1Un visage finement taillé et une petite constitution trahissent les origines métisses : haoussa (nigériane), malienne et sénégalaise de notre artiste. À l’âge de douze ans déjà, il s’amusait avec son premier appareil photo : un gadget de format 6x9. Vers 1974, il passe à l’Instamatic, une sorte d’appareil populaire avec un film en noir et blanc ; ensuite ce fut le tour du reflex, puis du 6x6 de la toute dernière génération. Aujourd’hui, il flirte avec un Nikon d300, une des plus récentes innovations technologiques de l’industrie photographique japonaise. C’est un féru de la mécanique, le Leica et le Hasselblad n’ont pas de secret pour lui.
2Jeune garçon, il aimait barouder à travers les rues et ruelles dans le désordre ambiant de son quartier des HLM Nimzatt. C’est là qu’il s’est découvert un penchant pour la calligraphie arabe ainsi que les travaux pratiques et manuels. Il prenait, en effet, plaisir dans la retranscription précautionneuse de sa tablette coranique sur les façades des maisons.
3Enfant, il se passionnait pour la fabrication de jouets aux armatures en fil de fer. Son intérêt pour les arts graphiques remonte d’ailleurs à cette époque.
4En 1986, le musée Naval de Gorée accueillait sa première exposition. Elle avait comme thématique les « Fous de Dakar », la rue étant toujours présente dans son travail. Puis, en 1989, il crée la première agence photographique du Sénégal.
5Aujourd’hui, nous découvrons en lui un globe-trotter mordu d’images anecdotiques, de scènes de rue, d’ambiances lumineuses. Depuis une vingtaine d’années, Mandémory réside à Guédiawaye, quatrième ville du Sénégal. Il n’est donc pas étonnant que son travail soit en partie axé sur cette ville dont il mitraille les moindres recoins. C’est d’ailleurs ce qui l’amène à devenir reporter de la rue. En Afrique, tout se passe dans la rue ; c’est une source intarissable d’inspiration.
6Autodidactique, il s’est beaucoup investi avant d’acquérir la reconnaissance dont il jouit aujourd’hui. Initiateur du mois de la photographie à Dakar en 1994, il est une grande figure de la photographie sénégalaise. Le cinéma, et plus particulièrement les westerns l’inspirent.
7Son travail nous séduit par la remarquable maîtrise de l’espace, à travers ses cadrages et compositions. Boubacar Touré Mandémory réussit à donner du sens à des scènes de vie quotidienne parfaitement ordinaires. Du reste, s’adonner à la photographie est pour lui une manière d’observer la vie.
8Ainsi, parmi des dizaines d’images, ce sont les photographies de Boubacar Touré Mandémory qui ont accaparé le regard du jury du Prix de la Découverte de la Fondation Blachère au Dak’Art 2008. L’authenticité de cet artiste réside d’une part, dans le soin méticuleux apporté au choix de ses films, à la finesse de ses cadrages et à la préparation de ses encadrements, de style « Marie-Louise ». Sa démarche est à la fois artistique et journalistique. Ses scénographies sont tantôt installées en milieu urbain, surtout dans la banlieue, tantôt, il nous promène à travers des paysages fluviaux, le long du fleuve Niger. À d’autres moments, ses sujets s’esquissent derrière de lointaines contrées rurales.
9Une complicité de longue date avec Ndary Lô justifie sa discrète contribution en filigrane dans la conception de la « Muraille verte » créée par le sculpteur sénégalais, lauréat du Grand prix Léopold Sédar Senghor du Dak’Art 2008. Des bandes d’images en petit format, subtilement marouflées aux murs, s’offrent à l’œil comme des moments de ponctuation qui s’imposent, à côté de la densité des espèces végétales. Et lorsque nous nous approchons de ces photos, nous y découvrons, entre autres, les crises écologiques causées par l’homme, avide de dompter l’environnement et d’exploiter démesurément les ressources naturelles du monde.
Boubacar Mandémory Touré
D’abord photographe de rue, il s’intéresse aux travaux industriels puis se lance en 1992 dans le grand reportage auprès des groupes ethniques du Sénégal (Bassaris, Bedik, Diolas) et de Sierra Léone (Timinis).
Outre de multiples expositions à Dakar, Saint-Louis, Bamako et dans divers lieux parisiens, il collabore à des journaux (Libération, Télérama). La photo de presse est son support de référence.
Il a créé le service photo de l’Agence panafricaine de presse, et l’a dirigé pendant un an.
Il aime les angles de prises de vues inhabituels, dégageant des plans aux perspectives contradictoires. Il en résulte une image dynamique qui donne le meilleur de l’information dans son aspect anecdotique ou essentiel.