@GRH 2021/1 N° 38

Couverture de GRH_211

Article de revue

Piloter la performance : sens et non-sens du travail

Pages 13 à 37

Notes

  • [1]
    Cette présentation fait suite à un programme de recherche associant huit chercheurs de deux laboratoires en réponse à un appel à manifestation d’intérêt émis par Pôle Emploi. Nous n’abordons pas ici l’intégralité des aspects abordés dans ce programme, mais uniquement ceux traités par nos soins.
  • [2]
    Les missions de Pôle Emploi sont énumérées à l’article L5312-1 du Code du travail modifié par la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018.
  • [3]
    Les verbatim cités pour illustrer nos propos sont représentatifs de la diversité des acteurs interrogés (conseillers, responsables d’équipe et directeurs) et des agences visitées.
  • [4]
    L’analyse qui suit est issue de documents internes, ainsi que des entretiens avec des membres des différents niveaux de direction Pôle Emploi, hors agence.

1Le pilotage de la performance se diffuse dans tous les secteurs de la société. Les établissements publics ne sont pas à l’écart de ce mouvement qui marque la « nouvelle gestion publique ». L’impératif de modernisation, justifié par des contraintes externes visant à limiter le gaspillage des ressources, par la rationalisation des fonctionnements et la responsabilisation des acteurs, se traduit par différentes formes d’évaluation systématique imprégnées de « culture du résultat ». Ces pratiques s’appuient sur une instrumentation sophistiquée dont la mise en œuvre est souvent problématique, ce qui soulève de vives controverses sur leur bienfondé. Pour autant, les acteurs continuent de chercher les sources de légitimité de l’action publique dans l’affichage de ses objectifs et l’évaluation de ses retombées sur la société. Ainsi la mesure de la performance continue-t-elle de se développer. Dès lors, comment les agents du service public perçoivent-ils ces nouveaux outils de gestion ? Quelles sont les caractéristiques de l’action managériale qui en accompagne le déploiement, en amont et dans les activités quotidiennes ? Quelles en sont les conséquences ?

2Pour éclairer ces questions, à travers une recherche exploratoire, nous nous sommes intéressés aux perceptions des agents et aux effets sur le travail de l’introduction d’un modèle de pilotage par les résultats chez Pôle Emploi [1]. Ce modèle de pilotage est promu par les dirigeants comme permettant à chacun de mieux se centrer sur les finalités de l’activité, en rappelant constamment le sens et l’importance de cette mission. Nos résultats montrent que bien que conçu comme un vecteur de création de sens (Weick, 1995), accompagnant le travail des agents, le modèle de pilotage de la performance les conduit parfois à perdre le sens de la mission. Voire, quand ils s’inscrivent dans une application trop techniciste du modèle, au détriment des exigences de l’activité, il les confronte à des situations de non-sens, ce que nous avons appelé « cercle vicieux ». Cependant cette situation n’est pas fatale : nous montrons aussi qu’un « modèle vertueux » émerge dans certaines agences.

3Pour comprendre cette situation, nous étudierons « l’agence » des outils de gestion de la performance (Chiapello et Gilbert, 2016) ainsi que les conditions managériales de l’émergence d’un sens collectif, utile à la réalisation du travail des agents et à la mission de l’organisme. Parmi ces conditions, nous soulèverons celles relatives au rôle de la fonction des ressources humaines confrontée aux défis du New Public Management (Noguera, 2010).

4Dans la suite de cet article, nous allons commencer par développer le cadre théorique que nous venons d’esquisser (1.). Nous poursuivrons en présentant les grandes lignes de la démarche de pilotage de la performance par les résultats adoptés par Pôle Emploi et la méthodologie que nous avons adoptée pour en saisir les effets les plus manifestes (2.). Nous exposerons ensuite les principaux résultats obtenus, montrant les éléments de consensus, sans négliger les aspects les plus problématiques de la démarche (3.). En conclusion, nous dégagerons les principales contributions de notre recherche et nous nous efforcerons d’ouvrir quelques pistes pour nourrir la réflexion des professionnels de la GRH (4.).

1. L’instrumentation de gestion du NPM : création ou perte de sens ?

5Il nous semble utile de commencer par rappeler le contexte dans lequel la démarche de Pôle Emploi se développe, qui est celui d’une transformation du secteur public à grande échelle (1.1.). Cette transformation, marquée par une ambition réformatrice, s’appuie très directement sur une instrumentation qui fait l’objet de nombreuses controverses (1.2.). Le pilotage par les résultats et la mesure de la performance y tiennent une place centrale, mais le débat sur leur contribution à donner du sens au travail ou bien au contraire à engendrer une perte de sens n’est pas tranché (1.3.).

1.1. Un secteur public en transformation

6Depuis le début des années 1980, à la suite de la « révolte conservatrice » – expression de l’essayiste franco-américain Guy Sorman – amorcée par l’arrivée au pouvoir de Ronald Reagan aux Etats-Unis et de Margaret Thatcher au Royaume-Uni, les États occidentaux conduisent des réformes dans l’ensemble des organisations relevant de la sphère publique.

7Conceptualisées notamment par Christopher Hood (1995), les transformations du management public ont pris le nom de New Public Management (NPM). Le NPM peut être défini comme « un ensemble hétérogène d’axiomes tirés de théories économiques, de prescriptions issues de savoirs de management, de descriptions de pratiques expérimentées dans des réformes (notamment dans les pays anglo-saxons) et de rationalisations doctrinales réalisées par des organisations transnationales » (Bezès, 2005, p. 28).

8Cette « nouvelle gestion publique » redéfinit les rapports de confiance entre l’État et ses partenaires (Hood, 1995). Émettant une critique forte à l’égard des rigidités bureaucratiques (Olsen, 2005), elle est imprégnée de l’idée que les différences entre les secteurs public et privé n’étant pas significatives, les organisations publiques justifient des mesures similaires à celles appliquées dans les entreprises marchandes. Comme telles, elles doivent être évaluées par des indicateurs de performance et de satisfaction des usagers (désormais « clients »), et soumises à une redevabilité (accountability) accrue.

9Quels sont les principes directeurs du NPM ? Bezès (2007, p. 19) en distingue cinq : « la séparation entre les fonctions de stratégie, de pilotage et de contrôle et les fonctions opérationnelles de mise en œuvre et d'exécution ; la fragmentation des bureaucraties verticales par création d'unités administratives autonomes (agences), par décentralisation ou par empowerment de groupes d'usagers ; le recours systématique aux mécanismes de marché (concurrence entre acteurs publics et avec le secteur privé, individualisation des incitations, externalisation de l'offre) ; la transformation de la structure hiérarchique de l'administration en renforçant les responsabilités et l'autonomie des échelons en charge de la mise en œuvre de l'action de l'État ; la mise en place d'une gestion par les résultats fondés sur la réalisation d'objectifs et la mesure et l'évaluation des performances dans le cadre de programmes de contractualisation ».

10Une partie notable de la littérature consacrée au NPM est constituée de travaux de type ingénierique consacrés aux modalités opérationnelles de déploiement de l’action publique. Ils renvoient aux caractéristiques intrinsèques des outils mobilisés, et à la nécessité de les améliorer en référence à la spécificité des organisations publiques et à la multiplicité de ses parties prenantes, ou aux résistances au changement des acteurs (une recension des travaux sur ce dernier point est présentée dans Halpern et al., 2014).

11D’autres travaux d’orientation critique mettent en cause le caractère technocratique et peu participatif des changements organisationnels induits par le NPM (Giauque et Emery, 2016), voire l’aliénation croissante d’une grande part des travailleurs du secteur public (Cultiaux, 2012), l’ignorance du travail réel qui se dérobe à l’évaluation (Dejours, 2003) et la tendance d’une « gestion paradoxante » à « produire l’exclusion pour améliorer la productivité » (de Gaulejac, 2010, p. 90). Le NPM, en dégradant les conditions de travail, serait même pathogène selon Abord de Chatillon et Desmarais (2012).

12Plus spécifiquement, l’introduction d’indicateurs de performance visant le contrôle par les résultats dans les services publics, rencontre des difficultés et soulève différentes critiques. À la base, certains trouvent peu pertinente l’introduction du contrôle par les résultats dans les organisations publiques. Hofstede (1981), en particulier, estime que le contrôle par les résultats suppose des conditions non remplies par les organisations publiques, comme par les organisations sans but lucratif. Plusieurs pointent la mise en confrontation de logiques antagonistes (Mazouz et al., 2015) et s’exerçant « au détriment de la raison pratique et de la sagesse du sens commun » (Guillaume, 2009, p. 105). D’autres enfin montrent que le NPM a pour effet l’intensification du travail et la dégradation des relations professionnelles ce qui conduit à l’épuisement professionnel (Abord de Chatillon et Desmarais, 2012).

1.2. La question de la mesure de la performance à l’épreuve du sens

13La dimension instrumentale du NPM a été soulignée par de nombreux auteurs, tant dans l’espace anglophone (Salamon et Elliott, 2002 ; Hood, 2007) qu’en France (Lascoumes et Le Galès, 2004 ; Halpern et al., 2014). Les transformations opérées au nom de la nouvelle gestion publique s’appuient en effet très largement sur des outils de gestion, appelés parfois « instruments de gestion » (Berry, 1983 ; Gilbert, 1998 ; Oiry, 2011).

14Qu’est-ce qu’un outil de gestion ? Moisdon (1997, p. 7) désigne sous ce terme « toute formalisation de l’activité organisée (…) tout schéma de raisonnement reliant de façon formelle un certain nombre de variables issues de l’organisation et destinées à instruire les divers actes de gestion ». De façon complémentaire, entrant dans la structure de l’outil, Grimand (2006, p.17), qui emprunte aux travaux de Lorino (2002), écrit : « l’outil est une entité mixte associant d’un côté des artefacts, matériels ou symboliques (des concepts, des schémas, des interfaces d’outils informatiques…), de l’autre des registres d’actions, d’usage qui vont leur donner sens ».

15La mise en place d’un nouveau système de contrôle dans une organisation remet en cause les représentations de son fonctionnement. Selon Mevellec (1995, p. 76), « (elle peut) être utilisée pour véhiculer des signaux forts chargés de contribuer au déploiement de la stratégie dans l'ensemble de l’organisation », et donner à l’action collective un nouveau sens. Dans le cadre d’un « gouvernement par les indicateurs de performance » (Bezès et al., 2016), l’implantation des outils de contrôle par les résultats transplante les valeurs privées dans les organisations publiques (Dreveton, 2017), car, comme le relève David (2006, p. 249), « les modèles et outils de gestion sont porteurs de sens ». Pour Bezès (2020, p. 22), « le New Public Management, et ses instruments (objectifs et cibles, indicateurs, palmarès, contrôle de gestion, contractualisation, budget de performances) ont été le vecteur d’un néo-taylorisme marqué par l’emprise de dispositifs de contrôle assis sur les dispositifs de performance, du développement d’un « État managérial », de l’apparition d’organisations « néo-bureaucratiques » dominés par des formes rationalisées et recentralisées de contrôle du secteur public et des strates managériales inédites, d’une explosion des régulations internes aux États, d’une « révolution bureaucratique » ou d’une « bureaucratisation néo-libérale ». ».

16Les outils de gestion assurent, soutiennent Chiapello et Gilbert (2016), une fonction épistémique contribuant à produire la vérité sur le monde dans lequel ils opèrent : sélectionnant les objets de l’attention, en laissant d’autres de côté, ils disent ce qui est digne de valeur. Le « dire vrai » gestionnaire d’un système de pilotage de la performance reste néanmoins confronté à d’autres régimes de vérité (Foucault, 1971) véhiculés par les logiques de métier, une histoire personnelle, une identité professionnelle qui peuvent être soutenues par des représentations différentes de la performance et de son évaluation.

17Les travaux séminaux de Berry (1983) et les développements apportés ensuite par les laboratoires de gestion des écoles d’ingénieurs (CRG-Polytechnique, CGS-Mines), reconnaissent le caractère structurant des outils de gestion, leur performativité (Aggeri, 2017), mais refusent tout déterminisme, arguant d’une forte ambivalence des outils de gestion et d’une « grande incertitude quant aux effets modernisateurs de l’instrument » (Baudot, 2011). Dès lors la question est posée de ce qui confère cette ambivalence aux outils de gestion et qui explique les résultats contrastés.

18Une voie de compréhension nous paraît celle qui situe les outils de gestion dans un processus interactionnel de création de sens. Différents auteurs ont montré le caractère souvent ambigu ou équivoque du fonctionnement des organisations : une part importante du travail d’organisation consiste alors à construire du sens, interpréter les contextes pour prendre des décisions et entreprendre les actions appropriées. En effet, dans un contexte organisationnel, travailler suppose de construire une définition commune des situations, donc donner du sens à des faits, des événements, pour agir collectivement de manière sensée. Or le sens ne préexiste pas, il n’est pas donné, il est construit par les individus ou les groupes dans leur activité, selon leurs enjeux. Dans des organisations et des sociétés de plus en plus complexes, la question du sens prend donc une acuité particulière (Weick, 1995).

19Différents auteurs ont montré qu’une part fondamentale du travail du manager consiste justement à donner du sens : envisager l’environnement comme passif ou actif conduit à définir des modes d’action différents, qualifier d’autres entreprises comme adversaires, partenaires, indifférentes ou ambivalentes modifiera la manière d’entrer dans le jeu concurrentiel, ou pour les organisations publiques remplir leur mission au mieux des intérêts de leurs bénéficiaires. La communication joue ici un rôle fondamental. Les cadres de pensée et d’action ainsi définis doivent être suffisamment partagés. Les apports de Weick (1995) sur ce point sont majeurs. Il n’a pas traité directement des outils de gestion dans ses travaux sur le sensemaking (création de sens), mais il a inspiré nombre de recherches dans ce domaine. Pour David (2006, p. 249), « la conception et la mise en œuvre des outils de gestion ont la propriété d’un processus de sensemaking et empruntent aux différents registres du langage du sensemaking ».

20Lorino (2006), évoque cependant leur « présence fantomatique » dans l’œuvre du chercheur, reconnaissant ses apports multiples à la recherche sur l’instrumentation de gestion, tout en pointant certaines limites, notamment quant à la prise en compte « de l’activité réelle, individuelle et collective, et de l’usage pratique des instruments en situation » (op. cit., p.51).

21C’est à la réduction de ce « gap » que nous voudrions contribuer. Relevant avec Bezès et al. (2016, p. 349), « l’irrésistible ascension du gouvernement par les performances », c’est sur ce point que nous focaliserons notre attention, en nous intéressant plus précisément à la mise en place d’un nouveau mode de pilotage par les résultats à Pôle Emploi : comment s’opère-t-il dans les agences ? Quels effets y produit-il ? Comment rendre compte de la diversité de ces effets ? Nous pensons ainsi être en mesure d’esquisser les contributions possibles d’une fonction Ressources Humaines, non alignée sur les préconisations du modèle de référence instrumental, mais ouverte à la gestion des contradictions (Brabet, 2013).

2. Démarche empirique

22Comme annoncé précédemment, nous avons choisi d’étudier les effets du déploiement d’un pilotage par les résultats au sein de Pôle Emploi. Ce terrain d’enquête présente trois caractéristiques qui le rendent particulièrement pertinent pour la question de recherche :

23

  • En raison des enjeux sociétaux et politiques qui entourent sa mission, Pôle Emploi subit de ses tutelles de fortes pressions au développement de sa performance.
  • La très grande taille de cette organisation publique, par ailleurs héritière d’une bureaucratie administrative augure de tensions probables dans la mise en œuvre du management de la performance.
  • Sa structure en agences permet d’engager l’étude de plusieurs unités au sein d’un même ensemble afin de comprendre les raisons de la variabilité intra-organisationnelle d’un même phénomène.

24Notre analyse du contexte (2.1.) ainsi qu’une démarche de recueil de données qualitatives (2.2.) servent notre objectif d’accéder aux effets, souhaités et non souhaités, de la mise en œuvre de ce mode de pilotage.

2.1. Pôle Emploi, du pilotage de l’activité au pilotage par les résultats

25Pôle Emploi résulte de la fusion, fin 2008, des Assédic et de l’Agence Nationale pour l’Emploi (ANPE). Il est de par sa taille le premier opérateur de l’État et compte environ 55 000 salariés répartis dans plus de 1000 agences maillant tout le territoire. Sa structure est multidivisionnelle, organisée selon une logique géographique : les agences, unités d’actions de plusieurs dizaines de personnes, sont animées en réseau au sein d’une Direction Territoriale (DT) correspondant généralement à un département ; les directions territoriales sont elles-mêmes regroupées au sein de Directions Régionales (DR) prenant les contours des grandes régions, dépendantes à leur tour de la Direction Générale (DG).

26La mission de Pôle Emploi est définie par la loi du 13 février 2008 [2]. Elle reprend les missions des établissements fondateurs mais dans une conception élargie. Il s’agit d’accompagner les personnes dans leur recherche d’emploi, d’assurer leur indemnisation au titre de l’assurance chômage pour le compte de l’Unédic et au titre de la solidarité pour le compte de l’État, mais aussi d’accompagner les entreprises dans leurs opérations de recrutement ; enfin d’autres actions en lien avec ces missions peuvent lui être confiées par l’État, l’Unédic et les collectivités territoriales. Pôle Emploi est ainsi le premier opérateur public des politiques de l’emploi, mais aussi désormais de la formation professionnelle, et travaille en lien avec les milieux socio-économiques et les institutions sociales.

27Depuis sa création, les objectifs de Pôle Emploi sont fixés périodiquement dans une convention tripartite négociée et signée avec l’État et l’Unédic. Ces objectifs sont suivis au travers d’indicateurs dénommés Indicateurs de la Convention Tripartite (ICT). À partir de 2012, Pôle Emploi a modifié son système de pilotage, passant d’un pilotage de l’activité à un pilotage par les résultats. Dès lors, les cibles associées aux indicateurs de la convention tripartite sont devenues les objectifs à atteindre à tous les échelons de Pôle Emploi, jusqu’au niveau de chaque agence. Pour la convention 2015-2018, les objectifs sont suivis au travers de 14 ICT.

28En 2016, le dispositif a été raffiné et complété par l’implantation d’une démarche comparée. Cette démarche repose sur des fondements statistiques et économétriques élaborés à partir de plus de 140 variables reflétant les caractéristiques de l’environnement d’une agence (tissu économique, particularités géographiques, caractéristiques sociales et démographiques de la population, structure de la population active…) et permettant de déterminer des bassins d’emploi aux caractéristiques communes. La démarche « Performance comparée » prévoit ensuite que les objectifs assignés à chaque agence soient alors issus des ICT fixés au niveau de Pôle Emploi ; modulés pour quelques-uns en fonction des caractéristiques du bassin. Ainsi, la performance attendue de l’agence, à travers les 14 ICT censés la représenter, est objectivée et les cibles assignées aux différentes entités ne sont pas issues d’un dialogue de gestion mais du calcul. Parallèlement, les agences ont été dotées de marges de manœuvre accrues leur permettant d’adapter davantage leur action à leur contexte et encourageant leurs acteurs à imaginer de nouvelles façons de faire. Un large dispositif à destination de tous les managers (directeurs d’agence, responsables d’équipe) a été déployé pour expliquer le modèle et former à l’animation managériale qu’il préconise, reposant sur l’analyse collective et partagée de la performance, l’autonomie accrue et l’encouragement aux initiatives.

2.2. Une méthodologie compréhensive pour l’étude de cas enchâssés

29L’objectif de notre recherche étant de comprendre les effets induits par le pilotage de la performance au sein de Pôle Emploi, nous avons tout d’abord consulté et analysé un grand nombre de documents internes et de rapports publics. Afin de mieux appréhender à la fois la perception du modèle par les acteurs mais aussi leur interprétation, voire la traduction qu’ils opèrent, nous avons choisi d’adopter une démarche qualitative par l’étude d’un cas unique (Yin, 2008). Toutefois, outre le niveau individuel, il nous a également semblé important de pouvoir étudier comment des collectifs réagissent de manière différente à un modèle imposé. À l’instar de Gauche et Eggrickx (2012), nous avons ainsi opté pour une étude de cas enchâssés (Yin, 2008) permettant à la fois l’étude d’un contexte unique et une analyse dans différentes sous-unités représentées ici par des agences au sein de Pôle Emploi.

30Le recueil de données comprend donc une analyse documentaire et une série d’entretiens individuels (N = 77) et collectifs (N=10) réalisés à différents échelons de la direction et dans dix agences d’une grande région. Le choix du Grand Est a été effectué pour différentes raisons. Tout d’abord, cette région offre une homogénéité dans le déploiement et l’opérationnalisation du nouveau mode de pilotage alors même qu’elle présente une diversité de bassins d’emplois qui permet de contraster nos cas. De plus, les nombreuses dessertes de la région Grand Est permettent une facilité d’accès pour l’ensemble de l’équipe de chercheurs. Les entretiens individuels ont été menés en adoptant une approche semi-directive de façon à pouvoir analyser le sens que les acteurs donnent à leurs pratiques et aux événements auxquels ils sont confrontés. Ils ont duré entre 50 minutes et 1h30. Un guide d’entretien a été conçu pour chaque catégorie d’acteurs interrogés. Pour faire émerger des logiques de représentations collectives, des convergences ou divergences d’opinion et pour percevoir d’éventuelles logiques identitaires parmi les groupes rencontrés, des entretiens collectifs ont également été conduits. Au sein des agences, le même protocole a été engagé de manière systématique : rencontre avec le directeur d’agence suivie d’entretiens avec deux responsables d’équipe, quatre entretiens individuels puis un entretien collectif avec des conseillers dans les différents métiers (gestion de droits, demandeurs d’emploi ou entreprises). Au total, 118 personnes de niveaux de responsabilité variés (employés, managers de proximité, responsables d’agence, directeurs territoriaux, membres de la direction générale et de la direction régionale) ont été rencontrées entre mars 2017 et janvier 2018.

31Chaque entretien individuel ou collectif a fait l’objet d’une retranscription complète. Nous avons ensuite suivi une démarche de « thématisation séquenciée » (Paillé et Mucchielli, 2012). En effet, le matériau empirique récolté a fait l’objet d’une première analyse visant à faire émerger les différences et convergences constatées entre les agences sur trois thèmes : les perceptions de la performance, les marges de manœuvre des acteurs et le rôle de l’encadrement intermédiaire. Cette première étape a permis d’affiner la grille thématique de codage des entretiens en définissant des sous-thèmes (Tableau 1). Chaque chercheur a ensuite codé, à l’aide du logiciel N’Vivo, les entretiens qu’il n’avait pas lui-même menés afin d’avoir une connaissance plus complète des données collectées.

Tableau 1: Grille de codage utilisée sur N’Vivo

ThèmesSous-thèmes
Thème 1 : Perception de la performance et du modèle de pilotage par les résultats.Perception de la performance de Pôle Emploi
Niveau de prise de conscience du modèle de pilotage par les résultats
Niveau de compréhension du concept de performance par les résultats
Opérationnalisation dans les agences du modèle de pilotage
Recours aux indicateurs de résultats
Autres Indicateurs suivis
Fixation des objectifs
Connaissance et utilisation du dispositif de performance comparée
Télescopages possibles avec d’autres injonctions à la performance
Thème 2 : Marges et régulation des marges autour des instruments de gestion liés au modèle de pilotage par les résultatsMarges prévues par le modèle de pilotage par les résultats
Marges possibles et marges saisies par les individus
Marges et comportements stratégiques
Marges et comportements de négociation
Marges et apprentissage
Marges et poids des contraintes institutionnelles
Thème 3 : Rôle de l’encadrement intermédiaire dans la mise en œuvre opérationnelle du modèle de pilotage par les résultats dans les agences Partage de la fonction d’encadrement intermédiaire
Mise en œuvre du modèle de pilotage par la performance et trajectoires individuelles
Tensions et contradictions
Ambiguïté de rôle
Structuration de l’information et opérationnalisation du modèle de pilotage
Brouillage identitaire

Tableau 1: Grille de codage utilisée sur N’Vivo

32Cette méthode de codage permet, en réduisant le matériau empirique, de fournir une lecture plus aisée des résultats de notre enquête de terrain tels qu’ils vont être présentés dans la partie 3. Comme le préconisent Paillé et Mucchielli (2012, p. 105), une approche plus interprétative a ensuite été conduite pour opérer une discussion des thèmes entre eux ou avec le cadre théorique mobilisé.

3. Résultats

33Les entretiens réalisés en agence permettent de faire émerger une vision relativement consensuelle de cette quête de performance (3.1.). L’étude précise du nouveau système de pilotage à Pôle Emploi permet d’établir que, loin de se réduire à l’injonction de performance, il vise l’instauration d’un modèle nouveau, dans lequel les modalités de l’activité sont supposées sans cesse réinventées par les acteurs, au service de la mission (3.2.). Toutefois, le chemin à parcourir pour atteindre l’objectif grâce à une « mécanique » de pilotage par les résultats conduit parfois les agents à perdre le sens de leur activité (3.3.). Ainsi, le fait que les acteurs partagent le constat et l’ambition ne suffit pas nécessairement à obtenir d’eux qu’ils déploient la démarche engagée sans détours ou appropriation différenciée de celle visée par ses initiateurs. Il arrive même que la démarche déployée soit pervertie par une approche trop instrumentale et ainsi détournée de son intention initiale (3.4.)

3.1. Consensus sur la quête de performance

34La performance est définie par Pôle Emploi par le fait d’atteindre les objectifs qui lui sont fixés au travers des indicateurs de la convention tripartite. Ces ICT sont de différentes portées : certains sont transversaux à tout Pôle Emploi tandis que d’autres sont spécifiques à ses principaux métiers, à savoir l’accompagnement des demandeurs d’emploi, la gestion des droits, et les services aux entreprises. Ils sont aussi de différentes natures : certains reflètent les finalités de Pôle Emploi, d’autres la satisfaction des usagers à l’égard de ses services, et d’autres plus proches des opérations mesurent l’efficacité, ou la mise en œuvre de moyens. Le faisceau des quatorze indicateurs donne ainsi une vision multidimensionnelle de la performance.

35Qu’en est-il de la perception par les salariés de Pôle Emploi de ce qu’est la performance ? Que pensent-ils du nouveau mode de pilotage par les résultats ? Globalement, les personnes interrogées dans les agences s’accordent sur le constat que Pôle Emploi, au moment de la mise en place du pilotage par les résultats, souffrait d’un déficit d’image lié à une performance jugée insuffisante. Elles partagent donc de manière assez homogène le caractère inéluctable de l’injonction de performance impulsée par ce nouveau pilotage. D’ailleurs, la notion de performance donne lieu à peu de divergences d’interprétation selon les interlocuteurs, et sa finalité n’est pas davantage discutée. Elle se décline en priorité au regard de la mission de service public qui est confiée aux agences de Pôle Emploi. Sont ainsi particulièrement mis en avant le retour à l’emploi, la qualité de service et la satisfaction des demandeurs d’emploi et des entreprises.

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« En tant qu’administration publique, on a un devoir de travail de qualité et de service rendu, donc il est normal d’avoir une performance, tout simplement. »[3]

37Cette perception s’accompagne aussi d’une relative adhésion autour de la démarche de pilotage par les résultats, et la nécessité de la mesure n’est pas tellement contestée. Pour autant, dans le détail, les visions de la performance exprimées par les acteurs ne convergent pas de manière totalement monolithique mais se déclinent selon les priorités des territoires et des agences, les métiers et les trajectoires de carrière des individus. Ainsi, pour certaines équipes d’encadrement des agences, la qualité de vie au travail ressort comme un élément contribuant à la performance globale, alors que pour d’autres, l’orientation est essentiellement centrée sur la satisfaction des demandeurs d’emploi et des entreprises.

38

« C’est de rendre le service pour lequel on est attendu dans les meilleures conditions de travail possibles pour l’ensemble des collaborateurs […] C’est vraiment de se dire " je suis là pour bosser, je sais ce vers quoi je vais aller". »

39Ainsi, le constat et le discours relatif aux ambitions de performance au sein de Pôle Emploi ne sont donc pas contestés et recueillent même une forme d’approbation par les acteurs rencontrés. Ceci n’empêche pourtant pas de constater des effets contrastés dans la déclinaison opérationnelle du modèle.

3.2. Le « modèle vertueux »

40L’instauration à Pôle Emploi du système de pilotage par les résultats répond à plusieurs visées [4]. Il s’agit de passer d’une logique d’activité tournée vers la mise en œuvre de moyens et fortement prescrite, à une logique désormais centrée sur la performance et son amélioration continue, ce qui est censé accroître l’efficience par un questionnement permanent autour de la mobilisation des moyens par rapport à des finalités identifiées. Par ailleurs, le pilotage par les résultats doit contribuer à fédérer, dans cette organisation complexe, récemment fusionnée, multiniveaux et multi-sites, et confrontée à de multiples attentes et transformations internes comme externes, touchant à la technologie, l’économie, le travail, et le comportement des acteurs.

41Mais surtout, focalisant l’attention de tous les échelons sur les missions et le résultat, et donc sur la finalité de l’action plus que sur l’activité comme une fin en soi, l’outil est présenté comme servant à mobiliser les énergies et donner du sens à l’activité et au travail. Cette intention a largement été relayée par les plans stratégiques de Pôle Emploi, différents outils de communication interne, puis dans les formations à l’intention des managers et les « kits d’utilisation » très détaillés mis à leur disposition.

42Le dispositif promeut d’ailleurs un nouveau mode d’animation managériale, par lequel les résultats atteints font régulièrement l’objet d’une analyse collective et partagée jusqu’au niveau le plus fin des équipes en agence, et mobilisant l’ensemble des agents pour la recherche de solutions et l’exploration de voies nouvelles. Le management intermédiaire et de proximité est alors positionné dans un rôle nouveau d’animation des agences et des équipes de conseillers, doté en principe de marges pour exercer ce rôle, et les mobilisant pour améliorer la performance.

43Dans la logique du modèle, les équipes de direction sont invitées à s’emparer des résultats de l’agence, et à mobiliser ensuite les conseillers autour de l’analyse de la performance et son amélioration. Lorsqu’il y a surperformance, il s’agit de réfléchir collectivement aux conditions de l’obtention de ces résultats favorables, d’identifier et pérenniser ces bonnes pratiques, et lorsqu’elles sont transposables, les partager et les diffuser au sein de divers réseaux internes à Pôle Emploi. Lorsque les résultats ne sont pas au rendez-vous, il s’agit d’interroger l’activité et son organisation, et d’amener chacun à rechercher ou adopter des façons de faire davantage en adéquation aux situations. Il est préconisé de généraliser de telles pratiques réflexives et de les systématiser, afin de favoriser les propositions et les prises d’initiative des équipes et des conseillers, le partage, la diffusion, et plus globalement des situations qui permettent à la fois une plus grande adaptation de l’activité au contexte comme aux attentes du territoire, et une capacité à créer et innover, à partager et coopérer.

44Le modèle de pilotage par les résultats tend, dans son intention, à renforcer l’engagement et la motivation des équipes (moins de prescriptions, plus de latitudes, d’initiatives, de reconnaissance…). Il est possible d’y lire également la promotion de situations d’apprentissage individuel et d’apprentissage organisationnel, dans une boucle « vertueuse » d’amélioration permanente de la performance collective. L’ensemble repose donc sur le postulat d’un cercle vertueux que nous avons modélisé et résumé comme suit dans la figure 1.

Figure 1 : Le cercle vertueux du pilotage de la performance

figure im1

Figure 1 : Le cercle vertueux du pilotage de la performance

45Qu’en est-il des effets de l’installation du nouveau modèle de pilotage par les résultats dans les agences ? L’analyse des situations rencontrées à Pôle Emploi montre qu’un « modèle vertueux » se met effectivement en place dans certaines agences. En témoignent les réactions de managers (directeurs d’agence ou responsables d’équipe) :

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« Derrière les indicateurs, il y a des changements de posture, des changements d’actes professionnels qui sont très importants. »
« Ce qui est surtout important, et on travaille beaucoup avec les conseillers là-dessus, c’est vraiment pourquoi on mène les actions. On ne mène pas les actions pour se faire un indicateur. C’est important de porter le sens de nos actions […]. »
« Moi je défends le concept d’agence apprenante. Je pense que l’on fait des choses vraiment sympas dans ce sens-là. »

47Et les conseillers ne sont pas en reste :

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« Quand les enquêtes arrivent, on fait une analyse. »
« Mais voilà quand les chiffres ne sont pas bons, on essaie de se remettre en question par rapport à notre méthodologie (…) et on essaie de travailler différemment la fois d’après. »
« Ce qui est très appréciable ici, c’est qu’on a une marche de manœuvre. On peut être force de propositions et se lâcher. En mettant les compétences et l’expérience de chacun à profit, nous-mêmes on co-construit. »

49Mais la recherche menée montre également des cas où cette dynamique ne se met pas en place.

3.3. Certains usages des outils sont destructeurs de sens

50La démarche de pilotage par les résultats repose en priorité sur la fixation d’objectifs sur les quatorze ICT. Cependant, notre étude montre que certains ICT font l’objet d’une attention plus particulière que d’autres qui ne sont quasiment jamais cités. De manière générale, l’attention portée à l’indicateur est accrue lorsque les résultats ne sont pas atteints ou sont en baisse.

51

« On suit forcément plus ceux pour lesquels on n’est pas à la cible. »

52Les acteurs voient l’atteinte des objectifs comme un moyen de gagner des espaces de liberté alors que des actions plus coercitives s’exercent lorsque la cible n’est pas atteinte. Il y a donc un enjeu important à atteindre les objectifs, pas pour ce qu’ils représentent mais pour ce qu’ils permettent.

53

« Pour moi les chiffres s’ils sont au vert, tant mieux, et je vais faire ce que je veux. S’ils sont au rouge, oh ! Faut faire un plan d’action, on va nous demander ci, on va nous demander ça… »

54Dans le prolongement de ce constat, il ressort de nos observations que le pilotage de la performance repose principalement sur le suivi des résultats. Toutefois, les liens de causalité sont établis entre l’atteinte d’objectifs et la mise en œuvre de moyens, et conduisent ensuite très fréquemment les acteurs à se focaliser sur le pilotage des moyens et donc des activités. Sur ce point, l’abondance des données accessibles grâce au système d’informations conduit les agents à y rechercher des leviers d’action plutôt que des éléments d’analyse des situations.

55

« Nous avons un SharePoint qui permet d’avoir toutes les indications dans le détail. Par exemple sur les flux à l’accueil, on va savoir combien de personnes sont venues et combien ont été suivies dans les différentes typologies de questions. De même pour le téléphone et le nombre d’entretiens. Nous savons combien d’entretiens ont été faits et selon quelles modalités. Cela existe, pour que nous puissions avoir le détail, lorsque nous avons besoin de travailler sur un indicateur. »

56Dès lors, la traçabilité des activités devient un enjeu pour les agents et ils consacrent un temps important à rendre compte de leur activité pour faire valoir ce qui a été fait ou bien en apporter la preuve, parant ainsi le risque de voir pointées les insuffisances, individuelles ou collectives.

57

« Je leur rappelle vers le 26 ou 28 du mois qu’il serait bon de rentrer tout ce qu’elles ont fait pour que cela se voie. »

58Outre cette inflation de reportings, de tableaux de bord et de données chiffrées, la transposition des enjeux de résultats en exigence de niveau d’activité conduit certains acteurs à perdre de vue la finalité de leurs actions. Par exemple, une baisse de l’indicateur de satisfaction des entreprises a pu conduire des conseillers à se focaliser sur l’augmentation du taux de réponse à l’enquête de satisfaction plutôt que sur des actions contribuant réellement à augmenter cette satisfaction.

59Au final, la mise en œuvre de la démarche de pilotage par les résultats conduit à une focalisation de l’attention de certaines agences sur l’objectif pour l’objectif et non pour ce qu’il apporte. Dans certaines d’entre elles, il est également constaté une intensification de la production d’information pour tracer l’activité et une tendance à vouloir agir sur les moyens plutôt que sur les résultats. Ces constats mettent en évidence la perte progressive du sens de l’action tournée vers l’amélioration de la performance au profit d’actions de non-sens pour améliorer les indicateurs.

3.4. Le risque du cercle vicieux de l’approche instrumentale

60Le développement de cette approche instrumentale s’observe particulièrement lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur de la cible fixée pour un ou plusieurs indicateurs. Certains managers vont alors établir une stratégie basée sur l’action en vue de l’obtention de résultats rapides et visibles, centrée sur les indicateurs défaillants et parmi ceux-là, ceux sur lesquels il semble possible d’agir. Cette stratégie peut être adoptée parce qu’elle est conforme à la vision du manager, ou parce qu’elle résulte d’une pression des échelons supérieurs.

61L’impératif d’efficacité amène alors les différents acteurs à rechercher des leviers actionnables directement. Pour ce faire, ils s’appuient sur des systèmes d’information très fournis, qui les renseignent sur des données intermédiaires intervenant dans le calcul des ICT, nommées « indicateurs d’éclairage », ainsi que sur de nombreuses autres données d’activité. Ils tendent alors à rechercher des corrélations entre phénomènes ; dans une vision rationnelle, ils établissent des liens de causalité entre les moyens mis en œuvre retracés dans les systèmes d’information et les résultats. Le plus souvent ces liens sont identifiés par les « services d’appui » présents aux échelons régionaux ou nationaux de Pôle Emploi et sitôt diffusés aux agences ; ils peuvent aussi être établis par la direction en agence.

62

« On est plus souvent enquiquiné par la direction [territoriale] pour savoir comment on va faire pour atteindre l’indicateur d’éclairage ou de moyens que sur les indicateurs de la convention tripartite. »

63La logique qui se déploie alors est inverse de celle affichée par la démarche de pilotage par la performance. L’action se traduit par l’application des « solutions » issues des liens supposés de causalité directe entre moyens et résultats, et donc in fine par la prescription d’activité, sans recherche de contextualisation ou de voies nouvelles. Ces raisonnements en arbre causal négligent les relations complexes et tendent à mettre de côté les activités ou facteurs non retracés dans les systèmes d’information. Les discussions partagées avec les équipes, suscitant la construction commune d’un diagnostic et des voies d’amélioration, sont généralement réduites voire évincées, et ce d’autant plus facilement qu’il y a une urgence ressentie ou imposée à agir et à obtenir des résultats. Dans les moments de crise, l’action tend également à s’organiser autour d’une division accrue du travail en agence, chaque métier (gestion des droits, conseil aux entreprises, accompagnement des demandeurs d’emploi) prenant en charge la part qui le concerne. La vision induite de la performance est fragmentée, et néglige la transversalité, les phénomènes d’interdépendance et émergents. Les marges des conseillers sont réduites, l’analyse des situations est appauvrie.

64Lorsque cette logique d’action devient récurrente voire permanente, elle induit des effets pervers. Elle ouvre en effet la voie à différents bricolages détournant l’activité, l’amélioration de l’indicateur devenant la finalité et justifiant à elle seule l’action. Par exemple, la relance des entreprises pour qu’elles répondent aux enquêtes de satisfaction se substitue à des actions contribuant directement au service rendu. La priorisation sur les indicateurs défaillants induit également une gestion heurtée, l’action et les moyens se réorientant vers une nouvelle urgence sitôt un indicateur redressé. Des phénomènes d’incohérence temporelle peuvent alors être fortement ressentis par les conseillers, allant parfois jusqu’à créer un sentiment d’absurdité et de travail mal fait.

65

« Dans une immédiateté, en fait c’est comme si on mettait un pansement sur un geyser. On essaie de couvrir, on gère l’urgence, et puis finalement ah, il y a un autre truc là, donc on va là, et là, du coup le geyser recommence. Moi, j’ai une sensation d’inachevé sur tout. »

66Enfin, elle entraîne également une contestation du chiffre dans ses modalités de calcul ou quant à sa capacité à être représentatif du phénomène étudié, amenant le « système » à la prise en compte de toujours plus de facteurs ou de variables explicatives.

67Loin du cercle vertueux, postulé par les promoteurs du modèle, on aboutit donc parfois à une sorte de cercle vicieux qui le pervertit. Nous en proposons une reconstitution dans la figure 2.

Figure 2 : Le cercle vicieux du pilotage de la performance

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Figure 2 : Le cercle vicieux du pilotage de la performance

68Ce cercle vicieux n’est pas fatal. Ce fonctionnement peut correspondre à des situations où les résultats s’étant dégradés, une réaction forte et rapide s’impose, rappelant la gestion de crise ; l’agence peut ensuite revenir à un fonctionnement s’approchant davantage du cercle vertueux. Le modèle ne devient vicieux que s’il s’installe, et l’analyse des situations rencontrées montre que de tels cas de figure ne sont pas marginaux.

69Ainsi, l’importation d’un nouvel outil de gestion, en l’occurrence le mode de pilotage par les résultats, même bien conçu et déployé avec soin, ne suffit pas à engager les collectifs de travail dans des représentations et comportements nouveaux. Il semble que le sens doive se reconstruire localement, dans une dynamique collective qu’il importe de porter et d’animer, avec une certaine persévérance.

4. Discussion et conclusion

70La mise en place d’un pilotage par les résultats, associé à une démarche de performance comparée au sein de Pôle Emploi s’inscrit pleinement dans les principes énoncés par Bezès (2007). Partant du constat que les approches relevant de la « nouvelle gestion publique » obtiennent des résultats contrastés, nous avons souhaité comprendre comment le processus de création de sens pouvait expliquer cette ambivalence.

71L’étude empirique fait tout d’abord apparaître une certaine homogénéité dans l’acceptation de la démarche et un partage relativement unanime de l’injonction de performance. Nous pourrions donc croire à un terrain propice au plein succès d’une telle démarche. Toutefois, nous avons mis en évidence que les comportements associés à la mise en place du pilotage par les résultats sont, quant à eux, assez hétérogènes. Cette ambivalence peut être éclairée par la distinction établie par Chiapello et Gilbert (2016) entre les « effets de premier ordre », propres aux outils, et « effets de second ordre ». Les premiers, résultant de l’inscription des outils dans les situations de travail, sont des conséquences directes de ces outils. Leur présence affecte les situations et l’action qui s’y déroule : effets épistémiques, en raison des représentations du travail qu’ils véhiculent et effets pragmatiques parce qu’ils habilitent et contraignent l’action (Ragaigne et al., 2014). Les effets de second ordre sont liés à la réactivité des individus aux effets de premier ordre. S’il apparaît que les indicateurs de performance ont un rôle potentiellement structurant sur l’activité au sein d’une agence (effets de premier ordre), on ne saurait faire l’impasse de la façon dont les agents se l’approprient ou résistent à leur emprise (effets de second ordre).

72Notre étude confirme que l’instrumentation de gestion, qui doit servir à créer du sens pour les acteurs selon ses concepteurs, ne porte pas, à elle seule, la transformation des représentations et de l’action qui souffrent, dans certains contextes, d’une certaine inertie. Nos résultats viennent ainsi nourrir le débat sur le NPM avec une perspective qui ne consiste pas à se positionner en promoteur ou détracteur du modèle mais invoquant des éléments de contexte qui peuvent parfois conduire à des effets vertueux mais aussi dans certains cas des effets pervers. Notre étude révèle notamment que, plus que des considérations liées à des résistances au changement, la création de sens, qu’elle soit collective ou individuelle, par rapport aux missions confiées aux agents et aux objectifs qui leur sont fixés, est un processus médiateur indispensable au déploiement vertueux du modèle.

73Pour autant, rien ne garantit l’émergence d’un tel sens collectif, utile à la réalisation du travail des agents et à la mission de l’organisme. Ainsi, le modèle vertueux correspond à un processus de sensemaking considérant le chiffre comme un indice, ouvrant la discussion sur un réel à dévoiler et sur lequel agir ; au contraire, dans le modèle « vicieux », une autre forme de création de sens prend place, dominée par une rationalité instrumentale, limitant le récit rétrospectif aux faits retracés et aux liens « établis », et pouvant aboutir à des situations de « non-sens ». Dans les cas où cela est observé, un accompagnement plus spécifique et non instrumentalisé, ouvrant davantage au doute et à l’émergence, devrait être selon nous engagé car nos observations montrent des situations où le modèle déployé produit bien les effets attendus.

74En nous interrogeant sur les conditions de création de sens, en rapportant nos résultats aux effets d’agence décrits par Chiapello et Gilbert (2016), nous en sommes arrivés à définir trois perspectives. La première se rapporte aux outils et à leur capacité intrinsèque à structurer l’action (fonction pragmatique), et à créer, ou non, du sens (fonction épistémique). Nous supposons que la rigidité d’un outil au nom de l’homogénéité peut générer des effets néfastes tandis qu’une plus grande malléabilité permettrait de réduire ces effets.

75Par exemple, la sophistication statistique de la démarche de performance comparée, a pour conséquence que tout écart de performance par rapport aux objectifs assignés est imputable à des éléments intrinsèques à l’agence, tout autre facteur étant considéré comme neutralisé et les cibles à atteindre étant objectivées par le calcul. Ainsi, tout écart renvoie à l’organisation du travail dans l’agence, au management et à la performance des équipes, débouchant davantage sur la remise en cause (en cas d’écart négatif) ou l’entérinement (écart positif), que sur l’analyse contextualisée permanente qu’il s’agit pourtant de promouvoir. En cas de sous performance, les acteurs n’ont alors d’autres choix que l’administration de la preuve qu’ils agissent, les amenant alors au modèle vicieux. Elle les conduit aussi à contester les chiffres, voire la pertinence du modèle ; ou encore à prendre de la distance, ce qui offre un espace pour une narration plus ouverte.

76Une marge laissée aux interprétations, et l’ouverture à la contradiction nous semblent ainsi être des conditions de l’installation d’un processus de création de sens propice au cercle vertueux. De même, il est important que l’élaboration du récit puisse se nourrir d’autres indices que ceux fournis par le système d’information, si exhaustif qu’il tente de l’être, et d’y inclure les acteurs autrement que par les traces qu’ils y laissent. Dans le même ordre d’idées, la contribution à la performance de l’organisation pourrait être élargie à d’autres apports proposés par les agences, ouvrant ainsi la voie à une plus grande appropriation du modèle.

77La deuxième perspective a trait aux acteurs qui mobilisent les outils. Leur trajectoire de carrière ainsi que les contextes locaux dans lesquels ils évoluent semblent influencer la manière dont ils réagissent dans le cadre de la mise en place du pilotage par les résultats. En effet, comme l’ont montré Detchessahar et Journé (2007), par la lecture qu’ils font des outils, les managers participent à la stratégie réelle de l’entreprise, pouvant produire aussi bien de la rigidité organisationnelle que de la flexibilité. Dans les organisations publiques comme ailleurs, le rôle de traduction du manager est central (Desmarais et de Chatillon, 2008). Or, l’exercice de ce rôle est en partie entravé dans le secteur public (ibid.). Aussi de futures investigations pourraient-elles être axées sur la recherche de caractéristiques organisationnelles et managériales propices au déploiement d’une telle démarche.

78Enfin, entre les outils et les opérationnels, il y a la possibilité de faire intervenir d’autres acteurs pour accompagner le déploiement du pilotage par les résultats. Ici les structures RH ont certainement une carte à jouer.

79Le thème du pilotage de la performance étant, traditionnellement, considéré comme relevant de la sphère des directions opérationnelles et du contrôle de gestion, les structures RH pourraient s’estimer hors-jeu. Ce n’est pas tout à fait le cas à Pôle Emploi. En effet, le plan stratégique 2015-2020, mentionne des engagements RH qui sont d’améliorer la qualité de vie au travail (QVT), de développer les compétences et d’accompagner les managers, de favoriser le travail en transversalité et la participation des conseillers dans les projets d’organisation du travail. Toutefois, la mise en œuvre de ces engagements est délicate et les contributions de la fonction RH ne peuvent se résumer à une tentative de déclinaison top down de méthodes et techniques ayant fait leur preuve dans des entreprises marchandes où règne la culture du résultat.

80Ainsi, des actions de formation relayant le discours stratégique de l’organisme et visant la maîtrise technique des indicateurs et de leur usage, si elles ne sont pas inutiles, ne peuvent suffire à obtenir des comportements adéquats. De même, une contribution s’inscrivant dans le registre de la rationalité instrumentale, nous paraît plus propice à l’entretien du cercle vicieux que nous avons décelé qu’à sa remise en question. Dans cet ordre d’idées, l’ajout d’un indicateur de qualité de vie au travail, pour répondre à la grogne d’une partie des agents, les tableaux de bords locaux, qui complexifient encore un peu plus la gestion quotidienne, ou les velléités d’objectifs individuels chiffrés, constituent des réponses alimentant une rationalité instrumentale déjà exacerbée. Enfin, une communication qui se bornerait à évoquer des exemples de « bonnes pratiques » peut tomber dans les travers d’une « stigmatisation par l’exemple » pour tous ceux qui rencontrent des difficultés.

81Alors que faire ? Nous voyons l’essentiel des réponses dans un accompagnement RH de proximité, ancré dans les réalités de travail et s’inscrivant dans la durée. Les spécialisations accrues des métiers de conseiller amènent à engager des travaux sur la transformation de ces métiers et des identités professionnelles qui leur sont associées (Dubar, 2006 ; Schmidt et al., 2013), à envisager de nouvelles coordinations et de nouvelles modalités d’animation pour assurer du « liant » entre ces métiers (décloisonnement, synergies, circulation de l’information…), assurer de la transversalité, permettre, encourager et susciter l’adaptation constante aux besoins par l’exercice des marges et la prise d’initiative, producteurs de valeur dans le nouveau modèle de pilotage. Toutes ces choses ne peuvent être réglées une fois pour toutes par un programme ponctuel (de formation, de communication, ou autres).

82Cela ne signifie pas qu’il n’y ait rien à changer dans les pratiques RH classiques. Nous avons notamment relevé que le modèle de management ne prévoit pas d’incitations particulières à la prise d’initiatives individuelles. Ces dernières restent donc une affaire de compétence et de bonne volonté individuelle qui ne sont guère encouragées par une GRH qui reste très objectivante (Pichault et Nizet, 2013) et dont la réingénierie reste à faire.

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Notes

  • [1]
    Cette présentation fait suite à un programme de recherche associant huit chercheurs de deux laboratoires en réponse à un appel à manifestation d’intérêt émis par Pôle Emploi. Nous n’abordons pas ici l’intégralité des aspects abordés dans ce programme, mais uniquement ceux traités par nos soins.
  • [2]
    Les missions de Pôle Emploi sont énumérées à l’article L5312-1 du Code du travail modifié par la loi n°2018-771 du 5 septembre 2018.
  • [3]
    Les verbatim cités pour illustrer nos propos sont représentatifs de la diversité des acteurs interrogés (conseillers, responsables d’équipe et directeurs) et des agences visitées.
  • [4]
    L’analyse qui suit est issue de documents internes, ainsi que des entretiens avec des membres des différents niveaux de direction Pôle Emploi, hors agence.
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