Notes
-
[1]
Los Angeles Times, 5 juillet 1936, p. 15.
-
[2]
Lorsqu’on évoque « les plages de Los Angeles », on inclut les plages qui font partie de Los Angeles ainsi que les plages de municipalités indépendantes (Santa Monica par exemple), mais qui sont intégrées dans le tissu de la métropole.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Mike Davis, City of Quartz. Excavating the Future in Los Angeles, New York, Vintage Books, 1992, p. 258.
-
[5]
Setha Low et Neil Smith, The Politics of Public Space, Londres, Routledge, 2006 ; Sharon Zukin, Landscapes of Power. From Detroit to Disneyworld, Berkeley, University of California Press, 1991 ; Katherine Beckett et Steve Herbert, Banished. The New Social Control in Urban America, Oxford, Oxford University Press, 2010. Pour des références françaises, voir Romuald Bodin (dir.), Les Métamorphoses du contrôle social, Paris, La Dispute, 2012.
-
[6]
Quentin Deluermoz, Policiers dans la ville. La construction d’un ordre public à Paris, 1854-1914, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012 ; Quentin Deluermoz, Arnaud-Dominique Houte et Aurélien Lignereux, « Introduction », dossier « Sociétés et forces de sécurité au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, 50, 2015, p. 7-21.
-
[7]
Il existe quelques exceptions du côté de la sociologie. Voir Christophe Andréo, « Surveillance et contrôle des jeunes des quartiers populaires sur une plage marseillaise à la fin des années 1990 », Genèses, 67, 2007, p. 89-108.
-
[8]
Vincent Milliot, « Histoire des polices : l’ouverture d’un moment historiographique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 54(2), 2007, p. 162-177 ; Alain Dewerpe, Charonne 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État, Paris, Gallimard, 2006 ; Emmanuel Blanchard, La Police parisienne et les Algériens (1944-1962), Paris, Nouveau monde, 2011. Notons que les historiens de la police en France sont redevables aux travaux des sociologues qui, les premiers, se sont emparés de cet objet. Voir Dominique Monjardet, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, La Découverte, 1996. Quant aux historiens américains, ils se sont récemment penchés sur les conséquences urbaines de la massification carcérale. Voir Heather Ann Thompson et Donna Murch, “Rethinking urban America through the lens of the carceral state”, Journal of Urban History, 41(5), 2015, p. 751-755.
-
[9]
Didier Fassin, « Pouvoir discrétionnaire et politiques sécuritaires », Actes de la recherche en sciences sociales, 201-202, 2014, p. 72-86.
-
[10]
Alain Corbin, Le Territoire du vide. L’Occident et le désir du rivage (1750-1840), Paris, Flammarion, 2010 ; Gabriel Désert, La Vie quotidienne sur les plages normandes du Second Empire aux Années folles, Paris, Hachette, 1983 ; Johan Vincent, L’Intrusion balnéaire. Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), Rennes, PUR, 2007.
-
[11]
Les archives des polices aux États-Unis étant rarement disponibles, les historiens doivent se rabattre sur la presse, les archives municipales, les témoignages de policiers, les études sociologiques, etc. Voir Yann Philippe, « L’enquête comme évocation du monde : langages de l’enquête et légitimation du New York Police Department (1900-1940) », Revue française d’études américaines, 113, 2007, p. 77-91.
-
[12]
John K. Walton, The British Seaside. Holidays and Resorts in the Twentieth Century, Manchester, Manchester University Press, 2000, p. 3.
-
[13]
Andrew J. Diamond, Mean Streets. Chicago Youths and the Everyday Struggle for Empowerment in the Multiracial City, 1908-1969, Berkeley, University of California Press, 2009 ; Jeff Wiltse, Contested Waters. A Social History of Swimming Pools in America, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2007 ; Victoria W. Wolcott, Race, Riots, and Roller Coasters. The Struggle over Segregated Recreation in America, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2012.
-
[14]
On compte 7 600 Africains-Américains à Los Angeles en 1910 et 15 500 en 1920. Voir Douglas Flamming, Bound for Freedom. Black Los Angeles in Jim Crow America, Berkeley, University of California Press, 2005, p. 25.
-
[15]
Alison Rose Jefferson, “African American leisure space in Santa Monica. The beach sometimes known as the’Inkwell‘”, Southern California Quarterly, 91(2), 2009, p. 155-189.
-
[16]
En 1920 un homme noir, qui s’est installé sur une plage traditionnellement blanche, est frappé par trois officiers de police. Voir D. Flamming, op. cit., p. 183-184.
-
[17]
Ronald A. Davidson, “Before ‘surfurbia’ : the development of the south bay. Beach cities through the 1930s”, APCG Yearbook, 66, 2004, p. 81-94.
-
[18]
Les fonctions portuaires sont concentrées dans la baie de San Pedro [voir illustration, p. 17].
-
[19]
“Souvenir of Long Beach California”, Long Beach Historical Society, p. 5.
-
[20]
Santa Monica Evening Outlook, 27 juin 1917, p. 1.
-
[21]
Los Angeles Times, 1er août 1911, p. II. 1.
-
[22]
Un policier pour 1 300 habitants en 1900 (par comparaison avec 1 pour 430 à New York par exemple). Albert J. Reiss Jr., “Police organization in the twentieth century”, Crime and Justice, 15, 1992, p. 51-97.
-
[23]
Arthur C. Verge, Los Angeles County Lifeguards, Chicago, Arcadia, 2005, p. 24 et Santa Monica Lifeguards, Chicago, Arcadia, 2007.
-
[24]
Voir le Santa Monica Evening Outlook pour la période 1900-1920.
-
[25]
Roy Rosenzweig et Elizabeth Blackmar, The Park and the People. A History of Central Park, Ithaca, Cornell University Press, 1998, p. 313.
-
[26]
Anne-Marie Sohn, « Le corps sexué », in Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (dir.), Histoire du corps. 3. Les mutations du regard. Le XXe siècle, Paris, Seuil, 2006, p. 94 ; Christophe Granger, Les Corps d’été. Naissance d’une variation saisonnière, XXe siècle, Paris, Autrement, 2009. Pour le contexte américain, voir Angela J. Latham, “Packaging women : the concurrent rise of beauty pageants, public bathing, and other performances of female’nudity‘”, The Journal of Popular Culture, 29(3), 1995, p. 149-167.
-
[27]
J’emprunte cette expression à Christophe Granger, « Batailles de plage. Nudité et pudeur dans l’entre-deux-guerres », Rives méditerranéennes, 30, 2008, p. 117-133.
-
[28]
Santa Monica Evening Outlook, 19 août 1916, p. 1.
-
[29]
American City, 28, juin 1923, p. 569.
-
[30]
Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1976.
-
[31]
Los Angeles Times, 11 mars 1930, p. A2.
-
[32]
Los Angeles Times, 12 août 1929, p. A1.
-
[33]
Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 2014.
-
[34]
À l’instar de l’étude de Quentin Deluermoz sur les policiers parisiens à l’époque moderne, voir Q. Deluermoz, op. cit., p. 133.
-
[35]
Sur ce sujet, voir l’ouvrage classique de Paula S. Fass, The Damned and the Beautiful. American Youth in the 1920s, Oxford, Oxford University Press, 1977.
-
[36]
Santa Monica Evening Outlook, 27 juin 1912.
-
[37]
Santa Monica Evening Outlook, 18 juillet 1919, p. 1.
-
[38]
Pour plus de détails sur cette controverse, voir Elsa Devienne, « Controverses à Los Angeles : le port du maillot de bain en ville au début du XXe siècle », Modes pratiques. Histoire du vêtement et de la mode, 1, 2015, p. 174-193.
-
[39]
Voir Jeremiah B. C. Axelrod, Inventing Autopia. Dreams and Visions of the Modern Metropolis in Jazz Age Los Angeles, Berkeley, University of California Press, 2009.
-
[40]
17 juin 1926, Minutes of the Board of Playground and Recreation Commission (BPRC), boîte C0368, Archives de la ville de Los Angeles (AVLA).
-
[41]
Palisades Del Rey Press, 11 novembre 1927, p. 2.
-
[42]
Los Angeles Times, 5 juillet 1936, p. 15.
-
[43]
Voir par exemple la pétition adressée au bureau de la santé par les habitants de Venice le 19 septembre 1951. Boîte A1106, dossier 50 103, correspondance du conseil municipal (CCM), AVLA. Ces mobilisations ne sont pas sans rappeler le phénomène contemporain du « NIMBY ». Voir Nicolas Marchetti, Les Conflits de localisation : le syndrome Nimby, Montréal, CIRANO, 2005.
-
[44]
Ordonnance n° 90 738, 23 avril 1946. Boîte A893, dossier 23172, CCM, AVLA ; Los Angeles Times, 15 septembre 1930, p. A1.
-
[45]
En Californie, la partie sèche (jamais immergée) d’une plage peut être privatisée.
-
[46]
Lettre, boîte A1513, dossier 89691, CCM, AVLA ; Santa Monica Evening Outlook, 1er juillet 1940, p. 1.
-
[47]
Los Angeles Times, 30 décembre 1940, p. A1.
-
[48]
18 août 1927, Minutes of the BPRC, boîte C0368, AVLA ; 2 août 1928, Minutes of the BPRC, boîte C0368, AVLA.
-
[49]
Rapport du département de police de Los Angeles, 1936-1937, p. 4.
-
[50]
Lettre de Mrs. H. Frederickson, 7 juillet 1930, Minutes of the BPRC, boîte C0368, AVLA.
-
[51]
Manhattan Beach Pilot, 19 septembre 1940, p. 4.
-
[52]
Mars 1942, Council communications, boîte A803, dossier 11077, AVLA.
-
[53]
D. Monjardet, op. cit., p. 37-42.
-
[54]
Los Angeles Times, 5 juillet 1936, p. 15.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Arthur C. Verge, Paradise Transformed : Los Angeles during the Second World War, Dubuque, Kendall/Hunt, 1993.
-
[57]
Kirse Granat May, Golden State, Golden Youth : The California Image in Popular Culture, 1955-1966, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2002. Les discours rapportés par les médias parlent généralement des « jeunes » sans tenir compte des différences de classe ou de race.
-
[58]
Elaine Tyler May, Homeward Bound. American Families in the Cold War Era, New York, Basic Books, 1988.
-
[59]
Elsa Devienne, « Agrandir la plage : une histoire de la construction des plages de Los Angeles (années 1930-1960) », in Patrick Fournier et Geneviève Massard-Guilbaud (dir.), Aménagement et environnement. Perspectives historiques, Rennes, PUR, 2016, p. 231-246.
-
[60]
Santa Monica Evening Outlook, 11 décembre 1958, p. 1.
-
[61]
Emory Stephen Bogardus, The City Boy and His Problems. A Survey of Boy Life in Los Angeles, Los Angeles, House of Ralston, 1926, p. 71-72, p. 80 et 88.
-
[62]
Le spring break correspond à ce rituel estudiantin qui voit des milliers de jeunes (étudiants et lycéens, principalement blancs de la classe moyenne) débarquer sur les plages pendant la semaine de Pâques.
-
[63]
Estelle B. Freedman, “’Uncontrolled desires‘ : the response to the sexual psychopath, 1920-1960”, The Journal of American History, 74(1), 1987, p. 83-106.
-
[64]
Pour un ouvrage classique offrant une approche sociologique du phénomène des pissotières utilisées comme lieu de rencontres sexuelles entre homosexuels, voir Laud Humphreys, Tearoom Trade. Impersonal Sex in Public Places, Chicago, Aldine Transaction, 1975.
-
[65]
Daniel Hurewitz, Bohemian Los Angeles and the Making of Modern Politics, Berkeley, University of California Press, 2007.
-
[66]
Los Angeles Examiner, 10 mai 1954, coupure de presse.
-
[67]
Santa Monica Evening Outlook, 16 juin 1954, p. 17.
-
[68]
Los Angeles Examiner, 9 juin 1960, p. 8.
-
[69]
Los Angeles Examiner, 17 juin 1960, coupure de presse, collection de l’Université de Californie du Sud (CP USC).
-
[70]
Los Angeles Examiner, 26 juillet 1960 (CP USC).
-
[71]
Los Angeles Times, 19 avril 1965, p. OC8. Les chiffres de la population sont disponibles sur le site de la municipalité : http://www.newportbeachca.gov/i-am-a/visitor/about-newport-beach/demographics-and-statistics/population-by-year.
-
[72]
Los Angeles Times, 11 mai 1958, p. OC2.
-
[73]
Ordonnance n° 1079, 27 janvier 1964, archives en ligne du conseil municipal de Newport Beach.
-
[74]
Santa Monica Evening Outlook, 13 avril 1955, p. 1 ; Santa Monica Evening Outlook, 4 décembre 1956, p. 1.
-
[75]
Santa Monica Evening Outlook, 2 avril 1955, p. 1.
-
[76]
Madigan-Hyland, engineers, Recreational Development of the Los Angeles Area Shoreline : An Engineering and Economic Report to the Mayor and the City Council, City of Los Angeles, New York, Madigan-Hyland, 1949, p. 26.
-
[77]
Los Angeles County Beach Study, 1965, p. 14-15.
-
[78]
C’est ce qu’observe en 1952 Charles R. Stapleton dans son mémoire de master de géographie, “Recreation and its problems on the Santa Monica-Venice shoreline of Southern California”, Los Angeles, Université de Californie à Los Angeles, 1952, p. 67.
-
[79]
Voir la lettre d’un jeune Mexicain adressée à un juge en 1943, citée in George J. Sánchez, Becoming Mexican American. Ethnicity, Culture, and Identity in Chicano Los Angeles, 1900-1945, New York, Oxford University Press, 1993, p. 207.
-
[80]
Woodrow Nichols, “A spatio-perspective analysis of the effect of the Santa Monica and Simi Valley freeways on two selected black residential areas in Los Angeles county”, thèse de doctorat en géographie, Los Angeles, UCLA, 1973, p. 73.
-
[81]
David Grant, “A demographic portrait of Los Angeles county, 1970 to 1990”, in Lawrence D. Bobo, Melvin L. Oliver, James H. Johnson Jr et Abel Valenzuela Jr (éds), Prismatic Metropolis. Inequality in Los Angeles, New York, Russell Sage Foundation, 2000, p. 51-80, en particulier p. 51-52.
-
[82]
Los Angeles Times, 13 novembre 1965, p. B4.
-
[83]
Robert B. Edgerton, Alone Together. Social Order on an Urban Beach, Berkeley, University of California Press, 1979.
-
[84]
Ibid., p. 51.
-
[85]
Eric Avila, Popular Culture in the Age of White Flight. Fear and Fantasy in Suburban Los Angeles, Berkeley, University of California Press, 2004., p. 6
-
[86]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 51.
-
[87]
Ibid.
-
[88]
Ibid., p. 44.
-
[89]
Ibid., p. 45.
-
[90]
Heather Ann Thompson, “Why mass incarceration matters : rethinking crisis, decline, and transformation in postwar American history”, Journal of American History, 97(3), 2010, p. 703-734.
-
[91]
Los Angeles Times, 24 juillet 1960, p. OC1.
-
[92]
Los Angeles Times, 13 novembre 1966, p. WS1.
-
[93]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 55.
-
[94]
Los Angeles Times, 24 mai 1970, p. SF A9.
-
[95]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 50-55.
-
[96]
Los Angeles Times, 24 juillet 1960, p. OC1.
-
[97]
Los Angeles Times, 13 octobre 1980, p. F1.
-
[98]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 124.
-
[99]
Lettre du 11 janvier 1963, Council communications, boîte A1513, dossier 89691, AVLA.
-
[100]
Motion du 23 juin 1965, Council communications, boîte A1914, dossier 124633, AVLA.
-
[101]
Los Angeles Times, 5 janvier 1969, p. CS1.
-
[102]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 59.
-
[103]
Los Angeles Times, 13 octobre 1980, p. F1.
-
[104]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 48.
-
[105]
Ibid., p. 34.
-
[106]
J’emprunte cette expression à C. Granger, « Batailles de plage… », art. cit., p. 120.
1« Amusez-vous à la plage cette année ! Allez-y aussi souvent que vous le voulez ! Restez aussi longtemps que vous le souhaitez. Nagez autant que vous l’entendez. Mangez ce qui vous fait plaisir et profitez du soleil [1] ». Le 5 juillet 1936, le thermostat monte dans les rues de Los Angeles et le Los Angeles Times invite les habitants à trouver refuge sur les plages de l’agglomération [2]. Si le début de l’article célèbre les vertus libératrices de la plage, la suite est d’une toute autre tonalité : « Mais souvenez-vous », prévient le journaliste, « il y a des lois sur la plage et vous devez les observer à la lettre [3] ». Le reste de l’article consiste en un rappel des règles qui régissent les comportements sur les rivages.
2La publication d’un tel article au début de la saison chaude met au jour les tensions autour de la question du maintien de l’ordre sur les plages d’une grande ville : comment conjuguer l’impératif hédoniste imposé par le cadre balnéaire et la nécessité d’assurer l’ordre urbain, y compris à ses marges ? À Los Angeles, ville dont le site se situe à 25 kilomètres du Pacifique, la question ne se pose pas immédiatement. Situées loin du centre-ville et du regard des autorités, les plages sont, au début du XXe siècle, des lieux de détente où les contraintes sur les comportements sont moins fortes qu’en ville. Toutefois, à partir du milieu des années 1920, la ville connaît un boom économique qui se traduit par un étalement urbain vers le Pacifique. Les premiers règlements régissant spécifiquement le périmètre sablonneux apparaissent dans ce contexte, quand les plages se transforment en véritables espaces publics urbains.
3Aujourd’hui, il n’est plus question de boire de l’alcool, de dormir, de faire un feu, d’amener son chien, de planter sa tente ou encore de mendier sur la plage. Parallèlement, la surveillance et la répression des comportements des baigneurs se sont intensifiées, en ciblant spécifiquement certaines catégories de populations, les jeunes et les minorités. Dans son célèbre opus sur la « ville de quartz », Mike Davis affirme ainsi que les plages sont des endroits « virtuellement inaccessibles [4] » pour les jeunes Noirs et Latinos, cibles traditionnelles de la police.
4Au premier regard, l’histoire du maintien de l’ordre sur les plages de Los Angeles semble illustrer un récit classique, développé depuis une vingtaine d’années par les sciences sociales, et selon lequel on constate, au cours du XXe siècle et plus particulièrement à partir des années 1970, une érosion du caractère démocratique de l’espace public dans les grandes villes américaines et l’émergence d’un État-policier qui encadre tous les comportements et quadrille le moindre recoin de la ville [5]. Mais à y regarder de plus près, le processus par lequel les plages sont passées du statut d’espace sans règle, voire d’espace défouloir, à celui d’espace hyper-contrôlé est plus complexe qu’il n’y paraît. Assimiler ce processus à une logique mécanique d’extension du contrôle policier depuis la ville vers ses marges reviendrait à ignorer les tâtonnements et les négociations qui ont émaillé cette histoire. Comme l’ont souligné les historiens de la police, l’ordre public est le produit des interactions entre les autorités et les gens ordinaires et il ne faudrait pas sous-estimer la marge de manœuvre dont disposent les premières lorsqu’il s’agit d’adapter la loi à la réalité du terrain, ni la capacité de ces derniers à questionner la légitimité de certaines règles [6]. Ensuite, ce serait occulter les processus complexes qui ont accompagné la transformation des plages en espaces publics arrimés au fonctionnement de la ville.
5Cet article propose d’analyser l’évolution des régulations et des formes de surveillance sur les plages de Los Angeles au XXe siècle en évitant les écueils d’une vision téléologique qui ferait du « tout contrôle » le résultat inévitable de cette trajectoire. Inversement, il faudra se garder d’une vision rose de la plage comme espace de libertés, où enjeux de pouvoir et hiérarchies sociales et raciales se dissoudraient au contact de l’air iodé. Un tel projet nécessite de s’inscrire au croisement de deux champs historiographiques restés jusqu’à présent particulièrement étanches : l’histoire de la police et l’histoire du phénomène balnéaire [7]. Notre ambition est double. D’abord, en s’appuyant sur les recherches sur l’ordre urbain en France et aux États-Unis [8], il s’agit de comprendre les rationalités à l’œuvre dans la progressive (et imparfaite) « mise en ordre » du littoral et ainsi contribuer à l’étude de l’ordre dans les marges urbaines [9]. Notre deuxième ambition est de montrer qu’une histoire urbaine des plages reste à écrire. Si les historiens ont fait la part belle à l’histoire sociale et culturelle des pratiques balnéaires [10], ils ont généralement traité la plage comme un espace détaché du quotidien et des préoccupations citadines. Cette étude montre que les rivages d’une grande ville telle que Los Angeles sont des espaces urbains à part entière, où se posent des problèmes de sécurité et de gestion des foules. Afin de mener cette enquête, plusieurs types d’archives ont été exploitées [11] : les archives municipales donnent accès aux débats préalables à l’institution d’une loi et, en particulier, aux demandes des habitants ; la presse locale, si elle se fait souvent le porte-parole des autorités, donne un aperçu des interactions quotidiennes entre représentants de l’ordre et baigneurs ; enfin, à défaut de pouvoir accompagner un contingent policier dans sa patrouille quotidienne, l’historien peut analyser les écrits des anthropologues et journalistes qui l’ont fait par le passé.
6Des années 1910, autrement dit du moment où les stations balnéaires de la côte accueillent un nombre important de visiteurs, jusqu’aux années 1970, c’est-à-dire après le grand bouleversement des années 1960 lié à l’augmentation très forte de la criminalité dans les villes américaines, le maintien de l’ordre sur la plage n’évolue pas en fonction de l’augmentation ou de la diminution des désordres, mais plutôt en fonction d’enjeux économiques – en particulier la valorisation fulgurante du foncier littoral – et socio-démographiques – la visibilité croissante des jeunes et des minorités sexuelles, ethniques et raciales jouant un rôle déterminant pour l’après-guerre. Contre une vision trop simpliste d’un renforcement systématique de la surveillance et de la répression dans l’espace public, cette histoire des plages de Los Angeles met en valeur la manière dont le littoral est « entré » dans la ville, et comment, ce faisant, il a troublé le régime légal et policier à l’échelle de la métropole.
Un espace sans règle ?
7Sous la plume des historiens du fait balnéaire, la plage du XIXe et du début du XXe siècle apparaît comme un espace sans règle où « les certitudes de l’autorité sont diluées et les contraintes habituelles sur les comportements sont suspendues [12] ». Il est indéniable que le littoral, au moins jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, constitue dans le monde occidental un espace hors de l’ordinaire, où les tenues vestimentaires comme les conduites sont relâchées. Toutefois, les plages situées à proximité d’une grande ville ne sont pas exemptes d’un certain nombre de règles et elles peuvent être le lieu de confrontations violentes nécessitant l’intervention de la police. La grande émeute raciale de Chicago de 1919 commence ainsi sur les rivages du Lake Michigan, lorsque l’arrivée de baigneurs noirs sur une plage traditionnellement réservée aux Blancs donne lieu à une altercation. Plusieurs historiens ont en effet montré que les lieux de loisirs aux États-Unis, parce qu’ils permettent des jeux de séduction et font planer le spectre des relations sexuelles interraciales, sont des espaces sous tension tout au long du XXe siècle [13].
8À Los Angeles, toutefois, le maintien de l’ordre sur les plages au début du siècle ne constitue pas un sujet de préoccupation majeur pour les autorités. D’abord, les relations raciales sont moins tendues qu’à Chicago, où la migration de Noirs du Sud pendant la Première Guerre mondiale engendre des rivalités fortes pour l’accès au logement et aux attractions urbaines. Par comparaison, la population noire de Los Angeles reste très réduite jusqu’à la Seconde Guerre mondiale [14]. En Californie, étant donné le caractère illégal des lois ségrégationnistes, les baigneurs noirs ont en théorie accès à l’ensemble du littoral. En pratique, ils utilisent deux plages – l’« Inkwell » à Santa Monica et « Bruce’s Beach » à Manhattan Beach – où leur présence est tolérée et où le risque de se faire chasser par des baigneurs blancs est moindre [15]. Il existe bien des violences raciales ponctuelles, parfois du fait même de la police [16], mais rien de comparable aux tensions quotidiennes, et parfois sanglantes, qui agitent le littoral de Chicago.
9Si les plages posent peu de problème de maintien de l’ordre au début du siècle, c’est aussi car le nombre de résidents à l’année dans les communes du littoral (Los Angeles donc, mais aussi Santa Monica, etc.) [voir illustration, p. 17] est relativement faible jusque dans les années 1920. Los Angeles est à l’origine une ville continentale et les plages de la baie sont d’abord des espaces de détente fréquentés le week-end par une population d’ouvriers et de cols blancs, et le reste de la semaine par des touristes venus de l’Est [17]. L’économie du littoral est alors toute entière tournée vers le tourisme et les loisirs [18]. La compétition fait rage entre les différentes stations balnéaires, aussi n’est-il pas question de brider les comportements des visiteurs qui viennent se distraire sur la côte. Les brochures touristiques insistent au contraire sur le « sentiment de liberté grisant que procure l’océan [19] ». D’autant que les petites municipalités du littoral ont peu de moyens et préfèrent concentrer leurs effectifs policiers dans les rues. En 1917, au sujet des tenues de bain proscrites, le chef de la police de Venice estime ainsi qu’il « n’y a pas assez de policiers dans la ville pour surveiller tous les baigneurs [20] ». À ce même sujet, le maire de Santa Monica recommande en 1911 la présence d’un policier à proximité de l’établissement de bains, mais le conseil municipal lui rétorque aussitôt qu’une telle mesure ne pourrait être financée [21]. Le département de police de Los Angeles, qui doit composer avec une ville dont l’étalement urbain est alors unique en son genre, possède le taux d’encadrement policier le plus faible du pays [22]. Enfin, les premières équipes professionnelles de sauveteurs ne sont formées que dans les années 1920 et 1930 [23].
10Autrement dit, au début du siècle, il n’y a aucune figure d’autorité sur le sable et les baigneurs sont libres d’amener leur chien, boire de l’alcool ou encore faire du feu sur le sable, autant d’activités pour lesquelles il n’existe aucune législation. Cette souplesse du régime légal explique l’utilisation courante des plages pour de grands rassemblements festifs organisés par des écoles, des associations charitables ou des habitants. À cette occasion, de grands feux de joie sont allumés, des voitures stationnent sur le sable et de véritables campements sont aménagés sur le bord de mer [24]. Les plages se distinguent alors des espaces publics urbains, tels que les parcs, où les comportements sont encadrés par des règlements précis. À Central Park, le grand parc new-yorkais inauguré en 1859, les visiteurs se font par exemple rappeler à l’ordre par des gardiens s’ils tentent d’y boire de l’alcool ou osent poser le pied sur la pelouse [25].
Négocier la nudité
11Cela dit, contrairement aux parcs urbains, il existe sur la plage des règles concernant les tenues autorisées, règles au sujet desquelles les historiens ont beaucoup écrit [26]. Ces derniers ont toutefois eu tendance à se focaliser exclusivement sur les femmes et à exagérer le caractère rigide de ces règlements, sans doute car les images les plus frappantes de ces « batailles de plage [27] » – les camions de police remplis de jeunes filles en costume de bain, l’arrestation de la nageuse Annette Keller en 1907, etc. – ont fait le bonheur des générations suivantes, pour qui les « pruderies » d’autrefois venaient confirmer la supériorité des temps modernes. Une analyse plus fine de ces lois dans le contexte de Los Angeles montre que la plage, pendant la première moitié du siècle, est avant tout un espace de la négociation où les baigneuses (et les baigneurs) ont une marge de manœuvre conséquente. D’abord, de nombreuses municipalités n’imposent en fait aucune loi sur la question dans la mesure où l’on estime que les visiteurs doivent faire appel à leur sens naturel de la retenue [28]. En 1923, le superintendant chargé des loisirs à Bridgeport dans le Connecticut se fait le porte-parole des municipalités permissives lorsqu’il affirme que « le public est relativement raisonnable en ce qui concerne cette question [des tenues de bain] et que prescrire le nombre exact de centimètres autorisés au-dessus du genou n’a aucun sens [29] ». L’absence de règle écrite s’explique par l’existence de normes sociales si profondément intériorisées que les autorités les jugent suffisantes pour préserver les convenances [30]. À Los Angeles, la répression des tenues inconvenantes est d’autant plus compliquée que les règlements varient en fonction des municipalités qui se partagent la côte, variations dont les visiteurs ont rarement conscience. En 1930, le « comité de coordination des plages publiques de Los Angeles » tente de faire adopter des règles uniformes pour l’ensemble de la côte, mais la réunion se solde par un échec, notamment car, rapporte le journal local, les fabricants de maillots sortent de nouveaux modèles chaque année, ce qui impliquerait de statuer systématiquement sur chacun d’entre eux [31]. Même en cas de vague d’arrestations, comme c’est le cas en août 1929 à Santa Monica quand la ville décide de sévir contre les hommes qui exposent leur torse, les baigneurs peuvent échapper aux officiers en rajustant au dernier moment leurs bretelles de maillot, en plongeant dans l’eau ou en se fondant dans la foule [32]. La police, par sa seule présence, entraîne donc bien une « disciplinarisation [33] » des individus, mais ces derniers, tout en se « disciplinant », peuvent faire acte de leur opposition à l’égard de normes qu’ils jugent dépassées. C’est donc la rencontre entre agents et citadins qui crée l’ordre public, quand bien même celui-ci ne correspond pas aux idéaux affichés des autorités [34].
12Mais sur le littoral californien peut-être plus que dans d’autres contextes, les villes doivent tenir compte de la réputation dont elles jouissent, faute de quoi elles risquent de perdre des visiteurs au profit de leurs concurrentes. Au début du XXe siècle, la société américaine connaît une véritable « révolution des mœurs » qui ébranle les codes victoriens de la pudeur et de la retenue, en particulier en ce qui concerne le corps et le comportement des femmes [35]. Les municipalités se retrouvent face à un dilemme : les partisans d’une politique libérale – les membres de la jeune génération, classes ouvrières et classes moyennes confondues – sont ceux qui fréquentent les plages, mais les conseils municipaux sont peuplés d’hommes plus âgés, soucieux de la morale, et qui sont soutenus par les dirigeants religieux et les associations de femmes de la bonne société. Dans ce contexte, les résistances quotidiennes des baigneurs sont efficaces. En 1912, le conseil municipal de Venice renonce par exemple à voter une ordonnance stipulant précisément la longueur des costumes de bain lorsqu’une pétition circule dans la ville [36]. Mais l’arme la plus redoutable dont disposent ceux qui souhaitent exposer leur corps au soleil est la presse locale et sa capacité à créer ou détruire une réputation. Dans les années 1910, les controverses autour du maillot de bain se focalisent sur la question du port du maillot de bain en ville, pratique qui est interdite, pour les hommes comme pour les femmes, sur l’ensemble du littoral. Si les arrestations de baigneurs dans les rues et les magasins sont nombreuses jusqu’en 1919, elles finissent par cesser quand la perspective d’être taxée de municipalité « prude » s’avère dommageable d’un point de vue économique. En 1919, le journal local de Santa Monica s’inquiète ainsi de voir l’arrestation d’une mère de famille rapportée dans les grands journaux de Los Angeles car on craint que Santa Monica ne devienne « la risée des personnes ouvertes d’esprit [37] ». Face à la couverture médiatique négative des arrestations, la police se voit obligée de faire marche arrière et d’abandonner, en pratique, l’ordonnance [38]. Sur la plage, les autorités doivent prendre en compte l’impact de leur action sur la réputation de la ville, notamment auprès des touristes. Dans ces conditions, exercer la loi d’une main de fer n’est ni envisageable d’un point de vue pratique (les effectifs sont trop faibles et les citoyens mal informés), ni avantageux d’un point de vue économique.
Les premiers règlements
13Si les plages du début du siècle bénéficient d’un régime légal relativement souple, la situation évolue dans les années 1920 et 1930 lorsque trois phénomènes bouleversent le paysage économique et socio-démographique du littoral. D’abord, la région connaît une croissance démographique vertigineuse : on compte 2,2 millions d’habitants dans le comté en 1930, par comparaison avec 930 000 dix ans plus tôt. Ensuite, les élites de Los Angeles prennent la décision d’abandonner une configuration concentrique traditionnelle et de privilégier une densité basse et un paysage horizontal [39]. Ce refus de reproduire les erreurs des villes industrielles de l’Est, vues comme surpeuplées et polluées, accélère la reconfiguration de la ville de l’Est vers l’Ouest. À la fin des années 1920, l’afflux de nouveaux habitants transforme les petites stations balnéaires de la côte en véritables villes résidentielles. En parallèle, l’économie régionale se diversifie avec le développement des industries du cinéma, du pétrole, de l’agriculture et de l’aéronautique. Attirer le plus grand nombre de visiteurs cède le pas à d’autres préoccupations, parmi lesquelles s’impose rapidement la nécessaire mise en ordre du littoral. Les habitants du littoral associent de plus en plus leur intérêt personnel et, en particulier, la valeur de leur maison, à la manière dont la plage est administrée, tandis que pour les élites municipales il s’agit de projeter une image de respectabilité afin d’attirer résidents aisés et touristes fortunés.
14En l’espace de quelques années, un véritable arsenal législatif vient encadrer les comportements sur le littoral et ainsi en restreindre l’accès aux classes populaires et aux habitants les plus marginaux (squatteurs, mendiants). La présence de squatteurs sur les plages, pratique qui jusque-là n’était pas mentionnée dans les sources, suscite le passage de plusieurs lois. Interdire les feux et les tentes fermées est un moyen indirect de lutter contre ces pratiques sans importuner les touristes, qui sont alors nombreux à venir équipés d’une tente pour se protéger du soleil. En 1926, le directeur du conseil d’administration des parcs de Los Angeles propose une ordonnance interdisant les tentes de plage fermées sur les quatre côtés. S’il ne voit aucun inconvénient aux tentes ouvertes sur au moins l’un des côtés, les tentes fermées, explique-t-il, « ont donné lieu à des désagréments [40] ». La déclaration reste allusive mais elle cible à la fois ceux qui voudraient faire de la plage un lieu de vie temporaire et ceux qui pourraient y avoir des comportements considérés comme indécents. En 1927, une loi interdisant les feux sur la plage est votée par le conseil municipal de Los Angeles. Certes, de nombreux baigneurs se sont plaints d’avoir souffert de brûlures aux pieds causées par les restes d’un feu [41], mais il s’agit également de limiter l’attrait des plages pour les squatteurs et les classes populaires. En effet, ces dernières n’ont pas accès aux clubs de plage privés, dont le nombre se multiplie à cette période et où les feux sont autorisés. De même, à Redondo Beach, les feux de plage sont interdits dans les années 1930 à la demande des habitants qui se plaignent des odeurs qui leur parviennent lorsque le vent souffle vers les terres [42]. Pour les propriétaires du littoral, la plage n’est plus seulement un espace que le public est libre d’occuper à sa guise, mais leur arrière-cour, sur laquelle ils estiment avoir un droit de regard.
15Dans les années suivantes, le nombre d’interdictions se multiplie, souvent sous l’impulsion des habitants qui font circuler des pétitions auprès de la mairie et mobilisent leurs représentants [43]. Certaines, on l’a vu, touchent à la sécurité des baigneurs, comme l’interdiction de faire un feu, de promener son chien, de boire de l’alcool, ou de jouer avec des balles dures. D’autres concernent des activités prohibées dont l’impact sur la sécurité des baigneurs est moins clair : dormir sur la plage, pratiquer la vente à la sauvette, organiser un rassemblement, mendier, ou encore avoir un comportement bruyant [44]. Toutes ces lois font bien plus que ce qu’elles prétendent faire (protéger les baigneurs, éviter les comportements indécents, réduire les mauvaises odeurs, etc.) : elles définissent la plage comme un espace strictement réservé au loisir des classes moyennes et supérieures et excluent les plus pauvres. Le littoral avait jusque-là cumulé ce statut avec celui de lieu de rassemblement et de sociabilité, en particulier pour les classes ouvrières, et celui d’espace de repli pour les populations sans domicile. À partir des années 1930, le mélange des fonctions n’est plus possible. L’intégration des municipalités littorales à l’agglomération constitue donc une rupture dans l’histoire de l’ordre sur la plage : autrefois espaces touristiques éloignés des centres de population et de pouvoir, les plages sont désormais soumises aux mêmes contraintes qui pèsent sur les comportements dans les rues et les parcs. Mais cette intégration se ressent de manière différentielle pour les classes populaires, pour qui les plages publiques sont leur seule opportunité d’accès à l’océan, et pour les classes aisées, qui ont l’option supplémentaire d’avoir accès à un club de plage, voire d’acquérir une maison possédant un pan de plage privée [45]. Par ailleurs, cette intégration reste imparfaite et une tolérance vis-à-vis des infractions mineures persiste tout au long des années 1930.
Une mise en ordre imparfaite
16Pour faire respecter ces nouvelles règles, certaines municipalités prennent des mesures innovantes : à Santa Monica, tous les sauveteurs en mer peuvent procéder à des arrestations à partir de 1932 et un officier de police est assigné à la surveillance de la jetée à partir de 1940 [46]. Mais dans les autres villes du littoral, la surveillance des plages est beaucoup moins bien organisée et l’été, aucun des sauveteurs engagés pour la saison n’a le statut d’officier de police. Seules les journées de célébration telles que le nouvel an ou la fête nationale impliquent la mobilisation d’une patrouille spécifiquement assignée à la plage [47]. À plusieurs reprises, les représentants de la police des quartiers ouest se voient obligés d’expliquer aux législateurs qu’il leur sera impossible de faire respecter les ordonnances votées. Le 18 août 1927, un représentant de la police de Los Angeles se présente ainsi devant les membres du conseil municipal pour avertir ces derniers que l’interdiction des feux ne sera pas appliquée en raison de la faiblesse des effectifs. Un an plus tard, le capitaine de la division de Sawtelle fait état du même problème lors d’une rencontre avec la commission des loisirs [48]. De fait, il existe un vrai problème d’effectifs : en 1937, le chef de la police de Los Angeles rappelle qu’en dépit de l’augmentation vertigineuse du nombre d’habitants, le nombre d’officiers est resté le même qu’en 1926 [49].
17Par ailleurs, l’application des lois s’avère particulièrement complexe dans la région dans la mesure où les plages sont gérées par des entités administratives différentes, qui possèdent leur propre règlement concernant les tenues autorisées mais également à propos d’une liste interminable d’autres sujets (feux, tentes, chiens, etc.). C’est pour éviter les inévitables confusions qu’entraîne ce problème que le Los Angeles Times publie en 1936 son enquête, citée en introduction, sur le maintien de l’ordre à la plage. Dans cet article, le journaliste compile une liste des différentes règles selon les municipalités, soit une sorte de petite guide à l’usage du baigneur [voir illustration, p. 10]. Le simple fait qu’un tel article soit publié au début de la saison estivale est un indice qui en dit long sur les transgressions quotidiennes des baigneurs, conscientes ou non.
18Il est ainsi de notoriété publique que certaines règles ne sont pas réellement appliquées. À Venice et Ocean Park, malgré l’interdiction qui touche ces activités, toutes sortes de jeux de balle sont pratiqués sur la plage : « Pourquoi les sauveteurs en mer regardent-ils paresseusement ces jeux sans faire le moindre effort pour les arrêter [50] ? », s’interroge une mère excédée dans une lettre adressée à la commission des loisirs. De même, en 1940, un article publié dans le journal de Manhattan Beach dénonce la tolérance à l’égard des baigneurs qui plongent depuis la jetée ou qui font du vélo sur la promenade, deux activités strictement interdites [51]. Même lorsque la sécurité de la ville est en jeu, les interdictions ne sont pas forcément respectées, comme en 1942, lorsque le conseil municipal de Los Angeles doit solliciter le comité de défense local afin d’éteindre les feux de plage et ainsi assurer l’invisibilité nocturne de la côte en période de guerre [52].
19Dominique Monjardet a montré que l’écart entre la loi écrite et son application n’est pas un raté du système policier mais en fait partie intégrante. Plutôt que d’observer cet écart et ses fluctuations, le chercheur qui s’intéresse au fait policier doit éclaircir les mécanismes à l’œuvre dans « le processus de sélection » des activités policières [53]. Dans leurs entretiens avec les journaux locaux, les chefs des polices du littoral donnent un aperçu des motivations qui président à ce processus. Il s’agit toutefois d’une prise de parole publique à visée légitimatrice, qui cherche à diffuser une image positive de la police et qui ne reflète pas forcément les choix faits sur le terrain. Pour le chef de la police de Redondo, interrogé en 1936 par le Los Angeles Times, seules les ordonnances qui permettent de garantir la sécurité des baigneurs doivent être strictement appliquées. À Manhattan Beach, le chef de la police affirme également fermer les yeux sur la plupart des infractions mineures, mais jure qu’« il arrête systématiquement quiconque est pris en train de briser des bouteilles sur la plage », car les éclats de verre posent un risque de blessure. Cette politique assumée de tolérance vis-à-vis des infractions mineures se justifie, affirme le journaliste, par la nécessité de préserver l’attractivité des plages et des commerces avoisinants auprès des visiteurs : « Le marchand de hot-dogs, le propriétaire de jeux et le pêcheur dépendent tous du public et de sa bonne opinion de la ville. Il doivent faire leur chiffre d’affaires annuel en seulement quatre mois [54] ». Si l’économie des villes littorales est alors en cours de diversification, le tourisme demeure, il est vrai, une part importante de leurs revenus.
20Au-delà de ces considérations économiques, tous les chefs de police interrogés par le Los Angeles Times s’accordent pour dire que, sur le sable, les officiers doivent être plus patients et plus compréhensifs car les baigneurs ne sont pas, a priori, des criminels : « La plupart des gens ont des ennuis car ils s’amusent un peu trop fort. Les policiers qui patrouillent les plages partent de ce principe » explique le journaliste. Selon cette logique, les agents accordent le bénéfice du doute aux visiteurs pris en flagrant délit. Ce qui fait la différence, affirme le chef de la police de Santa Monica, c’est « l’attitude du baigneur » : s’il montre de la bonne volonté, l’agent se montrera tolérant, mais « s’il fait des remarques sarcastiques ou revêches [55] », l’arrestation sera musclée. Ces propos, relayés dans un forum public, ont deux conséquences : d’une part, ils autorisent explicitement le pouvoir discrétionnaire des agents sur le terrain et ouvrent la voie à un traitement différencié des baigneurs non seulement en fonction du comportement, mais aussi de la classe, de la race, du sexe et de l’âge de l’individu ; d’autre part, ils justifient a posteriori la politique de tolérance appliquée sur les plages et répondent aux récriminations de certains habitants qui, dans leurs lettres, se plaignent d’une répression inexistante. Les chefs de la police désamorcent ainsi toute accusation d’inaction et masquent leur incapacité à faire appliquer les ordonnances, incapacité qu’ils évoquent pourtant régulièrement dans leurs échanges avec les municipalités. S’ils voudraient croire (et faire croire) que le régime de tolérance policière en vigueur sur les plages est uniquement le produit d’une réflexion sur l’usage raisonné de la force dans le cadre balnéaire, les chefs de police révèlent dans ces échanges (qui, eux, restent confidentiels) qu’il s’agit en grande partie d’une politique imposée par la faiblesse des effectifs face au vaste espace à surveiller. Le statut singulier des plages au regard de l’ordre urbain ne prend donc pas fin avec l’émergence des premiers règlements dans les années 1920 et 1930 : il persiste mais sous une forme plus respectable, celle d’une adaptation réfléchie aux contraintes du cadre balnéaire.
« Nettoyer » la plage des publics indésirables
21La Seconde Guerre mondiale constitue une véritable rupture dans l’histoire de Los Angeles : les investissements de l’État fédéral dans la machine de guerre locale engendrent des migrations internes massives vers la ville des anges [56]. Alors que le pays est en plein baby-boom, un grand nombre de familles s’installent dans la région à la recherche d’emplois rémunérateurs dans les usines et d’un meilleur cadre de vie. Le régime de tolérance policière en vigueur jusque-là s’amenuise et de nouveaux règlements apparaissent, qui trahissent les nouvelles cibles des forces de l’ordre : interdiction de consommer de l’alcool, couvre-feu imposé aux mineurs, fermeture nocturne des plages, autant de prescriptions qui visent la « jeunesse », cette entité aux contours mal définis qui symbolise, dans les discours de l’époque, tantôt l’avenir brillant de la nation, tantôt un élément incontrôlable qu’il faut maîtriser [57]. Ce renforcement législatif s’accompagne d’une répression agressive de la sociabilité homosexuelle (principalement masculine), qui s’épanouit sur les plages dans l’après-guerre.
22L’émergence de la plage dans les années 1950-1960 comme lieu de débauche qu’il faudrait « nettoyer » des « indésirables » s’inscrit dans deux tendances, l’une à l’échelle nationale, l’autre à l’échelle locale. D’abord, la montée de la menace communiste dans le cadre de la Guerre froide contribue à accentuer les inquiétudes concernant les « ennemis de l’intérieur ». Toutes les formes de non-conformisme, social ou sexuel, sont assimilées à des menaces sur la sécurité nationale qu’il faut encadrer, voire éliminer [58]. Ensuite, à l’échelle locale, le triomphe du mode de vie suburbain, l’augmentation rapide de la population à Los Angeles et les investissements massifs de l’État pour aménager des plages modernes et propres engendrent la valorisation croissante de l’immobilier côtier [59]. Le profil sociologique des villes littorales évolue en conséquence. Santa Monica, Redondo Beach ou encore Newport Beach, où vivait autrefois une population ouvrière conséquente, prennent de plus en plus des airs de banlieues huppées. Dans la course pour attirer investisseurs et résidents aisés, la fréquentation des rivages est un enjeu majeur. Comment attirer ces derniers si la plage est accusée, comme c’est le cas pour celle de Santa Monica, d’être « la Mecque des déviants sexuels [60] ? ».
23Les jeunes et les homosexuels ne sont pas des nouveaux venus sur les rivages de la ville. Dès les années 1930, les inquiétudes des autorités et des parents face à la propension des jeunes à venir sur les plages pour y consommer de l’alcool et avoir des relations sexuelles sont notées par des sociologues de la région [61]. Mais plusieurs facteurs les rendent plus visibles que jamais dans l’après-guerre. La conjugaison de phénomènes démographiques majeurs – le baby-boom et l’arrivée de millions de nouveaux habitants à Los Angeles – et de l’émergence d’une sous-culture de la jeunesse centrée autour des beach parties nocturnes, du surf et du spring break [62] attire l’attention des autorités sur les jeunes. De même, la répression des pratiques homosexuelles sur la plage n’est pas un phénomène nouveau. Mais, dans les années 1950, la panique qui s’empare de la société américaine autour du « psychopathe sexuel [63] » – le terme recouvrant à la fois les hommes ayant des relations consenties avec d’autres hommes et les criminels sexuels – conduit la police à renforcer sa surveillance des lieux publics comme les plages, les toilettes publiques et les parcs [64]. En parallèle, l’émergence d’un militantisme gay contribue à la visibilité croissante de la sociabilité homosexuelle dans les lieux publics [65].
24Pour nettoyer la plage de ces publics « indésirables », plusieurs tactiques sont adoptées par les élites municipales, la police, les propriétaires et les habitants des communes littorales. Multiplier les règlements contraignants afin de lutter contre ce que l’on perçoit être « une augmentation des actes de vandalisme perpétrés par des mineurs [66] » est celle adoptée par les habitants à Zuma Beach, au nord de Los Angeles. Ces derniers accusent « les surfeurs » de se réunir le soir sur la plage, de boire de la bière et de laisser les rivages dans un tel état « que les équipes de nettoyage n’[ont] pas le temps de les nettoyer pour les foules du dimanche [67] ». L’interdiction des feux, qui intervient peu après, vient donc sanctionner ce que l’on considère être une pratique illégitime de la plage. La mesure n’est visiblement pas jugée suffisante : la même année, le comté de Los Angeles prend la décision d’interdire l’accès aux plages entre minuit et six heures du matin [68]. Toutefois, la formulation de l’ordonnance pose problème : mal interprétée, elle risque d’englober les pêcheurs et les randonneurs, c’est-à-dire les personnes « qui prennent part à des activités de loisir légitimes [69] ». Quelques semaines plus tard, l’ordonnance est donc révisée : au lieu d’interdire « de venir et demeurer » sur la plage, elle précise désormais qu’il n’est pas autorisé d’y « traîner [70] ». En instaurant des interdictions précisément pensées pour encadrer les jeunes perçus comme déviants, les autorités locales définissent la plage comme l’espace de la famille et du loisir « respectable ».
25De même, les habitants de Newport Beach, une ville du comté d’Orange réputée pour son spring break annuel, se mobilisent à partir de l’année 1958, quand ils fondent une association des propriétaires dans le but affiché de limiter le nombre de spring breakers. La ville, qui compte environ 26 000 habitants, doit en effet gérer chaque année le déferlement de plus de 80 000 jeunes sur ses plages [71]. Si, dans les années 1940, la plupart des propriétaires étaient prêts à fermer les yeux sur les extravagances des jeunes tant que ces derniers louaient au prix fort leurs maisons, le vent tourne au milieu des années 1950 quand le nombre de résidents à l’année augmente et de jeunes ouvriers se joignent aux festivités des étudiants. Si la politique du « laisser-faire [72] » avait jusque-là guidé l’attitude de la police, les autorités municipales, sous l’influence des propriétaires, appliquent désormais strictement le règlement concernant le couvre-feu des mineurs, tandis que les abords des rivages se couvrent de panneaux rappelant les interdictions concernant les feux, la fermeture nocturne des plages, etc. [73].
26L’histoire du nettoyage de la plage homosexuelle de Santa Monica, connue sous le nom de « Crystal Beach », obéit à des logiques différentes, tributaires, d’une part, du caractère illégal des relations sexuelles entre personnes de même sexe et, d’autre part, du contexte politique local. À Crystal Beach, de nombreux bars et établissements de bains (bathhouses) délaissés par les classes moyennes accueillent une clientèle gay, mais il faut attendre la campagne électorale qui précède l’élection municipale d’avril 1955 pour qu’un véritable débat émerge à ce sujet. La question homosexuelle est alors instrumentalisée par deux hommes – le révérend Fred Judson et Rex Minter, un jeune avocat – qui présentent leur candidature au conseil municipal au nom du retour de la bonne morale sur les plages. Un an plus tard, en 1956, la police de Santa Monica, à la tête de laquelle se trouve un nouveau chef nommé par le conseil municipal récemment élu, mène une campagne de « nettoyage » sur la plage, qui conduit à l’arrestation de plus de 200 personnes, accusées d’avoir proposé des relations sexuelles aux officiers de la police des mœurs [74]. Dans la foulée, plusieurs des établissements de bains visés sont détruits ou fermés.
27La campagne de harcèlement policier n’a pas qu’une finalité morale. Elle est aussi menée dans l’espoir qu’une fois « nettoyée », la plage gay puisse attirer les résidents aisés et les investisseurs. Selon Rex Minter, qui soutient énergiquement ces opérations de police, Crystal Beach « est un endroit qui doit, logiquement, être aménagé. Je pense que nous pouvons y avoir de beaux hôtels et de beaux appartements [75] ». Dans l’après-guerre, la prospérité économique, l’élaboration de techniques d’ingénierie qui permettent de stabiliser les littoraux et le développement du tourisme et de l’immobilier de luxe font des rivages l’Eldorado des promoteurs immobiliers. Le nouveau conseil municipal souhaite profiter de cette tendance afin de transformer le littoral de Santa Monica en espace-vitrine de la ville pour les classes supérieures et les touristes. En d’autres termes, les opportunités économiques, telles qu’elles sont définies par la municipalité, déterminent la régulation des comportements sur la plage et l’expulsion des publics « indésirables ». Dans les années qui suivent, les jeunes, et les homosexuels suscitent toujours l’attention de la police, mais de manière moins intense. La visibilité croissante des baigneurs non-blancs modifie la perception qu’ont les autorités des sources du désordre.
Un espace urbain comme les autres ?
28La croissance démographique de la région et l’élargissement artificiel des plages dans l’après-guerre sont à l’origine d’une hausse continue de la fréquentation. En 1948, la plage de Santa Monica accueillait chaque année 2,8 millions de visiteurs [76]. Entre 1960 et 1965, la même plage reçoit 15 millions de visites annuelles et jusqu’à 300 000 visiteurs par jour pendant l’été [77]. Parmi ces nouveaux baigneurs, on compte notamment un nombre croissant d’Africains-Américains et de Latinos. La population noire de Los Angeles augmente en effet rapidement pendant et après la Seconde Guerre mondiale quand les salaires élevés dans l’industrie d’armement attirent des millions d’Africains-Américains du Sud. Ces nouveaux venus fréquentent toutefois peu les plages car les quartiers noirs, situés au Sud et à l’Est de la ville, sont mal reliés au littoral. Lorsqu’ils s’y rendent, les baigneurs noirs continuent de privilégier les plages informellement ségrégées, en particulier l’Inkwell, au moins jusque dans les années 1950 [78]. De même, les Mexicains de Los Angeles, qui vivent pour la plupart d’entre eux à l’Est du centre-ville, se rendent rarement sur les plages les plus prisées où certains d’entre eux, en particulier les jeunes hommes, sont mal vus des baigneurs blancs [79]. Dans les années 1960, la campagne de modernisation du littoral bouscule ces traditions : l’Inkwell perd son caractère singulier lorsqu’un gigantesque parking ouvre à proximité, attirant des visiteurs blancs sur la plage noire historique de Los Angeles ; et l’ouverture de l’autoroute de Santa Monica en 1966, qui relie l’océan au centre-ville, rend les plages plus accessibles pour les habitants des quartiers du Sud et de l’Est de la ville [80]. Enfin, dans les années 1970, l’arrivée massive d’immigrants venus d’Amérique latine et d’Asie dans la région, en lien avec la réforme de l’immigration de 1965, contribue à diversifier encore davantage le public [81]. Autrefois cantonnés à quelques plages et toujours en nombre réduit, les baigneurs non-blancs sont désormais plus visibles que jamais.
29Parallèlement à ces évolutions, la hausse de la criminalité dans les villes américaines devient « un dilemme national [82] ». La Californie du Sud présente un tableau particulièrement sombre avec des taux de crimes parmi les plus élevés du pays. Cette hausse se répercute sur les plages, où les autorités locales identifient une augmentation de la délinquance et de la criminalité. Ce n’est pas une coïncidence si c’est précisément dans ce contexte que l’anthropologue Robert Edgerton se lance dans une étude de l’ordre public sur la plage de Santa Monica. Frappé par le calme et la détente qui la caractérise alors que le reste de la ville semble sombrer dans la violence, l’universitaire de UCLA envoie en 1975 ses assistants recueillir les propos des sauveteurs en mer et des baigneurs. Si l’ouvrage issu de son enquête doit être analysé avec précaution, dans la mesure où Edgerton affiche une certaine empathie vis-à-vis des sauveteurs en mer (pour la majorité blancs) bien plus qu’envers les baigneurs noirs et latinos, il constitue toutefois une source exceptionnelle qui donne voix aux acteurs de l’ordre balnéaire [83]. L’ouvrage s’ouvre sur un constat quasi universellement partagé par les sauveteurs : la plage « est de moins en moins plaisante ». Tous regrettent « l’intrusion de “l’atmosphère de la ville” » sur le sable depuis l’inauguration de l’autoroute. La plage, regrettent-ils, est « en train de devenir une autre version de la vie en ville [84] », un espace urbain comme les autres. Cette évolution se nourrit d’éléments tangibles (hausse de la fréquentation et de la criminalité), mais elle est inextricablement liée à la visibilité croissante des minorités sur le sable. Les sauveteurs en mer font ainsi systématiquement la distinction entre ceux qu’ils appellent les « habitués » (the beach people) et « les gens des centres-villes » (people from the inner cities). Étant donné l’opposition qui se consolide alors entre « banlieues vanille » et « villes chocolat [85] », l’utilisation de ces expressions est fortement racialisée. Il est facile de deviner que les « habitués », auxquels les sauveteurs en mer s’identifient, sont blancs, tandis que l’expression « les gens des centres-villes » fait référence aux Noirs et aux Latinos. Ce langage codé s’accompagne d’un discours sur le comportement de ces différents groupes sur le sable – jugé plus ou moins adapté. Les « habitués » connaissent bien l’océan, ils « aiment vraiment la plage et la respectent [86] », mais sont de moins en moins nombreux. Inversement, les sauveteurs ont l’impression que le nombre de Noirs et de Latinos augmente : la plage est en train de devenir « un melting-pot au bout de l’autoroute, un terrain de jeu pour les gens des centres-villes [87] » conclut Edgerton à propos de leurs impressions.
30Le fonctionnement binaire du discours des sauveteurs en mer, s’il est affaire de perceptions, a toutefois des répercussions bien réelles sur leurs interactions. Edgerton affirme que « les sauveteurs en mer qui travaillent dans des zones où il y a un grand nombre de Chicanos ou de Noirs avouent qu’ils se sentent souvent tendus et mal à l’aise [88] ». Certains immigrants récents connaissent mal les règlements et n’hésitent pas à sortir leurs bières au nez des sauveteurs, qui peuvent alors l’interpréter comme un geste de défiance. Par ailleurs, les sauveteurs ont tendance à surveiller davantage les baigneurs non blancs et, par conséquent, à les interpeller plus souvent. L’un d’eux affirme ainsi : « On nous a appris qu’il faut surveiller les Noirs et les Latinos parce qu’ils ne savent pas bien nager. Donc, automatiquement, quand un groupe arrive sur la plage, tu te dis “oh” et tu as une image mentale qui s’impose dans ton cerveau et qui te pousse à garder un œil sur ces gens [89] ». Ce sauveteur reconnaît sans hésitation qu’il traite ces baigneurs différemment : « on » lui a appris qu’ils ne savent pas nager. Si cette attitude semble sans conséquence lorsqu’elle se traduit par une attention plus soutenue lorsqu’un baigneur noir entre dans l’eau, elle peut avoir des résultats beaucoup plus problématiques lorsqu’il s’agit de la surveillance des comportements en général. En effet, l’historienne Heather Ann Thompson a montré que la très forte hausse, à partir des années 1970, du nombre d’hommes noirs et latinos incarcérés est directement liée à ce qu’elle appelle « la criminalisation de l’espace urbain », c’est-à-dire la multiplication des lois (couvre-feu, lois anti-drogue) régissant les corps et les comportements dans les centres-villes et les ghettos, majoritairement non-blancs [90]. En faisant des baigneurs non-blancs une cible spécifique de leur surveillance, les sauveteurs contribuent au phénomène de criminalisation des jeunes noirs et latinos.
Un pacte sécuritaire entre forces de l’ordre et baigneurs
31À partir du milieu des années 1960, la visibilité croissante des minorités ethniques et raciales sur les rivages, l’augmentation des chiffres de la criminalité et la peur des règlements de compte entre gangs (une inquiétude très présente dans l’étude d’Edgerton) conduisent les forces de l’ordre à intensifier la surveillance des plages. Le nombre de personnels chargés de la surveillance sur le sable – policiers, bénévoles ou sauveteurs – augmente de manière notable. La période fait aussi figure de moment d’innovation sécuritaire, avec la mise en place des premières patrouilles de police en civil à Newport Beach en 1960 [91] (système qui se diffuse ensuite dans toute la région), l’organisation de patrouilles montées à Malibu en 1966 [92], ou encore l’adaptation des uniformes des policiers assignés aux plages – qui, à partir du début des années 1970, abandonnent l’uniforme bleu au profit de baskets, d’un T-shirt et d’un short [93]. Dans les trois cas, ces mesures doivent rassurer les baigneurs quant à leur sécurité sur la plage, sans les effrayer – la présence d’un officier en moto ou en tenue traditionnelle étant implicitement associée aux dangers de la ville. L’air bénin d’un policier en short ou à cheval a donc la double fonction de discipliner les individus – dans la mesure où ces innovations sont largement diffusées dans les médias – et en même temps celle de préserver l’atmosphère insouciante du cadre balnéaire. Une autre stratégie développée au même moment contribue également à préserver cet équilibre entre sécurité et insouciance : les sauveteurs en mer – qui bénéficient d’une image largement positive auprès des visiteurs – obtiennent davantage de pouvoirs et de responsabilités vis-à-vis de l’ordre public. En 1970, le comté leur accorde le droit de dresser des contraventions en cas de violations des règlements et d’arborer un badge officiel, symbole de ce nouveau pouvoir [94]. Toutefois, la plupart des sauveteurs reconnaissent qu’ils ne sont pas suffisamment formés. C’est pour cette raison que des unités mixtes, alliant des policiers à des sauveteurs, et motorisées sont créées à Santa Monica en 1974 [95].
32Ces innovations viennent aussi répondre aux demandes contradictoires qui émanent de la société civile. La grande majorité des baigneurs interrogés par Robert Edgerton et ses étudiants affirment se sentir en sécurité sur la plage, y compris les femmes qui s’y rendent seules. Quant aux règlements, la plupart des visiteurs les ignorent ou choisissent de ne pas les respecter, à l’instar de ces baigneurs qui camouflent leur bière dans des cannettes de soda [96]. En 1980, les sauveteurs du comté estiment qu’environ la moitié des personnes qui se rendent sur la plage y apportent des boissons alcoolisées [97]. Par ailleurs, si les baigneurs ont une image très favorable des sauveteurs, ils ignorent généralement leur rôle en tant que garants des ordonnances municipales : à leurs yeux, ils ne sont là que pour éviter les noyades. Selon certains, la police ne devrait même pas être présente sur la plage dans la mesure où « la vue d’un officier de police leur donnerait à penser qu’il y a un danger, ce qui ferait de la plage un lieu inquiétant plutôt qu’un espace de détente [98] ». Et pourtant, il existe bien une demande d’ordre de la part des habitants et des propriétaires du littoral. Les archives de la ville et la presse locale, à la même période, témoignent des inquiétudes de ces derniers au sujet des chiens qui sont promenés sans laisse [99], des bagarres qui ont lieu sur les rivages [100] et des jeunes qui dorment sur le sable [101]. Au final, les forces de l’ordre doivent composer entre ces exigences antagonistes et rendre leur action à la fois discrète, voire invisible, pour satisfaire les visiteurs et, en même temps, d’une grande efficacité afin de contenter les résidents.
33La flexibilité dont font preuve les forces de l’ordre est aussi le produit du « processus de sélection » que l’on évoquait plus haut. Parmi les policiers interrogés sur la plage par Edgerton, certains affirment ne pas appliquer l’ensemble des règlements, notamment ceux liés aux chiens et à l’usage de drogue et d’alcool. Selon une femme policière, réprimer ce genre de comportements risquerait de « créer davantage de problèmes que cela n’en règlerait [102] ». D’autres policiers citent le droit des visiteurs à profiter de leur bon temps à la plage. Dans un article du Los Angeles Times, le directeur du département des plages du comté n’hésite pas à avouer qu’il a lui-même « bu de la bière sur la plage par le passé [103] ». Quant aux sauveteurs interrogés par Edgerton, ils estiment qu’il leur serait impossible de surveiller les baignades s’ils devaient faire respecter toutes les ordonnances municipales. Cette attitude est officiellement autorisée par le comté, qui encourage ces derniers à gérer les problèmes sur la plage de manière « détendue [104] » afin de préserver une relation de confiance avec le public.
34Au final, l’ordre public sur la plage du début des années 1970 ne semble pas plus strict qu’il ne l’était une dizaine d’années plus tôt quand les autorités menaient la chasse aux surfeurs et aux homosexuels. On aurait donc tort de faire de l’histoire du maintien de l’ordre dans la ville un récit linéaire selon lequel la surveillance de la police sur les citadins serait toujours plus étroite. Pour la période qui va du milieu des années 1960 aux années 1980, on constate plutôt l’émergence et la consolidation d’une sorte de « pacte sécuritaire » entre baigneurs et forces de l’ordre, selon lequel les transgressions minimes sont tolérées tant que la sécurité et la bonne morale sont, en apparence tout du moins, respectées. Si cette tolérance rappelle celle qui existait déjà sur les rivages dans les années 1930, elle répond à des mécanismes de sélection différents. D’abord, il ne s’agit pas d’un choix par défaut, dicté par le manque d’effectifs. Dans les années 1970, 87 sauveteurs en mer parcourent les plages de Santa Monica, 20 tours de garde sont placées à moins de 300 mètres les unes des autres et quatre véhicules de police spécialement équipés pour le sable sont disponibles [105]. Ensuite, les propriétaires du littoral ont, dans la deuxième moitié du siècle, un pouvoir d’influence bien plus grand sur la police, en grande partie dû à leur statut socio-économique plus élevé. Enfin, l’enjeu, à la fin de la période, n’est plus de préserver l’attractivité touristique des plages. Au contraire, la plupart des villes littorales redoutent l’arrivée des foules sur leurs plages et craignent les bagarres et les émeutes. L’objectif est plutôt d’assurer « la paix des plages [106] » en contrôlant les éléments les plus dangereux de manière discrète – les policiers neutralisent les voleurs ou les prédateurs sexuels – tout en tolérant les infractions mineures. Si les policiers et les sauveteurs détournent le regard lorsqu’ils aperçoivent un baigneur en train de dissimuler une cannette de bière, c’est avant tout pour éviter une altercation inutile et préserver le calme et la détente que les visiteurs aspirent à trouver sur la plage. Tout du moins c’est ainsi qu’ils rationnalisent leurs choix – cherchant ainsi à mettre en valeur leur capacité d’adaptation à la réalité. Cette tolérance s’applique toutefois de manière différenciée dans la mesure où les baigneurs noirs et latinos, en particulier s’il s’agit de groupes de jeunes hommes, font l’objet d’une surveillance plus soutenue.
35Si le facteur principal qui influence la régulation et la surveillance des plages de la région de Los Angeles au XXe siècle est leur degré d’urbanisation, notre essai a montré que le maintien de l’ordre ne se durcit pas de manière mécanique et linéaire. Au début du siècle, les plages sont des espaces en marge de la ville et qui, en vertu de cette marginalité physique mais aussi symbolique, font office de lieux festifs où les habitants peuvent organiser toutes sortes d’événements sans craindre l’arrivée de la police ou les plaintes du voisinage. À partir des années 1920-1930, l’étalement urbain donne lieu à la constitution de communautés locales d’habitants et de propriétaires qui durcissent le cadre légal, sans toutefois parvenir à leurs fins : faire des plages de véritables espaces urbains, contrôlés de la même manière que les rues ou les parcs. Ces difficultés persistent dans l’après-guerre, quand l’augmentation de la fréquentation des plages donne lieu à de véritables confrontations entre usagers « indésirables », propriétaires et habitants. Pour ces derniers, la plage doit être régulée comme la ville. Paradoxalement, quand le développement d’infrastructures autoroutières ouvre les plages aux minorités ethniques et raciales des quartiers éloignés dans les années 1960-1970, la plage apparaît soudain comme trop urbaine : les sauveteurs en mer se prennent à rêver d’un retour aux plages d’autrefois et certains usagers continuent de considérer la plage comme un espace à part, où les entorses au règlement doivent être tolérées.
36Observer l’évolution du maintien de l’ordre sur les plages de la ville sur le temps long permet aussi de faire ressortir la persistance d’un régime de tolérance policière spécifique au cadre balnéaire, qui vient nuancer une vision trop schématique de la ville américaine comme forteresse homogène. Plutôt que d’en faire une évidence, une caractéristique naturelle et anhistorique du cadre balnéaire, l’enquête a montré la manière dont cette tolérance s’est construite sur la longue durée, d’abord en réponse à des impératifs économiques liés à la manne touristique et à des problèmes d’effectifs, puis, paradoxalement, en lien avec l’augmentation de la criminalité et de la présence policière, donnant lieu à l’émergence d’un pacte sécuritaire entre certains baigneurs et forces de l’ordre. Par ailleurs, cette tolérance nécessite la construction de discours policiers de rationalisation de l’exception balnéaire, qui contribuent, en creux, à la pérennisation de cette exception.
37Toutefois, ce régime de tolérance ne bénéficie pas à tous les visiteurs de manière égale. Dans les années 1920-1930, les premiers règlements ciblent des activités qui concernent principalement les classes populaires (barbecues, comportements bruyants, etc.), et les plus démunis (mendicité, campements et feux, etc.). Après la guerre, les lois (couvre-feu, interdiction de l’alcool) visent spécifiquement les jeunes et les homosexuels, toutes classes sociales confondues, même si ceux qui appartiennent aux classes aisées jouissent de ressources supplémentaires pour contourner la répression (accès aux clubs de plage ou à des maisons privées, à une voiture pour s’éloigner des plages les plus surveillées, etc.). À partir des années 1960, ce sont les minorités ethniques et raciales à qui cette tolérance fait défaut. Historiquement, le renforcement des lois et de la répression sur la plage a donc contribué à en restreindre l’accès et l’attractivité auprès des classes populaires et des minorités sexuelles, ethniques et raciales. Autrement dit, plus le littoral s’intègre à la ville, plus il prend de la valeur dans le marché foncier à l’échelle de l’agglomération et plus son accès est limité et contraint.
Notes
-
[1]
Los Angeles Times, 5 juillet 1936, p. 15.
-
[2]
Lorsqu’on évoque « les plages de Los Angeles », on inclut les plages qui font partie de Los Angeles ainsi que les plages de municipalités indépendantes (Santa Monica par exemple), mais qui sont intégrées dans le tissu de la métropole.
-
[3]
Ibid.
-
[4]
Mike Davis, City of Quartz. Excavating the Future in Los Angeles, New York, Vintage Books, 1992, p. 258.
-
[5]
Setha Low et Neil Smith, The Politics of Public Space, Londres, Routledge, 2006 ; Sharon Zukin, Landscapes of Power. From Detroit to Disneyworld, Berkeley, University of California Press, 1991 ; Katherine Beckett et Steve Herbert, Banished. The New Social Control in Urban America, Oxford, Oxford University Press, 2010. Pour des références françaises, voir Romuald Bodin (dir.), Les Métamorphoses du contrôle social, Paris, La Dispute, 2012.
-
[6]
Quentin Deluermoz, Policiers dans la ville. La construction d’un ordre public à Paris, 1854-1914, Paris, Publications de la Sorbonne, 2012 ; Quentin Deluermoz, Arnaud-Dominique Houte et Aurélien Lignereux, « Introduction », dossier « Sociétés et forces de sécurité au XIXe siècle », Revue d’histoire du XIXe siècle, 50, 2015, p. 7-21.
-
[7]
Il existe quelques exceptions du côté de la sociologie. Voir Christophe Andréo, « Surveillance et contrôle des jeunes des quartiers populaires sur une plage marseillaise à la fin des années 1990 », Genèses, 67, 2007, p. 89-108.
-
[8]
Vincent Milliot, « Histoire des polices : l’ouverture d’un moment historiographique », Revue d’histoire moderne et contemporaine, 54(2), 2007, p. 162-177 ; Alain Dewerpe, Charonne 8 février 1962. Anthropologie historique d’un massacre d’État, Paris, Gallimard, 2006 ; Emmanuel Blanchard, La Police parisienne et les Algériens (1944-1962), Paris, Nouveau monde, 2011. Notons que les historiens de la police en France sont redevables aux travaux des sociologues qui, les premiers, se sont emparés de cet objet. Voir Dominique Monjardet, Ce que fait la police. Sociologie de la force publique, Paris, La Découverte, 1996. Quant aux historiens américains, ils se sont récemment penchés sur les conséquences urbaines de la massification carcérale. Voir Heather Ann Thompson et Donna Murch, “Rethinking urban America through the lens of the carceral state”, Journal of Urban History, 41(5), 2015, p. 751-755.
-
[9]
Didier Fassin, « Pouvoir discrétionnaire et politiques sécuritaires », Actes de la recherche en sciences sociales, 201-202, 2014, p. 72-86.
-
[10]
Alain Corbin, Le Territoire du vide. L’Occident et le désir du rivage (1750-1840), Paris, Flammarion, 2010 ; Gabriel Désert, La Vie quotidienne sur les plages normandes du Second Empire aux Années folles, Paris, Hachette, 1983 ; Johan Vincent, L’Intrusion balnéaire. Les populations littorales bretonnes et vendéennes face au tourisme (1800-1945), Rennes, PUR, 2007.
-
[11]
Les archives des polices aux États-Unis étant rarement disponibles, les historiens doivent se rabattre sur la presse, les archives municipales, les témoignages de policiers, les études sociologiques, etc. Voir Yann Philippe, « L’enquête comme évocation du monde : langages de l’enquête et légitimation du New York Police Department (1900-1940) », Revue française d’études américaines, 113, 2007, p. 77-91.
-
[12]
John K. Walton, The British Seaside. Holidays and Resorts in the Twentieth Century, Manchester, Manchester University Press, 2000, p. 3.
-
[13]
Andrew J. Diamond, Mean Streets. Chicago Youths and the Everyday Struggle for Empowerment in the Multiracial City, 1908-1969, Berkeley, University of California Press, 2009 ; Jeff Wiltse, Contested Waters. A Social History of Swimming Pools in America, Chapel Hill, The University of North Carolina Press, 2007 ; Victoria W. Wolcott, Race, Riots, and Roller Coasters. The Struggle over Segregated Recreation in America, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 2012.
-
[14]
On compte 7 600 Africains-Américains à Los Angeles en 1910 et 15 500 en 1920. Voir Douglas Flamming, Bound for Freedom. Black Los Angeles in Jim Crow America, Berkeley, University of California Press, 2005, p. 25.
-
[15]
Alison Rose Jefferson, “African American leisure space in Santa Monica. The beach sometimes known as the’Inkwell‘”, Southern California Quarterly, 91(2), 2009, p. 155-189.
-
[16]
En 1920 un homme noir, qui s’est installé sur une plage traditionnellement blanche, est frappé par trois officiers de police. Voir D. Flamming, op. cit., p. 183-184.
-
[17]
Ronald A. Davidson, “Before ‘surfurbia’ : the development of the south bay. Beach cities through the 1930s”, APCG Yearbook, 66, 2004, p. 81-94.
-
[18]
Les fonctions portuaires sont concentrées dans la baie de San Pedro [voir illustration, p. 17].
-
[19]
“Souvenir of Long Beach California”, Long Beach Historical Society, p. 5.
-
[20]
Santa Monica Evening Outlook, 27 juin 1917, p. 1.
-
[21]
Los Angeles Times, 1er août 1911, p. II. 1.
-
[22]
Un policier pour 1 300 habitants en 1900 (par comparaison avec 1 pour 430 à New York par exemple). Albert J. Reiss Jr., “Police organization in the twentieth century”, Crime and Justice, 15, 1992, p. 51-97.
-
[23]
Arthur C. Verge, Los Angeles County Lifeguards, Chicago, Arcadia, 2005, p. 24 et Santa Monica Lifeguards, Chicago, Arcadia, 2007.
-
[24]
Voir le Santa Monica Evening Outlook pour la période 1900-1920.
-
[25]
Roy Rosenzweig et Elizabeth Blackmar, The Park and the People. A History of Central Park, Ithaca, Cornell University Press, 1998, p. 313.
-
[26]
Anne-Marie Sohn, « Le corps sexué », in Alain Corbin, Jean-Jacques Courtine et Georges Vigarello (dir.), Histoire du corps. 3. Les mutations du regard. Le XXe siècle, Paris, Seuil, 2006, p. 94 ; Christophe Granger, Les Corps d’été. Naissance d’une variation saisonnière, XXe siècle, Paris, Autrement, 2009. Pour le contexte américain, voir Angela J. Latham, “Packaging women : the concurrent rise of beauty pageants, public bathing, and other performances of female’nudity‘”, The Journal of Popular Culture, 29(3), 1995, p. 149-167.
-
[27]
J’emprunte cette expression à Christophe Granger, « Batailles de plage. Nudité et pudeur dans l’entre-deux-guerres », Rives méditerranéennes, 30, 2008, p. 117-133.
-
[28]
Santa Monica Evening Outlook, 19 août 1916, p. 1.
-
[29]
American City, 28, juin 1923, p. 569.
-
[30]
Norbert Elias, La Civilisation des mœurs, Paris, Calmann-Lévy, 1976.
-
[31]
Los Angeles Times, 11 mars 1930, p. A2.
-
[32]
Los Angeles Times, 12 août 1929, p. A1.
-
[33]
Michel Foucault, Surveiller et punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard, 2014.
-
[34]
À l’instar de l’étude de Quentin Deluermoz sur les policiers parisiens à l’époque moderne, voir Q. Deluermoz, op. cit., p. 133.
-
[35]
Sur ce sujet, voir l’ouvrage classique de Paula S. Fass, The Damned and the Beautiful. American Youth in the 1920s, Oxford, Oxford University Press, 1977.
-
[36]
Santa Monica Evening Outlook, 27 juin 1912.
-
[37]
Santa Monica Evening Outlook, 18 juillet 1919, p. 1.
-
[38]
Pour plus de détails sur cette controverse, voir Elsa Devienne, « Controverses à Los Angeles : le port du maillot de bain en ville au début du XXe siècle », Modes pratiques. Histoire du vêtement et de la mode, 1, 2015, p. 174-193.
-
[39]
Voir Jeremiah B. C. Axelrod, Inventing Autopia. Dreams and Visions of the Modern Metropolis in Jazz Age Los Angeles, Berkeley, University of California Press, 2009.
-
[40]
17 juin 1926, Minutes of the Board of Playground and Recreation Commission (BPRC), boîte C0368, Archives de la ville de Los Angeles (AVLA).
-
[41]
Palisades Del Rey Press, 11 novembre 1927, p. 2.
-
[42]
Los Angeles Times, 5 juillet 1936, p. 15.
-
[43]
Voir par exemple la pétition adressée au bureau de la santé par les habitants de Venice le 19 septembre 1951. Boîte A1106, dossier 50 103, correspondance du conseil municipal (CCM), AVLA. Ces mobilisations ne sont pas sans rappeler le phénomène contemporain du « NIMBY ». Voir Nicolas Marchetti, Les Conflits de localisation : le syndrome Nimby, Montréal, CIRANO, 2005.
-
[44]
Ordonnance n° 90 738, 23 avril 1946. Boîte A893, dossier 23172, CCM, AVLA ; Los Angeles Times, 15 septembre 1930, p. A1.
-
[45]
En Californie, la partie sèche (jamais immergée) d’une plage peut être privatisée.
-
[46]
Lettre, boîte A1513, dossier 89691, CCM, AVLA ; Santa Monica Evening Outlook, 1er juillet 1940, p. 1.
-
[47]
Los Angeles Times, 30 décembre 1940, p. A1.
-
[48]
18 août 1927, Minutes of the BPRC, boîte C0368, AVLA ; 2 août 1928, Minutes of the BPRC, boîte C0368, AVLA.
-
[49]
Rapport du département de police de Los Angeles, 1936-1937, p. 4.
-
[50]
Lettre de Mrs. H. Frederickson, 7 juillet 1930, Minutes of the BPRC, boîte C0368, AVLA.
-
[51]
Manhattan Beach Pilot, 19 septembre 1940, p. 4.
-
[52]
Mars 1942, Council communications, boîte A803, dossier 11077, AVLA.
-
[53]
D. Monjardet, op. cit., p. 37-42.
-
[54]
Los Angeles Times, 5 juillet 1936, p. 15.
-
[55]
Ibid.
-
[56]
Arthur C. Verge, Paradise Transformed : Los Angeles during the Second World War, Dubuque, Kendall/Hunt, 1993.
-
[57]
Kirse Granat May, Golden State, Golden Youth : The California Image in Popular Culture, 1955-1966, Chapel Hill, University of North Carolina Press, 2002. Les discours rapportés par les médias parlent généralement des « jeunes » sans tenir compte des différences de classe ou de race.
-
[58]
Elaine Tyler May, Homeward Bound. American Families in the Cold War Era, New York, Basic Books, 1988.
-
[59]
Elsa Devienne, « Agrandir la plage : une histoire de la construction des plages de Los Angeles (années 1930-1960) », in Patrick Fournier et Geneviève Massard-Guilbaud (dir.), Aménagement et environnement. Perspectives historiques, Rennes, PUR, 2016, p. 231-246.
-
[60]
Santa Monica Evening Outlook, 11 décembre 1958, p. 1.
-
[61]
Emory Stephen Bogardus, The City Boy and His Problems. A Survey of Boy Life in Los Angeles, Los Angeles, House of Ralston, 1926, p. 71-72, p. 80 et 88.
-
[62]
Le spring break correspond à ce rituel estudiantin qui voit des milliers de jeunes (étudiants et lycéens, principalement blancs de la classe moyenne) débarquer sur les plages pendant la semaine de Pâques.
-
[63]
Estelle B. Freedman, “’Uncontrolled desires‘ : the response to the sexual psychopath, 1920-1960”, The Journal of American History, 74(1), 1987, p. 83-106.
-
[64]
Pour un ouvrage classique offrant une approche sociologique du phénomène des pissotières utilisées comme lieu de rencontres sexuelles entre homosexuels, voir Laud Humphreys, Tearoom Trade. Impersonal Sex in Public Places, Chicago, Aldine Transaction, 1975.
-
[65]
Daniel Hurewitz, Bohemian Los Angeles and the Making of Modern Politics, Berkeley, University of California Press, 2007.
-
[66]
Los Angeles Examiner, 10 mai 1954, coupure de presse.
-
[67]
Santa Monica Evening Outlook, 16 juin 1954, p. 17.
-
[68]
Los Angeles Examiner, 9 juin 1960, p. 8.
-
[69]
Los Angeles Examiner, 17 juin 1960, coupure de presse, collection de l’Université de Californie du Sud (CP USC).
-
[70]
Los Angeles Examiner, 26 juillet 1960 (CP USC).
-
[71]
Los Angeles Times, 19 avril 1965, p. OC8. Les chiffres de la population sont disponibles sur le site de la municipalité : http://www.newportbeachca.gov/i-am-a/visitor/about-newport-beach/demographics-and-statistics/population-by-year.
-
[72]
Los Angeles Times, 11 mai 1958, p. OC2.
-
[73]
Ordonnance n° 1079, 27 janvier 1964, archives en ligne du conseil municipal de Newport Beach.
-
[74]
Santa Monica Evening Outlook, 13 avril 1955, p. 1 ; Santa Monica Evening Outlook, 4 décembre 1956, p. 1.
-
[75]
Santa Monica Evening Outlook, 2 avril 1955, p. 1.
-
[76]
Madigan-Hyland, engineers, Recreational Development of the Los Angeles Area Shoreline : An Engineering and Economic Report to the Mayor and the City Council, City of Los Angeles, New York, Madigan-Hyland, 1949, p. 26.
-
[77]
Los Angeles County Beach Study, 1965, p. 14-15.
-
[78]
C’est ce qu’observe en 1952 Charles R. Stapleton dans son mémoire de master de géographie, “Recreation and its problems on the Santa Monica-Venice shoreline of Southern California”, Los Angeles, Université de Californie à Los Angeles, 1952, p. 67.
-
[79]
Voir la lettre d’un jeune Mexicain adressée à un juge en 1943, citée in George J. Sánchez, Becoming Mexican American. Ethnicity, Culture, and Identity in Chicano Los Angeles, 1900-1945, New York, Oxford University Press, 1993, p. 207.
-
[80]
Woodrow Nichols, “A spatio-perspective analysis of the effect of the Santa Monica and Simi Valley freeways on two selected black residential areas in Los Angeles county”, thèse de doctorat en géographie, Los Angeles, UCLA, 1973, p. 73.
-
[81]
David Grant, “A demographic portrait of Los Angeles county, 1970 to 1990”, in Lawrence D. Bobo, Melvin L. Oliver, James H. Johnson Jr et Abel Valenzuela Jr (éds), Prismatic Metropolis. Inequality in Los Angeles, New York, Russell Sage Foundation, 2000, p. 51-80, en particulier p. 51-52.
-
[82]
Los Angeles Times, 13 novembre 1965, p. B4.
-
[83]
Robert B. Edgerton, Alone Together. Social Order on an Urban Beach, Berkeley, University of California Press, 1979.
-
[84]
Ibid., p. 51.
-
[85]
Eric Avila, Popular Culture in the Age of White Flight. Fear and Fantasy in Suburban Los Angeles, Berkeley, University of California Press, 2004., p. 6
-
[86]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 51.
-
[87]
Ibid.
-
[88]
Ibid., p. 44.
-
[89]
Ibid., p. 45.
-
[90]
Heather Ann Thompson, “Why mass incarceration matters : rethinking crisis, decline, and transformation in postwar American history”, Journal of American History, 97(3), 2010, p. 703-734.
-
[91]
Los Angeles Times, 24 juillet 1960, p. OC1.
-
[92]
Los Angeles Times, 13 novembre 1966, p. WS1.
-
[93]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 55.
-
[94]
Los Angeles Times, 24 mai 1970, p. SF A9.
-
[95]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 50-55.
-
[96]
Los Angeles Times, 24 juillet 1960, p. OC1.
-
[97]
Los Angeles Times, 13 octobre 1980, p. F1.
-
[98]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 124.
-
[99]
Lettre du 11 janvier 1963, Council communications, boîte A1513, dossier 89691, AVLA.
-
[100]
Motion du 23 juin 1965, Council communications, boîte A1914, dossier 124633, AVLA.
-
[101]
Los Angeles Times, 5 janvier 1969, p. CS1.
-
[102]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 59.
-
[103]
Los Angeles Times, 13 octobre 1980, p. F1.
-
[104]
R. B. Edgerton, op. cit., p. 48.
-
[105]
Ibid., p. 34.
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[106]
J’emprunte cette expression à C. Granger, « Batailles de plage… », art. cit., p. 120.