Historiquement pays de migrations circulaires et de départ, la Tunisie est devenue également un pays d’installation et d’étape vers l’Europe. Elle fait l’objet d’une focalisation croissante de la part des États européens sous l’angle du potentiel « transit » de personnes migrantes dites subsahariennes vers l’Europe (Cassarino, 2018 ; Migreurop, 2020). Des réseaux migratoires se sont mis en place depuis le début des années 2000 à partir de plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, en particulier la Côte d’Ivoire, l’exemption de visa d’entrée depuis ces pays expliquant en partie le choix de la Tunisie.
La marginalisation juridique et sociale d’une partie de ces populations a favorisé le développement de formes d’exploitation et de travail forcé de personnes migrantes, notamment des femmes dites subsahariennes (Nasraoui, 2017 ; Ben Sedrine, 2018), dans des conditions qui rappellent celles des travailleuses domestiques étrangères au Liban ou dans les pays du Golfe (Geisser, 2019).
Ces formes d’exploitation sont interprétées par les acteurs internationaux du champ migratoire et par l’Etat tunisien à l’aune de la lutte contre la traite transnationale des êtres humains (OIM, 2013 ; Tunisie Terre d’Asile, 2016). Cette problématique relève de la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et ses protocoles, dont celui de Palerme (2000). L’article 3 du Protocole de Palerme définit la traite des personnes comme « le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitatio…