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Article de revue

Conduites adolescentes et développement cérébral : psychanalyse et neurosciences

Pages 479 à 515

Notes

  • [1]
    Shakespeare W. (1610). Le conte d’hiver. In : Tragicomédies. Œuvres complètes, T. 2. Paris : Robert Laffont, 2003.
  • [2]
    Le système limbique est un réseau de voies nerveuses intégrant certaines structures situées en profondeur, au niveau de la face interne des lobes temporaux, telles que l’hippocampe et l’amygdale. Il participe au traitement des émotions et joue un rôle majeur dans certains processus mnésiques. Le système de récompense se situe le long du faisceau médian du télencéphale ; le système de punition quant à lui est médian et périventriculaire.
  • [3]
    Blos P. (1967). The Second Individuation Process of Adolescence. Psychoanal. Study Child, 22 : 162-186 ; (1980). The Life Cycle as Indicated by the Nature of the Transference in the Psychoanalysis of Adolescents. Int. J. Psycho-Anal., 61 : 145-151 ; (1989). The Place of the Adolescent Process in the Analysis of the Adult. Psychoanal. Study Child, 44 : 3-18. Erikson E. H. (1956). The problem of ego identity. J. Amer. Psychoanal. Assn. 4 : 56-121.
  • [4]
    Ritvo S. (1971). Late adolescence. Developmental and clinical condiserations. Psychoanal. Study Child, 26 : 241-263.
  • [5]
    Freud A. (1968). Le Normal et le Pathologique chez l’enfant. Paris : Gallimard.
  • [6]
    Roussillon R. (2006). Pour introduire la question du langage du corps et de l’acte. Le Carnet PSY, 7/111 : 36-40 ; (2008). Le jeu et l’entre-je(u). Paris : PUF.
  • [7]
    Golse B. (2010). Le bébé philosophe, son corps et sa psyché - Explorations et promesses d’un nouveau monde. In : M. Agostini, J. Ribalet (Éds.), Dossier Recherche. La philosophie et les médecines de l’âme. Paris : UNESCO.
  • [8]
    L’état de repos ou resting state qualifie l’activité cérébrale, lorsqu’aucune tâche n’est demandée au sujet.
  • [9]
    Entre dix-huit et vingt et un ans environ.
  • [10]
    Dans le DSM, les définitions portant sur « l’usage et l’abus » de substances toxiques offrent un compromis entre des approches cliniques, épidémiologiques et expérimentales. Le même phénomène de décrochage spontané a été constaté chez de très nombreux anciens combattants du Vietnam héroïnomanes.
  • [11]
    Freud S. (1897). Letter from Freud to Fliess, December 22, 1897. In : J. M. Masson (Éds.), The Complete Letters of Sigmund Freud to Wilhelm Fliess, 1887-1904. Cambridge : Harvard University Press, 1985, pp. 287-289.
  • [12]
    Freud S. (1900). The Interpretation of Dreams. New York : Avon, 1980 ; (1912). On the Universal Tendency to Debasement in the Sphere of Love. Contributions to the Psychology of Love II. In : The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, V. XI, London : Hogarth Press, 1957, pp. 177-190.
  • [13]
    Freud S. (1927). The Future of an Illusion. Civilization and its Discontents, and Other Works. In : The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, V. XXI, London : Hogarth Press, 1961, pp. 1-56.
  • [14]
    Glover E. (1932). On the aetiology of drug-addiction. Int. J. Psycho-Anal., 13 : 298-328.
  • [15]
    Krystal H. (1982). Adolescence and the tendencies to develop substance dependence. Psychoanal. Inq., 2 : 581-617. Zinberg N. (1975). Addiction and ego function. Psychoanal. Study Child, 30 : 567-588.
  • [16]
    Il ne s’agit pas ici d’étudier l’addiction, mais le simple usage représentatif d’un comportement à risque.
  • [17]
    La définition du CPFvm varie avec les auteurs pour inclure ou non le cortex orbito-frontal.
  • [18]
    Selon J. Breuer, il était nécessaire au lecteur de retraduire mentalement les termes techniques dans la langue de la psychologie, la seule utile dans ce contexte.
  • [19]
    Freud S. (1895). Esquisse d’une psychologie scientifique. In : La naissance de la psychanalyse. Paris : PUF, 2009, pp. 307-396.
  • [20]
    Par biologie, nous entendons ici toutes les approches objectives du fonctionnement cérébral.
  • [21]
    Freud S., Breuer J. (1895). Études sur l’hystérie. Paris : PUF, 2003.
  • [22]
    Médecin, frère de Henry James, il fut un des principaux fondateurs de la neuropsychologie ; il s’orienta ensuite vers l’étude de la pensée religieuse.
  • [23]
    Les fonctions exécutives ont pour objectif de réguler le comportement et faciliter l’adaptation à des situations nouvelles lorsque l’utilisation de routines est insuffisante.
  • [24]
    Capacité d’inhiber une réaction ou une décision. Elle est mesurée par exemple dans le test de Stroop par le retard mis pour décrire la couleur des lettres d’un mot, quand la couleur et le sens diffèrent (le mot « vert » écrit en rouge), vs quand la couleur et le sens concordent.
  • [25]
    Une faible stimulation est nécessaire.
  • [26]
    Winnicott D.W. (1965). The maturational processes and the facilitating environment : studies in the theory of emotional development. The International psychoanalytical library, 64 : 1-276.
  • [27]
    Ansermet F, Magistretti P. (2004). À chacun son cerveau. Plasticité neuronale et inconscient. Paris : Odile Jacob. Ouss L., Golse B., Georgieff N., Widlöcher D. Éds. (2009). Vers une neuropsychanalyse ? Paris : Odile Jacob.
  • [28]
    Gutton Ph., Bourcet S. et al. (2004). La naissance pubertaire. L’archaïque génital et son devenir. Paris : Dunod. Gutton Ph. (2004). Archaïques ? Le Carnet PSY, 9/95 : 20-21.
  • [29]
    Gutton Ph. (1997). Le pubertaire, ses sources, son devenir. In : M. Perret-Catipovic, F. Ladame (Éds.), Adolescence et psychanalyse : une histoire. Lausanne : Delachaux & Niestlé, pp.193-212 (p. 193).
  • [30]
    Au moins en principe.

Introduction

1Sur la base de constatations empiriques, il est souvent avancé qu’impulsivité, recherche de sensations et comportements à risque caractérisent le comportement adolescent. Le sens commun est appelé pour asseoir cette affirmation. Les données épidémiologiques tendent à la confirmer. Cependant, plus que d’adolescence, elles inclinent à parler de jeunesse, rejoignant d’ailleurs les propos d’un personnage de Shakespeare qui désirait « qu’il n’y eût point d’âge entre seize et vingt-trois ans [...] car on n’y fait autre chose [...] que d’engrosser les filles, se moquer des vieillards, voler et se battre » [1].

2Les enquêtes épidémiologiques attestent de l’augmentation progressive des comportements à risque après quinze/seize ans, avec un maximum vers dix-huit ans, une décroissance plus ou moins rapide selon les risques considérés, globalement nette seulement après vingt-cinq ans. Les risques sont mesurés par le taux d’accidents ou d’activités susceptibles d’engendrer des accidents ou de nuire à la santé du sujet.

3Les neurosciences mettent en évidence durant l’adolescence une réorganisation cérébrale majeure qualifiée de « maturation ». Elle se situe électivement dans les zones du cerveau impliquées dans les tâches décisionnelles de haut niveau, qui sont aussi des aires associatives. Ce remaniement présente un double aspect. Le premier consiste principalement en la destruction massive de synapses (élagage synaptique). Elle débute pour le cortex frontal vers onze/douze ans, et semble s’achever vers vingt-trois/vingt-cinq ans. Elle est plus tardive pour le cortex temporal, avec un début vers quatorze/seize ans et une maturation achevée durant la troisième ou quatrième décennie. Le second aspect, corrélatif du premier, réside en l’important accroissement de la connectivité anatomique et fonctionnelle entre les aires cérébrales, phénomène qui se prolonge bien au-delà de l’adolescence. Pour expliquer les comportements spécifiques de l’adolescence, une des interprétations proposées par les neurosciences met en avant un déficit du contrôle cognitif. L’immaturité des structures corticales impliquées dans les processus décisionnels de haut niveau, situées principalement au sein du cortex préfrontal (CPF), les placerait sous l’influence excessive du système limbique, ainsi que des systèmes de récompense et de punition [2]. Une autre interprétation, sans doute plus adaptée, de l’excès d’impulsivité, de recherche de sensations ou de comportements à risque est davantage téléologique et inclusive. Elle suppose l’expérimentation sociale nécessaire à un formatage optimal des régions cérébrales (notamment le CPF) impliquées dans les processus exécutifs, la mémoire contextuelle et la régulation émotionnelle, mais aussi dans la cognition sociale. Les régions cérébrales, qui se développent le plus tardivement tant sur le plan de la phylogenèse que de l’ontogenèse, répondent donc aussi à une sociogenèse. Dans une perspective évolutionniste, ces modifications permettent non seulement la transition vers l’âge adulte, mais aussi une adaptation fine aux changements sociaux opérés dans l’intervalle des générations.

4De leur côté, la plupart des psychanalystes considèrent que les comportements exploratoires sont une composante ordinaire du développement au cours de l’adolescence. L’exploration est motivée par plusieurs facteurs concomitants, activés par le développement pubertaire et l’exacerbation pulsionnelle. Le besoin de mise à distance des figures parentales s’accompagne de la recherche d’un partenaire sexuel et de la fréquentation des pairs. Ces comportements surviennent à un moment où le sentiment de l’identité propre est tout à la fois accru et incertain, et où se développent des sentiments plus franchement ambivalents à l’égard des parents : leur fonction de pare-excitations devient réduite et aléatoire. Dans ce contexte de relative insécurité et de repères flous, les adolescents sont enclins à rechercher une solution immédiate à leurs conflits (internes ou externes) qui peut objectivement devenir source de risques sociaux et physiques. Néanmoins, plus que le comportement c’est l’acte (acting in, acting out, mise en acte, etc.) qui a été théorisé dans le champ de la psychanalyse. Le terme Agieren a été utilisé par Freud. L’action chez l’adolescent peut offrir un moyen de lier décharge pulsionnelle libidinale et réponse socialisée, l’engageant dans une sorte de mise en actes, prélude et intermédiaire à la symbolisation et contribution à la formation du self. En effet, pour de nombreux adolescents, l’action sert de terrain d’essai majeur pour le processus de définition de soi [3]. Selon S. Ritvo [4], durant l’adolescence et pour la première fois, l’identité sexuelle et le sens de soi en tant qu’être sexué sont principalement mesurés par ce que l’adolescent fait et non par ce qu’il souhaite faire ou ce que ses parents disent. Toutefois, cela est vrai non seulement pour l’identité et le comportement sexuels, mais aussi pour une large gamme d’autres comportements qui contribuent à façonner l’identité sociale. La qualité des expériences émotionnelles dans la relation aux pairs qui est vivement recherchée comme les jugements de ces derniers vont contribuer à modifier, affiner et adapter le comportement et à organiser les valeurs sociales. La conduite de l’adolescent est caractérisée au sein de sa classe d’âge par un considérable conformisme social. Ce processus de définition de soi par l’action contribue à l’établissement de représentations de soi stables à l’âge adulte. Ici encore la réflexion sur le comportement adolescent inclut une conception téléologique : cheminement entre l’enfance et l’âge adulte, selon des lignes de développement [5]. Elle s’oppose à une approche selon laquelle la tendance à l’agir constatée chez l’adolescent résulte essentiellement d’un défaut de mentalisation. Au contraire de cette conception « défectologique » de l’agir, nous considérons que l’acte a pour fonction générale chez l’adolescent de permettre de lier l’excitation pulsionnelle. L’action, y compris l’action impulsive, participe à la recherche de solutions nouvelles face aux exigences contradictoires des transformations adolescentes. Elle est une création, en accord avec la thèse de L. Wittgenstein, selon laquelle l’intention est la plupart du temps l’action qui la réalise. P. Blos, E. H. Erikson et D. W. Winnicott ont aussi porté l’accent sur la nécessité de l’action et de l’expérience dans le développement du self/Moi. Comme le souligne R. Roussillon [6], « le passage par l’acte » est à considérer comme « une chance pour la symbolisation ». La motricité – son corollaire sensoriel, sa dynamique – permet au psychisme de prendre forme, elle l’organise et s’en trouve indissociable, comme B. Golse l’a souligné chez le nourrisson [7]. Au-delà de cette immédiateté, les conduites nouvelles, malgré leurs aléas quelquefois dramatiques, sont une forme d’expérimentation du monde qui permet l’ajustement réciproque des « consciences » individuelles, dans le contexte fortement socialisé que représentent les groupes d’adolescents.
La mise en perspective des approches psychodynamique et neuropsychologique conduit à de nouvelles formulations.

  • Un des plus importants apports des études de neuro-imagerie est constitué par la démonstration de remaniements cérébraux contemporains et spécifiques de la période adolescente. L’existence de bases biologiques cérébrales participant à fonder le phénomène adolescent est établie, leur rôle précis reste à définir. « L’adolescence » ne peut donc se réduire à une création sociale historique, ni aux seuls effets des transformations somatiques pubertaires, sauf à y inclure le cerveau.
  • L’étude épidémiologique des comportements, comme l’examen de la maturation cérébrale plaident en faveur d’une post-adolescence, entre dix-huit et vint-trois/vingt-cinq ans, qui prolonge et partage de nombreux points communs avec la période précédente.
  • La dialectique du développement cérébral entre perte locale et connectivité accrue remet en cause l’abord purement déficitaire des comportements adolescents. L’adolescence peut être conçue comme la période d’un double ajustement qui requiert une mobilisation importante des régions cérébrales impliquées dans les tâches cognitives les plus élaborées.
  • L’examen du développement cérébral oppose schématiquement le fonctionnement du cerveau adolescent comme plutôt « multiple localisé » et du cerveau adulte comme plutôt « simplifié synergique ». Il existe en effet une moindre synergie de fonctionnement des régions cérébrales chez l’adolescent que chez l’adulte. Les zones cérébrales responsables des activités les plus élaborées, pour certaines tâches, fonctionnent plus « on line » chez l’adolescent, qui définirait et adapterait ainsi son organisation cérébrale.
  • Il est séduisant de postuler que le développement de la connectivité est influencé en dernière instance par les modifications locales et l’efficacité des synergies mises en œuvre lors des agirs adolescents. L’ensemble contribue à la formation du self dont la définition neuroscientifique est en cours d’élaboration à travers, anatomiquement, l’engagement de certaines aires temporales et du cortex préfrontal médian et, fonctionnellement, l’activité cérébrale de repos [8].
La présentation d’approches croisées d’un comportement à risque, l’usage de drogue, servira de propos introductif et conduira à des remarques d’ordre épistémologique. Les conceptions psychanalytiques de l’agir à l’adolescence seront ensuite présentées et discutées. Dans la dernière partie les travaux récents portant sur le développement cérébral à l’adolescence et les hypothèses qu’ils suscitent seront exposés. Nous conclurons par les perspectives apportées par ces considérations croisées.

Un exemple d’approches croisées d’un comportement à risque : l’usage de drogue

5L’usage de drogue est l’exemple type d’un comportement étudié à la fois par l’épidémiologie, la psychanalyse et les neurosciences. Le rappel, même succinct, de ces différentes approches permet d’illustrer leur hétérogénéité.

Épidémiologie des comportements à risque

6La définition de l’objet de recherche reste ambiguë, car les conséquences dommageables des comportements sont plus aisées à apprécier que les comportements eux-mêmes. L’étude de la prévalence des accidents selon les classes d’âge sert souvent de référence. Les résultats, montrant un pic entre dix-huit et vingt-cinq ans, se trouvent biaisés par l’accès tardif à la conduite automobile et l’âge d’intégration dans le monde du travail. Il existe toutefois une causalité circulaire, car l’autorisation retardée de la pratique de la conduite automobile est en partie due à des considérations sociétales sur les capacités des adolescents à conduire en toute sécurité. De ce fait, l’étude de l’usage de substances toxiques présente un intérêt particulier, car elle porte directement sur un comportement. De plus, les produits toxiques légaux (alcool, tabac) et, dans une moindre mesure, illégaux (cannabis) sont devenus aisément accessibles à une population jeune entre quinze et dix-huit ans. Par ailleurs, l’usage de substances toxiques se montre l’un des comportements les plus fréquents, parmi la multitude des comportements à risque possibles, difficilement comparables entre eux (par exemple, les habitus dangereux comprenant la pratique de sports dangereux, le vagabondage sexuel et la délinquance, versus les comportements isolés). Les récentes études, transversales comme longitudinales, ont montré que la prévalence de la consommation de drogues augmente sensiblement pendant l’adolescence, avec un pic en fin d’adolescence et au début de l’âge adulte (Degenhardt et al., 2008 ; Johnston et al., 2007). Par exemple, dans un échantillon représentatif de 8098 sujets âgés de quinze à cinquante-quatre ans (US National Comorbidity Survey), les pics d’initiation à la consommation de cannabis et d’alcool se situent à dix-huit ans, ceux de cocaïne à vingt ans (Wagner, Anthony, 2002). La consommation importante et rapide d’alcool, abusivement nommée « binge drinking » (plus de verres), est à son maximum entre dix-huit et vingt-cinq ans. Dès 2000, une étude américaine rapportait que 44 % des étudiants de college[9] avaient une consommation pathologique d’alcool au moins deux fois par mois (Wechsler, Kuo, 2000). Le tabac, malgré ses effets psychotropes modérés, est considéré comme l’un des produits induisant le plus aisément une dépendance. L’évolution du tabagisme à l’adolescence, telle que la révèlent les études longitudinales, est assez chaotique avec des phases d’arrêt, d’utilisation réduite et de rechutes, distinguant de nombreux sous-groupes d’utilisateurs. La prévalence de la dépendance à la nicotine était déjà de 16,9 % chez les fumeurs adolescents (quinze/dix-huit ans) dans l’étude conduite par M. O. Van de Ven et al. (2010). Toutefois, l’évolution spontanée de fumeurs vers l’arrêt du tabagisme invite à nuancer la notion même de « dépendance » [10]. L’hétérogénéité foncière des concepts employés rend difficile, voire impossible de désintriquer l’effet propre de la substance au niveau moléculaire et, par exemple, les bénéfices psychosociaux apportés par la répétition, ritualisée ou non, de l’acte (assomption identitaire groupale, représentation de genre, lutte contre l’angoisse, etc.). De nombreux autres comportements à risque peuvent devenir un mode habituel d’action (sports dangereux, rituels de bande, etc.). Bien que l’assuétude à ces comportements puisse être éclairée en termes psychosociaux, il est plausible que leur soient aussi corrélés des effets biologiques. L’expérimentation de substances toxiques à l’adolescence ne conduit pas, dans la plupart des cas, à une utilisation persistante à l’âge adulte, mais elle en augmente le risque pour tous les types de produits.

Approche psychodynamique de l’usage de drogue

7Les comportements à risque peuvent être l’expression irrésistible d’un conflit inconscient, comme dans l’acting out, et sont alors la plupart du temps des événements isolés, ou résultent d’un habitus, qu’y soit ou non associée la notion de dépendance. Nous distinguerons par simplification l’usage simple de l’addiction, parfois appelé récréatif. L’usage simple de drogue durant l’adolescence a donné lieu à peu de travaux spécifiques, si ce n’est au sein des comportements initiatiques ou des habitudes groupales. À l’adolescence, l’usage simple résulte principalement de la tendance à explorer l’environnement et son propre corps avec ses pairs. C’est donc sans surprise que la consommation de drogues, au moins aux stades précédant l’addiction, se déroule généralement dans un contexte groupal et implique un certain degré de ritualisme social, deux éléments qui jouent un rôle majeur dans la lutte contre l’anxiété et la détresse (Glover, 1932 ; Johnson, 1999 ; Khantzian, 1997 ; Hopper, 1981). En outre, les produits toxiques peuvent être recherchés plus directement pour des effets qui interfèrent avec des processus primordiaux dans le cheminement adolescent : satisfaction libidinale, exploration du corps propre, réaménagement des affects, aménagement des processus de mentalisation. Dans le cas de l’habitus toxique, l’incertitude sur le plan social et la quête anxieuse de relations sexuelles et affectives tend à disparaître pour être remplacées par des comportements conventionnels et ritualisés, aboutissant à une satisfaction obligatoire. Ainsi, face à la pression d’une pulsion sexuelle en plein essor et à la nécessité de nouer des relations sociales, des personnalités vulnérables se sentant incapables de résister aux possibles aléas de la vie de relation s’engagent parfois dans la consommation répétée de toxiques. Ils évitent ainsi de faire face aux effets de la séparation, de la déception, de la dépendance, de l’indifférence, de la falsification des affects et autres épreuves communes, et généralement surmontées, à cette période de la vie. Au moins pendant un certain temps, une cohérence du self est entretenue avec le soutien d’un produit et du groupe qui le consomme.
On relève de très nombreux écrits qui concernent l’addiction chez l’adulte. Dans une lettre à W. Fliess du 22 décembre 1897, Freud affirme que le prototype de l’addiction (« la grande habitude ») est la masturbation [11]. En effet, elle procure sans aléas une satisfaction débarrassée de toute relation avec autrui, s’associant à une vie fantasmatique appauvrie et répétitive ; alcool, morphine et tabac n’en seraient que des substituts. Freud a également défendu la notion de concurrence entre la sexualité normale et le besoin de satisfaction par le produit, particulièrement en cas d’alcoolisme [12]. Il écrivit aussi que l’intoxication est un moyen d’échapper à la douleur dans une tentative de substitution du principe de plaisir au principe de réalité [13]. Selon E. Glover [14], les drogues semblent effacer la tension pulsionnelle et la frustration, en coupant les relations avec le monde externe. On retrouve la distinction entre autoérotisme générateur de rêverie et de fantasmes et comportement d’autostimulation et processus auto-calmants à visée sédative. La toxicomanie, contrairement à l’usage simple de drogue, suppose l’avidité et la dépendance. Elle seule a été associée à l’existence de carences affectives précoces (Johnson, 1999), à une incapacité préalable et entretenue par le produit à tolérer les affects, à réguler l’estime de soi et les relations avec autrui [15]. L’usage de drogue favorise une relation au corps court-circuitant les processus de symbolisation, et nuisant ainsi à la création d’un espace intermédiaire entre agir et pensée, qui participe autour de l’adolescence à l’intégration de la poussée libidinale. Pour conclure, l’approche psychanalytique distingue, bien qu’ils entretiennent des liens, l’usage simple de drogue (« récréatif » ou « initiatique ») de la dépendance. Les déterminations de l’usage « simple » n’apparaissent pas univoques, comme d’ailleurs l’usage habituel et la dépendance.

Approche neuroscientifique de l’usage de drogue

8L’approche neuroscientifique des comportements à risque met l’emphase sur le déséquilibre de maturation des structures cérébrales notamment préfrontales impliquées dans le contrôle des comportements et l’hypo ou l’hyperactivité (relative) des systèmes motivationnels plus archaïques. Concernant l’usage de drogue [16], et plus particulièrement les comportements de dépendance, les expérimentations animales et, chez l’homme, les études de neuro-imagerie, sont en faveur d’un déséquilibre fonctionnel entre Cortex Préfrontal (CPF) et striatum ventral (dont, en particulier, le noyau accumbens qui joue un rôle prédominant dans le système de récompense).

9Un CPF dorso-latéral (CPFdl) immature entraînerait un fonctionnement exécutif défaillant avec, entre autres, un déficit de l’attention soutenue et du contrôle cognitif. Le CPF ventro-médian (CPFvm), qui inclut le cortex orbito-frontal, est impliqué dans la régulation (émotionnelle et sociale) des comportements [17]. Son altération lésionnelle entraîne désinhibition, impulsivité et persévération et favorise les comportements compulsifs. Une lésion sélective du cortex orbito-frontal entraîne une tendance à privilégier les satisfactions immédiates aux satisfactions différées et une moindre capacité à répondre à un stimulus ayant entraîné une satisfaction antérieure en l’absence de renforcement.

10Quoi qu’il en soit, le modèle présenté ici est simplifié : la prise de décision implique de nombreuses structures et circuits neuronaux, outre ceux déjà cités (CPF et en particulier orbito-frontal, le système limbique et les systèmes de récompense et de punition), l’insula et certains cortex somatosensoriels. Par ailleurs les produits eux-mêmes entraînent des effets spécifiques interférant avec l’activité cérébrale. Ce modèle est aussi limité par l’incapacité d’expliquer la variabilité interindividuelle : tous les adolescents (et adultes) n’ont pas nécessairement des comportements à risque fréquents, ne sont pas impulsifs, peuvent être même passifs, ne pas user de produits toxiques, etc. De nombreux auteurs recherchent une explication des variations interindividuelles à travers l’étude du génome, sans résultats très probants jusqu’alors. D’autres étudient l’influence de l’environnement à travers le concept de stress, y compris intra-utérin. Ces modèles neuroscientifiques présentent, ce qui est souvent considéré comme un avantage, un caractère opératoire et opérant : des molécules cibles peuvent être produites ou des régions cibles activées ou désactivées (par exemple par la stimulation magnétique transcrânienne) pour modifier le comportement de l’individu.

Hétérogénéité des objets de la psychanalyse et des neurosciences

Esquisse d’une psychologie scientifique

11Freud exprima très tôt son désir d’un ancrage biologique de la psychanalyse. Il s’opposait en cela à J. Breuer qui, à propos des premiers cas rapportés d’hystérie, déclarait qu’il n’y avait pas d’opportunité à parler de molécules et à peine du cerveau [18]. Freud, à travers l’« Esquisse d’une psychologie scientifique » [19], offre une forme neurophysiologique aux premières hypothèses psychanalytiques. On y trouve notamment la préfiguration des réseaux Hebbiens qui seront confirmés par la découverte de la potentialisation synaptique à long terme. Cette découverte théorique de Freud reste ignorée d’une large part des acteurs en neurosciences. Mais « l’Esquisse » reste un ouvrage que Freud n’a jamais achevé, qu’il a songé à détruire à plusieurs reprises et qui ne fut publié qu’à titre posthume. Les motifs du renoncement de Freud à cette forme de théorisation restent controversés. Plus que les faibles moyens scientifiques de son époque, comme il est souvent avancé, il semble que l’hétérogénéité de la source, des moyens et des objets de connaissance de la psychanalyse et de la biologie y conduisit [20]. Freud semble en effet s’être heurté à une contrainte de nature structurelle (Dayan, Olliac, 2010) qu’il admet à contrecœur. Il déclarait en effet dans « Les études sur l’hystérie » qu’il manquait à l’exposé des cas cliniques le sceau de la science, non de son gré, mais du fait même de « la nature du sujet » traité [21]. Si les neurosciences ne peuvent en aucune manière démontrer les hypothèses psychanalytiques, comme il est parfois affirmé, elles peuvent y porter un éclairage fécond qui prend sens du fait d’une « métacognition commune », d’un savoir partagé sur l’homme. Freud semble d’ailleurs n’avoir jamais renoncé à ce fil directeur qui sous diverses formes, notamment « métapsychologiques » réapparaît ici et là, même dans ses écrits cliniques les plus tardifs. Inversement, pour W. James [22], le recueil des faits objectifs pour le psychologue expérimentaliste qui cherche à comprendre l’esprit humain ne suffit pas : il nécessite une théorie globale capable d’organiser l’amoncellement de données éparses et de démonstrations partielles. La question du sens, c’est-à-dire de la signification pour le sujet agissant, vient aussi opposer neurosciences et psychanalyse, n’ayant peu ou aucune consistance pour les premières.

L’approche objectivante des neurosciences

12Les neurosciences s’associent aux études portant sur l’intelligence artificielle, à certains courants de la linguistique, à la modélisation mathématique du fonctionnement cérébral et à la psychologie cognitive pour former le vaste pôle des sciences cognitives (Baudouin, Tiberghien, 2007). L’approche neuroscientifique du comportement s’appuie sur une perspective qui place la matière cérébrale (le cerveau, le cortex cérébral, les neurones, etc.) au centre des investigations. Elle étudie le cerveau dans sa concrétude et son fonctionnement. Dans cette recherche d’objectivité, les neurosciences doivent en passer par l’étude de corrélations entre les caractéristiques de la matière cérébrale et les mesures des comportements et de la « cognition ». Le cerveau est objet possible de manipulations concrètes, d’observations par des machines, de dissections et de destruction alors que la psyché ne l’est pas. Le terme ???? désigne l’« âme » ou l’ « esprit ». La psyché implique toujours l’intersubjectivité. Cette dissimilitude s’illustre aussi à travers le langage, « to brain » signifiant l’action, éventuellement violente, sur un cerveau (décerveler, assommer), tandis que « to mind » (porter attention, prendre soin), au contraire, implique l’action d’un sujet sur un objet non défini. En français, existent les verbes « décerveler » et « décérébrer ». La recherche d’objectivation se traduit également par l’intitulé des revues qui diffusent les idées et les résultats des recherches en neurosciences : Cerebral Cortex, Brain, Neuroimage, Neuroreport, Brain and Cognition. Le déchiffrage des comportements adolescents par les neurosciences est toutefois limité par un sérieux problème : le comportement sur lequel les sciences humaines portent leur intérêt reste principalement défini subjectivement : bravade, impulsivité, agressivité, etc. Les neurosciences nécessitent un procédé expérimental et un comportement mesurable : la légitimité de tirer des conclusions de telles expériences sur la complexité d’un comportement global, en situation « écologique », n’est pas acquise.

Aspects structuraux et fonctionnels du développement cérébral chez l’adolescent

13Les études de neuro-imagerie fonctionnelle et structurale ont montré que se produisait durant l’adolescence une réorganisation anatomique et fonctionnelle majeure au sein de régions du cerveau impliquées dans la connaissance de soi, la régulation émotionnelle, l’appréhension des rôles sociaux et les fonctions exécutives [23]. Ces régions dont la maturation est tardive jouent un rôle clé dans la perception et l’évaluation des risques et des bénéfices qui y sont associés, et l’élaboration des stratégies d’action. Il peut ainsi être postulé que l’impulsivité, les comportements à risque, et la recherche de la nouveauté participent à un mécanisme visant à élargir l’éventail des possibilités qui fourniront les informations appropriées pour la sculpture optimale du cerveau (Luna et al., 2001).

Les modifications structurales du cerveau à l’adolescence

1 – Les techniques d’exploration

14Les techniques non invasives d’imagerie ont permis de recueillir un ensemble de connaissances nouvelles sur la structure et le fonctionnement cérébral, basées jusqu’alors sur les expérimentations animales ou sur les études post-mortem. La substance grise (SG) rassemble essentiellement les terminaisons neurales et les synapses, la substance blanche (SB) les axones myélinisés. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet des mesures notamment de volume et de densité de la substance grise (SG) et blanche (SB). L’imagerie par tenseur de diffusion (DTI) permet en outre d’étudier la SG mais surtout la macro et la microstructure de la SB, notamment l’organisation et le trajet des fibres.

15Les études de développement ont porté soit sur des sujets de classes d’âge différentes (études transversales) soit sur des enfants de même âge suivis au cours de leur croissance (études longitudinales). Les premières, plus aisées à réaliser, ont porté sur de grandes cohortes d’enfants (N>200), les secondes plus astreignantes impliquent généralement peu d’individus (par exemple, Gogtay et al., 2004 ; N = 13), ce qui réduit leur validité mais avec quelques notables exceptions (cf. Shaw et al., 2006 ; N = 307).

16De manière générale, les résultats d’imagerie sont principalement évalués par des méthodes de comparaison de groupes.

2 – Les indices utilisés en imagerie

17Un des principaux indices en neuro-imagerie (IRM) est la mesure du signal « BOLD » qui reflète la consommation locale d’oxygène avec une précision de l’ordre de 1 mm. Contrairement aux signaux électriques (EEG) les mesures sont recueillies pour un intervalle de temps relativement large. Les mesures s’apprécient par comparaison (il n’existe pas de mesure d’activité cérébrale per se) relativement à d’autres structures cérébrales où à d’autres sujets évalués dans la même machine.
Deux indices sont souvent utilisés en imagerie par tenseur de diffusion. Ils reflètent la diffusion des molécules d’eau dans l’espace et indirectement l’organisation cérébrale : a) la fraction d’anisotropie (FA) augmente au cours du développement. Un espace anisotrope est un espace qui présente des propriétés différentes selon les directions étudiées. La FA renseigne principalement sur le phénomène de myélinisation et le niveau de cohérence de la SB. La diffusion des molécules d’eau devient moins homogène lorsque les fibres se recouvrent de myéline car, plus épaisses, elles permettent à moins de molécules d’eau de traverser la membrane. Les molécules d’eau diffusent alors davantage le long des fibres. La FA augmente aussi lorsque les faisceaux deviennent mieux organisés (cohérence directionnelle) et plus compacts. b) la diffusion moyenne (<D>) diminue globalement avec le développement. Cette diminution traduit la présence de tous les éléments issus de la maturation axonale (membranes, organelles, microtubules) qui réduisent la distance moyenne parcourue par les molécules d’eau.

3 – Maturation de la substance grise

18D’importants changements se produisent en termes de volume, de densité et d’épaisseur corticale entre l’enfance et l’âge adulte. En bref, le volume de SG augmente en phase prépubertaire pour se réduire ensuite. La diminution du volume est due principalement à une destruction massive du nombre de synapses (« élagage synaptique ») et des ramifications axonales ainsi qu’à une myélinisation axonale intracorticale croissante. Globalement, la maturation aboutit à réduire la complexité corticale (White et al., 2010). Le volume de SG décroît dans les lobes frontaux à partir de onze ans et à partir de quatorze ans dans les lobes temporaux (seize ans même dans d’autres études). La croissance des faisceaux de substance blanche perdure, quant à elle, jusque la quatrième décennie. Il existe une hétérochronie de maturation régionale. Dans leur ensemble, les régions corticales sensorimotrices primaires achèvent leur maturation bien avant les régions impliquées dans les tâches de décision de haut niveau (cf. tâches dites « exécutives ») et la cognition sociale : le CPF vers vingt-trois/vingt-cinq ans et la région temporale supérieure encore plus tardivement. Les régions les plus « archaïques » au sens de l’espèce sont aussi celles dont les remaniements se terminent le plus précocement, avant « l’adolescence » : l’ontogenèse résume la phylogenèse. Toutefois, l’étude longitudinale de A. Giorgio et al. (2010) a montré qu’entre treize et dix-huit ans, la maturation marquée par la diminution des volumes de SG affecte non seulement les aires associatives de haut niveau, mais aussi de façon inattendue certaines zones au sein du cortex sensori-moteur primaire.
Les régions préfrontales, les plus antérieures dans le lobe frontal, sont celles qui connaissent les plus importantes modifications au cours de l’adolescence. La région latérale (dont le CPFdl) est impliquée dans un réseau qui permet l’élaboration de processus cognitifs complexes ; la région inférieure (dont le cortex orbito-frontal) est impliquée dans les processus affectifs et motivationnels et le cortex frontal médian et cingulaire antérieur, dans l’autogénération des comportements. La réduction de la taille du CPFdl à la fin de l’adolescence (dix-sept/dix-neuf ans) suggère que l’élagage neuronal et la myélinisation se produisent en parallèle (Giorgio et al., 2010 ; Gogtay et al., 2004). Le CPFdl joue un rôle majeur dans les fonctions exécutives, c’est-à-dire les processus qui permettent de réaliser des tâches complexes orientées vers un but : planification, inhibition, flexibilité mentale et mise à jour notamment. Les fonctions exécutives sont dépendantes de la mémoire de travail, système de maintien et de manipulation à court terme d’une quantité limitée d’informations. Trois études récentes ont examiné l’évolution de l’épaisseur corticale régionale en relation à différentes fonctions cognitives, à savoir le QI (Shaw et al., 2006), la mémoire (Sowell et al., 2001a, 2001b) et l’inhibition [24], la flexibilité mentale et la mise à jour (Tamnes et al., 2010). Les adolescents avec les meilleurs scores font preuve d’une plasticité cérébrale plus marquée, avec une phase initiale de croissance corticale accélérée et prolongée, suivie d’une phase postpubère de réduction du volume cortical particulièrement rapide. La réduction de la quantité de SG observée dans le cortex frontal entre l’adolescence (douze/seize ans) et l’âge adulte (vingt-trois/trente ans) est corrélée à certaines modifications structurales observées dans le striatum, structure sous-corticale impliquée notamment dans la prise de risque et les conduites addictives. La maturation de ces régions s’associe à l’amélioration de leur connectivité, notamment en termes structural et fonctionnel, permettant un ajustage optimal entre les structures concernées. Chez les adultes, comparés aux adolescents, certaines études expérimentales suggèrent un désengagement du CPF au profit de structures-régions phylogénétiquement anciennes, telles le striatum mais aussi, par exemple, le cervelet (Luna et al., 2001), permettant une réalisation plus rapide et plus automatique de tâches complexes. On peut suspecter que l’ensemble du processus a été rendu plus performant par la capacité du CPF à traiter les informations recueillies de manière optimale et moins coûteuse en énergie, mettant au premier plan l’activité d’autres régions intervenant dans le traitement final.

4 – Maturation de la substance blanche

19Contrairement à la SG, le volume de SB continue à augmenter pendant les quatre premières décennies, avec un pic autour de la mi-quarantaine, lorsque la vitesse de certaines habiletés motrices fines est aussi optimale. Une étude menée sur 202 sujets âgés de cinq à trente ans (Lebel et al., 2008) a montré qu’à dix-huit/vingt ans, la plupart des fibres blanches sous-corticales et des principaux faisceaux associatifs ont atteint un plateau. Toutefois, une maturation significative persiste entre vingt et vingt-cinq ans, notamment au niveau des fibres reliant le cortex au thalamus, au noyau lenticulaire et au noyau caudé. Ces dernières régions (qui composent le striatum) ont été associées au système de récompense. Néanmoins d’autres faisceaux reliant des régions impliquées dans la régulation émotionnelle poursuivent encore leur maturation après vingt-cinq ans : le cingulum qui relie le gyrus cingulaire au cortex entorhinal (cortex limbique) et le faisceau unciné qui relie le cortex limbique au CPF, notamment le cortex orbito-frontal. Le développement de type exponentiel des fibres blanches pendant l’adolescence peut être considéré comme une reprise des tendances du développement observées au cours des cinq premières années de la vie.

20Certaines études ont associé des indices de maturation de la SB, avec les capacités intellectuelles (Schmithorst et al., 2005) et, plus récemment, les compétences verbales. Dans un groupe de 168 participants âgés de huit à trente ans, C. K. Tamnes et al. (2010) ont constaté que les sujets possédant les meilleures aptitudes verbales avaient également un développement accéléré de la SB en fin d’adolescence et au début de l’âge adulte, atteignant ensuite un plateau. À l’inverse, ceux montrant seulement des capacités verbales moyennes, présentaient un développement plus lent, se prolongeant encore à l’âge adulte.
En conclusion, les études de neuro-imagerie ont montré qu’une vaste réorganisation des circuits neuronaux se déroule pendant l’adolescence, en particulier dans les régions du cerveau impliquées dans les fonctions exécutives et la régulation émotionnelle. Cette réorganisation est à la fois locale (substance grise) et étendue aux fibres assurant la connexion avec d’autres structures cérébrales (substance blanche).

5 – Le dimorphisme sexuel

21De récentes études IRM mettent en évidence un dimorphisme sexuel dans le développement cérébral, tant d’un point de vue structural que fonctionnel, pendant l’adolescence (Lenroot, Giedd, 2010 ; Schmithorst et al., 2008). Tout d’abord, le volume total du cerveau est d’environ 10 % plus grand chez les hommes, avec un extremum à dix ans et demi chez les filles et à quatorze ans et demi chez les garçons (Lenroot et al., 2007). Plus précisément, la trajectoire développementale de la SG a un pic de un à deux ans plus précoce chez les filles, mais les garçons peuvent avoir une vitesse de développement de la SB plus rapide pendant l’adolescence avec un écart plus important en fin d’adolescence. Des études utilisant des valeurs de « ratio de transfert magnétique » (MTR pour magnetization transfer ratio) soulignent également un dimorphisme sexuel possible pendant l’adolescence, avec une augmentation du diamètre des axones chez les garçons (Perrin et al., 2008), par opposition à un phénomène de myélinisation accentué chez les filles (Perrin et al., 2009). Le dimorphisme sexuel peut également être observé au niveau régional. Les régions les plus fréquemment rapportées comme témoignant de l’existence de différences sexuelles morphologiques, incluent les noyaux gris centraux (plus importants chez les femmes) et les structures limbiques (hippocampe de plus grand volume, mais au contraire amygdale de plus petite taille chez les femmes). En ce qui concerne la SB, une étude d’un grand groupe composé d’enfants et d’adolescents trouvent des valeurs de FA (fraction d’anisotropie) plus importantes chez les garçons, dans les régions associatives de la SB (y compris les lobes frontaux), et inversement chez les filles, dans le splénium du corps calleux (Schmithorst et al., 2008). L’augmentation des valeurs de FA peut refléter une augmentation de la myélinisation, du diamètre des axones ou de l’organisation des fibres résultant en une diminution de tortuosité. Cette variabilité aurait des conséquences notables sur le comportement. Par exemple, une étude menée auprès de vingt et un adolescents sur le contrôle de l’impulsivité, rapporte un effet du genre : le contrôle de l’impulsivité était corrélé avec les mesures d’imagerie par tenseur de diffusion (DTI-FA) relevées dans la partie antérieure droite du corps calleux chez les garçons et le splenium chez les filles (Silveri et al., 2006).

6 – Quel rôle attribuer à la dynamique du développement de la SG et de la SB dans les comportements adolescents ?

22Les conditions régulant l’élagage synaptique restent très mal connues. De nombreuses hypothèses sont proposées dans l’attente de confirmations expérimentales. Certains auteurs ont émis l’hypothèse que l’élagage synaptique procède du hasard mais il demeure plus probable que les modifications aient une valeur adaptative, à partir d’un programme génétique de base. La force synaptique, c’est-à-dire le degré de liaison mesuré par l’intensité de la stimulation capable de déclencher un potentiel d’action [25], pourrait intervenir dans le processus d’élagage synaptique. À partir de cette constatation de nombreux mécanismes peuvent être évoqués : persistance des réseaux neuronaux ou des réseaux les plus souvent sollicités, persistance des réseaux les plus interconnectés, persistance des réseaux ayant été activés le plus intensément, des phénomènes de résonance pourraient aussi contribuer à la stabilisation synaptique. Dans toutes ces hypothèses la persistance synaptique n’est pas directement associée à la qualité de plaisir ou de déplaisir suscité par l’activation des neurones en question. Par contre, il a été avancé (Casey et al., 2008) que le cerveau limbique pourrait spécifiquement à cette période de l’existence être moins contrôlé par le CPF et donc engager l’adolescent dans des choix motivés par une régulation émotionnelle peu élaborée.
Le plissement cérébral débute dès la vie fœtale et se poursuit ensuite jusqu’à l’âge adulte. Une des causes possibles de la gyrification tardive notamment pendant l’adolescence serait le développement d’interconnexions par le biais des fibres blanches qui relieraient entre elles des régions cérébrales plus ou moins éloignées. Ce développement, le plus tardif, de la gyrification (plissement cérébral) survenant jusqu’à l’adolescence serait contrairement à la gyrification précoce (sillons principaux) largement influencé par l’environnement et donc par les expériences vécues par le sujet. Des études sur les jumeaux homozygotes semblent confirmer cette approche.

Les modifications fonctionnelles du cerveau à l’adolescence

23Toute étude de neuro-imagerie fonctionnelle présuppose des hypothèses sur le fonctionnement cérébral et sur la cognition. L’interprétation des résultats d’imagerie s’appuie sur les études comportementales qui les ont précédés.

1 – Des études comportementales

24En psychologie cognitive, la prise de risque a été associée à une tendance accrue à la recherche de sensations et de récompense immédiate, ainsi qu’à un défaut d’inhibition (Tamm et al., 2002). Certains auteurs, en se concentrant sur les capacités cognitives, ont suggéré que les adolescents sont moins susceptibles de considérer les répercussions négatives d’un comportement source de satisfaction dans des scénarios virtuels (Reppucci, 1999). Cependant, cette opinion est controversée. Plusieurs auteurs ont montré que les adolescents sont bien conscients des risques qu’ils encourent par leur comportement, avec seulement quelques différences constatées avec les adultes dans la mention spontanée des coûts et des bénéfices (Alexander et al., 1990 ; Beyth-Marom et al., 1993). En outre, il y a peu d’arguments en faveur d’une amélioration généralisée des capacités logiques relatives à la prise de décision après seize ans (Overton, 1990). Les descriptions empiriques montrent toutefois que la connaissance qu’ont les adolescents des risques encourus semble avoir moins d’impact sur leurs décisions dans la « vie réelle » que chez les adultes. Les différences entre les adolescents et les adultes semblent plutôt dépendre du moindre engagement spontané des premiers dans des comportements socialement régulés. Par exemple E. Cauffman et L. Steinberg (2000) ont montré, par une analyse de scores portant sur un échantillon de plus d’un millier de sujets entre douze et quarante-huit ans, que les adolescents de moins de dix-huit/dix-neuf ans répondaient globalement moins bien que les adultes à des décisions motivées par la responsabilité sociale. Cependant, il existait beaucoup de différences interindividuelles dans les jugements au sein de chaque groupe d’âge. Ces données ont été interprétées à l’aune de l’importance du processus de socialisation chez les adolescents, dans la construction du « self social ». Le même groupe de chercheurs a introduit comme variable expérimentale, le contexte de la prise de décision (Steinberg, Cauffman, 1996 ; Steinberg, 2004, 2008, 2010). L’influence des pairs a été démontrée dans un protocole de simulation de conduite automobile par vidéo. Isolés, les adolescents ont le même niveau de prise de risques que les adultes, quand ils sont en présence de leurs pairs (deux amis), ils augmentent considérablement leurs risques (virtuels). Cela a incité certains à soutenir que les différences dans le fonctionnement psychosocial, bien plus que des aspects cognitifs, expliquent l’orientation particulière des adolescents vis-à-vis de comportements à risque (Steinberg, Cauffman, 1996). D’autres études comportementales confirment que les adolescents, comparativement aux adultes, ont aussi tendance à être plus motivés par l’obtention de résultats immédiats que différés (Gardner, Herman, 1991) et, dans certains contextes, par le renforcement positif que par le renforcement négatif (Arnett, 1992 ; Gardner, Herman, 1991).
Dans une perspective psychanalytique, en l’exprimant de façon plus spectaculaire, mettre l’accent sur les actions permettant une récompense immédiate peut aussi s’expliquer, comme le souligne D. W. Winnicott [26], par l’incertitude relative à la signification et à la valeur de la vie. Cette perspective a été retrouvée dans une étude sur les risques, liée à la prévention du SIDA dans une population socialement défavorisée : les adolescents prenaient plus de risques que les adultes malgré une compréhension semblable des risques, non parce qu’ils se croyaient invulnérables, mais au contraire parce qu’ils ne s’imaginaient pas de toute façon vivre aussi longtemps que leurs aînés.

2 – Études de neuro-imagerie fonctionnelle

25Les études de neuro-imagerie fonctionnelle mettent en évidence le rôle important dans la prise de risques des régions présentant un développement structural majeur durant l’adolescence, notamment les régions dorso-latérales et ventro-médianes du CPF. La partie dorso-latérale du CPF est préférentiellement impliquée dans les processus exécutifs et la mémoire de travail, et la partie ventro-médiane du CPF dans la régulation émotionnelle (Stuss, Alexander, 2007).

3 – Processus d’inhibition et CPF dorso-latéral

26Les tâches mobilisant des processus d’inhibition ont été utilisées pour améliorer la compréhension des comportements impulsifs. L’inhibition peut être définie comme une fonction qui, lorsque l’organisme est confronté à de nombreuses réponses possibles, favorise une réponse particulière, sans activer ou en désactivant simultanément les autres. De nombreuses études comportementales se sont intéressées au contrôle cognitif ou à l’inhibition à l’aide d’épreuves très épurées qui renvoient toutes à un mécanisme commun, à savoir l’inhibition d’une réponse prédominante ou automatique, telles que les tâches de flanker (identification de l’orientation d’une flèche en ignorant les signes latéraux qui peuvent altérer le jugement), de Stroop (dénomination de la couleur de l’encre de noms de couleurs congruents ou non congruents) ou de go/nogo (inhibition de réponses pour des stimuli rares mélangés à d’autres stimuli fréquents pour lesquels une réponse est demandée). Dans l’ensemble, les enfants et les adolescents activent un réseau cérébral plus vaste (moins connecté) pour accomplir les tâches d’inhibition. Par la suite, le nombre de régions recrutées diminue avec l’âge, de sorte que seules les régions essentielles liées à la tâche sont activées (Durston et al., 2002 ; Luna et al., 2001 ; voir Casey et al., 2008, pour une revue du sujet). Luna et al. (2001) ont montré que, lors d’une tâche d’inhibition, les adolescents activaient davantage le CPF dorso-latéral pendant la tâche, comparés aux adultes plus âgés mais aussi aux enfants plus jeunes. Ces résultats suggèrent une plus grande mobilisation « on line » du réseau exécutif frontal.
La moindre connectivité du CPF notamment dans sa partie dorso-latérale ne lui permettrait pas d’assurer la coordination indispensable pour rendre optimal le fonctionnement exécutif. En revanche, la myélinisation, qui se poursuit à l’âge adulte, permettra aux régions éloignées du CPF dorso-latéral, comme le cervelet latéral (Luna et al., 2001), de contribuer à un contrôle plus cohérent et plus automatique du comportement. La moindre connexion durant l’adolescence pourrait jouer un rôle crucial dans le développement, permettant au CPF dorso-latéral d’affiner les automatismes « internes » tout en renforçant progressivement la connectivité autour des réseaux persistants après élagage. Ce stade pourrait permettre un renforcement progressif et optimal des circuits et réseaux intervenant dans les prises de décision qui viendraient pour la plupart à maturité vers vingt-trois/vint-cinq ans. D’autres régions doivent être également prises en compte. Par exemple, l’implication du cortex insulaire antérieur droit est spécifique aux adolescents et ne se retrouve pas chez les enfants ou les adultes. C’est un résultat remarquable, compte tenu de l’implication de cette région en particulier dans l’addiction (Naqvi, Bechara, 2009) : l’insula qui reçoit des afférences du thalamus, envoie aussi des efférences à plusieurs structures reliées au système limbique, système sous-tendant le traitement des émotions. L’insula jouerait aussi un rôle dans le contrôle de soi et les fonctions exécutives.

4 – Le rôle du cortex limbique dans le contrôle des comportements à risque

27Le cortex limbique, appelé aussi parfois cerveau émotionnel, regroupe plusieurs structures situées à la face inférieure et interne du cerveau, dont l’amygdale, l’hippocampe et le gyrus cingulaire. Cette région est chez l’adulte massivement interconnectée avec le CPF notamment dans sa partie ventro-latérale (CPFvl). L’amygdale est une structure cérébrale impliquée notamment dans les comportements automatiques de peur et l’hippocampe joue un rôle majeur dans la mémoire d’événements contextualisés.

28T. A. Hare et al. (2008) ont constaté que les adolescents présentent une activité de l’amygdale exagérée par rapport aux enfants et aux adultes au cours d’une tâche de go/no-go émotionnel. Cette plus grande activité pourrait résulter d’une diminution de l’efficacité du contrôle frontal, du fait de connexions anatomiques encore relativement peu développées (Stevens et al., 2007). Le CPFvl chez l’adulte est en effet connu pour moduler l’engagement de l’amygdale. L’interconnexion fonctionnelle est très importante entre ces deux structures, notamment au cours des tâches d’inhibition tel le go/no-go. Le CPFvl est impliqué dans le niveau de vigilance et permet d’adapter le comportement pour répondre aux menaces de l’environnement (Monk et al., 2003, 2008). J. N. Wood et al. (2005) ont montré que le CPFvl gauche sous-tendait les représentations positives (d’un concept ou d’un objet) et leur évaluation émotionnelle, alors que le CPFvl droit était préférentiellement impliqué dans les représentations négatives.

29B. J. Casey et al. (2008) suggèrent que les comportements à risque excessifs à l’adolescence résultent d’un développement discordant entre les régions limbiques et les régions préfrontales. Ils fondent leurs conclusions sur les études menées chez l’animal (Laviola et al., 1999) et sur des études d’imagerie chez l’homme (Spear, 2000, 2002 ; Ernst et al., 2005 ; Galvan et al., 2006 ; Galvan et al., 2007). Selon ce modèle, le comportement des adolescents est régi principalement par les régions limbiques, fonctionnellement plus matures relativement au contrôle préfrontal. Selon ces auteurs, dans des situations induisant une forte réactivité émotionnelle, le système limbique va prendre le dessus sur les systèmes de contrôle chez les adolescents. Le rôle du système limbique et ses relations avec le CPF durant l’adolescence ne sont pas clairement élucidés. Compte tenu de la nécessité d’adopter des comportements exploratoires et, a fortiori, des comportements nouveaux plus à risque que des routines, un système limbique mature peut aussi avantageusement moduler des processus décisionnels activés par un CPF encore immature.

5 – Le système de récompense (reward-system)

30De nombreuses structures participent au système de récompense, circuit activé lors de la mise en place d’activités suscitant une satisfaction. Le terme « récompense » est utilisé dans une perspective behavioriste, dans laquelle le terme plaisir n’est jamais cité. Les principales structures impliquées sont l’aire tegmentale ventrale et le noyau accumbens. Toutefois, participent aussi à ce système, l’amygdale, le pallidum ventral, le noyau caudé et le CPFm.

31Plusieurs études ont porté sur l’action du striatum, ensemble formé par le noyau caudé et le putamen, qui reçoit de nombreuses afférences corticales. Le striatum est notamment impliqué dans les comportements addictifs. Dans les études expérimentales, il est parfois distingué l’anticipation de la consommation. Par exemple, anticiper la possibilité de gagner de l’argent active les régions du striatum ventral, une région archaïque du cerveau, dont la maturation débute avant l’adolescence, tandis que la prise de conscience de réponses réussies qui entraîneront un gain recrute une partie du CPF ventro-médian (Knutson et al., 2001a, 2001b). Le striatum ventral répond plus automatiquement à des stimuli appétitifs (Knutson et al., 2001a), tandis que le CPF ventro-médian semble orienter son action vers un objectif approprié (Elliott et al., 2000).

32Il est parfois postulé (Spear, 2000) que le striatum est relativement hyporéactif aux récompenses à l’adolescence. Un comportement de recherche de récompense exagéré serait alors nécessaire pour atteindre un niveau d’activation comparable à celui de l’adulte. L’hypothèse alternative, plus probable, suggère que pendant l’adolescence, le système de récompense du striatum est hyperréactif, résultant en une plus grande recherche de récompense, due à une plus grande motivation. Une augmentation disproportionnée de l’activation du circuit de motivation impliquant le striatum ventral peut aussi résulter de l’influence de circuits inhibiteurs défectueux ou immatures (Chambers et al., 2003). La maturation du noyau caudé serait ralentie chez les enfants marquant une intolérance à la frustration (Castellanos et al., 2002).
L’activité dopaminergique contribue considérablement à l’évolution des voies préfronto-striato-limbiques, constituant le système de récompense. Selon L. Steinberg (2010) il existerait une discordance de maturation entre les systèmes impliquant la recherche de gratifications (avec une activité dopaminergique) et les zones cérébrales impliquées dans le contrôle de l’impulsivité. La recherche de gratifications (immédiates), évaluée par une batterie de questionnaires, serait maximale jusque vers quinze-seize ans puis décroîtrait ensuite, tandis que le contrôle de l’impulsivité croîtrait continûment jusque l’âge adulte. Le pic observé vers quinze ans s’accompagnerait d’une augmentation de la prospection et donc des comportements à risque. La traduction fonctionnelle en serait que le système de récompense ne pourrait être inhibé par les régions frontales encore immatures (Wahlstrom et al., 2010). Toutefois les études comparant les adolescents à de jeunes adultes sont trop rares pour que puisse être identifié avec précision quand s’infléchissent précisément ces comportements à risque. De plus, un discours sur le comportement, mesuré en laboratoire donc dans des situations très contrôlées et peu écologiques, peut ne pas refléter les comportements dans la vie réelle. Enfin d’autres facteurs, génétiques ou environnementaux, peuvent intervenir pour réguler l’activité dopaminergique. Ainsi des études électrophysiologiques ont montré que l’activité dopaminergique pouvait être modulée par l’expérience. Elle diminue en cas d’inadéquation entre la récompense attendue et la récompense effective (Klaczynski, 2004).

Discussion

Puberté ou adolescence ?

33Les études de neuro-imagerie ont fait apparaître des liens nouveaux entre puberté et adolescence. La puberté, souvent conçue uniquement comme un phénomène biologique de croissance et de sexuation du corps, a souvent été opposée à l’adolescence, phénomène psycho-social. Or, durant l’adolescence, l’architecture cérébrale se modifie nettement. Entre quinze et vingt-cinq ans, la connexion anatomique et fonctionnelle progresse entre diverses aires cérébrales tandis que se simplifie massivement l’architecture neuronale notamment dans les aires préfrontales. Ces faits confortent l’idée selon laquelle l’adolescence ne peut se réduire à une création sociologique : elle est une étape spécifique du développement, dont on trouve d’ailleurs des similitudes chez l’animal. Incidemment ces éléments sont cruciaux dans le débat portant sur l’âge de la responsabilité pénale, une série d’articles sur le sujet ayant été publiée aux États-Unis. Les études développementales ne peuvent toutefois encore identifier les spécificités et les différences propres à l’adolescence (environ quinze/dix-huit ans) et à la post-adolescence (environ dix-huit/vingt-cinq ans), la maturation procédant par vagues successives.

34La maturation est un phénomène complexe qui associe réduction du nombre de synapses, soit de potentialités d’interactions neuronales, et renforcement d’un certain nombre de connexions, que l’on peut supposer (sans preuve) comme étant les plus opérantes. Certaines performances de l’être humain sont maximales durant l’adolescence puis décroissent, par exemple à partir de quinze ans pour certaines tâches mnésiques (Waber et al., 2007) ou vers seize ans pour certaines tâches d’inhibition (Tamnes et al., 2010). La qualité de réponse aux tâches expérimentales varie d’ailleurs au cours de l’adolescence, en relation avec les remaniements spécifiques des régions directement impliquées dans les tâches et les remaniements des régions auxquelles elles sont connectées. Souvent les performances de l’adulte sont sensiblement égales (parfois supérieures) à celles de l’adolescent, mais l’adulte tend à recruter simultanément des régions cérébrales, parfois éloignées, mais essentielles à la tâche, faisant moins appel à des « expertises » uniquement régionales. Il peut être supposé, que l’adulte a sélectionné et « automatisé » des réseaux de réseaux en réponse aux tâches concernées, sur la base d’une moindre complexité locale et d’une meilleure synergie globale.

De l’enfant à l’adulte

35L’enfant prépubère possède des potentialités plus diversifiées que l’adulte, corrélées d’ailleurs à sa plasticité fonctionnelle et à une croissance axonale et synaptique continue. Il évolue vers l’âge adulte en sélectionnant certaines potentialités : la tâche de l’adolescent serait de procéder à cette sélection effectuant un compromis entre continuité, adaptation et performances. Formation du self et régulation de la relation aux pairs semblent des objets majeurs de ce processus évolutif. Dans cette conception, il est permis de supposer que se mettre à l’épreuve soi-même et mettre à l’épreuve son environnement permet l’optimisation fonctionnelle et structurale des régions cérébrales impliquées dans les tâches de « haut niveau » en les adaptant à l’environnement. C’est une hypothèse qui, formulée légèrement différemment, est soutenue par certains chercheurs en neurosciences. Ainsi la tendance à l’agir de l’adolescent « ordinaire » (en référence à D. W. Winnicott) paraît réhabilitée car elle représente, malgré son cortège de risques et de désagréments, une condition générale de l’évolution. Toutefois, dans le domaine des neurosciences, tout comme dans celui de la psychanalyse, il existe une autre tendance qui met principalement en avant la déficience dans cette tendance à l’agir. Pour certains neuropsychologues, un cerveau émotionnel (limbique) trop développé par rapport au CPF et pour certains psychanalystes, un défaut de mentalisation plaçant l’adolescent sous la domination des processus primaires, feraient de l’adolescent la proie de ses émotions et le pousseraient à agir impulsivement ou à rechercher des sensations de manière inconsidérée. Il nous semble bien au contraire concevable que le cerveau limbique et plus généralement les émotions participent le plus souvent à réguler les comportements d’un adolescent non malade confronté à des enjeux nouveaux. Il apparaît aussi que l’adolescent est capable d’une forme de créativité et d’adaptabilité que ne possède pas l’adulte. Les agissements exploratoires (et à risques) contribuent à organiser la sélection des comportements et intérêts (et donc peut-être des réseaux et connexions) qui seront conservés. L’appétence sensitive et la recherche de la nouveauté ne sont pas forcément néfastes à l’individu, ni à l’espèce.

Des points de convergence

36Les résultats des études de neuro-imagerie sont compatibles avec l’affirmation des thérapeutes d’enfants selon lesquels l’adolescence est une période de transition et de transformation intégrant l’expérience infantile pour un développement vers l’âge adulte. Une moindre grande plasticité caractérise la formation stable du caractère. Les études comportementales ont montré que l’ignorance du niveau réel de risque n’est pas, en général, un facteur décisif dans les comportements adolescents : la connaissance des périls est à peu près semblable entre ceux-ci et leurs aînés (Furby et Beyth-Marom, 1992 ; Klaczynski, 2004). D’autres facteurs interviennent donc. Un déséquilibre développemental spécifique de l’adolescence (entre CPFm et système limbique par exemple) conduisant à la recherche excessive de sensations ou à un défaut d’inhibition, est parfois mis au premier plan. Toutefois le fait que de plus grands risques sont pris en présence de pairs n’a pas trouvé d’explications très satisfaisantes. Surtout, une conception téléologique de l’action a été avancée par plusieurs chercheurs dans le domaine cognitif, qui considèrent la prise de risque nécessaire à l’optimisation fonctionnelle des structures corticales, notamment celles impliquées dans la cognition sociale.

Une articulation parfois difficile

37L’articulation entre neurosciences et psychanalyse est un important enjeu actuel [27], théorique mais aussi éthique. La théorisation en neurosciences ne fait généralement pas référence à des éléments dynamiques comme la notion de conflit et de pulsion, seule la notion de motivation est employée en référence à des principes du behaviourisme. De plus l’expérience personnelle, même si elle semble jouer un rôle, ne peut guère s’objectiver dans les structures cérébrales. La formulation par Ph. Gutton [28] du « pubertaire » offre une possibilité d’articulation entre les conceptions psychanalytiques et la découverte des remaniements cérébraux à l’adolescence quand l’auteur écrit que « le pubertaire est au fonctionnement psychique, ce que la puberté est au corps » [29].

38Surtout, la place de l’adolescent dans le processus thérapeutique diffère fondamentalement [30] : il est acteur lors d’un traitement psychanalytique, il est objet dans un traitement issu des neurosciences. Les modèles neuroscientifiques présentent en effet, ce qui est souvent considéré comme un avantage, mais n’est pas sans poser des questions éthiques : un caractère opératoire et opérant. Des molécules peuvent être produites ou des régions activées ou désactivées (par la stimulation magnétique transcrânienne). Les modèles comportementalo-cognitifs sont fondés sur des processus d’apprentissage, voire de conditionnements. La question éthique est particulièrement aiguë lorsqu’il s’agit de prendre en charge des adolescents, quand il demeure incertain que leur comportement relève d’une pathologie mentale : est-il alors justifié de les traiter ? Ne prend-on pas le risque de réduire leurs potentialités évolutives personnelles ?
Au total, les connaissances portant sur le développement cérébral apportent des arguments objectifs à certaines considérations psychanalytiques. Elles soulèvent aussi des questions théoriques nouvelles, particulièrement l’hypothèse d’une post-adolescence s’étendant jusqu’à environ vingt-trois/vingt-cinq ans. De nombreux autres domaines sont en cours d’exploration, notamment l’identification des structures impliquées dans la « cognition sociale » et de celles relatives au fonctionnement du self, dont la définition demeure d’ailleurs très floue. Par ailleurs, les liens entre modifications pubertaires hormonales et cérébrales restent mal connus.

Conclusion

39À la période adolescente, la prise de risque favorise l’exploration des rôles sociaux, l’accès à un partenaire sexuel et contribue généralement à améliorer l’estime de soi. La prise de risque participe également à la formation efficace des régions cérébrales les plus spécifiques de la « sapience » qui caractérise l’espèce. Elle est corrélative du développement cérébral qui permet, schématiquement, le passage entre un cerveau adolescent plutôt « multiple localisé » et un cerveau adulte plutôt « simplifié synergique ». Les agirs adolescents participent des aléas du processus de de(con)struction/construction qui mêle l’élagage synaptique et l’accroissement de la connectivité fonctionnelle et anatomique. En outre, le développement du cerveau des adolescents semble offrir les meilleures conditions pour étudier les relations mal comprises entre la cognition et l’émotion. Enfin, la neuro-imagerie apporte des arguments difficilement contestables sur l’existence d’une période extrêmement spécifique dans le développement humain qui pourrait se prolonger jusque vers vingt-trois/vingt-cinq ans. Ces données conduisent à une réflexion sur la responsabilité juridique et morale de l’adolescent. Elles ouvrent aussi des perspectives sur une conceptualisation de l’activité mentale qui inclurait la possibilité de processus intermédiaires que ne résumerait pas la dichotomie processus primaires/secondaires.

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Mots-clés éditeurs : neurosciences, développement cérébral, addiction, conduites à risque

Date de mise en ligne : 17/10/2011

https://doi.org/10.3917/ado.077.0479

Notes

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    Le système limbique est un réseau de voies nerveuses intégrant certaines structures situées en profondeur, au niveau de la face interne des lobes temporaux, telles que l’hippocampe et l’amygdale. Il participe au traitement des émotions et joue un rôle majeur dans certains processus mnésiques. Le système de récompense se situe le long du faisceau médian du télencéphale ; le système de punition quant à lui est médian et périventriculaire.
  • [3]
    Blos P. (1967). The Second Individuation Process of Adolescence. Psychoanal. Study Child, 22 : 162-186 ; (1980). The Life Cycle as Indicated by the Nature of the Transference in the Psychoanalysis of Adolescents. Int. J. Psycho-Anal., 61 : 145-151 ; (1989). The Place of the Adolescent Process in the Analysis of the Adult. Psychoanal. Study Child, 44 : 3-18. Erikson E. H. (1956). The problem of ego identity. J. Amer. Psychoanal. Assn. 4 : 56-121.
  • [4]
    Ritvo S. (1971). Late adolescence. Developmental and clinical condiserations. Psychoanal. Study Child, 26 : 241-263.
  • [5]
    Freud A. (1968). Le Normal et le Pathologique chez l’enfant. Paris : Gallimard.
  • [6]
    Roussillon R. (2006). Pour introduire la question du langage du corps et de l’acte. Le Carnet PSY, 7/111 : 36-40 ; (2008). Le jeu et l’entre-je(u). Paris : PUF.
  • [7]
    Golse B. (2010). Le bébé philosophe, son corps et sa psyché - Explorations et promesses d’un nouveau monde. In : M. Agostini, J. Ribalet (Éds.), Dossier Recherche. La philosophie et les médecines de l’âme. Paris : UNESCO.
  • [8]
    L’état de repos ou resting state qualifie l’activité cérébrale, lorsqu’aucune tâche n’est demandée au sujet.
  • [9]
    Entre dix-huit et vingt et un ans environ.
  • [10]
    Dans le DSM, les définitions portant sur « l’usage et l’abus » de substances toxiques offrent un compromis entre des approches cliniques, épidémiologiques et expérimentales. Le même phénomène de décrochage spontané a été constaté chez de très nombreux anciens combattants du Vietnam héroïnomanes.
  • [11]
    Freud S. (1897). Letter from Freud to Fliess, December 22, 1897. In : J. M. Masson (Éds.), The Complete Letters of Sigmund Freud to Wilhelm Fliess, 1887-1904. Cambridge : Harvard University Press, 1985, pp. 287-289.
  • [12]
    Freud S. (1900). The Interpretation of Dreams. New York : Avon, 1980 ; (1912). On the Universal Tendency to Debasement in the Sphere of Love. Contributions to the Psychology of Love II. In : The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, V. XI, London : Hogarth Press, 1957, pp. 177-190.
  • [13]
    Freud S. (1927). The Future of an Illusion. Civilization and its Discontents, and Other Works. In : The Standard Edition of the Complete Psychological Works of Sigmund Freud, V. XXI, London : Hogarth Press, 1961, pp. 1-56.
  • [14]
    Glover E. (1932). On the aetiology of drug-addiction. Int. J. Psycho-Anal., 13 : 298-328.
  • [15]
    Krystal H. (1982). Adolescence and the tendencies to develop substance dependence. Psychoanal. Inq., 2 : 581-617. Zinberg N. (1975). Addiction and ego function. Psychoanal. Study Child, 30 : 567-588.
  • [16]
    Il ne s’agit pas ici d’étudier l’addiction, mais le simple usage représentatif d’un comportement à risque.
  • [17]
    La définition du CPFvm varie avec les auteurs pour inclure ou non le cortex orbito-frontal.
  • [18]
    Selon J. Breuer, il était nécessaire au lecteur de retraduire mentalement les termes techniques dans la langue de la psychologie, la seule utile dans ce contexte.
  • [19]
    Freud S. (1895). Esquisse d’une psychologie scientifique. In : La naissance de la psychanalyse. Paris : PUF, 2009, pp. 307-396.
  • [20]
    Par biologie, nous entendons ici toutes les approches objectives du fonctionnement cérébral.
  • [21]
    Freud S., Breuer J. (1895). Études sur l’hystérie. Paris : PUF, 2003.
  • [22]
    Médecin, frère de Henry James, il fut un des principaux fondateurs de la neuropsychologie ; il s’orienta ensuite vers l’étude de la pensée religieuse.
  • [23]
    Les fonctions exécutives ont pour objectif de réguler le comportement et faciliter l’adaptation à des situations nouvelles lorsque l’utilisation de routines est insuffisante.
  • [24]
    Capacité d’inhiber une réaction ou une décision. Elle est mesurée par exemple dans le test de Stroop par le retard mis pour décrire la couleur des lettres d’un mot, quand la couleur et le sens diffèrent (le mot « vert » écrit en rouge), vs quand la couleur et le sens concordent.
  • [25]
    Une faible stimulation est nécessaire.
  • [26]
    Winnicott D.W. (1965). The maturational processes and the facilitating environment : studies in the theory of emotional development. The International psychoanalytical library, 64 : 1-276.
  • [27]
    Ansermet F, Magistretti P. (2004). À chacun son cerveau. Plasticité neuronale et inconscient. Paris : Odile Jacob. Ouss L., Golse B., Georgieff N., Widlöcher D. Éds. (2009). Vers une neuropsychanalyse ? Paris : Odile Jacob.
  • [28]
    Gutton Ph., Bourcet S. et al. (2004). La naissance pubertaire. L’archaïque génital et son devenir. Paris : Dunod. Gutton Ph. (2004). Archaïques ? Le Carnet PSY, 9/95 : 20-21.
  • [29]
    Gutton Ph. (1997). Le pubertaire, ses sources, son devenir. In : M. Perret-Catipovic, F. Ladame (Éds.), Adolescence et psychanalyse : une histoire. Lausanne : Delachaux & Niestlé, pp.193-212 (p. 193).
  • [30]
    Au moins en principe.

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