Notes
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[1]
Chiffres au 31 décembre 2010, informations recueillies sur le site Internet de l’entreprise. Ajoutons que les femmes représentent 24,7 % des cadres supérieurs et 36,8 % de l’ensemble des autres cadres au Québec en 2011 (source: Institut de la statistique du Québec (ISQ) : http://www.stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/march_travl_remnr/cat_profs_sectr_activ/professions/pop_active/a003_2011.htm). Les données ne sont toutefois pas disponibles en fonction de la présence d’enfants ou de leur âge. Les femmes sont plus souvent gestionnaires dans les milieux féminins (elles sont 52 % de cadres parmi les gestionnaires de la culture en 2011: source : ISQ : http://www.stat.gouv.qc.ca/salle-presse/communiq/2011/janvier/jan1118.htm#). Elles sont aussi plus présentes comme gestionnaires dans les domaines de la santé et de l’éducation et dans les secteurs public et parapublic.
1 – Introduction
1De nombreuses études montrent que le conflit observé entre les obligations professionnelles et les contraintes familiales tend à s’intensifier au cours de ces dernières années. Il résulterait, d’une part, d’un manque de temps exprimé par les individus devant concilier les deux sphères, à savoir professionnelle et privée et, d’autre part, des transformations survenues dans la composition des familles, de la main-d’œuvre ainsi que dans l’organisation du travail. Nous avons voulu nous pencher sur cette question en nous interrogeant sur la situation des cadres, situation peu documentée, et en nous questionnant sur la manière dont les hommes et les femmes concilient leurs différentes temporalités. Alors que la catégorie professionnelle des cadres présente des caractéristiques particulières et que l’on indique souvent que les obligations temporelles y sont importantes, nous nous demandons s’il y a une différence selon le genre dans la gestion de leur articulation entre famille et emploi ainsi que dans leur manière d’établir des priorités entre les exigences familiales, personnelles et professionnelles. Ainsi, nous nous penchons sur une catégorie socio-professionnelle précise, à savoir les gestionnaires ou cadres dans un environnement masculin, soit celui d’une société de transport québécoise que nous désignerons sous l’acronyme ST.
2Nous pouvons formuler notre question de départ de la manière suivante : « Comment les hommes et les femmes cadres aux situations familiales différentes concilient-ils leurs temps professionnel, personnel et familial ? ». Pour répondre à cette interrogation, nous avons voulu explorer une entreprise majoritairement masculine. Ce choix est justifié par le fait que ces milieux sont généralement jugés comme moins soutenants quant aux pratiques et aux stratégies de conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Toutefois, la présence grandissante des femmes dans ces milieux aujourd’hui semble rendre ce constat de moins en moins vrai, c’est en tout cas ce que nous désirons vérifier en investissant ce terrain de recherche.
3La première partie de cette recherche exploratoire consiste en un bref examen de la littérature existante relative à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle des hommes et des femmes cadres ainsi qu’à l’implication professionnelle et à la carrière de ces dernières. Ensuite, nous développons la méthodologie employée dans cette étude exploratoire et présentons le profil des personnes interrogées. Dans un troisième temps, l’analyse des résultats nous permet de mettre en évidence les grandes tendances relatives à la conciliation emploi/famille des cadres des deux sexes. Enfin, la discussion et la conclusion permettent de revenir sur les objectifs de recherche mis en évidence en matière de conciliation vie privée/vie professionnelle des hommes et des femmes cadres, parents ou non, cela malgré les fortes similitudes observées dans leur travail, ainsi que de confronter les éléments théoriques à nos données empiriques.
2 – Revue des écrits
2.1 – La conciliation entre vie privée et vie professionnelle des hommes et des femmes cadres
4Dans la société, le genre attribue des positions et des pouvoirs différents aux hommes et aux femmes. Cette distinction est souvent appréhendée de manière binaire en associant, par exemple, le pôle actif et productif aux hommes et l’axe passif et reproductif aux femmes (Gavray, 2004). Le fonctionnement de la société repose sur de nombreux stéréotypes qui rendent presque naturelles les constructions sociales. Cela permet l’anticipation des comportements d’autrui ainsi que de ses (in)compétences. De plus, des rôles féminins et masculins accompagnent les constructions sociales entre les femmes et les hommes. En effet, à ces constructions sociales sont associées des images et des représentations stéréotypées des deux sexes, de leurs capacités, de leurs attitudes et également de leurs domaines d’activité. Ainsi, la sphère privée a longtemps été considérée comme celle des femmes alors que l’action publique serait réservée aux hommes (Cornet et Dieu, 2008).
5De ce fait, la conciliation entre vie privée et vie professionnelle, parfois définie comme un conflit inter-rôle où les exigences des rôles issus du travail et de la famille peuvent être mutuellement incompatibles (Stephens et Sommer, 1996 ; Greenhaus and Beutell, 1985), n’est pas perçue de manière identique par les hommes et par les femmes, notamment cadres. Le conflit apparaît lorsque l’individu perçoit les attentes de son rôle familial comme contradictoires avec les attentes de son (ou ses) rôle(s) professionnel(s), et vice versa (Frone et Rice, 1987). Les mesures de conciliation visent généralement à réduire ce conflit et à faciliter l’organisation des temps et des responsabilités des salariés. Selon Simkin et Hilgatem (1992), les politiques de conciliation emploi/famille incluent l’ensemble des mesures formelles et informelles visant à aider les employés à combiner leurs responsabilités familiales et professionnelles. Scheibl et Dex (1998) évoquent les notions de synergie et d’équité, en affirmant que ces politiques sont avantageuses pour les employés mais aussi pour les employeurs, de telles politiques devant permettre aux hommes comme aux femmes de mieux concilier emploi et famille. Liff et Ward (2001) observent en effet que les hommes ont tendance à exprimer le regret de ne pas pouvoir voir davantage leur(s) enfant(s) alors que les femmes s’épuisent à essayer de jouer simultanément les deux rôles, à savoir celui de mère et celui de salariée.
6Se fondant sur des récits de vie menés auprès d’une trentaine d’hommes et de femmes en activité, Bastid (2003) souligne également que la question de la conciliation entre la carrière et la sphère privée est abordée de manière plus systématique et importante par les femmes que par les hommes, notamment en ce qui concerne la maternité et le fait d’avoir des enfants. Pour les femmes, cet équilibre varie en fonction du temps, de l’évolution professionnelle, de l’âge des enfants ou encore des opportunités de carrière. Selon elles, la problématique réside dans le fait que leur vie privée a tendance à prendre le dessus sur leur sphère professionnelle même si la priorité n’est pas particulièrement donnée à la famille, celle-ci étant davantage accordée au besoin, à la nécessité de conciliation.
7Notons que pour les hommes, c’est l’inverse, il s’agirait plutôt de la sphère professionnelle qui empiète sur la vie privée. Afin de contourner ce problème, diverses solutions sont envisagées par eux telles que, par exemple, l’arrêt ou la diminution de l’activité professionnelle de leur conjointe. Bastid (2003) note également que pour les hommes, la notion de conciliation vie privée-vie professionnelle apparaît comme plus large en considérant notamment, en plus de la famille, la vie sportive et associative. Le temps personnel serait donc plus important pour les hommes que pour les femmes mais également plus conséquent que le temps familial. Rapoport et Le Bourdais (2001) définissent le temps familial comme étant le temps consacré à des activités accomplies en commun par les conjoints en présence des enfants. Pour ce qui est du temps personnel, Barrère-Maurisson (2004) affirme qu’il comprend, entre autres, le fait de ne rien faire, d’avoir des loisirs à la maison tels que recevoir des amis ou lire un livre, d’avoir des loisirs à l’extérieur comme aller au cinéma ou encore faire du sport et, enfin, d’exercer des activités bénévoles ou associatives. Au vu de ces définitions, différents auteurs soulignent que le temps personnel est une notion plus large qui peut englober notamment celle du temps familial.
8Bastid (2003) ajoute également que des situations familliales particulières, par exemple une femme sans enfant ou un homme veuf, peuvent être à l’origine d’une problématique de gestion des deux sphères bien différente de celles exposées ci-dessus. Toutefois, les femmes qui n’ont pas de contraintes familiales continuent d’être considérées comme des mères potentielles à qui des responsabilités parentales seront un jour attribuées, ce qui pourrait constituer un obstacle à leur volonté de s’investir davantage dans leur carrière (Lee, 1998). De plus, elles seraient toujours perçues comme moins fiables dans le temps ainsi que plus susceptibles de quitter l’organisation pour avoir des enfants (Liff and Ward, 2001). Dans certains cas, le parcours professionnel des femmes serait guidé par une logique d’anticipation d’un nouveau rôle, à savoir celui de mère (Peyrat-guillard et Merdji, 1998). Selon une étude réalisée par Grodent (2009) auprès de femmes occupant un poste à responsabilités dans le domaine de la finance, les femmes sans enfant peuvent se permettre davantage de travailler tard et les week-ends. Aussi, si elles envisagent aisément la vie de couple, elles ont plus de difficultés à imaginer fonder une famille. Selon elles, il faut pouvoir faire des choix et il est impossible de mener de manière optimale et de front vie familiale et carrière.
9Le conflit lié aux rôles extérieurs à la vie professionnelle peut considérablement diminuer la satisfaction au travail, augmenter la volonté des personnes de quitter l’entreprise et également limiter l’avancement professionnel en raison des interruptions de carrière que cela implique (Boles, Johnston and Hair, 1997). Cette opposition entre vie privée et vie professionnelle pourra être réduite, en partie du moins, si les hommes acceptent de revoir la construction de leur identité ainsi que les rôles attribués, au sein de notre société, à chacun des deux sexes, et s’impliquent davantage dans les activités quotidiennes et familiales, ce qui semble être progressivement le cas (Meda, 2001). Néanmoins, les couples qui envisagent de poursuivre leur carrière peuvent renoncer à avoir des enfants ou retarder leur venue et sont alors qualifiés de “couple sans enfant, à double salaire” (Culter et Jackson, 2002).
10Enfin, Alagava (2002) souligne qu’une division davantage égalitaire du temps parental n’est constatée que dans le cas où la femme est plus qualifiée que son conjoint. Elliott, Dale et Egerton (2001) ont bien montré qu’il est plus aisé pour des femmes non qualifiées de concilier vie privée et vie professionnelle que pour des professionnelles (ou des cadres).
2.2 – Implication professionnelle des femmes cadres
11Des recherches ont montré que la carrière des femmes cadres se caractérise par de la ségrégation horizontale (surreprésentation de l’un ou l’autre sexe dans certains métiers et fonctions) et de la ségrégation verticale, appelée aussi le « plafond de verre ». Les travaux sur ce phénomène visent à expliquer la sous-représentation des femmes dans la hiérarchie et à des postes à responsabilités. De nombreuses recherches ont ainsi documenté les difficultés rencontrées par les femmes dans la gestion de leur carrière (Belghiti-Mahut & Landrieux-Kartochian, 2008 ; De bry, 2005 ; Gresy & Dole, 2011 ; Guyon, 1996 ; Laufer, 2008 ; Maruani, 2006).
12Les différences dans les carrières des hommes et des femmes cadres ont été expliquées par des discriminations directes et indirectes liées aux politiques de gestion des ressources humaines et à l’organisation du travail (Gresy & Dole, 2011 Laufer, 1982 ; Moss-Kkanter, 1977) mais aussi par le résultat de stratégies individuelles des femmes (Bastid, 2003). Plusieurs études montrent également le poids de la division sexuée des rôles à l’intérieur des ménages sur la carrière des femmes (Gardner, Meda, & Senik, 2005 ; Messing, Vogel, Gronkvist, & Lagerlof, 1999 ; Normand & Tremblay, 2005). Même si la répartition des tâches a évolué ces dernières années, il n’en reste pas moins que les tâches familiales et parentales continuent à être une contrainte majoritairement féminine (Meda, 2001). La carrière professionnelle des hommes semble être positivement influencée par le nombre d’enfants alors qu’on observe l’inverse pour les femmes (Belghiti-Mahut & Landrieux-Kartochian, 2008). En effet, au fil des naissances, elles ont tendance à prendre davantage en charge les obligations domestiques alors que les hommes continuent de s’investir plus dans la sphère professionnelle (Bennot et Damesin, 2009). Laufer et Pochic (2004) montrent ainsi que si la carrière des hommes repose largement sur la disponibilité de leurs épouses/conjointes, les femmes cadres sont rarement dans une situation analogue. Elles sont bien plus souvent dans un scénario de couple « à double carrière » (Laufer & Pochic, 2004).
13Ainsi, la femme qui entreprend une carrière est confrontée à un travail conséquent étant donné qu’elle doit gérer tâches professionnelles et activités domestiques. Pour faire face à cette difficulté, elle doit déployer de nombreux efforts, qui plus est lorsqu’elle est la seule à prendre en charge l’entretien du foyer et l’éducation des enfants.
14Selon Bastid (2003), les femmes sont plus enclines à réaliser des compromis quant à leur carrière pour favoriser celle de leur partenaire. Ainsi, elles optent plus aisément pour des emplois où il est possible de limiter son temps de travail ou encore pour la formule du temps partiel, ce qui peut ralentir leur progression vers les sommets de l’entreprise (Laufer, 2005) ou encore les exclure totalement. En effet, les arrangements professionnels comme le temps partiel semblent difficilement envisageables avec un poste de cadre ainsi qu’avec la charge de travail qui y est directement associée et peut également être synonyme d’une faible implication professionnelle et d’un manque d’ambition, ou en tout cas être considéré comme tel par l’employeur. Dans le même ordre d’idée, lorsque les deux membres d’un couple travaillent à temps plein, les femmes envisagent moins souvent que les hommes de prétendre à un poste de management exigeant davantage d’implication et de disponibilité (Culter et Jackson, 2002). Les négociations conjugales jouent donc un rôle prépondérant dans les carrières des hommes et des femmes. Ainsi, comme le souligne Laufer (2005), les choix effectués au sein d’un couple se font souvent en défaveur des femmes, en ce sens que c’est le parcours professionnel des hommes qui dicte davantage la dynamique, alors que les femmes acceptent de ralentir leur progression de carrière. Aussi, pour ce qui est de l’absence liée à des imprévus relatifs aux enfants, l’entreprise semble être davantage tolérante envers les mères qu’envers les pères. De plus, les hommes osent moins facilement demander pour s’absenter de peur d’être mal vus par leurs collègues, principalement hommes (Bennot et Damesin, 2009). Ceci rejoint l’idée de Tremblay (2012a) qui avance que lorsque les entreprises mettent en place des mesures d’aide à la conciliation ente vie privée et vie professionnelle, les femmes semblent davantage s’y intéresser et y prendre part. Les hommes, quant à eux, pourraient envisager de les utiliser mais hésitent à le faire en raison des critiques dont ils pourraient faire l’objet dans leur milieu de travail.
15Aussi, le fait de ne pas remplacer les femmes en congé de maternité ou en congé parental peut également créer des problèmes en ce qui concerne l’engagement de ces dernières ainsi que la reconnaissance et l’attention portées aux réalités des femmes. Cela conforte aussi l’idée selon laquelle ce serait aux femmes de s’occuper d’autrui et que le parcours professionnel des hommes serait prioritaire par rapport à celui des femmes (Gavray, 2008).
2.3 – Les objectifs de recherche
16C’est à partir de l’ensemble des observations théoriques relatives aux cadres et aux femmes que nous avons élaboré notre objet de recherche qui permet de croiser les deux perspectives, à savoir celle des gestionnaires et celle du comportement des femmes en général, afin de déterminer comment ces deux variables influent sur l’articulation emploi-famille.
17Sachant que peu d’études se sont intéressées à la problématique de la conciliation entre vie privée et professionnelle chez les cadres, et encore moins sous le regard du genre, nous avons voulu voir comment les hommes et les femmes cadres vivent cette articulation, cela également en fonction de leur situation familiale. À partir de notre revue des écrits, nous avons développé quelques propositions pour guider l’analyse, étant entendu que notre démarche qualitative est davantage exploratoire et ne permet pas de valider complètement des hypothèses précises.
- Pour les femmes cadres, principalement celles avec enfants, la problématique résiderait dans le fait que c’est la vie privée qui a tendance à déborder sur la sphère professionnelle, alors que pour les hommes cadres, ce serait l’inverse, c’est le travail qui a tendance à empiéter sur la sphère personnelle/familiale.
- Les femmes cadres sans enfant consacreraient davantage de temps à leur travail et auraient plus de difficultés à envisager de pouvoir concilier temps professionnel et temps familial que leurs homologues mères.
- Les mesures d’aide à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle seraient davantage utilisées par les femmes cadres que par leurs homologues masculins, parents d’un ou de plusieurs enfants.
- Les femmes gestionnaires auraient, de manière générale, plus de difficultés à assumer les exigences attendues d’un poste de cadre que leurs collègues hommes, cela en raison de leurs tâches domestiques (ménage, courses, linge, cuisine, soins aux enfants et aux adultes, etc.) qui augmentent leur charge totale de travail. Elles développeraient des stratégies particulières pour y parvenir.
- Les femmes cadres, avec ou sans enfant(s), ayant lutté pour atteindre ce statut auraient des comportements et des stratégies apparentés à ceux de leurs collègues hommes sur le plan du travail, mais peut-être plus proches des autres femmes sur le plan de la famille et des tâches domestiques, ce qui rendrait la conciliation difficile, en raison des investissements temporels importants tant dans l’emploi que dans la sphère privée.
3 – Méthodologie de recherche
3.1 – Approche qualitative
18Au vu de notre objet de recherche, nous avons opté pour une approche de type qualitative. Cette démarche nous permet de mieux comprendre les attitudes et les stratégies des personnes ainsi que de bénéficier de la richesse et des nuances du discours des différents acteurs (Ghiglione et Matalon, 2004). Nous avons constitué un groupe, non pas parfaitement représentatif, mais bien significatif de ce public, à savoir huit hommes et neuf femmes, équitablement répartis entre les trois premiers niveaux de gestion d’une société de transport québécoise. Notre groupe de répondants n’est donc pas fondé sur une transposition aussi précise que possible des caractéristiques, propriétés et proportions présentes au sein de la population-mère mais bien sur des critères de diversité pour mieux comprendre les différentes situations. Nous avons obtenu leurs coordonnées par l’intermédiaire de la liste des gestionnaires de cette organisation.
19Afin de récolter les informations adéquates, nous avons mobilisé la technique des entretiens semi-directifs, ce qui permet de recueillir les représentations et les points de vue des acteurs considérés, notamment relatifs à leur expérience personnelle et professionnelle, tout en laissant une certaine marge de manœuvre à l’interlocuteur afin qu’il puisse s’exprimer assez librement sur les sujets traités (Quivy et Van Campenhoudt, 1995). L’entretien semi-directif permet aussi l’interaction entre les deux interlocuteurs, la relance et l’approfondissement de certaines questions (Olivier de Sardan, 2008).
20Pour mener nos entretiens, nous nous sommes inspirées de la grille élaborée par Thoemmes, Escarboutel et Kanzari (2010) dans le contexte de leur recherche réalisée sur les cadres et sur le contrôle qu’ils ont de leur temps ainsi que leur implication dans l’entreprise. Celle-ci était construite autour de cinq grandes thématiques, à savoir « trajectoires et inventaire du temps », « lieux et temps », « évaluation personnelle des temporalités », « environnement et relations de travail », et « représentations du travail et du bien-être ». Nous y avons développé nos préoccupations, notamment celle de la conciliation entre vie privée et vie professionnelle qui n’était pas approfondie dans cette recherche avec, par exemple, des interrogations relatives aux heures supplémentaires prestées à domicile, le soir, les week-ends ou durant les congés, à la nature des tâches effectuées à la maison, à l’urgence des demandes ou encore au degré d’implication. Nos ajouts nous ont également permis de nous intéresser, plus en détail, aux mesures de conciliation développées par l’employeur, à la manière dont les cadres vivent la conciliation entre leurs responsabilités professionnelles et familiales/personnelles mais aussi à la concordance entre l’image qu’ils en avaient et ce qu’ils vivent réellement au quotidien. Les 17 entretiens, d’une durée comprise entre 40 minutes et 2h20, ont tous été enregistrés et ensuite retranscrits afin de faciliter le traitement des données.
3.2 – Terrain de recherche
21Avant de débuter l’analyse des entretiens, il nous semble pertinent de présenter l’organigramme des gestionnaires de cette quinzième plus grande organisation québécoise (8.611 employés) et de mettre en évidence la présence des femmes à chacun des niveaux hiérarchiques.
22L’organigramme des cadres de cette entreprise publique de transport comprend 18% de femmes et est constitué de quatre niveaux. Le premier compte 17% de femmes et regroupe notamment les chefs de sections, les contremaîtres ainsi que les chefs d’opérations. Au second niveau, se situent, entre autre, les chefs de division et les surintendants, avec 18% de femmes. Le troisième niveau est celui des directeurs, dont 30% sont des femmes. Enfin, au quatrième niveau, il s’agit des directeurs exécutifs, deux sur l’ensemble des neuf étant des femmes, tous exclus de l’analyse [1].
4 – Analyse des données
4.1 – Caractérisation du groupe sondé
23L’objectif de cette première sous-section est de caractériser la composition de notre groupe de répondants constitué de 17 gestionnaires, hommes et femmes, de premier, de deuxième et de troisième niveaux, tous issus d’une société de transport québécoise.
24De manière générale, les trois générations ont été prises en compte. En effet, tant les hommes que les femmes interrogés sont équitablement répartis entre la génération “Y” (personnes nées entre 1981 et 1999), la génération “X” (individus âgés de 31 à 47 ans) et les Baby-boomers dont l’âge est supérieur à 47 ans.
Gestionnaires femmes
Gestionnaires femmes
Gestionnaires hommes
Gestionnaires hommes
25Le profil des hommes et des femmes interrogés révèle quelques différences qui les opposent. Pour les femmes cadres, l’âge médian est de 38 ans alors que pour les hommes, il est de 46,5 ans. Aussi, le divorce apparaît uniquement du côté du groupe masculin, deux interviewés sur huit ayant vécu cette situation. Les hommes présentent également davantage de situations familiales caractérisées par la présence d’enfants. Les femmes, quant à elles, ont tendance à être plus souvent en couple avec un conjoint cadre aux responsabilités professionnelles importantes. Aussi, elles occupent davantage de postes que leurs homologues masculins avant de pouvoir atteindre leur niveau de gestion actuel. En ce qui concerne l’ancienneté médiane des gestionnaires femmes, elle s’élève à 14 ans contre 19 ans pour les gestionnaires hommes.
26Toutefois plusieurs similarités peuvent être observées entre le groupe des cadres féminins et masculins comme le fait que la plupart d’entre eux sont amenés à diriger des équipes, qu’ils occupent rarement leur premier emploi au sein de la ST et que certains, hommes et femmes, ont ou ont eu un parent, le plus souvent un père, cadre. De plus, les trajectoires scolaires tant des hommes que des femmes sont caractérisées par une forte diversité des domaines d’études.
4.2 – La conciliation entre vie privée et vie professionnelle des hommes et femmes gestionnaires
4.2.1 – Des heures supplémentaires indispensables et bénévoles
27L’ensemble des gestionnaires interrogés est engagé dans le cadre d’un contrat de 40 heures par semaine, temps de travail qu’ils ajustent selon leurs obligations et leurs besoins :
« C’est des heures assez flexibles. Par exemple, si une semaine j’ai fait 45h, puis la semaine d’après un autre 45h, il n’y a personne qui va me dire, qu’est-ce qui se passe, pourquoi tu es partie vendredi midi ? C’est flexible. Je me permets des fois de partir de bonne heure. C’est quand même équilibré. C’est moi qui organise mon temps ».
« Donc j’ai une entente avec ma directrice exécutive de dire, ‘là regarde t’es venue à 3-4 affaires dans l’année, tu peux prendre quelques jours de plus’ mais on s’entend entre nous. Des fois le vendredi on quitte plus tôt parce qu’on a fait beaucoup d’heures ».
« Donc j’organise mon agenda, mon horaire selon ce que moi je considère comme étant fonctionnel dans ce que j’ai besoin de faire. Mon supérieur ne surveille pas cela ».
« Même si je fais 60 heures, ça ne me dérange pas. Ca ne me dérangerait jamais. J’aime ce que je fais, et quand je le fais, je ne sens pas que c’est forcé. En même temps, dans l’entreprise quand tu n’es pas là une journée, il n’y a personne qui te court après, donc j’ai l’impression que c’est le juste balancier aussi ».
32Néanmoins, et malgré l’autonomie dont ils disposent, ils effectuent tous des heures supplémentaires, soit au sein de l’entreprise même, soit à domicile ou encore dans les transports. Celles-ci ne sont pas rémunérées, « les heures supplémentaires, c’est bénévole », et celles-ci peuvent atteindre le nombre de 30 par semaine : « les journées ayant tendance à être plus longues que courtes ».
« On n’est jamais rémunéré pour des heures supplémentaires. Je fais à peu près 60h par semaine. Normalement, mon job, c’est 40h, il y a 20h qui ne sont pas rémunérées. C’est du bénévolat qu’on fait ».
« Dans le sens qu’on n’a pas droit à des heures supplémentaires. Nous, on est payé à l’année. Donc, on n’est pas payé à l’heure, et même si on fait du temps supplémentaire ».
35Une femme interrogée souligne que ce temps additionnel est justement compensé par le niveau de salaire, les vacances, les avantages sociaux et la stabilité de la fonction.
36Pour la majorité, l’autoévaluation est de mise, les supérieurs ne vérifiant pas la présence sur le poste de travail mais davantage le rendement et les résultats : « je suis contrôlée en fonction de ce que je livre ». Cette pratique peut gêner certaines femmes qui sont mal à l’aise « de prendre une journée comme ça » et qui aimeraient davantage avoir recours à une feuille de temps plus officielle et visible. En effet, bien que les résultats permettent de juger partiellement du travail réalisé, certaines préfèreraient presque un contrôle du temps de travail, pour s’assurer que leur supérieur ne les suspecte pas d’accorder du temps à la famille ou à leurs loisirs pendant les journées de travail. Ceci est intéressant, car, selon les témoignages, seules des femmes ressentent ce besoin de se justifier, cela même si l’entreprise ne l’exige pas.
37Comme nous l’indique une autre femme gestionnaire, le niveau hiérarchique influence également le temps consacré à la sphère professionnelle ainsi que le contrôle effectué sur celui-ci : « plus tu montes dans la hiérarchie, plus le temps n’est pas important. Si tu commences à calculer ton temps, ça ne marche pas » (Femme n°1). Comme les hommes, les femmes atteignant des postes de cadres considèrent donc important de ne pas compter son temps, cette pratique étant jugée contradictoire avec le fait d’occuper ce type de poste. Cependant, il y a aussi les contraintes familiales assumées davantage par les femmes, et le fait que le temps partiel ne soit pas admis aux plus hauts niveaux de responsabilités, de sorte que les femmes ajustent leur carrière en fonction des besoins familiaux, retardant ainsi l’accès aux fonctions supérieures.
4.2.2 – Le travail à domicile : disponibilité vs conciliation
38La majorité des femmes effectue des activités professionnelles à la maison, principalement durant la semaine, le week-end étant davantage réservé à la sphère privée. L’accomplissement de certaines tâches, telle que la relève des courriels, est rendu possible grâce aux ordinateurs portables ou aux téléphones intelligents prêtés par la firme. Comme le montrent les extraits suivants, même si elles veulent privilégier leur famille, les femmes cadres comme les hommes sont « connectées en permanence » et sont toujours joignables par téléphone :
« J’ai le Blackberry toujours très près, je me couche avec, je me lève avec…il est pratiquement dans le lit…même si je ne suis pas encore arrivée au travail, je suis déjà connectée ».
« J’ai un Blackberry, je réponds à mes appels, je réponds à mes courriels, le soir, le jour, quelqu’un m’appelle à 19h, parce qu’on n’a pas pu se parler de la journée, pas de problème, cela n’a jamais été un problème pour moi…je suis toujours connectée ».
41D’autres femmes, principalement des gestionnaires de premier niveau, consacrent moins de temps à leur emploi à la maison et sont disponibles à domicile uniquement pour des appels téléphoniques urgents. Ceci est dû à la nature de leurs tâches qui ne leur permet pas d’effectuer d’autres activités à distance et de reprendre du boulot chez elles :
« Impossible, gérer les transports en commun à domicile, ça ne marche pas, c’est pas possible, désolée, la nature même du travail, non, j’ai besoin d’instruments, il y a trop d’affaires, il y a trop de postes de travail différents à voir que je peux vraiment, vraiment pas travailler de la maison ».
43Tout comme pour les femmes, le Blackberry (téléphone intelligent) des hommes « est toujours disponible et toujours ouvert » car ils sont « susceptibles d’être appelés à tout moment de la semaine, jour et nuit ». Ils travaillent à domicile, plus ou moins 5h par semaine, principalement pour faire des lectures de dossiers ou pour répondre à des courriels, cela par l’intermédiaire d’ordinateurs mis à disposition par l’entreprise. Les hommes vont « mettre les heures qu’il faut pour y arriver, c’est sûr que je ne me mettrai pas à travailler le samedi, le dimanche, à la maison, habituellement, si j’ai à prendre des courriels le week-end à la maison, c’est parce que c’est quelque chose d’urgent, sinon, ça attend le lundi matin….je ne suis pas un workaholic, mais je sais ce que j’ai à faire » (Homme n°4). Les hommes vont également profiter de leur temps de transport et de déplacement pour se décharger du travail restant : « c’est là que je trouve, que j’optimise mon temps pour concilier travail/famille » (Homme n°6). Les gestionnaires masculins de premier niveau, quant à eux, effectuent rarement des heures supplémentaires chez eux, affirmant: « je ne peux pas gérer une situation depuis la maison » (Homme n°8).
44Nous remarquons ici une hiérarchisation des temps que les cadres peuvent laisser envahir par le travail ; si le travail peut parfois déborder sur la vie personnelle/familiale en soirée ou le matin, c’est moins accepté le week-end, et encore moins pendant les vacances, comme nous l’avons vu ci-dessus.
45Il faut noter que les enfants comme les conjoints, peu importe leur niveau hiérarchique, acceptent difficilement de voir leur parent/partenaire travailler à la maison durant les temps libres communs. En effet, par exemple, trois femmes dont les partenaires occupent, soit un poste à responsabilités, soit une fonction intermédiaire, expriment ce fait :
« Sinon, il faut que je négocie avec lui, ou bien je suis dans mes livres… Il accepte beaucoup moins le travail à la maison ».
« Il y a des périodes où des fois je vais abuser, il va me le faire sentir qu’il serait temps de lever la pédale ».
« Il m’avait dit ‘il faut que tu fasses attention, parce qu’il ne faut pas que cela vienne nuire à notre vie aussi ».
49Ces extraits démontrent que ce sont principalement les conjoints masculins des femmes, avec ou sans enfant, qui émettent ce genre de demandes, peut-être parce que les femmes ont d’autres devoirs au domicile. En effet, le fait de reprendre des tâches professionnelles à la maison et donc de prolonger la journée de travail empêche sans doute les femmes de se consacrer à leurs différentes obligations domestiques et familiales, dans le cas des mères. Les compagnes, quant à elles, expriment moins ce souhait de ne pas voir travailler leur partenaire à la maison, le débordement de la sphère professionnelle sur la sphère privée des hommes étant perçu comme plus normal et habituel.
50Les hommes et les femmes vont tenter de réduire le temps de travail effectué à la maison, notamment en déléguant une partie de leurs missions quotidiennes. En effet, « c’est une question de délégation et de confiance dans l’équipe qui nous entoure ». Dans ce contexte, un gestionnaire sondé souligne que « pour moi, c’est une priorité d’être capable de concilier travail/famille…je délègue beaucoup plus maintenant » (Homme n°6).
4.2.3 – Les vacances à l’étranger, l’unique moment de « déconnexion »
51Pour l’ensemble des personnes interrogées, hommes et femmes, le fait de partir à l’étranger représente l’unique possibilité de se déconnecter totalement de leur réalité et de leurs exigences professionnelles. Il est intéressant de voir comment les nouveaux outils de communication contraignent les cadres à se rendre plus disponibles, presque en permanence ; ce n’est que lorsqu’ils sont à l’étranger qu’ils trouvent justifié de se déconnecter vraiment, alors qu’ils se sentent obligés de rester joignables lorsqu’ils sont au pays :
« Si je m’en vais à l’extérieur, c’est sûr que c’est fini, on décolle, même si les premiers jours, j’ai de la misère à me mettre sur off ».
« C’est sûr que cela dépendra de… si je reste en ville, ou si je vais à l’extérieur. Si je m’en vais à l’extérieur, c’est sûr que c’est fini, on décolle ».
« En général, durant les vacances, à moins d’être à l’extérieur réellement, il y a toujours une possibilité de me joindre en cas d’urgence ».
Toutefois, plusieurs cadres et majoritairement des hommes mettent en évidence le fait qu’ils demeurent présents et joignables en période de congés, « même pendant les vacances, je vais avoir mon Blackberry, s’il y a une urgence, on peut m’appeler » (Homme n°1). L’obligation de se rendre disponible pour le service est ainsi très forte chez les cadres, et ce n’est que lorsqu’il serait trop coûteux ou trop complexe de rentrer (de l’étranger) qu’ils se sentent autorisés de fermer leur téléphone.« Si c’est à l’extérieur, je ne suis pas joignable. Mais la culture de l’entreprise ne vise pas à harceler les gens. C’est vraiment s’il y a une urgence ».
4.2.4 – Négociation du temps de travail : une question familiale et personnelle
52Afin de négocier leur temps de travail et leur temps de vie privée, les femmes consultent fréquemment leur famille : « pour les horaires, c’est aussi la vie de famille qui rentre en ligne de compte » (Femmes n°9) et par là même leur conjoint. En effet, « c’est la façon dont je fonctionne avec mon mari, c’est sûr qu’avec nos trois enfants, il faut être organisé, tout est via Outlook…les rendez-vous de mes enfants….j’invite mon mari, je rentre dans son agenda, puis je mets une couleur comme quoi c’est personnel » (Femme n°4). Les enfants sont également pris en considération, principalement quand ils sont jeunes, « quand les enfants étaient plus jeunes, je pense que oui mais maintenant non ».
53Certaines femmes peuvent reprendre leurs différentes tâches professionnelles le soir « quand mes enfants sont couchés » ou « quand tout le monde a fait ses devoirs et qu’ils ne me sollicitent plus ». Elles envisagent même occasionnellement le télétravail, cela afin de satisfaire les diverses obligations domestiques et parce qu’« à la maison, un, je contrôle mon environnement, ça ne rentre pas, ça ne sort pas, et je fais mes choses, je les fais plus rapidement, puis, je suis plus relax » (Femme n°2).
54Les femmes qui n’ont pas d’enfant organisent davantage leurs activités professionnelles en fonction d’elles-mêmes et de leurs envies ou obligations, elles essaient vraiment de respecter ce qu’elles veulent, leurs désirs. Les gestionnaires de premier niveau, quant à elles, avancent aussi l’idée qu’elles sont amenées à négocier leur temps de travail avec leurs collègues, surtout en ce qui concerne les périodes de vacances.
55L’extrait ci-dessous témoigne du fait que la moitié des hommes négocie aussi son temps de travail avec leur partenaire ainsi qu’avec leur environnement familial, cela même s’ils ne le font pas de manière prioritaire :
« A un moment donné, c’est des limites à comprendre, ce n’était pas normal que j’arrivais chez moi, je mangeais, je me remettais tout de suite à travailler, pour avoir du temps disponible pour mes employés mais pas pour ma famille, puis je fais beaucoup de sport, donc je donnais du temps pour le sport mais pas nécessairement pour la famille, c’est une des choses que j’ai changé… ».
57Tout comme les femmes, les hommes gestionnaires sans enfant organisent davantage leur temps de travail en fonction de leurs propres besoins. De manière générale, les hommes ont plus tendance à se centrer sur leurs priorités, leurs contraintes, leurs obligations et leurs souhaits. Leur approche est davantage personnelle : « c’est moi qui prends mes décisions dans le fond et j’essaye de faire en sorte que cela n’ait pas trop d’impact sur ma famille » (Homme n°6).
4.2.5 – La conciliation, une question d’équilibre?
58La notion d’équilibre revient assez régulièrement au sein des entretiens avec les gestionnaires de la ST. Les femmes l’abordent en faisant référence à leur qualité de vie, à la nature de leur poste, à leurs enfants et à leur famille :
« Moi, je ne vis pas pour mon emploi, je trouve qu’il faut garder un équilibre sinon…je suis mariée depuis très longtemps, je ne veux pas divorcer, je veux qu’on reste un noyau familial uni ».
60La plupart d’entre elles estiment avoir atteint un certain équilibre entre les attentes et les obligations tant familiales que professionnelles. Il en est de même des hommes : « j’ai trouvé un équilibre en disant…je ne me garde pas une obligation de travailler le soir » (Homme n°1).
61Le fait de décrocher de l’environnement de travail et le temps consacré au sport sont deux éléments favorisant l’équilibre des hommes : « je suis quelqu’un qui a un équilibre dans la vie, je quitte pendant 1h30 le midi, je vais au gym, je vais me défouler, c’est mon moment à moi » (Homme n°4). Toutefois, ces derniers traitent moins spontanément et fréquemment de ce concept d’adéquation ou d’équilibre dans les entrevues.
4.2.6 – La conciliation, une question familiale?
62En matière de conciliation vie privée et vie professionnelle, les femmes font souvent référence à l’emploi de leur conjoint, au temps que ce dernier consacre à ses activités professionnelles et à la compatibilité des horaires. En effet, pour l’une d’entre elles :
« Mon mari est beaucoup à l’extérieur, de sorte que les enfants dépendent beaucoup de moi, presqu’à 100%, ils ne peuvent pas se fier sur le fait que papa va être là ».
64Toutefois, certains partenaires, de par leur travail davantage flexible, « s’occupent plus de la gestion de la maison » et sont apparentés à « ma femme au foyer ». D’autres sont encourageants, soutenants et conciliants, « mon conjoint est quand même conciliant… conscient du travail que j’ai, que je fais, de ce que cela implique. Et en général, ça va assez bien ». Deux femmes ont quand même exprimé le fait que leurs conjoints ne souhaitent pas voir leur travail entraver leur vie privée :
« Quand je sais qu’il part une journée, je suis contente, je me dis que je vais être tranquille, que je vais pouvoir travailler, sinon, il faut que je négocie avec lui ».
66Enfin, un des conjoints a renoncé consciemment au fait d’occuper un poste à responsabilités, cela afin de permettre à sa partenaire de lancer sa carrière et de rester disponible pour ses enfants. Les femmes mettent en place diverses stratégies dont l’extériorisation des tâches domestiques afin d’améliorer l’articulation entre le travail et la famille, tout en étant moins stressées et en ne renonçant pas à leur carrière :
« Je suis allée chercher une aide familiale, elle vit avec nous du lundi au vendredi, je ne voulais pas stresser mes enfants avec les garderies, je n’ai pas eu des enfants pour les stresser avec nos obligations de travail ».
« Je vis très bien cette conciliation. Le ménage, je ne le touche pas. On a engagé quelqu’un pour faire le ménage. Ce que je fais, c’est à manger ».
« Mes parents vont me garder le bébé, un oncle à mon chum pourrait aussi aider, ma belle-sœur, elle a aussi offert de le garder certaines nuits ».
70La présence d’enfant(s) et leur âge semblent également importants et pris en considération par les femmes dans la gestion de cette problématique d’articulation. Les gestionnaires sans enfant, en raison de leur jeune âge ou de raisons personnelles ou professionnelles, consacrent davantage de temps à leurs loisirs sportifs ou autres, qu’elles considèrent comme essentiels. Aussi, tel qu’indiqué dans les extraits suivants, elles envisagent plus difficilement une éventuelle conciliation de leurs responsabilités professionnelles avec des enfants :
« Si un jour, je décide d’avoir des enfants….je ne me vois pas en avoir….parce que je pense que je manquerais de temps quelque part…c’est un peu difficile à imager mais ça à l’air tellement compliqué….ça me paraît compliqué de gérer vie privée et vie professionnelle ».
« Il n’y a personne à la maison qui est malheureux, il n’y a personne à la maison qui m’attend… C’est sûr que si j’avais des enfants, je serais obligée de me donner une autre discipline. Mais en même temps, quand tu sais que tu as beaucoup de temps, tu prends beaucoup plus de temps pour faire toute sorte de choses…C’est sûr que n’ayant pas d’enfant, cela change beaucoup de choses. Je me dis souvent ‘mon Dieu, comment ils font ceux qui arrivent à la maison avec des enfants ?’ Si moi j’avais ma maison avec des enfants en plus… Non. C’est un choix que j’avais fait avant même de devenir gestionnaire. C’est un choix qui a été influencé par la carrière, mais en même temps je sens que je suis privilégiée d’avoir fait ce choix-là, parce que cela me donne une certaine latitude, mais en même temps, je ne suis pas fermée complètement à cette idée. Je me suis donnée un horizon jusqu’à 40 ans pour changer d’avis. Cela fait 12 ans que je suis avec mon conjoint. Quand je l’ai rencontré, je lui ai dit dès le début que je ne voulais pas d’enfants. C’était clair dès le départ. Donc, pour moi, ce n’est pas le travail qui engendre ça. C’est quelque chose qui n’était pas ressenti. […] Pour moi, il faut être organisé. C’est sûr que quand tu n’as pas d’enfants, tu peux te permettre d’être moins organisé ».
73Une fois qu’ils sont grands, les enfants demandent moins de temps et d’attention de la part de leurs parents. Ceux-ci peuvent alors se consacrer à nouveau davantage à leur carrière, « les enfants étaient plus vieux et donc plus responsables ». Le rôle du partenaire occupe aussi une place importante pour les hommes. Ils soulignent l’aide que leurs conjointes ont apporté ou apportent à leur carrière :
« Le fait que mon épouse ne travaillait pas pendant cette période-là m’a permis de faire ce plan de carrière, s’il y avait eu partage de la garderie, les tâches ménagères…elle aurait eu un job aussi en même temps…on n’aurait pas pu, quelqu’un des deux aurait été pénalisé ».
« J’ai peut-être un poste un petit peu plus élevé qu’elle, en terme de niveau, au sein de l’entreprise, mais….ce qui lui permet de prendre certaines tâches à la maison, que je ne peux pas nécessairement prendre, et ça lui convient très bien ».
76L’objectif des hommes est aussi de calquer au maximum leurs horaires sur ceux de leur partenaire : « elle travaille de soir, donc personnellement je vais essayer d’avoir un horaire de soir ». Ils mettent également en évidence la nécessité d’établir des priorités entre leurs diverses tâches pour avoir du temps à consacrer à leur famille. Ils semblent donc plus disponibles pour leur(s) enfant(s) et davantage prêts à s’impliquer dans les activités ménagères et domestiques : « je suis quelqu’un d’autonome, je n’ai pas besoin d’une femme pour faire les tâches » (Homme n°4). Un d’entre eux a d’ailleurs inventé de fausses réunions pour être certain d’être en mesure d’aller conduire ses enfants à l’école : « le vendredi matin, dans la mesure du possible, et pour l’instant cela va très bien, j’ai demandé à ma secrétaire de booker une fausse rencontre dans mon agenda. Le vendredi matin, c’est moi qui vais conduire les enfants, parce que ma femme, cela l’aide à l’école, ce matin-là. Ça, ça fait six mois qu’on fait ça. Depuis septembre qu’on fait ça. […] C’est une stratégie pour la conciliation travail/famille » (Homme n°6). Les hommes soulignent, de manière plus récurrente que les femmes, qu’ils ne font pas de compromis : « je ne fais aucun compromis d’un côté ou de l’autre, ma vie de travail n’empiète pas sur ma vie privée, ma vie privée n’empiète pas sur mon travail, je suis très heureux dans les deux » (Homme n°2). Dans le même ordre d’idée, un autre homme souligne : « quand j’arrive chez nous, je ne pense plus au travail et puis mes fins de semaine, ce sont mes fins de semaine » (Homme n°5). Pour eux, le travail est important mais pas au détriment de la relation de couple ou de la famille, « on sait qu’on travaille beaucoup mais lorsqu’on est ensemble, on passe du temps de qualité ensemble » (Homme n°6).
77Le divorce vécu par certains hommes peut les pousser à devoir revoir l’organisation de leur quotidien tant professionnel que familial : « mon divorce m’a amené à faire des choix différents de ce que je voulais faire….parce que là j’étais sur des horaires de 12 heures, avec des blocs de jour, des blocs de nuit, en alternance, c’était très difficile…quand on veut s’occuper d’enfants et en obtenir la garde » (Homme n°4). Les familles recomposées et les systèmes de garde alternée induisent également une autre perception de la thématique de la conciliation : « j’ai mes garçons une semaine sur deux, la semaine que je ne les ai pas, c’est sûr, cela ne change rien mais l’autre semaine, j’essaye d’être disponible » (Homme n°5).
4.2.7 – Des mesures de conciliation individualisées
78En matière de mesures d’aide à la conciliation vie privée-vie professionnelle, la ST met une garderie à disposition de ses employé(e)s. D’un point de vue géographique, elle est décentrée et de ce fait n’est pas facilement accessible à l’ensemble du personnel. Aussi, « la multitude des sites de travail rend ce service compliqué ». Cette organisation publique a également mis en place un programme d’aide aux employés et permet une grande flexibilité d’horaires à ses gestionnaires, à l’exception peut-être de ceux de premier niveau, qui doivent être présents à des heures précises, compte tenu de la nature de leur travail. Les congés offerts par l’organisation peuvent aussi améliorer l’adéquation entre famille et emploi comme, par exemple, les congés maladie, familiaux et différés. Les congés différés consistent en ce que « l’employé…durant trois ans….il ne reçoit que 75% de son salaire, parce qu’il y a 25% qui est mis de côté, donc durant la 4ème année, il est à la maison, mais il est rémunéré à 75% par l’employeur » (Homme n°7). De plus, il y a des journées personnelles « qu’on peut prendre sans nécessairement avoir de justifications, on a 40 heures dans l’année, 4 journées » (Homme n°7).
4.2.8 – Conciliation emploi-famille, implication et carrière
79Le rapport à l’entreprise est appréhendé de manière identique par les hommes et les femmes, avec un fort taux d’engagement et de satisfaction de tous. Par contre, comme cela a déjà été montré (Laufer, 2005), nous avons remarqué que malgré leur niveau de diplôme généralement supérieur, les femmes mettent plus de temps que les hommes pour parvenir au même niveau de gestion, en partie parce qu’elles visent moins l’ascension hiérarchique en soi (sinon elles auraient pu faire le sacrifice de la famille), mais surtout parce que ce sont bien elles qui assument l’essentiel des charges familiales, et que cela est important pour elles.
80Cette constatation nous permet de mettre en évidence une problématique de gestion du temps propre aux femmes. Ces dernières effectuent de nombreuses heures supplémentaires afin de réaliser leur travail mais elles doivent aussi fournir des heures importantes dans le cadre privé, pour assurer la vie domestique et familiale à laquelle la plupart des femmes cadres tiennent aussi. Il faut reconnaître que les hommes s’engagent de plus en plus dans la vie familiale, à laquelle ils attachent aussi davantage d’importance qu’avant, mais cela ne semble pas avoir le même impact sur leur ascension professionnelle :
« Je ne peux pas, je m’implique déjà, aujourd’hui, j’ai un équilibre familial-travail. Je m’implique dans mon travail à 100% ».
« Je ne suis pas prêt à sacrifier la qualité de vie que j’ai présentement puis ma qualité de famille pour avoir un poste supérieur… ».
83La majorité des hommes, soit cinq d’entre eux, refuserait donc un engagement supplémentaire dans le travail si cela devait remettre en question leur équilibre actuel. Le reste des hommes émet le souhait de continuer à grimper les échelons hiérarchiques car « l’épanouissement pour moi dans le cadre du travail c’est de continuer à gravir les échelons hiérarchiques » (Homme n°8). Et apparemment, ils peuvent gravir ces échelons plus rapidement que les femmes, car dans leur cas, les responsabilités familliales ne semblent pas poser problème pour la progression de carrière, alors que cela ralentit clairement celle des femmes.
5 – Discussion
84Malgré la latitude octroyée aux gestionnaires, ils sont tous amenés à effectuer des heures supplémentaires pour accomplir l’entièreté de leur travail. Cette observation met en évidence un des paradoxes qui définit la problématique de la conciliation entre vie privée et vie professionnelle des gestionnaires. En effet, ces derniers disposent de certaines marges de manœuvre afin, notamment, de rendre compatibles leur travail et leur sphère familiale. En parallèle, les différents membres du personnel sont fort engagés au sein de cette organisation et sont donc prêts à prester du temps additionnel pour fournir un travail de qualité. Celui-ci envahira inévitablement l’environnement personnel/familial mais ne sera pas, pour autant, perçu comme négatif ou néfaste à l’articulation. Les gestionnaires ont, en effet, développé de multiples stratégies dans le but d’éviter que leur implication envers l’entreprise ne pèse exagérément sur leur vie « hors travail ». De plus, ils éprouvent, pour la plupart, une passion envers leurs activités professionnelles et ils ne sont donc pas contre le fait d’y consacrer davantage de temps. C’est donc un débordement vu par plusieurs comme volontaire plus que subi, les responsabilités de cadre l’imposant en quelque sorte.
85Le niveau hiérarchique du gestionnaire influence considérablement la quantité d’heures supplémentaires prestées. Il en est de même du sexe de l’interviewé. En effet, les femmes ont tendance à prester plus d’heures que leurs homologues masculins et ce, quel que soit le niveau hiérarchique, en partie parce qu’elles veulent s’assurer que le travail soit bien fait, mais aussi parce qu’elles ne veulent pas qu’on ait l’impression qu’elles sont moins engagées, en raison de leurs responsabilités familiales. Néanmoins, elles vont les réaliser à des périodes où cela ne rentrera pas en conflit avec leur vie familiale, surtout si elles ont de jeunes enfants. La perspective est la même pour ce qui est du travail à domicile des gestionnaires dans le sens où les enfants et les conjoints principalement masculins ont leur mot à dire, cela peu importe le niveau de responsabilités de ces derniers et des exigences ou contraintes de temps qui en découlent directement.
86Afin de diminuer au maximum le temps consacré à la sphère professionnelle au sein de l’environnement familial, tant les hommes que les femmes vont déléguer une partie, plus ou moins grande, de leurs tâches quotidiennes. Toutefois, la nature de leur emploi les oblige à rester joignables et disponibles en permanence. Cela ne semble pas leur poser trop de problème étant donné, d’une part, qu’ils sont engagés envers cette entreprise pour laquelle ils sont fiers de travailler et, d’autre part, qu’ils tiennent compte du niveau d’urgence des appels téléphoniques. De plus, cette organisation ne se situe pas dans une « logique de harcèlement » envers son personnel et elle limite donc au maximum les coups de téléphone.
87Les périodes de vacances à l’étranger sont tout de même les seuls moments où les cadres se déconnectent vraiment de leur vie professionnelle, les hommes éprouvant toutefois davantage de difficulté à débrancher totalement leur téléphone portable. Notons que les deux groupes ont quand même tendance à le laisser ouvert s’il leur est possible de traiter une urgence d’où ils se trouvent. On note ici une hiérarchisation des temps que l’on peut laisser envahir par le travail ; si ce dernier peut parfois déborder sur la vie personnelle/familiale en soirée ou le matin, c’est moins accepté le week-end, et encore moins pendant les vacances, comme nous l’avons vu plus haut. Par contre, on voit que les nouveaux outils de communication permettent un envahissement croissant de la vie personnelle/professionnelle des cadres, hommes et femmes.
88Les hommes et les femmes sans enfant, quant à eux, vont davantage négocier leur temps de travail avec eux-mêmes.
89Les femmes, surtout mères, estiment que la conciliation entre vie familiale et sphère professionnelle doit être prise en compte par les cadres, notamment dans la gestion de leur carrière. Les hommes, quant à eux, y font moins allusion et ils en profitent pour rappeler le rôle important et nécessaire de leurs conjointes à la maison ainsi que dans les contraintes domestiques. Il semble donc bien persister une division sexuelle du travail domestique, et les hommes cadres en profitent davantage que les femmes du même niveau, qui vont parfois externaliser certaines tâches domestiques (ménage, etc.) même si elles en conservent encore beaucoup (repas, courses, etc.).
90La condition évoquée par les femmes pour accepter d’occuper un poste avec davantage de responsabilités est qu’il demeure compatible avec leur vie privée et qu’il ne les oblige pas à faire de nombreux sacrifices sur ce plan. Les hommes accèdent plus facilement et plus rapidement aux postes supérieurs et pour la plupart, ils ont atteint un certain équilibre entre leurs obligations professionnelles et leurs contraintes familiales, ces dernières étant toutefois clairement plus légères que celles des femmes.
91Les femmes font plus spontanément référence à la qualité de vie et à l’équilibre dans leurs entrevues. Elles associent cela prioritairement à la famille. Les hommes, à l’inverse, évoquent d’abord le travail et la situation professionnelle pour, ensuite, citer l’aspect personnel. De plus, ils considèrent aussi que leur vie sportive fait partie de cet équilibre, ce qui rejoint l’observation de Bastid (2003), selon laquelle la notion d’adéquation ou de conciliation apparaît plus large chez les hommes.
92Quant à la conciliation entre vie privée et vie professionnelle en tant que telle, les femmes évoquent le temps que consacre leur conjoint à leur vie professionnelle alors que les hommes mettent en évidence l’aide que leur partenaire apporte à leur carrière, notamment en les déchargeant de certaines tâches ménagères. Une épouse ayant cessé ses activités professionnelles a d’ailleurs permis à son mari de développer son plan de carrière comme il le souhaitait. Cette observation rejoint celle de Laufer (2005), qui constate que les femmes adoptent plus aisément d’autres formes d’emploi ou de temps de travail pour favoriser la trajectoire professionnelle de leur partenaire perçue comme prioritaire.
93Toutefois, les hommes semblent, à l’heure actuelle, davantage s’investir dans la sphère privée, accorder de l’importance à la vie « hors travail » et aux obligations familiales et, dans certains cas (minoritaires tout de même), être prêts à mettre leur carrière entre parenthèses pour laisser la priorité à celle de leur partenaire. Malgré le fait qu’ils soient joignables en permanence, sous certaines conditions, les hommes insistent aussi, contrairement aux femmes, sur la nécessité de ne pas laisser une sphère empiéter sur l’autre et donc sur l’importance d’établir des frontières à ne pas dépasser. En ce sens, les hommes interviewés s’éloignent ici de la conclusion de Bastid (2003), affirmant qu’ils seraient plus enclins à laisser le monde du travail déborder sur la sphère privée. Le fait d’avoir des enfants ou non et leur âge jouent également un rôle important dans la gestion de cette articulation travail/famille. En effet, les personnes qui, pour des raisons personnelles, n’ont pas d’enfant éprouvent beaucoup de difficultés à imaginer ajouter cette variable à leur organisation quotidienne et celles dont les enfants sont devenus des adolescents ou des jeunes-adultes affirment pouvoir se concentrer à nouveau sur leur plan de carrière et s’autoriser à briguer des postes plus élevés.
94Aussi, les divorces, les familles recomposées et les systèmes de garde alternée incitent les hommes à repenser leur mode de fonctionnement afin de s’adapter au mieux aux besoins familiaux ; dans leur cas, c’est donc un changement dans les exigences de la vie familiale qui les amène à réfléchir davantage aux modalités de la conciliation, alors que pour les femmes, c’est dès le départ de toute vie familiale ou de couple. Les femmes ont développé certaines stratégies afin d’optimiser la conciliation entre les deux sphères telles que recourir à une aide familiale ou ménagère, solliciter l’entourage familial comme les grands-parents, etc. Par ailleurs, tant les hommes que les femmes apprécient la flexibilité d’horaires que leur permet cette organisation et ils jugent cette forme d’aménagement du temps de travail comme élément principal de satisfaction professionnelle et comme la solution la plus pertinente pour atteindre l’équilibre tant recherché entre famille et emploi.
95Dans ce cas, à l’inverse de ce qu’a observé Tremblay (2003, 2004a,b) pour d’autres groupes professionnels, le sexe de la personne n’apparaît pas ici comme une variable influençant le recours aux mesures organisationnelles de conciliation, les femmes cadres ne les utilisant pas plus que leurs confrères masculins. C’est possiblement le fait de faire partie du groupe des cadres qui explique cela, car dans les postes de niveaux subalternes, les femmes ont généralement davantage recours aux mesures de conciliation et d’aménagement du temps de travail (temps partiel, temps réduit, etc.).
96En ce qui concerne les mesures de conciliation, il est aussi intéressant de noter que certains outils fournis par l’entreprise afin de permettre le travail à domicile et à distance peuvent être détournés de leur objectif premier. En effet, par exemple, le téléphone cellulaire peut également être utilisé par les employés comme un moyen de contacter l’entourage familial et, de ce fait, de favoriser la conciliation, même s’il est principalement utilisé pour joindre les cadres en dehors des heures de travail régulières.
97A l’issue de cette discussion, nous pouvons revenir sur les objectifs de recherche que nous avons évoqué dans la partie consacrée à la revue des écrits :
- Malgré quelques changements et l’augmentation de la volonté des hommes de s’investir davantage dans la sphère privée et de ne pas voir une sphère empiéter sur l’autre, les femmes restent toujours les premières responsables de la sphère privée alors que pour les hommes, c’est le domaine professionnel qui prend le dessus. Les femmes consacrent plus de temps aux tâches familiales et domestiques, cela notamment pour permettre aux hommes de réaliser leurs objectifs professionnels. Ceux-ci insistent d’ailleurs sur l’importance de la place de leur épouse/conjointe au domicile. Aussi, en termes de qualité de vie, les femmes cadres font davantage référence à la famille et à l’équilibre tandis que les hommes cadres évoquent, en premier lieu, leur activité professionnelle de laquelle ils ont du mal à se détacher.
- Le deuxième point se vérifie puisque la situation des femmes sans enfant est quelque peu différente de celle des mères en matière de conciliation entre vie privée et vie professionnelle. En effet, les premières se soucient moins de leurs horaires de travail et des heures tardives prestées au bureau alors que les secondes vont plutôt poursuivre leurs tâches professionnelles au domicile le soir après s’être occupées des enfants. Les femmes qui ne sont pas parent ajustent leur temps personnel selon leurs propres envies et besoins, accordent davantage de temps à leurs loisirs, peuvent se permettre d’être moins organisées et éprouvent de réelles difficultés à imaginer ajouter la variable « enfant » dans leur emploi du temps quotidien. Même si elles recourent toutes les deux à des aides extérieures, les mères vont davantage le faire pour bénéficier de soutien auprès des enfants alors que les gestionnaires sans enfant cherchent à se soulager des différentes tâches domestiques.
- Le troisième objectif ne se confirme pas totalement dans ce contexte précis d’une entreprise publique connotée « masculine ». En effet, même si cette société publique développe certaines mesures favorisant la conciliation entre vie privée et vie professionnelle comme le système de garderie et le temps partiel, accessibles autant aux hommes qu’aux femmes, leur présence ne semble pas influer sur la capacité de conciliation des cadres en tant que telle, le temps partiel étant difficilement conciliable avec un poste de cadre. On considère qu’un tel niveau de responsabilités exige de travailler à temps plein, et que les personnes souhaitant travailler à temps partiel ne peuvent prétendre à des postes de cadre.
- Par contre, pour contourner les difficultés de conciliation, les femmes développent davantage des stratégies personnelles et individualisées intégrant, par exemple, leur réseau familial, leur entourage proche et des aides extérieures. En ce sens, si le soutien organisationnel peut être important, comme l’ont montré diverses recherches dont celle de Guérin et al. (1994) ou Tremblay (2012b), nous voyons ici que l’articulation travail/famille des cadres relève encore principalement du domaine privé.
- Les femmes sont souvent amenées à prester plus d’heures supplémentaires afin de pouvoir évoluer comme des hommes au sein de cette entreprise qualifiée de “masculine”. Elle doivent ainsi chercher en permanence à faire leurs preuves pour être reconnues et acceptées, ce qui amène certaines d’entre elles à renoncer à avoir des enfants et à jouir d’une vie familiale/amicale importante. Par exemple, les femmes sans enfant, à l’image des hommes, peuvent organiser seules leur temps de travail, cela sans tenir compte d’autres contraintes. Ainsi, dans ce dernier cas, elles peuvent consacrer autant de temps que les hommes à leur carrière et parvenir aux sommets presque aussi rapidement qu’eux.
6 – Conclusion
98En guise de conclusion, nous allons revenir sur notre question de départ consistant à savoir comment les hommes et les femmes cadres, parents ou non, concilient leurs temps professionnel, familial et personnel, et résumer les principales observations issues de la recherche.
99Comme nous avons pu le voir, le genre influence la manière d’établir des priorités, soit la sphère privée pour les femmes, soit la sphère professionnelle pour les hommes. En effet, les femmes continuent d’accorder beaucoup d’importance à la famille, aux enfants, à la maison, etc. et elles doivent y consacrer du temps, alors que les hommes dédient davantage de temps à leurs activités professionnelles, étant généralement moins pris par le travail domestique et les responsabilités familiales. Toutefois, nous avons observé une volonté croissante des hommes d’accorder plus de temps à leur famille. A l’inverse, le genre n’a pas d’impact sur le recours à une mesure de conciliation entre vie privée et vie professionnelle mise en place par l’organisation, le statut de cadre excluant notamment la réduction d’heures ou le temps partiel. Notons néanmoins que les femmes sont plus nombreuses à développer des stratégies personnelles destinées à mieux gérer l’articulation emploi/famille puisqu’elles sont davantage touchées par les défis temporels en cette matière.
100Quant à la nature de ce secteur lié aux transports en commun, elle rend plus difficile l’articulation des deux sphères chez les femmes. En effet, le caractère davantage masculin de cette organisation les oblige à faire plus d’efforts pour asseoir leur légitimité et par là même à fournir plus de temps pour parvenir, d’une part, à consolider leurs dossiers et, d’autre part, à accéder à des postes de gestion plus élevés. Elles doivent prouver qu’elles ont, tout comme les hommes, leur place aux sommets hiérarchiques, historiquement et traditionnellement réservés au groupe masculin, et cela leur prend ainsi plus de temps pour gravir les échelons, ce qui rejoint d’autres recherches, notamment celle de Laufer (2005). Aussi, leur volonté de mieux concilier leur travail avec des jeunes enfants les empêche de briguer un poste à trop hautes responsabilités durant cette période et donc, sans doute, à stagner d’un point de vue professionnel.
101Toutefois, et bien qu’il s’agisse ici d’une recherche qualitative de type exploratoire ne permettant pas de conclure définitivement, nous pouvons affirmer que les hommes et les femmes cadres ne concilient pas leurs différentes temporalités différemment uniquement en raison de leur sexe. Comme l’indiquent Guérin et al. (1994), la manière de percevoir et d’aborder l’articulation entre la sphère professionnelle et la vie privée semble aussi dépendre des caractéristiques de l’emploi et du niveau hiérarchique. En effet, les gestionnaires de premier niveau, de par la nature de leur poste, disposent de moins de flexibilité quant à leurs horaires. Aussi, le nombre d’heures consacrées au temps de travail additionnel et au travail à domicile est fonction du niveau hiérarchique. Les gestionnaires de deuxième et de troisième niveau ont tendance à prester davantage d’heures supplémentaires que leurs collègues de premier niveau. De plus, tel qu’évoqué par Guérin et al. (1997) et Bastid (2003), les particularités familiales jouent un rôle important quant à la gestion de cette conciliation. De fait, le divorce, l’absence d’enfant, le nombre d’enfants et leur âge, les systèmes de garde alternée, etc. amènent les individus, hommes et femmes, à revoir leur fonctionnement quotidien ou à l’envisager différemment, en laissant éventuellement plus de place, soit à leurs loisirs, soit à leur(s) enfant(s). Enfin, la culture organisationnelle ainsi que la nature du secteur d’activité exercent également une influence sur la manière d’équilibrer vie familiale et environnement professionnel. Le caractère public de la ST peut aussi être perçu comme un élément favorisant la conciliation travail/famille. En effet, même si le personnel estime travailler autant que leurs homologues issus du privé, il dispose de plus d’avantages tels que les congés, permettant de mieux gérer simultanément les deux sphères.
102Nous voulons finalement mettre en évidence un certain nombre d’éléments qui nous paraissent particulièrement intéressants et qui pourraient faire l’objet de recherches futures, tenant compte des limites d’une étude qualitative fondée sur un nombre limité d’entretiens. En effet, l’avantage d’une telle recherche est de pouvoir faire ressortir des éléments non nécessairement prévus à l’origine, en laissant libre cours à la parole des interviewés et en analysant ce discours par la suite. Nous voulons mettre en évidence cinq résultats à approfondir dans des recherches ultérieures :
- Le premier est le ralentissement de carrière des femmes cadres qui serait notamment dû à des contraintes familiales liées à la présence de jeunes enfants en particulier. Si ce frein a été observé dans d’autres travaux, on pourrait s’interroger sur les facteurs expliquant sa persistance, alors que les services de garde et les modes d’aménagement du temps de travail se sont multipliés, notamment dans cette organisation. Sans doute faudrait-il davantage réfléchir au soutien organisationnel que les entreprises pourraient accorder pour permettre aux femmes de mieux concilier emploi et famille en tant que cadre.
- Le deuxième résultat confirme l’importance de l’encadrement du conjoint et de la famille pour la carrière des cadres. Si l’importance du soutien du conjoint a été mise en évidence dans des travaux de nature quantitative, et sur d’autres catégories professionnelles (Guérin et al., 1994 ; Tremblay, 2004a,b, 2012b), notre recherche confirme son importance pour les cadres, hommes et femmes, tout en apportant des éléments qualitatifs sur la manière dont joue ce soutien.
- Le troisième constat est lié à la hiérarchisation des temps de débordement du travail sur la vie personnelle et familiale. Nous avons constaté que les cadres acceptent plus facilement que le travail déborde sur leurs soirées, puis sur leur week-end, mais qu’ils tentent de préserver leurs temps de vacances, en se déplaçant à l’étranger. On peut certes s’interroger sur les exigences temporelles du travail de cadre et se demander dans quelle mesure les nouvelles technologies n’asservissent pas trop la vie personnelle/familiale des cadres aux temps de l’organisation. On pourrait se demander si une certaine délégation de responsabilités ou un développement du travail en équipe ou de responsabilités partagées pourrait permettre de dégager quelque peu les cadres de ces exigences temporelles, du moins de répartir autrement le temps de disponibilité afin de le limiter pour chacun, plutôt que tous soient en permanence disponibles pour l’entreprise.
- Enfin, nous avons pu mettre en évidence quelques stratégies intéressantes et originales pour se préserver du temps, notamment celle d’un cadre qui bloque des réunions dans son agenda mais réserve en fait ces moments à sa famille. Bien que peu de cadres aient évoqué ce genre de tactiques, on pourrait certes approfondir l’analyse de ce type de stratégie de « préservation du temps personnel/familial », notamment en lien avec les observations précédentes sur la hiérarchie des temps (soirées, week-ends, vacances). C’est sans doute sur ces aspects de gestion du temps, en lien avec les carrières des cadres, qu’il conviendrait de poursuivre les recherches.
- Cette étude exploratoire ouvre également une autre perspective pour les recherches futures. En effet, il pourrait être aussi intéressant de voir comment les hommes et les femmes cadres issus de différents niveaux hiérarchiques auxquels sont associées des responsabilités plus ou moins grandes concilient leurs multiples temportalités. L’objetcif ici n’était pas de considérer le niveau précis de gestion du cadre et l’impact de ce dernier sur l’articulation emploi-famille, mais certains résultats ont démontré des différences importantes relatives au degré de responsabilités du gestionnaire. Il serait donc pertinent de poursuivre cette démarche en distinguant dans l’analyse, en plus des hommes et des femmes, les divers niveaux hiérarchiques des cadres.
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Mots-clés éditeurs : conciliation vie privée/vie professionnelle, transports, cadre, secteur masculin, articulation emploi/famille, genre
Mise en ligne 03/05/2013
https://doi.org/10.3917/grh.131.0117Notes
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[1]
Chiffres au 31 décembre 2010, informations recueillies sur le site Internet de l’entreprise. Ajoutons que les femmes représentent 24,7 % des cadres supérieurs et 36,8 % de l’ensemble des autres cadres au Québec en 2011 (source: Institut de la statistique du Québec (ISQ) : http://www.stat.gouv.qc.ca/donstat/societe/march_travl_remnr/cat_profs_sectr_activ/professions/pop_active/a003_2011.htm). Les données ne sont toutefois pas disponibles en fonction de la présence d’enfants ou de leur âge. Les femmes sont plus souvent gestionnaires dans les milieux féminins (elles sont 52 % de cadres parmi les gestionnaires de la culture en 2011: source : ISQ : http://www.stat.gouv.qc.ca/salle-presse/communiq/2011/janvier/jan1118.htm#). Elles sont aussi plus présentes comme gestionnaires dans les domaines de la santé et de l’éducation et dans les secteurs public et parapublic.