Notes
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[1]
Nous remercions l’équipe de @GRH ainsi que les deux évaluateurs anonymes.
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[2]
Ce travail s’inscrit dans une étude plus large, réalisée dans le cadre d’une thèse en CIFRE.
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[3]
Sauf exception, les chiffres datent de décembre 2013.
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[4]
Contrairement au choix de nombreuses entreprises d’aborder la question de l’EP comme un simple volet d’une politique de RSE, Orga s’est historiquement préoccupée d’EP avant de traiter de RSE, autant pour respecter les dispositifs législatifs existants que par conviction.
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[5]
La question de l’égalité salariale est abordée dans la négociation salariale et non pas sur celle relative à l’EP. Elle n’a donc pas été étudiée en tant que telle.
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[6]
Les femmes étaient largement surreprésentées dans la négociation, un phénomène souligné par Contrepois (2014).
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[7]
Ce réseau d’hommes a été mis en place en 2013 dans l’entreprise, sur l’impulsion de la direction EP. Il consiste en l’organisation de groupes de réflexion d’hommes sur le sujet de l’EP.
Introduction
1L’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (EP) a fait l’objet d’un important dispositif législatif en France depuis la seconde moitié du vingtième siècle, avec entre autres des obligations pour les grandes entreprises (Laufer, 2014 ; Saint-Michel et Wielhorski, 2011 ; Wagner-Guillermou et Barth, 2015 ; Blanchard, 2016). Notamment, la loi Roudy de 1983 puis la loi Génisson de 2001 leur confèrent des obligations de moyens, en particulier celles de produire un rapport annuel de situation comparée (RSC) entre les femmes et les hommes, et de négocier un accord triennal sur l’égalité professionnelle (Rabier, 2009 ; Miné, 2017). La loi de 2006 relative à l’égalité salariale et la loi Copé-Zimmermann de 2011 leur ont ensuite conféré des obligations de résultats, en matière d’égalité salariale et d’accès des femmes aux postes à responsabilités. Plus récemment, la loi de 2014 sur « l’égalité réelle entre les femmes et les hommes » a renforcé les sanctions pour les entreprises ne respectant pas leurs obligations légales (Laufer et Silvera, 2017).
2Au-delà de cette obligation de négociation, les entreprises peuvent choisir de définir et mettre en œuvre des mesures en dehors de l’accord.
3La dimension négociée de l’EP est aujourd’hui assez bien documentée. Ainsi, différents travaux soulignent que les acteurs de la négociation sont insuffisamment formés (Miné, 2017), que les textes issus de la négociation (accords d’entreprise) s’avèrent très standardisés (Charpenel, Demilly et Pochic, 2017), et que les dispositifs institutionnels restent ambigus sur le sujet (Le Quentrec et Bacou, 2017). De plus, il semble que les récentes lois dites Rebsamen et Travail pourront avoir des effets encore incertains sur la thématique de l’EP (Laufer et Silvera, 2017). Cependant, les raisons pour lesquelles une entreprise choisit d’inscrire ou pas une mesure particulière dans un accord sur l’EP restent quant à elles très peu abordées dans la littérature académique. Cela représente pourtant un enjeu important. En effet, en matière de dialogue social, l’articulation entre des politiques négociée et non négociée sur le même sujet n’est pas si facile à assurer (Salesina, 2012). Ensuite, le choix de négocier entièrement ou pas une politique d’entreprise peut s’avérer déterminant. Enfin, il semble important de comprendre pourquoi certaines entreprises ne se limitent pas à négocier un accord et choisissent d’aller plus loin que la loi (Persais, 2006).
4Notre travail porte sur la construction d’une politique globale d’EP, constituée de mesures négociées et d’autres, à l’initiative de la seule direction de l’entreprise. Nous nous intéressons à la négociation sur l’EP et donc aux processus de décisions qui conduisent à inclure dans l’accord certaines mesures ainsi qu’à ceux qui conduisent à en garder d’autres en dehors. Au final, nous souhaitons analyser la coexistence de ces deux dimensions dans la politique d’EP, et surtout leur articulation qui semble centrale pour la cohérence de la politique globale.
5Une manière possible d’expliquer la coexistence de ces deux dimensions réside dans la mise au jour de logiques institutionnelles spécifiques : le concept de logiques institutionnelles renvoie à l’ensemble de normes, de valeurs, de buts, qui structurent la cognition et l’action des individus (Thornton, 2002 ; Rao, Monin et Durand, 2003). Friedland et Alford (1991) définissent les logiques institutionnelles comme « a set of material practices and symbolic constructions » (p. 248) qui contraignent le répertoire d’action des individus (Goodrick et Reay, 2011). La souplesse du concept d’institution (Scott, 1987 ; Zucker, 1987 ; North, 1991) permet de considérer que les politiques d’EP et les ensembles de valeurs sous-jacents constituent des institutions. La coexistence de deux dimensions peut alors s’interpréter comme résultant d’une variété de logiques. Si l’on reprend la définition de Friedland et Alford, on peut ici considérer que les conceptions de l’égalité professionnelle, qui varient, comme on le verra, selon différentes contingences, ainsi que les buts et enjeux assignés à la politique forment les constructions symboliques, le processus de construction et de mise en œuvre de la politique constituant les pratiques matérielles.
6Ainsi, nous nous demanderons dans quelle mesure les dimensions négociée et non négociée de la politique d’EP répondent à des logiques institutionnelles distinctes.
7Pour appréhender cette question, nous mobilisons une étude de cas dans une grande entreprise française. Après une revue de la littérature académique centrée sur les accords d’EP et les logiques institutionnelles, nous présentons ce cas et le design de recherche mobilisé. Nous analysons ensuite le caractère bicéphale de la politique d’EP, en montrant que les logiques institutionnelles qui sous-tendent les dimensions négociée et non négociée sont bel et bien distinctes, avec plusieurs points de variation, ce qui explique leur coexistence au sein des grandes entreprises.
1 – Les politiques bicéphales de l’égalité professionnelle
8La littérature sur l’EP est particulièrement riche et multidisciplinaire. Pour éclairer et circonscrire notre objet d’étude, nous nous concentrons ici sur deux aspects : la négociation des accords eux-mêmes, et les politiques d’EP menées par les entreprises. Nous présentons également le cadre théorique mobilisé, celui des logiques institutionnelles.
1.1 – La négociation sur l’égalité professionnelle
9Les nombreux travaux disponibles adoptent une vision très générale du processus de négociation collective en entreprise, qu’il s’agisse de caractériser les relations professionnelles (Morel, [1991] 1997 ; Thuderoz, 2013), d’éclairer le processus de régulation (Reynaud, 1979 ; Morel, 1981 ; Reynaud, 1988 ; Reynaud, 1991 ; Reynaud, [1989] 1997 ; Morel, [1991] 1997), ou encore d’analyser les processus de négociation (Garaudel, Noël et Schmidt, 2008).
10Les spécificités de la négociation collective sur l’EP ont été abordées plus récemment. Ainsi, Miné (2017) souligne à la fois l’insuffisante formation des négociateurs, qui ne maîtrisent pas toujours les concepts-clés de l’EP (égalité de rémunération pour travail de valeur égale, discrimination indirecte…) et la flexibilité de la loi qui n’impose qu’une obligation de moyen et pas de résultat, ce qui expliquerait la faible effectivité des accords. Dans la même veine, Charpenel, Demilly et Pochic (2017) montrent que les accords négociés restent bien souvent des « coquilles vides », très standardisées, en raison de la difficulté pour les acteurs à objectiver les inégalités genrées, de la faiblesse des budgets alloués au sujet, et d’une focalisation sur la notion de mixité, qui réduit le champ de l’EP. Le Quentrec et Bacou (2017) donnent à voir des représentants syndicaux démunis face à des employeurs peu empressés pour mettre en œuvre des dispositifs institutionnels qui restent ambigus. D’autres travaux sur l’EP soulignent que la majorité des acteurs de l’organisation, tout en affirmant défendre l’égalité, « se représentent leur espace professionnel comme neutre au genre » et ignorent donc les obstacles structurels à cette égalité (Ponchut et Barth, 2012, p. 11).
11D’autres travaux portent sur le contenu des accords d’entreprise ou de branche (Laufer et Silvera, 2004, 2006 ; ANACT, 2008 ; Laufer, 2008 ; Rabier, 2009 ; CSEP, 2014), la mobilisation syndicale en la matière (Ardura et Silvera, 2001 ; Guillaume, 2013), ou encore la représentation des femmes dans les syndicats et leurs politiques en faveur de la mixité en leur sein (Ardura et Silvera, 2001 ; Guillaume, 2007 ; Guillaume et Pochic, 2009 ; Buscatto, 2009).
12Mais la question de l’articulation entre les dimensions négociée et non négociée ne fait pas l’objet d’une réelle attention.
1.2 – Les politiques d’égalité professionnelle dans les grandes entreprises
13Les travaux disponibles éclairent surtout sur la nature et le contenu des politiques définies par les grandes entreprises dans le cadre de la négociation.
14On observe ainsi que la plupart des mesures en matière d’EP concernent généralement les domaines relevant des politiques de GRH (recrutement, rémunération, promotion, mobilité, formation, congés de maternité et parentalité), certaines mesures renvoyant davantage à l’organisation du travail (temps partiel, aménagement des horaires).
15Les différentes études menées sur les accords d’entreprise signés sur l’EP présentent plusieurs types de mesures. Certaines visent à mettre en pratique l’égalité des droits. C’est le cas par exemple en matière de rémunération, la mesure la plus classique consistant en un rattrapage salarial pouvant prendre différentes formes (Laufer et Silvera, 2004 ; 2006 ; Rabier, 2009 ; DARES, 2013). De même, concernant la formation, les entreprises peuvent proposer des aides financières pour la garde des enfants en cas de déplacement lié à une formation (Rabier, 2009). D’autres sujets s’inscrivent dans cette recherche d’égalité. C’est le cas pour le temps partiel qui donne lieu à une très grande diversité de mesures et de politiques d’entreprise (Lemière, 2005). En matière de maternité, les accords restent parfois cantonnés à la loi, mais certains utilisent le terme de parentalité, ce qui dénote la volonté d’impliquer les pères (Laufer, 2008).
16D’autres mesures relèvent plus clairement d’actions positives. C’est par exemple le cas en matière de recrutement lorsqu’il s’agit d’accorder une préférence aux femmes en cas de compétences équivalentes (Laufer, 2008) ou en matière de promotion, avec la fixation d’objectifs chiffrés de féminisation des instances dirigeantes (Laufer, Perrin-Joly, Mascova et Dormion, 2014). Dans ce même registre, on trouve également la mise en place de formations spécifiques pour permettre aux femmes d’intégrer des filières techniques (Laufer, 2008).
17Enfin la mobilité reste un sujet délicat puisque des études montrent que les incitations à la mobilité désavantagent souvent les femmes (Guillaume et Pochic, 2007 ; 2010). L’ANI de 2004 prévoit d’ailleurs des aides pour les contraintes liées à la parentalité en cas de mobilité.
18Cependant, les politiques d’EP ne se résument pas aux seuls accords : elles peuvent aussi comporter des mesures définies unilatéralement par la direction de l’entreprise. Elles peuvent être classifiées en trois grands types (Dobbin et al., 2006) : les mesures visant à modifier la structure des responsabilités en matière d’EP (i.e. création de comités et de postes dédiés à la thématique), celles visant à réduire les biais décisionnels et les stéréotypes (i.e. dispositifs de formation), et celles visant à réduire l’isolement social des femmes (i.e. réseaux de femmes, mentoring).
19Cette rapide revue de la littérature nous conduit à tenter d’éclairer le processus de construction d’une politique d’EP dans sa globalité : politique négociée et non négociée, et articulation de ces deux dimensions. Pourquoi certaines mesures sont-elles inscrites dans l’accord et d’autres non ? Les dimensions négociée et non négociée traduisent-elles des logiques institutionnelles distinctes ?
1.3 – Le poids des logiques institutionnelles
20Le concept d’institutions accepte des définitions variées (Scott, 1987), mais celle donnée par North (1991, p. 97) semble opérante dans le cas de l’EP : « Institutions are the humanly devised constraints that structure political, economic and social interaction. They consist of both informal constraints (sanctions, taboos, customs, traditions, and codes of conduct), and formal rules (constitutions, laws, property rights) ». Dans notre cas, l’ensemble de valeurs, de règles légales, de codes de conduite associé à l’EP en fait donc bien une institution.
21Les premiers travaux institutionnalistes ont été enrichis par l’approche néo-institutionnaliste (Meyer et Rowan, 1977 ; DiMaggio et Powell, 1983 ; DiMaggio et Powell, 1997 ; Edelman et Suchman, 1997 ; Kelly et Dobbin, 1999 ; Briscoe et Safford, 2008 ; O’Mahony et Bechky, 2008 ; Hardy et Maguire, 2010 ; …). Cependant, Huault (2009) souligne que les critiques adressées à ces travaux de la seconde mouvance portent sur le poids des institutions qui rend incertain le pouvoir décisionnel des acteurs, même si de nouveaux développements mettent davantage l’accent sur l’individu (Gatignol, 2014).
22Le concept de logiques institutionnelles renvoie à la définition des normes et des valeurs qui structurent la cognition et l’action des individus (Thornton, 2002 ; Rao, Monin et Durand, 2003), ou encore à un ensemble de pratiques matérielles et de constructions symboliques (Friedland et Alford, 1991). Il permet de sortir d’une logique déterministe en reconnaissant aux acteurs la capacité de modifier les institutions (Lawrence et Suddaby, 2006 ; Leca, 2006). Ce concept permet donc entre autres d’expliquer la variété institutionnelle, voire la contradiction entre institutions au sein d’une même société (Goodrick et Reay, 2011).
23En transposant ce concept à notre étude, on peut donc supposer que plusieurs logiques institutionnelles (au sens : ensemble de valeurs, de règles, et de pratiques matérielles) peuvent coexister en matière d’EP. Par exemple, les mesures les plus communes citées supra relèvent aussi bien de l’égalité de droit, que de l’égalité de traitement, voire s’apparentent à des actions positives ou traduisent une volonté de gender mainstreaming (Eveline et Todd, 2009 ; Page, 2011 ; Bendl et Schmidt, 2013 ; Scala et Paterson, 2017) dans certains cas. Cela traduit une variété de conceptions de l’EP, et donc une variété de valeurs à ce sujet. De plus, les dimensions négociée et non négociée ne sont pas construites selon le même processus (négociation avec les syndicats ou décision unilatérale) et ne sont pas mises en œuvre de la même façon, ce qui traduit des pratiques matérielles distinctes.
24Ces différents éléments éclairent donc notre problématique : dans quelle mesure les dimensions négociée et non négociée de la politique d’EP répondent-elles à des logiques institutionnelles distinctes ?
2 – L’égalité professionnelle chez Orga : présentation et méthodologie [2]
25Pour répondre à cette question, nous avons mobilisé une étude de cas (Yin, [1984] 1989) au sein d’une grande entreprise française, nommée Orga. Les données collectées proviennent de plusieurs approches simultanées : observation participante lors de la négociation de l’accord d’EP de 2014, intégration dans le service EP de l’entreprise (pendant deux ans) et réalisation d’entretiens avec les principaux négociateurs.
2.1 – Orga : une grande entreprise volontariste en matière d’égalité professionnelle mais confrontée à des difficultés persistantes
26L’étude porte sur Orga, grande entreprise ex-administration française privatisée depuis les années 1990. Orga emploie à la fois des fonctionnaires (62 % [3]) et des contractuels. Son activité nécessite à la fois des métiers techniques et des métiers commerciaux. Sa politique d’EP, dont l’accord constitue la pierre angulaire, peut être qualifiée de volontariste.
2.1.1 – Principales caractéristiques de l’entreprise
27Progressivement privatisée depuis les années 1990, Orga s’est développée à l’international dans un secteur autrefois monopolistique désormais ouvert à la concurrence, ce qui a conduit au recrutement de salariés de droit privé. Orga doit aujourd’hui affronter de nouveaux enjeux :
- le gain et la fidélisation des clients : il s’agit d’endiguer l’érosion des parts de marché que l’entreprise a connue suite à l’ouverture à la concurrence ;
- les innovations technologiques : le secteur dans lequel Orga évolue est caractérisé par une succession rapide d’innovations technologiques, qu’il faut pouvoir anticiper et intégrer pour survivre ;
- la gestion des effectifs : encore constituée à majorité de fonctionnaires, dans un contexte économique difficile, l’entreprise ne peut licencier et recrute très peu.
28Du point de vue de l’EP [4], seuls les salariés d’Orga SA en France (filiales exclues), soit environ 90 000 salariés, sont couverts par l’accord d’EP que nous étudions ici.
29Les syndicats représentatifs, donc ceux qui négocient l’accord d’EP, sont, par ordre décroissant de représentativité dans l’entreprise (mesurée aux élections de 2011 où le taux de participation a été de 75 %) : CGT (23 %), CFDT (22 %), SUD (19 %), CFE-CGC (15 %), FO (14 %). Les actions menées dans l’entreprise permettent de caractériser leurs positions et attitudes générales. La CGT signe très peu d’accords, ce qui réduit son « pouvoir de négociation » (« bargaining power », Kolb et Putnam, 2004). Dans les négociations sur l’EP, elle envoie des représentants professionnalisés mais peu actifs. La CFDT semble dans une posture plus constructive, ce qui est également le cas au niveau national (Hadas-Lebel, 2006 ; Dequecker et Tixier, 2010), et envoie des représentants professionnalisés sur l’EP. SUD accorde une grande importance à l’avis de sa base pour décider de signer ou pas les accords, et envoie des représentants très professionnalisés sur l’EP. La CFE-CGC se positionne plus dans la contestation de l’entreprise qu’au niveau national, mais n’échappe pas aux « hésitations stratégiques » et aux « distorsions » d’un syndicat dont l’électorat est mouvant et hétérogène (Béthoux et al., 2011), et envoie des représentants très peu professionnalisés sur l’EP. Enfin, FO connaît, comme au niveau national (Cadin et al., 2007), des difficultés liées à son statut de syndicat faiblement majoritaire ; une de ses représentantes à la négociation sur l’EP est très professionnalisée sur le sujet.
30Du côté de l’entreprise, la négociation est pilotée par la Direction EP mais l’équipe de négociation réunit en fait des membres de plusieurs Directions : Relations sociales, Recrutement et mobilité, Rémunération, ainsi qu’une représentante de la plus grosse division opérationnelle. Les séances de négociation sont ainsi précédées de séances de préparation visant la construction d’un compromis interne à la direction sur les mesures à inscrire dans l’accord. Ajoutons que, une fois l’accord signé, son application est suivie au niveau des entités par des « correspondants EP », qui animent le dialogue social à leur niveau (un correspondant EP par comité d’établissement). On peut noter enfin qu’Orga a une forte tradition de négociation collective qui se traduit notamment par de nombreuses signatures d’accords (une dizaine d’accords signés en 2013).
2.1.2 – L’égalité professionnelle chez Orga
31Les principaux enjeux en matière d’EP sont ainsi résumés :
- féminisation des métiers et ségrégation des femmes hors des métiers techniques : le taux de féminisation global de l’entreprise est de 36 %, mais il est inférieur à 25 % dans les domaines techniques (voire inférieur à 5 % dans certains métiers), alors qu’il atteint 50 % dans les domaines non techniques ;
- féminisation des recrutements : pour les CDI, le taux de recrutement de femmes est inférieur à celui de l’effectif global (36 %) depuis 2010 ;
- féminisation des postes à responsabilités : le taux de féminisation des cadres supérieurs est de 32 %, et celui des 1 200 postes les plus élevés est de 24 %.
32En revanche, sur l’égalité salariale [5], l’entreprise fait mieux qu’au niveau national : l’écart global de rémunération ramenée à un temps plein est de 9 % (contre 14 % sur la rémunération annuelle brute ramenée en salaire horaire en 2009 au niveau national), et est inférieur à 5 % quand on le ramène au niveau hiérarchique (contre un écart toutes choses égales par ailleurs de 9 % au niveau national en 2009) (Muller, 2012).
33Pour répondre à ces enjeux, l’entreprise a mis en place une politique relativement volontariste, notamment au travers d’accords successifs. Orga a signé quatre accords depuis 2004. En 2006, une direction de la Diversité a été créée et comprend un département dédié à l’EP.
34L’accord d’EP de 2011-2014, qui précède celui dont on a étudié la négociation et qui constituait donc une première base de négociation, aborde différentes thématiques : emploi et recrutement, politique de rémunération et égalité salariale, égalité dans l’évolution professionnelle, accès à la formation professionnelle, organisation du travail et santé, équilibre vie privée – vie professionnelle, mixité des institutions représentatives du personnel, communication et sensibilisation – et enfin une partie consacrée à l’organisation du dialogue social et aux modalités de déploiement et de suivi de l’accord.
35Premièrement, cet accord témoigne d’un niveau élevé d’engagement de l’entreprise. En effet, il cherche à renforcer le traitement identique des femmes et des hommes, mais quelques mesures s’orientent vers des actions positives, comme la définition d’un budget de promotion additionnel pour les femmes, ou encore le recrutement prioritaire de femmes en cas de compétences équivalentes. Il s’agit donc d’un intermédiaire entre l’approche « radicale » et l’approche « libérale » de l’EP (Bender et Pigeyre, 2004). Deuxièmement, il repose sur une analyse structurelle de l’EP (Rabier, 2009), et définit notamment une batterie très importante d’indicateurs : aux 24 indicateurs légaux s’ajoutent 61 indicateurs conventionnels, issus de la négociation avec les syndicats. Troisièmement, il comporte des mesures abordant les différentes facettes de cette thématique et s’engage ainsi dans une « approche intégrée de l’égalité » (Laufer, 2008). Enfin, il prévoit des moyens relativement importants de suivi (création d’un réseau de « correspondants » locaux dédiés à l’EP, en charge du suivi de l’accord).
36Orga définit et met en place également des mesures relatives à l’EP en dehors de l’accord d’entreprise. Certaines de ces mesures se rapprochent de celles évoquées par Dobbin et al. (2006) (voir supra § 1.2) : réseaux de femmes, formations, événements dédiés aux femmes, notamment. Des campagnes de communication et de sensibilisation sont également mises en œuvre en dehors de l’accord.
37Orga a donc défini une politique relativement volontariste sur l’EP. Cela peut expliquer la position et l’image privilégiées dont elle bénéficie sur ce sujet : régulièrement citée par les médias comme une entreprise bien positionnée sur le sujet, récompensée par plusieurs trophées, son image externe en la matière est très positive, ce qui peut également expliquer la perception positive qu’en ont ses salariés.
2.2 – Méthodologie : de l’observation participante complétée par des entretiens
38Partie intégrante des données collectées dans le cadre d’une thèse réalisée en entreprise, le matériau mobilisé ici provient essentiellement d’une observation participante, complétée par neuf entretiens semi-directifs, et de l’étude du texte des quatre accords signés par l’entreprise sur l’EP (en 2004, 2007, 2011 et 2014).
39Nous avons commencé par étudier le texte des trois premiers accords précités pour dresser un premier état des lieux sur l’évolution des accords de 2004 à 2011, que nous avons ensuite complété en ajoutant les caractéristiques de l’accord signé en 2014.
40Concernant l’étude de la négociation, l’observation participante a porté sur les séances de préparation au sein de la Direction d’Orga puis sur les douze séances (d’une durée d’une demi-journée ou une journée) de négociation de l’accord 2014-2017.
41Après la négociation, neuf entretiens complémentaires ont été menés. Une première série d’entretiens semi-directifs d’une durée de 1h à 1h30 a eu lieu avec cinq représentantes [6] des syndicats signataires (c’est-à-dire tous les syndicats sauf la CGT, sachant que nous avons mené des entretiens avec deux représentantes pour la CFE-CGC). Ces entretiens visaient à recueillir leurs avis et perceptions sur la négociation, et à mieux comprendre certaines de leurs stratégies et revendications. À partir de ces entretiens et de leur codage, nous avons déduit un ensemble d’hypothèses sur la négociation, ses spécificités, et les stratégies des syndicats. Nous avons ensuite souhaité vérifier ces hypothèses en menant une seconde vague d’entretiens, à savoir quatre entretiens semi-directifs d’une durée de 1h à 1h30, dont le guide d’entretien reposait sur ces hypothèses, avec trois des représentantes déjà interviewées, et une représentante de la Direction des Relations sociales. Le codage a cette fois-ci été réalisé en fonction des hypothèses initiales.
42La dimension non négociée de la politique, beaucoup moins formalisée, a pu être saisie grâce à notre intégration au sein de la Direction EP, et ce tout au long de notre étude. Cette dimension est en effet décidée au sein de cette Direction, parfois sur les injonctions de la DRH, et faisait l’objet d’échanges, parfois informels, ou d’information lors des réunions d’équipe. La tenue d’un « journal de bord » a permis de recueillir des faits marquants qui ont fait l’objet d’une approche ethnographique (Schouten et McAlexander, 1995).
3 – Une politique bicéphale traduisant des logiques institutionnelles différentes pour répondre à des enjeux distincts
43La construction de la politique d’EP relève de deux ensembles de logiques institutionnelles distinctes et complémentaires : celles qui ont présidé à la négociation et celles dont relève la dimension non négociée, l’une et l’autre prenant en compte à des degrés divers des enjeux locaux et incarnant différents objectifs et valeurs sur l’EP.
3.1 – La dimension négociée, ou comment progresser de façon incrémentale
44L’étude du contenu des trois accords successifs sur l’EP de 2004, 2007 et 2011 donne à voir une évolution de leur contenu et de leur style. Ainsi, l’accord de 2007 introduit des mesures « phares » en matière d’EP, telles que la création d’un budget visant la correction des inégalités salariales, alors que celui de 2011 établit des engagements chiffrés. Le style d’écriture des accords évolue également pour éviter stigmatisation et stéréotypes (par exemple, passage du masculin neutre en 2004 à une écriture correspondant aux deux genres en 2011). Ces évolutions sont en fait symptomatiques d’une évolution de la conception même de l’EP au fil des accords. Ainsi, ils englobent un nombre croissant de thématiques et d’actions (par exemple, travail avec les établissements scolaires…). L’accord de 2011 bascule vers une logique d’égalité des chances, plutôt que l’égalité de traitement qui prévaut dans les accords précédents (recrutement prioritaire de la candidate en cas de compétences égales avec un candidat, listes de pré-sélection paritaires d’au moins 4 personnes, avec justification quand c’est impossible).
45Ces évolutions témoignent tout d’abord des évolutions des obligations légales et des recommandations des pouvoirs publics sur l’EP. Elles dénotent également la volonté de faire évoluer la politique sur la base du diagnostic de la situation et du degré de mise en œuvre de cet accord. Ainsi, la négociation a commencé par un bilan de l’accord précédent, pour élaborer un diagnostic commun et élaborer des changements. Pour autant, on constate que les accords successifs forment un empilement, dans la mesure où aucun accord ne revient sur ce qui a été écrit précédemment : les accords constituent ainsi toujours des avancées et jamais des reculs, ce qui renvoie à une logique d’amélioration continue, une volonté d’augmenter les engagements de l’entreprise tant que l’EP n’est pas atteinte.
46Trois caractéristiques de la négociation sur l’EP peuvent venir interférer avec cette volonté d’évolution.
47Tout d’abord, l’EP est un sujet transversal à différents processus RH et en tant que tel, il peut être traité, directement ou indirectement, dans d’autres accords (accord sur la gestion des emplois et des compétences, accord sur la mobilité, accord équilibre vie privée – vie professionnelle, etc.). Cela réduit en fait les marges de manœuvre de la Direction EP, qui doit demander aux autres directions RH leur aval pour intégrer certaines mesures dans son accord. Dans ce contexte de « négociations intra-parties » (Rojot, [1994] 2006), les négociateurs syndicaux peuvent devenir en quelque sorte des alliés, en portant des revendications acceptables par ces autres directions parce que venant justement de ces mêmes syndicats, alors qu’elles seraient refusées en tant que propositions de la Direction EP. Les représentants syndicaux refusent d’ailleurs cette réduction des marges de manœuvre du fait de l’existence d’autres accords. Par exemple, ils ont émis des revendications sur le rapprochement de conjoints en cas de mobilité, malgré l’existence d’un accord dédié à la mobilité.
« Mais il ne faudrait surtout pas que à cause de ces domaines d’accord il y ait une limitation du champ de l’égalité pro. Il n’y a pas de légitimité à limiter le champ de l’égalité professionnelle. »
49Ensuite, le cadre légal accorde une grande importance aux indicateurs chiffrés (la parution obligatoire du RSC, notamment), et aux engagements chiffrés, alors même que les indicateurs de l’EP évoluent peu (par exemple, le taux de féminisation d’Orga évolue très lentement du fait de l’inertie des effectifs). Cependant, cette importance conférée aux indicateurs chiffrés est accentuée par le fait que certaines organisations syndicales, comme SUD, considèrent les indicateurs comme très importants pour faire reconnaître à l’employeur la réalité des inégalités et l’inciter à prendre des engagements de résultat (faire progresser le taux de féminisation de x % par exemple). Cela peut conduire à une situation paradoxale où des engagements chiffrés inatteignables, et reconnus comme tels autant par la Direction que par les OS, sont inscrits dans l’accord. L’enjeu pour la Direction est alors d’aboutir à une signature pour éviter un effet d’image négatif dû à une absence d’accord, mais aussi de disposer d’un accord pouvant contraindre dans une certaine mesure les différents acteurs (managers, RH, directions RH) à œuvrer en faveur de l’EP. L’enjeu pour les organisations syndicales est de « faire bouger les choses ».
« Oui, sur l’évolution [du taux de féminisation par niveau hiérarchique], c’est vrai que c’est inatteignable. Mais bon, tu ne vas pas mettre une augmentation de 0,000 machin, parce que ça n’a pas de sens. Donc tu peux mettre des engagements inatteignables qui au moins font bouger les choses. »
51Enfin, une autre caractéristique de la construction de la dimension négociée de la politique concerne la définition même de l’EP, qui devient un enjeu de négociation en soi. L’EP constitue en effet une notion très large, qui peut recouvrir de nombreuses thématiques, dont certaines ne sont pas forcément liées directement à l’EP, soit parce qu’elles le sont indirectement (lutte contre le harcèlement, par exemple), soit parce qu’elles ne relèvent pas vraiment du périmètre de l’entreprise (lutte contre les violences faites aux femmes, par exemple). Cela explique qu’une partie de la négociation porte sur la définition de l’EP en elle-même. La négociatrice de FO s’interroge ainsi sur les contours de l’EP :
« Le harcèlement c’est acquis que c’est dedans [dans l’EP], le sexisme aussi ; la violence faite aux femmes, c’est moins clair au niveau de FO. Nous on ne se positionne pas dans les débats hors entreprise, par exemple on ne s’est pas positionnés au moment du mariage pour tous, […] FO ne rentre pas dans les trucs de société. La violence faite aux femmes pose question là-dessus. Pendant un certain temps j’estimais que ça n’avait pas sa place dans un accord d’entreprise, mais j’ai fini par penser qu’il faut que ce soit dedans parce que ça a un impact sur la vie dans l’entreprise. Mais FO n’est pas encore claire là-dessus. »
53Schématiquement, la Direction cherche plutôt à maintenir l’EP dans les contours prédéfinis par l’accord précédent, alors que les organisations syndicales cherchent plutôt à y intégrer de nouvelles thématiques, notamment quand elles espèrent pérenniser des droits dans cet accord EP, faute par exemple d’avoir pu les obtenir dans d’autres accords (rapprochement des conjoints en cas de mobilité, par exemple).
« L’intérêt de la négociation sur l’égalité professionnelle par rapport à toutes les autres c’est que son champ est illimité. C’est compliqué pour l’employeur de dire ‘non on ne va pas parler de ce sujet’. »
55Ainsi, la dimension négociée de la politique d’EP, tout en cherchant à répondre à une volonté d’amélioration de la politique et de la situation, se trouve contrainte par les périmètres d’accords qui réduisent le champ des possibles, et par l’inertie des chiffres sur le sujet. Cela produit nécessairement une réflexion et une discussion sur la définition même de l’EP.
3.2 – La dimension non négociée : des enjeux locaux aux ambitions stratégiques et managériales
56La dimension non négociée comprend plusieurs types de mesures définis à différents niveaux. Les mesures définies au niveau de l’entreprise, par la direction de l’EP, sont reliées à sa stratégie plus globale (par exemple, internationaliser la politique d’EP dans le cadre de la stratégie d’internationalisation des politiques RH) ou à des mesures de communication et de sensibilisation sur la thématique. Plusieurs facteurs permettent de comprendre la définition de ces mesures supplémentaires. Tout d’abord, la direction de l’EP met en avant les questions d’image (par exemple, l’internationalisation vise entre autres l’obtention d’un label international sur l’EP) ; ensuite, cela répond à des enjeux stratégiques, par exemple l’enjeu d’harmonisation des politiques RH dans le cadre de l’internationalisation ; enfin, cela renvoie aussi à un réel souci de développer l’EP au sein de l’entreprise, que ce soit en sensibilisant les salariés sur le sujet, ou en menant des mesures à l’international, c’est-à-dire dans des zones non couvertes par l’accord. D’autres mesures sont quant à elles définies au niveau local, notamment par les correspondants EP, et répondent alors plutôt à des enjeux spécifiques : par exemple, dans une entité où un problème de mixité des recrutements a été identifié, une mesure de recrutement de femmes techniciennes exclusivement a été mise en place. Elles sont dues dans ce cas au volontarisme individuel des correspondants EP sur le sujet.
57Notons que certaines mesures « en marge de l’accord », pouvant être considérées comme peu efficientes au regard des indicateurs de suivi, sont pourtant valorisées. Par exemple, un projet de réseau d’hommes sur l’EP est très valorisé en raison de sa dimension novatrice [7]. Cela s’explique par l’importance accordée à l’innovation en général dans l’entreprise, non seulement dans ses politiques RH mais plus largement dans sa culture. En effet, Orga évolue dans un secteur technologique où l’innovation est essentielle. Depuis l’arrivée d’un nouveau PDG au début des années 2010, cette innovation a commencé à irriguer également les politiques RH.
« Et en termes de RH chez Orga on a une boîte à outils extraordinaire, on a des leviers d’action, on est assez innovants, il y a beaucoup d’innovation en termes RH chez Orga, on a plein de leviers, sur la rému, les parcours, on n’est pas figés. »
59Ajoutons que les mesures les plus innovantes sont aussi les plus médiatisées. Alors qu’Orga ne communique pas ou peu sur son accord EP, l’entreprise communique beaucoup sur ces mesures « innovantes » (réseau d’hommes, partenariat avec Pôle Emploi pour recruter uniquement des femmes en contrat de professionnalisation sur des métiers techniques, participation au Women’s Forum, un événement international très médiatisé destiné à des femmes occupant des postes à responsabilités). Cette recherche d’innovation au service de la médiatisation est souvent soulignée au sein de la Direction EP, au point d’en faire un levier de reconnaissance (« Dans cette boîte, pour être reconnu, il faut être innovant » - Représentant de la Direction EP). Elle s’accompagne d’une volonté de suivre ou si possible de devancer les autres entreprises (qui ont pour certaines le même objectif, le réseau d’hommes sur l’EP ayant par exemple été déployé dans plusieurs entreprises).
60Finalement, la dimension non négociée, qui laisse de plus grandes marges de manœuvre à ses concepteurs, répond donc à des enjeux à la fois stratégiques et locaux, mais également à des enjeux de médiatisation externe.
61Il convient maintenant de s’interroger sur les choix présidant à l’inscription ou non d’une mesure dans l’accord d’EP.
3.3 – Inscrire ou ne pas inscrire une mesure dans l’accord ?
62Le choix d’inscrire une mesure dans l’accord ou au contraire de la définir en dehors de l’accord résulte d’une forme d’entente entre les négociateurs syndicaux et la Direction. Ainsi, les représentants syndicaux rejettent parfois les mesures relatives à la communication et à la sensibilisation, qu’ils considèrent comme des prérogatives de la seule entreprise (leur propre communication étant assurée dans des tracts). Il est probablement difficile pour les syndicats d’être associés à des mesures de communication définies par l’entreprise, parfois considérées comme mensongères, notamment par SUD ou la CGT. De plus, les syndicats peuvent être amenés à rejeter ces mesures de communication et de sensibilisation lorsqu’elles sont perçues comme prenant le pas sur des actions plus concrètes.
« Après, toute la com’ aussi c’est fatigant, il y a beaucoup de com’ sur l’égalité pro et ça nous dessert dans le réseau militant, ça nous dessert au niveau de la crédibilité de notre signature, par exemple quand il y a une instrumentalisation de l’accord égalité pro par la com’ de la boîte. Il y a beaucoup de com’ sur les distinctions, les prix ; ça, ça peut nous desservir sur le sujet parce qu’on passe pour l’instrument qui soutient cette communication. C’est un peu une instrumentalisation de l’égalité pro comme outil de l’image positive de la marque. C’est une spécificité [de l’EP] car il y a peu de thématiques autant instrumentalisées ces dernières années. »
64Les mesures relatives aux études destinées à améliorer la compréhension de certains phénomènes sont parfois également critiquées par les organisations syndicales. Alors que la Direction est favorable à ces études, sans pour autant s’engager sur des mesures correctrices, les syndicats rejettent ces propositions si elles ne sont pas accompagnées d’engagements en faveur d’actions correctrices. Or, il est parfois difficile pour la Direction de s’engager sur de telles actions alors qu’elle ne sait pas encore de quelle ampleur seront les corrections nécessaires.
65De son côté, la Direction peut aussi refuser d’inscrire dans l’accord certains engagements ou mesures, notamment si elle sait que cela l’engagerait sur une durée bien plus longue que la durée de l’accord du fait de l’impossibilité de revenir sur des avantages acquis, comme on l’a vu dans l’empilement des accords successifs, ou si elle estime qu’il s’agit d’un champ trop incertain. Par exemple, elle peut faire valoir auprès des syndicats qu’elle s’efforcera de tenir un engagement tout en expliquant que l’inscrire formellement dans l’accord serait trop contraignant, le risque de ne pas l’atteindre étant trop élevé. Les propos de la négociatrice de l’accord de 2007 soulignent ce phénomène.
« Si je reprends ma négo en 2007, je suis beaucoup repartie du cycle de vie du salarié dans l’entreprise, il y a des choses que j’ai mises dans la négo parce que je pensais que c’était bien de partager avec les OS [organisations syndicales], et d’autres choses que je n’ai pas mises, soit parce que je pensais que c’était bien que ça vienne de l’entreprise, soit parce que je n’étais pas sûre d’y arriver et donc je ne voulais pas être enchaînée par un accord et m’engager alors que je n’étais pas sûre du résultat. Quand c’est dans un accord, c’est dans un accord. L’accord est intéressant parce qu’il fait bouger les lignes mais il contraint. Vous aurez à rendre compte et il faut anticiper la capacité à délivrer. Il y a des sujets qui sont la prérogative de l’entreprise, les 35 % [de femmes dans les instances dirigeantes] par exemple, c’est une prérogative de l’entreprise. Ensuite il y a des sujets sur lesquels on n’est pas toujours sûrs de savoir faire. […] Ça m’est déjà arrivé de dire aux OS que je ne pouvais pas mettre quelque chose dans un accord parce que le reste de l’entreprise ne voudrait pas mais que j’allais m’en occuper personnellement. »
67La négociatrice de l’accord 2007-2011 explique ici qu’elle a refusé de formaliser dans l’accord certains engagements, alors même qu’elle les a inclus dans la dimension non négociée.
68Ces différents facteurs se combinent et peuvent finalement conduire la Direction à mettre en œuvre des mesures innovantes, dont l’issue est incertaine, en dehors de l’accord. Ainsi, la politique d’EP déborde le champ de l’accord, la dimension non négociée comportant davantage de mesures novatrices et offrant plus de marges de manœuvre à ses concepteurs, mais paraissant plus concentrée sur les enjeux locaux et la recherche de médiatisation.
3.4 – La coexistence des dimensions négociée et non négociée : des logiques institutionnelles distinctes
69Nous cherchons finalement à caractériser les logiques institutionnelles des dimensions négociée et non négociée, à partir de nos observations et entretiens – certains éléments du tableau reprenant et synthétisant notre propos ci-dessus. Parmi la variété des caractérisations possibles des logiques institutionnelles (Château Terrisse, 2013), et en repartant des définitions de Friedland et Alford (1991) et de Thornton (2002) et Rao, Monin et Durand (2003) (voir supra) nous nous concentrons sur six éléments de comparaison (Tableau 1) : le niveau de décision, les acteurs-concepteurs et leurs marges de manœuvre, les éléments pris en compte dans la construction de la politique, les enjeux internes et externes, et la conception de l’EP (l’ensemble sous-jacent de valeurs liées à l’EP).
Les logiques institutionnelles des dimensions négociée et non négociée
Négociée | Non négociée | |
---|---|---|
Niveau de décision | Central (négociation au niveau de l’entreprise) | Central (Direction EP) Local (correspondants EP) |
Acteurs-concepteurs et marges de manœuvre | Direction et OS Marges faibles | Direction et correspondants EP Marges fortes |
Éléments pris en compte dans la construction | Diagnostic de la situation Bilan de la politique passée Contexte économique Logiques de négociation Accumulation dans le temps : référentiel interne | Diagnostic de la situation Actions menées par les autres entreprises Volonté d’innovation Médiatisation Mimétisme : référentiel externe |
Enjeux internes | Prioritaires : Accord d’entreprise qui confère des droits | Secondaires : Communication Visibilité des actions |
Enjeux externes | Secondaires : Respect de la loi Volonté d’avoir de meilleurs « chiffres » sur l’EP | Prioritaires : Médiatisation |
Conception de l’EP | Égalité de traitement mais aussi mesures relevant de l’égalité des chances Conception large de l’EP, peu de focalisation sur des enjeux particuliers Approche intégrée de l’EP | Plutôt égalité des chances Focalisation sur des thématiques selon les enjeux locaux et les potentialités de médiatisation (notamment accès des femmes aux postes à responsabilités, EP à l’international, sensibilisation à l’EP…) |
Les logiques institutionnelles des dimensions négociée et non négociée
70Ainsi, le non négocié émane principalement des équipes EP, au niveau central et au niveau local. Cela structure le niveau de décision : uniquement central du côté du négocié, il est à la fois central (développement à l’international par exemple) et local (actions ponctuelles au niveau des entités) pour le non négocié. Comme on l’a vu, les éléments contribuant à la construction de la politique diffèrent également : les stratégies de négociation et les stratégies syndicales jouent fortement sur la construction du négocié, alors que le potentiel de médiatisation et la volonté d’innover sont centraux pour comprendre la construction du non négocié. Les enjeux externes et internes ne sont pas non plus identiques pour les deux dimensions de la politique : accord d’entreprise qui confère des droits et respect de la loi du côté du négocié, visibilité et médiatisation du côté du non négocié. Cela structure les marges de manœuvre des concepteurs, qui sont plus faibles pour le négocié, du fait de facteurs limitants comme le périmètre des accords ou le fait de ne pas pouvoir revenir sur des avantages acquis, que pour le non négocié qui laisse plus de liberté, même s’il est tributaire d’une recherche d’innovation et de médiatisation. Enfin, ces dimensions témoignent de conceptions différentes de l’EP : moins tributaire des obligations légales, le non négocié a tendance à se focaliser sur certaines thématiques, notamment les plus médiatisées comme on l’a vu (accès des femmes aux postes à responsabilités par exemple), répondant à des problématiques locales (réseaux locaux de femmes), ou encore correspondant à la stratégie plus globale de l’entreprise (développement de l’EP à l’international). Le négocié adopte une vision plus large de l’EP, englobant toutes les thématiques. Les valeurs qui sous-tendent les deux dimensions diffèrent également, le négocié se centrant sur une égalité de traitement avec quelques actions positives, le non négocié mettant en avant essentiellement des actions positives.
71Ce tableau souligne donc les différences de répertoires de réflexion et d’action entre les logiques institutionnelles des dimensions négociée et non négociée : elles sont construites sur des bases différentes et par des acteurs différents, répondent à des enjeux différents, et portent des valeurs différentes, voire contradictoires (l’EP comme source de droits pour les femmes, ou comme source de médiatisation pour l’entreprise). Ces logiques apparaissent finalement complémentaires, ce qui explique aussi leur coexistence, et permettent donc de prendre en compte de la façon la plus complète possible les vastes enjeux de cette thématique dans l’entreprise.
Conclusion
72Ce travail a permis de montrer la coexistence de deux dimensions complémentaires dans les politiques d’EP :
- une dimension négociée, incarnée par la signature d’accords successifs qui permettent d’inscrire la thématique de l’EP dans un temps long, favorable à des améliorations incrémentales ;
- une dimension non négociée, attribuant des marges de manœuvre supplémentaires aux concepteurs de la politique, qui permet de s’affranchir de certaines contraintes (certitude du résultat à atteindre) tout en ayant un objectif de visibilité interne et externe.
73Ces deux dimensions incarnent en fait des logiques institutionnelles bien distinctes et complémentaires qui coexistent sur une même thématique au sein d’une même entreprise.
74Les apports en sont donc multiples. Tout d’abord, ce travail permet d’illustrer la forme que peut prendre une logique institutionnelle au sein d’une entreprise et sur un sujet de GRH, sachant que les travaux sur les logiques institutionnelles abordent traditionnellement des champs plutôt macro (Goodrick et Salancik, 1996 ; Rao, Monin et Durand, 2003 ; Goodrick et Reay, 2011 ; Château Terrisse, 2013). Il montre également comment deux logiques peuvent coexister au sein d’une même entreprise, même en portant des valeurs pouvant paraître contradictoires, et ce dans une certaine harmonie, en tout cas sans provoquer de tensions particulières. Cela éclaire les résultats de Salesina (2012) qui montre que la présence de délégués syndicaux n’empêche pas l’émergence de pratiques managériales et de GRH favorisant l’expression individuelle, qui pourraient paraître a priori contradictoires avec l’idée d’une négociation collective. Ce travail permet également d’enrichir le champ des études sur l’EP, en étudiant à la fois la négociation collective et la définition unilatérale de mesures complémentaires.
75Sur le plan managérial, cette recherche montre la nécessité d’accompagner l’accord d’EP par une dimension non négociée, permettant de traiter ce qui ne l’est pas dans l’accord, pour des motifs venant aussi bien de la Direction que des syndicats. Cependant, elle conduit à soulever la question de l’effectivité de la négociation sur l’EP, permettant ainsi de discuter les travaux déjà cités. Il s’agit en l’occurrence d’un cas où l’accord n’est pas qu’une « coquille vide » (Charpenel, Demilly et Pochic, 2017), où les représentants syndicaux sont globalement plutôt formés (Miné, 2017) et pas si démunis (Le Quentrec et Bacou, 2017). Or, même dans ce cas, l’accord est impuissant à prendre en compte l’ensemble du champ de l’EP, au point qu’il s’avère pertinent de définir, en complément de l’accord, des mesures unilatérales.
76Ce travail présente cependant des limites qu’il convient de souligner : étant issu d’une étude de cas unique, il présente un faible potentiel de généralisation ; de plus, il ne porte que sur l’EP, alors que la question de la coexistence du négocié et du non négocié se pose dans d’autres domaines de la GRH, tout comme celle de la coexistence de plusieurs logiques, qu’elles soient institutionnelles ou non (Noël et Wannenmacher, 2012 ; Havard, 2015 ; Mazzilli, 2016).
77Il ouvre enfin plusieurs interrogations. Tout d’abord, l’existence de plusieurs logiques sur l’EP n’est pas le propre des acteurs de la négociation. Notamment, si l’on s’intéresse à l’une des dimensions constitutives des logiques, à savoir la conception de l’EP, chaque salarié peut avoir sa propre conception de l’égalité professionnelle, « en tant qu’être sexué, s’avérant potentiellement porteur d’une expertise profane » (Blanchard, 2016, p. 23). Cela pose la question de l’effet de la coexistence de différentes conceptions et logiques sur l’appropriation de la politique par les salariés, RH et managers. Ensuite, les spécificités de la négociation sur l’EP semblent propices à réinterroger la place du dialogue social dans la construction des politiques RH d’une entreprise, le caractère transversal de l’EP posant la question de la pertinence du découpage thématique des politiques RH (salaires, évolution professionnelle et carrières, formation, etc..). Pour le dire autrement, les injonctions de gender mainstreaming, notamment portées par l’Union Européenne, sont-elles compatibles avec la forte segmentation des thématiques de la négociation collective en France ? Comment la mise en œuvre de l’égalité réelle entre femmes et hommes dans la sphère professionnelle, telle que visée par la loi de 2014 notamment, pourra-t-elle s’accommoder de ces réalités dans les grandes entreprises ? Enfin, ce caractère bicéphale pose la question de l’efficacité de la politique : constitue-t-il un atout ou une limite ? Notre travail semble plutôt montrer l’importance, ou du moins la pertinence, de conserver ces deux politiques qui, complémentaires, ne répondent pas aux mêmes enjeux, et permettent donc de traiter ce sujet de façon plus complète.
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Mots-clés éditeurs : processus de négociation, politiques RH, égalité professionnelle, logiques institutionnelles
Mise en ligne 01/02/2019
https://doi.org/10.3917/grh.183.0009Notes
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[1]
Nous remercions l’équipe de @GRH ainsi que les deux évaluateurs anonymes.
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[2]
Ce travail s’inscrit dans une étude plus large, réalisée dans le cadre d’une thèse en CIFRE.
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[3]
Sauf exception, les chiffres datent de décembre 2013.
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[4]
Contrairement au choix de nombreuses entreprises d’aborder la question de l’EP comme un simple volet d’une politique de RSE, Orga s’est historiquement préoccupée d’EP avant de traiter de RSE, autant pour respecter les dispositifs législatifs existants que par conviction.
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[5]
La question de l’égalité salariale est abordée dans la négociation salariale et non pas sur celle relative à l’EP. Elle n’a donc pas été étudiée en tant que telle.
-
[6]
Les femmes étaient largement surreprésentées dans la négociation, un phénomène souligné par Contrepois (2014).
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[7]
Ce réseau d’hommes a été mis en place en 2013 dans l’entreprise, sur l’impulsion de la direction EP. Il consiste en l’organisation de groupes de réflexion d’hommes sur le sujet de l’EP.