Notes
Introduction
1« Notre monde est devenu, pour le meilleur et pour le pire, une société faite d’organisations » : la citation célèbre de Henry Mintzberg (1989) garde toute sa pertinence trente ans plus tard, mais mériterait d’être complétée. En effet, le monde socio-économique des années 2000 est non seulement fait d’organisations, mais aussi de collaborations entre ces organisations : depuis les partenariats industriels de production jusqu’à l’innovation ouverte, en passant par le travail collaboratif et la multiplication des interfaces public-privé, notre réalité économique est ainsi de plus en plus inter-organisationnelle.
2Cette réalité est couramment nommée par l’expression désormais répandue « d’entreprise étendue ». Le management des chaînes de l’offre, le partage de la propriété intellectuelle, la co-conception dans les filières automobile et aéronautique en constituent des exemples marquants. Depuis notamment Williamson et sa typologie caractérisant l’organisation, le marché et le réseau (1975), la recherche a développé de nombreuses analyses de ce phénomène aujourd’hui bien établi, au travers des travaux sur les réseaux, les chaînes de valeur ou les organisations virtuelles.
3Au sein de ces travaux, l’attention s’est portée souvent sur les questions de partage des représentations et des connaissances, d’apprentissage et de coordination, mais plus rarement sur les enjeux de gestion des ressources humaines (GRH). Ce développement encore modeste des recherches sur la GRH des organisations étendues provient sans doute d’une conception historique de la gestion des personnes, traditionnellement cantonnée aux limites juridiques d’une organisation donnée et donc de sa relation d’emploi. Or, les prêts et les partages de main-d’œuvre, les groupements d’employeurs ou le travail à temps partagé conduisent à élargir notre regard : la GRH existe et se développe bel et bien au carrefour et à l’interface de plusieurs organisations qui collaborent, et pas seulement en leur sein. « L’entreprise étendue » et les collaborations inter-organisationnelles ne se font pas qu’au travers des produits ou des contrats commerciaux ; elles supposent également des modalités de GRH qui dépassent les frontières de l’organisation, en particulier pour rassembler des compétences jusqu’ici dispersées au sein d’organisations différentes.
4Qu’en est-il alors des pratiques qui permettent de gérer les compétences dans ce contexte d’entreprise étendue ? Peut-on et doit-on parler d’une « gestion des compétences étendue » ? Dans le cas particulier des réseaux collaboratifs d’innovation, quels sont les enjeux et les pratiques de gestion des compétences ? Ces questions seront traitées ici dans le cas français, qui présente le double intérêt d’une relative ancienneté des pratiques de gestion des compétences (Aubret et al., 2002) et d’un développement récent mais soutenu des réseaux territorialisés pour l’innovation. Alors que cette gestion des compétences est encore une sorte de « point aveugle » dans la littérature sur l’entreprise étendue (1), nous proposons ici une modélisation qui permet en particulier de s’arrêter sur un modèle en émergence, dit des « compétences distribuées » (2), dont nous examinerons la mise en pratique au travers d’une observation de terrain (3).
1 – La gestion des compétences, point aveugle de l’entreprise étendue
5La notion d’entreprise étendue est une réalité déjà bien établie et documentée dans la littérature (1). Mais derrière la diversité de ses formes, les enjeux compétences, bien que réels, ont été peu analysés. (2) Nous proposons de les aborder ici au moyen d’une grille en quatre niveaux (3).
1.1 – L’entreprise étendue, une réalité plurielle, déjà bien documentée
6Selon Bandeira et al. (2010), trois périodes stratégiques dans l’histoire des entreprises peuvent être distinguées : « faire seule » (par internalisation des ressources ou intégration verticale de l’activité), puis « faire faire » (sous-traitance et externalisation), et aujourd’hui « faire ensemble » (par coopération interentreprises). Nous constatons ainsi l’importance croissante de nouveaux modèles de création de valeur, basés sur le principe général de co-activité (co-conception, co-élaboration et co-production), au travers duquel des firmes décident de mutualiser des ressources – financières, matérielles, humaines… – et de coordonner des actions (Hauch, 1995) pour mener une activité qu’elles n’auraient pu accomplir avec la même performance de façon isolée (Barney, 1991 ; Pichault 2002), ou pour faire face et résister à une situation de déclin (Cummings et al., 1983).
7Dans ce modèle, couramment appelé « entreprise étendue », les entreprises recentrent leurs activités internes sur des domaines d’excellence réellement stratégiques, et s’associent de façon temporaire ou permanente avec des partenaires extérieurs (clients, fournisseurs, co-traitants, sous-traitants) sur les autres éléments de la chaîne de valeur (Collins et Doorley, 1992), pour mutualiser des moyens, accéder à de nouvelles ressources ou encore innover.
8La littérature s’est intéressée ainsi de nouveaux périmètres organisationnels aux frontières élargies, qualifiés de poly-cellulaires (Landier, 1987), virtuels (Nohria et Berkley, 1994), modulaires (Brilman, 1995), ou en réseaux (Weiss, 1994 ; Pichault, 2002). Cette logique organisationnelle est depuis longtemps largement répandue dans des secteurs comme l’automobile ou l’aéronautique, où des salariés de divers sous-traitants et partenaires extérieurs travaillent « en régie » chez le constructeur, lequel se transforme en espace d’assemblage de sous-ensembles techniques développés par d’autres.
9Les stratégies collaboratives peuvent également déboucher sur la création d’entités conjointes, dites « co-entreprise ». Les analyses des enjeux et modalités de constitution et de développement des joint-ventures, alliances, groupements d’intérêt économiques, coalitions stratégiques et oligopoles sont nombreuses, notamment dans la littérature en stratégie (voir Dussauge et Garrette, 1999, pour une synthèse). Certaines situations de collaboration compétitive (Hamel et al., 1989) peuvent même associer des firmes concurrentes, dans des stratégies dites de « coopétition » (Pellegrin-Boucher et Fenneteau, 2007).
10Au-delà des coopérations dyadiques, des modèles de co-entreprises peuvent également associer plusieurs partenaires, comme des grappes de sous-traitants spécialisés qui gravitent autour d’une « firme pivot » (Miles et Snow, 1986), sorte d’intégrateur-ensemblier, ou bien encore une fédération de petites sociétés dans un district industriel (Mendez, 2005), ou un système productif local (Pecqueur, 2005), s’inscrivant dans une logique de cluster (Porter, 1998). La littérature a proposé de nombreuses typologies de toutes ces formes partenariales réticulaires, comme celle de Rorive (2005), qui distingue les réseaux internes, intégrés, pendulaires, fédérés, nucléiques et confédérés.
11Enfin, le client est amené de plus en plus à contribuer à la conception du produit, bien avant sa mise sur le marché (Prahalad et Ramaswamy, 2004). Ainsi, se côtoient autour du même objet technique et en dehors de leurs périmètres organisationnels respectifs, des contributeurs aux appartenances, origines et statuts différents : salariés du donneur d’ordre en contrat à durée indéterminée, partenaires externes sous contrats de missions précaires, sous-traitants, prestataires de services, intérimaires, voire représentants du client. Même la Recherche et Développement, domaine pourtant stratégique, s’ouvre à des logiques collaboratives, au travers des démarches d’open innovation (Chesbrough et Appleyard, 2007).
1.2 – Derrière la diversité des formes, des enjeux compétences peu analysés
12On le voit, cette notion d’entreprise étendue est en fait une réalité peu homogène. Malgré cette diversité configurations possibles, un point commun réside dans le fait que le périmètre d’action n’est plus celui de l’entreprise prise isolément, mais celui « d’un système de socio-entrepreunership, c’est-à-dire une coalition d’individus ou de petites entités distinctes, travaillant ensemble à un but ou un projet commun » (Desreumaux, 1996). Ces stratégies partenariales ont ainsi comme conséquence une modification radicale des frontières de la firme, sous forme d’élargissement voire de dissolution.
13Ces évolutions induisent évidemment de nombreux enjeux liés à la mise en commun des compétences, mais force est de constater que la recherche en management a jusqu’ici peu abordé de front en ces termes. Ainsi, le management stratégique a développé de nombreuses analyses concernant les déterminants des coopérations (telles que la confiance ou le respect : Hinkin et al., 2007), les facteurs-clés de succès des stratégies collectives (Le Roy et Yami, 2009), les nouvelles formes de création de valeur et de jeux concurrentiels favorisés par ces arrangements organisationnels (par exemple l’alliance Disney-Pixar : Barthélémy, 2006), les enjeux financiers ou juridiques (Hennart, 1988), les questions de gouvernance (Ehlinger et al., 2007) et de pilotage de la co-entreprise dans le temps (Child et al., 2005)… La recherche en stratégie a plus rarement questionné l’entreprise étendue sous l’angle explicite des compétences, sauf en ce qui concerne la protection ou la création de compétences organisationnelles (Lado et al., 1992 ; Barney, 1991 ; Prévot, 2007).
14De son côté, la recherche en management et en gestion des ressources humaines a peu observé de manière directe les enjeux de mise en commun des compétences individuelles. En dehors de quelques travaux sur la circulation et le transfert des connaissances (Dahl & Pedersen, 2004 ; Hakanson, 2005) ou sur les apprentissages croisés entre les individus et organisations (Doz 1996 ; Contractor et Ra, 2002 ; Heimeriks et Duysters, 2007), l’état de l’art s’est davantage focalisé sur la création de confiance entre les partenaires et ses déterminants (Barney et Hansen, 1994), la gestion des identités et appartenances multiples dans les synergies inter-organisationnelles (Pratt et Foreman, 2000) ou encore, de façon plus large, sur le capital social du réseau de parties prenantes et son caractère facilitant dans la réussite des relations inter-organisationnelles (Inkpen & Tsang, 2005 ; Barabel et al., 2004 ; Ferrary et Pesqueux, 2006). En d’autres termes, la dimension humaine reste la plupart du temps abordée sous l’angle d’une simple variable de contexte, ou d’une variable intermédiaire explicative de l’émergence ou de la construction d’autres phénomènes, tels que la confiance ou l’apprentissage.
15Pourtant, de nombreux observateurs et praticiens s’accordent aujourd’hui pour reconnaître que le succès et la pérennité de l’entreprise étendue et des organisations partenariales reposent précisément sur la capacité à mutualiser et mettre en commun des compétences, ce qui suppose que celles-ci fassent réellement l’objet d’une gestion dans ce nouveau périmètre. En France, le rapport Rouilleault (2007) a par exemple avancé l’idée d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences « territoriale », sur la base de plusieurs expérimentations et pratiques visant à mutualiser une partie de la GRH entre les acteurs d’un même territoire. Et de fait, des pratiques nouvelles apparaissent au grand jour depuis quelques années et commencent à être étudiées : les plates-formes territoriales d’emploi (Thierry et Tuillier 2003), le skill-pooling permettant de vendre aux partenaires les prestations de salariés âgés (Rorive, 2005), la formalisation de parcours professionnels de chercheurs pour favoriser le transfert des connaissances au sein d’un même réseau régional (Culié et al., 2009), la création de pôles de mobilité visant à assurer l’employabilité sur un bassin d’emploi (Defélix et al., 2008), les cartographies de compétences dans les pôles de compétitivité (Le Boulaire et Retour, 2008), le travail à temps partagé (Vilette, 2010)…
1.3 – Analyser les enjeux et pratiques compétences dans les formes collaboratives : une grille à quatre niveaux
16Ces quelques pratiques émergentes invitent à une réflexion enrichie sur la gestion des compétences, pour prendre en compte le caractère « étendu » des nouveaux espaces d’activité sur lesquels elles se déploient. Nous proposons, pour mener cette analyse, de nous appuyer sur des travaux récents qui invitent à envisager des « nouvelles dimensions » de la gestion des compétences (Retour et al., 2009). Une compétence est généralement définie comme une combinaison de ressources en situation : précisément, les recherches récentes montrent que cette combinaison de ressources doit se penser et se pratiquer à plusieurs niveaux.
17Certes, le niveau le plus connu est celui des compétences individuelles, bien exploré dans le champ de la GRH et de la sociologie du travail. Un opérateur combine par exemple en contexte de travail les acquis de sa formation et les ressources de son expérience pour produire sur sa machine dans l’atelier. Mais d’autres niveaux sont à prendre en compte :
- d’abord, le niveau collectif : une équipe de soignants en service d’urgence est porteuse d’une compétence collective, par la combinaison des ressources de ses membres en situation très contrainte (Colin et Grasser, 2009). La notion de compétence collective, encore en émergence et en questionnement, s’intéresse ainsi à la compréhension des « effets d’équipes » (Michaud, 2008), mais aussi à des situations d’échanges de pratiques au sein de communautés professionnelles (Wenger, 1998), de travail en mode transversal ou encore de phénomènes d’apprentissages collectifs lors de situation de changement (voir Michaud, 2008 pour une synthèse) ;
- ensuite, le niveau organisationnel : la notion de compétence organisationnelle vient de la littérature stratégique, notamment du champ de la théorie des ressources (Wernerfeld, 1984). Le savoir organisationnel, contenu et diffusé au travers de routines, systèmes et normes est une ressource essentielle qui dépasse les individus et les équipes pour garantir un fonctionnement institutionnel performant dans la durée. Certaines compétences et capacités de l’organisation, quand elles sont combinées sur un ou plusieurs marchés, lui confèrent alors un avantage concurrentiel distinctif (Javidan, 1998). Elles deviennent alors stratégiques, au sens où elles sont rares, ont de la valeur, sont non substituables et sont difficilement imitables (Barney, 1991) ;
- enfin, le niveau inter-organisationnel : en ouvrant leur frontière et en mutualisant leurs ressources, des organisations différentes et complémentaires peuvent construire, ensemble, des compétences qui naissent précisément de la combinaison de leurs ressources. Ce nouvel ensemble peut rassembler des acteurs qui ne sont pas physiquement proches et qui collaborent à distance. Quand les différentes compétences sont géographiquement proches, elles peuvent permettre à un territoire d’afficher une spécialisation compétitive (Retour et al., 2009). Les compétences inter-organisationnelles deviennent alors territoriales. Par exemple, un pôle d’innovation vise à bâtir une compétence territoriale en combinant sur un espace géographique donné les ressources des entreprises et des laboratoires (Defélix et Mazzilli, 2009).
2 – Exploration des enjeux compétences au sein de l’entreprise étendue : le modèle en émergence des « compétences distribuées »
18Pour tenter de nous repérer dans la diversité des formes d’organisations collaboratives et mieux discerner leurs modalités de gestion des compétences, nous proposons ici une typologie en idéaux types (au sens weberien) de configurations partenariales. Cette typologie synthétise l’état de l’art que nous avons dressé en fonction de l’horizon temporel qui sous-tend la logique de partage de compétences : celle-ci peut en effet être ponctuelle, à visée opportuniste, ou plus pérenne, dans une perspective d’institutionnalisation (Gulati et al., 2000). Ces idéaux types expriment une gestion des compétences étendues à complexité croissante. Parmi ceux-ci, deux modèles, consistant à « coordonner » ou « mutualiser » les compétences, semblent déjà bien établis (2.1). Nous nous arrêterons sur un troisième modèle, plus émergent : il consiste à mettre en synergie des ressources en provenance de multiples acteurs pour créer des compétences nouvelles (2.2). Ce dernier modèle, qui se développe dans des environnements particuliers, nécessite une investigation de terrain (2.3).
2.1 – Coordonner ou mutualiser les compétences, deux modèles déjà bien établis
19Un premier modèle, qui consiste à « coordonner » des compétences, est généralement construit autour d’une firme amirale (ou broker selon Miles et Snow, 1986) autour de laquelle gravitent des partenaires généralement de petite taille et porteurs de compétences spécialisées et bien établies : fournisseurs de composants, producteurs qui fabriquent des matières de base, concepteurs chargés d’ingénierie et de design, distributeurs, qui écoulent les produits. L’exemple le plus représentatif est celui de la grappe de PME, regroupées dans un même territoire auprès d’un donneur d’ordres qui garde une position dominante, et qui joue un rôle d’intégrateur, d’ensemblier ou encore de « coordinateur ». Cette configuration, représentée à la figure 1, peut être structurelle, dans une perspective de pérennité (réseaux dynamiques externes selon Miles et Snow, 1986 ; entreprise virtuelle comme Benetton, selon Fréry, 1997), ou plus ponctuelle, en associant des compétences en fonction des besoins : externalisation ponctuelle, participation des clients lors de la conception d’un nouveau produit, innovation participative…
Le modèle des compétences coordonnées
Le modèle des compétences coordonnées
20Dans ce premier cas de figure classique d’entreprise étendue, la gestion des compétences se pratique aux quatre niveaux précédemment identifiés. D’abord, celui des compétences individuelles : la firme-pivot doit repérer et qualifier les compétences mises à disposition par chaque partenaire et s’assurer de leur qualité. Ensuite, il s’agit de favoriser la compétence collective au niveau d’une chaîne de valeur : l’accent est donc mis sur la nécessaire coordination des compétences individuelles existantes, au travers de mécanismes organisationnels et de règles de collaboration (relations clients-fournisseurs, par exemple), aptes à assurer l’assemblage optimal des compétences. À un niveau plus stratégique, les dirigeants de la firme-pivot réfléchissent en permanence à distinguer les compétences centrales des compétences périphériques, pour se recentrer sur les premières et abandonner progressivement les secondes. Enfin, au niveau inter-organisationnel, une façon de pérenniser la compétence du réseau ainsi créé est d’assurer la stabilité des relations entre partenaires, par exemple au travers de dispositifs proposés par le donneur d’ordre pour soutenir les capacités de leurs fournisseurs clés (maintien, mise à jour, développement et formation…).
21Un second modèle consiste à « mutualiser » des compétences, dans un cas de figure caractérisé par une plus grande égalité entre des partenaires peu nombreux, qui décident de s’associer en créant une organisation conjointe, comme le montre la figure 2. On retrouve ici les alliances stratégiques et les joint-ventures, inscrites dans une certaine durée. Des projets collaboratifs ou des réponses conjointes à des projets d’affaires constituent des formes plus ponctuelles de partenariat ciblé autour d’une opportunité (réponse à un appel d’offres, gestion d’affaire ad hoc).
Le modèle des compétences mutualisées
Le modèle des compétences mutualisées
22L’établissement d’une co-entreprise engendre de nombreux défis pour la gestion des compétences. Au niveau individuel, on retrouve bien sûr la nécessité pour chaque partenaire de mettre à disposition les compétences adaptées aux objectifs du partenariat, tout en assurant la protection de chacun dans un contexte de coopétition (Luo, 2007), et en rendant possible l’éventuel retour de chacun dans sa société d’origine en cas de rupture de la collaboration. Au niveau collectif, l’enjeu est de permettre le fonctionnement effectif de nouvelles équipes mixant les expertises issues des deux sociétés. À un niveau plus stratégique, le défi de telles joint-ventures est de constituer une véritable compétence stratégique nouvelle en mettant en synergie les capacités des deux partenaires et non en les faisant se succéder le long d’une chaîne d’approvisionnement. Quant au niveau inter-organisationnel, il est dans ce cas de figure en quelque sorte internalisé : la compétence née de la combinaison des capacités stratégiques situées chez les deux partenaires devient la compétence stratégique de la société jointe.
2.2 – Un modèle en émergence, celui des « compétences distribuées »
23Le développement croissant des stratégies collaboratives (Moore, 1996, Gueguen et Torrès, 2004) crée des écosystèmes d’ensemble. Les clusters et zones régionales d’innovation (Saperstein, 2002), tout comme les pôles de compétitivité à la française, créés en 2005 à l’initiative des pouvoirs publics (Ferrary, 2008 ; Retour, 2009), ambitionnent d’être des écosystèmes complexes faisant collaborer de multiples acteurs au sein d’une même filière, chaîne de valeurs ou territoire.
24En termes de gestion des compétences, un troisième modèle de compétences « distribuées » apparaît donc, représenté par la figure 3. Il est caractérisé par l’association de multiples partenaires, de statuts, tailles et expertises différents, mais qui, ensemble, contribuent à une activité porteuse de valeur et d’innovation, au travers de la mise en synergie de leurs compétences respectives. Ces acteurs peuvent être issus du même territoire (cas des clusters) ou éclatés sur l’ensemble de la planète (cas des réseaux virtuels). Aucun donneur d’ordres n’émerge vraiment, ce qui rend critique l’enjeu de l’apprentissage de la coordination. Doz et Hamel (1998) parlent à cet égard d’alliances multilatérales, et Lazzarini (2007) de « constellation d’alliances ».
Le modèle des compétences distribuées
Le modèle des compétences distribuées
25Les modèles d’organisation « 2.0 », ou ceux des développements informatiques dits en open source, montrent que ces fonctionnements en réseau peuvent être parfois très ponctuels, limités au temps de co-rédaction d’un article dans Wikipedia ou d’une coalition d’acteurs hétéroclites, situés n’importe où sur la planète, et qui se rejoignent sur un site de réseau social pour évaluer un produit ou une marque. Mais il existe également une réalité plus pérenne : les projets collaboratifs développés au sein des pôles de compétitivité sont des exemples de modèles distribués, sur des activités de Recherche et Développement déployées le plus souvent sur plusieurs années (Calamel et al., 2011).
26Une illustration de ce modèle est fournie par le Pôle System@tic Paris-Région, l’un des sept pôles de compétitivité français d’envergure mondiale. Il a pour finalité de faire de l’Ile-de-France l’un des quelques territoires visibles au niveau mondial sur le thème de la conception, de la réalisation et de la maîtrise des systèmes complexes. Le pôle est à la fois une « usine à innovations technologiques » par le biais des projets de Recherche et Développement, et un cluster d’innovation ancré sur le territoire francilien. System@tic regroupe plus de 540 organismes, dont 310 PME-PMI, 110 établissements de grandes entreprises, 90 centres de recherche et établissements de formation, 15 collectivités territoriales et fédère, au-delà de la Recherche et Développement collaborative, un écosystème de 650 petites et moyennes entreprises innovantes, donnant lieu à 186 projets labellisés pour un budget total de 900 millions d’euros. L’un de ces projets, baptisé « LOVE » (Logiciels d’Observation des VulnérablEs), vise à renforcer la sécurité routière en développant des logiciels d’observation des utilisateurs dits « vulnérables » (piétons et cyclistes), fiables, sûrs et avec une mise en œuvre industrielle rapide sur des véhicules. Commencé fin 2006 et pour une durée de 36 mois, le projet a rassemblé 127 personnes/années issus de 12 partenaires, dont des grandes entreprises, des collectivités locales, des PME, des centres de recherche et universités d’Île de France [1].
2.3 – Des défis compétences spécifiques, à étudier sur le terrain
27Contrairement aux deux modèles précédents, où les enjeux de gestion des compétences étendues sont bien identifiés, cette configuration est plus émergente et plus récente et soulève des questions spécifiques du fait de la collaboration entre acteurs dispersés qui doivent inventer de nouvelles façons de travailler ensemble, dans une finalité d’innovation (Tixier, 2010). Des questions spécifiques sur chaque niveau de compétence se posent alors :
- Au niveau individuel : comment chaque organisation peut-elle identifier, développer et préparer en amont des compétences individuelles qui soient aptes à travailler dans de tels contextes collaboratifs (en termes de méthodologie, de comportements, d’ouverture à la diversité…) ?
- Au niveau collectif : comment créer des synergies entre des compétences hétérogènes, et mettre en place des processus d’apprentissage du travail collaboratif dans une logique égalitaire (et non de donneur d’ordres principal prescripteur de règles de mobilisation de compétences) ?
- Au niveau stratégique : comment repérer ce que chaque organisation membre du réseau sait effectivement faire, afin de l’associer de manière pertinente à d’autres au travers d’un projet ? Comment garantir un équilibre entre les compétences qui restent dans les entreprises d’origine et elles qui sont détachées dans le projet ? Cet enjeu est particulièrement critique dans les PME et centres de recherches, qui ont peu de ressources et qui ne doivent pas mettre en danger leur existence par la trop forte mobilisation de ressources clés au sein de projets externes.
- Au niveau inter-organisationnel, comment faire vivre de manière effective et au-delà du seul discours cet écosystème, i. e. favoriser la combinaison des compétences des différents membres pour développer des compétences de territoire ?
Liste des pôles étudiés
- Les 12 pôles étudiés ont été les suivants :
- Axelera (Lyon) : chimie verte et environnement.
- Arve-Industries Haute-Savoie Mont-Blanc (Cluses) : décolletage et mécatronique.
- Imaginove (Lyon) : métiers du cinéma, audiovisuel, multimédia et jeu vidéo.
- LyonBioPôle (Lyon) : santé, biochimie, bouclier sanitaire.
- Lyon Urban Truck & Bus (Lyon) : transport collectif en ville par bus et camions.
- Minalogic (Grenoble) : micro-nano technologies et logiciel embarqué.
- Plastipolis (Oyonnax) : plasturgie.
- Sporaltec (St Etienne) : sport, loisir et santé.
- Techtera (Lyon) : textile.
- Tenerrdis (Grenoble) : nouvelles technologies de l’énergie.
- Trimatec (Pont St-Esprit) : utilisation des technologies issues du nucléaire pour essaimage dans d’autres secteurs d’activité.
- ViaMéca (St-Etienne) : transport, équipement industriel, haute technologie (sur 6 régions).
28Les observations ont été menées sur un mode qualitatif au travers de quatre moyens complémentaires :
- d’abord, une analyse des documents publics disponibles ainsi que ceux mis à disposition par les pôles : supports de communication papier ou internet, diapositives internes relatant une action déployée, etc. Ces documents ont permis d’identifier d’une part des intentions de gestion, d’autre part l’existence de dispositifs à cerner ensuite de plus près ;
- ensuite, la conduite de deux séries successives d’entretiens semi-directifs auprès d’une à trois personnes de chaque pôle rencontré : 17 entretiens au premier semestre 2009, puis 13 au premier semestre 2010. Le guide d’entretien comportait des questions sur le contexte et les ambitions spécifiques de chaque pôle, sur les pratiques et outils de GRH mis en œuvre, ainsi que sur la perception de leurs premiers résultats, en particulier lors de la seconde vague. Les premiers entretiens ont permis de préciser les intentions de gestion repérées dans les documents et de repérer avec quelles représentations et objectifs les acteurs mettaient en œuvre les dispositifs, tandis que les entretiens de la seconde vague étaient là pour identifier d’éventuels résultats ou au contraire abandons ;
- puis deux réunions d’échanges : le 26 novembre 2009 et le 9 février 2011 ont été réunies les personnes interrogées précédemment pour une restitution-discussion. 5 pôles rhonalpins et 1 pôle d’Ile-de-France (invité à titre de témoin extérieur) ont participé à la réunion de novembre 2009 au cours d’une journée complète ; 7 pôles étaient présents à la réunion de février 2011, qui a duré une demi-journée. Ces deux séances ont permis de projeter une cartographie des dispositifs et pratiques recensés, de les faire compléter et préciser, et d’engendrer de manière naturelle un échange de pratiques entre les porteurs de ces démarches. Ce type de restitution s’est révélé particulièrement riche : d’une part il nous a permis de valider « en direct » les descriptions et reformulations que nous avions émises, et d’autre part il nous permettait, via les interpellations mutuelles des praticiens entre eux, d’épurer les discours obtenus et de construire peu à peu une recherche collaborative ;
- enfin, nos observations directes ont pu être complétées par deux recherches doctorales, sources d’approfondissement pour certains dispositifs construits, respectivement dans les pôles Arve Industries Haute-Savoie Mont-Blanc (Mazzilli, 2011) et Minalogic (Calamel, 2012).
3 – Le modèle des compétences distribuées à l’épreuve du terrain : la délicate construction d’une gestion des compétences étendue dans les réseaux territoriaux d’innovation
29Le modèle que nous avons appelé « compétences distribuées » est donc celui qui soulève certainement le plus de questions pour la théorie comme pour la pratique. D’une part, son développement est plus récent et donc moins connu que celui des deux autres modèles : l’entreprise étendue autour d’une firme pivot et les co-entreprises constituent des réalités plus documentées que celle des réseaux entre de multiples partenaires. D’autre part, les politiques industrielles, d’innovation et d’aménagement du territoire mettent dans de nombreux pays comme la France, la Belgique ou la Suisse l’emphase sur les « réseaux territoriaux d’innovation » censés mettre en synergie des compétences jusqu’ici trop dispersées. Mais comment concrètement se bâtit une telle synergie des compétences ? Nous observons, à la faveur du contexte, de réelles pratiques de gestion étendue des compétences sur un territoire (3.1), tandis que l’élargissement de la notion de compétence à des dimensions plus larges reste un défi peu relevé (3.2). Ces observations de terrain nous permettent de modéliser les défis et perspectives singuliers de ce modèle par rapport aux deux autres (3.3).
3.1 – Étendre au territoire les pratiques de gestion des compétences individuelles : une affaire de contexte
30Les observations conduites permettent de dire que les pôles de compétitivité ont effectivement développé des actions visant à permettre élargir le périmètre de gestion des compétences individuelles au territoire concerné. En ce sens, il est permis de parler d’une gestion « étendue » des compétences individuelles, car débordant le cadre limité d’une seule et même relation d’emploi.
31Dans la majorité des cas, les effets de contingence du contexte induisent des pratiques collaboratives de gestion des compétences, que nous pouvons qualifier de « défensives », car elles visent à pallier les effets négatifs d’un contexte difficile. C’est en particulier au niveau de l’attraction et du recrutement de compétences que cet effet se constate. Il peut s’agir du partage et de l’élargissement d’outils classiques tels que les bases de candidatures, comme chez Arve-Industries ou Sporaltec. D’autres pôles, face à l’enjeu que représente l’attraction des talents, élaborent des modélisations parfois plus travaillées : c’est par exemple le cas de Lyon Biopôle, où a été menée une enquête sur les « compétences critiques », ou avec Imaginove, chez qui « on a une arborescence métiers sur laquelle on a commencé à travailler depuis 2006. On gère par compétences en réalité, pas par filière » (chargée de mission RH, Imaginove). Si les pratiques d’acquisition de compétences s’élargissent ainsi à plusieurs adhérents confrontés aux mêmes difficultés, on observe également des actions de régulation des compétences, i. e. d’adaptation aux besoins de l’environnement proche. Ainsi, dans un souci de rapprochement des besoins de l’industrie locale avec les appareils de formation existants, le pôle Minalogic a créé avec une école d’ingénieurs basée à Valence une filière de formation en alternance d’ingénieurs radiofréquences, tout en suscitant en parallèle des mutualisations de formations d’opérateurs en salle blanche pour ses adhérents de la microélectronique. De son côté, le pôle Trimatec a caractérisé les grandes tendances affectant quelques-unes des technologies utilisées par ses adhérents : « On voulait cartographier les métiers existants/manquants. Comme le pôle s’est recentré sur son cœur de mission, on a travaillé sur les compétences spécifiques des 4 thématiques qui nous animent dorénavant. On a cherché sur les territoires alentours, quels organismes de formation pouvaient assurer telle et telle formation en lien avec nos 4 filières ».
32L’effet de contingence n’est cependant pas le seul qui permet d’expliquer le surgissement de pratiques de gestion étendue des compétences individuelles. En effet, les jeux d’acteurs pèsent de tout leur poids, dans un sens qui peut être favorable ou défavorable à cette gestion étendue des compétences. Au sein du pôle Arve Industries Haute-Savoie Mont-Blanc, un premier projet nommé « Talents 2010 » visait ainsi à faire collaborer des entreprises de décolletage industriel sur la problématique de recrutement, en mutualisant les besoins et conduisant des opérations de communication recrutement ; cependant, devant la crise économique de 2009, les acteurs concernés ont mis en sommeil leurs pratiques de mutualisation, et le projet a été ensuite reconfiguré. Un exemple inverse montre, au sein de la même Région Rhône-Alpes, que les acteurs peuvent se saisir d’un contexte pour créer des pratiques innovantes de gestion élargie des compétences : c’est celui des mises à disposition du pôle Minalogic. Face au même contexte de sévérité économique, ce pôle a été le premier en avril 2009 à mobiliser la loi du 30 décembre 2006 prévoyant le prêt de personnel entre organismes de recherche, établissements d’enseignement supérieur et entreprises participant à un même pôle de compétitivité. Dans une période de difficulté économique pour certains de ses adhérents, l’enjeu du pôle était de sécuriser certains emplois de techniciens et d’ingénieurs sur le territoire en les mettant à disposition d’autres organisations adhérentes pouvant les accueillir : pendant cette mobilité d’une durée définie, les salariés concernés ont conservé les avantages de leur contrat d’origine (leur ancienneté par exemple) et ont été prioritaires pour bénéficier d’une action de formation. Certes, ce dispositif a concerné un nombre réduit d’emplois – une cinquantaine de salariés en l’occurrence -, mais sa mise en place et sa médiatisation ont permis au pôle concerné de rendre plus concrète et utile la gestion étendue des compétences individuelles.
3.2 – Étendre la notion de compétence aux groupes, aux entreprises ou au territoire : un défi encore peu relevé
33L’« entreprise étendue » que représente ce que nous avons nommé le modèle des compétences distribuées connaît donc bien une gestion étendue des compétences, au sens où le périmètre de cette gestion sort des seules frontières des entités concernées. En revanche, nous constatons dans les faits que peu de « compétence étendue », au sens de compétence propre à des équipes ou des entités économiques.
34Ce constat empirique est d’abord vrai de la gestion des compétences collectives. On aurait pu s’attendre à ce qu’il en soit autrement : on sait en effet que l’action première des pôles est de lancer et faire réussir des projets collaboratifs, c’est-à-dire des équipes projets inter-organisationnelles devant sur plusieurs années combiner les ressources des uns et des autres pour développer des produits ou des technologies innovants. Et précisément, le retour d’expérience des toutes premières années a révélé aux acteurs qu’il ne suffisait pas d’associer des compétences individuelles en provenance de tel ou tel adhérent du pôle pour constituer une compétence collective et la favoriser : « On s’est cassé les dents là-dessus ! Les gens ne perçoivent pas à quoi ça sert [de favoriser le fonctionnement collectif], mais finalement 80 % de nos projets ont 6 mois de retard… » (chargée de mission, Minalogic). Certains membres d’équipes d’animation rencontrés ont alors structuré des actions de soutien à la compétence collective : non seulement des séances de brainstorming en vue de trouver les bonnes combinaisons de ressources pour ces projets (Arve-Industries, Imaginove, Minalogic et Sporaltec), mais aussi des formations nouvelles pour les responsables de ces projets collaboratifs (Plastipolis), voire des séquences de cohésion d’équipe lors du lancement d’un projet (Minalogic). Néanmoins, ces démarches restent peu nombreuses, et surtout apparaissent encore peu légitimes aux yeux des décideurs qui ne se pressent pas pour les financer. Alors que la gestion des compétences collectives nécessite de favoriser ce que les chercheurs ont appelé « l’engagement subjectif » (Retour et Krohmer, 2006), le réflexe courant reste de se cantonner au financement d’un projet et de le considérer comme une « boîte noire » (selon l’expression d’une chargée de mission, Imaginove).
35Les écueils ne sont pas moindres pour rendre opérationnel et visible un autre niveau de compétence, celui des compétences stratégiques de chaque membre. Certes, chaque pôle tente à des degrés divers d’établir une représentation partagée et cohérente de ce que chaque adhérent est en mesure de faire. Mais si l’idée de base est simple - cartographier les compétences possédées par les organisations adhérentes au réseau, de la même manière qu’au sein d’une entreprise on cartographie parfois celles des équipes ou des collaborateurs -, la réalisation d’un tel outil de gestion se heurte pour l’instant à deux grandes difficultés. La première est d’ordre méthodologique : « On en rêve… En entreprise déjà ce n’est pas simple… Alors sur le territoire ! (…) On est sur des métiers qui se renouvellent et changent tellement vite ! On ne peut pas suivre, sauf si une personne est dédiée à cela » (chargée de mission, Imaginove). Cette première difficulté a conduit certains pôles à diminuer leur ambition en la matière : Minalogic se contente pour l’instant d’une représentation des différents adhérents le long de la chaîne de valeur, tandis que Trimatec s’est restreint à quatre thématiques : « Une grande cartographie générale sur un territoire : difficile à faire… » (chargé de mission, Trimatec). La seconde difficulté est, elle, d’ordre politique : il est fondamentalement délicat de demander à des adhérents « entreprises » parfois en compétition les uns avec les autres de révéler à l’ensemble du réseau les compétences qu’ils cultivent.
36Il est ainsi difficile d’étendre la gestion des compétences aux équipes et aux organisations qui composent ces réseaux territoriaux d’innovation que sont les pôles de compétitivité. Les responsables de ces pôles ne perdent pas de vue pour autant la nécessaire construction et la visibilité d’un dernier niveau de compétence : celle du territoire où ils sont implantés. Mettre les adhérents du territoire en réseau est en effet pour eux un moyen au service d’une fin assez claire : construire ou renforcer une spécialisation territoriale visible et compétitive, autrement dit une combinaison de ressources rendant le territoire compétent, grâce au rôle de catalyseur du pôle. Certains responsables de pôles rencontrés revendiquent cette ambition, considérant que leur rôle est d’être « tête de réseau », afin de favoriser les connexions entre adhérents, sources d’innovation et de valeur pour le territoire : « Il y aurait donc deux choses : la mise à disposition de salariés à poursuivre, mais aussi, créer une sorte de base de données relayée par le pôle pour offrir des postes et permettre à certains de chercher les compétences au CEA par ex, ou ailleurs chez nos adhérents, entre eux, car il y a des potentiels : ce serait de faire du recrutement au niveau plus large, sur tout l’écosystème grenoblois » (délégué général, Minalogic). Si le pôle de compétitivité parvient ainsi à mettre en combinaison les ressources des uns et des autres, il générera de nouvelles compétences, proprement territoriales. Cela reste aujourd’hui une ambition managériale.
3.3 – Des défis singuliers pour ce modèle des compétences distribuées
37Les résultats de notre recherche portent sur des pratiques encore émergentes, se référant à des approches « offensives » ou « défensives ». Ces pratiques s’inscrivent dans un modèle dit des compétences distribuées, soutenu à la fois par une volonté et des incitations au niveau politique et des ambitions de développement de nouveaux modes de performance au niveau des entreprises. Néanmoins, cette perspective pose de réels enjeux de mise en œuvre d’une gestion des compétences étendues et d’extension de la compétence à la mesure d’un territoire.
38Notre recherche nous permet d’identifier quatre grands défis à relever pour rendre effectifs les deux versants de cette gestion des compétences étendues.
39Le premier d’entre eux est de construire une réelle légitimité pour l’opérateur facilitant ou assurant officiellement cette fonction de tête de réseau, ni firme-pivot « ordonnatrice » ni simple chambre d’enregistrement de collaborations émergentes. Si cette légitimité paraît établie pour ce qui est de la mise en projets et de la collecte de fonds pour l’innovation, notre recherche montre qu’elle n’est pas acquise pour des activités de gestion des ressources humaines et des compétences, souvent considérées comme chasse gardée de chaque membre. Certaines équipes d’animation en pôles de compétitivité y sont parvenues, d’autres moins ; comme le déclarait un chargé de mission rencontré, « Il faut d’abord prouver qu’on est crédible sur les actions de base pour agir sur tout ce qui est compétence. » Sans doute les pouvoirs publics ont-ils voulu aider cette légitimité naissante des pôles sur le terrain de la GRH en lançant en 2008 la phase dite des « pôles 2.0 », où l’accent devait désormais être mis sur « la gestion des compétences, sur l’attraction des talents, et sur la visibilité internationale » [2].
40Un deuxième défi consiste, comme des auteurs précédents l’avaient noté (Defélix et Mazzilli, 2009), à construire de vrais dispositifs de gestion inter-organisationnels. L’examen des pratiques naissantes montre qu’en matière de GRH ceux-ci semblent plus aisés à concevoir et à faire vivre pour ce qui est de l’acquisition des ressources humaines (identification de compétences critiques, communication sur les métiers) et de leur régulation (formations mutualisées), que pour ce qui concerne proprement la stimulation des ressources humaines, autrement dit l’évaluation et la rétribution des personnes (Colle et al., 2008). Dans un rapport récent, l’Inspection générale des affaires sociales invitait à cet égard les Directions régionales de l’industrie, de la recherche et de l’environnement à jouer un rôle pour favoriser les pratiques innovantes en la matière [3].
41Un troisième défi conduit à devoir lever des obstacles cognitifs, c’est-à-dire de faire évoluer des représentations chez les salariés comme chez les dirigeants : des freins existent en matière de mobilité des personnes non seulement d’une entreprise à une autre, mais aussi entre secteurs et types d’organisations adhérentes. Or, même si les dispositifs visant à permettre ce type de mobilité commencent à exister, les représentations des salariés potentiellement concernés, elles, évoluent plus lentement, et surtout de façon disparate (Culié et al., 2009) : il y a encore loin de la possible gestion territoriale des compétences à la future compétence territoriale. Des recherches comparatives à mener dans d’autres pays, dans le prolongement de travaux déjà effectués (Bouteiller et Gilbert, 2005 ; Pichault, 2006), permettront de saisir le caractère spécifique ou général de cette difficulté.
42Enfin, au-delà des défis méthodologiques qui passent par la nécessaire invention de dispositifs de GRH renouvelés (comme la construction d’outils de cartographies de compétences territoriales), notre travail pointe la présence de nombreux obstacles politiques, liés à la réticence des parties prenantes à livrer et partager des informations stratégiques sensibles, comme l’analyse de leurs besoins de compétences (et donc de leurs points de faiblesses éventuelles) ou encore leurs compétences clés, sur lesquelles se construit leur performance.
43Le tableau ci-dessous met en perspective les pratiques observées issues de notre travail de terrain avec les niveaux de compétences concernés et les défis à relever.
Conclusion
44L’appellation courante d’entreprise étendue recouvre donc une multitude de formes différentes de collaborations entre plusieurs organisations. Si l’attention a été portée d’abord sur leur caractérisation et leurs modalités juridiques ou stratégiques, leurs enjeux de fonctionnement en matière de gestion des personnes sont désormais plus visibles ; en particulier, la mise en lien de plusieurs compétences nécessite une réelle gestion de celles-ci, à plusieurs niveaux. Dans certains cas, il s’agit de coordonner les compétences au sein d’un réseau clairement structuré par une entreprise dominante (modèle des compétences coordonnées) ; dans d’autres, de mutualiser des compétences en créant une entité juridique nouvelle (modèle des compétences mutualisées). Mais nous avons voulu montrer qu’au-delà de ces formes d’assemblage traditionnelles, le développement récent des réseaux territoriaux d’innovation invite à prendre en compte de nouveaux défis de gestion des ressources distribuées inégalement dans une constellation de multiples partenaires très différents (modèle des compétences distribuées)
45L’analyse et l’interprétation de pratiques naissantes au sein de cette configuration particulière d’entreprise étendue permet de prendre la mesure des défis de la construction d’une gestion des compétences adaptée. Il s’agit non seulement de construire une gestion étendue des compétences, en élargissant le périmètre géographique des dispositifs de gestion des compétences individuelles, mais aussi d’imaginer une gestion de la compétence étendue, i. e. de construire et rendre pérenne une compétence inter-organisationnelle, reflet d’une spécialisation territoriale visible et compétitive. Notre recherche menée selon une méthodologie collaborative a permis d’identifier quelques pratiques naissantes mais aussi des difficultés de mise en œuvre.
46Une telle ambition de gestion étendue des compétences et d’extension de la compétence à la mesure d’un territoire nécessite de relever au moins quatre grands défis pour aujourd’hui et demain : légitimer une action de gestion des compétences conduite au niveau de la gouvernance du réseau ou du pôle, construire de véritables dispositifs inter-organisationnels de stimulation des ressources humaines, faire évoluer les mentalités de tous les acteurs engagés dans ces dynamiques collaboratives et dépasser les réticences politiques qui freinent le partage d’information et la réelle collaboration des acteurs.
47Il nous semble que ces différents défis, qu’ils soient techniques, cognitifs, organisationnels ou stratégiques, limitent pour le moment la capacité à passer du stade de l’expérimentation à la généralisation de dispositifs de gestion des compétences étendues. Leur ampleur invite bel et bien à inventer un nouveau type de gestion des ressources humaines, propre à mettre en synergie des compétences distribuées entre de multiples partenaires au sein d’un territoire, physique ou virtuel. Il s’agit d’un enjeu qui concerne tous les acteurs : les praticiens de la GRH au sein des organisations, qui commencent à peine à entrevoir les questions sociales de l’entreprise étendue (Culié et al., 2009), mais aussi les responsables publics dans les territoires et évidemment les observateurs privilégiés que sont les chercheurs en GRH, autour d’un nouvel objet de recherche.
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