Notes
-
[1]
Nous faisons le choix de la nommer « langue d’origine » (et non « langue première ») car notre intérêt n’est pas didactique ou linguistique mais sociologique. Deux séries d’arguments soutiennent ce choix. D’abord, c’est la dénomination « langue d’origine » qui est utilisée dans les échanges courants scolaires, et non celle de « langue première » qui ne fait sens que pour les publics avertis. Ensuite, la notion d’« origine » illustre davantage la pertinence sociologique de cette intention de mobiliser avec/pour/par les élèves la langue que ces derniers sont supposés maîtriser. Cette construction sociale de la compétence linguistique de l’élève, pourtant relativement peu connue, particulièrement dans le cadre social flou et partiellement indéterminé socialement et scolairement de l’immigration, est bien davantage lié à l’« origine » réelle ou supposée des élèves, cette « origine » se construisant socialement dans le concret des situations scolaires ordinaires pour leur donner du sens.
-
[2]
Il est notamment reproché aux ELCO de stigmatiser les élèves bénéficiaires ou encore de s’appuyer sur des contenus pédagogiques décontextualisés niant les réalités linguistiques des élèves.
-
[3]
La différenciation pédagogique est pourtant au cœur de plusieurs pratiques de l’enseignant : lors d’une même séance, les élèves, en fonction de leur niveau en français, travaillent à des activités variées (lecture de fiches de vocabulaire pour les arrivants dans le dispositif ; compréhension de textes pour les autres) ou sur des supports différenciés pour une même activité (avec des fiches pour « débutants » et d’autres pour « avancés »). Mais tous ces supports écrits ne mobilisent que le français.
Introduction
1En France, les recherches en sciences sociales portant sur les traitements scolaires des élèves primo-migrants, c’est-à-dire désignés administrativement par l’institution scolaire comme « élèves allophones nouvellement arrivés » (EANA), sont peu nombreuses et s’appuient sur des données d’enquêtes désormais anciennes (Schiff, 2003 ; Zoïa, Visier, 2003 ; Zoïa, Schiff, 2004 ; Schiff, Fouquet-Chauprade, 2011). Celles relatives à leurs performances scolaires le sont aussi, alors que les publications concernant, de façon plus large, les enfants de migrants sont bien plus nombreuses et précoces (Zirotti, Novi, 1979 ; Zirotti, 1980 ; Zéroulou, 1988 ; Zirotti, 1989 ; Lorcerie, 1998 ; Vallet, Caille, 1996, entre autres). L’intérêt académique à l’égard de ces populations et de leur trajectoire scolaire n’a ensuite jamais diminué. À partir de l’exploitation des données de l’enquête TeO « Trajectoires et origines », copilotée par l’Institut national d’études démographiques (INED) et l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), des chercheurs ont proposé une analyse des trajectoires scolaires des enfants de migrants pour en souligner la complexité et l’hétérogénéité (Ichou, 2018), la polarisation sociale (Brinbaum, Kieffer, 2009) ou le poids des ressources familiales dans l’immigration (Moguérou et al., 2016). Par ailleurs, très récemment, à partir des données de la même enquête, une initiative inédite s’est centrée sur un corpus (par extraction) exclusivement composé d’individus ayant immigré entre 6 et 16 ans (période correspondant à l’obligation scolaire) ; ses résultats conduisent notamment à poser l’hypothèse d’un traitement institutionnel différencié pour les élèves primo-migrants, prenant la forme d’une relégation dans des classes de l’enseignement adapté et d’une surorientation dans des filières professionnelles courtes (Primon et al., 2018). Ces recherches fournissent un cadre de réflexion fondamental à l’analyse, mais elles reposent sur des recueils de données quantitatives a posteriori auprès de personnes devenues adultes au moment de l’enquête. Elles ne permettent donc pas de saisir les expériences sociales structurées à l’école aujourd’hui, ni d’analyser les mécanismes de construction de ce traitement institutionnel différencié au quotidien dans les classes, notamment en termes de ressenti (Dubet et al., 2013). Pour étudier cet aspect, il importe de s’interroger sur la forme scolaire constituant l’environnement de ces jeunes, d’en penser les processus de structuration et d’en présenter quelques effets.
Méthodologie
Certifié de lettres modernes, l’enseignant de français titulaire exerçant dans l’UPE2A est affecté sur son poste depuis trois ans et exerçait auparavant dans un autre établissement la même fonction. 26 jeunes (16 garçons et 10 filles), âgés de 11 à 16 ans, ont fréquenté ce dispositif selon des temporalités très variables (de quelques semaines à l’année scolaire dans son intégralité). Les origines nationales de ces élèves sont diverses (Algérie, Colombie, République démocratique du Congo, Égypte, Irak, Iran, Koweït, Lybie, Mali, Maroc, Moldavie, Pérou, Syrie et Tunisie) et leurs routes migratoires sont hétérogènes. Ils appartiennent majoritairement aux catégories populaires.
-
[*]
Cet établissement, entouré de logements sociaux mais non situé en zone d’éducation prioritaire, accueille une population mixte socialement. La commune sur laquelle il est implanté, historiquement industrielle et accueillant une forte population originaire d’Algérie, connaît depuis les années 2000 un mouvement significatif de gentrification. Les prix de l’immobilier dans le parc privé étaient en moyenne de 6 000 euros le mètre carré au moment de l’enquête (et ont augmenté depuis de près de 15 %), et la commune connaît d’importantes rénovations urbaines. Le taux de logement social avoisine les 40 %.
-
[**]
Nous ne préciserons pas l’année scolaire durant laquelle les observations ont été menées afin d’empêcher la reconnaissance des enquêtés.
-
[***]
Le projet Educinclu (2016-2019), « Éducation inclusive des enfants et jeunes migrants », financé par l’Institut de recherches économiques et sociales et soutenu par l’UNSA Éducation est dirigé par Maïtena Armagnague et Isabelle Rigoni. Il porte sur 12 établissements (6 du premier degré et 6 du second degré) dans trois académies : une en Île-de-France, une en province métropolitaine et une dans un DOM. Il repose notamment sur la production de monographies d’établissements scolaires.
2La forme scolaire constituant l’environnement des élèves désignés par l’Éducation nationale comme EANA procède d’une combinaison de plusieurs échelles articulées : macro, celle des orientations politiques et institutionnelles, interprétées localement par les acteurs académiques ; meso, celle des établissements scolaires à l’initiative des équipes de direction et de vie scolaire notamment ; et micro, celle de la classe entendue comme un espace interactionnel entre l’enseignant et les élèves. La rencontre entre ces différents univers constitue une clé d’analyse intéressante des politiques publiques actuelles en matière d’immigration (Bertossi, 2016). Nous nous limiterons dans cet article à deux de ces échelles : d’une part, celle du cadre institué « par le haut » via les productions réglementaires, et, d’autre part, celle de la classe.
3Pour les élèves primo-migrants, la politique publique organise une compensation par le biais d’un dispositif dédié, l’« unité pédagogique pour élèves allophones nouvellement arrivés » (UPE2A). Nous soulignerons dans un premier temps que cette institutionnalisation de la différenciation des parcours et des pratiques enseignantes à l’égard des élèves migrants oscille historiquement entre plusieurs logiques, notamment en ce qui concerne la prise en compte de la « langue d’origine » pour des élèves arrivés récemment dans le système éducatif français et n’en maîtrisant pas la langue. Dans un second temps, nous montrerons que cette ambiguïté se retrouve au sein de l’espace qu’est la classe et peut quelquefois participer à la création de situations pédagogiques inconfortables parce que la mobilisation des registres linguistiques n’est pas toujours prévue et maîtrisée par les enseignants et – surtout – parce qu’elle n’est pas non plus nécessairement comprise par les élèves.
Des prescriptions institutionnelles ambivalentes : entre centralité de la langue française et prise en compte de la langue d’origine
4Depuis plus d’un siècle, différentes logiques contradictoires – cristallisant la fonction de sélection de l’école ainsi que ses fondements humanistes et démocratiques – se retrouvent dans l’offre éducative à destination des enfants primo-arrivants. D’un côté, l’école est une institution ne reconnaissant traditionnellement pas l’expression de différences considérées comme liées à la vie privée de l’individu ; d’un autre côté, les enfants migrants entrant dans le système éducatif français, du fait de leur expérience migratoire, ont très tôt fait l’objet d’un traitement scolairement partiellement dédié (Armagnague, 2020). Ainsi, à la suite de la conférence franco-polonaise de 1924, les enseignements en langues et cultures d’origine (ELCO) sont créés en 1925, une circulaire précisant leur fonctionnement en 1939 : ils consistent en quelques heures hebdomadaires de cours en dehors du temps scolaire, organisés par un partenariat entre la France et l’État d’origine des migrants. Ils constituent la première entorse, à l’époque mal assumée (Sayad, 2014), au principe d’indifférenciation républicain de l’institution scolaire. Dans le raisonnement institutionnel, ils posent les principes politiques selon lesquels les migrants sont à rattacher à leur pays d’origine. À cette époque, on croit – ou l’on feint de croire – que les migrants repartiront avec leurs enfants, ce que certains ont effectivement fait : c’est la « noria » analysée par Gérard Noiriel (1988). Par la suite, corrélativement à une arrivée massive de jeunes étrangers du fait d’une politique de regroupement familial, on pensera des dispositifs « d’accueil » mais dont les principes d’accompagnement éducatifs seront influencés par (et parfois confondus avec) les ELCO [2] (Lazaridis, Seksig, 2005 ; Zirotti, 2006). Dans les années 1970, sont ainsi créées les classes d’initiation pour non-francophones (CLIN) pour les élèves du premier degré, et les classes d’adaptation (CLAD) pour ceux du second degré. Ces dispositifs ambitionnent de faire une remise à niveau intensive et reposent sur un fonctionnement ségrégatif. Depuis les années 1990, et plus récemment dans les deux circulaires de 2012 promouvant des dispositifs plus « ouverts » (les UPE2A), l’inclusion scolaire est officiellement prônée. La rhétorique de l’inclusion sous-jacente à cette ouverture formelle préconise l’arrêt d’un traitement scolaire ségrégatif considéré comme inégalitaire et désavantageux. Or, dans le même temps, les politiques européennes puis nationales invitent les systèmes éducatifs à se mettre en conformité avec les exigences d’accessibilité et donc de prise en considération de la diversité à l’école et d’accessibilité universelle (élèves en situation de handicap, « dys », « haut potentiel », etc.) [Ebersold, 2017]. Dans ce contexte de promotion de l’accessibilité scolaire, les enseignants sont exhortés à mettre en œuvre de la différenciation pédagogique et donc des traitements qui ne sont, par définition, pas les mêmes pour tous. Lue à travers le prisme de l’héritage des ELCO, la différenciation pédagogique, dans le contexte de la scolarisation des enfants et des jeunes migrants, va régulièrement s’organiser selon des grammaires didacticiennes prônant l’interculturalité et le plurilinguisme.
5Cet encouragement au plurilinguisme va d’emblée, sans que cela ne soit nécessairement intentionnel, semer le trouble dans le raisonnement institutionnel de l’école qui se conçoit comme un instrument de fabrication d’une homogénéité politique par la langue française. Car, dans ce projet politique, la langue française a historiquement joué un rôle décisif : en 1789, elle a été construite en se synthétisant et par opposition à la noblesse et au latin ; elle a été véhiculée par des acteurs intellectuels acquis à la cause révolutionnaire qui développèrent à cette époque l’instruction de la langue française comme outil d’expression politique (oralisée ou écrite, comme dans les cahiers de doléances) et comme un instrument d’unification (et de formation) d’un peuple face à une élite (Balibar, 1999). Dans ce contexte, le système éducatif français a, depuis les lois Ferry sur l’école, défini une position institutionnelle stable : celle de la priorité de la maîtrise de la langue française. Pourtant, récemment, sous la pression notamment des institutions européennes, l’institution scolaire a modifié sa perception des langues parlées par les migrants. En 2009, un rapport de l’Inspection générale de l’éducation nationale (IGEN) et de l’Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) affirme, en s’appuyant sur les travaux de linguistes, que la maîtrise de la langue maternelle est un atout pour l’apprentissage d’une nouvelle langue. Il invite aussi à suivre l’approche comparative développée notamment par Nathalie Auger (2008), soutenant une plus grande prise en compte de la langue d’origine des élèves lors de l’apprentissage du français pour des avantages didactiques mais surtout symboliques : « On peut, sans grand risque, faire l’hypothèse que les bénéfices sont d’ordre psychologique, dans la mesure où est assurée la reconnaissance symbolique, au sein de la classe et de l’école, de la langue et de la culture d’origine des élèves » (Klein, Sallé, 2009, p. 97). La reconnaissance de la langue d’origine des élèves par l’institution scolaire éviterait leurs éventuels blocages et susciterait leur motivation lors des activités scolaires. Or, dans le même temps, les auteurs de ce rapport invitent à prendre des précautions : l’approche comparative, consistant à comparer le français et la langue d’origine, doit déboucher sur des « acquis méthodologiques intéressants » et ne pas être mise en place au détriment du premier objectif de l’enseignant : l’apprentissage du français.
6Ce principe interculturel, reposant sur la mobilisation de la langue d’origine des élèves, s’est largement imposé jusqu’à devenir dans certains lieux de formation, une doxa prescriptive attachée à une lutte pour la reconnaissance, associant rationalités didactiques (« permettre aux élèves de continuer à parler leur langue d’origine sera plus efficace pour qu’ils maîtrisent la langue française ») et rationalités morales (permettre à l’enfant de – continuer à – parler sa langue d’origine serait vecteur d’étayage psychologique et producteur d’une « dignité scolaire »). Cette posture est ainsi encouragée notamment lors des formations continues des enseignants dispensées par les centres académiques pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (CASNAV) ou par le ministère de l’éducation nationale et nourrit aujourd’hui le discours et les pratiques enseignantes cherchant à développer des formes pédagogiques reconnaissant ou valorisant la « langue d’origine » (désormais nommée « langue première » par les didacticiens des langues). Mais dans le concret de la classe, parce que tous les enseignants concernés ne sont pas didacticiens des langues, parce que les didacticiens des langues n’ont pas la charge permanente et à temps complet d’une classe « réelle », cette posture héritière de la valorisation du plurilinguisme expose l’enseignant à des situations pédagogiques inconfortables et peut créer des incompréhensions chez les élèves.
La mobilisation de la langue d’origine en classe : un cadre pédagogique flottant
7Valorisée formellement dans les textes officiels, la mobilisation de la langue d’origine participe concrètement à produire des formes d’insécurité pédagogique pour les enseignants et les élèves dont l’expérience communicationnelle se retrouve assujettie à un tâtonnement peu maîtrisé. À partir d’observations réalisées dans le dispositif étudié, nous montrerons comment elle s’apparente davantage à un outil ponctuel de soutien : le référent linguistique est mobilisé chez le professeur quand une difficulté pédagogique intervient pour certains élèves. Le recours à la langue d’origine cristallisant alors un désir de différenciation pédagogique chez l’enseignant présente plusieurs limites.
8En classe, l’enseignant d’UPE2A parle essentiellement en français. Toutefois, il mobilise aussi assez fréquemment à l’oral la langue que les élèves parlent avec leurs parents : lors de chacune de nos journées d’observations, il a eu au moins une fois recours à une autre langue que le français. Cependant, ce recours est très limité ; il s’agit le plus souvent d’échanges verbaux très brefs entre l’enseignant et un élève, voire quelques élèves. Limités aussi dans leur fonction, ces échanges prennent le plus souvent la forme d’une transmission d’informations (sur l’emploi du temps ou d’autres informations relatives aux sorties scolaires, aux réunions) dont l’enseignant veut s’assurer que l’élève (ayant des difficultés de compréhension en français) les a bien comprises.
Par exemple, au début du mois de janvier, « l’enseignant échange avec Sylvia (élève nouvellement arrivée de Colombie) en espagnol (avec quelques mots en français) : il lui explique son emploi du temps et lui dit d’apporter le lendemain des baskets et un jogging car elle ira en cours d’EPS [éducation physique et sportive]. »
10Ou encore, quelques semaines plus tard : Nalya, d’origine colombienne, arrive en retard en cours de français (UPE2A). L’enseignant regarde son emploi du temps et constate que Nalya a cours de mathématiques et non de français, qu’elle s’est donc trompée de cours. L’enseignant lui parle alors en espagnol pour lui dire de se rendre en cours de mathématiques ; Nalya lui répond aussi en espagnol.
11Le recours à la langue d’origine des élèves par l’enseignant est ici spontané ; il relève d’un pragmatisme du professeur destiné aux élèves qui viennent d’arriver dans le dispositif et/ou qui ne comprennent pas ou très peu le français. Mais au vu des compétences linguistiques de l’enseignant, ces échanges ne concernent que les élèves hispanophones. Pour les autres élèves, comme les arabophones (majoritaires dans la classe), l’enseignant a alors recours à deux stratégies.
12Tantôt, il mobilise l’anglais avec les élèves ayant quelques notions de cette langue, comme c’est le cas de Mounir, d’origine libyenne ainsi que l’illustre l’extrait de journal d’observation suivant :
En fin de premier trimestre, « l’enseignant demande aux élèves de vérifier leur emploi du temps. Il se rend ainsi compte que Mounir n’est pas allé en EPS les deux heures précédentes. Il lui demande alors à quelle heure il commence les cours le lendemain. Mounir ne comprend pas. L’enseignant demande alors : “What time?” Mounir répond en français : “9”. »
14D’autres fois, plus fréquemment, l’enseignant sollicite les autres élèves de la classe pour jouer le rôle de traducteurs :
Au début du mois d’avril, « l’enseignant donne des informations pour l’école ouverte (activités proposées par l’établissement scolaire pendant les vacances de printemps) en précisant que la participation n’est pas obligatoire mais que les inscriptions sont bientôt clôturées. Farès, arabophone d’origine syrienne, ne comprend pas l’information transmise. L’enseignant lui répète deux fois en français que ce n’est pas obligatoire puis demande à un autre élève qui pourrait se porter volontaire de lui traduire en arabe ce qui vient d’être dit. Gamila, arabophone, s’en charge. »
16Par ailleurs, les échanges entre l’enseignant et les élèves dans leur langue d’origine concernant directement les apprentissages, et non plus seulement des questions organisationnelles, sont plus rares mais présentent des caractéristiques similaires à ceux décrits précédemment : très brefs, ils ont pour but de s’assurer que l’élève a bien compris et sont centrés sur l’espagnol que l’enseignant maîtrise.
En fin de premier trimestre, « les élèves réalisent seuls des exercices présentés sur un polycopié. L’enseignant circule au milieu des rangées et regarde ce que les élèves écrivent. Il dit alors à Mariana, d’origine péruvienne, qu’un des mots qu’elle a soulignés n’est pas un adjectif (alors que les mots à souligner doivent être des adjectifs). Il lui traduit le mot en espagnol et dit en français “c’est un adjectif ?”, puis l’enseignant traduit cette même phrase en espagnol. Mariana comprend alors et se corrige. »
18Dans cet exemple, le recours à la langue que comprend le mieux l’élève (l’espagnol) semble lui être utile scolairement. Ce recours à la langue d’origine, dans une interaction entre le professeur et un seul élève, manifeste ainsi une volonté de l’enseignant d’individualiser sa correction et son accompagnement : face à Mariana, qui fait une erreur et qui ne semble pas comprendre la correction en français, l’enseignant n’hésite pas, car il a les compétences linguistiques pour le faire, à traduire son explication en espagnol. Mais de fait, cette individualisation n’est possible que pour les élèves hispanophones.
19Or, d’autres tentatives de recours à la langue d’origine des élèves, réalisées en début d’année scolaire lors de temps pédagogiques collectifs s’avèrent, elles, moins fructueuses.
20Première situation. En début d’année scolaire, trois élèves sont présents en classe : Mylène, hispanophone, Aman et Reda, tous deux arabophones. L’enseignant visionne un extrait de film. Le début de la projection montre à l’écran des paysages parisiens et des voies urbaines arborées. Après quelques minutes de visionnage, l’enseignant demande aux élèves de commenter l’extrait. Reda dit à voix haute le mot « forêt ». L’enseignant veut lui faire dire le mot « arbres » ; il lui mime pour l’aider à deviner. Il écrit ensuite des mots de vocabulaire au tableau puis repasse le début du film. Il énonce alors le mot « monument » puis demande aux élèves de le traduire dans leur langue d’origine, sûrement pour vérifier qu’ils ont bien compris et peut-être aussi pour que ces derniers restent concentrés. Mais l’enseignant ignore la traduction du mot « monument » en arabe alors même qu’il le demande ; il n’est donc pas en mesure de vérifier la bonne compréhension des élèves.
21On peut s’interroger sur la pertinence de la demande de traduction émanant de l’enseignant, étant donné que celui-ci n’est en capacité de vérifier qu’une seule des réponses, celle de l’élève hispanophone. On peut faire l’hypothèse qu’interroger les deux élèves arabophones relèverait d’une stratégie de reconnaissance symbolique de la langue arabe dans l’enceinte de la classe, en n’excluant pas ces élèves de l’échange, et d’une volonté de favoriser leur implication dans l’activité, comme c’est le cas dans la deuxième situation, qui interroge également l’efficacité pédagogique des pratiques de l’enseignant.
22Deuxième situation. Quelques semaines plus tard, la séance observée est consacrée aux phrases de présentation. Véran, d’origine péruvienne, passe au tableau pour écrire « Bonjour. Je m’appelle Véran » et « j’ai 15 ans » en français (dans la colonne de gauche) puis en espagnol (dans une deuxième colonne, à droite) (« Buenos días. Yo me llamo Véran », « Tengo 15 anos »). L’enseignant demande à la classe les points communs dans les deux langues – entre l’espagnol et l’arabe en termes de structure de la phrase. Akim répond « je ». Puis, l’enseignant demande à Akim et Reda s’ils parlent la même langue. Ils répondent que non mais que c’est la même langue à l’écrit. L’enseignant demande alors à Akim de passer au tableau pour écrire les deux phrases en arabe. Akim dit : « Je vais essayer. » L’enseignant répond : « Pourquoi essayer ? » Akim explique qu’il n’écrit plus en arabe. En Algérie, il écrivait en français et en arabe à l’école. Maintenant, il communique de temps en temps en arabe par messages avec ses amis en Algérie. La suite de l’exercice sur la comparaison des langues s’avère compliquée ; un débat s’ouvre entre les deux élèves hispanophones, Mylène et Véran, sur la présence d’un verbe en espagnol : Véran dit qu’il n’y a pas de verbe, Mylène affirmant le contraire. L’enseignant commente : « J’ai l’impression que je connais votre langue mieux que vous. » Il ajoute qu’il y a un verbe et demande lequel. Mais Mylène et Véran éprouvent des difficultés à identifier le verbe « appeler ». Mylène semble d’ailleurs complètement perdue par cet exercice sur la comparaison des langues ; elle finit par répondre à l’enseignant en espagnol. Véran semble quant à lui beaucoup s’ennuyer. Un débat s’ouvre aussi entre Akim et Reda sur la présence d’un verbe dans la phrase en arabe. Reda soutient qu’il y en a un ; Akim affirme le contraire puis finit par dire qu’il a oublié. Mais le temps consacré à la comparaison français/arabe est plus court, l’enseignant disant rapidement à Akim et Reda qu’elle ne maîtrise pas leur langue.
23Cette séance illustre certaines limites de l’approche comparative, encouragée officiellement. On constate tout d’abord que la langue projetée par l’enseignant comme étant une spécificité de l’élève n’est pas celle que ce dernier choisit de s’approprier. En cela, la tentative de recours à cette langue étrangère relève de l’assignation à une culture qui n’est pas signifiante pour lui (dans ces exemples, la langue arabe). De plus, le recours à une langue autre que le français est de nouveau tributaire des compétences linguistiques de l’enseignant. Pouvoir différencier dans la langue d’un élève et ne pas pouvoir le faire dans la langue d’un autre se concrétise ainsi par un temps moindre accordé à des élèves parfois en difficulté scolaire.
24L’enseignant nous explique, au cours de la séance, qu’à travers la comparaison des langues, il veut principalement obtenir des informations sur les acquis des élèves ; il constate ainsi que Mylène et Véran ne savent pas ce que sont des verbes, même dans leur langue ; il ajoute « ça va être très compliqué ! » (sous-entendu scolairement, en termes de maîtrise de la grammaire, qui devrait être acquise compte tenu de leur âge). Plus largement, pour le professeur, cet exercice a aussi pour objectif d’aider les élèves à transformer leurs compétences acquises en grammaire dans la langue d’origine en compétences en français (même si dans les faits ce travail de comparaison est très peu étayé par l’enseignant). Mais lorsqu’on lui pose la question des contenus au Pérou ou en Colombie, les deux pays d’origine de Véran et Mylène, l’enseignant répond qu’il ne sait pas si la grammaire y est enseignée. La question de la traduction d’éventuelles compétences scolaires peut donc difficilement être posée. Il ajoute qu’en espagnol, il y a des verbes (il s’est d’ailleurs documenté sur la langue espagnole) mais il ne sait pas s’il y existe la décomposition scientifique de la langue comme en français (sous la forme de l’étude de la grammaire). Un exercice approfondi de comparaison des langues demanderait à l’enseignant, qui n’est pas didacticien des langues, un important travail de préparation, d’autant plus s’il est pensé pour l’ensemble des élèves.
25Cette partie de séance mobilisant formellement (lors d’un temps pédagogique dédié) la langue d’origine des élèves sera la seule scène observée : la langue d’origine n’est pas utilisée par l’enseignant comme un instrument de différenciation pédagogique pour les supports écrits [3]. Il apparaît principalement comme un outil ponctuel de soutien, afin de favoriser la compréhension de certains élèves en difficulté, et hispanophones. Or, les tâtonnements de l’enseignant débouchant sur cet usage implicite ne sont pas sans produire des « malentendus » chez les élèves (Bautier, Rayou, 2009).
26La langue d’origine des élèves est reconnue de manière tâtonnante par l’enseignant. Pendant les cours, les élèves d’UPE2A échangent fréquemment dans leur langue d’origine. Par exemple, ils n’hésitent pas à s’entraider pour répondre aux consignes de l’enseignant. Mais, face à ces échanges entre élèves dans une autre langue que le français, l’enseignant a une position ambivalente : tantôt il « laisse faire » ; tantôt il les réprimande sous forme d’injonctions verbales.
Mi-novembre, « les élèves étudient en cours de français une œuvre d’art et doivent décrire la peinture. Farès, qui souhaite participer, demande plusieurs fois à ses camarades une traduction de mots (de l’arabe en français), comme les termes “cheveux” ou “serpent”. Aman et Reda répondent aux sollicitations de leur camarade. L’enseignant n’intervient pas ; à aucun moment il ne reprend Farès qui ne parle pas du tout en français. Puis, Farès redemande quelque-chose à Aman en arabe. Aman lui dit : “Moi pas compris.” Il veut alors lui parler en arabe mais à ce moment-là l’enseignant l’en empêche en disant : “Aman, tu peux parler français, toi.” »
28Dans cet exemple, on fait l’hypothèse que la différence de niveau en français entre Aman et Farès explique la différence de réaction de l’enseignant. Mais aucune règle n’est explicitée ou du moins comprise par les élèves : Aman se sent autorisé à parler en arabe et donc le fait, mais c’est précisément à ce titre qu’il est réprimandé. Cependant, d’autres fois, des discussions entre élèves ne portant apparemment pas sur le cours entraînent des interventions de la part de l’enseignant qui peuvent sembler contradictoires :
Lors d’un cours du mois de décembre, « Véran, hispanophone, et Akim, arabophone, discutent. On entend Véran dicter en français un mot à Akim. L’enseignant demande ce qu’ils font. Akim répond : “Il me donne des mots en espagnol. “Classeur”, ça veut dire quoi ?” L’enseignant, d’un ton peu enjoué, dit : “Ah d’accord” et laisse faire. Quelques minutes plus tard, l’enseignant demande à Akim d’aller chercher un livre dans l’armoire. Akim rigole ; l’enseignant demande pourquoi ; il répond que Véran lui a dit “classeur”. L’enseignant demande : “En espagnol ?”, Akim dit : “Oui.” L’enseignant ajoute alors : “Là, il faut être concentré sur le français. L’espagnol ce sera plus tard.” »
30Quelques semaines plus tard, l’enseignant fait une remarque similaire à Reda qui discute en arabe avec des camarades : « On ne parle pas arabe, au moins en classe. »
31Le fait que l’enseignant laisse dans certains cas les élèves s’exprimer dans leur langue d’origine et même les sollicitent pour leur traduction alors qu’à d’autres moments (parfois durant la même séance) il leur interdise ce recours n’est pas sans créer des incompréhensions chez les élèves, que les deux situations précédemment présentées et que nous proposons de prolonger peuvent illustrer :
32Première situation. En septembre, lors du visionnage de la vidéo (l’extrait de film abordé plus haut), l’enseignant demande aux élèves de dire le mot « monument » dans leur langue. Ensuite, il passe un second extrait de la vidéo et demande aux élèves de commenter. Mylène répond en espagnol. Le professeur lui dit alors : « Je ne veux pas en espagnol, je veux en français. »
33Pour l’enseignant, le retour à l’exercice implique automatiquement l’usage du français tandis qu’il a initié l’usage de langues autres (l’espagnol et l’arabe) pour impliquer les élèves précédemment. Mais ce glissement d’une fonction pédagogique à l’autre n’est pas explicité aux élèves, qui ne semblent pas le maîtriser.
34Deuxième situation. Au cours de la situation du mois d’octobre, lors de la traduction au tableau de phrases françaises de présentation en espagnol et en arabe, l’enseignant a sollicité l’usage de la langue d’origine des élèves. Mylène doit écrire « Comment tu t’appelles ? », mais elle écrit « Commo », car elle n’a pas compris que la consigne était de le faire en français (la consigne n’a pas été explicitée). Reda la corrige : « Comment. » Véran lui dicte alors en espagnol le mot « comment ». L’enseignant le reprend : « En français. On a appris l’alphabet. »
35En somme, les choix de l’enseignant oscillent entre une volonté de mobiliser la langue d’origine des élèves et un refus d’y recourir dans d’autres situations pourtant considérées comme analogues par les élèves, principalement lorsque cette mobilisation émane d’eux. Il est possible de considérer que la règle tacite soit de l’ordre du pragmatisme, dans une recherche d’efficacité pédagogique : dans l’enceinte de la classe, la mobilisation de la langue d’origine doit être sollicitée par l’enseignant dans l’objectif d’accompagner les élèves les plus en difficulté en français. Dès lors, les permissions accordées aux élèves de recourir à d’autres langues se restreignent en fonction des situations, de leur niveau en français et des compétences linguistiques de l’enseignant. Le professeur décourage ainsi l’usage spontané d’une autre langue que le français, alors que ces expressions sont les témoins d’une prise d’initiatives, pouvant être interprétée comme un gain d’assurance ou d’autonomie de la part des élèves, qui ne devrait se faire qu’en français, langue supposée de l’émancipation scolaire. Dans cette configuration, les règles ne sont pas explicitées a posteriori et elles ne le sont pas plus en amont des situations pédagogiques pour définir un fonctionnement stable et anticipable pour les élèves.
Conclusion
36Malgré les préconisations officielles, notre étude montre que, dans les pratiques, la langue d’origine reste une donnée sensible pour les professeurs qui la mobilisent ou la reconnaissent de façon tâtonnante, faute notamment d’outils pour le faire. Ces pratiques pédagogiques ambivalentes sont alors sources d’insécurité pédagogique et de malentendus pour les élèves, qui peinent à se positionner face aux attentes de l’institution.
37Ce recours non maîtrisé à la langue d’origine des élèves n’est donc dans ce cas ni un support psychologique étayant ni un vecteur systématique d’efficacité didactique, contrairement au profit escompté. Ainsi, la mobilisation tâtonnante de la langue d’origine des élèves par l’enseignant est largement tributaire de ses compétences linguistiques, ce dernier étant davantage en capacité d’apporter un soutien aux élèves dont il maîtrise la langue, au détriment des autres élèves, ce qui peut poser des problèmes de justice et de reconnaissance entre élèves. Derrière l’impératif d’accessibilité et de valorisation du plurilinguisme, l’existence d’un cadre de pratiques instable pourrait ainsi aboutir à un traitement scolaire différencié et être source de sentiments d’injustice chez les élèves. Il s’agit là du paradoxe possible d’une politique de compensation, qui contribue à faire, sans intentionnalité aucune, de ce qui était initialement pensé comme un « moyen pédagogique adapté » un obstacle à l’objectif recherché. Cette focalisation « ritualiste » sur le moyen contrevient ainsi à l’ambition pédagogique innovante de départ de s’ajuster à une procédure d’apprentissage. Au-delà, elle révèle les paradoxes et les enjeux sociaux et pédagogiques des injonctions identitaires associées à des jeunesses minorisées véhiculés notamment par les réglementations et leur mise en actes dans les pratiques quotidiennes des acteurs scolaires.
Bibliographie
Bibliographie
- Armagnague M., 2020, « Besoins éducatifs particuliers » et inclusion scolaire des enfants et jeunes migrants : le grand tâtonnement », in Mendonça-Dias C. et al. (dir.), Allophonie. Inclusion et langues des enfants migrants à l’école, Limoges, Lambert-Lucas, p. 25-38.
- Auger N., 2008, « Favoriser le plurilinguisme pour aider à l’insertion scolaire et sociale des élèves nouvellement arrivés (ENA) », Glottopol, n° 11, p. 126-137.
- Balibar R., 1999, « L’école de 1880 le français national : républicain, scolaire, grammatical, primaire », in Antoine G., Martin R. (dir.), Histoire de la langue française, 1880-1914, Paris, CNRS éditions, p. 255-293.
- Bautier É., Rayou P., 2009, Les inégalités d’apprentissage. Programmes, pratiques et malentendus scolaires, Paris, PUF.
- Bertossi C., 2016, La citoyenneté à la française. Valeurs et réalités, Paris, CNRS éditions.
- Brinbaum Y., Kieffer A., 2009, « Les scolarités des enfants d’immigrés de la sixième au baccalauréat : différenciation et polarisation des parcours », Population, n° 3, vol. 64, p. 561-610.
- Dubet F., Cousin O., Macé É., Rui S., 2013, Pourquoi moi ? L’expérience des discriminations, Paris, Le Seuil.
- Ebersold S., 2017, « L’école inclusive, face à l’impératif d’accessibilité », Éducation et sociétés, n° 40, p. 89-103.
- Ichou M., 2018, Les enfants d’immigrés à l’école. Inégalités scolaires, du primaire à l’enseignement supérieur, Paris, PUF.
- Klein C., Sallé J. (dir.), 2009, La scolarisation des élèves nouvellement arrivés en France, Rapport n° 2009-082 au ministre de l’éducation nationale, IGEN/IGAENR.
- Lazaridis M., Seksig A., 2005, « L’immigration à l’école. Évolution des politiques scolaires d’intégration », Santé, société et solidarité, n° 1, p. 153-163.
- Lorcerie F., 1998, « Sur la scolarisation des enfants d’immigrés en France », Insaniyat. Revue algérienne d’anthropologie et de sciences sociales, n° 6, p. 19-38.
- Moguérou L., Brinbaum Y., Primon J.-L., 2016, « Les ressources scolaires des immigrés à la croisée des histoires migratoires et familiales », in Beauchemin C. et al., Trajectoires et origines. Enquête sur la diversité des populations en France, INED éditions, p. 147-174.
- Noiriel G., 1988, Le creuset français. Histoire de l’immigration (xixe-xxe siècle), Paris, Le Seuil.
- Primon J.-L., Moguérou L., Brinbaum Y., 2018, « Les enfants migrants à l’école française. Accueil, parcours, relégation et expériences scolaires d’après l’enquête Trajectoires et Origines », Revue européenne des migrations internationales, n° 4, vol. 34, p. 13-43.
- Sayad A., 2014, L’école et les enfants de l’immigration, Paris, Le Seuil.
- Schiff C. (dir.), 2003, Non scolarisation, déscolarisation et scolarisation partielle des migrants. Les obstacles institutionnels à l’accès des enfants et adolescents nouvellement arrivés en France à une scolarité ordinaire. Rapport final, Programme interministériel de recherche Éducation nationale-PJJ-FASILD-DIV sur les processus de déscolarisation.
- Schiff C., Fouquet-Chauprade B., 2011, « Parcours scolaires et conditions d’accueil des primo-arrivants », in Glasman D., Œuvrard F. La déscolarisation, Paris, La Dispute, p. 181-202.
- Vallet L.-A., Caille J.-P.,1996, « Les élèves étrangers ou issus de l’immigration dans l’école et le collège français », Les dossiers d’Éducation et formation, n° 67.
- Zéroulou Z., 1988, « La réussite scolaire des enfants d’immigrés. L’apport d’une approche en termes de mobilisation », Revue française de sociologie, n° 3, vol. 29, p. 447-470.
- Zirotti J.-P., 1980, La scolarisation des enfants de travailleurs immigrés. Tome 2 : Taxinomies et situations scolaires, Rapport de recherche, Université de Nice.
- Zirotti J.-P., 1989, « Constitution d’un domaine de recherche : la scolarisation des enfants de travailleurs immigrés », Babylone, n° 6-7, p. 210-254.
- Zirotti J.-P., 2006, « Enjeux sociaux du bilinguisme à l’école », Langage et société, n° 116, p. 73-91.
- Zirotti J.-P., Novi M., 1979, La scolarisation des enfants de travailleurs immigrés. Tome 1 : Évaluation, sélection, orientation (Analyse d’un processus), Rapport de recherche, Université de Nice.
- Zoïa G., Visier L., 2003, Émigrer en France à l’âge du collège, Programme interministériel de recherche « Culture, villes et dynamiques sociales », IUFM de l’académie de Montpellier.
- Zoïa G., Schiff C., 2004, L’accueil à l’école des élèves primo-arrivants en France, Paris, La Documentation française.
Notes
-
[1]
Nous faisons le choix de la nommer « langue d’origine » (et non « langue première ») car notre intérêt n’est pas didactique ou linguistique mais sociologique. Deux séries d’arguments soutiennent ce choix. D’abord, c’est la dénomination « langue d’origine » qui est utilisée dans les échanges courants scolaires, et non celle de « langue première » qui ne fait sens que pour les publics avertis. Ensuite, la notion d’« origine » illustre davantage la pertinence sociologique de cette intention de mobiliser avec/pour/par les élèves la langue que ces derniers sont supposés maîtriser. Cette construction sociale de la compétence linguistique de l’élève, pourtant relativement peu connue, particulièrement dans le cadre social flou et partiellement indéterminé socialement et scolairement de l’immigration, est bien davantage lié à l’« origine » réelle ou supposée des élèves, cette « origine » se construisant socialement dans le concret des situations scolaires ordinaires pour leur donner du sens.
-
[2]
Il est notamment reproché aux ELCO de stigmatiser les élèves bénéficiaires ou encore de s’appuyer sur des contenus pédagogiques décontextualisés niant les réalités linguistiques des élèves.
-
[3]
La différenciation pédagogique est pourtant au cœur de plusieurs pratiques de l’enseignant : lors d’une même séance, les élèves, en fonction de leur niveau en français, travaillent à des activités variées (lecture de fiches de vocabulaire pour les arrivants dans le dispositif ; compréhension de textes pour les autres) ou sur des supports différenciés pour une même activité (avec des fiches pour « débutants » et d’autres pour « avancés »). Mais tous ces supports écrits ne mobilisent que le français.