affaires étrangères accordait 197 000 euros pour usage immédiat (Moninger 2015). En septembre 2014, le gouvernement allemand a décidé de continuer à s’engager dans la lutte contre l’épidémie d’Ebola. Cette participation devait se traduire, en plus de dons financiers importants, par un soutien direct sur place.
39 Il a été décidé que le personnel déployé partirait sur une base volontaire. À cet effet, la ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, ainsi que le ministre de la Santé, Hermann Gröhe, ont lancé un appel aux professionnels de la santé et de l’armée. Le résultat en a été la formation d’un contingent de plus de 5 000 personnes (Funke 2015).
40 Si la responsabilité des aides incombait en premier lieu au ministère des Affaires étrangères, la Croix Rouge allemande a été nommée principale responsable sur place. Elle était secondée dans sa mission par un contingent de la Bundeswehr. Une enquête sur l’état des lieux a tout d’abord été réalisée par une équipe composée de membres de la Croix Rouge et de la Bundeswehr début octobre. Ensuite, les premières personnes déployées ont transféré l’équipement matériel nécessaire à la mise en service de la structure dans laquelle les interventions majeures devaient avoir lieu. Le but était de reprendre et de gérer le centre de soin construit par l’OMS à Monrovia, une « Unité de Traitement d’Ebola » (UTE). Après ces mesures préalables, le premier contingent d’aide s’est installé dans le centre à la mi-décembre 2014 et le vice-ministre de la santé du Liberia a inauguré l’UTE allemand à la veille de Noël (Funke 2015).
41 Dans un premier temps, 15 délégués de la Croix Rouge allemande, 30 soldats et soldates de la Bundeswehr ainsi que 110 professionnels libériens ont été formés au moyen d’entraînements collectifs jusqu’à mi-janvier et ont ainsi acquis des connaissances précieuses dans différents domaines qu’ils ont pu mettre en œuvre immédiatement (Funke 2015). En accord avec le concept d’UTE de l’OMS, l’intervention a par conséquent débuté par une phase de formation. À côté des secours d’urgence pour la population, la mission d’aide allemande visait à contribuer à la reconstruction du système de santé afin d’apporter une aide durable.
42 Le succès des campagnes d’information et des aides internationales a été tel qu’au moment de la mise en service de l’UTE allemand, le nombre de personnes atteintes d’Ebola avait déjà reculé de 95 %. Cela a mené à une surcapacité prononcée des UTEs créées, qui ont par conséquent été mises à l’arrêt (Funke 2015). Le reste des 5 % de personnes infectées par le virus Ebola était difficilement repérable en raison d’autres maladies largement répandues telles que la malaria, le choléra, la fièvre jaune et la méningite. Le dépistage des derniers cas d’Ebola ainsi qu’un combat effectif contre le virus ne pouvaient pas être réalisés à travers des grands centres de suivi et de mise en quarantaine. La stratégie nationale de lutte contre le virus a par conséquent été réajustée (Funke 2015). Il a été décidé de transférer le management de la crise, jusqu’alors centralisé, aux régions, ce qui a permis une beaucoup plus grande flexibilité dans les nouveaux domaines d’intervention.
43 Sous la direction de Christian Janke, médecin spécialiste en maladies tropicales, directeur de la cellule de la Bundeswehr qui soutenait la Croix Rouge sur place, le concept innovant des SITTU (unités temporaires de traitement des infections graves) a été développé. Une UTE libre devait, à travers sa capacité à dépister les patients très contagieux, filtrer les cas restants d’Ebola et leur administrer des soins optimaux (Funke 2015).
44 L’Allemagne a été critiquée pour avoir été l’un des derniers pays à ouvrir une UTE. Malgré tout, elle était, par la création du premier SITTU au Liberia, à la pointe de l’aide internationale. La modification des missions du centre de soin a conduit à une transformation du personnel. Avec l’aide de 50 nouvelles personnes déployées, 160 personnes locales ont continué à être formées. De plus, la coopération avec le centre médical JFK (JFKMC) a été harmonisée. Ici, l’aide prévoyait une assistance dans le domaine technique (expansion du réseau électrique, réparation des générateurs, installation de machines à laver et de sèche-linge) ainsi qu’un soutien dans la construction de bâtiments, dont un nouveau centre de dépistage placé en amont de l’hôpital afin d’éviter une nouvelle entrée de personnes infectées dans le bâtiment. Ces actions ont été complétées par une formation du personnel local à l’utilisation de nouveaux équipements médicaux, tels que les appareils à ultrasons. La confiance de la population à l’égard du système de santé public fortement ébranlée devait ainsi être rétablie. De nombreux professionnels du système sanitaire avaient succombé au virus. D’autres avaient quitté ce secteur pour d’autres domaines d’emploi ou avaient baissé les bras devant la situation. À travers la mise en place d’un centre spécial SITTU, une nouvelle importation du virus dans les hôpitaux devait être évitée. On visait ainsi à empêcher que le système de santé soit à nouveau submergé et à le préparer à soigner à nouveau sa propre population. Afin que les nouvelles unités créées au Liberia ne restent pas inutilisées à l’avenir, la responsabilité des actions a progressivement été transmise au personnel libérien qui avait été formé sur place entre mi-février et début mars 2015. Les unités devaient dès lors être dirigées par le personnel local. Dans un premier temps, le dépistage et l’administration des soins étaient encore uniquement effectués dans le SITTU. Dans une deuxième étape, le dépistage s’opérait dans le JFKMC comme dans le SITTU. À cet effet, une partie du personnel libérien formé avait été retiré du SITTU et placé dans le JFKMC. Les patients contaminés continuaient cependant d’être soignés exclusivement dans le SITTU. À partir de la troisième phase, le dépistage avait lieu uniquement dans le JFKMC. Des employés supplémentaires furent transférés dans ce centre, mais la prise en charge des patients continuait à se dérouler dans le SITTU. La dernière phase enfin prévoyait que le dépistage s’effectue dans le JFKMC, tandis que le SITTU allemand était fermé. La prise en charge des patients devait dorénavant se faire au sein des institutions sanitaires libériennes spécialisées dans le traitement des infections dépistées.
Les conséquences de l’épidémie Ebola
45 Les coûts directs de l’épidémie, eu égard aux décès ou à la perte de revenus des personnes salariées infectées, sont beaucoup plus bas que les coûts qui ont été causés par la réaction de la population, des institutions et de l’industrie au sein, mais aussi à l’extérieur des pays concernés. Les acteurs sans aucun lien géographique ou économique avec les pays concernés ont également joué un rôle. Contrairement à ce que les médias ont fréquemment suggéré, ce ne sont pas les classes moyenne et supérieure qui ont été touchées par le virus, même si le vice-président de la Sierra Leone Sam Sumana s’était mis lui-même en quarantaine. Sa mise en scène médiatique avait pour objectif de débarrasser les imaginaires de la population des stigmates négatifs de l’isolement.
46 La très grande partie des victimes provient en effet des couches les plus démunies de la population. Celles-ci n’avaient pas de formation scolaire ou de connaissances sanitaires de base, et par conséquent presque aucun savoir sur les mesures d’hygiène élémentaires à prendre, comme se laver les mains. Il était presque impossible de communiquer à un large public des informations sur les comportements à adopter en cas d’épidémie, sur les liens entre les symptômes ou encore sur les mécanismes de l’infection (Moninger 2015).
47 Dans les trois pays concernés, on s’attendait à des pertes économiques sensibles. On estime que le taux de croissance économique de la Sierra Leone, qui était élevé, a diminué de 9 %, et qu’il a connu une baisse de 12 % au Liberia (Rudloff et Vorrath 2014). Le taux de croissance en Guinée a chuté de façon spectaculaire à 0,5 % en 2014 – les prévisions l’estimaient à -0,2 % en 2015 (World Bank 2015). Les raisons de ces mauvais résultats proviennent avant tout de la diminution des revenus des exportations suite à la suspension de produits tels que l’huile de palme.
48 La chute conséquente du taux de croissance est principalement liée au retrait prévisible des investissements étrangers. Les investissements se sont réduits au maintien des installations existantes. L’investissement de Sime Darby à hauteur de 10 millions de dollars américains dans la construction d’une exploitation d’huile de palme, qui avait débuté en 2014 et qui devait se terminer en 2015, a stagné suite à l’épidémie d’Ebola (World Bank 2014).
49 Les rendements dans le secteur minier ont également fortement chuté. Des entreprises telles que la London Mining en Sierra Leone ont retiré leur personnel, ce qui a mené à l’arrêt de la production (Rudloff et Vorrath 2014). La production de minerai de fer a elle aussi été touchée par l’épidémie dans la mesure où China Union a fermé ses sites et où ArcelorMittal, le producteur mondial d’acier, a stoppé ses plans d’expansion (KPMG 2015 : 12). On ne tranchera pas sur la question de savoir si la réaction des industriels était adéquate ou non, mais elle est humainement compréhensible. Un grand nombre des employés étrangers des entreprises ne voulait plus se rendre dans ces pays pendant cette période, même si les contrôles de santé et de sécurité y étaient renforcés afin de protéger le personnel, en particulier dans les mines. Ces mesures sont allées si loin que les employés locaux n’avaient plus le droit de quitter l’enceinte de leur lieu de travail. Le personnel étranger quant à lui était directement acheminé des aéroports vers les mines par des hélicoptères afin d’éviter tout contact avec la population civile.
Conclusion
50 Au début de l’intervention, la concentration des aides internationales sur des mesures ostensibles telles que l’augmentation du nombre de lits, mais aussi la trop longue durée de construction des centres d’intervention (6-10 semaines) ont contribué à l’aggravation de la crise de la maladie d’Ebola entre octobre et décembre 2014.
51 Nous souhaitons cependant attirer l’attention sur la conséquence très grave, peu prise en compte jusqu’à présent, de la perte presque totale du personnel médical sur le développement futur des pays concernés. Les systèmes de santé qui comptaient déjà parmi les plus faibles au monde avant l’épidémie peineront à compenser la perte des 504 employés décédés parmi les 856 qui avaient été infectés par Ebola dans ce secteur professionnel. De plus, d’autres maladies présentes dans ces régions, telles que la malaria, la rougeole ou le choléra sont souvent négligées par les aides internationales. Si le choléra a pu être maîtrisé grâce aux mesures d’hygiène promues lors de l’épidémie d’Ebola, le paludisme continue de menacer dangereusement la population. La distribution de moustiquaires, qui représentait la meilleure façon d’empêcher la contamination de la malaria, a été stoppée. Il faut par conséquent s’attendre à une nouvelle augmentation des victimes du paludisme, ce qui anéantit les progrès réalisés dans la maîtrise de cette maladie au cours des dernières années.
52 De plus, la restriction de la mobilité des personnes et la fermeture des frontières ont mené à un manque de semences qui aurait pu engendrer une famine (Rudloff et Vorrath 2014). La peur d’une telle évolution n’est pas infondée, car l’augmentation des prix de produits alimentaires dans la région avait déjà mené à des guerres civiles ou à des conflits armés dans le passé. C’est également pour cette raison qu’un engagement international contre l’épidémie semblait absolument nécessaire. Après coup, il s’est avéré que les collectivités locales avaient été sous-estimées, leur résilience ayant permis de réduire les risques d’une pénurie alimentaire et d’une augmentation des prix.
53 La Sierra Leone a été déclarée guérie du virus Ebola le 7 novembre 2015, suivie de la Guinée le 29 décembre 2015 puis du Liberia le 14 janvier 2016. On peut cependant se demander si ces pays seront un jour réellement délivrés d’Ebola et s’ils l’ont d’ailleurs été un jour. En effet, un cas de décès lié au virus Ebola a été confirmé en Sierra Leone le 15 janvier 2016.
54 L’intervention allemande d’une durée de trois mois dans le cadre de la mission « Aide Humanitaire Afrique de l’Ouest » à laquelle ont participé des membres de la Croix Rouge allemande, de la Bundeswehr et du personnel sanitaire libérien, a été importante.
55 Dans ce contexte, le virus Ebola en lui-même n’était pas toujours au cœur des interventions. L’ajustement de la stratégie nationale face à la crise, la formation des employés locaux ainsi que le traitement d’autres maladies infectieuses ont constitué d’autres actions importantes afin de stabiliser le pays, notamment en ce qui concerne le combat souvent négligé contre le paludisme. Les évolutions en Afrique de l’Ouest sont des signes annonciateurs sur la manière dont des événements futurs pourront affecter la sécurité de manière indirecte mais aussi dont des actions très concrètes de la part des forces armées et des organisations humanitaires pourront s’avérer nécessaires. Il est par conséquent primordial que l’organisation et la coordination des organismes humanitaires soient renforcées.
56 En ce qui concerne le virus Ebola, on doit retenir que l’épidémie reflète une crise du développement qui se manifeste sous des aspects sanitaires et qui a mené à une aggravation de la situation économique et à une situation tendue dans les pays concernés. On ne peut aucunement affirmer que tout danger soit écarté depuis la fin de l’épidémie ou qu’un nouvel engagement soit superflu. C’est plutôt l’inverse qui est vrai. L’épidémie d’Ebola a montré la nécessité d’un engagement international dans la coopération et le développement durables dans des pays qui, en raison de leurs antécédents historiques, ne parviennent pas à changer leur situation par eux-mêmes.
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Notes
-
[1]
Traditionnellement, l’espace est représenté comme figé, tandis que le temps est présenté comme une unité distincte et active. Castells (2004 : 147) a mis en avant l’idée selon laquelle l’espace et le temps ne doivent pas être dissociés mais qu’ils doivent au contraire être perçus comme formant une unité dynamique.