Notes
-
[1]
George Chauncey, « Après Stonewall, le déplacement de la frontière entre le “soi” public et le “soi” privé », Histoire et sociétés, 3, 2002, p. 44-59.
-
[2]
Michael Pollak et Marie-Ange Schiltz, Six années d’enquête sur les homo- et bisexuels masculins face au sida : livre des données, Paris, EHESS/ANRS, 1991.
-
[3]
Christophe Broqua, Agir pour ne pas mourir ! Act Up, les homosexuels et le sida, Paris, Presses de Sciences Po, 2002.
-
[4]
Marie-Ange Schiltz, « Un ordinaire insolite : le couple homosexuel », Actes de la recherche en sciences sociales, 125, 1998, p. 30-43 ; Wilfried Rault, L’Invention du Pacs. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, Paris, Presses de Sciences Po, 2009 ; Jérôme Courduries, Être en couple (gay). Conjugalité et homosexualité masculine en France, Lyon, PUL, 2011.
-
[5]
Martine Gross (dir.), Homoparentalités, état des lieux, Toulouse, Érès, 2005 ; Virginie Descoutures, Les Mères lesbiennes, Paris, PUF, 2010.
-
[6]
Martine Gross, « Être chrétien et homosexuel en France », Sociétés contemporaines, 71, 2008, p. 67-93.
-
[7]
Colin Giraud, Quartiers gays, Paris, PUF, 2014.
-
[8]
Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne. Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Paris, Payot, 2010.
-
[9]
Thierry Laurent et Ferhat Mihoubi, « Orientation sexuelle et écart de salaire sur le marché du travail français : une identification indirecte », Économie et statistique, 464-465-466, 2014, p. 97-134.
-
[10]
« Homosexualités », Actes de la recherche en sciences sociales, 125, 1998 ; « L’homosexualité à l’épreuve des représentations », Histoire et sociétés, 3, 2002 ; « Lesbiennes », Genre, sexualité & société, 1, 2009 ; « La construction sociale de l’homosexualité », Genre, sexualité & société, Hors-série 1, 2011.
-
[11]
Sébastien Chauvin et Arnaud Lerch, Sociologie de l’homosexualité, Paris, La Découverte, 2013.
-
[12]
Marie-Ange Schiltz, « Parcours de jeunes homosexuels dans le contexte du VIH : la conquête de modes de vie », Population, 52(6), 1997, p. 1485-1537 ; Wilfried Rault, « Parcours de jeunes gays dans un contexte de reconnaissance. Banalisation des expériences ou maintien des singularités ? », Agora débats/jeunesses, 57, 2011, p. 7-22 ; Christelle Hamel, « Devenir lesbienne. Le parcours de jeunes femmes d’origine maghrébine », Agora débats/jeunesses, 60, 2012, p. 93-105. Aspect également évoqué dans plusieurs chapitres de l’ouvrage collectif Jérôme Courduriès et Agnès Fine (dir.), Homosexualité et parenté, Paris, Armand Colin, 2014.
-
[13]
Christophe Falcoz et Audrey Bécuwe, « La gestion des minorités discréditables : le cas de l’orientation sexuelle », Travail, genre et sociétés, 21, 2009, p. 69-89 ; François Beck, Jean-Marie Firdion, Stéphane Legleye et Marie-Ange Schiltz, « Risques suicidaires et minorités sexuelles : une problématique récente », Agora débats/jeunesses, 58, 2011, p. 33-46.
-
[14]
Pierre Bourdieu, « L’opinion publique n’existe pas », Les Temps modernes, 318, 1973, p. 1292-1309 ; Daniel Gaxie, « Au-delà des apparences… Sur quelques problèmes de mesure des opinions », Actes de la recherche en sciences sociales, 81-82, 1990, p. 97-112.
-
[15]
Olivier Galland et Yannick Lemel, « La stratification sociale des valeurs », in Pierre Bréchon et Olivier Galland (dir.), L’Individualisation des valeurs, Paris, Armand Colin, 2010, p. 233-250.
-
[16]
Pour un exemple récent à propos de la filiation : Jean-Hugues Déchaux et Nicolas Herpin, « Vers un nouveau modèle de parenté », in P. Bréchon et O. Galland, op. cit., p. 47-64.
-
[17]
Nathalie Bajos et Michel Bozon (dir.), Nathalie Beltzer (coord.), Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 2008.
-
[18]
Éric Fassin, L’Inversion de la question homosexuelle, Paris, Amsterdam, 2005.
-
[19]
Nathalie Bajos et Nathalie Beltzer, « Les sexualités homo-bisexuelles : d’une acceptation de principe aux vulnérabilités sociales et préventives », in N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 243-272 ; Guillemette Buisson et Aude Lapinte, « Le couple dans tous ses états. Non-cohabitation, conjoints de même sexe, Pacs… », Insee Première, 1435, 2013.
-
[20]
Annie Velter (dir.), Rapport enquête Presse Gay 2004, Paris, ANRS/InVS, 2007.
-
[21]
É. Fassin, op. cit., p. 73. Ce préjugé laisse ainsi de côté d’autres hypothèses sur cette surreprésentation. L’appartenance aux classes moyennes et supérieures, par les ressources économiques et sociales qu’elle octroie, pourrait favoriser le fait d’être et de se dire gay ou lesbienne. On peut aussi faire l’hypothèse dans le prolongement des observations de Pollak et Schiltz formulées dès les années 1980, que l’expérience d’une sexualité minoritaire stigmatisée contribue à la constitution d’un capital favorisant une autonomie personnelle, d’où la surreprésentation des gays et des lesbiennes dans les classes moyennes et supérieures. De ces deux mécanismes, qui peuvent se combiner, on ne peut présumer une plus grande tolérance des classes supérieures.
-
[22]
Richard Florida, The Rise of The Creative Class, Basic Books, New York, 2002. De tels discours ont accompagné la gentrification de certains quartiers de métropoles occidentales où une mixité sociale – en particulier sexuelle – est explicitement valorisée par les politiques municipales et/ou les gentrifieurs eux-mêmes (à propos de Manchester : Mike Homfray, Provincial Queens. The Gay and Lesbian Community in the North-West of England, Berne, Peter Lang, 2007 ; du South End à Boston : Sylvie Tissot, De bons voisins. Enquête dans un quartier de la bourgeoisie progressiste, Paris, Raisons d’agir, 2011 (Londres/New York, Verso, 2015). Désir de mixité pour le moins ambigu puisqu’il est caractérisé par une volonté de contrôle de cette diversité et circonscrit à certaines formes d’expression. Voir Sylvie Tissot, “Loving diversity/controlling diversity : exploring the ambivalent mobilization of upper-middle-class gentrifiers, South End, Boston”, International Journal of Urban and Regional Research, 38(4), 2014, p. 1181-1194.
-
[23]
Christelle Hamel et Johanna Siméant, « Genre et classes populaires », Genèses, 64, 2006, p. 2-4.
-
[24]
Isabelle Clair, « Le pédé, la pute et l’ordre hétérosexuel », Agora débats/jeunesses, 60, 2012, p. 67-78 ; Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, Amsterdam, 2014 [1995].
-
[25]
Voir Janine Mossuz-Lavau, Les Lois de l’amour. Les politiques de la sexualité en France (1950-2002), Paris, Payot, 2002 [1991].
-
[26]
John Gagnon, Les Scripts de la sexualité. Essais sur les origines culturelles du désir, Paris, Payot, 2008.
-
[27]
Michel Bozon, « Pratiques et rencontres sexuelles : un répertoire qui s’élargit », in N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 273-296 ; Henri Léridon « Le nombre de partenaires : un certain rapprochement entre les femmes et les hommes, mais des comportements encore très différents », in N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 315-332.
-
[28]
Sylvie Tissot, Colin Giraud, Wilfried Rault et Mathieu Trachman, « Les hétéros du Marais. Enquête sur la gayfriendliness », rapport pour la Mairie de Paris, CSU-CRESPPA, janvier 2014.
-
[29]
Par exemple, certain.e.s enquêté.e.s nuancent un discours d’acceptation par une hostilité à certaines manifestations d’homosexualité telles que la présence de lieux de sociabilités gays et lesbiens dans leur quartier ou encore d’expressions militantes explicites.
-
[30]
Judit Takács et Ivett Szalma, “How to measure homophobia in an international comparison ?”, Družboslovne razprave, 73, 2013, p. 11-42.
-
[31]
Les deux questions ont été recodées de manière à créer une seule variable renvoyant au fait d’être favorable à l’homoparentalité, qu’elle concerne les femmes ou les hommes.
-
[32]
4 % des femmes et 4,1 % des hommes ont déclaré avoir déjà eu une relation avec une personne de même sexe au cours de la vie. Ce pourcentage est inférieur à 2 % si on exclut les personnes qui se déclarent homosexuelles. Concernant l’attirance pour une personne de même sexe, 6,2 % des femmes et 3,9 % des hommes déclarent avoir déjà été attirés par une personne de même sexe. Ces pourcentages sont nettement plus faibles si on exclut les personnes qui se déclarent homosexuelles.
-
[33]
Le raisonnement a été mené sur les répondants au questionnaire long (excluant les passations par téléphone portable), certaines questions ne figurant que dans cette version de l’enquête. Par ailleurs, on a exclu de l’analyse les personnes qui se définissent explicitement comme homosexuelles.
-
[34]
Certaines attitudes sont en effet particulièrement hostiles si on entre dans le détail des items défavorables.
-
[35]
Olivier Schwartz, Le Monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, PUF, 1990.
-
[36]
Ibid., p. 90.
-
[37]
Voir Antoine Idier, Les Alinéas au placard. L’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), Paris, Cartouche, 2013.
-
[38]
Voir M.-A. Schiltz, « Parcours de jeunes homosexuels dans le contexte du VIH… », art. cit. et W. Rault, « Parcours de jeunes gays dans un contexte de reconnaissance … », art. cit.
-
[39]
Nathalie Bajos, Michèle Ferrand et Armelle Andro, « La sexualité à l’épreuve de l’égalité », in N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 545-576.
-
[40]
Ce continuum apparaît également dans les entretiens conduits par Sylvie Tissot et al. (« Les hétéros du Marais…, op. cit.) : « La plus grande tolérance manifestée par les femmes à l’égard de l’homosexualité se rattache aux logiques de genre. Elle prend racine dans une même position dominée dans le système hétéro-sexiste (…) On retrouve parmi nos enquêtées des femmes exprimant une forte tolérance, voire sympathie, à l’égard des gays et qui font le récit parallèle d’une vie conjugale marquée par la prééminence masculine, qu’il s’agisse de choix de couple ou de carrières professionnelles » (p. 64).
-
[41]
Voir cette distinction à l’œuvre dans Long Doan, Annalise Loehr et Lisa R. Miller, “Formal rights and informal privilege for same-sex couples : evidence from a national survey experiment”, American Sociological Review, 79(6), 2014, p. 1172-1195.
1Les recherches en sciences sociales sur l’homosexualité se sont développées en France depuis les années 1990. Cette évolution est étroitement liée à l’histoire de l’acceptation sociale de l’homosexualité. Perçue comme une déviance dans les années 1960, son statut s’est transformé sous l’impulsion d’un mouvement de reconnaissance amorcé dans les années 1970 – principalement aux États-Unis [1] et qui s’est poursuivi depuis. De nombreux changements du droit ont participé de cette évolution : la levée des dernières mesures discriminatoires concernant la sexualité au début des années 1980, la reconnaissance progressive du couple de même sexe par la création du pacs (1999) et plus récemment l’ouverture du mariage aux couples gays et lesbiens (2013). Les recherches sociologiques ont accompagné ce mouvement. Dans un contexte de visibilité nouvelle liée à la fois à l’essor du militantisme gay et lesbien et à l’expansion du sida dans les années 1980, elles ont d’abord consisté en des enquêtes destinées à étudier la sexualité et les prises de risque [2] avant de s’étendre à d’autres dimensions : l’engagement politique, en particulier dans la lutte contre le sida [3], puis la conjugalité [4] et la parentalité [5] devenues des enjeux politiques. D’autres thématiques ont été progressivement investies : le rapport à la religion [6], l’appropriation des « quartiers gays » par les personnes homosexuelles [7], les identités et modes de vie gays ou lesbiens [8] ou encore les discriminations professionnelles [9]. La publication de dossiers de revue [10] et d’ouvrages de synthèse [11] ont été également une expression de ce relatif essor.
2Dans un tel contexte, on aurait pu s’attendre à une multiplication des recherches sur les perceptions sociales de l’homosexualité et ses transformations. Il existe certes des travaux sur l’acceptation de l’homosexualité en France. La plupart repose sur l’analyse du vécu des gays et des lesbiennes. Ils mettent en évidence une réalité multiforme : pouvant aller d’un rejet explicite et violent à une acceptation, en passant par des formes de tolérances intermédiaires continuant de valoriser l’hétérosexualité comme forme supérieure de sexualité. Deux dimensions sont généralement privilégiées : le rapport avec les proches, qu’il s’agisse des amis ou de la famille, voire des collègues [12] ou les effets du rejet de l’homosexualité sur les trajectoires individuelles et la manière dont il affecte la santé – notamment psychologique [13]. Les attitudes de la population dans son ensemble sont peu étudiées, ce qui contraste avec un grand nombre de sondages d’opinion. Subordonnés à un contexte et à un intérêt politique et/ou médiatique, ces derniers abordent le phénomène via une question d’actualité (soutien ou rejet du pacs, du « mariage pour tous », etc.). Cette démarche n’est pas exempte d’une imposition de problématique et d’effets de politisation [14] au sens où les répondants savent qu’ils font allégeance à une orientation politique suivant la manière dont ils répondent. Plusieurs enquêtes quantitatives ont toutefois introduit des indicateurs permettant d’approcher le rapport de la population à l’homosexualité. Généralement, leur exploitation s’inscrit dans une perspective qui a davantage pour finalité une étude plus générale des représentations que le seul rapport à l’homosexualité [15]. Il s’agit alors d’un indicateur d’une forme de « libéralisme moral », étudié en parallèle avec d’autres indicateurs, permettant d’aborder la manière dont les individus adhèrent ou rejettent certaines transformations sociales relatives à la vie privée, à la famille, au couple ou encore à la sexualité [16]. La démarche permet d’élaborer des comparaisons européennes et des évolutions dans le temps mais pas de rendre compte de multiples visages du rapport à l’homosexualité, ni d’intégrer au raisonnement certaines caractérisations sociales relevant davantage des parcours individuels que des seules propriétés sociales.
3Cet article vise, à partir d’un usage secondaire de l’enquête Contexte de la sexualité en France réalisée par l’Inserm et l’Ined et représentative de la population française de 18 à 69 ans [17], à situer socialement les attitudes gayfriendly en France. Cet anglicisme qui n’a pas d’équivalent en français désigne dans notre perspective une sympathie à l’égard des personnes homosexuelles se traduisant par une forte acceptation de l’homosexualité, une défense de l’égalité des sexualités et éventuellement une proximité relationnelle avec les lesbiennes et gays. On tentera ainsi d’appréhender la gayfriendliness à travers une diversité de visages que peut revêtir le rapport à l’homosexualité. « Situer socialement » renvoie ici à deux démarches complémentaires. La première consiste à explorer l’existence d’affinités entre des attitudes gayfriendly et des facteurs sociodémographiques classiques, et tout d’abord des indicateurs de milieu social. Des prénotions nourrissent diverses représentations de l’acceptation sociale de l’homosexualité. Comme l’a souligné Éric Fassin [18], du fait de la surreprésentation des personnes homosexuelles dans les classes moyennes et supérieures, visible dans les grandes enquêtes quantitatives réalisées en population générale [19] ou auprès de vastes échantillons de convenance qui reposent sur une participation volontaire [20], on prête parfois aux classes populaires de fortes résistances à l’homosexualité et une propension à son acceptation particulièrement faible. Suivant ce préjugé, « gays et lesbiennes s’épanouiraient ou se concentreraient dans un milieu moins hostile, d’où leur surreprésentation parmi les élites économiques et culturelles [21] ». La gayfriendliness serait ainsi l’apanage des catégories supérieures. Ce type de représentation trouve des expressions dans des visions particulièrement normatives des groupes sociaux, à l’image de celles mises en avant par le géographe américain Richard Florida pour qui les catégories supérieures gentrifieuses – qualifiées de « classes créatives » – se caractériseraient par une forte tolérance qui ferait davantage défaut aux autres groupes sociaux [22]. On retrouve ici en creux un stéréotype de genre associé aux classes populaires. Traversées par « un machisme exacerbé ou un virilisme suranné » qui leur serait propre [23] les classes populaires seraient caractérisées par des attitudes hostiles à toute rupture avec des rôles de sexe et donc par un rejet de l’homosexualité qui en est l’une des figures. On peut se demander si la représentation de classes supérieures plus acceptantes vis-à-vis de l’homosexualité n’est pas issue de ces stéréotypes et raccourcis touchant les classes populaires, dont sont ainsi niées la diversité et la complexité axiologique.
4D’autres facteurs sociodémographiques doivent être explorés car ils sont susceptibles de jouer un rôle important, au premier rang desquels le sexe et la génération. L’homosexualité n’intervient pas de la même manière dans la construction des identités de sexe des hommes et des femmes. L’homosexualité masculine tend à être un repoussoir pour les hommes [24] qui n’a pas d’équivalent dans les mêmes termes pour les femmes. On peut ainsi faire l’hypothèse que la gayfriendliness ne revêt pas le même visage, qu’elle est sexuée au sens où les femmes seraient plus enclines à s’inscrire dans des postures tolérantes. De même, les générations successives ont été socialisées dans des contextes très distincts par rapport à l’homosexualité, les plus anciennes ayant été soumises à des discours sociaux (et notamment institutionnels, qu’ils émanent des religions ou encore du politique) particulièrement hostiles. Les plus récentes ont été exposées à une visibilité plus grande de l’homosexualité et à l’inscription de l’avancée des droits sur les agendas médiatiques et politiques [25].
5Il importe également de ne pas s’en tenir à des facteurs sociodémographiques. Le rapport à la sexualité, s’il est en partie façonné par des transmissions et des socialisations liées à ces appartenances sociales, est largement hétérogène et dépend aussi de représentations et d’expériences individuelles [26]. Dans un contexte caractérisé par un desserrement des cadres institutionnels de la sexualité, on observe une diversification des trajectoires affectives et sexuelles, incarnée par exemple par l’allongement d’une période de jeunesse sexuelle, une plus grande déconnexion de la sexualité de la conjugalité et de la procréation, un élargissement du répertoire sexuel et l’augmentation du nombre de partenaires à l’échelle de la vie [27] ainsi que la probabilité plus grande de vivre une séparation. Ces expériences et cadres interpersonnels diversifiés ont des effets sur les représentations de l’homosexualité. La nécessité de prendre en compte les expériences individuelles est confortée par une enquête qualitative conduite en 2013 dans le quartier gay du Marais à Paris [28]. Fondée sur une démarche consistant à étudier les modalités de la cohabitation entre populations hétérosexuelles et homosexuelles dans ce quartier, elle met en évidence diverses formes de gayfriendliness entre acceptation active, voire militante, et vague tolérance de principe et conditionnelle au sens où seules certaines expressions de l’homosexualité sont admises [29]. Elle montre également comment ces attitudes sont liées à des expériences personnelles et à des représentations de la sexualité et de l’intimité. La proximité relationnelle de personnes homosexuelles apparaît à la fois comme une composante variable de cette gayfriendliness en même temps qu’elle peut constituer une forme de socialisation à l’homosexualité. Plus largement le fait d’avoir vécu des expériences relativement emblématiques de transformations de la vie privée semble favoriser l’acceptation. Cet article permettra de mettre à l’épreuve de telles observations dès lors désindexées de leur contexte urbain.
Méthodes et données
6L’enquête Contexte de la sexualité en France (dite CSF) a été réalisée en 2005-2006 par téléphone auprès d’un échantillon aléatoire de la population âgée de 18 à 69 ans composé de 12 364 individus (6 824 femmes et 5 540 hommes). Les personnes interrogées sont donc nées entre 1937 et 1988.
7Son questionnaire permet de prendre en compte à la fois les caractéristiques sociodémographiques des individus et des éléments de leurs trajectoires biographiques, des représentations et expériences de la conjugalité et de la sexualité dont on fait l’hypothèse dans le prolongement de l’enquête conduite dans le Marais à Paris par Sylvie Tissot et al. qu’ils vont de pair avec des formes d’acceptation de l’homosexualité. Les personnes enquêtées sont également interrogées sur le fait de connaître des personnes homosexuelles parmi leurs ami.e.s, collègues et membres de la famille. Enfin, les questions relatives à l’acceptation de l’homosexualité diffèrent en partie de celles des grandes enquêtes quantitatives et permettent d’en atténuer les écueils : leur unicité, leur imprécision liée à leur degré d’abstraction et une certaine polysémie. C’est le cas des enquêtes routinières telles que l’European Social Survey (ESS) et l’European Value Survey (EVS) qui comportent les questions suivantes : « L’homosexualité peut-elle se justifier ? » (EVS) ou encore « Les homosexuels hommes et femmes devraient être libres de vivre leur vie comme ils le souhaitent ? » (ESS). Elles permettent d’établir des comparaisons européennes mais demeurent floues et particulièrement désincarnées pour appréhender la réalité du rapport à l’homosexualité. L’EVS présente un indicateur plus concret : « Sur cette liste figurent différentes catégories de gens. Voulez-vous m’indiquer s’il y en a que vous n’aimeriez pas avoir comme voisins ? » [comprenant la catégorie « Les homosexuels »]. Son exploitation comparative sur 17 pays d’Europe fait apparaître des disparités fortes dans le niveau d’acceptation et leur évolution dans le temps [30] mais l’exploitation d’une telle variable dans une perspective orientée vers l’étude des attitudes individuelles dans un seul pays est problématique à plusieurs égards. Un tel indicateur est fortement enclin à être traversé par des effets de désirabilité sociale. De plus, son usage n’est pas envisageable quand seulement 6 % des répondants d’un échantillon modeste (n = 3 071) font part d’une telle hostilité à avoir des voisins homosexuels comme c’est le cas en France. Enfin, cet indicateur fait davantage part d’un rejet que d’une acceptation, il est de ce fait peu approprié à une approche qui s’intéresse aux attitudes gayfriendly. Plus largement, la principale limite de ces enquêtes tient au fait qu’elles sont, compte tenu de leur objectif, dépourvues d’éléments relatifs aux biographies familiales et sexuelles dont on fait l’hypothèse qu’elles jouent un rôle dans l’acceptation. L’enquête Contexte de la sexualité en France propose de ce point de vue un questionnement plus abouti sur l’acceptation de l’homosexualité grâce à plusieurs indicateurs [voir encadré « Les variables permettant d’approcher le rapport à l’homosexualité dans l’enquête CSF », ci-contre].
Les variables permettant d’approcher le rapport à l’homosexualité dans l’enquête CSF
8Seule la première interrogation de CSF est un exemple typique de question d’opinion, proche de celle qui figure dans de grandes enquêtes et sondages d’opinion. Elle est peu « impliquante » pour le répondant qui doit se prononcer sur un principe abstrait. Les possibilités de réponse renvoient à une gradation susceptible de valoriser certains items explicitement formulés en termes d’égalité ou de tolérance. La réponse à une telle question est en partie guidée par la satisfaction qu’elle offre d’être en adéquation avec une posture qui semble égalitaire. Le deuxième indicateur est moins abstrait et traduit une position nettement plus marquée en faveur de l’égalité des sexualités : la question invite à se prononcer sur une forme familiale tout à fait concrète : un couple de même sexe avec des enfants [31]. De ce point de vue, la troisième question (Si un de vos enfants vous apprenait qu’il/elle était homosexuel.le…) est d’une nature différente puisqu’elle insère les répondants dans un scénario précis les concernant personnellement. La diversité du questionnement et plus particulièrement le renvoi à des situations vécues doit permettre – sans pouvoir l’exclure totalement – d’éviter un raisonnement fondé uniquement sur des variables d’opinions trop superficielles et d’envisager le rapport à l’homosexualité de manière plus incarnée, en tentant de limiter les artefacts.
9Enfin, on utilise également les questions qui permettent de savoir si le réseau relationnel de la personne enquêtée est composé de personnes lesbiennes ou gays, leur exploitation étant conduite dans deux perspectives. Dans un premier temps, on examine dans quelle mesure cette proximité relationnelle est une composante ou non des attitudes vis-à-vis de l’homosexualité. Dans un second, on examine si la présence de gays et lesbiennes dans l’entourage est un facteur associé à l’acceptation. Une variable synthétique a été construite pour rendre compte de deux configurations. On distingue ainsi un entourage dépourvu de personnes homosexuelles ou presque et un entourage comprenant au moins quelques individus gays ou lesbiennes [voir encadré « Construction de la variable sur la présence de personnes gays et lesbiennes dans l’entourage », p. 44].
Construction de la variable sur la présence de personnes gays et lesbiennes dans l’entourage
Les relations amicales se distinguent des deux autres types du fait de leur caractère plus électif. On a ainsi fait le choix de les pondérer légèrement différemment dans la construction de la variable synthétique, en leur affectant davantage d’importance :
Chaque ami-e déclaré-e compte pour un point
Une ou deux personne(s) de la famille ou collègue(s) : un point
Plus de deux personnes de la famille ou/et collègues : deux points
Entourage nul ou faible : [0-1 point]
Entourage moyen ou fort : [2 points et plus]
Ainsi un-e enquêté-e déclarant deux ami-e-s homosexuel-le-s présente suivant cette classification un entourage dont la présence en personnes gays et lesbiennes est dite « moyenne ou forte », un-e enquêté-e qui déclare deux collègues homosexuel-le-s entre dans la catégorie « entourage nul ou faible ». Il se peut qu’un collègue soit un ami et que la déclaration d’un ami et d’un collègue aboutisse à classer abusivement dans le groupe « moyen ou fort » une personne n’ayant qu’une personne lesbienne ou gay dans son entourage. L’enquête ne permet pas de saisir cette configuration. De la même manière, il n’est pas possible de cerner le degré de proximité entre les répondant-e-s et les personnes citées dans leur entourage.
10L’enquête appréhende aussi le rapport à l’homosexualité à travers deux autres indicateurs : le fait d’avoir déjà eu au cours de la vie un rapport sexuel avec une personne de même sexe, et d’avoir déjà été attiré par une personne de même sexe. Compte tenu du faible pourcentage de personnes concernées [32], ces questions n’ont pas été retenues pour l’analyse.
11Cette diversité d’indicateurs permet la réalisation d’une classification ascendante hiérarchique susceptible de rendre compte de plusieurs types de rapport à l’homosexualité [voir encadré « La classification ascendante hiérarchique (CAH) », p. 46].
La classification ascendante hiérarchique (CAH)
Variables structurantes
Les quatre variables structurantes d’un rapport à l’homosexualité ont été utilisées pour construire des classes. Elles ont été dichotomisées de façon à rendre compte des attitudes qui sont favorables à l’homosexualité, avec le moins d’ambigüité possible.
Variables illustratives
Les variables illustratives (ou « supplémentaires ») ne sont pas directement constitutives des classes issues de la CAH. Leur introduction permet de saisir leur éventuelle sous- ou surreprésentation et de caractériser les classes distinguées.
Variables sociodémographiques
Sexe
Génération (trois cohortes de naissance correspondant aux trois classes d’âges : 18-34/35-49/50-69)
Profession (11 postes)
Profession du père et de la mère (6 postes)
Niveau d’éducation (4 postes)
Variables relatives aux trajectoires individuelles : certaines renvoient à des systèmes de croyances et de représentations, d’autres à des expériences plus concrètes, notamment dans le domaine de la famille et de la sexualité dont on fait l’hypothèse ici qu’elles sont enclines à s’articuler différemment avec diverses formes de rapport à l’homosexualité.
Rapport à la religion (3 catégories)
Nombre de partenaires à l’échelle de la vie (3 classes)
Fait d’avoir déjà eu un rapport sexuel avec un partenaire qui n’avait aucune importance
Fait de dissocier sexualité et sentiment
Avoir déjà eu deux relations sexuelles en parallèle dans la vie
Opinion sur le fait qu’aujourd’hui, les filles et les garçons sont élevés de la même manière
Être parti à 18 ans ou avant du domicile parental
Avoir (eu) des parents qui se sont séparés pendant l’enfance ou l’adolescence
Avoir déjà vécu en couple et connu une séparation
L’appartenance à chacun de ces groupes fait ensuite l’objet d’une régression logistique permettant de confirmer l’importance de certains facteurs à effet constant des autres variables. Certaines d’entre-elles ont été extraites de la modélisation en raison de la redondance qu’elles ont avec des variables du modèle [2].
Des rapports pluriels à l’homosexualité
12La classification hiérarchique opérée sur la population étudiée (n = 10 316 [33]) fait apparaître six classes distinctes qui traduisent des rapports différents à l’homosexualité, en fonction de la manière dont s’articulent les attitudes vis-à-vis de l’homosexualité (en particulier acceptations de principe et pratique) et la proximité relationnelle de personnes gays et lesbiennes. Les classes sont présentées suivant une gradation de l’acceptation, qui ne recoupe que partiellement la proximité relationnelle.
Une distance absolue
13Une première classe, qui rassemble plus d’un quart de la population, est caractérisée par une distance à l’homosexualité aux antipodes d’une gayfriendliness affirmée. Elle est structurée par le fait de ne pas considérer l’homosexualité comme une sexualité « comme une autre », de ne pas avoir un point de vue assuré en faveur de l’homoparentalité, de faire part de sa difficulté à accepter l’éventuelle annonce par l’un de ses enfants qu’il ou elle est homosexuel et un éloignement relationnel puisque les personnes gays et lesbiennes sont absentes ou faiblement présentes dans les réseaux de ces personnes. Tous les indicateurs d’une proximité et d’une sympathie avec l’homosexualité traduisent un éloignement. Ce groupe se caractérise par une aspiration au maintien de la hiérarchie des sexualités voire une certaine phobie de l’homosexualité [34].
14La composition de cette première classe présente des caractéristiques fortes [voir tableau 1, p. 48-50]. Trois facteurs principaux influencent la probabilité d’appartenir à ce groupe. La place de la religion dans la vie des individus est très caractéristique : le fait d’avoir une religion et d’y attacher de l’importance y est particulièrement présent (près de 43 % vs 29 % pour l’ensemble). De manière révélatrice, ce groupe capte près de 40 % des « religieux affirmés » alors que cette première classe rassemble 26,5 % de la population générale. Symétriquement, moins de 18 % de l’ensemble des « sans religion » appartiennent à ce groupe (vs 30 % de l’ensemble). La génération est la deuxième modalité la plus caractéristique de cette classe : les 50-69 ans y sont nettement plus nombreux que les plus jeunes (45,5 %). C’est moins un effet d’âge que de génération qui semble intervenir ici (voir infra). Enfin, une troisième modalité intervient fortement, le sexe. Cette classe est plus largement composée d’hommes (plus de 60 %). Près du tiers de l’ensemble des hommes figurent dans cette classe.
Rapports de la population à l’homosexualité (classes issues de la CAH et variables actives)
Rapports de la population à l’homosexualité (classes issues de la CAH et variables actives)
Rapports de la population à l’homosexualité (classes issues de la CAH et variables illustratives)
Rapports de la population à l’homosexualité (classes issues de la CAH et variables illustratives)
Lecture : La colonne en gras représente les tris-croisés pour l’ensemble de l’échantillon (après application de la pondération). 52,9 % des 18-69 ans considèrent que l’homosexualité est une sexualité « comme une autre ».
Dans le 6e groupe issu de la CAH, 40,9 % des individus se déclarent « sans religion ». La colonne en gras indique que les « sans-religion » représentent 30,7 % de l’ensemble de la population étudiée (18-69 ans).
15Les indicateurs de milieux sociaux donnent également à voir des disparités assez nettes : les personnes peu ou pas diplômées et les ouvriers sont un peu plus présents dans cette classe. Ceux et celles dont la mère n’a jamais travaillé sont également plus nombreux dans ce groupe (27,3 % vs 22,4 %). Cette classe rassemble un tiers des personnes dans cette situation. Plus qu’un indicateur de classe sociale, c’est peut-être l’effet d’une socialisation familiale caractérisée par des rôles sexués qui s’exerce ici. De fait, à cette observation fait écho un attachement marqué à une éducation sexuée. Enfin, de manière plus secondaire, des éléments de trajectoires conjugales et sexuelles interviennent également. Cette classe est caractérisée par des trajectoires et des représentations qui contrastent avec la diversification des parcours individuels qui est à l’œuvre dans ces deux sphères depuis plusieurs décennies. Le fait d’avoir eu plusieurs partenaires sexuels à l’échelle de la vie et d’avoir déjà vécu une séparation sont moins fréquents dans ce groupe.
16Une régression logistique modélisant le fait d’être dans cette classe [voir tableau 2, p. 51-52] et permettant de vérifier l’effet de chacune des variables étudiées à effet constant des autres variables confirme l’importance de tous ces facteurs. Ce groupe s’apparente à une figure historique de rejet de l’homosexualité, incarnée par les générations les plus anciennes, ancrées dans la religion, peu au contact de l’homosexualité comme réalité et pour qui elle demeure une anomalie.
Régressions logistiques modélisant l’appartenance à chaque classe de la CAH vs l’ensemble des autres classes
Régressions logistiques modélisant l’appartenance à chaque classe de la CAH vs l’ensemble des autres classes
Champ : Hommes et femmes âgées de 18 à 69 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles.Lecture : Une valeur d’odds ratio statistiquement significative et supérieure à 1 indique que, pour la modalité étudiée, par rapport à la modalité de référence de la variable considérée, le facteur accroît les chances d’appartenir au groupe modélisé. Plus l’odds ratio est éloigné de 1, plus l’influence du facteur auquel il est associé est importante.
Légende : ***si p<0,01 ; **si p<0,05 ; *p<0,10, - si non significatif.
Distance relationnelle et vague acceptation de principe
17La deuxième classe est structurée par des positions assez semblables : peu ou pas de lesbiennes ou de gays dans l’entourage, une crainte exprimée à l’idée d’avoir un enfant homosexuel, pas de prise de position favorable à l’homoparentalité, mais – et c’est ce qui distingue ce groupe du précédent, des rapports homosexuels considérés comme une « sexualité comme une autre ». Alors que cette classe représente 12 % de l’ensemble, 22,7 % des personnes qui optent pour cet item (« comme une autre ») appartiennent à cette classe. On peut considérer qu’il s’agit d’un rapport à l’homosexualité marqué par la distance et une acceptation minimale hétéro-sexiste au sens où l’acceptation de principe se combine avec des positions qui infériorisent l’homosexualité par ailleurs. Les items favorables des indicateurs les plus ancrés dans des réalités concrètes (questions 2 et 3) sont unanimement rejetés. On peut dès lors se demander quelles sont les caractéristiques de cette attitude caractérisée par une seule et vague acceptation de principe.
18Elles sont nettement moins marquées que dans la configuration précédente au sens où peu de modalités jouent un rôle particulièrement saillant. On observe d’abord des éléments de trajectoires individuelles, les mêmes qui caractérisaient le groupe précédent. Expérience d’une séparation plus rare, nombre de partenaires sexuels en-deçà de la moyenne : d’une façon générale, les itinéraires relativement conventionnels sont plus caractéristiques de cette classe. Les professions exercées par les parents ne jouent pas d’influence nette. C’est un peu différent en ce qui concerne la catégorie socioprofessionnelle des répondants. Par rapport au fait d’être cadre du privé (valeur de référence) le fait d’être dans l’autre catégorie de cadres (du public), d’exercer une profession intermédiaire, d’être commerçant ou chef d’entreprise, mais aussi ouvrier non qualifié augmente la probabilité d’être dans ce groupe. Il s’agit d’une forme de rapport à l’homosexualité davantage située dans les catégories moyennes et supérieures et plus caractéristique des hommes. Elle est peu marquée en termes de générations et de religion.
Une familiarité relationnelle, aucune acceptation pratique
19La troisième classe se situe désormais dans un contexte où l’homosexualité fait davantage partie du quotidien des individus au sens où est déclaré un certain nombre de personnes homosexuelles dans les entourages (professionnel, familial, amical, lesdites sociabilités pouvant être concentrées davantage sur l’une de ces sphères). De ce fait, on pourrait s’attendre à ce que ce capital social aille de pair avec une forte acceptation. C’est précisément l’inverse qui caractérise cette petite classe (11,1 % des effectifs totaux). La perspective d’avoir un enfant homosexuel suscite une appréhension, l’homoparentalité aucune adhésion marquée. Quant à l’indicateur le plus vague, celui de l’acceptation de principe, les deux postures distinguées se retrouvent dans des proportions assez similaires.
20Comme pour les deux premières classes, on observe une absence d’adhésion aux items dépassant une vague acceptation de principe mais ici, cette posture hostile s’ancre donc dans un environnement plus familier à l’homosexualité. Plus d’un tiers (35,1 %) de celles et ceux qui font part d’un entourage constitué d’un certain nombre de personnes homosexuelles dans l’ensemble de la population sont d’ailleurs dans ce groupe.
21Cette classe est d’abord caractérisée par son positionnement social : l’appartenance à des milieux aisés y est plus présente. Avoir un haut niveau de diplôme (33,5 % des personnes de ce groupe vs 22,5 % de l’ensemble de l’échantillon), être cadre ou avoir une profession intellectuelle supérieure (18,6 % vs 12,5 %), des parents de cette même catégorie (22,8 % vs 14,3 % pour le père, 9,2 % vs 5,1 % pour la mère) sont caractéristiques. Par contraste, les ouvriers, 22,1 % de l’ensemble de la population, sont peu présents dans ce groupe : 14,2 %, les disparités étant également marquées pour les fils et filles d’ouvriers.
22Un autre type de caractéristique est davantage représenté : celui qui renvoie à des parcours sexuels assez emblématiques de la diversification contemporaine de la sexualité. Avoir eu un nombre relativement élevé de partenaires sexuels, des rapports sans lendemain ou encore deux relations en parallèle est plus fréquent dans cette classe que dans l’ensemble, et beaucoup plus que dans les deux classes déjà présentées. Si l’on compare cette classe avec la « distance absolue », on observe des contrastes particulièrement forts sur ces points : 44 % ont eu plus de cinq partenaires contre 30 % dans le premier groupe, 43,4 % dissocient sexualité et sentiment (contre 28,1 %), 38 % ont déjà eu un rapport sans lendemain (contre 22,5 %). En revanche, tout ce qui renvoie aux trajectoires familiales et conjugales, approchées notamment par le fait d’avoir vécu une séparation ou celle de ses parents, n’est pas caractéristique. Dans ce groupe, un certain libéralisme dans le domaine des comportements sexuels – et circonscrit à l’hétérosexualité – contraste avec des trajectoires individuelles qui renvoient peu aux transformations contemporaines de la famille.
23La régression logistique réalisée sur ce groupe montre que le sexe et la génération n’exercent pas d’influence significative. En revanche, elle conforte l’ancrage relatif de ce groupe dans des milieux favorisés et dans des trajectoires individuelles caractérisées par un rapport à la sexualité plutôt libéral (fait d’avoir eu un grand nombre de partenaires et un rapport sans lendemain). Plus caractéristique des classes supérieures que des autres groupes sociaux, cette combinaison entre un libéralisme pour soi et un rejet de l’homosexualité malgré une certaine familiarité va de pair avec la promotion du principe de différenciation des sexes : considérer que c’est une bonne chose d’élever filles et garçons de la même manière est une opinion significativement moins fréquente.
Une distance relationnelle, une acceptation pratique
24La quatrième classe, deuxième par son importance numérique (20,7 % de l’échantillon), est, contrairement à la précédente, structurée par la distance relationnelle à l’homosexualité du fait de la faiblesse de gays et de lesbiennes dans les réseaux de sociabilité. Elle diffère sur un autre point : l’acceptation, systématique, d’un enfant homosexuel. Sur la totalité des personnes qui indiquent qu’elles accepteraient sans problème l’homosexualité de leur enfant (45,9 % de la population étudiée), 45 % sont dans cette quatrième classe. Le point de vue de principe sur les rapports homosexuels relevant d’une sexualité « comme une autre » n’est pas homogène : un peu plus de la moitié des personnes de ce groupe y souscrivent (61,7 %).
25Qu’est-ce qui caractérise cette acceptation « pragmatique » au sens où elle est caractérisée par un contraste entre une tolérance pratique et la faiblesse du nombre de gays et lesbiennes dans l’entourage ? Elle émane davantage des femmes, contrairement aux postures hostiles précédentes qui surreprésentaient les hommes. Ce groupe est peu corrélé à l’appartenance générationnelle. Au regard de la régression logistique réalisée, les éléments de trajectoire interviennent peu comme des facteurs favorisant la probabilité d’être dans ce groupe, à une exception près : le fait d’avoir déclaré un nombre élevé de partenaires diminue la probabilité de relever de ce groupe. Ce sont le sexe, une certaine distance vis-à-vis de la religion et les indicateurs de milieux sociaux qui semblent les plus caractéristiques : par rapport au fait d’être cadre des entreprises, être cadre du public diminue la probabilité de figurer dans ce groupe, être employé de bureau ou ouvrier non qualifié l’augmente significativement. Le fait d’avoir eu un père ou/et une mère ouvrier joue aussi dans ce sens.
26On est ici en présence d’une forme d’acceptation qui semble plus caractéristique de catégories populaires, sans qu’elle ne leur soit spécifique. On ne se reconnaît pas systématiquement dans une posture vague considérant l’homosexualité comme une « sexualité comme une autre », celle-ci n’est d’ailleurs pas familière au sens où gays et lesbiennes sont peu présents dans l’entourage. Toutefois, la prédisposition à l’acceptation n’est pas négligeable puisque l’homosexualité d’un enfant serait acceptée. C’est une forme de « pragmatisme moral » tel qu’évoqué par Schwartz [35] qui semble s’exprimer ici. Si, comme le rappelle l’auteur du Monde privé des ouvriers, les classes populaires semblent valoriser « un modèle conjugal traditionnel » reposant sur des rôles de sexe et un attachement de principe à la famille, on doit se garder de les associer à la valorisation systématique d’un légitimisme familial et une adhésion à un système normatif conservateur immuable. « Les classes populaires ont précocement désacralisé certains interdits et laïcisé maints aspects de leur vie morale [36] », notamment dans le domaine des comportements matrimoniaux et de la fécondité. Les attitudes concernant l’homosexualité qui apparaissent dans ce groupe relèvent de cette même logique.
Une proximité relationnelle, une acceptation pratique
27La cinquième classe (12,1 % de l’ensemble) est aussi structurée par une familiarité systématique : les individus de ce groupe déclarent tous avoir plusieurs personnes gays et/ou lesbiennes dans leur entourage. Comme dans le groupe précédent, l’acceptation n’est pas – au mieux – anecdotique : tou-te-s indiquent qu’ils-elles accepteraient un enfant homosexuel « sans problème », variable plus indicative car évoquant une expérience concrète qui impliquerait le répondant. En revanche, l’homoparentalité n’est jamais pleinement approuvée.
28Les modalités les plus significatives concernent les parcours individuels et les représentations de la sexualité. Avoir déjà vécu une séparation conjugale, eu deux relations en parallèle, dissocier la sexualité du sentiment, avoir eu un nombre relativement élevé de partenaires sexuels à l’échelle de la vie ou encore un rapport sans lendemain sont particulièrement caractéristiques de ce groupe qui se distingue, plus que les autres, par ce type de modalité. Contrairement à la troisième classe, on observe une continuité entre trajectoires sexuelles et expériences de la conjugalité : elle renvoie aux transformations observées dans ces deux domaines.
29Parmi les variables sociodémographiques, c’est l’appartenance aux catégories supérieures qui est la plus caractéristique de cette classe. Dans une moindre mesure, la tendance est observable pour les professions intermédiaires. Les diplômés des deux catégories supérieures y sont surreprésentés également. La régression modélisant la probabilité d’appartenir à ce groupe conforte la plupart de ces observations : le fait d’être une femme, d’appartenir aux classes d’âges les plus jeunes, avoir eu une mère exerçant une activité professionnelle (employée, profession intermédiaire ou cadre), augmentent également la probabilité de relever de ce groupe.
30Ce groupe apparaît ainsi comme étant proche de la quatrième classe. On est en présence de dispositions concrètes à une acceptation dans les deux configurations. Dans la quatrième classe, elle s’accompagne d’une certaine distance relationnelle à l’homosexualité et d’une surreprésentation dans les catégories populaires. Dans la cinquième, d’une plus grande proximité relationnelle, relativement plus présente dans les catégories moyennes-supérieures.
Une forte acceptation de principe, une acceptation pratique et une diversité relationnelle
31La dernière classe est caractérisée par des attitudes gayfriendly affirmées. Elle est d’abord structurée par le fait d’être « tout à fait » favorable à l’homoparentalité, posture relativement peu répandue dans l’ensemble de la population étudiée (17,3 %). Elle est de manière plus secondaire également structurée par des positions gayfriendly sur les deux autres questions : considérer que l’homosexualité est une sexualité comme une autre et accepter sans problème un enfant homosexuel. La proximité de l’homosexualité dans les réseaux relationnels est diversifiée : une petite moitié (47,7 %) a un entourage faiblement composé de personnes gays ou lesbiennes.
32Quelles sont les spécificités de ce groupe ? On retrouve d’abord une caractéristique déjà observée pour les classes orientées favorablement : les femmes sont nettement plus nombreuses (59,8 %). Il s’agit du groupe dans lequel leur part relative est la plus importante. D’autres types de modalités apparaissent ensuite. Celles qui relèvent de la sexualité et de la vie conjugale et familiale inscrivent plutôt ce groupe dans une orientation un peu moins conventionnelle que l’ensemble de la population (nombre de partenaires, indicateurs d’une sexualité dissociée du sentiment ainsi qu’un vécu plus fréquent d’une rupture et de la séparation des parents). D’autres caractéristiques apparaissent : l’âge et la religion. La génération la plus âgée y est nettement sous-représentée. La distance à la religion est également caractéristique de ce groupe. Enfin, c’est la seule classe sur les six qui est composée d’une majorité de personnes favorables à l’idée suivant laquelle « c’est une bonne chose d’élever les filles et les garçons de la même manière » (51,6 % contre 38,8 % pour l’ensemble de la population). Par contraste, les caractéristiques relevant de la position sociale ne donnent à voir que de très faibles variations. La répartition des niveaux d’éducation est, dans ce groupe, très proche de celui de la population étudiée dans son ensemble, tout comme l’appartenance aux PCS et les origines sociales des individus.
33La régression logistique réalisée sur ce groupe confirme la faible importance des variables de positions et d’origines sociales, contrastant avec les autres dimensions. Le sexe et la génération sont assez prédictifs de la probabilité d’appartenir plus volontiers à ce groupe. La spécificité des parcours individuels est aussi significative, ainsi que le rapport au genre et à la religion.
De forts contrastes générationnels
34À l’issue de cette classification, on perçoit combien le rapport à l’homosexualité est susceptible de prendre des formes diversifiées, suivant des facteurs de natures différentes : appartenances de sexe, de catégories sociales ou encore de génération. Sur ce dernier point, la génération 1936-1955 se distingue des générations suivantes par sa forte présence dans les classes peu acceptantes (en particulier la première) et sa sous-représentation dans les plus tolérantes (cinquième et sixième classes). S’expriment ici des effets de contextes de socialisation très distincts. Cette génération a en effet été exposée à des formes de stigmatisation et de discrimination très fortes. Par exemple, le sous-amendement du député Mirguet invitait en 1960 à lutter contre le « fléau social » de l’homosexualité au même titre que l’alcoolisme ou encore la tuberculose. En 1968, la France a adopté la classification de l’organisation médicale de la santé sur les maladies mentales incluant l’homosexualité. Enfin, des dispositions juridiques discriminatoires ainsi que des formes de répressions policières organisées ont perduré jusqu’au début des années 1980 [37].
35Par contraste, les générations suivantes ont été, à l’échelle de leur vie, exposées à des discours politiques et à des dispositions juridiques moins hostiles et plus ouverts à la défense de l’égalité des sexualités. L’abolition des mesures discriminatoires liées à l’orientation sexuelle au début des années 1980, la visibilité croissante de l’homosexualité et des conséquences de son absence de reconnaissance sociale et juridique dans le contexte du sida, l’adoption du pacte civil de solidarité en 1999, la reconnaissance de l’homophobie comme facteur aggravant en cas de crime ou délit au début des années 2000 en constituent les principaux traits. Ce contraste générationnel est d’ailleurs perceptible lorsque l’on étudie, à partir des enquêtes Presse Gay, la manière dont les jeunes gays rendent compte de l’acceptation de leur homosexualité par leurs parents. Pour une même classe d’âge, l’acceptation déclarée est nettement supérieure dans les années 2000 que dans les deux décennies antérieures [38].
36La classification permet aussi de montrer l’importance des éléments de trajectoires individuelles relevant de la sexualité, du couple ou de l’itinéraire familial et plus encore de la sensibilité religieuse.
Acceptation des femmes et des hommes : un effet distinct des trajectoires sexuelles
37Les contrastes entre les sexes sont particulièrement marquants : les trois classes construites sur les attitudes les plus « gayfriendly » sont davantage composées de femmes alors que c’est l’inverse qui peut être constaté concernant les trois classes les moins favorables. Toutefois, l’approche mise en œuvre ne permet pas de rendre compte de disparités au sein de chacun des groupes de sexe. La classification conduite sur l’ensemble de la population invite à prendre au sérieux la corrélation entre les parcours sexuels, les trajectoires familiales et l’acceptation de l’homosexualité. Les trajectoires qui s’inscrivent dans le mouvement de diversification des formes de vie privée et caractérisées notamment par l’autonomisation de la sexualité et de la conjugalité, la pluralité des expériences de couple semblent être plus souvent associées à l’acceptation. Pour autant, on peut faire l’hypothèse d’effets différenciés suivant le sexe, en particulier concernant les trajectoires sexuelles : ces pratiques et représentations de la sexualité sont en effet davantage indicatives d’une transgression de genre pour les femmes que pour les hommes, pour qui elles sont un attribut de virilité. Il convient ainsi d’étudier l’articulation entre acceptation de l’homosexualité et trajectoires par groupe de sexe pour examiner si ces éléments de parcours sont susceptibles d’accroître l’acceptation des femmes.
38Un examen de chacun des indicateurs mobilisés, appréhendés par sexe montre que les disparités sont importantes. Une focalisation sur la classe d’âge intermédiaire (35-49 ans au moment de l’enquête) permet de limiter les effets de génération et de cerner des facteurs propres à chaque sexe. Pour les trois variables relatives à l’acceptation, on observe un écart d’environ dix points entre les femmes et les hommes [voir tableau 3, ligne « ensemble », p. 59]. En revanche, la présence de personnes gays et lesbiennes dans l’entourage est à peu près similaire entre les deux groupes.
La variable niveau d’éducation
La variable niveau d’éducation
Le niveau d’éducation est appréhendé par une variable qui vise à tenir compte de l’évolution du niveau d’études au fil des générations. Quatre niveaux sont ainsi distingués :Acceptation de l’homosexualité, par sexe, en fonction d’éléments de trajectoire conjugale ou sexuelle, 35-49 ans (%)
Acceptation de l’homosexualité, par sexe, en fonction d’éléments de trajectoire conjugale ou sexuelle, 35-49 ans (%)
Champ : Hommes et femmes âgées de 35 à 49 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles.Lecture : 53,8 % des hommes de 35-49 ans qui ont déjà eu un rapport sans lendemain considèrent, à propos des rapports homosexuels, qu’il s’agit « d’une sexualité comme une autre ». 44 % des hommes qui n’ont jamais eu de rapport sans lendemain partagent ce même point de vue. 31,3 % des femmes de 35-49 ans qui ont déjà connu une séparation conjugale considèrent qu’un enfant peut être élevé par deux femmes/hommes, contre 20,5 % de celles qui n’ont pas connu de séparation conjugale.
Légende : p = test du ki2 ; ***si p<0,01 ; **si p<0,05 ; *p<0,10 ns si non significatif.
39Si on entre dans le détail des facteurs susceptibles d’influencer cette acceptation, on observe que la religion joue de la même manière pour les deux sexes. De même, les indicateurs de milieu social [voir tableau 4, p. 60-61] ne font pas apparaître de différences majeures parmi les femmes ou parmi les hommes. En revanche, les éléments de parcours conjugal et sexuel distinguent les groupes de sexe, en particulier pour les variables d’acceptation les plus fermes et incarnées (acceptation d’un enfant homosexuel et position sur l’homoparentalité). Le fait d’avoir eu un rapport sans suite, un nombre de partenaires sexuels relativement élevé, de dissocier sexualité et sentiment exercent davantage d’influence parmi les femmes que parmi les hommes [voir tableau 3, p. 56]. Dans une moindre mesure, l’expérience d’une séparation joue significativement sur l’acceptation d’un enfant qui ferait part de son homosexualité.
Tris complémentaires les trois variables structurantes constitutives de la CAH, par sexe et sur les 35-49 ans
Tris complémentaires les trois variables structurantes constitutives de la CAH, par sexe et sur les 35-49 ans
Indicateurs de gayfriendliness et indicateurs de milieu social, par sexe (%)Champ : Hommes et femmes âgées de 35 à 49 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles.
Lecture : 46,2 % des hommes agriculteurs considèrent à propos des rapports homosexuels qu’il s’agit d’une sexualité comme une autre.
p correspond à un test du chi-deux : *p< 0,1 ; **p<0,05 ; ***p< 0,01, ns si p non significatif.
NB : Les résultats correspondant aux items « retraité », « inactif », « inconnue », « jamais travaillé » (CS du père) ne sont pas significatifs en raison d’effectifs insuffisants.
40Des modèles de régression logistique incluant une variable de position sociale, la connaissance de personnes homosexuelles dans la famille ou parmi les amis et un indicateur biographique renvoyant à la sexualité ou à la conjugalité confortent ce contraste. On observe même une influence inversée de certains facteurs : le fait d’avoir eu un rapport sans lendemain diminue la probabilité d’accepter « sans problème » un enfant homosexuel chez les hommes, elle l’augmente chez les femmes [voir tableaux de régression, p. 62-63]. De même, en ce qui concerne le nombre de partenaires sexuels au cours de la vie, l’acceptation augmente avec le nombre de partenaires pour les femmes, alors que pour les hommes, c’est le fait d’avoir eu un nombre de partenaires « intermédiaire » qui joue (entre deux et cinq) par rapport au fait d’en avoir eu un ou de n’en avoir eu aucun.
Régressions logistiques sur les trois variables d’acceptation de l’homosexualité et intégrant des variables relatives aux trajectoires conjugales et sexuelles, par sexe
Régressions logistiques sur les trois variables d’acceptation de l’homosexualité et intégrant des variables relatives aux trajectoires conjugales et sexuelles, par sexe
Champ : Hommes et femmes âgées de 35 à 49 ans, à l’exclusion des personnes se disant homosexuelles. Pour la régression sur le nombre de partenaires sexuels, les sans réponses sont retirés du modèle (21 hommes et 27 femmes).Lecture : Une valeur d’odds ratio statistiquement significative et supérieure à 1 indique que, pour la modalité étudiée, par rapport à la modalité de référence de la variable considérée, le facteur accroît les chances d’appartenir au groupe modélisé. Plus l’odds ratio est éloigné de 1, plus l’influence du facteur auquel il est associé est importante.
Légende : ***si p<0,01 ; **si p<0,05 ; *p<0,10, - si non significatif.
41À l’inverse des expériences de sexualité qui ont peu d’effet sur l’acceptation de l’homosexualité chez les hommes, l’adhésion à une éducation non sexuée (« c’est une très bonne chose d’élever les filles et les garçons de la même manière ») est fortement corrélée aux attitudes gayfriendly (régressions non présentées), et ce pour les trois questions examinées. Les hommes les plus favorables à une éducation non sexuée sont plus souvent « acceptants » vis-à-vis de l’homosexualité que ceux qui y sont hostiles. Pour les femmes, cette dimension joue également, mais de manière un peu moins marquée.
42Ces observations ne sont pas surprenantes, les normes sexuelles étant distinctes pour les hommes et pour les femmes, notamment dans leur rapport à l’homosexualité. Pour les hommes, un grand nombre de partenaires, une dissociation de la sexualité et du sentiment ou avoir un rapport sans lendemain s’accordent avec un modèle de virilité dominant qui se combine à un rejet de l’homosexualité. Circonscrites à l’hétérosexualité, ces expériences et attitudes ne sont non seulement pas indicatives d’une tolérance spécifique, mais vont plutôt de pair avec une moindre acceptation. Seule une position de principe sur une éducation non sexuée, qui contraste avec ce modèle de virilité hétéro-normatif qui envisage le féminin comme repoussoir est, elle, plus encline à s’accompagner de positions gayfriendly. Pour les femmes en revanche, un tel rapport plus libéral à la sexualité n’a pas le même sens : il rompt avec des attentes sociales qui les enjoignent à une sexualité conjugale et procréative [39]. L’expérience d’une relative transgression de cet ordre sexuel va de pair avec des représentations plus favorables à l’homosexualité : il y a un continuum entre la mise à distance des normes conjugales et sexuelles dominantes et l’acceptation de l’homosexualité [40].
Des catégories supérieures gayfriendly ? Acceptation de principe et acceptation pratique
43Revenir un à un sur les trois indicateurs d’acceptation distingués confirme enfin la faible influence des variables de milieu social déjà perceptible dans la classification. Il existe incontestablement une spécificité des classes supérieures, qui ne va pas pour autant dans le sens d’une acceptation plus nette. Les personnes les plus diplômées ou membres des PCS supérieures font certes part d’une acceptation de principe plus souvent que les autres. Par exemple, 37,5 % des hommes ouvriers de 35 à 49 ans qualifient les rapports homosexuels d’une « sexualité comme une autre », contre 65,1 % des « cadres supérieurs et professions intellectuelles » aux mêmes âges [voir tableau 4, p. 60-61]. De telles disparités se retrouvent chez les femmes, même si les contrastes sont moins forts (47,5 % contre 68,1 %). Comme la classification ascendante hiérarchique le mettait déjà en évidence, on observe de tels écarts concernant le fait d’avoir des personnes gays et/ou lesbiennes dans l’entourage. Par exemple, les cadres sont proportionnellement deux fois plus nombreux à faire part d’un entourage moyennement ou fortement composé de personnes gays ou lesbiennes que les ouvriers.
44Mais les différences sont faibles concernant les deux autres indicateurs qui renvoient à des dispositions à l’acceptation plus concrètes, qu’il s’agisse de l’acceptation d’un enfant homosexuel ou d’une opinion vis-à-vis de l’homoparentalité. La « composition homosexuelle » déclarée du capital social étant très distincte suivant les milieux, quel que soit l’indicateur retenu, deux mécanismes sont théoriquement possibles. Soit le nombre de gays et lesbiennes dans l’entourage n’est pas associé à la tolérance exprimée. Ceci expliquerait alors qu’à entourage distinct, on n’observe aucune différence en termes d’acceptation forte. Soit le fait d’avoir des personnes homosexuelles parmi les proches est effectivement associé à une plus grande acceptation. Les milieux populaires seraient alors, à nombre de proches gays et lesbiennes similaire, plus enclins à l’acceptation.
45Des modèles de régressions logistiques par sexe combinant une variable de milieu social et une variable relative au parcours conjugal ou sexuel des individus et incluant une variable d’entourage confortent cette dernière hypothèse [voir tableau 5, p. 62-63]. Avoir des proches (ami.e.s, collègues, membres de la famille) gays et/ou lesbiennes est associé au fait de se déclarer en faveur de l’une des trois postures favorables présentes dans l’enquête. On observe également un rapport positif entre acceptation et indicateurs d’appartenance aux milieux populaires pour les variables les plus concrètes, effet qui n’apparaît pas dans les modèles similaires dépourvus de la variable d’entourage (non présenté). En d’autres termes, à effet constant des autres variables – en particulier le nombre de personnes homosexuelles dans l’entourage – être peu diplômé ou être ouvrier/employé ou avoir eu des parents employés ou ouvriers tend à augmenter le niveau d’acceptation.
46Les classes aisées se distinguent donc uniquement par une plus grande acceptation sur l’indicateur de principe le plus vague. Indicateur dont ces mêmes catégories sociales perçoivent sans doute plus directement la portée politique. On peut se demander dans quelle mesure les individus savent que cette position est la « bonne réponse » au sens où elle correspond à la représentation qu’ils ont de leur posture « tolérante ». Cette attitude serait le résultat de ce que Fassin nomme l’inversion de la question homosexuelle : la parole homophobe est moins tenable socialement, notamment dans les catégories aisées où une position de principe favorable est désormais bienvenue. En ce sens, elle relève peut-être davantage d’une représentation de soi et de sa classe sociale comme étant particulièrement tolérants. Elle est d’autant plus mise en exergue qu’elle permet de se classer vis-à-vis d’autres groupes sociaux et de se démarquer d’eux. Il s’agit alors davantage d’une attitude de distinction consistant à mettre à distance d’autres groupes auxquels sont prêtés des représentations différentes et considérés comme rétrogrades. Groupes ainsi dominés symboliquement, mais pas moins tolérants en pratique.
47La gayfriendliness apparaît ainsi comme l’expression d’un apprentissage social lié à des contextes, des appartenances sociales et des expériences individuelles ayant forgé des manières de percevoir et d’accepter l’homosexualité. De nombreux facteurs sont susceptibles d’influencer cette acceptation. La religion, le sexe, l’appartenance générationnelle influent sur les attitudes gayfriendly. On observe également des effets propres à certaines expériences biographiques relevant de la sexualité, mais aussi de la famille et de la conjugalité. Ces effets sont différents suivant le sexe, les trajectoires sexuelles des femmes étant plus corrélées à l’acceptation de l’homosexualité que celles des hommes. Enfin, la prénotion suivant laquelle la forte acceptation serait caractéristique des classes supérieures est infirmée. Si celles-ci s’affirment plus tolérantes de la différence (homo)sexuelle via des questions de principe, elles ne semblent pas moins hétéro-normatives au regard d’indicateurs plus incarnés.
48Il reste toutefois beaucoup à faire pour mettre au point une démarche aboutie pour étudier les formes d’acceptation de l’homosexualité en France, aucune enquête ne disposant à ce jour de tous les indicateurs adéquats. Il conviendrait par exemple de pouvoir distinguer l’acceptation reposant sur une égalité des droits et des formes de tolérance plus informelles [41]. Les attitudes gayfriendly gagneraient à pouvoir être davantage caractérisées, en particulier à partir de ses visages mis en évidence par Sylvie Tissot et al. qui distinguaient une gayfriendliness active, des positions de principe universalistes ou encore des acceptations plus conditionnelles liées à des formes de méconnaissance par indifférence ou par ignorance. On peut ainsi se demander si l’homosexualité est plus acceptée si elle s’exprime dans des cadres originellement hétéro-normatifs tel le mariage. D’autres pistes pourraient être explorées : comment sont perçus les éléments plus caractéristiques d’une subculture homosexuelle comme les lieux de sociabilités destinées aux gays et aux lesbiennes, notamment ceux qui ont une vocation sexuelle explicite ? Qu’en est-il des formes de militantismes gays et lesbiens ? Existe-t-il une ligne de fracture entre des expressions socialement acceptables de l’homosexualité et les autres ? La démarche s’accompagnerait enfin de variables permettant de distinguer les rapports à l’homosexualité féminine et masculine – ce que ne permet pas de faire CSF. De la même manière qu’il convient de distinguer lesbophobie et gaiphobie car chacune ne repose pas sur les mêmes ressorts, l’analyse des formes d’acceptation et de sympathie à l’égard des homosexualités gagnerait à pouvoir distinguer les spécificités des attitudes suivant qu’elles concernent gays ou lesbiennes. La démarche permettrait de mieux cerner les contours des attitudes gayfriendly, elle représenterait également une contribution forte à une réflexion sur l’articulation entre genre et homosexualités.
Notes
-
[1]
George Chauncey, « Après Stonewall, le déplacement de la frontière entre le “soi” public et le “soi” privé », Histoire et sociétés, 3, 2002, p. 44-59.
-
[2]
Michael Pollak et Marie-Ange Schiltz, Six années d’enquête sur les homo- et bisexuels masculins face au sida : livre des données, Paris, EHESS/ANRS, 1991.
-
[3]
Christophe Broqua, Agir pour ne pas mourir ! Act Up, les homosexuels et le sida, Paris, Presses de Sciences Po, 2002.
-
[4]
Marie-Ange Schiltz, « Un ordinaire insolite : le couple homosexuel », Actes de la recherche en sciences sociales, 125, 1998, p. 30-43 ; Wilfried Rault, L’Invention du Pacs. Pratiques et symboliques d’une nouvelle forme d’union, Paris, Presses de Sciences Po, 2009 ; Jérôme Courduries, Être en couple (gay). Conjugalité et homosexualité masculine en France, Lyon, PUL, 2011.
-
[5]
Martine Gross (dir.), Homoparentalités, état des lieux, Toulouse, Érès, 2005 ; Virginie Descoutures, Les Mères lesbiennes, Paris, PUF, 2010.
-
[6]
Martine Gross, « Être chrétien et homosexuel en France », Sociétés contemporaines, 71, 2008, p. 67-93.
-
[7]
Colin Giraud, Quartiers gays, Paris, PUF, 2014.
-
[8]
Natacha Chetcuti, Se dire lesbienne. Vie de couple, sexualité, représentation de soi, Paris, Payot, 2010.
-
[9]
Thierry Laurent et Ferhat Mihoubi, « Orientation sexuelle et écart de salaire sur le marché du travail français : une identification indirecte », Économie et statistique, 464-465-466, 2014, p. 97-134.
-
[10]
« Homosexualités », Actes de la recherche en sciences sociales, 125, 1998 ; « L’homosexualité à l’épreuve des représentations », Histoire et sociétés, 3, 2002 ; « Lesbiennes », Genre, sexualité & société, 1, 2009 ; « La construction sociale de l’homosexualité », Genre, sexualité & société, Hors-série 1, 2011.
-
[11]
Sébastien Chauvin et Arnaud Lerch, Sociologie de l’homosexualité, Paris, La Découverte, 2013.
-
[12]
Marie-Ange Schiltz, « Parcours de jeunes homosexuels dans le contexte du VIH : la conquête de modes de vie », Population, 52(6), 1997, p. 1485-1537 ; Wilfried Rault, « Parcours de jeunes gays dans un contexte de reconnaissance. Banalisation des expériences ou maintien des singularités ? », Agora débats/jeunesses, 57, 2011, p. 7-22 ; Christelle Hamel, « Devenir lesbienne. Le parcours de jeunes femmes d’origine maghrébine », Agora débats/jeunesses, 60, 2012, p. 93-105. Aspect également évoqué dans plusieurs chapitres de l’ouvrage collectif Jérôme Courduriès et Agnès Fine (dir.), Homosexualité et parenté, Paris, Armand Colin, 2014.
-
[13]
Christophe Falcoz et Audrey Bécuwe, « La gestion des minorités discréditables : le cas de l’orientation sexuelle », Travail, genre et sociétés, 21, 2009, p. 69-89 ; François Beck, Jean-Marie Firdion, Stéphane Legleye et Marie-Ange Schiltz, « Risques suicidaires et minorités sexuelles : une problématique récente », Agora débats/jeunesses, 58, 2011, p. 33-46.
-
[14]
Pierre Bourdieu, « L’opinion publique n’existe pas », Les Temps modernes, 318, 1973, p. 1292-1309 ; Daniel Gaxie, « Au-delà des apparences… Sur quelques problèmes de mesure des opinions », Actes de la recherche en sciences sociales, 81-82, 1990, p. 97-112.
-
[15]
Olivier Galland et Yannick Lemel, « La stratification sociale des valeurs », in Pierre Bréchon et Olivier Galland (dir.), L’Individualisation des valeurs, Paris, Armand Colin, 2010, p. 233-250.
-
[16]
Pour un exemple récent à propos de la filiation : Jean-Hugues Déchaux et Nicolas Herpin, « Vers un nouveau modèle de parenté », in P. Bréchon et O. Galland, op. cit., p. 47-64.
-
[17]
Nathalie Bajos et Michel Bozon (dir.), Nathalie Beltzer (coord.), Enquête sur la sexualité en France. Pratiques, genre et santé, Paris, La Découverte, 2008.
-
[18]
Éric Fassin, L’Inversion de la question homosexuelle, Paris, Amsterdam, 2005.
-
[19]
Nathalie Bajos et Nathalie Beltzer, « Les sexualités homo-bisexuelles : d’une acceptation de principe aux vulnérabilités sociales et préventives », in N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 243-272 ; Guillemette Buisson et Aude Lapinte, « Le couple dans tous ses états. Non-cohabitation, conjoints de même sexe, Pacs… », Insee Première, 1435, 2013.
-
[20]
Annie Velter (dir.), Rapport enquête Presse Gay 2004, Paris, ANRS/InVS, 2007.
-
[21]
É. Fassin, op. cit., p. 73. Ce préjugé laisse ainsi de côté d’autres hypothèses sur cette surreprésentation. L’appartenance aux classes moyennes et supérieures, par les ressources économiques et sociales qu’elle octroie, pourrait favoriser le fait d’être et de se dire gay ou lesbienne. On peut aussi faire l’hypothèse dans le prolongement des observations de Pollak et Schiltz formulées dès les années 1980, que l’expérience d’une sexualité minoritaire stigmatisée contribue à la constitution d’un capital favorisant une autonomie personnelle, d’où la surreprésentation des gays et des lesbiennes dans les classes moyennes et supérieures. De ces deux mécanismes, qui peuvent se combiner, on ne peut présumer une plus grande tolérance des classes supérieures.
-
[22]
Richard Florida, The Rise of The Creative Class, Basic Books, New York, 2002. De tels discours ont accompagné la gentrification de certains quartiers de métropoles occidentales où une mixité sociale – en particulier sexuelle – est explicitement valorisée par les politiques municipales et/ou les gentrifieurs eux-mêmes (à propos de Manchester : Mike Homfray, Provincial Queens. The Gay and Lesbian Community in the North-West of England, Berne, Peter Lang, 2007 ; du South End à Boston : Sylvie Tissot, De bons voisins. Enquête dans un quartier de la bourgeoisie progressiste, Paris, Raisons d’agir, 2011 (Londres/New York, Verso, 2015). Désir de mixité pour le moins ambigu puisqu’il est caractérisé par une volonté de contrôle de cette diversité et circonscrit à certaines formes d’expression. Voir Sylvie Tissot, “Loving diversity/controlling diversity : exploring the ambivalent mobilization of upper-middle-class gentrifiers, South End, Boston”, International Journal of Urban and Regional Research, 38(4), 2014, p. 1181-1194.
-
[23]
Christelle Hamel et Johanna Siméant, « Genre et classes populaires », Genèses, 64, 2006, p. 2-4.
-
[24]
Isabelle Clair, « Le pédé, la pute et l’ordre hétérosexuel », Agora débats/jeunesses, 60, 2012, p. 67-78 ; Raewyn Connell, Masculinités. Enjeux sociaux de l’hégémonie, Paris, Amsterdam, 2014 [1995].
-
[25]
Voir Janine Mossuz-Lavau, Les Lois de l’amour. Les politiques de la sexualité en France (1950-2002), Paris, Payot, 2002 [1991].
-
[26]
John Gagnon, Les Scripts de la sexualité. Essais sur les origines culturelles du désir, Paris, Payot, 2008.
-
[27]
Michel Bozon, « Pratiques et rencontres sexuelles : un répertoire qui s’élargit », in N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 273-296 ; Henri Léridon « Le nombre de partenaires : un certain rapprochement entre les femmes et les hommes, mais des comportements encore très différents », in N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 315-332.
-
[28]
Sylvie Tissot, Colin Giraud, Wilfried Rault et Mathieu Trachman, « Les hétéros du Marais. Enquête sur la gayfriendliness », rapport pour la Mairie de Paris, CSU-CRESPPA, janvier 2014.
-
[29]
Par exemple, certain.e.s enquêté.e.s nuancent un discours d’acceptation par une hostilité à certaines manifestations d’homosexualité telles que la présence de lieux de sociabilités gays et lesbiens dans leur quartier ou encore d’expressions militantes explicites.
-
[30]
Judit Takács et Ivett Szalma, “How to measure homophobia in an international comparison ?”, Družboslovne razprave, 73, 2013, p. 11-42.
-
[31]
Les deux questions ont été recodées de manière à créer une seule variable renvoyant au fait d’être favorable à l’homoparentalité, qu’elle concerne les femmes ou les hommes.
-
[32]
4 % des femmes et 4,1 % des hommes ont déclaré avoir déjà eu une relation avec une personne de même sexe au cours de la vie. Ce pourcentage est inférieur à 2 % si on exclut les personnes qui se déclarent homosexuelles. Concernant l’attirance pour une personne de même sexe, 6,2 % des femmes et 3,9 % des hommes déclarent avoir déjà été attirés par une personne de même sexe. Ces pourcentages sont nettement plus faibles si on exclut les personnes qui se déclarent homosexuelles.
-
[33]
Le raisonnement a été mené sur les répondants au questionnaire long (excluant les passations par téléphone portable), certaines questions ne figurant que dans cette version de l’enquête. Par ailleurs, on a exclu de l’analyse les personnes qui se définissent explicitement comme homosexuelles.
-
[34]
Certaines attitudes sont en effet particulièrement hostiles si on entre dans le détail des items défavorables.
-
[35]
Olivier Schwartz, Le Monde privé des ouvriers. Hommes et femmes du Nord, Paris, PUF, 1990.
-
[36]
Ibid., p. 90.
-
[37]
Voir Antoine Idier, Les Alinéas au placard. L’abrogation du délit d’homosexualité (1977-1982), Paris, Cartouche, 2013.
-
[38]
Voir M.-A. Schiltz, « Parcours de jeunes homosexuels dans le contexte du VIH… », art. cit. et W. Rault, « Parcours de jeunes gays dans un contexte de reconnaissance … », art. cit.
-
[39]
Nathalie Bajos, Michèle Ferrand et Armelle Andro, « La sexualité à l’épreuve de l’égalité », in N. Bajos et M. Bozon, op. cit., p. 545-576.
-
[40]
Ce continuum apparaît également dans les entretiens conduits par Sylvie Tissot et al. (« Les hétéros du Marais…, op. cit.) : « La plus grande tolérance manifestée par les femmes à l’égard de l’homosexualité se rattache aux logiques de genre. Elle prend racine dans une même position dominée dans le système hétéro-sexiste (…) On retrouve parmi nos enquêtées des femmes exprimant une forte tolérance, voire sympathie, à l’égard des gays et qui font le récit parallèle d’une vie conjugale marquée par la prééminence masculine, qu’il s’agisse de choix de couple ou de carrières professionnelles » (p. 64).
-
[41]
Voir cette distinction à l’œuvre dans Long Doan, Annalise Loehr et Lisa R. Miller, “Formal rights and informal privilege for same-sex couples : evidence from a national survey experiment”, American Sociological Review, 79(6), 2014, p. 1172-1195.