Afrique(s) en mouvement : Nous sommes heureux d’avoir l’opportunité de discuter avec vous qui êtes un des grands experts des phénomènes migratoires en Tunisie depuis maintenant une trentaine d’années. Nous voudrions, si vous êtes d’accord, revenir sur la construction de ce champ de recherche à partir de votre contribution majeure. Pourriez-vous commencer par nous expliquer comment vous en êtes venu à travailler sur les migrations internationales et quelles sont votre formation académique et les influences qui ont guidé vos approches ?Hassan Boubakri : En tant que géographe, j’ai été d’abord dirigé par un géomorphologue, René Rénal, qui était issu des « sciences dures », de la géographie physique du sol et des ères géologiques, etc., mais qui avait développé une impressionnante connaissance sociologique et anthropologique des sociétés nord-africaines grâce à ses terrains de recherche répétés. Pendant mes études de DEA (équivalent du master actuel), j’ai été contacté par le géographe fondateur du laboratoire Migrinter, Gildas Simon, qui était en train de mettre en place à l’université de Poitiers une petite équipe sur les migrations : il y avait autour de lui de jeunes chercheurs, tels Emmanuel Ma Mung, Mohamed Charef, Stephane de Tapia et moi-même. Initialement nous n’étions que des géographes. Je me souviens que Gildas Simon commençait à s’intéresser à l’étude de l’économie ethnique, comme on disait à cette époque-là. Donc avec le recul, je me suis rendu compte qu’avec ces collègues, je me suis formé et j’ai mis en pratique sans le savoir des approches de la géographie sociale et de la sociologie des migrations, à travers l’étude sur les sociétés d’origine et sur la solidarité au sein des réseaux de migrants transnationaux…