Introduction
1Les organisations de l’économie sociale et solidaire (ESS) se distinguent des organisations publiques et des organisations privées à but lucratif par la prédominance de valeurs militantes. Les valeurs militantes peuvent être considérées comme ce qui légitime l’action de l’organisation en fonction d’un imaginaire de société (Desroches, 1976) ou d’un mythe (Rousseau, 2004). Au sein des sociétés coopératives et participatives, s’ajoute une seconde caractéristique : la propriété de l’organisation et l’exécution du travail sont majoritairement concentrées entre les mains d’une même catégorie d’acteurs, le salarié-coopérateur. Ces deux caractéristiques des coopératives invitent à considérer le projet coopératif comme le fruit d’un projet sociopolitique et d’un projet économique. Un enjeu important pour les coopératives est d’arriver à équilibrer ces deux projets. Cependant, ces deux projets sont soumis à des contraintes et à des temporalités pouvant être fortement différentes mettant dès lors en tension le projet coopératif (Gand, 2015 ; Jaumier et al. 2017). Le projet sociopolitique vise à répondre à la question « pourquoi faire ? » tandis que le projet économique renvoie à la question « comment faire ? ». Ainsi, les valeurs militantes se concentrent au niveau du projet sociopolitique et peuvent avoir des difficultés à prendre place dans le projet économique. Cette situation est d’autant plus marquée que les coopératives, et plus largement les organisations de l’ESS, doivent faire face à des contraintes environnementales pour se professionnaliser (Maisonnasse et al., 2012) au risque d’un isomorphisme annihilant les spécificités coopératives (Bidet, 2003). Dès lors, les pratiques de GRH peuvent être considérées comme un « cheval de Troie » pour diffuser des logiques managériales uniformes niant les spécificités coopératives. Toutefois, plusieurs auteurs montrent l’existence d’alternatives à l’uniformisation à travers un travail d’adaptation (Béji-Bécheur et Codello-Guijarro, 2015) ou d’invention (Jaumier et al., 2018) des pratiques de GRH en cohérence avec le projet coopératif. Dans ce cadre, nous formulons la question suivante : Comment les valeurs portées par le projet coopératif influencent-elles les pratiques de gestion des ressources humaines ?
2Dans le but de répondre à cette problématique, nous nous appuyons sur une étude de cas, la coopérative SCOP-Ti. Cette méthode permet d’explorer des phénomènes complexes et peu connus afin d’en capturer la richesse et d’identifier des patterns (Eisenhardt, 1989). La coopérative qui emballe et distribue des thés et des tisanes a vu le jour en 2014, suite à une longue lutte sociale pour la propriété des moyens de production contre Unilever, propriétaire de l’usine. Ce cas est particulièrement intéressant par les valeurs constitutives du projet coopératif qui se sont construites dans la lutte sociale et en rapport avec l’histoire de l’usine. L’activité est ancienne, son origine date de 1892 en Provence, en 1896 la marque Eléphant est créée. En 1972 l’entreprise d’origine est rachetée par Lipton (racheté ensuite par Unilever) et s’installe sur le site de Gémenos à proximité de Marseille en 1989.
3Nous avons retenu le cadre théorique du contextualisme des pratiques de gestion des ressources humaines (GRH) proposé par Pichault et Nizet (2013) pour analyser ce cas. Cette approche permet d’identifier la diversité des pratiques de GRH à travers leur modalités de construction au sein des organisations. Nous mettons particulièrement l’accent sur les conventions, au sens des processus d’ajustement des comportements en situation d’incertitude.
4Cet article est structuré en trois parties. Une revue de la littérature fait ressortir les enjeux du management à partir d’une lecture des coopératives sous l’angle de la tension dialectique projet sociopolitique – projet économique. Ceci nous permet de présenter le cas d’analyse en reprenant les catégories du cadre d’analyse contextualiste afin de mettre en lumière la construction des pratiques de GRH. Enfin, nous terminons par une discussion afin de mettre en exergue le rôle des valeurs dans la construction des pratiques de GRH.
1 – Le management au sein des coopératives : le défi de l’articulation des projets sociopolitique et économique
5Le management au sein des coopératives relève d’une dynamique propre du fait d’une histoire et de caractéristiques organisationnelles spécifiques.
1.1 – Les coopératives : des organisations spécifiques
6Les coopératives peuvent être considérées comme des organisations hybrides du fait du projet coopératif reposant sur l’articulation d’un projet sociopolitique et d’un projet économique. Ce rapport dialectique est central pour comprendre le fonctionnement des coopératives.
1.1.1 – Des organisations hybrides
7Les coopératives sont l’une des organisations de l’économie sociale et solidaire (OESS). La loi sur l’ESS de 2014 caractérise ces organisations par trois spécificités partagées : « 1° un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ; 2° une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l’information et la participation des associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l’entreprise ; 3° une gestion conforme aux principes suivants : a) les bénéfices sont majoritairement consacrés à l’objectif de maintien ou de développement de l’activité de l’entreprise ; b) les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées » [1]. Ces caractéristiques posent ainsi le primat du collectif constituant l’OESS dans la définition et la poursuite d’une finalité sociale comme finalité première. Cherchant à concilier finalité sociale et soutenabilité économique dans des environnements de plus en plus complexes, ces organisations sont souvent considérées comme des organisations hybrides (Skelcher et Smith, 2015 ; Battilana et Lee, 2014 ; Battilana & Dorado, 2010).
8Pour Deville et Mourey (2018), le caractère hybride des sociétés coopératives est d’autant plus important du fait de la coexistence d’un projet économique reposant sur un modèle marchand, qui les distingue d’autres types d’OESS, et d’un projet sociopolitique, qui les distingue des organisations à but lucratif. Le projet économique se caractérise par une nécessité de créer les capacités de financement en vendant des produits ou services sur des marchés concurrentiels. Le projet sociopolitique fait référence à la finalité de l’organisation qui est déterminée collectivement et repose sur des principes démocratiques et d’émancipation du travailleur.
1.1.2 – Des fondements pour une gouvernance démocratique
9La question démocratique est au fondement de l’existence des coopératives. Le principe démocratique s’est imposé dans le mouvement coopératif pour deux raisons (Hiez, 2018). Le principe démocratique s’exprime à travers le principe « une personne, une voix » signifiant que le droit de vote n’est pas proportionnel au nombre de parts sociales détenues. Au-delà, ce principe ne se limite pas à l’expression lors de l’Assemblée Générale car l’article 4 de la loi du 10 septembre 1947 stipule l’égalité de droits dans la gestion de la coopérative. Le critère démocratique lié au projet sociopolitique implique la présence de valeurs à respecter, promouvoir et/ou développer. Les valeurs peuvent être définies par ce qui donne du sens à l’action et leur développement réside dans les principes d’horizontalité et de collectif (Rotschild-Whitt, 1979). Néanmoins, elles peuvent entrer en confrontation avec la nécessité de créer de la valeur économique étant donné le temps long nécessaire à la prise de décision collective ou le choix de critères coûteux en termes économiques, comme la volonté de ne procéder à aucune réduction d’effectif.
10Au-delà, le principe démocratique n’est pas suffisant pour que la démocratie soit effectivement pratiquée, elle est elle-même porteuse de risques : risque de crise d’efficacité gestionnaire en cas d’une recherche excessive de démocratie d’une part, risque de crise de légitimité en cas de faiblesse démocratique d’autre part (Juban, 2019). Une autre difficulté dans la mise en place de la gouvernance résulte de l’histoire de la coopérative. Deux cas de figure existent lors de la création d’une coopérative. Soit elle est créée ex nihilo, soit elle est créée à partir d’une organisation existante (entreprise à but lucratif, association). Au niveau de la gouvernance une distinction importante vient du fait que dans le second cas, les acteurs en présence ont déjà partagé un mode de gouvernance lié à la structure préexistante. À partir d’une étude de cas longitudinale du passage en SCOP d’une entreprise à but lucratif, Bargues et al. (2017) considèrent que la coopérative naissante doit faire face à trois enjeux dans la perspective de mise en place et de légitimation de sa gouvernance : réussir la désintitutionnalisation de la gouvernance privée ; articuler travail identitaire et travail de légitimation ; construire un appareillage démocratique. Pour le premier enjeu, les sociétaires doivent faire un travail de remise en question de croyances et de représentations liées au fonctionnement ou à la prise de décision afin de s’adapter à la nouvelle situation et éventuellement en créer des nouvelles. Le deuxième enjeu, l’articulation d’un travail identitaire et d’un travail de légitimation, repose sur la création d’un nouveau leadership reconnu en interne et en externe. Enfin le troisième enjeu de construction d’un appareil démocratique vise à créer et développer des pratiques et des outils de gestion permettant d’opérationnaliser la démocratie dans l’activité de la coopérative.
11Les particularités des coopératives au niveau de la gouvernance dans l’articulation des projets sociopolitique et économique se retrouvent au niveau du management.
1.2 – Gestion des ressources humaines : entre méfiance et spécificité
12Le rapport entretenu par les coopératives vis-à-vis de la GRH est empreint d’une méfiance héritée de l’histoire du mouvement coopératif, la GRH pouvant être considérée comme une pratique universaliste issue de l’entreprise à but lucratif, alors que le fonctionnement coopératif constitue un terreau favorable à l’introduction d’une GRH inclusive reposant sur des pratiques spécifiques.
1.2.1 – Un terreau favorable mais une méfiance envers la GRH
13Nous identifions une ambivalence dans le rapport au management des ressources humaines au sein des coopératives. D’un côté, les caractéristiques propres aux OESS constitueraient « un projet très ambitieux et prometteur pour les ressources humaines » (Everaere, 2011, p. 16), ce projet reposant sur l’attention portée à « l’humain » et sur des démarches participatives dans la prise de décisions. De l’autre côté, il y aurait une méfiance envers l’idée même de développer une GRH du fait qu’elle serait issue du champ de l’économie capitaliste. Répondant par définition à des objectifs différents liés au primat du projet économique, la gestion des ressources humaines amènerait à dénaturer le projet sociopolitique des OESS (Davister, 2006) en attaquant leurs dimensions collective et démocratique (Jaumier et al., 2018).
14Le risque d’isomorphisme des OESS alignant leurs pratiques sur celles des entreprises à but lucratif a été largement développé (Bidet, 2003 ; Petrella et Richez-Battesti, 2010 ; Laville et Sainsaulieu, 2013 ; Lethielleux et André, 2019). Ce risque isomorphe peut résulter d’une faiblesse de ces organisations à considérer l’organisation du travail en se focalisant sur la gouvernance, la propriété ou encore la finalité du service et de son bénéficiaire (Combes-Joret et Lethielleux, 2018). Ces pratiques isomorphes traduisent un rapport au management au prisme d’une idéologie et de pratiques dominantes, inscrites dans une logique normative et instrumentale. Dans cette perspective, le tournant gestionnaire (Dejour et Bègues, 2009) des OESS entraîne une crise de sens potentielle au sein des organisations.
15Toutefois, cet isomorphisme ne peut être considéré comme total. Pour Beji-Bécheur et Codello-Guijarro (2015), il est possible d’identifier trois types d’OESS en fonction de leur rapport aux outils de gestion, dont les outils de GRH : les organisations qui refusent leur usage au risque d’une marginalisation par les partenaires économiques dont les pouvoirs publics ; celles qui les intègrent au risque d’un isomorphisme ; et celles qui s’en saisissent dans une logique d’hybridation afin de satisfaire aux exigences de l’environnement en adéquation avec leur particularité de fonctionnement. Jaumier et al. ajoutent une quatrième catégorie, de « réinvention pratique de l’outil de gestion qui en transfigure la nature gestionnaire pour le conformer aux exigences du projet sociopolitique défendu par l’organisation » (2018, p. 100). Cette typologie permet de saisir la complexité des rapports aux outils de gestion au sein des OESS et d’identifier des stratégies différentes vis-à-vis du management. Ainsi, le rapport au management, à travers l’usage des outils de gestion, n’est pas neutre, univoque et imposé de l’extérieur. À l’inverse, il est multiple et résulte du jeu des acteurs internes et externes. Une question en creux dans ce rapport au management concerne le sens, individuel et collectif, donné au travail. Plusieurs auteurs (Rousseau, 2004 ; Detchessahar et Grevin, 2009 ; Maisonnasse et al., 2019) soulignent que les outils de gestion, en tant que marqueurs des pratiques de management, sont porteurs de sens et qu’il est possible pour les acteurs au sein des organisations d’agir dessus pour les mettre en conformité avec leur projet sociopolitique et leur projet économique.
1.2.2 – Des pratiques de GRH spécifiques
16Au sein des coopératives, la question du sens que véhiculent les pratiques de management semble être centrale pour permettre le développement de pratiques de GRH. Un consensus semble poindre concernant la nécessaire adaptation des pratiques au contexte coopératif. Pour Juban et al. (2015), les pratiques de recrutement doivent prendre en compte les spécificités coopératives en s’attachant à ce que les recrutés s’intègrent dans le double projet coopératif sinon le risque d’une polarisation des projets sociopolitique et économique peut émerger. Bargues-Bourlier (2009) montre, à travers le processus de socialisation de nouvelles recrues, que les valeurs coopératives jouent un rôle central dans l’aménagement du travail pour reconnaître et valoriser l’apprentissage, dans le respect de la reconnaissance de l’individu. Toutefois, ces valeurs impliquent également une charge pour la recrue à travers l’évaluation de sa personnalité afin qu’elle s’y conforme. Pour la mise en place d’une politique de gestion des compétences, Charles-Pauvers et Schieb-Bienfait (2012) mettent en lumière que les principes de fonctionnement d’une coopérative constituent un élément central dans la manière dont les acteurs se saisissent et adaptent des dispositifs de gestion. Jaumier et al. (2018) montrent, à travers l’analyse de l’usage de l’entretien individuel d’évaluation dans une coopérative, que la question de l’adaptation des outils à son contexte organisationnel nécessite un temps important, qu’elle se fait chemin faisant et qu’elle repose sur l’existence, au sein de la coopérative de valeurs fortes. Sur ce dernier point il apparaît que l’intensité des valeurs soit déterminante afin de réduire la portée normative des outils.
17Par conséquent, le projet coopératif, articulant projet sociopolitique et projet économique, est un marqueur dans la mise en œuvre des pratiques de management. Ainsi, le projet coopératif et les pratiques de management entretiennent des relations étroites d’influence réciproque, le projet coopératif influençant les pratiques de management et les pratiques de management influençant en retour le projet coopératif. Ce processus d’ajustement en interne se fait également en regard de dynamiques externes (concurrence, structuration de la filière…). Ces dernières entraînent des mouvements, des contraintes ou encore des opportunités qui vont influencer ce jeu d’ajustement. Dès lors, dans cet article, nous cherchons à mettre en lumière les mécanismes par lesquels les pratiques de GRH se construisent dans le double rapport à la structuration interne et aux dynamiques externes.
1.3 – Une approche contextualiste de la GRH
18Cette revue de littérature a mis l’accent sur les particularités du fonctionnement des coopératives. L’élément structurant concerne l’articulation de ses projets sociopolitique et économique. Cette articulation influence les coopératives dans leur structuration et dans leur développement aussi bien tant au niveau de leur gouvernance que de leur management. Dans ce cadre, et afin d’analyser notre étude de cas, nous recourons à l’approche contextualiste appliquée aux pratiques de GRH telle que développée par Pichault et Nizet (2013). Selon Jaumier et al. (2018) cette approche permet « d’envisager un processus de transformation des outils de GRH dépassant le seul moment où ceux-ci sont conçus pour s’étendre à la phase de leur déploiement » (2018, p. 100) et ainsi comprendre leur développement au sein des coopératives.
19Cette approche permet de saisir et de comprendre les éléments de variabilité de la GRH. Elle puise ses fondements dans plusieurs courants théoriques dont l’approche contingente des configurations organisationnelles de Mintzberg (1982) et le contextualisme développé par Pettigrew (1987 ; 1997). Le premier courant identifie les variables influençant les structures organisationnelles. Dans ce cadre, la GRH est une variable dépendante des configurations organisationnelles. Toutefois, cette approche fige les phénomènes organisationnels ne permettant pas de rendre compte de variables contextuelles dans leur structuration. En réponse, Pichault et Nizet (2013) proposent de la coupler à une approche contextualiste. Il s’agit de mettre en lumière le processus de développement de l’organisation au travers des variables de contexte. L’articulation des deux courants permet d’appréhender la GRH à partir du jeu des acteurs dans leur manière de saisir, ou non, les variables contingentes dans le temps pour définir les pratiques de GRH, et ainsi mettre en évidence la dimension conflictuelle dans l’établissement de la GRH. Trois dimensions sont retenues par l’approche contextualiste (Pichault et Nizet, 2013) : le contexte, le processus et le contenu. Le contexte est constitué des dimensions internes (les caractéristiques organisationnelles et la stratégie) et externes (telles que le secteur d’activité, le marché du produit, celui du travail ou encore la culture nationale) à l’organisation ayant un impact sur le phénomène observé. Le processus fait référence au jeu d’acteurs relatif au contenu tandis que le contenu concerne le phénomène observé.
20Pichault et Nizet (2013) considèrent les pratiques de GRH comme le contenu. Afin de l’approcher, et en lien avec l’approche configurationnelle, ils définissent des conventions de GRH. La définition de la notion de convention est issue de la théorie des conventions (Boltanski et Thévenot, 1991 ; Orléan, 1994 ; Gomez, 1996 ; cités par Pichault et Nizet, 2013) qui « cherche à comprendre comment les individus confrontés à des situations marquées par l’incertitude décident du comportement qu’ils vont adopter et comment, de ces multiples décisions individuelles, se dégage une certaine convergence, un certain ajustement des comportements des uns et des autres » (p. 29). Les variables retenues pour identifier les conventions sont : « la gestion des entrées et des départs, la culture, l’intégration et la formation, l’évaluation, la mobilité et la carrière, la rémunération, l’aménagement du temps de travail et le type de régulation sociale privilégié » (p. 82). Ils retiennent cinq conventions. La convention discrétionnaire « se caractérise par l’absence de critère prédéfini et par la prédominance de pratiques informelles et émergentes » (p. 82). La convention objectivante « peut s’entendre comme une tentative de systématisation des diverses dimensions caractéristiques de la GRH. Ce sont [ici] des critères impersonnels qui régissent les relations sociales, en s’appliquant de manière uniforme à la majorité des membres de l’organisation » (p. 86-87). La convention individualisante est « axée sur une personnalisation du lien salarial [… Elle] est centrée sur la notion de compétence, qui devient en quelque sorte le pivot de la GRH » (p. 93). La convention délibérative « est caractérisée par le fait que les membres de l’organisation (le plus souvent des opérateurs qualifiés) disposent, individuellement, d’une grande maîtrise informelle sur la plupart des dimensions de la GRH mais aussi s’accordent, dans certaines circonstances, pour définir collectivement le cadre et les modalités de leur coexistence. Les critères utilisés font alors l’objet de débats, conduisant par le biais de votes ou d’élections (mandats) à la définition de normes formelles, provisoirement acceptées, jusqu’à leur mise en question et à leur redéfinition à l’occasion de nouveaux débats » (p. 101). Enfin, dans la convention valorielle les questions de GRH « n’apparaissent pas comme légitimes ou dignes d’intérêt […] La fonction RH y est donc envisagée sur un mode implicite » (p. 108).
21L’approche contextualiste des pratiques de GRH a été utilisée par Juban (2015) afin d’identifier si les coopératives relevaient d’un modèle de convention particulier. À partir de l’analyse d’une cinquantaine de SCOP situées dans l’ancienne région Rhône-Alpes, Juban repère une relative homogénéité avec la récurrence de trois conventions : délibérative, valorielle et discrétionnaire en lien avec les différentes dimensions du projet coopératif. Ainsi, la convention valorielle « stricte » focaliserait l’attention sur le projet sociopolitique, alors que la convention discrétionnaire orienterait la coopérative sur le projet économique. Ces deux choix seraient porteurs de déséquilibres. La convention délibérative apparaît comme une convention de médiation permettant d’articuler les deux dimensions du projet coopératif.
22Notre revue de la littérature met en lumière deux éléments : les caractéristiques spécifiques des coopératives impliquent un rapport particulier à la GRH qui peut relever de différentes conventions ; et le manque de travaux empiriques laisse une zone d’ombre quant au processus de déploiement des pratiques de GRH au sein des coopératives. Cet article entend dès lors identifier ce processus, au sein de la coopérative SCOP-Ti, à travers l’évolution des conventions de GRH et de leurs interactions avec ses valeurs. Ainsi, comment se développent les pratiques de GRH en rapport aux valeurs présentes dans les coopératives ?
2 – SCOP-Ti : l’apprentissage du collectif
Données empiriques
Les entretiens, menés par deux enseignantes-chercheures, ont duré entre 32min et 2h22min, pour un total de 14h d’entretiens. Ils ont été réalisés en suivant une grille d’entretien abordant trois thèmes : la structure de la gouvernance et son fonctionnement, les pratiques de management (et plus particulièrement la gestion des ressources humaines) et les liens que la coopérative entretient sur son territoire, tant du point de vue des partenariats développés que des ressources produites ou mobilisées sur son territoire. L’intégralité de ces entretiens a été retranscrite. Ce travail a permis un traitement des données par verbatim en suivant une méthode manuelle d’analyse thématique des matériaux empiriques représentative du contenu analysé.
2.1 – Le contexte : un collectif construit dans la lutte
23SCOP-Ti a vu le jour suite à une lutte sociale longue et intense qui a contribué à colorer son fonctionnement à partir de l’importance accordée à la dynamique collective.
2.1.1 – Une jeune coopérative du secteur agro-alimentaire
24Le 28 décembre 2010, Unilever, un groupe multinational néerlandais-britannique du secteur de l’agroalimentaire, propriétaire de l’usine Fralib à Gémenos dans les Bouches-du-Rhône annonce sa fermeture et le transfert de l’activité à Bruxelles et Katowice. Suite à cette décision, une partie des salariés, 76 sur 182, se mobilisent afin d’éviter la fermeture de l’usine. Celle-ci est toutefois fermée en 2012. À défaut d’un repreneur, 72 salariés licenciés annoncent leur volonté de reprendre l’usine en SCOP. Une lutte juridique, à laquelle s’est ajoutée une lutte symbolique et politique, s’engage entre les anciens salariés et la multinationale. Les objets de cette lutte concernent les indemnités de licenciement, la propriété des outils de production et la propriété de la marque. Un protocole de fin de conflit est signé le 26 mai 2014. Le 5 août 2014 la SCOP est créée. Elle est composée de 59 coopérateurs, 58 personnes physiques et une personne morale, une association créée par les salariés durant le conflit. Aujourd’hui, la coopérative compte 40 salariés, issus des effectifs pré-coopérative. La majorité a plus de 45 ans. Le chiffre d’affaires de la coopérative connaît une augmentation importante tous les ans. Toutefois, sa situation économique n’est pas encore stabilisée et la coopérative est confrontée régulièrement à des problèmes de trésorerie. Depuis l’origine de la lutte sociale, les salariés ont bénéficié de l’appui de la Confédération Générale du Travail, en termes de soutien technique et juridique, politique, de communication, de mobilisation d’autres soutiens mais aussi d’autres acteurs soutenant leur cause, comme démontré par la création d’une association de soutien et par leur première campagne de socio-financement mobilisant des fonds conséquents en quelques mois (au 19 mai 2020, plus de 400 000 € avaient été obtenus).
25La coopérative réalise le conditionnement, la distribution et la vente de thés et tisanes, activité d’origine au sein de l’usine. Elle est sur un marché fortement concurrentiel dominé par les acteurs de la grande distribution. À ce jour, sa production est organisée en deux volets. Le premier concerne la vente de produits sous marques distributeurs de la grande distribution. Cette activité représente la majorité de son chiffre d’affaires mais ses marges brutes sont faibles. Elle occupe 10 % du marché vis-à-vis d’un acteur en situation de quasi-monopole. Le second volet concerne la vente de produits sous ses marques propres. Pour ces produits, la marge brute est plus importante, mais les volumes de vente moindres. Ces produits sont positionnés sur le segment des produits de qualité (à travers des exigences dans les approvisionnements, matières premières issues de l’agriculture biologique, packaging…) et sont distribués en grande distribution, en épicerie biologique, en vente directe et par des canaux liés à l’engagement militant comme des festivals. Ces deux segments de production impliquent la mise en œuvre d’une double stratégie, par les coûts pour le volet 1 et par la différenciation pour le volet 2. La situation économique de la coopérative est encore à ce jour fragile résultant principalement de problèmes de trésorerie.
2.1.2 – La lutte comme ciment de l’organisation
26Erigée en symbole de la lutte anticapitaliste, de par sa capacité à résister localement à une entreprise multinationale, et son projet de réappropriation des moyens de production par les salariés, cette coopérative est aujourd’hui « sous pression ». Les entretiens réalisés ont permis de mettre en lumière qu’une partie des coopérateurs considère qu’ils doivent réussir aussi bien pour eux que pour les citoyens qui ont soutenu leur lutte, politiquement et économiquement, et pour toutes les entreprises confrontées à des difficultés similaires.
27Cette dimension idéologique, forgée dans les évènements ayant mené à la création de la coopérative, se retrouve dans le projet sociopolitique de la coopérative. Ce projet, reposant sur le respect de l’individu, des exigences de décider ensemble, de ne pas exclure…, est très vite perçu comme porteur de difficultés au regard de la stabilité d’un modèle économique, mais il est considéré comme nécessaire pour faire vivre le projet de reprise, pour lui donner sens. Le poids de la lutte revient fréquemment dans les discours « Le ciment… c’est Scop-Ti déjà », il y a un « esprit de coopération, de solidarité ». Un des directeurs explique : « on travaille pour nous. C’est notre société (…) on est une famille… et puis on doit se serrer les coudes, (…) on doit avancer. On doit progresser, on doit survivre, on doit se battre pour survivre et c’est très compliqué » (un directeur). Le collectif est soudé par la lutte, à la fois par sa durée et son histoire, mais également par l’idéologie qu’elle véhicule. La création de la SCOP vise à répondre aux revendications des salariés licenciés tout en maintenant une activité industrielle sur le site. Le choix d’un projet industriel a aussi été justifié afin d’engager toutes les personnes qui ont participé à la lutte et qui souhaitaient se lancer dans l’aventure de la SCOP. Ce choix est donc en cohérence avec les valeurs des fondateurs et légitimé par tout le monde au moment de la création de la SCOP même s’il impliquait un risque important en termes d’engagement financier. Toutefois, il a permis de ne laisser aucun salarié volontaire à la marge du projet. Comme l’explique un des directeurs, « La création de la SCOP, on l’a fait ensemble, au départ dans une situation où y avait pas d’ambiguïté donc facile d’en discuter (…). Certes, on aurait pu faire le choix de dire « On fait pas avec la grande distribution », mais à ce moment-là, c’était pas ce projet-là qu’il fallait qu’on fasse. On pouvait hein ! (…) Créer une marque comme on a fait avec les p’tits volumes que j’vous ai dit… là, ça donnait à manger à dix-quinze personnes, pas plus » (…) Mais là, il aurait fallu qu’on sélectionne entre nous qui rentre et qui rentre pas. (…) Nous, on s’est battus pour faire la démonstration que pour la multinationale, c’était pas justifié qu’ils ferment une entreprise comme la nôtre, qu’il y avait la place pour cette entreprise industrielle dans le paysage français et qu’on pouvait la faire tourner ».
2.1.3 – Une gouvernance singulière qui se cherche
28De par son histoire et le climat d’insécurité financière qui prévaut depuis le départ, la gouvernance de Scop-Ti est singulière. Une hybridité se fait jour, nourrie par une tension entre un passif de grande firme « classique » (modèle qui n’est pas encore totalement désinstitutionnalisé pour certains salariés, comme souligné par Bargues et al., 2017) et un projet sociopolitique fortement anticapitaliste. La coopérative s’est dotée d’instances visant à faciliter sa gouvernance et à inscrire ses principes coopératifs fondateurs. Plus particulièrement, la gouvernance est, au départ, présentée sous la forme de cercles concentriques avec l’idée de renverser les formes hiérarchiques traditionnelles : une assemblée générale (AG) des coopérateurs très mobilisée et souveraine qui encercle tout, un conseil d’administration (CA) de 11 membres élus et un comité de pilotage (3 personnes désignées, un président et deux directeurs généraux pour prendre des décisions plus rapidement au quotidien). Ce comité de pilotage doit rendre des comptes réguliers à l’AG des coopérateurs, qui est souveraine. Cependant, ce modèle en cercle ne correspondait pas aux acteurs de la grande distribution. Or, pour pouvoir travailler avec eux, il fallait être certifié et cette certification exigeait un organigramme pyramidal. En conséquence, ils ont proposé un organigramme en pyramide inversée afin de positionner l’AG des Coopérateurs à son sommet.
29Toutefois, les représentations schématiques ne rendent pas forcément compte de la réalité des pratiques. Ici, il y a une difficulté à faire fonctionner l’AG : « pas énormément de personnes parlent dans les assemblées. Y a des gens qui sont gênés, y a des gens qui veulent pas rentrer en conflit […]. On essaye de faire au mieux, on essaye d’écouter. […] J’essaye toujours un peu d’être à l’écoute mais bon, ça prend un temps fou. » (un directeur). Ce constat illustre bien la difficulté de faire vivre la démocratie et ce d’autant plus que cette volonté rompt radicalement avec le fonctionnement que les salariés ont vécu lorsqu’ils étaient salariés d’une multinationale. Ce mode de gouvernance a, en outre, été évalué par les sociétaires pointant une trop forte délégation au trio faisant office de direction et un manque d’information des sociétaires malgré la volonté de transparence et de décision collégiale. Selon Bargues et al. (2017), cette situation révèle un travail identitaire et de légitimation encore inachevé ralentissant la construction de pratiques et d’outils permettant une gouvernance réellement démocratique enrôlant tous les salariés.
30Ainsi, au niveau de la dimension contextuelle, il ressort au niveau de SCOP-Ti :
- en interne : (1) la centralité du projet sociopolitique fortement marqué par l’inclusion et le collectif ; (2) la recherche constante d’un mode de gouvernance démocratique articulant conformité avec la dimension collective et réactivité vis-à-vis des évolutions du marché et des exigences de la grande distribution ; (3) la mise en œuvre d’une double stratégie complexe répondant à des logiques de marché divergentes ;
- au niveau externe : la présence à la fois sur des marchés très concurrentiels marqués par la variabilité des prix des matières premières, dans lesquels le pouvoir se concentre au niveau des distributeurs et sur un marché plus étroit, celui du bio, dans lequel faire sa place n’est pas simple malgré une plus grande proximité des pratiques et qui a nécessité la reconstruction de filières de production locales.
2.2 – Le contenu : des pratiques de GRH relevant au départ de la convention valorielle
31Les valeurs mises en œuvre dans le projet coopératif constituent un point central dans la structuration des pratiques de GRH. La coopérative a été créée afin que les salariés reprennent l’usine en autogestion et non pas pour reproduire des pratiques de GRH vécues antérieurement. Cependant, l’expérience au quotidien a montré la nécessité de développer des compétences, de partager les responsabilités et de formaliser certaines pratiques. Comme évoqué au sujet de la gouvernance, la prise de décision lors de l’AG des coopérateurs, bien qu’au cœur des valeurs de la SCOP, ne permet pas toujours de faire face, rapidement, aux problèmes qui se posent au quotidien.
2.2.1 – Un équilibre difficile à trouver entre horizontalité et verticalité
32Les pratiques de GRH au sein de SCOP-Ti se caractérisent par la volonté d’une mise en cohérence avec les valeurs défendues par la coopérative en opposition aux pratiques antérieures dans l’usine, fortement hiérarchisées et sans implication des salariés dans les décisions. Mais le fonctionnement promouvant le collectif sans établissement d’une hiérarchie claire complique la mise en œuvre de la GRH. Ainsi, pour un agent détaché, « Il y a un laisser-faire qui s’est mis en place. Et donc oui, c’est très contraignant parce que ça peut être aussi la mise en place d’une « République des ego », c’est comme ça que je les appelle. Des fois, on vous dit : « Faut faire avec la psychologie ou l’état d’esprit d’untel ou untel, c’est comme ça ». Y a pas d’arbitrage. Donc, ça met en perspective des choses très disproportionnées… et c’est un peu compliqué ça ». Le fait de ne pas avoir de chef est nouveau pour la plupart des salariés de la SCOP et l’appropriation de ce fonctionnement est imparfaite. Ainsi l’un des coopérateurs-salariés déclare que certains collègues préfèreraient avoir un « patron, c’est plus facile ! (…) parce qu’ils doivent pas réfléchir trop, tu fais ton job et tu t’en vas. Ici, faut que chacun s’implique plus et réfléchisse comment on fait mieux… mais tu as quelques gens qui suivent pas ». À l’opposé, d’autres s’investissent beaucoup dans la SCOP, dépannent et donnent un coup de main sur une base volontaire si nécessaire. Ces différences sont source de tensions et de risques d’épuisement des personnes qui s’investissent le plus.
33D’une façon générale, le fonctionnement de la SCOP est nouveau pour les coopérateurs ; ils sont plus familiers de l’engagement syndical, d’autant que beaucoup qui ont œuvré pour la lutte ne sont pas des nouveaux militants mais des syndicalistes de la CGT (Wagner, 2019). Ainsi, une agent détachée explique : « Mais ça veut pas dire pour autant que comme c’est une coopérative, qu’il y a personne qui soit… quitte à changer hein, un capitaine d’équipe. Dans une équipe de foot, y a un capitaine. C’est lui qui a le rôle de régulateur. Voilà, ça serait plus un rôle de régulateur qu’il faudrait… Alors, c’est sûr que ce serait un rôle totalement ingrat ».
34L’organisation de l’espace de travail, héritée du fonctionnement pré-coopératif, ne facilite pas non plus un fonctionnement horizontal, les bureaux administratifs et des responsables se trouvant en haut et les lignes de production en bas. Même si l’ajustement mutuel est de mise et si tout salarié peut monter discuter directement avec les responsables, une distinction existe de fait entre ceux qui sont dans leur bureau et ceux qui sont en poste sur des machines. Plusieurs témoignent de l’impact de cette architecture, par exemple : « Et derrière, quand vous discutez avec un opérateur… il dit : « Nous, en bas », « En bas, il s’passe ceci ». Donc, finalement, on a reproduit ce qu’on voulait éviter de faire. ».
2.2.2 – L’omniprésence des valeurs dans les choix de mise en œuvre des pratiques de GRH
35Reprenant la logique organisationnelle promouvant la centralité de l’AG des coopérateurs, c’est au sein de cet espace que les questions liées à l’organisation du travail et la politique salariale sont traitées. Toutefois, il a été jugé nécessaire de formaliser une part de la fonction RH pour clarifier l’organisation du travail (organisation des plannings, coordination des congés…) et renforcer la coordination entre les salariés afin de faciliter le fonctionnement au jour le jour de la coopérative. La fonction RH se caractérise par trois éléments : son éclatement entre les trois directeurs (chacun n’ayant ni formation ni expérience préalable dans ce domaine) afin de privilégier les concertations par rapport à la concentration ; son imbrication avec d’autres fonctions de gestion relevant d’un modèle plus proche d’une structuration matricielle que fonctionnelle ; et dans la limitation de sa capacité décisionnelle à la mise en œuvre des choix définis en AG. Par exemple, le changement des horaires de travail pour qu’il y ait un temps commun entre les équipes du matin et celles de l’après-midi a été décidé collectivement mais sa mise en œuvre est de la responsabilité du responsable de la production.
36D’autres éléments de la gestion des ressources humaines ressortent comme spécifiques à la SCOP. Il s’agit tout d’abord de la définition de la politique salariale. Les discussions ont concerné à la fois les niveaux de salaires (faut-il repartir de leurs anciens salaires lorsqu’ils étaient salariés d’une multinationale ?) et les écarts de salaire considérés comme justes. Après neuf mois de réflexion, une politique salariale a été collectivement construite avec des écarts de salaires extrêmement réduits puisque les salaires varient entre 1 600 et 2 000 euros. Un des directeurs raconte : « d’abord collectivement, on s’est donné les outils pour réfléchir, on s’est mis d’accord tous pour que ça soit transparent donc chacun a mis sur la table son salaire quand il travaillait pour la multinationale pour voir où on se positionnait si jamais on maintenait le même salaire. Là, c’était marrant parce que du coup, tout le monde a été d’accord, tout l’monde l’a fait et comme ils pratiquaient le salaire individualisé, et c’était fait pour ça, pour diviser, tout le monde pensait que l’autre était mieux payé que lui et certains sont tombés un peu de haut. (…) Ce n’est pas ça qui a fait avancer le débat mais c’était intéressant de le faire comme ça, de la transparence. » La politique de rémunération est simplifiée en s’appuyant sur une part fixe importante et une part variable dépendante de la performance collective.
37Enfin, le développement et la gestion des compétences ressortent comme un enjeu majeur pour Scop-Ti. Très tôt, il y a eu une volonté de développer les compétences des salariés pour pouvoir gérer la coopérative car tous étaient sous statut ouvrier chez Unilever. Par exemple, le directeur responsable de la production et de la maintenance a au départ un diplôme technique (CAP/BEP puis Bac Pro dans la maintenance), et il a été responsable production dans une grande entreprise de cosmétiques avant d’être embauché par Unilever. Un autre directeur avait au départ un Diplôme d’État d’éducateur sportif. Deux logiques de développement des compétences prédominent. La première vise à développer la polyvalence afin de faire face aux imprévus (par exemple, les pannes de machines ou les arrêts maladies) et pour éviter le travail répétitif, considéré comme source de démotivation au travail et générateur de maladies professionnelles dues aux gestes répétitifs. La seconde logique vise à se doter de compétences nécessaires pour le développement du projet économique, compétence dans la gestion d’organisation ou dans la certification par exemple.
38Il existe trois canaux distincts de formation. Le premier concerne l’utilisation de dispositifs publics pour financer des actions de formation, par exemple deux coopérateurs se sont formés à la gestion d’entreprise en suivant des formations d’études supérieures pendant les périodes de chômage. Le deuxième canal réside dans la formation en interne, sur une base volontaire notamment pour développer la polyvalence. Ainsi une salariée polyvalente, historiquement positionnée dans des tâches de nettoyage de l’usine a « été formée en interne au laboratoire oui, parce que je ne savais pas moi… comment ça se passait pour… doser… les thés, les infusions, c’est un dosage, voilà… Après… oui, ils m’ont formée au fur et à mesure ». Enfin le troisième canal, plus original, repose sur l’accompagnement bénévole par des personnes issues de l’entreprise mais désormais en retraite, des personnes détachées par une autre structure ou de personnes extérieures sensibles au projet de la coopérative. Par exemple, la formation de la personne en charge de la comptabilité a été réalisée par une experte comptable retraitée d’une grande entreprise afin qu’elle monte en compétences. Toutefois l’acquisition de compétences dans le domaine commercial semble plus difficile et pose la question du recrutement.
39À ce jour, il n’y a eu qu’un recrutement extérieur concernant la fonction de responsable commercial, difficile à stabiliser. La coopérative a du mal à recruter « la bonne personne », qui posséderait les compétences commerciales nécessaires tout en élaborant une stratégie en accord avec les valeurs de la coopérative. Ainsi l’un des directeurs exprime un décalage entre les caractéristiques perçues du métier de commercial et celles de la coopérative : « Le commercial de base, il va vendre père et mère, il va vendre n’importe quoi à des personnes âgées qui entendent pas ou qui voient rien, ils s’en foutent ! Donc, ils ont une mentalité complètement à part et ça, on a du mal. On a vraiment du mal là-dessus et c’est pour ça que ça tient pas énormément…parce qu’on fait des concessions mais… pfff ». Au sujet d’un des responsables commerciaux recrutés, un directeur exprime le décalage de valeur : « On était arrivé à un stade où, grosso modo (…) lui revendiquait d’avoir un contrat à plein temps avec une rémunération qui soit en lien avec ce que le marché lui offre. On pouvait pas lui offrir […] Déjà, gros soucis avec les copains parce que ça aurait été compliqué de gérer ça, mais bon, à la limite, on était prêt à regarder ça… Mais surtout, ce qui a été plus problématique, c’est qu’il voulait la totalité des clés de la maison. Il voulait pouvoir décider. Par exemple, sur la partie évolution du packaging, il considérait que lui, c’était le professionnel de plus de trente ans, donc lui, il avait le savoir donc ce qu’il disait, y avait pas besoin d’avoir de débat ». Aujourd’hui, après quelques tentatives peu convaincantes de recrutement externe, la fonction commerciale a évolué vers une prise en charge en interne, davantage en adéquation avec les valeurs et le fonctionnement de la SCOP.
2.2.3 – La prédominance de la convention valorielle
40Les pratiques de GRH au sein de la coopérative relèvent de la convention valorielle. Au sein de cette convention, les valeurs de l’organisation constituent le point central. Nous avons vu que les valeurs portées par le projet sociopolitique, issues du contexte de lutte sociale, constituent la pierre angulaire de la structuration de la coopérative. Au niveau de la formation, on constate une prédominance des formations de type qualifiantes permettant aux salariés qui le souhaitent de développer de nouvelles compétences (sécurité et hygiène, comptabilité, responsable qualité, gestion, etc.) tout en restant en adéquation avec la convention valorielle. Ainsi, les deux coopérateurs ayant suivi une formation à la gestion d’entreprise l’ont suivie au sein d’un diplôme portant sur la gestion des OESS plus enclin à intégrer la question de militance dans les problématiques de gestion. La question de la rémunération reprend les principes de cette convention à travers le faible écart des salaires, il s’en démarque tout de même sur la transparence qui lui est liée. Une autre dimension particulièrement révélatrice de cette convention est relative au temps de présence pour la coopérative associant le temps de travail relevant du contrat de travail et le temps de militance. Ainsi, pour l’un des directeurs délégués « j’crois qu’ils [des coopérateurs] l’ont jamais vu le fil directeur ou ils ne veulent jamais le voir, ça aussi… parce que quelque part ça veut dire que peut-être qu’il faut rester un peu plus. C’est le côté coopérateur ça. Quand tu fais tes sept heures, t’es salarié ok, mais après t’as le côté coopérateur ».
3 – Discussion
41Au-delà de la convention valorielle, la coopérative a toujours eu le souci d’ajuster ses pratiques de GRH à travers un travail de mise en pratique au niveau de la GRH des valeurs démocratiques. Un processus d’apprentissage est à l’œuvre en s’appuyant sur les bases de la convention délibérative.
3.1 – L’ajustement des pratiques de GRH : un processus d’apprentissage collectif singulier
42Une difficulté des organisations relevant de la convention valorielle, relevée par Pichault et Nizet réside dans le fait « qu’il n’y a guère de connexion possible entre les pratiques de GRH » et qu’elle « ne désigne pas d’acteur particulier dans la définition des politiques de GRH » (2013, p. 109). La coopérative peine à formaliser ses pratiques de GRH et à les rendre applicables par chacun d’autant que la socialisation professionnelle de l’ensemble des salariés s’est faite dans cette usine dans la période pré-coopérative quand les pratiques de GRH étaient plus formalisées et la direction des RH plus hiérarchisée. Reprenant un risque soulevé par Juban (2015), cette convention surinvestit le projet sociopolitique au risque d’une faiblesse du projet économique dans un secteur concurrentiel. Toutefois, les acteurs de la coopérative ont conscience de cette faiblesse qui porte un risque pour la réussite du projet économique mais aussi du projet sociopolitique par l’épuisement que cela peut provoquer. Ainsi, des ajustements sont réalisés dans la mise en place de pratiques de GRH. La GRH est devenue un sujet de discussion en tant que tel au sein des instances de gouvernance afin de déterminer collectivement des règles de fonctionnement.
43Un premier résultat de cette analyse constitue l’identification d’un processus de développement des pratiques de GRH en cinq étapes pour les organisations dans lesquelles le projet sociopolitique de transformation sociale est central : (1) promotion des valeurs comme point de référence, les valeurs sont considérées comme structurante pour l’engagement au travail et in fine sa structuration ; (2) constat de l’insuffisance des valeurs pour guider l’action, le seul partage de valeurs s’avère insuffisant pour permettre une organisation du travail et régler des dysfonctionnements opérationnels et stratégiques ; (3) explicitation des problématiques de GRH, la GRH devient un sujet de gestion en tant que tel ; (4) adoption de nouvelles pratiques dans l’animation du collectif, développement des outils et des espaces permettant aux coopérateurs de se saisir des problématiques de GRH ; (5) mise en place de nouvelles pratiques de GRH plus formalisées.
44Les pratiques de GRH au sein de la coopérative relèvent dès lors d’un apprentissage individuel et collectif par tâtonnement et pragmatisme contextualisé, c’est-à-dire par la prise de décisions en fonction du respect du projet coopératif, afin de faire face à des situations problématiques.
3.2 – La permanence de la convention délibérative pour la mise en pratique des valeurs
45Au sein de cette dynamique d’apprentissage relative aux pratiques de GRH, il semblerait que la coopérative cherche l’articulation de deux conventions de GRH, la convention valorielle et la convention délibérative. Une caractéristique forte de la convention délibérative réside dans la place accordée au collectif dans la détermination de normes de travail à appliquer. Les valeurs du collectif sont au cœur du mouvement de création du mouvement coopératif. La lutte sociale menée a contribué à construire des solidarités entre ses membres et leurs soutiens. Lors de la création de la coopérative, nous l’avons vu à travers le refus d’exclure des membres souhaitant rejoindre le projet coopératif, la dimension collective a été centrale. Par la suite, au moment de définir la gouvernance, cette dimension fut aussi centrale à travers la création d’un fonctionnement singulier positionnant l’AG des coopérateurs au centre ou au sommet de la hiérarchie. Ainsi, la dimension collective attachée à la convention délibérative était développée au sein de la coopérative mais faiblement au niveau des questions de GRH, ses questions n’étant pas considérées comme premières à l’inverse de la gouvernance ou de l’organisation du travail.
46On relève que, dans la mise en œuvre des pratiques de GRH, la convention délibérative y est mobilisée de façon croissante. Cette situation trouve son fondement dans le fait qu’une partie de la GRH, celle qui concerne les outils de gestion, a été éclipsée par des questions d’organisation du travail, de formation par des sujets concrets de court terme. Ceci fut renforcé également par l’absence parmi les coopérateurs de personnes dont la GRH constitue le métier et par une méfiance vis-à-vis des outils de GRH. Dans ce contexte, le recours aux valeurs est apparu comme suffisant pour déterminer des pratiques de GRH en opposition aux pratiques de la période pré-coopérative.
47Nous avons mis en lumière que la dimension délibérative est désormais un élément central. Les pratiques de GRH dans toutes leurs dimensions sont devenues un objet de débat. Ceci devrait avoir pour effet de contribuer à une formalisation de la GRH au sein de la coopérative tout en permettant une adéquation au projet coopératif. Il apparaît que la manière dont se déploieront des principes de la convention délibérative pourra mettre en discussion les valeurs présentes dans le projet coopératif et les confronter aux situations de travail. Ainsi, le second résultat de notre analyse réside dans les mécanismes donnant lieu à un processus d’ajustement dans la mise en pratique des valeurs. Ce processus se fait par le prisme des pratiques de GRH. En ce sens, nous rejoignons les réflexions de Juban (2015) sur le rôle de la convention délibérative dans la vie du projet coopératif. Au-delà, nous considérons que cette convention porte la potentielle mise en cohérence des valeurs et des pratiques de GRH par le nécessaire travail de leur mise en confrontation. Cette cohérence, qui peut être souvent remise en cause ou fragilisée par les dynamiques externes, apparaît toutefois comme nécessaire pour permettre aux pratiques de GRH de s’adapter au contexte coopératif et favoriser l’adéquation du projet sociopolitique et du projet économique dans une logique d’hybridation (Beji-Bécheur et Codello-Guijarro, 2015) ou de réinvention de la pratique (Jaumier et al., 2018).
Conclusion
48Nous avons mis en évidence comment les valeurs coopératives influencent les pratiques de GRH à SCOP-Ti, en pointant la prédominance de la convention valorielle. Cette convention apparaît de prime abord en cohérence avec les valeurs fortes portées par le projet sociopolitique. Mais elle rencontre des limites dans sa capacité à coordonner l’ensemble des salariés dans le travail et à (dé)mobiliser les coopérateurs. Elle contribue au risque de surdétermination du projet sociopolitique sur le projet économique. Ces limites résultent du fait que les questions de GRH ont été faiblement investies au départ par la coopérative car considérées comme évidentes en fonction des valeurs portées. Afin de dépasser cette difficulté, nous avons vu que la coopérative a développé un processus d’apprentissage collectif singulier, s’appuyant sur une logique relevant de la convention délibérative. Cette convention repose pour partie sur l’importance du débat, elle est de facto en concordance avec le principe démocratique constitutif du projet coopératif. La manière dont une partie des acteurs s’en saisissent vise à mettre en débat les pratiques de GRH et à les formaliser. Ainsi, la convention de GRH au sein de la coopérative articule une convention hybride valorielle-délibérative dans l’objectif d’une recherche de cohérence entre les valeurs et leur mise en œuvre. Il s’agit d’identifier un équilibre satisfaisant dans la relation projet sociopolitique – projet économique en GRH. Nous pointons ici le fait que la convention valorielle tend à naturaliser la GRH. En effet les valeurs entretiennent une relation complexe avec les pratiques de GRH. Le lien d’influence est double, aussi bien des valeurs vers les pratiques que des pratiques vers les valeurs. La relation n’est en conséquence pas figée mais suit un processus non linéaire influencé par un ensemble de variables et par la manière dont les acteurs s’en saisissent. Nous soulignons ainsi le rôle central que joue la convention délibérative dans les apprentissages et les ajustements nécessaires de la GRH : elle est le moteur des ajustements et permet une articulation entre le projet sociopolitique et le projet économique.
49Cette recherche vient renforcer le développement des connaissances sur les pratiques de GRH au sein des coopératives et leur interaction avec la structuration de leur gouvernance dans un contexte où tous les salariés sont aussi sociétaires. De ce travail, il résulte une préconisation à la fois managériale et théorique qui réside dans la formalisation des pratiques de GRH en s’assurant de sa mise en discussion. La mise en discussion doit se faire selon le principe de l’horizontalité au cœur des SCOP. Ainsi, le fait que la GRH soit partagée entre plusieurs acteurs dont le rôle est d’animer son pilotage et non d’en déterminer la politique, comme dans le cas étudié, facilite cette horizontalité. Afin de réaliser ce travail, nous considérons qu’il faut dans un premier temps l’approcher à travers les problèmes soulevés par le travail réel pour favoriser l’implication des salariés et permettre une prise de décision partagée. Les pratiques de GRH ne seraient donc pas descendantes, imposées par la gouvernance comme dans l’entreprise privée « classique » mais coconstruites par les acteurs à partir du travail réel et formalisées ultérieurement. Puis dans un second temps, il convient d’inscrire la GRH au niveau des discussions stratégiques comme un moyen permettant d’articuler les projets économique et sociopolitique.
50Il est possible d’identifier une limite quant au passage du cas à la généralisation. Dans quelles conditions les coopératives ou une partie des coopératives fonctionnent-elles de cette manière ? Cette limite constitue en soi une perspective de recherche ultérieure dans la compréhension des dynamiques coopératives. Elle invite à développer les recherches selon deux axes : la compréhension des processus à l’œuvre dans la construction des pratiques de GRH au sein des organisations hybrides et l’identification des variables structurantes et des logiques dominantes. Parmi les variables structurantes, notre article ouvre la voie en proposant d’en définir deux : le rapport aux valeurs et les modalités de fonctionnement et de mobilisation du collectif. À la suite de Pichault et Nizet (2013), la recherche d’une typologie de configurations homogènes de coopératives semble être une voie intéressante et stimulante.
Annexe 1 : Tableau descriptif des entretiens réalisés pour le cas SCOP-Ti
Fonction | Lien à la coopérative | Sexe | Durée entretien |
---|---|---|---|
Directeur Général | Salarié-Coopérateur | M | 1h51min |
Directeur Général | Non salarié-Coopérateur | M | 43min |
Assistante comptable | Salarié-Coopérateur | F | 1h19min |
Employée polyvalente | Salarié-Coopérateur | F | 32min |
Responsable HSE | Salarié-Coopérateur | F | 1h21min |
Accompagnement formation | Détaché par une autre organisation | M | 2h22min |
Responsable Financière | Détachée par une autre organisation | F | 1h08min |
Retraitée – Bénévole | Membre de l’association de soutien à la coopérative | F | 47min |
Anthropologue – Documentariste | Réalisatrice d’un documentaire sur SCOP-Ti | F | 48min |
Directeur magasin de grande distribution | Client de SCOP-Ti | M | 45min |
Fondateur d’une coopérative | Coopérative de soutien au commerce équitable, partenaire de SCOP-Ti | M | 55min |
Responsable syndicat de producteurs de fleurs | Fournisseur de SCOP-Ti | M | 58min |
Maire | Ville où est localisée la SCOP | M | 25min |
Annexe 1 : Tableau descriptif des entretiens réalisés pour le cas SCOP-Ti
Bibliographie
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