Couverture de ARSS_205

Article de revue

Règles, usages et habitus

Le cas d'un établissement de la RATP

Pages 90 à 103

Notes

  • [1]
    Voir la liste des sigles p. 103.
  • [2]
    En 1992, il y avait 152 salariés dont 7 cadres et 26 agents de maîtrise.
  • [3]
    Exposé du directeur général de l’AME devant le président de la RATP, le 4 novembre 1989.
  • [4]
    Direction générale composée de cinq personnes, une vingtaine de départements dont le MRF et les unités techniques dont l’AME.
  • [5]
    Le Département MRF en 1994, note interne, mai 1992.
  • [6]
    Voir Stéphane Rials, Le Juge administratif et la technique du standard, Paris, LGDJ, 1980, p. 28.
  • [7]
    Extraits de la « Convention d’expérimentation de la démarche d’efficacité collective ».
  • [8]
    Ibid. C’est moi qui souligne.
  • [9]
    Entretien avec les cadres du MRF.
  • [10]
    Bénédicte Reynaud, “Types of rules, interpretation and collective dynamics : reflections on the introduction of a salary rule in a maintenance workshop”, Industrial and Corporate Change, 5(3), 1996, p. 699-721.
  • [11]
    Conclusions des entretiens avec le directeur de l’établissement et un membre de la direction.
  • [12]
    Propos d’un agent de maîtrise, au cours d’un entretien.
  • [13]
    Voir le paragraphe infra sur « La construction des « Unités pondérées produites » (UPP) ».
  • [14]
    Voir le paragraphe infra sur « Les notions de temps homologué ».
  • [15]
    On s’appuie sur des observations faites dans un autre établissement où la règle du volontariat a été strictement appliquée.
  • [16]
    Philippe Malinvaud et Dominique Fenouillet, Droit des obligations, 11e éd., Paris, Lexis Nexis/Litec, 2010, p. 92-94.
  • [17]
    L’équivalent de 106,4 € de 2013 (http://www.insee.fr/themes/calcul-pouvoir-achat.asp).
  • [18]
    Geneviève Paicheler et Serge Moscovici, « Suivisme et conversion », in Serge Moscovici (éd.), Psychologie sociale, Paris, PUF, 1984, p. 141.
  • [19]
    Voir infra pour l’explication de la méthode des observations instantanées.
  • [20]
    François Eymard-Duvernay et Laurent Thévenot, « Les investissements de forme », Document de travail, INSEE, 1983 et Laurent Thévenot, « Les investissements de forme », in Laurent Thévenot, Conventions économiques, Centre d’études de l’emploi/PUF, 1986, p. 21-72.
  • [21]
    Les temps alloués, fréquents dans l’industrie de processus, sont des temps moyens de chaque tâche d’un cycle de travail. Ils sont calculés à partir du chronométrage des opérateurs, fait par les agents du Bureau des méthodes de l’entreprise.
  • [22]
    On notera ici la contradiction qu’il y a à employer le terme d’allure 100 lorsque la méthode des observations instantanées est utilisée.
  • [23]
    Document interne à l’AME.
  • [24]
    En effet, le seul agent de maîtrise qui a appliqué la méthode des OI à la lettre a perdu toute crédibilité de la part des opérateurs. La direction l’a muté dans un autre établissement.
  • [25]
    Les mots entre guillemets sont extraits des entretiens menés avec les agents de maîtrise.
  • [26]
    Les propos entre guillemets sont ceux du directeur de l’AME au cours des entretiens que j’ai eus avec lui.
  • [27]
    Jacques Bouveresse, « Règles, dispositions, habitus », Critique, 579-580, 1995, p. 588.
  • [28]
    Voir infra la définition des avenants.
  • [29]
    Pierre Bourdieu, Choses dites, Paris, Minuit, 1987, p. 79.
  • [30]
    Les agents de maîtrise ne sont pas concernés par cette prime.
  • [31]
    Christian Atias, « Quelle positivité ? Quelle notion de droit ? », Archives de philosophie du droit, 27, 1982, p. 209-233.
  • [32]
    P. Bourdieu, Choses dites, op. cit., p. 80.
  • [33]
    Ibid., p. 22. Sur la notion d’habitus dans l’œuvre de Pierre Bourdieu, lire les réflexions de Gisèle Sapiro in Louis Pinto, Gisèle Sapiro et Patrick Champagne (dir.), Pierre Bourdieu, sociologue, Paris, Fayard, 2004, p. 49-91. Et Gisèle Sapiro, « Pourquoi le monde va-t-il de soi ? De la phénoménologie à la théorie de l’habitus », Études sartriennes, 8, 2001. Pour avoir un point de vue sur les rapports entre l’habitus et le changement, lire Robert Boyer « L’anthropologie économique de Pierre Bourdieu », Actes de la recherche en sciences sociales, 150, décembre 2003, p. 65-78.
  • [34]
    Pierre Bourdieu, Les Structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 2000, p. 167.
figure im1
LA RÉPARATION ÉLECTROMÉCANIQUE à la RATP.
Photos. © Jean-Louis Cressent.

1Taylor avait conçu un monde social idéal pour un théoricien des organisations, où les règles de travail préconisées seraient suivies à la lettre et où les régularités observées se plieraient à des règles formelles se résumant à un découpage du travail en tâches à exécuter. L’atelier de la RATP, analysé dans cet article, contredit ce type d’hypothèse : les opérateurs y ont transformé les règles formelles qu’ils devaient suivre en stratégies d’équipe, au sens d’un jeu social. Ils n’appliquent pas les règles à la lettre, mais les interprètent. La dynamique entre les règles formelles du jeu et le jeu social observé alimente une théorie de l’action qui suppose l’introduction de la notion d’habitus. L’enjeu de ce texte est la mise à jour de ce jeu social.

Genèse d’une règle

2En décembre 1991, la direction du département Matériel roulant ferroviaire (MRF) [1] de la RATP signe, avec tous les syndicats sauf la Confédération générale du travail (CGT), une « Convention d’expérimentation de la démarche d’efficacité collective » (désormais, la Convention DEC) qui trace les principes généraux de cette règle salariale, du nom de la Convention qui l’a créée.

3L’Atelier de maintenance des équipements (AME) comprend alors 118 opérateurs [2], répartis en sept équipes : cinq d’entre elles effectuent les réparations et l’entretien des lignes du métro, surtout en électronique, mais aussi pour la micromécanique et les relais, et les deux autres sont la logistique et la conception et fabrication des systèmes tests. Dans le texte de la Convention DEC, les objectifs de production sont fixés de manière à augmenter l’intensité du travail, en réduisant la différence entre les temps de travail réglementaire et réel. L’objectif explicite est l’amélioration de « l’efficacité » des équipes en « réalisant une production de bon niveau en quantité et qualité ». La DEC détermine une prime proportionnelle aux résultats collectifs de chaque équipe, jusqu’à un certain seuil, et fixe au-delà ; elle est partagée de façon égale entre ses membres, et payée tous les semestres. Le contrat collectif, signé entre l’agent de maîtrise responsable de l’équipe et la direction, engage les opérateurs pour des périodes renouvelables de trois ans. Enfin, la DEC s’applique aux seuls opérateurs volontaires, le volontariat étant sans surprise, une manière de court-circuiter la négociation collective. Signée au niveau du département de MRF par les organisations syndicales, à l’exception de la CGT, et fondée sur le volontariat au niveau des unités opérationnelles, la DEC n’a donc pas été négociée à l’AME. Ainsi introduire un dispositif managérial par le biais du volontariat permet de faire l’économie d’une négociation. Cela déstructure le collectif en singularisant les relations entre les agents particuliers et leur encadrement et permet d’expérimenter une solution qui pourra être progressivement généralisée à l’ensemble des personnels tout en bénéficiant de la légitimité supposée d’une démarche « volontaire ».

4L’invention de la DEC prend place dans la politique générale de la RATP, caractérisée à partir de 1989, par l’engagement dans un processus de décentralisation. L’objectif de son président, Christian Blanc, est de moderniser l’entreprise, d’en améliorer l’efficacité, et de la mettre au service du voyageur ; en bref, la décentralisation vise à transformer le fonctionnement de la RATP qui reposait largement sur une culture bureaucratique, pour lui substituer une culture d’entreprise, ou, comme l’exprime le directeur de l’AME : « Il s’agit de ne plus être considéré comme un service qui dépense, mais comme une entreprise assurant une prestation pour un client [3]. » Les principaux dispositifs de la décentralisation consistent à raccourcir la ligne hiérarchique de sept à trois niveaux [4], pour faciliter la transmission de l’information et la coordination, et à déléguer des responsabilités par contractualisation des objectifs entre chaque niveau hiérarchique, de façon à accroître l’autonomie et la motivation du personnel et à permettre une prise de décision plus rapide. Initiée par les directeurs des établissements ayant eu tous une formation d’ingénieur, la DEC s’inscrit dans cette réforme en profondeur et un document établi par le directeur du MRF en 1992 à l’attention du nouveau président, Francis Lorentz, atteste le lien étroit entre la DEC et la décentralisation : « En dehors de la décentralisation, qui est par elle-même un moyen de motivation des hommes et des femmes par l’affichage d’objectifs, par l’attribution de moyens de décision et par la contractualisation, la motivation doit être cependant encouragée. Le développement de la démarche d’efficacité collective permettra d’étendre, par concertation entre les ouvriers et l’encadrement, des accords de production basés sur le suivi d’indicateurs quantitatif et qualitatif. Cette organisation du travail devrait permettre de valoriser les hommes en recherchant la meilleure efficacité économique. La démarche permettra notamment aux ouvriers du département d’engager encore plus leur compétence et leur efficacité [5]. »

5En 1988, une grève d’environ un mois au département MRF, et tout particulièrement à l’AME, finit par paralyser les trains. Ce conflit exprimait la révolte de la maintenance contre l’exploitation dont la situation salariale paraissait plus favorable : la raison en tenait moins aux primes liées à la pénibilité du travail des conducteurs et des machinistes qu’à une gestion spécifique des agents d’exploitation dont la RATP a toujours eu peur qu’ils ne se mettent en grève. Si la Convention DEC participe à la modernisation de l’entreprise, elle apparaît alors comme l’un des moyens de réduire l’écart de rémunération entre les « roulants » et les autres, tout en en donnant une justification acceptable, qui ne puisse pas entraîner une demande similaire de la part des agents d’exploitation. La DEC n’a pas été introduite pour régler un problème grave de productivité du travail : l’AME, comparée aux autres établissements du MRF en 1990, gagne en productivité et en efficacité. Elle est en outre l’une des rares unités à avoir des contacts avec l’extérieur, en travaillant avec ses fournisseurs, Alstom et Matra.

6Les principes définis dans la Convention DEC contiennent plusieurs règles à interpréter, facilement repérables par le recours à un standard, au sens juridique du terme. Le standard est une technique particulière de formulation de la règle qui est a priori indéterminée [6]. Ainsi, la fixation des seuils pour l’indicateur de la quantité de travail, recourt-elle à la notion de « normalité » : « La limite inférieure est définie par des indicateurs correspondants à l’activité normale moyenne d’un ouvrier du département (travail au temps alloué ou homologué) » [7]. Le fait d’ajouter la qualification moyenne à l’expression activité normale, ne résout pas le problème d’interprétation car, pour obtenir une moyenne, il faut des d’outils d’évaluation qui se réfèrent, eux aussi, à l’activité normale. Le seul moyen de sortir de cette circularité consiste à négocier pour obtenir un consensus sur l’évaluation de l’activité normale. De même, la règle de révision des seuils qui prévoit qu’« en cas de changement notable par l’entreprise des méthodes de travail, de l’organisation des tâches ou des outillages, les valeurs de référence des indicateurs pourront être revus en conséquence » [8], laisse entière la question de savoir à partir de quand, un changement est considéré comme « notable » ?

7Le recours aux standards est nécessaire parce que la règle ne peut pas tout prévoir. Le standard met en jeu certaines valeurs fondamentales, comme la normalité, la moralité, la loyauté, la rationalité ou certains qualificatifs comme manifeste, satisfaisant, grave, bonne foi, diligence, circonstances exceptionnelles, opportunité, etc. La mise en œuvre d’un standard n’est guidée par aucun automatisme. En principe, les parties signataires d’une convention doivent se mettre d’accord, avant la signature, sur l’interprétation à donner aux standards, ce qui n’a pas été le cas de l’AME.

8Concrètement, la direction du MRF juge que le travail normal doit atteindre un temps de référence de 5,42 h par jour, à « l’allure 100 » [9], ce qui correspond à la norme pratiquée pour les temps alloués. Le calcul se fait de la façon suivante : d’un point de vue réglementaire, chaque agent est présent 7,60 h ce qui correspond à 38 h par semaine ; une fois déduits les temps de vestiaire, de douche, de paye, de nettoyage hebdomadaire du poste de travail, des absences statutaires, etc., le temps effectif réglementaire est de 6,50 h. À partir de ce dernier, sont déduits des temps de récupération et de pénibilité (19,9 %), ce qui donne le temps de référence de 5,42 h. Ceci est conforme à la Convention DEC : le second seuil relatif à l’indicateur de quantité de travail doit se situer 20 % au-dessus du premier seuil. Ceci explique pourquoi les contrats d’équipe prennent ces deux seuils pour point de départ. La prime est maximale lorsque l’équipe atteint une production correspondant à un temps de travail de 6,50 h ; elle est nulle pour une production collective correspondant à un temps de travail de 5,42 h. Elle est proportionnelle à l’intérieur de ces deux seuils.

9La Convention DEC prévoit que les établissements concernés adaptent la nouvelle règle pour la rendre opérationnelle. Elle a donné lieu à l’AME à des processus d’interprétation, dont la signature de contrats d’équipes aux objectifs strictement productivistes, est une étape. Au cours de ce processus, la règle interprétative se transforme en une « règle prête à l’emploi » qui ne laisse formellement aucune marge d’interprétation possible [10]. Ce travail d’interprétation a des enjeux importants ; il détermine l’ampleur de la réduction des effectifs ou la reprise de travaux autrefois réalisés en sous-traitance [voir encadré « Méthodes de travail », p. 95].

Méthodes de travail

L’évolution de la prime et ses implications a été observée depuis son application en juillet-août 1992 jusqu’en juin 2001. Au début de la mise en place de la nouvelle règle, environ 35 entretiens ont été réalisés avec des opérateurs (si possible à leur poste de travail, de manière à mieux comprendre les situations réelles de travail), des représentants syndicaux et la direction, entre février et avril 1993. Nombre de documents, fournis par la direction, ont également permis d’étudier comment cette règle a été mise au point. En novembre et décembre 1994, l’enquête a été poursuivie à l’AME avec la collaboration d’une ergonome de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) pour connaître les effets de la dynamique des équipes, près de deux ans plus tard. Après avoir obtenu l’accord de la direction, des syndicats et des opérateurs sur les objectifs et la méthode de l’intervention, nous avons procédé, non pas par entretien, mais par l’observation du travail des opérateurs. En accord avec la direction, trois équipes qui travaillent avec une technologie différente (électronique de commande, électronique de puissance et micromécanique) ont été retenues ; une courte phase d’immersion dans chacune des équipes, où notre journée de travail correspond à la plage horaire la plus longue des opérateurs, a consisté à les regarder travailler, en les interrogeant sur ce qu’ils faisaient, comment et pourquoi, dans quel ordre, etc. Notre attention s’est concentrée sur la nature de la coopération entre les opérateurs, sur les modes de sélection des tâches et sur les stratégies adoptées pour obtenir la prime maximale. Les comptes rendus des observations ont ensuite été restitués aux opérateurs, et validés par eux, puis présentés à la direction. Enfin, entre septembre 2000 et juin 2001, l’auteur est retourné à l’AME avec l’objectif d’analyser les conséquences de la DEC sur la productivité du travail. S’ajoute à cela un lourd travail de reconstitution des séries statistiques mensuelles sur la productivité et la qualité du travail par équipe, de novembre 1992 à décembre 2000, étayé de nombreux entretiens avec le directeur de l’établissement [1].

De la Convention DEC au contrat prototype ou comment l’un des chemins historiquement plausibles devient la référence

10Les agents de maîtrise sont la cheville ouvrière de la DEC, même si c’est à leur corps défendant. L’un d’eux pour qui « la DEC a été imposée », estime en effet, que la direction retirerait de toute façon le nombre d’agents prévu : « S’il y a désaccord avec le chef, il faut faire quelque chose pour que ça avance ; comme c’est mon chef, je me range à son avis ». Selon un autre, « On ne nous a pas demandé notre avis ». En effet, la direction de l’AME a établi le même modèle de contrat pour toutes les équipes. Plusieurs explications sont possibles [11]. L’un des cadres de l’établissement, ingénieur membre de la direction, a joué un rôle de leader en préparant un contrat prototype, ce qui a facilité la tâche des agents de maîtrise ; ces derniers ont pu s’y retrouver [12], en ayant un contrat déjà rédigé. Il ne leur restait plus qu’à donner leur avis sur le poids relatif des ratios quantitatifs et qualitatifs dans le calcul de la prime DEC. Pour la direction, la mise au point d’un contrat modèle permet un gain de temps et lui donne la certitude d’aboutir, les contrats devant ensuite obtenir l’aval du département ressources humaines du MRF. Il est plus facile et plus rapide, une fois le premier contrat validé, d’avoir l’accord sur tous les autres. C’est de cette façon que l’un des chemins historiquement plausibles est devenu la référence.

11Tous les contrats comportent la fixation d’indicateurs quantitatifs (et qualitatifs) correspondant aux ratios « DEC min » et « DEC max ». Le mode de calcul est toujours le même. Il vise à obtenir la même quantité produite avec un effectif moindre (calculée en nombre d’Unités pondérées produites) [13] ou, à effectif constant, à faire plus. La « DEC min » est la production qui aurait été faite en 1991 si le temps travaillé avait été le minimum requis. Tandis que la « DEC max » est la production qui aurait été réalisée si le temps travaillé avait atteint le maximum. Le paradoxe de ces contrats est que la direction s’engage à verser une prime pour faire travailler les opérateurs un nombre d’heures compris entre 5,80 h [14] et le temps réglementaire (6,50 h). Ce point a d’ailleurs étonné bon nombre d’opérateurs eux-mêmes. « On nous donne une prime pour travailler le temps normal », est un propos qui est souvent revenu lors des entretiens.

12Chaque agent de maîtrise, responsable d’une équipe, doit obtenir l’adhésion des opérateurs sur le contrat préparé avec l’encadrement. Bien que la Convention DEC mentionne que ce système repose sur le volontariat des opérateurs, la direction de l’AME tient à ce que l’ensemble des équipes fonctionne sous le même régime de la DEC pour éviter des écarts de rémunération et des tensions entre ceux qui sont « à la DEC » et ceux qui n’y sont pas. De plus, si les équipes sous contrat DEC étaient minoritaires, elles seraient considérées par les autres comme des traîtres. Une telle situation fragiliserait la nouvelle norme de travail et l’ensemble du collectif [15].

13Pour faciliter cette adhésion, tout en respectant formellement la notion de volontariat, l’agent de maîtrise doit obtenir seulement l’accord implicite des opérateurs, pour pouvoir signer le contrat avec la direction. Il faut que les opérateurs hostiles à la DEC, se manifestent en remplissant un formulaire, le modèle 18. Tout se passe comme si la stratégie de la direction consistait en « qui ne dit mot consent ». Or en droit, ce principe n’est pas légal, pour qu’un contrat soit valide il faut un consentement explicite [16]. Pour convaincre les opérateurs, la maîtrise doit s’astreindre à un travail de pédagogie, en exposant l’objectif immédiat de la DEC (la productivité), en justifiant les évaluations faites du temps de travail effectif des opérateurs, avant la mise en place de la DEC, enfin en expliquant la signification des différents ratios. Dans la plupart des équipes, cette étape dure deux à quatre mois. La signature des différents contrats est très rapprochée ; elle s’échelonne entre juillet 1992 (une équipe) et août 1992 (quatre équipes). Sur les 118 opérateurs, un seul refuse d’adhérer au contrat DEC pour ne pas être astreint à travailler plus. Environ 60 % des autres opérateurs sont favorables à la DEC et 40 % y étaient au départ hostiles. Ils avançaient alors les arguments suivants :

  • l’opposition au principe d’une prime : « mon patron n’est pas Staline, je ne suis pas Stakhanov » ;
  • l’opposition au versement d’une prime qui par définition n’est pas du salaire et n’entre pas dans le calcul de la retraite ;
  • le sentiment « qu’on faisait son boulot » ;
  • la peur du chômage dans le reste de l’économie, en raison de l’accroissement des gains de productivité ;
  • l’insuffisance de la prime au regard de l’effort demandé ; « faire de la productivité pour gagner 500 F, ça ne vaut pas le coup » [17] ;
  • l’absence de transparence des indicateurs.

14Cependant, les 40 % d’agents opposés à la DEC finissent par accepter le contrat, s’apercevant que la DEC était inévitable, ils se conforment à l’opinion majoritaire : « 500 F par mois, c’est toujours bon à prendre », déclare l’un d’eux. Ou encore : « notre agent de maîtrise a procédé à un vote à main levée pour connaître notre opinion sur la DEC, je n’allais pas empêcher les autres de toucher la DEC, alors j’ai aussi levé le bras ». Pour justifier leur position, ils expliquent ne pas avoir eu le choix. Certains feignent de ne pas connaître l’existence ni du fameux modèle 18 (utilisé pourtant lors de toutes contestations ou demandes), ni de l’opérateur qui a rempli ce formulaire. Paicheler et Moscovici qualifient cette attitude de conformisme, et tout particulièrement de suivisme. « Il consiste en l’acceptation publique d’un comportement ou d’un système de valeurs sans qu’il y ait adhésion privée. En apparence, les individus ou les groupes se soumettent pour éviter des désagréments : dévaluation, rejet, répression. Mais ils conservent leur croyance et sont prêts à changer de comportement dès que les circonstances ne l’imposent plus. […] Le suivisme masque une résistance privée qui, souvent, n’aboutit à aucune manifestation explicite. C’est une sorte de force dérisoire des faibles [18]. »

15Les cinq contrats des équipes de production sont très précis. Ils ont nécessité un travail préalable de codification, d’harmonisation entre des productions non comparables. Il fallait aussi calculer les éventuelles réductions d’effectif, fondées sur le résultat des observations instantanées [19], et définir les travaux repris en sous-traitance dans chaque équipe. Pour limiter les contestations, l’emploi d’une méthode dite scientifique, s’impose. La direction de l’AME choisit de procéder à des observations instantanées (OI). Ainsi, dans l’élaboration des contrats d’équipes, deux « investissements de forme » [20] jouent un rôle stratégique. Il s’agit des Unités pondérées produites (UPP) et des notions de temps homologué (TH) et d’activité homologuée (AH). « L’investissement de forme » désigne le travail de mise en équivalence entre des objets ou des unités non comparables.

La construction des « Unités pondérées produites » (UPP)

16Les UPP constituent un instrument de mise en équivalence entre les divers types d’interventions faites à l’AME. La réparation de tel ou tel relais ou d’un bloc d’électronique de commande, ne demande pas le même temps. Additionner tel quel le nombre d’interventions de chaque équipe n’a aucun sens. D’ailleurs, le directeur de l’AME, ne veut pas de référence aux temps alloués [21] comme pour l’ensemble de la RATP car il estime que ces derniers incitent à s’y ajuster, sans en faire plus. Ceci explique qu’un indicateur de production physique, comme les UPP, est l’unité élémentaire de référence. L’enjeu de ce paragraphe est de montrer comment la définition des UPP a été décisive pour la stratégie des équipes. L’objectif étant pour les équipes d’avoir un coefficient le plus élevé possible.

17L’un des problèmes des UPP reste de définir les activités qui seront ou non comptabilisées comme UPP. C’est un point de litige constamment soulevé par les opérateurs et les agents de maîtrise. Pour cela, chaque équipe se voit affectée d’un coefficient d’unité d’œuvre qui sera, dès 1993, beaucoup plus détaillé et défini par « Unité de production élémentaire » (UPE) de chaque équipe, et prendra le nom de « coefficient de pondération » [voir tableau 1, p. 99].

Tableau 1

Coefficient d’unité d’œuvre des équipes en 1991*

Tableau 1
Équipes Coefficients d’unité d’œuvre EK1 : électronique de commande 1 EK2 : électronique de commande 1 EK3 : électronique de puissance 0,3 Relais 1 Micromécanique 4

Coefficient d’unité d’œuvre des équipes en 1991*

* D’après un document interne à l’AME.

18Le tableau 1 signifie, par exemple, qu’une intervention en micromécanique exige quatre fois le temps requis pour une intervention effectuée par les équipes EK1, EK2, une partie des équipes EK3 et Relais. Ces coefficients d’unités d’œuvre résultent de moyennes établies à partir d’une base de données, qui contient l’historique depuis 1984, de la production effectuée concernant toutes les interventions, avec le temps de travail passé pour chacune d’elles. Une vérification fine et permanente sert à contrôler la stabilité des écarts de temps et donc la validité de ce coefficient, même si le temps moyen a changé. L’UPP permet de faire un seul compte d’exploitation pour l’ensemble de l’AME au prix de la simplification selon laquelle, au sein d’une même équipe, et entre les équipes, une UPP en vaut une autre (en tenant compte du coefficient d’unité d’œuvre). L’attribution d’un coefficient de pondération par équipe, fondé sur des estimations de la direction (sans aucun calcul), a été jugée à la fois arbitraire et injuste puisque, à l’intérieur d’une même équipe, il y a plusieurs types d’interventions qui ne prennent pas le même temps :

  • les Unités de production élémentaires (UPE) étant spécialisées par catégorie de matériel et par génération technologique, le temps d’intervention est différent d’une UPE à l’autre ;
  • les pannes ne sont pas de la même difficulté. Comme le déclare un agent de maîtrise, le plus difficile, c’est de trouver une panne qui n’existe pas ;
  • les interventions curatives, préventives et les modifications apportées aux appareils, ont des temps très différents : par exemple, l’intervention curative la plus brève demande ½ h tandis que l’intervention préventive de certains organes peut nécessiter 13 h de travail ;
  • certaines équipes reçoivent à la fois des paniers comportant plusieurs cartes électroniques à réparer ou des cartes seules. Or, l’opération portant sur un panier entier ou une carte isolée est comptabilisée, tout au moins en 1991-1992, comme une seule UPP. Comment cette situation qui a produit de nombreuses contestations, s’est-elle instaurée ?

19Pour des raisons techniques d’abord, l’exploitation des lignes « dépose » selon l’expression en usage, après son diagnostic ou bien toutes les cartes d’un même ensemble ou bien une seule carte ou un relais seul, si sa défaillance a été clairement identifiée. Pour des raisons d’organisations passées ensuite, certains agents de maîtrise cherchent à simplifier le travail des opérateurs. En effet, ces derniers doivent enregistrer sur ordinateur le travail accompli tous les jours (nom et nature de l’intervention, heures passées, etc.). Or, afin d’accélérer cette tâche, certaines cartes identiques sont réunies dans le même panier. Cette situation n’est pas modifiée, parce d’après la direction, « on n’allait pas revenir sur ce qui se faisait » et « parce qu’on n’a pas voulu changer nos habitudes », selon un agent de maîtrise. Ici, la justification repose sur la référence au précédent.

20Le directeur de l’AME s’était donné un objectif de 12 % de gains de productivité et non 20 % comme le préconisait la Convention DEC. Comment défendre 12 % sans avoir l’air de violer la règle des 20 % définie au sommet de la RATP ? Pour l’ensemble du MRF, le temps correspondant à la « DEC min » est fixé à 5,42 h, à l’allure 100 [22]. Or, la direction de l’AME, en accord avec celle du MRF, considère que le coefficient de pénibilité (7 %) n’est pas applicable au cas de l’AME, en raison de la nature du travail effectué. Par conséquent, le temps « DEC min » a été fixé à 5,80 h (5,42 h x 1,07). Il faut souligner qu’il y a une correspondance presque parfaite entre ce résultat, donné par le MRF, et la moyenne pondérée des résultats d’observations instantanées (OI), faites dans chaque équipe de l’AME (5,82 h). L’existence de ce coefficient de pénibilité venait à point nommé ! Le temps DEC max a été fixé à 6,50 h comme dans la Convention DEC ce qui correspond exactement à 12 % de gains de productivité.

21La notion de temps homologué, qui n’existe qu’à l’AME et créée pour l’occasion, est l’estimation du temps de travail effectif issu de cette méthode. La direction de l’AME a établi des tables de correspondance entre les temps alloués, pour chaque type de production, et les temps homologués, correspondant au temps « DEC min » et « DEC max ». Elle peut, à tout moment raisonner en temps alloués qui est la seule mesure en vigueur dans le reste de la RATP. Il s’agit donc bien d’un « investissement de forme ».

22L’activité homologuée se définit comme « la production globale à effectuer (nombre d’UPP/nombre d’agents) correspondant à une activité au moins égale au niveau de l’activité demandée pour les temps alloués » [23].

figure im3
LE « MUR DE DETTES » : les blocs de cartes électroniques.
Photos. © Jean-Louis Cressent.

23Dans la détermination du temps et de l’activité homologuée, la méthode des observations instantanées joue un rôle très important. Elle sert à valider les temps homologués.

24La méthode des observations instantanées qui est une règle à appliquer strictement (règle prête à l’emploi), a en fait été transformée en une règle interprétative, ce qui s’est avéré finalement positif pour les agents de maîtrise [24] [voir encadré « La méthode des observations instantanées », p. 98].

La méthode des observations instantanées

Les observations instantanées sont, au même titre que le chronométrage, une technique particulière de mesure du temps de travail, qui obéit à des procédures strictes, définies par le Bureau des temps élémentaires (BTE), organisme dépendant de l’Office international du travail à Genève. Cependant, les observations instantanées, à la différence du chronométrage, sont plus souples, moins sujettes à l’opposition des salariés. C’est la raison pour laquelle elles ont été employées à l’AME. Elles permettent de mesurer, pour une activité donnée, le pourcentage de temps productif et improductif. L’agent du bureau des méthodes observe si l’opérateur est ou non à son poste de travail et, si ce n’est pas le cas, considère que l’opérateur ne travaille pas, sans en chercher la raison. Travailler, c’est donc être à son poste de travail, même s’il est nécessaire de se déplacer dans l’atelier, pour chercher une pièce, un outil ou demander conseil à un collègue. L’agent du bureau des méthodes (ou qui fait office de) comptabilise à chaque passage, le nombre d’opérateurs en train de travailler et ceux qui ne le sont pas. Cette mesure doit être répétée un nombre de fois suffisant pour être statistiquement significative (la répartition des temps de travail dans l’équipe devrait obéir à une loi normale). D’après Lambrou, il faut environ 100 mesures pour « apprécier les éléments globaux », comme le pourcentage de temps de travail effectif, et 500 mesures pour déterminer des indices de rendement, en raison de la loi des grands nombres [1]. L’agent du bureau des méthodes doit choisir les instants d’observations à partir d’une table de nombres au hasard. Pour éviter que les opérateurs s’aperçoivent de certaines régularités dans les relevés, il doit procéder à des mesures factices. La technique des observations instantanées ne requiert pas d’estimation du « jugement d’allure », ni celle de « l’allure 100 ». Tous ces dispositifs montrent que les observations instantanées n’exigent en principe aucune interprétation de la part de l’agent du bureau des méthodes. Il s’agit bien d’une règle prête à l’emploi.

25Cette méthode n’a pas été appliquée telle quelle, mais interprétée. Deux facteurs expliquent que les observations instantanées ont été, en pratique, transformées en une règle interprétative. D’une part, il n’y a pas eu de véritable formation à la méthode avec la délivrance d’une habilitation. En pratique, chaque agent de maîtrise a procédé à sa guise ; le directeur de l’AME préférait ne pas s’en mêler. En effet, l’absence de formation a permis de transformer une méthode aux résultats indiscutables, dans l’esprit du Bureau des temps élémentaires, en base de négociations entre la direction et la maîtrise. D’ailleurs, l’équipe où les observations instantanées ont été menées, en « bonne et due forme » par l’un des deux agents de maîtrise qui a effectué un stage d’une semaine au BTE, a connu des tensions importantes. La formation à la méthode consistait tout au plus en une sensibilisation, comme le déclare l’un des deux stagiaires du BTE. Il est alors normal que les autres agents de maîtrise, formés sur le tas et par la lecture de documents du BTE, se soient livrés à des pratiques différentes, allant du coup d’œil jeté sur la salle des opérateurs, à travers la cloison de verre qui les sépare, à « l’estimation pifométrique ou à l’intime conviction » [25] du temps de travail de chaque opérateur, enfin à des relevés faits sans une méthode aussi stricte que celle préconisée par le BTE. La durée des observations instantanées varie, selon les agents de maîtrise, d’un à six mois. Les problèmes de la méthode sont très visibles. En effet, un seul des deux agents de maîtrise qui a fait un stage au BTE, a déclaré ne pas se préoccuper du jugement d’allure, ni de l’allure 100. Certains ont consciemment essayé d’estimer l’allure 100. D’autres, enfin, n’y font pas référence. La direction qui a fait ses propres mesures, déclare avoir procédé à des observations instantanées à l’allure 100, comme l’attestent les tableaux récapitulatifs du document interne. Enfin, le rapport d’audit fait par le département des ressources humaines de MRF, le 7 décembre 1992, attire l’attention sur le fait que « les allures de travail sont à analyser plus finement à l’intérieur d’une même équipe » et donne l’exemple de l’une des deux équipes où l’agent de maîtrise a strictement suivi les enseignements du stage au BTE ! D’autre part, les résultats des observations instantanées effectuées par les agents de maîtrise ont été négociés avec la direction qui avait fait ses propres mesures. La direction a estimé qu’elle devait corriger certaines observations, pour « éliminer la subjectivité des agents de maîtrise », pour procéder à des réductions d’effectifs par équipe ou une redistribution du travail, qui soient « socialement acceptables », pour « obtenir le consensus de la part de la maîtrise et pour la responsabiliser » [26]. La recherche de gains de productivité n’entraîne pas généralement de réduction d’effectifs à la RATP, le directeur préférant reprendre des travaux donnés en sous-traitance.

26En pratique, la direction et les agents de maîtrise sont parvenus au même classement des équipes, selon les gains de productivité à réaliser. La négociation a donc porté sur l’ampleur des réductions théoriques d’effectifs et sur l’attribution du travail dans les équipes. C’est ce qui explique l’heureuse convergence avec les estimations globales faites par MRF (5,80 h) et celles de l’AME (5,82 h). Le tableau 2 montre, pour une équipe, les résultats des observations instantanées après négociations et les résultats en termes de réductions d’effectifs [voir tableau 2, p. 99].

Tableau 2

Observations instantanées d’une équipe

Tableau 2
Situation de référence allure 100 Gains potentiels en référence à DEC max (6 h 50) Agents Temps estimé En heures En agents 3 6,50 0,00 7 6,25 1,75 5 5,50 5,00 8 4,75 14,00 Moyenne actuelle 5,6 20,75 h ? 3

Observations instantanées d’une équipe

27Entre l’énoncé d’un principe sur lequel sont fondées une règle et sa pratique, s’ouvre un espace où négociations, stratégies et rapports de force entrent réellement en ligne de compte. Ainsi la DEC, initialement conçue comme une « règle prête à l’emploi » qui se résume par une formule algébrique, échappe en partie à son maître d’œuvre. Il se met en place, non pas une formule simple, comme le souhaitaient ses promoteurs, mais une véritable usine à gaz, un échafaudage pour la conquête de gains de productivité. Selon la formulation de Jacques Bouveresse, l’interprétation des règles est la fille de l’usage[27].

La théorie de l’action : les différentes stratégies des équipes pour obtenir la prime

28Les opérateurs de chaque équipe doivent respecter trois règles de travail, mises à jour et affichées. C’est le planning des grandes révisions et des révisions limitées, et la feuille de dettes, qui leur indique deux fois par semaine, le niveau des stocks des différents blocs et cartes électroniques dont les lignes et la logistique ont besoin.

29L’équipe a une dette ligne lorsque le responsable technique d’une ligne du métro est obligé d’immobiliser un train faute de pouvoir remplacer le bloc défaillant. L’équipe a une dette magasin si la logistique n’a plus assez de stock de telle ou telle pièce pour répondre aux besoins des lignes. C’est une marge de sécurité prise par la logistique pour répondre toujours à la demande des lignes. La dette ligne est très rare, la dette magasin l’est beaucoup moins. Le niveau de dettes, fixé par les techniciens de la logistique, dépend pour chaque type de composant, de la taille du parc existant, de son état et de la fréquence des pannes.

30La feuille de dettes affiche toutes les priorités de travail confondues, à un horizon très court, de quelques jours. Elle contient donc une partie des informations des plannings de révisions dont l’horizon est plus long (un à trois mois). Sachant cela, l’opérateur choisit l’ordre des interventions à effectuer, en fonction de ce qu’il pense avoir terminé, lui et ses collègues, lorsque la logistique viendra prendre le travail effectué et déposer la seconde feuille de dettes de la semaine. Il doit anticiper la dette future des appareils. En effet, les dettes signalées le mardi sont à acquitter le jeudi et ainsi de suite. L’opérateur doit intégrer les plannings des grandes révisions et des révisions limitées. Enfin, il doit tenir compte des usages concernant les interventions sur le préventif, les modifications techniques, enfin les remises à niveau lorsqu’il y en a. Par exemple : tout matériel déposé en curatif qui est au deux tiers de l’échéance de sa prochaine révision, doit passer immédiatement en révision. Les opérateurs ont une connaissance extrêmement précise du niveau et de la nature des dettes futures, qu’ils ont acquises par l’expérience et les discussions informelles avec l’équipe logistique. L’ensemble de cette connaissance n’est pas écrit.

31À ces règles d’organisation du travail qui ont toujours existé, s’ajoute la nouvelle prime (la DEC) dont l’objectif est d’augmenter la productivité du travail de chaque équipe en quantité et en qualité. Une moitié de la prime est proportionnelle aux résultats de l’équipe, allant de 0 FF à un plafond de 3 000 FF (en 1993), soit 625,40 €. L’autre moitié est fonction de la qualité du travail évaluée selon deux critères : les dettes et les plaintes déposées par les lignes. La prime est semestrielle. Les règles de la DEC sont des règles à la fois étalon et modèle de référence. L’étalon est constitué par l’ensemble de ces règles qui permettent de connaître la distance qui sépare l’équipe de la prime maximale. Le modèle est la productivité maximale.

Les usages sociaux des règles

32Parce qu’on ne peut pas savoir comment les individus suivent les règles sans chercher en même temps à savoir comment les individus ou les équipes transforment les règles en jeu social, il importait de reconstituer les stratégies développées par les cinq équipes de production de 1993 à 2000, à partir de l’évolution mensuelle de la productivité du travail et des indicateurs de qualité du travail (les dettes et le taux de récidive) qui ont été systématiquement confrontés à d’autres informations : avenants des contrats d’équipe [28], révisions triennales de ces derniers, pourcentage de la prime semestrielle obtenue, point de vue des agents de maîtrise qui étaient en poste durant cette période. L’opérateur connaît ainsi pour chaque composant (bloc, carte), le nombre d’unités nécessaires. La condition de possibilité de la mise à jour du jeu social adopté par les équipes est que les équipes soient comparables, à la fois dans le temps et entre elles. Dans le temps : sur les quatre équipes existantes en 1993, quatre d’entre elles étaient toujours en place en 2001. Une nouvelle équipe a été créée. Par ailleurs, la spécialisation des équipes qui est indéniable, n’est pas une source d’hétérogénéité. Il s’agit de la même « famille électronique » (électronique de commandes, automatismes électroniques, électronique de puissance), par opposition à la « famille pneumatique » ou à d’autres familles du matériel roulant ferroviaire. L’une des particularités de l’équipement électronique est de ne pas être soumise à l’usure. Par conséquent les activités préventives se limitent à des remises à niveau (tous les dix ans). Ainsi les opérateurs de toutes les activités électroniques ont le même type d’intervention à faire. En second lieu, la spécialisation par domaines d’applications implique que chaque opérateur travaille sur plusieurs générations technologiques qui s’étalent sur plus de quarante ans. En second lieu, la structure des qualifications est très comparable. Enfin, la comparabilité des équipes s’appuie sur l’UPP dont on a vu qu’elle était une mise en équivalence des blocs électroniques à réparer.

33Tout d’abord, dans toutes les équipes, il se produit une déconnexion entre les gains de productivité et l’obtention de la prime, puisque les opérateurs peuvent toucher son montant maximal sans que les résultats observés concernant la productivité et les indicateurs de qualité, soient au niveau requis. La productivité du travail, au lieu d’être une variable calculée (production/nombre d’heures de travail) ex ante devient ex post une variable négociée, c’est-à-dire une construction collective. Ceci illustre à quel point il est dans la propriété de la règle que d’être mise à l’épreuve par le monde social (les opérateurs, l’agent de maîtrise, la direction). Ce jeu social généré par les règles et leurs acteurs, est fondé sur « la notion de stratégie [qui] est l’instrument d’une rupture avec le produit objectiviste de l’action sans agent que suppose le structuralisme. (…) La stratégie est le produit du sens pratique comme sens du jeu, d’un jeu social très particulier, historiquement défini. Cela suppose une invention permanente, indispensable pour s’adapter à des significations infiniment variées, jamais parfaitement identiques. Ce que n’assure pas l’obéissance mécanique à la règle explicite codifiée (quand elle existe) » [29].

34L’exemple de ce changement débute en novembre 1994 lors d’un conflit au sein d’une équipe qui avait concrètement démontré que le fait de suivre la règle entraînait une contradiction entre quantité et qualité du travail. Ayant à dessein opté pour la qualité totale pour montrer l’absurdité de la règle, les opérateurs furent six mois plus tard, en dettes : la quantité produite était si faible que la prime se situait à 2 % de la prime maximale. Ce conflit se termina par une négociation entre la direction et l’agent de maîtrise qui obtint pour ses opérateurs une prime de 98 % de son maximum [30]. Ce fut le premier épisode d’une gestion négociée de la règle, qui s’est diffusée ensuite de façon inégale au sein de l’atelier jusqu’à fin 1995, période correspondant à la grève de décembre dans tous les services publics. À partir de décembre 1995, le décrochage entre les évolutions – réelles et négociées – est indiscutable. La gestion négociée de la règle dépend de la capacité de l’agent de maîtrise à justifier sa demande, et par conséquent du rapport de forces entre la direction et la maîtrise.

35Les avenants sont des modifications apportées à certaines clauses du contrat de l’équipe, qui sont négociés et signés par l’agent de maîtrise et la direction. À partir de 1996, la multiplication des avenants est le principal outil de la gestion négociée. Ils portent essentiellement sur un changement de coefficients de pondération de la production.

36Enfin, après avoir suivi la même politique de maximisation des opérations curatives, plus rentables que les autres en termes de prime, toutes les équipes se heurtent à la dureté du réel : le taux de récidive augmente car les opérations sont effectuées trop vite, le préventif prend du retard, certain matériel fait défaut, etc. Dans une seconde période vers 1995-1996, les équipes différencient leurs stratégies ce qui se traduit par des trajectoires dissemblables, en termes de gains de productivité, d’amélioration de la qualité du travail et de dynamiques collectives. Ainsi passe-t-on d’un certain jeu avec la règle (maximiser le curatif) à un autre jeu : chaque équipe s’appuie davantage sur l’une des règles qui définit la DEC. Ceci dessine pour ainsi dire les usages sociaux des différentes règles en vigueur. Ainsi, la micromécanique a-t-elle fait surestimer ses coefficients de pondération, lorsqu’il a fallu fixer les objectifs par contrat. Une autre équipe – EK3 –, dont l’agent de maîtrise était un homme prévoyant, a toujours anticipé les problèmes futurs, ce qui lui fournissait un argument pour négocier une règle conditionnelle à la survenue de l’aléa, obtenant ainsi la prime maximale. Une autre enfin a choisi de négocier ex post, arguant de la survenue d’évènements défavorables, pour obtenir une révision de la règle.

37Ces observations incitent à beaucoup de prudence lorsqu’il s’agit de conclure à partir d’une statistique dont on ne sait rien de sa constitution. Dans cet exemple, la faible augmentation de la productivité du travail au cours de la période étudiée n’est pas une preuve que la règle n’a pas été suivie. Elle traduit le fait que la règle de productivité n’est plus l’application d’un calcul entre deux grandeurs, mais le résultat du calcul de la production négociée par le temps de travail.

38La question essentielle qui se pose est de connaître le statut de cet ensemble de règles auxquelles un avenant est introduit. Nous faisons l’hypothèse qu’il s’agit simplement d’une règle révisée, plutôt que d’une nouvelle règle. L’introduction d’avenants ex ante ou ex post a deux seulement des trois propriétés de la décision qui est d’être concrète et catégorique. Par son caractère concret, l’introduction d’un avenant prend des faits en considération – la panne de la machine à dévernir, l’ampleur du stock de préventif, etc. Son caractère catégorique provient de la nouvelle équivalence entre les UPP. En revanche, à la différence de la décision, l’avenant est durable dans le temps. En effet, les nouvelles équivalences entre les UPP demeurent à la période suivante. S’agit-il d’une révision de la règle ou d’une nouvelle règle ? Nous croyons qu’il s’agit d’une révision de la règle car le modèle à atteindre est toujours la productivité. La propriété de toutes les règles est d’être à la fois un étalon et un modèle à atteindre. En l’espèce le modèle est inchangé : il s’agit de faire des gains de productivité. Peu importe la stratégie suivie. La règle ne donne pas la solution ; elle est un guide pour l’action [31].

39L’intérêt de la théorie de l’action conçue par Pierre Bourdieu est de permettre de sortir de l’opposition entre le point de vue existentialiste de Jean-Paul Sartre qui place le sujet au cœur de l’action la liberté absolue du sujet et des théories structuralistes, en particulier l’anthropologie de Claude Lévi-Strauss, qui fait de l’action du sujet un comportement entièrement régi par des règles objectives. Pierre Bourdieu veut inscrire dans la théorie le principe réel des stratégies. Le cœur de ce dispositif est la notion d’habitus, « comme sens du jeu social est le jeu social incorporé, devenu nature ». Dans cette perspective, le jeu social que constitue l’obtention de la prime consiste à « choisir le meilleur parti possible étant donné le jeu dont on dispose (les atouts et les mauvaises cartes) » [32].

40Les opérateurs ne semblent, ni faire usage d’anticipations contrefactuelles complexes bien qu’ils s’appuient sur des hypothèses nécessairement interprétatives, ni simplement réagir à de faibles variations de quelques paramètres collectifs. Les opérateurs compensent leur ignorance du détail des mécanismes des influences collectives en s’appuyant sur les règles existantes qui leur servent de cadres d’interaction, même si elles sont prévues pour remplir d’autres fonctions. Par exemple, les opérateurs observent la manière dont la feuille de dettes est suivie par les autres pour estimer le degré de coopération dans l’équipe. Ainsi, compensent-ils le flou que laissent ces règles qui restent à appliquer, en combinant une acceptation de marges de tolérance et de capacités de révision de leurs propres actions en cas d’échec. Ils sont très tolérants quant à la compatibilité avec les faits observés, et disposent de quelques procédures de révision, elles-mêmes limitées en cas de distorsions. Dans cette perspective, les décisions individuelles sont guidées par quelques données saillantes de la situation. À titre d’exemple, si un opérateur voit un collègue prendre des opérations curatives au lieu d’opérations préventives collectivement décidées le matin, au vu de la taille du stock à traiter, il fera intervenir l’agent de maîtrise pour corriger ce choix. La marge d’action est limitée par l’autorité de l’agent de maîtrise.

41Quelles sont les stratégies de sélection de tâches ? Tout d’abord, certaines stratégies auxquelles un économiste s’attendrait, sont éliminées. La première qui consisterait à évaluer en temps réel, le niveau de production de l’équipe (afin d’atteindre la production correspondant au plafond de la prime), est impossible à réaliser par les opérateurs eux-mêmes. En effet, les opérateurs n’ont pas accès à cette base de données. Ensuite, tenir une comptabilité collective alors que le travail est individuel, apparaît hors de portée. La seconde stratégie par laquelle les opérateurs développeraient des attitudes de « passager clandestin » (« free rider ») pour en faire le moins possible, est – elle aussi – improbable : elle se heurte à une habitude de travail, un usage bien antérieur à l’instauration de la prime, qui consiste à prendre d’abord le matériel à réparer et seulement ensuite sa fiche pour ne pas être tenté de choisir les interventions les plus faciles. Cet usage vient des opérateurs qui ont toujours souhaité préserver l’ambiance de travail. Selon l’un d’eux, « c’est une règle implicite que les nouveaux appliquent d’instinct ». Le fait que les nouveaux opérateurs travaillent en double pendant six mois, facilite l’apprentissage de cet usage.

42Les opérateurs ne peuvent pas suivre une seule règle pour définir l’ordre des interventions à effectuer. Si un opérateur suivait uniquement la règle de la feuille de dettes, il lui manquerait le temps nécessaire pour faire face aux grandes révisions ce qui paralyserait les lignes et serait sanctionné pour cela. Cependant, il ne peut pas non plus se référer uniquement aux plannings du préventif parce que les opérations curatives, non faites, finiraient, elles aussi par bloquer les lignes. Aussi, l’opérateur mobilise-t-il des connaissances que seule son expérience lui a permis d’accumuler, en particulier sur la vétusté du parc, qui fragilise certains composants plus que d’autres, le vieillissement des machines, l’état du stock de pièces de rechange ; il sait estimer le niveau de production de l’équipe : « Je sais sans savoir », dit l’un d’eux. Il s’appuie aussi sur la coopération des opérateurs qui assurent la préparation du travail et qui ont – eux aussi – leurs propres règles. Enfin, l’opérateur tient compte de l’observation de son environnement immédiat : il ne sélectionne pas les mêmes tâches si le testeur est en panne, si la pièce de rechange manque, s’il a déjà réparé le même type d’appareils les jours précédents, etc. Tout cela, le regard de l’opérateur l’enregistre, sans même en avoir vraiment conscience : l’empilement des blocs à réparer, pas loin de lui, le travail des collègues, le fonctionnement du banc test, etc.

43Formellement, chaque règle n’est pas complètement spécifiée. Elle ne donne pas l’ordre dans lequel la réparation doit être faite. Elle est un guide pour l’action et ne donne pas la solution, sinon il y aurait autant de règles que de problèmes à résoudre. Ainsi, pour toutes les raisons qui viennent d’être évoquées, les différentes règles d’organisation du travail sont incomplètes lorsqu’il s’agit de les appliquer. À titre d’exemple, le processus de sélection des tâches pour se mettre en règles avec les dettes n’est pas précisé. Ce qui compte est le résultat : être en règle avec la feuille de dettes. Chaque règle doit être mise en œuvre, non seulement en fonction de données contenues dans d’autres règles, mais aussi en se référant à un grand nombre de connaissances tacites. L’opérateur suit un système de règles. Il s’appuie sur les données issues du contexte, l’expérience de cas semblables, la référence aux usages. Ainsi, des explications comme : « On regarde les étagères des GR (grandes révisions). Si cela monte, il faut les faire ; on sacrifie les dettes » ou : « On jette un coup d’œil sur les étagères », traduisent-elles très concrètement comment les opérateurs suivent des règles. Ils trouvent des points de repères qui sont équivalents aux consignes écrites que constituent toutes ces règles. Cette donnée saillante de la situation leur permet de suivre les règles sans s’y référer de façon formelle, tout au moins jusqu’à ce que des informations ou de nouveaux problèmes apparaissent. Dans cet exemple, les opérateurs se sont donné une règle de sélection des tâches : la demande croissante de grandes révisions, visible par leur encombrement sur les étagères, entraîne la décision de travailler en priorité sur les opérations préventives, par rapport aux tâches curatives. Une telle règle de sélection des tâches ne va pas d’elle-même : les opérateurs pourraient, malgré la hauteur de la pile, procéder aux opérations curatives, plus rapides à effectuer et par conséquent plus rentables en terme de prime. Ce geste fait sans en avoir vraiment conscience, à partir duquel l’opérateur tire immédiatement des informations, comme la mise au point de ces manières d’agir, font partie de l’habitus [33]. Il permet ce jeu avec les règles. Il constitue une réponse pragmatique, locale et temporaire à l’incomplétude des règles, qui se révèle au cours de leur application. Comme le souligne Pierre Bourdieu, « C’est l’habitus qui vient combler le vide des règles » [34].

44Les observations effectuées indiquent que l’hypothèse usuelle d’une homogénéité de comportement produite par la règle n’est pas vérifiée. La mise en œuvre des règles induit de l’hétérogénéité parce qu’elles sont interprétées. Chaque équipe constitue un monde social en soi, pris dans un système d’habitudes ou d’usages concernant l’organisation du travail (exemple : prendre le travail dans l’ordre où il vient sans choisir le plus facile), et les relations entretenues avec l’agent de maîtrise. Chaque équipe partage un certain degré de connaissances et d’expériences. Or, dans l’atelier, une forte ancienneté des opérateurs dans la même équipe est fréquente (de sept à quinze ans en 1999). Aussi, des pratiques individuelles intégrées à l’expérience commune, sont-elles immédiatement compréhensibles par les autres opérateurs sans qu’il soit toujours nécessaire d’en parler. La cohésion du groupe comme son implication au travail, sont en partie le produit de l’histoire de l’équipe. Tout cela et bien d’autres aspects encore, pourraient être résumés d’un mot, le « style » des équipes. Celui-ci n’existe que collectivement et ne peut pas être réduit à des comportements ou des caractéristiques individuelles. Le « style » des équipes, qui oriente les stratégies, a un air de famille avec la notion d’habitus, forgée par Pierre Bourdieu, sans pourtant que les deux notions se confondent. Le « style » de l’équipe n’a pas la profondeur de l’habitus. Il n’est pas associé à un champ. L’intérêt de la notion de « style » de l’équipe – comme celle d’habitus – est de couper court à un questionnement sans fin sur les causes des stratégies. Les usages de la règle ne sont pas l’expression d’une relation causale entre la règle et son application. Ils renvoient aux raisons d’agir qui ont elles-mêmes leurs limites.

Liste des sigles

AH : Activité homologuée
AME : Atelier de maintenance des équipements
ANACT : Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail
BTE : Bureau des temps élémentaires
DEC : Démarche d’efficacité collective
EK1 : Électronique de commande n° 1
EK2 : Électronique de commande n° 2
EK3 : Électronique de puissance
MRF : Matériel roulant ferroviaire
OI : Observations instantanées
TH : Temps homologué
UPE : Unité de production élémentaire
UPP : Unités pondérées produites

Notes

  • [1]
    Voir la liste des sigles p. 103.
  • [2]
    En 1992, il y avait 152 salariés dont 7 cadres et 26 agents de maîtrise.
  • [3]
    Exposé du directeur général de l’AME devant le président de la RATP, le 4 novembre 1989.
  • [4]
    Direction générale composée de cinq personnes, une vingtaine de départements dont le MRF et les unités techniques dont l’AME.
  • [5]
    Le Département MRF en 1994, note interne, mai 1992.
  • [6]
    Voir Stéphane Rials, Le Juge administratif et la technique du standard, Paris, LGDJ, 1980, p. 28.
  • [7]
    Extraits de la « Convention d’expérimentation de la démarche d’efficacité collective ».
  • [8]
    Ibid. C’est moi qui souligne.
  • [9]
    Entretien avec les cadres du MRF.
  • [10]
    Bénédicte Reynaud, “Types of rules, interpretation and collective dynamics : reflections on the introduction of a salary rule in a maintenance workshop”, Industrial and Corporate Change, 5(3), 1996, p. 699-721.
  • [11]
    Conclusions des entretiens avec le directeur de l’établissement et un membre de la direction.
  • [12]
    Propos d’un agent de maîtrise, au cours d’un entretien.
  • [13]
    Voir le paragraphe infra sur « La construction des « Unités pondérées produites » (UPP) ».
  • [14]
    Voir le paragraphe infra sur « Les notions de temps homologué ».
  • [15]
    On s’appuie sur des observations faites dans un autre établissement où la règle du volontariat a été strictement appliquée.
  • [16]
    Philippe Malinvaud et Dominique Fenouillet, Droit des obligations, 11e éd., Paris, Lexis Nexis/Litec, 2010, p. 92-94.
  • [17]
    L’équivalent de 106,4 € de 2013 (http://www.insee.fr/themes/calcul-pouvoir-achat.asp).
  • [18]
    Geneviève Paicheler et Serge Moscovici, « Suivisme et conversion », in Serge Moscovici (éd.), Psychologie sociale, Paris, PUF, 1984, p. 141.
  • [19]
    Voir infra pour l’explication de la méthode des observations instantanées.
  • [20]
    François Eymard-Duvernay et Laurent Thévenot, « Les investissements de forme », Document de travail, INSEE, 1983 et Laurent Thévenot, « Les investissements de forme », in Laurent Thévenot, Conventions économiques, Centre d’études de l’emploi/PUF, 1986, p. 21-72.
  • [21]
    Les temps alloués, fréquents dans l’industrie de processus, sont des temps moyens de chaque tâche d’un cycle de travail. Ils sont calculés à partir du chronométrage des opérateurs, fait par les agents du Bureau des méthodes de l’entreprise.
  • [22]
    On notera ici la contradiction qu’il y a à employer le terme d’allure 100 lorsque la méthode des observations instantanées est utilisée.
  • [23]
    Document interne à l’AME.
  • [24]
    En effet, le seul agent de maîtrise qui a appliqué la méthode des OI à la lettre a perdu toute crédibilité de la part des opérateurs. La direction l’a muté dans un autre établissement.
  • [25]
    Les mots entre guillemets sont extraits des entretiens menés avec les agents de maîtrise.
  • [26]
    Les propos entre guillemets sont ceux du directeur de l’AME au cours des entretiens que j’ai eus avec lui.
  • [27]
    Jacques Bouveresse, « Règles, dispositions, habitus », Critique, 579-580, 1995, p. 588.
  • [28]
    Voir infra la définition des avenants.
  • [29]
    Pierre Bourdieu, Choses dites, Paris, Minuit, 1987, p. 79.
  • [30]
    Les agents de maîtrise ne sont pas concernés par cette prime.
  • [31]
    Christian Atias, « Quelle positivité ? Quelle notion de droit ? », Archives de philosophie du droit, 27, 1982, p. 209-233.
  • [32]
    P. Bourdieu, Choses dites, op. cit., p. 80.
  • [33]
    Ibid., p. 22. Sur la notion d’habitus dans l’œuvre de Pierre Bourdieu, lire les réflexions de Gisèle Sapiro in Louis Pinto, Gisèle Sapiro et Patrick Champagne (dir.), Pierre Bourdieu, sociologue, Paris, Fayard, 2004, p. 49-91. Et Gisèle Sapiro, « Pourquoi le monde va-t-il de soi ? De la phénoménologie à la théorie de l’habitus », Études sartriennes, 8, 2001. Pour avoir un point de vue sur les rapports entre l’habitus et le changement, lire Robert Boyer « L’anthropologie économique de Pierre Bourdieu », Actes de la recherche en sciences sociales, 150, décembre 2003, p. 65-78.
  • [34]
    Pierre Bourdieu, Les Structures sociales de l’économie, Paris, Seuil, 2000, p. 167.
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