Notes
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[1]
Doctrine élaborée par Khomeyni à la fin des années 1960, qui, en l’absence de l’imam, en « occultation » depuis l’an 941, donne le droit au juriste-théologien « de statuer en son nom, tant sur les questions religieuses et spirituelles que sur les affaires politiques » (Mervin, 2008, p. 208). En effet dans le chiisme duodécimain, le douzième imam « aurait disparu miraculeusement âgé de seulement huit ans et n’aurait plus communiqué avec le monde que par l’intermédiaire de quatre agents, délégués ou médiateurs […]. C’est seulement à la mort de ces agents de l’invisible, en 941, que commence la Grande Occultation […], ère nouvelle qui ne s’achèvera qu’à la Fin des temps » (Richard, 1991, p. 60).
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[2]
Sur l’idéologie du parti, voir Saad-Ghorayeb, 2002.
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[3]
Cette banlieue qui avait était « planifiée pour être un banlieue-dortoir s’est constituée autour de la capitale et des plaines agro-industrielles de Hadath-Choueifat » (Harb, 1996, p. 2).
-
[4]
Entretien de l’auteure avec un cadre fondateur du Hezbollah, Beyrouth, 2011.
-
[5]
En 1974, l’imam Musa al-Sadr crée au Liban le Mouvement des déshérités (harakat al- mahrûmîn) puis, en 1975, sa branche armée afwâj al-muqâwama al-lubnâniyya (les Bataillons de la résistance libanaise), bientôt connue sous l’acronyme AMAL. Depuis 1980, ce mouvement est guidé par Nabih Berri. Voir Norton, 1987.
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[6]
On peut retrouver cette terminologie dans plusieurs films documentaires produits par le Hezbollah sur la guerre de 2006, notamment Ici c’est la banlieue (hunâ dâhiyye), film documentaire produit par le parti en 2008. Voir sur ce sujet Abi Samra, 2010.
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[7]
Au cours de ces dernières années, nombreuses ont été les tentatives israéliennes et étatsuniennes d’infiltrer le parti. Voir le journal Al-mushâhid al-siyâsî, 27 mai 2000, p. 17-18. En juin 2011, Hasan Nasrallah admet l’existence de trois espions au sein du Hezbollah, dont deux pour le compte de la CIA. En décembre 2014, Mohammad Chawraba, membre du parti, est accusé d’espionnage au profit d’Israël. Voir L’Orient-Le Jour, 20 décembre 2014.
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[8]
Le terme « sayyid » indique la descendance de la famille du Prophète pour les chiites. Le sayyid a fait des études religieuses et porte un turban noir, à l’inverse du cheikh, clerc qui ne descend pas du Prophète et porte un turban blanc. C’est donc par ce terme que les militants désignent Hassan Nasrallah.
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[9]
Né en 1960, Hasan Nasrallah commence sa carrière dans le parti en tant que combattant. Il est élu troisième secrétaire général du Hezbollah en 1992 à l’âge de 31 ans, au lendemain de l’assassinat par Israël du guide du parti de l’époque Abbas Moussawi. En 2001 il est élu secrétaire général à vie. Voir Mawsû‘a: Nasrallah, al-rajul alladhî yakhtasir’umma (Encyclopédie : Nasrallah, l’homme qui résume une nation), Beyrouth, Liban, 2006.
-
[10]
Le Freedom Summer est un moment important du mouvement de droits civiques aux États-Unis. Au cours de l’été 1964, presque un millier de jeunes Blancs, issus en majorité de la bourgeoisie étasunienne, partent dans le Mississipi – l’un des états les plus racistes et violents – pour participer à une campagne d’inscription des électeurs Noirs sur les listes électorales. Ces volontaires feront face à une forte répression policière.
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[11]
Dans ce cas, ces éléments devaient aussi être liés à ce que McAdam (1990) appelle des obstacles à la participation, c’est à dire : le rejet des organisateurs, l’opposition des parents et la peur des candidats.
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[12]
Entretien avec plusieurs responsables du parti.
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[13]
Pour plus de détails sur cette formation, voir Calabrese, 2016.
-
[14]
Voir note 1.
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[15]
Littéralement « gens de la maison ». L’expression désigne la famille et les descendants du prophète Muhammad. Sur la doctrine voir Amir-Moezzi, 2007.
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[16]
Je reprends la définition qu’en donne Lagroye : « […] l’ensemble des pratiques dont un catholique est en principe capable de s’acquitter, mais aussi l’ensemble des justifications des pratiques qu’il doit, en principe également, pouvoir mobiliser » (Lagroye, 2009, p. 6).
-
[17]
Entretiens, mars et avril 2011.
-
[18]
Entretien avec Maher, Beyrouth, novembre 2008.
-
[19]
La bataille de Karbala est un événement central dans les chiismes politiques. En 680, l’imam Husayn, alors qu’il veut défendre son droit de succession du prophète contre le calife omeyyade Yazid, affronte avec ses compagnons la troupe omeyyade à Karbala dans l’actuel Iraq. Après dix jours de combat et d’encerclement, il est tué avec ses compagnons et des membres de sa famille. Les survivants, dont sa sœur Zaynab et son fils Ali qui deviendra le quatrième imam pour les chiites, sont emmenés en captivité à Damas auprès de la cours du calife. Sur cette bataille voir Fischer, 1980.
1Cet article se propose d’analyser le processus d’engagement des jeunes de classe populaire au sein du Hezbollah libanais dans la banlieue sud de Beyrouth. Ce parti, né au début des années 1980 sous la forme d’une organisation de lutte armée contre l’occupation israélienne au Liban (1982-2000), propose un modèle d’« engagement totalisant », au sens où il dépasse la seule dimension politique pour englober toutes les autres « sphère de vie » (Passy, 2005), y compris les sphères personnelle, intime et affective. Ce modèle d’engagement prévoit ainsi, pour les hommes qui veulent adhérer au parti, des sessions culturelles et militaires, chaque membre du parti étant un combattant réserviste.
2Dans ce contexte, on pourra donc se demander, comment, dans une institution partisane qui propose un modèle du « bon militant » totalement dévoué à l’institution et à son projet de société alternative, ici nommée « société de la résistance » (mujtama’ al-muqâwama), se déroule l’entrée des jeunes. Quel est le rôle des groupes de pairs, des amis et des proches dans l’entrée en militance au parti ? La question de la « disponibilité biographique » (McAdam, 1990) est-elle mobilisable pour rendre compte de l’investissement des jeunes dans cet « engagement à haut risque » (McAdam, 1986) qui prévoit aussi la participation au combat armé ? Comment, une fois dans le parti, ces jeunes négocient-ils leur « rôle » dans une institution qui dicte les règles de ce qui est moralement « licite » et « illicite » en vue de construire une « société d’excellence morale » ? Enfin, comment, dans leurs pratiques quotidiennes, ces jeunes combinent-ils leurs intérêts et activités de jeunesse avec ce choix de vie ?
3L’engagement dans le Hezbollah prend ses racines au sein de solidarités et de sociabilités partisanes, familiales et professionnelles, mais c’est seulement après un apprentissage dans le parti et une intériorisation – très variée – du modèle de militantisme que le parti diffuse que cet engagement revêt une forme concrète.
4L’hypothèse que j’avance ici est que si l’âge et les liens amicaux jouent un rôle important dans l’entrée en militance au Hezbollah, faisant parfois de cette adhésion « davantage une affaire collective qu’individuelle » (Sommier, 2011, p. 262), les dynamiques de cet engagement ne peuvent pas être comprises si on ne les inscrit pas dans leur contexte sociohistorique (Fillieule, 2005) et dans les structures organisationnelles qui façonnent ce militantisme (Sawicki, Siméant, 2009) en produisant aussi « une structure de sens » (Passy, 2005) qui contribue au maintien de ces engagements dans le temps. Ainsi, contrairement à une vision très répandue qui décrit la base militante du Hezbollah comme homogène et monolithique, l’engagement dans ce parti est en réalité le fruit de trajectoires multiples et de niveaux d’investissements variables, qui seuls rendent compte de l’univers du Hezbollah. Ces intériorisations multiples du modèle du « bon militant » diffusé par le parti sont en partie liées aux histoires individuelles, aux propriétés sociales et aux intérêts de ces individus dans le parti.
Méthodologie
À partir des outils théoriques et méthodologiques de la sociologie du militantisme, il s’agira d’appréhender l’engagement dans ce mouvement relevant de l’islam politique chiite en nous appuyant sur une analyse des trajectoires militantes (Fillieule, 2001) de ces jeunes adhérents, sans pour autant délaisser les structures organisationnelles et collectives dans lesquelles cet engagement prend corps (Collovald, 2002 ; Nicourd, 2009). Cela permettra d’éclairer deux champs d’analyse principaux : les conditions d’entrée dans le parti d’une part, les socialisations primaires et secondaires, ainsi que le « façonnage organisationnel » du militantisme (Sawicki, Siméant, 2009) d’autre part.
Le Hezbollah : ancrage territorial et militant
5Apparu dans les années 1980 en tant qu’organisation militaire (Saad-Ghorayeb, 2002 ; Picard, 2007), le Hezbollah accorde dès sa création la priorité à la lutte armée contre l’occupant israélien (Saad-Ghorayeb, 2002), avec le soutien logistique et financier de la République islamique d’Iran. Depuis, ce parti qui entre dans le jeu politique libanais en 1992, avec la participation aux élections législatives et au gouvernement en 2005, n’a jamais déposé les armes. Son action a abouti à la libération du Liban en 2000, qui le consacre dans son rôle de « parti de la résistance ». C’est au nom de cette résistance que le Hezbollah obtient d’être le seul parti à ne pas être visé par la politique de désarmement au lendemain de la guerre libanaise (1975-1990). Les référentiels de son action reposent alors sur deux dimensions : l’une s’inspirant du projet de Ruhollah Khomeyni et reposant sur la doctrine de la wilâyat al-faqîh (guidance du juriste-théologien [1]), et une dimension politique, pragmatique et territoriale, renvoyant à la lutte contre Israël en tant qu’occupant du territoire libanais (1978-2000) [2].
6Vers la moitié des années 1980, le Hezbollah établit sa base dans la banlieue sud de Beyrouth [3] (Harb, 2003, p. 13). Cette nouvelle organisation recrute initialement, comme l’explique un cadre fondateur, surtout parmi les jeunes « qui avaient le désir de lutter contre l’occupant. […] C’étaient des jeunes qui avaient une expérience directe de l’occupation et qui étaient prêts à la combattre. Ils avaient vu les régimes arabes faillir contre Israël et se retrouver sous l’influence des États-Unis [4] ». Le parti commence ses activités politiques et ses réunions dans certaines mosquées de la banlieue sud où ces jeunes suivront des cours de religion et d’histoire. En 1988, la compétition entre le Hezbollah et le mouvement AMAL [5] pour le contrôle de certains quartiers de cette banlieue se transforme en « affrontements armés qui se terminent en 1989 par l’éviction du mouvement AMAL de la banlieue sud-est » (Harb, 2003, p. 13).
7L’ancrage territorial et militant du Hezbollah dans les rues de Dahiyeh se traduit aussi par une intense activité sociale avec l’implantation d’un réseau associatif qui couvre plusieurs domaines : la santé, l’éducation, le social, l’habitat (Fawaz, 1998 ; Harb, 2003). Ces associations vont non seulement dispenser des avantages matériels aux militants, mais aussi fonctionner, pour certains habitants, comme des « structures organiques au parti » (Gramsci, 1975) contribuant à la prise en compte des idées, des valeurs et de la vision du monde du parti. Le Hezbollah, au fil des années, de par sa forte implantation territoriale à Dahiyeh, devient non seulement « un projet systématique d’agencement du pouvoir, mais aussi un vecteur identitaire » (Hastings, 1991, p. 430) faisant de cette banlieue après 2006, quand des quartiers entiers de Dahiyeh seront rasés par l’aviation israélienne, « la capitale de la résistance », « la rebelle qui ne meurt jamais [6] ».
Entrée en militance : processus de socialisation et réseaux de recrutement
8Le Hezbollah ne possède pas de bureau de recrutement, ne distribue pas de carte d’adhésion à ses membres, et l’entrée au parti passe par les relations familiales, de parentèle ou par le biais d’amis et de voisins. La majorité des militants interviewés affirment y être entrés par l’intermédiaire d’un proche ou grâce à une connaissance. Ces loyautés structurant les réseaux amicaux et familiaux, pour une organisation qui a été et est toujours l’objet de tentatives d’espionnage [7], permettent bien évidemment de limiter les risques.
9Aussi, dans les parcours d’engagement des jeunes militants du Hezbollah, l’influence de la famille et/ou du milieu scolaire – notamment l’université – sont autant d’éléments importants dans le processus d’entrée en militance au parti. Ahmad est né en 1984 dans la banlieue sud, au sein d’une famille déjà engagée dans le Hezbollah. Il rejoint le parti en 2006, à l’âge de 22 ans, alors qu’il est étudiant en sociologie à l’Université libanaise. Il explique :
« J’ai connu le Hezbollah à travers ma famille. Depuis que je suis petit, j’entends dire par mon père, qui a rejoint le parti dès sa fondation, que ce parti n’est pas comme les autres, car il combat pour une véritable cause, une cause qui appartient à tous les Arabes et à tous les musulmans : la cause de la Palestine. À 20 ans, quand je me suis inscrit à l’Université libanaise, j’ai commencé à suivre des conférences que le Hezbollah y organisait et j’ai été de plus en plus convaincu par ses idées. »
11Le parcours d’Ali, né en 1987 dans la banlieue sud de Beyrouth et qui a rejoint le parti en 2007 à l’âge de 20 ans, s’inscrit lui aussi dans une continuité familiale. Son père et son frère étaient des combattants du parti, et sa mère travaillait dans l’une de ses organisations :
« Ma famille était déjà au parti. Mon père l’a rejoint dès sa fondation en servant la lutte armée contre l’occupation israélienne dans les années 1980-1990, tandis que ma mère travaille aujourd’hui dans une organisation du parti. Donc, depuis que je suis petit, je vois des photos du sayyid [8] Nasrallah [9] dans la maison et j’entends parler du Hezbollah et de sa résistance contre Israël. Je voyais ma mère pleurer quand Nasrallah parlait à la télévision et elle m’expliquait que c’était un héros, car il nous avait rendu notre terre et notre maison. À 20 ans, j’ai choisi d’entrer au parti. »
13Dans le cas d’Ahmad et Ali, qui sont aujourd’hui des combattants du parti, le choix d’adhérer au Hezbollah s’inscrit dans la continuité des idées politiques de leurs familles. Tous les membres de la famille d’Ali sont fortement engagés dans le parti ; la politique s’est ainsi imposée à lui, le parti ayant toujours occupé une place importante dans sa vie et celle de sa famille. Pour Ahmad qui a aussi grandi dans une « ambiance familiale Hezbollah », l’entrée à l’Université libanaise a renforcé la socialisation familiale, notamment par la rencontre d’autres militants et par la fréquentation des conférences du parti qui se tiennent régulièrement à l’université. C’est aussi là qu’il a pris conscience de l’envergure du projet politique du parti, qu’il présente comme le plus efficace car « le seul […] capable de mettre fin à l’occupation israélienne pas seulement au Liban mais aussi en Palestine ».
14En ce qui concerne Maher, son engagement au Hezbollah marque une rupture avec son entourage familial. Né en 1991 dans la banlieue sud de Beyrouth, il s’engage au parti à 19 ans en 2010. Aujourd’hui, il en est membre sans exercer de responsabilité officielle, et travaille dans un magasin de la banlieue sud :
« J’ai connu le Hezbollah lorsque j’avais 18 ans, en première année de sciences politiques à l’Université libanaise. Avant, on peut le dire, j’étais, comme ma famille, proche du mouvement AMAL. Après, quand j’ai commencé à fréquenter l’université, j’y ai connu plusieurs militants du Hezbollah et en les fréquentant j’ai pu me rendre compte qu’en effet le Hezbollah était le mouvement le plus proche de mes convictions, surtout politiques. »
16Pour Maher et Ahmad, la fréquentation de militants du parti a eu un rôle respectivement de conversion et de renforcement de l’adhésion aux idées du parti. La fréquentation de ces militants qui avaient – selon leurs dires – « des comportements admirables » marque le début d’un processus d’identification qui deviendra, une fois l’engagement au parti accompli, « un mode de vie » (uslûb al-hayyât).
17Il est important ici d’observer que ces trajectoires d’engagement s’inscrivent dans un contexte où l’idéologie du Hezbollah est devenue presque une norme (Deeb, Harb, 2013) : plusieurs jeunes militants rencontrés parlent d’un « jaww Hezbollah » (« atmosphère Hezbollah ») pour décrire leur quartier. Cela peut représenter une première différence avec la génération des jeunes qui ont rejoint le parti dans les années 1980 et 1990 quand l’ambiance dans cette banlieue était plutôt dominée par des partis de gauche et nationalistes. Toutefois, aujourd’hui, des offres concurrentes de socialisation existent, quoique limitées : c’est le cas du mouvement AMAL, qui mobilise un grand nombre des jeunes de cette banlieue.
18Les longs débats avec les camarades déjà militants à l’université ont permis à Maher et à Ahmad de connaître ou de mieux saisir les objectifs du parti et de les mettre en contact avec les agents de recrutement du Hezbollah. Comme l’ont montré plusieurs études de sociologie de l’action collective, les réseaux d’interconnaissance sont un vecteur important dans l’adhésion à un parti (Snow et al., 1980 ; Della Porta, 1995) : ils « apparaissent non seulement comme des instances de socialisation, mais comme les vecteurs de la prise de contact avec les organisations » (Duriez, Sawicki, 2003, p. 17).
19Dans son étude sur la participation des militants au mouvement de Freedom Summer [10] aux États-Unis, Doug McAdam montre bien comment la « disponibilité biographique » des jeunes candidats – « n’ayant le plus souvent ni conjoint, ni enfant, ni travail à temps plein » (McAdam, 1990, p. 44) – et leur inscription dans des réseaux sociaux liés à ce projet sont deux facteurs importants qui expliquent la participation et la non-participation [11] au mouvement (McAdam, 1990, p. 55).
20La figure centrale dans le processus de recrutement du Hezbollah est celle du délégué du parti qui assure le lien (râbit) entre l’individu et celui-ci, dans chaque village ou quartier où le Hezbollah est présent. Son rôle est d’assister et de repérer les militants potentiels, ceux qui peuvent, selon la direction, avoir des affinités avec le parti.
21Ahmad, par exemple, insiste sur cette « dimension collective » du recrutement :
« On ne peut pas arriver seul au parti. Le parti n’a pas de bureau de recrutement où l’on pourrait s’inscrire et enregistrer une adhésion. D’ailleurs, le parti ne distribue pas de carte de membre à ses militants. Il faut être introduit par quelqu’un qui est déjà au parti, un membre de la famille ou un ami proche. Cette personne présente le futur membre au délégué du parti qui se trouve dans chaque village ou quartier. Mais parfois, ce sont les délégués eux-mêmes qui approchent certaines personnes en leur proposant par exemple de participer à des réunions ou à des prières dans la mosquée, afin de leur faire découvrir les idées du parti et de voir s’ils sont intéressés. Mais c’est seulement possible s’ils connaissent ces personnes ou leur famille et s’ils ont confiance en eux. »
23Ainsi, l’entrée d’Ali au parti se fait par le biais de son frère aîné, déjà membre, qui, indirectement, le met en contact avec le délégué de son quartier.
24Une inclinaison pour les idées du parti peut rester sans aucun effet tant qu’aucune médiation concrète n’établit de lien : il est en effet presque impossible d’« arriver seul au parti », assurent plusieurs militants. La présence d’un proche, d’un ami, représente dans ce cas aussi « une certitude de l’ordre sécuritaire [12] ». Ce passage à l’acte doit avoir pour vecteur une relation de confiance. Cela renforce l’idée que les liens familiaux, parentaux et amicaux sont décisifs dans l’adhésion au parti.
25Si les socialisations initiales sont importantes dans le processus d’entrée en militance, c’est parce que ce sont les structures organisationnelles, comme nous le verrons, qui donnent à ces dispositions une forme concrète.
Les mécanismes de conformation militante et leurs mises en pratique
26Comprendre les modalités de l’engagement implique de se focaliser sur la rencontre entre le modèle du « bon militant » proposé par l’organisation et ses réappropriations par les individus engagés, ce qui impose de distinguer le modèle et l’adhésion – ou mieux les adhésions – au modèle. Comme le dit Claude Dubar, « la formation des identités partisanes ne se réduit pas à des processus descendants, allant du haut vers les masses, elle est bien plutôt une construction conjointe du parti et de l’individu engagé » (Dubar, 1994, p. 231).
27C’est pour cette raison que je m’intéresserai ici à la manière dont le Hezbollah, lorsqu’il accueille des militants potentiels, « règle leur participation, les sélectionne, les fidélise et les façonne » (Vendramin, 2013, p. 22), ainsi qu’« aux multiples manières de vivre l’appartenance à ce collectif, de participer à ses activités, de le construire en pratique tel qu’il est » (Lagroye, 2009, p. 5).
La production du « bon militant »
28Le Hezbollah dispose d’un appareil de formation de ses militants parfaitement structuré. Après la libération de 2000, cet appareil s’est enrichi et sophistiqué. La formation militante est anticipée, dans certains cas, par un ensemble de pratiques : la plus classique consiste en des conférences et des débats consacrés aux problèmes actuels ou à certains aspects de l’idéologie du parti (Abu Rida, 2012). La formation militante se divise en une mobilisation culturelle (ta’bi’a thaqâfiyya) et une mobilisation militaire (ta’bi’a ‘askariyya) dont on peut retracer les principales étapes en dix niveaux de formation [13]. Chaque niveau s’étale sur une durée de temps déterminée. Il se clôt par un examen écrit portant sur les notions théoriques qui ont été inculquées. L’âge minimum pour commencer ce parcours est fixé à 16 ans.
29Cette formation a pour objectif de familiariser les aspirants militants avec la dimension idéologique du parti, sa vision de la société et son interprétation de l’islam. Pour ce faire, les cours portent sur le chiisme, la wilâyat al-faqîh [14], l’histoire, la philosophie, la politique, l’histoire des prophètes, des imams et des ahl al-bayt [15]. Ils sont dispensés par des cheikhs, des oulémas, voire des militants qui ont déjà acquis une formation. En fonction des différents niveaux de formation suivis et des responsabilités qu’endossera par la suite l’individu au sein du parti, l’accent est mis sur la dimension culturelle ou militaire. Plus on avance dans les différentes étapes prévues par la formation, plus la place occupée dans le parti sera importante.
30À la fin de cet apprentissage, ceux qui le souhaitent et qui en ont les capacités physiques peuvent devenir combattants (mujâhidûn) – avec l’accord indispensable des cadres du parti –, bien que tous soient des combattants réservistes que le parti peut appeler en cas de nécessité et qui ont l’obligation d’accomplir des missions de surveillance à la frontière (nizâm al-murâbita) [Qassem, 2008a, p. 76].
31Les rôles que les militants peuvent occuper dans le parti sont corrélés à leur niveau de formation idéologique et à leur dévouement au parti et à sa cause. Le choix de poursuivre une carrière combattante reste à la discrétion du militant et des cadres du parti, mais il dépend aussi des compétences de chacun. Pour Ahmad et Ali, la participation au combat armé participe des rétributions symboliques de cet engagement. À commencer par l’image de héros : car le combattant, au sein de cette société partisane est celui qui se sacrifie pour le collectif et la cause à laquelle il est prêt à donner sa vie. Ali rappelle par exemple le début de sa carrière combattante au parti après avoir fréquenté les sessions de formation nécessaires :
« Devenir combattant dans ce parti a changé toute ma vie. Ce jour-là, j’ai senti pour la première fois que j’étais en train de faire quelque chose pour lutter contre l’injustice, j’ai senti que j’étais en train de protéger mes proches, ma famille et mon pays. »
33Les paroles d’Ali montrent comment l’engagement participe à l’agency au sens de William Gamson (1991), c’est-à-dire à la capacité d’« être acteur de sa vie et de sa propre histoire ».
34Par la lutte armée, Ali a concrétisé sa volonté « de faire quelque chose » pour lutter contre une occupation qui avait opprimé selon lui, ses proches, sa communauté et son pays. Le combat armé a redonné à Ali, comme à d’autres combattants dans le parti, « l’agency manquante » pour retrouver un sentiment de dignité et d’orgueil (Bosi, 2016, p. 53). Le choix de la lutte armée est pour lui, comme l’avait déjà noté Lorenzo Bosi dans son étude sur les militants de la Provisional Irish Republican Army (IRA) en Irlande du Nord, un « devoir moral » (Bosi, 2016, p. 37), « un sacrifice qu’il faut faire ».
Les adhésions au modèle
35Si un modèle du bon militant existe, il existe aussi au parti une pluralité de manières d’« habiter l’institution » (Fretel, 2011). Cette pluralité est le résultat de ce qui se joue dans les négociations entre modèle et réappropriation du modèle partisan. Ces « manières d’être [16] », comme le dit Jacques Lagroye, sont « largement déterminées par les caractéristiques sociales et culturelles des fidèles et par les relations qu’ils ont établies dans l’institution et en-dehors d’elle » (Lagroye, 2009, p. VI). En outre elles sont déterminées par le contexte de l’engagement.
36Ahmad et Ali l’expliquent ainsi :
« Une fois que le parti nous confie une responsabilité ou une fois qu’on est tout simplement membre du parti, nous nous devons de donner l’exemple dans le quartier. Il faut avant tout respecter les gens qui y habitent et chercher à résoudre leurs problèmes. Nous nous devons d’avoir une attitude irréprochable, car avec nos actions nous pouvons inciter d’autres personnes à entrer au parti. Nous ne pouvons pas par exemple serrer la main d’une femme. Il est aussi préférable de nous marier avec une fille qui est, elle aussi, une militante au Hezbollah et qui donc porte le voile. Si elle ne l’est pas, il faut au moins qu’elle porte le voile. Bien sûr, ce n’est pas une obligation du parti, on a le choix de suivre ces recommandations ou non, mais c’est mieux de choisir une personne qui a les mêmes principes que nous. »
« Dès que l’on commence les sessions, on nous enseigne à distinguer le licite de l’illicite (al-halâl min al-harâm). Une fois que l’on est au parti, il ne faut pas boire d’alcool, ne pas fréquenter des restaurants qui ne sont pas halâl, notamment ceux qui vendent de l’alcool, ne pas écouter de musique, ne pas saluer une femme de la main. »
39Ahmad et Ali mettent ici l’accent sur le fait que l’engagement au sein du Hezbollah dicte aussi des règles de comportement, des choix de vie et de « présentation de soi », car qui est membre du parti « doit constituer un modèle idéal [qudwe] [17] » au sein de cette « société d’excellence morale » que le parti cherche à mettre en place. La séparation entre la vie quotidienne et l’engagement militant disparaît puisque chaque geste de la vie quotidienne est relié à l’activité militante qui représente une priorité. L’enjeu collectif prime ici sur l’enjeu individuel.
40La force de codification de la figure militante par le parti est bien mise en évidence quand Ahmad parle des membres qui ne sont pas, selon lui, « engagés à 100 % » (« multazimîn bil-hizb miyya bil-miyya ») :
« Les hommes et les femmes qui ne sont pas engagés totalement au Hezbollah comme nous le sommes ne peuvent pas avoir de responsabilités dans le parti. Nous n’aimons pas, par exemple, leur manière de se comporter avec les gens […]. S’engager au Hezbollah signifie également pour nous obéir aux normes du parti et aux comportements qu’il exige de nous […]. Les partisans [munâsirîn], quant à eux, veulent faire comme ils l’entendent : par exemple, certaines filles disent soutenir le parti, mais ne veulent pas porter de “vêtement légitime” [libâs shara’î], et des garçons veulent être au parti, mais aussi aller danser. Cela n’est pas permis. »
42On peut voir ici comment, lorsqu’ils décrivent un membre du parti, les militants se réfèrent à un modèle d’engagement qui coïncide fidèlement avec le modèle proposé par l’institution. Tout comportement déviant est disqualifié. Ces pratiques peuvent être caractérisées, ainsi que le proposent Amin Allal et Nicolas Bué, de « discipline incidente » : une discipline « qui renvoie d’abord à la sociabilité militante, qui produit de la conformité et de l’autoconformation au-delà des structures de l’organisation partisane proprement dite » (Allal, Bué, 2016, p. 35).
43La forte interconnaissance entre les militants explique le contrôle social du groupe quant à l’implication de ses membres. Pourtant, ce modèle du « bon militant » diffusé par le parti ne rend compte qu’imparfaitement de la réalité des investissements militants concrets. Maher explique, par exemple, comment, bien que soutenant le parti et ayant fréquenté quelques sessions de la formation militante, il ne se sent pas encore prêt à faire entrer le parti dans toutes les dimensions de sa vie, car cela implique « un mode de vie qu’il ne veut pas adopter pour l’instant, mais qu’il adoptera peut-être plus tard » :
« Bien que je soutienne ce parti et que j’aie suivi les deux premiers niveaux de la formation militante, je ne me considère pas, et d’ailleurs le parti non plus, comme un membre, comme quelqu’un de totalement engagé dans le parti [multazim bil-hizb miyya bil-miyya], car, par exemple, je salue les femmes en leur serrant la main et en leur faisant la bise, alors que je sais que c’est un comportement réprouvé par le parti. En revanche, je fais la prière tous les jours et chaque vendredi je vais à la mosquée. Je ne bois pas d’alcool et je ne sors pas dans les discothèques ou les restaurants où il y a de la musique. Je ne vais pas non plus à la plage avec des femmes et je participe à plusieurs activités du parti. Mais tout cela ne suffit pas pour être un membre du parti [multazim bil-hizb]. »
45Le propos de Maher, qui est commun à plusieurs jeunes du parti, montre à quel point il est difficile de combiner le mode de vie que le parti exige avec les intérêts et les activités de jeunesse, notamment la fréquentation des restaurants ou des cafés qui diffusent de la musique, des plages où il y a des femmes, la possibilité de s’habiller comme ils le souhaitent « et pas seulement avec des couleurs sombres comme le parti le veut [18] ». C’est parce que ces jeunes ne sont pas prêts à renoncer à leurs activités de jeunesse, à accepter les différentes contraintes liées à cet engagement, que plusieurs d’entre eux préfèrent adopter un engagement plus distancié.
46La difficulté à vivre cet engagement au quotidien semble constituer une différence entre la jeunesse militante du parti et les autres catégories d’âge, qui ne vivent pas ces renoncements à certaines activités comme des contraintes. Plusieurs de ces jeunes repoussent ces renoncements à « quand ils seront plus âgés » ou à « après le mariage ». En effet plutôt que l’insertion dans la vie professionnelle, c’est l’entrée en couple et le mariage qui sont souvent cités par ces jeunes militants comme des étapes significatives à partir desquelles leur engagement militant peut subir des évolutions, en particulier dans le sens d’une accélération vers l’adoption du modèle militant proposé par le parti. À côté de ces accélérations, l’entrée en couple, et notamment le mariage avec une femme qui ne partage pas les idées du parti, peut signer parfois – cela plus généralement pour les jeunes ayant déjà un engagement distancié vis-à-vis du parti – des prises de distances ultérieures et/ou des itinéraires de désengagement et de rupture avec l’organisation.
47Le Hezbollah reste intransigeant sur la formation et la codification militante, ce qui signifie qu’il est très difficile d’avoir une responsabilité dans le parti, d’en devenir un membre, si on se distancie du rôle militant codifié. Et cela est d’autant plus difficile pour les militants qui ne sont pas issus des familles aisées ou qui n’appartiennent pas à des familles occupant des postes importants dans le parti, des compromis et des ajustements pouvant en effet être plus faciles dans le cas de militants appartenant à des familles influentes dans le parti.
Conclusion
48Les parcours de ces jeunes issus de classe populaire au sein du Hezbollah mettent en évidence le fait que la jeunesse, comme l’ont montré d’ailleurs plusieurs études sur l’engagement politique des jeunes, peut être un moment propice pour s’engager dans un parti, par dévotion et/ou par solidarité envers ses amis. Cette solidarité peut se renforcer en cas de guerre et/ou en cas de mort d’un ami au combat par exemple, ce que Donatella Della Porta, dans son étude comparative sur les mouvements armés de la gauche en Allemagne et en Italie, a appelé respectivement « faciliting factors » (facteurs facilitants) et « precipating factors » (facteurs déclenchants) [Della Porta, 1995]. Toutefois, comme l’a déjà montré dans d’autres contextes Anne Muxel, « l’âge à lui seul ne dirait rien, mais, combiné à d’autres éléments de situation, il jouerait alors tout son rôle » (Muxel, 2011, p. 301). Ce n’est qu’après une mise en contact avec le parti et un apprentissage militant continu au sein de celui-ci que cet engagement prend une forme concrète.
49Cette importance des liens amicaux, bien que présente, est beaucoup moins citée par les jeunes militants ayant rejoint le Hezbollah dans les années 1980 et 1990, pour lesquels le désir de rejoindre la lutte armée contre l’occupant israélien est souvent cité comme moteur de l’engagement. L’insistance dans les discours de ces militants plus âgés sur des causes plus politiques que relationnelles s’inscrit bien évidemment dans une socialisation militante plus longue au sein du parti mais aussi dans un vécu différent : celui d’avoir fait l’expérience de la violence de l’occupation israélienne au quotidien, ce qui n’est pas le cas de la jeunesse militante actuelle qui n’a pas connu l’occupation israélienne, Israël ayant quitté le Liban en 2000.
50Toutefois, s’il est vrai que cet engagement se fait de manière collective, il n’en est pas pour autant inévitable : le choix d’adhérer au parti demeure un choix individuel et conscient. De nombreux jeunes rencontrés insistent sur le fait que plusieurs de leurs amis ont choisi de ne pas rejoindre le parti.
51L’engagement dans le Hezbollah se caractérise, on l’a vu, par une forte fidélisation de ses membres vis-à-vis de l’institution partisane qui, à travers une série de rétributions matérielles, sociales et symboliques, forme un système dont le désengagement est rendu difficile et coûteux, d’autant plus que le parti participe à un projet fondé sur l’entre-soi (Sommier, 2012). Sortir du groupe signifie pour ces militants l’abandonner, qui plus est dans un contexte de guerre. Cet abandon est vécu et perçu par les autres militants comme une trahison dont le coût social est très élevé, surtout au sein de la société libanaise marquée par une porosité entre temps de guerre et temps de paix, et très polarisée. Quitter un camp signifie automatiquement entrer dans le camp adverse.
52La loyauté au parti relève en effet également d’un registre moral : rester solidaire du parti, ne pas abandonner son groupe est un acte moral. Ce registre moral de la loyauté se construit dans le parti à travers différents cadres de socialisation ; l’exemple le plus cité par ces militants est le comportement de l’imam Husayn pendant la bataille de Karbala en 680 [19] : le troisième imam pour les chiites, bien que connaissant à l’avance son échec dans la bataille, continua d’affronter l’armée de Yazid auprès de ses compagnons, faisant ainsi preuve de fidélité envers sa famille et ses compagnons. Ce registre moral de la loyauté est ainsi directement inscrit par le parti dans la continuité de la tradition chiite à laquelle ces militants appartiennent et dans l’exemple de l’imam Husayn, entre autres.
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Notes
-
[1]
Doctrine élaborée par Khomeyni à la fin des années 1960, qui, en l’absence de l’imam, en « occultation » depuis l’an 941, donne le droit au juriste-théologien « de statuer en son nom, tant sur les questions religieuses et spirituelles que sur les affaires politiques » (Mervin, 2008, p. 208). En effet dans le chiisme duodécimain, le douzième imam « aurait disparu miraculeusement âgé de seulement huit ans et n’aurait plus communiqué avec le monde que par l’intermédiaire de quatre agents, délégués ou médiateurs […]. C’est seulement à la mort de ces agents de l’invisible, en 941, que commence la Grande Occultation […], ère nouvelle qui ne s’achèvera qu’à la Fin des temps » (Richard, 1991, p. 60).
-
[2]
Sur l’idéologie du parti, voir Saad-Ghorayeb, 2002.
-
[3]
Cette banlieue qui avait était « planifiée pour être un banlieue-dortoir s’est constituée autour de la capitale et des plaines agro-industrielles de Hadath-Choueifat » (Harb, 1996, p. 2).
-
[4]
Entretien de l’auteure avec un cadre fondateur du Hezbollah, Beyrouth, 2011.
-
[5]
En 1974, l’imam Musa al-Sadr crée au Liban le Mouvement des déshérités (harakat al- mahrûmîn) puis, en 1975, sa branche armée afwâj al-muqâwama al-lubnâniyya (les Bataillons de la résistance libanaise), bientôt connue sous l’acronyme AMAL. Depuis 1980, ce mouvement est guidé par Nabih Berri. Voir Norton, 1987.
-
[6]
On peut retrouver cette terminologie dans plusieurs films documentaires produits par le Hezbollah sur la guerre de 2006, notamment Ici c’est la banlieue (hunâ dâhiyye), film documentaire produit par le parti en 2008. Voir sur ce sujet Abi Samra, 2010.
-
[7]
Au cours de ces dernières années, nombreuses ont été les tentatives israéliennes et étatsuniennes d’infiltrer le parti. Voir le journal Al-mushâhid al-siyâsî, 27 mai 2000, p. 17-18. En juin 2011, Hasan Nasrallah admet l’existence de trois espions au sein du Hezbollah, dont deux pour le compte de la CIA. En décembre 2014, Mohammad Chawraba, membre du parti, est accusé d’espionnage au profit d’Israël. Voir L’Orient-Le Jour, 20 décembre 2014.
-
[8]
Le terme « sayyid » indique la descendance de la famille du Prophète pour les chiites. Le sayyid a fait des études religieuses et porte un turban noir, à l’inverse du cheikh, clerc qui ne descend pas du Prophète et porte un turban blanc. C’est donc par ce terme que les militants désignent Hassan Nasrallah.
-
[9]
Né en 1960, Hasan Nasrallah commence sa carrière dans le parti en tant que combattant. Il est élu troisième secrétaire général du Hezbollah en 1992 à l’âge de 31 ans, au lendemain de l’assassinat par Israël du guide du parti de l’époque Abbas Moussawi. En 2001 il est élu secrétaire général à vie. Voir Mawsû‘a: Nasrallah, al-rajul alladhî yakhtasir’umma (Encyclopédie : Nasrallah, l’homme qui résume une nation), Beyrouth, Liban, 2006.
-
[10]
Le Freedom Summer est un moment important du mouvement de droits civiques aux États-Unis. Au cours de l’été 1964, presque un millier de jeunes Blancs, issus en majorité de la bourgeoisie étasunienne, partent dans le Mississipi – l’un des états les plus racistes et violents – pour participer à une campagne d’inscription des électeurs Noirs sur les listes électorales. Ces volontaires feront face à une forte répression policière.
-
[11]
Dans ce cas, ces éléments devaient aussi être liés à ce que McAdam (1990) appelle des obstacles à la participation, c’est à dire : le rejet des organisateurs, l’opposition des parents et la peur des candidats.
-
[12]
Entretien avec plusieurs responsables du parti.
-
[13]
Pour plus de détails sur cette formation, voir Calabrese, 2016.
-
[14]
Voir note 1.
-
[15]
Littéralement « gens de la maison ». L’expression désigne la famille et les descendants du prophète Muhammad. Sur la doctrine voir Amir-Moezzi, 2007.
-
[16]
Je reprends la définition qu’en donne Lagroye : « […] l’ensemble des pratiques dont un catholique est en principe capable de s’acquitter, mais aussi l’ensemble des justifications des pratiques qu’il doit, en principe également, pouvoir mobiliser » (Lagroye, 2009, p. 6).
-
[17]
Entretiens, mars et avril 2011.
-
[18]
Entretien avec Maher, Beyrouth, novembre 2008.
-
[19]
La bataille de Karbala est un événement central dans les chiismes politiques. En 680, l’imam Husayn, alors qu’il veut défendre son droit de succession du prophète contre le calife omeyyade Yazid, affronte avec ses compagnons la troupe omeyyade à Karbala dans l’actuel Iraq. Après dix jours de combat et d’encerclement, il est tué avec ses compagnons et des membres de sa famille. Les survivants, dont sa sœur Zaynab et son fils Ali qui deviendra le quatrième imam pour les chiites, sont emmenés en captivité à Damas auprès de la cours du calife. Sur cette bataille voir Fischer, 1980.