La contingence tunisienne bouscule jusqu’aux outils scientifiques permettant d’objectiver la réalité d’un pays du Maghreb au cœur d’une Afrique en mouvement. La décennie écoulée permet d’avancer que la liquidité des structures, amorçant une juste compréhension des courants profonds fondant la Tunisie post-2011, reste caractérisée par l’imprévisibilité. Une conceptualisation de ce phénomène peut être saisie à travers le prisme de l’incertitude que nous pouvons appliquer aux questions de gouvernance migratoire, économique, pluriethnique, religieuse ou politique qui traversent le pays. La Tunisie est ainsi impactée par des poly-crises complexes, qui rendent perplexes les analystes de l’événementiel en mouvement, tant sont denses les enjeux qui s’intriquent. Cette dynamique de l’incertitude se greffe jusque dans la sémantique qui cadre les réalités en jeu. En effet, les chercheurs ont déjà pas mal glosé sur le vocable permettant de porter un regard compréhensif sur ce qui s’est passé depuis la chute du président Ben Ali (1936-2019). Sommes-nous face à une « révolte populaire » spontanée, une « révolution », un « Printemps arabe », une « revanche », voire une « Nahda » (réveil) renouvelée, à l’instar du nom du parti islamiste, et dont la lecture diachronique synthétise à elle seule les soubresauts systémiques de la réalité politique ?
La trajectoire accélérée de l’islamisme politique du mouvement Ennahda est effectivement l’illustration d’une démarche d’attraction et de répulsion de la part du pouvoir en place et où se révèle toute l’ambivalence d’un système politique qui se questionne…