Notes
-
[1]
Le niveau de détail d’un système, d’un ensemble de données ; la taille de l’élément.
-
[2]
http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/Events/French_Paris_OER_Declaration.pdf
-
[3]
www.openeducationeuropa.eu/fr
-
[4]
Cf. note 2.
-
[5]
www.poerup.info/
-
[6]
Cf. note 1.
-
[7]
Média interactif qui peut intégrer à la fois du son, de la vidéo, des photos, des textes, etc.
-
[8]
Source : Educpros.
-
[9]
« La pédagogie numérique, un défi pour l’enseignement supérieur ? ».
-
[10]
CESE : Conseil économique, social et environnemental.
-
[11]
Cf. l’article sur les Learning Analytics, dans ce même numéro.
Après un rappel de l’histoire des ressources éducatives libres (REL), l’article s’intéressera à leurs principaux atouts, sans oublier les points de vigilance à maintenir, au rang desquelles les questions de propriété intellectuelle. Il évoquera enfin les transformations du métier d’enseignant induites par ces nouvelles ressources.
1Les technologies numériques modifient profondément notre économie, notre comportement et nos pratiques sociales. Les réseaux de communication sont omniprésents, l’information surabondante. Cette évolution concerne également l’éducation car le numérique transforme à la fois les conditions de production, les modes d’accès, de partage et de transmission des savoirs. Les ressources éducatives libres (REL) ont émergé avec le numérique, et plus spécifiquement avec le développement d’internet. Pawlowski et Hoel (2012) définissent une REL comme « n’importe quelle ressource numérique accessible et réutilisable à des fins pédagogiques », regroupant ainsi dans une même définition des objets aussi variés que les documents PDF ou multimédia, les simulations, les études de cas, les banques d’exercices, les manuels scolaires ou universitaires, les jeux sérieux, les vidéos pédagogiques, les activités en classe… Leur granularité [1] peut aller d’un cours complet à des objets pédagogiques comme des schémas animés, des banques d’images, etc.
Une brève histoire des REL
2Quelques initiatives jalonnent l’histoire des REL. Citons parmi les plus anciennes Digischool, une initiative nationale des Pays-Bas lancée par deux enseignants en 1995. Elle a abouti à une collection de « classes virtuelles » où des enseignants en primaire ou dans le secondaire peuvent partager des REL. Depuis 2000, les enseignants peuvent également échanger sur l’usage des REL.
3En 2001, le Massachusetts Institute of Technology annonce la publication en libre accès sur internet de la majeure partie de ses cours et lance, avec un succès retentissant, l’initiative OCW-MIT qui permet aux enseignants du MIT de publier gratuitement le contenu de leurs cours. En 2005, plusieurs établissements créent l’OpenCourseWare Consortium (OCWC), pour augmenter le matériel pédagogique disponible, tout en en favorisant une distribution plus large. Plus de 200 universités dans le monde ont rejoint OCWC afin de partager les contenus qu’elles produisent.
4En 2001, en France cette fois, se crée l’association Sésamath, qui diffuse gratuitement sur internet des ressources pédagogiques pour l’enseignement des mathématiques. Certains projets s’appuient sur la conception collaborative de ressources, comme par exemple Mathenpoche, ou les manuels Sésamath. Dans le domaine éditorial, Sésamath a ainsi favorisé la rédaction d’un manuel scolaire libre.
5En 2002, devant le nombre accru d’établissements offrant des didacticiels gratuits ou libres, l’UNESCO organise le premier Forum mondial de l’impact des didacticiels libres. C’est à cette occasion qu’est adoptée l’expression « ressources éducatives libres ». Les REL sont alors définies comme des « matériaux d’enseignement, d’apprentissage ou de recherche appartenant au domaine public, ou publiés avec une licence de propriété intellectuelle permettant leur utilisation, adaptation et distribution à titre gratuit » [2].
6En 2006, l’américain Salman Khan fonde la Khan Academy, association à but non lucratif, avec l’objectif de « fournir un contenu éducatif de qualité, gratuit, accessible à tous et partout ». La Khan Academy publie en ligne un ensemble gratuit de leçons sous forme de courtes vidéos publiées sur Youtube, sous licence Creative Commons. En 2011, le Président Obama annonce un plan de 2 milliards de dollars pour soutenir la création de REL destinées essentiellement à des chômeurs.
7En France, le ministère de l‘enseignement supérieur et de la recherche crée, à partir de 2003 pour les plus anciennes et jusqu’à 2007 pour les plus récentes, sept universités numériques thématiques (UNT) qui se sont vu confier la mission de favoriser le recensement, la conception, l’archivage, la valorisation et la mise à disposition de tous (étudiants et enseignants), d’un ensemble cohérent d’outils et de ressources numériques utiles dans les formations universitaires. Elles doivent œuvrer à la constitution d’un patrimoine pédagogique numérique national de qualité, référencé et visible, au service de toute la communauté universitaire. Les missions des UNT répondent à un triple objectif : faciliter la production numérique des enseignants universitaires en leur permettant d’accéder à des éléments réutilisables et à une panoplie d’outils ; favoriser la réussite des étudiants en leur offrant un ensemble cohérent de ressources numériques labellisées et produites par des enseignants universitaires ; offrir une visibilité nationale et internationale au patrimoine pédagogique de l’enseignement supérieur français. En effet, les ressources diffusées par les UNT ont un contenu scientifiquement garanti, il s’agit là d’un facteur essentiel de différenciation par rapport à d’autres initiatives qui peuvent exister à travers le monde. En 2015, plus de 24 000 REL sont proposées.
8Les UNT ont validé sur les plans scientifique et pédagogique plus de 16 000 vidéos produites par les établissements d’enseignement supérieur et de recherche et comprises dans Canal-U, la vidéothèque numérique de l’enseignement supérieur.
9L’Union européenne n’est pas restée en dehors de cette impulsion autour des REL, puisque la communication « Rethinking Education », lancée par la commission européenne en novembre 2012, met en lumière le besoin de stimuler l’apprentissage ouvert et flexible et appelle à un plus large accès et usage des REL. En septembre 2013, la Commission européenne lance l’initiative « Opening up Education : Innovative teaching and learning for all through new technologies and Open Educational Resources ». Cette communication définit un agenda européen afin de stimuler des moyens innovants et de grande qualité pour enseigner et apprendre grâce aux nouvelles technologies et aux contenus numériques. Un portail d’accès aux REL appelé « Open Education Europa » [3] est lancé.
10La déclaration de Paris de l’UNESCO [4] en 2012 recommande entre autres aux États de renforcer l’élaboration de stratégies et de politiques relatives aux REL, de faciliter la recherche, la récupération et le partage des REL, et d’encourager l’octroi de licences ouvertes pour les matériels éducatifs produits sur fonds publics. En effet, les REL fournissent aux gouvernements une opportunité stratégique d’encourager l’inclusion et la démocratisation de la connaissance en élargissant l’accès à l’éducation, et d’augmenter la qualité et l’efficience des systèmes éducatifs, en promouvant notamment les innovations que les REL permettent.
11Des communautés se constituent autour de projets sur les REL à travers le monde. Un référencement peut être trouvé sur la carte interactive du projet européen Poerup [5]. Citons par exemple l’initiative Wikiwijs des Pays-Bas, intéressante car elle concerne l’ensemble du système éducatif néerlandais, de l’école primaire à l’université. C’est une plateforme ouverte où les enseignants peuvent trouver, télécharger, développer et partager des REL. Les enseignants peuvent utiliser gratuitement toute ressource qu’ils trouvent sur la plateforme dans leur classe. Enfin pour les 3-19 ans, mentionnons Hwb, une plateforme numérique pour le Pays de Galles, qui fournit aux enseignants un espace de partage et d’accès à une collection d’outils et de ressources.
Les atouts des REL, les points de vigilance à maintenir
12Le principal avantage des REL est d’offrir un accès libre et gratuit à des ressources pédagogiques. Une étude menée en 2011 (Boyer 2012), essentiellement autour de la production et de l’usage des ressources pédagogiques numériques, au niveau universitaire d’une manière générale et des UNT spécifiquement, a permis de constater que la perception des bénéfices des ressources pédagogiques numériques était très homogène quel que soit le public (établissement, enseignants ou étudiants). Les principaux bénéfices indiqués concernent leur apport aux cours en présentiel, le développement de l’enseignement en ligne et leur intérêt pour les étudiants empêchés. Aucune différence notable en fonction du niveau d’études des étudiants, du statut des enseignants ou de la taille de l’établissement n’a été constatée. L’étude montrait que pour avoir un impact sur les enseignants, les UNT devaient proposer des ressources facilement (ré-)utilisables sur le plan technique, pédagogique et juridique (notamment des grains fins [6] ou des banques d’exercices, des simulateurs), faciles à trouver, plutôt du niveau licence. Les enseignants étaient demandeurs d’une diffusion de scénarios pédagogiques, d’exemples d’utilisation et de préconisations d’usage. Ils exprimaient aussi leur intérêt pour une valorisation des productions, y compris au niveau international.
13Les principaux atouts des REL sont :
- un accès démultiplié à l’apprentissage, puisque les apprenants du monde entier peuvent accéder gratuitement, librement et à n’importe quel moment aux REL (sous réserve de la connaissance de la langue). Pour faciliter leur usage notamment par les étudiants, il est nécessaire de relier les REL à des cursus. De même, des scénarios pédagogiques doivent accompagner les ressources, de manière à faciliter leur utilisation par les enseignants ;
- le passage à grande échelle, puisque les REL peuvent être diffusées partout sans coût additionnel, et ne se cantonnent pas à une institution ou un pays. Elles peuvent ainsi être un élément de visibilité des institutions qui les ont produites ;
- l’augmentation des matériaux pédagogiques, puisqu’ils peuvent être réutilisés en classe par les enseignants. Cela s’accompagne d’une diversité des approches pédagogiques et des supports numériques, puisqu’un même sujet peut être abordé dans différentes ressources avec des approches différentes ou des supports différents comme la vidéo ou le Rich Media [7] par exemple ;
- une dissémination rapide, puisqu’on s’affranchit des délais d’impression et d’acheminement inhérents au support papier. De plus, les ressources sont potentiellement toujours à jour, puisque le numérique permet une modification immédiatement diffusable ;
- une baisse des coûts pour les institutions, puisqu’une fois produite la REL est réutilisable par tous, ce qui évite de reproduire régulièrement des supports pédagogiques, et favorise partage et mutualisation ;
- un lieu de promotion de l’innovation et de l’excellence. Comme tout un chacun peut produire et s’approprier les ressources, les REL favorisent l’innovation éducative. En permettant des productions collaboratives, elles autorisent la réalisation de ressources pédagogique comme les banques de tests qui trouvent leur intérêt dans la quantité et la diversité des exercices proposés, ou comme les jeux sérieux ou les webdocumentaires dont le coût est trop élevé pour une seule institution ;
- un facteur de développement de l’éducation informelle. Ainsi, selon Cecilia D’Oliveira [8] (directrice d’OCW-MIT en 2011), l’impact le plus important d’OCW-MIT a été de permettre à des millions d’individus d’accéder à une éducation informelle. En 2012, 2 150 cours avaient été publiés et le seuil des 125 millions de visites atteint, dont 9% d’enseignants, 42 % d’étudiants et 43 % d’apprenants en remise à niveau ou en apprentissage tout au long de la vie.
14Les points de vigilance sont :
- la qualité, puisque certains répertoires de ressources permettent à tout un chacun de déposer des REL, non validées par des tiers. Un des facteurs de différenciation des UNT par exemple est que toutes les ressources éducatives qu’elles proposent sont validées scientifiquement, pédagogiquement et technologiquement ;
- les barrières linguistiques et culturelles. Bien que des efforts soient faits pour éviter une hégémonie de la langue anglaise, la production anglophone est considérable et facilement diffusable. La production en langue française est toutefois importante, ne peut être ignorée, et trouve aussi son public ;
- des difficultés d’ordre technologique, dans certains pays où la connexion internet est insuffisante. Il faut veiller à ce que les REL ne soient pas facteurs d’inégalité entre ceux qui peuvent y accéder et ceux qui ne le peuvent pas ;
- les importantes questions de droit d’auteur et de propriété intellectuelle. Il est en effet essentiel que les ressources respectent la législation sur le droit d’auteur, et que l’usage qui peut en être fait soit clairement indiqué. Il est effectivement fondamental que les enseignants puissent partager, remixer, réutiliser légalement les REL. Citons Creative Commons, organisation à but non lucratif, qui propose gratuitement six licences permettant aux titulaires de droits d’auteur de mettre leurs œuvres à disposition du public à des conditions prédéfinies. Les licences Creative Commons viennent en complément du droit applicable et ne se substituent pas au droit d’auteur. Elles permettent aux titulaires de droits d’autoriser le public à effectuer certaines utilisations, tout en ayant la possibilité de réserver les exploitations commerciales, les œuvres dérivées et les conditions de redistribution ;
- la pérennité des REL. La question est fondamentale, puisque des ressources dont les contenus ne sont pas mis à jour, ou dont les technologies de production sont obsolètes dans un environnement numérique en perpétuelle évolution, n’ont plus d’intérêt. Le processus de mise à jour des REL est un des points faibles, car si produire une REL peut s’avérer valorisant, la maintenir est en général fastidieux. De plus, il existe des incitations (financières ou autres) à la production mais souvent la mise à jour n’est pas prévue. Citons l’exemple dans le scolaire de KlasCement en Flandres (Belgique). C’est un répertoire de contenus produits par les enseignants (plus de 26 000 ressources). Tous les deux ans, afin de garantir leur pertinence et leur qualité, les ressources sont révisées par une organisation à but non lucratif EduCentrum, essentiellement financée par le ministère de l’éducation de Flandres.
- le modèle économique. La question du modèle économique est encore ouverte. La généralisation de la production et la pérennisation des ressources produites nécessitent la définition d’un modèle économique qui ne repose pas entièrement sur le soutien financier de la puissance publique et le bénévolat d’auteurs militants.
Conclusion
15Le numérique permet à chacun d’accéder à une masse d’informations d’une ampleur colossale, dont les REL ne constituent qu’une infime partie. Mais accéder librement et gratuitement à l’information ne signifie pas pour autant que l’on sache la maîtriser. Se pose alors la question de la construction, de la mobilisation et de l’interaction des connaissances. C’est là que l’enseignant intervient. Comme l’indique un rapport [9] 2015 du CESE [10], « une mutation profonde des pratiques du métier d’enseignant est probablement engagée au travers de la transformation pédagogique par le numérique que nous vivons ». Pour le CESE, les nouvelles relations de formation peuvent passer par une meilleure association des étudiants à la production des contenus d’enseignement et des processus d’évaluation des travaux tant individuels que collectifs. Les technologies développées doivent également permettre de mieux comprendre et analyser les différents phénomènes d’apprentissage, de repérer les erreurs commises par les apprenants, afin notamment de les aider à les corriger [11].
Bibliographie
Références
- Canal-U www.canal-u.tv
- UNT France-universite-numerique.fr
- PAWLOWSKI J.M. & HOEL T. (2012), Towards a Global Policy for Open Educational Resources : The Paris OER Declaration and its Implications, White Paper, Version 0.2, Jyväskylä, Finland.
- BOYER Anne (2012), Les Universités Numériques Thématiques : Bilan, Rubrique de la Revue STICEF, Volume 18, 2011, ISSN : 1764-7223, mis en ligne le 14/02/2012, http://sticef.org
Notes
-
[1]
Le niveau de détail d’un système, d’un ensemble de données ; la taille de l’élément.
-
[2]
http://www.unesco.org/new/fileadmin/MULTIMEDIA/HQ/CI/CI/pdf/Events/French_Paris_OER_Declaration.pdf
-
[3]
www.openeducationeuropa.eu/fr
-
[4]
Cf. note 2.
-
[5]
www.poerup.info/
-
[6]
Cf. note 1.
-
[7]
Média interactif qui peut intégrer à la fois du son, de la vidéo, des photos, des textes, etc.
-
[8]
Source : Educpros.
-
[9]
« La pédagogie numérique, un défi pour l’enseignement supérieur ? ».
-
[10]
CESE : Conseil économique, social et environnemental.
-
[11]
Cf. l’article sur les Learning Analytics, dans ce même numéro.