Notes
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[1]
Susan Carol Rogers, « Natural histories: the rise and fall of French rural studies », French Historical Studies, 19(2), 1995, p. 381-397.
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[2]
Michel Robert fait ce constat en forme de bilan en 1986 : « Pendant vingt ans, la sociologie rurale a été une sociologie des agriculteurs : il semble que c’était le noyau de sa spécificité, et que tout ce qui n’était pas paysan était hors sujet ou, pire, banal et déjà connu. Marxistes et empiristes s’enfermaient de concert, quoique pour des raisons différentes, dans ce ghetto labouré » (Michel Robert, Sociologie rurale, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1986, p. 6).
-
[3]
Daniel Halévy, La Fin des notables. Tome II : La République des ducs, Paris, Grasset, 1937 ; Eugen Weber, La Fin des terroirs. La modernisation de la France rurale. 1870-1914, Paris, Fayard, 1983 [1re éd. 1976].
-
[4]
Henri Mendras, Sociologie de la campagne française, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1959, p. 72-73.
-
[5]
Maurice Agulhon, La République au village. Les populations du Var de la Révolution à la IIe République, Paris, Seuil, coll. « L’univers historique », 1979 [1re éd., Plon, 1970), p. 255 ; Pierre Bourdieu, « Célibat et condition paysanne », Études rurales, 5-6, avril-septembre 1962, p. 32-136.
-
[6]
Patrick Champagne, « Les paysans à la plage », Actes de la recherche en sciences sociales, 2, mars 1975, p. 21-24.
-
[7]
Jean-Claude Chamboredon, « La diffusion de la chasse et la transformation des usages sociaux de l’espace rural », Études rurales, 87-88, 1982, p. 233-260.
-
[8]
Danièle Léger et Bertrand Hervieu, Le Retour à la nature. « Au fond de la forêt… l’État », Paris, Seuil, 1979.
-
[9]
Ibid.
-
[10]
Pour une synthèse, voir Serge Bosc, Sociologie des classes moyennes, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2008.
-
[11]
Louis Chauvel, Les Classes moyennes à la dérive, Paris, Seuil, 2006.
-
[12]
Bernard Lahire, « Petits et grands déplacements sociaux », La Culture des individus, Paris, La Découverte, 2004, p. 411-470.
-
[13]
Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet et Yasmine Siblot, La France des « petits-moyens ». Enquête sur la banlieue pavillonnaire, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », 2008.
-
[14]
Violaine Girard, « Une notabilisation sous contrôle : la trajectoire d’un maire rural face à un professionnel de la politique sur la scène intercommunale (1971-1995) », Politix, 83, 2008, p. 49-74.
-
[15]
Ce n’est pas l’objet de ce texte, mais mentionnons le fait que penser relationnellement la structure sociale à partir d’enquêtes localisées conduit à mener parallèlement une ethnographie réflexive. Un certain nombre de propriétés communes avec nos enquêtés a engagé une forme de familiarité avec certains, liée à nos propres origines petites-bourgeoises. Voir Nicolas Renahy, « Mondes ruraux et classes populaires », mémoire pour l’habilitation à diriger des recherches, Nantes, université de Nantes, 2011.
-
[16]
Les noms de lieux et de personnes ont été modifiés, afin de respecter l’anonymat des enquêtés.
-
[17]
Voir Jacques Lagroye, Patrick Lehingue et Frédéric Sawicki (dir.), Mobilisations électorales. Le cas des élections municipales de 2001, Paris, PUF, CERAPS/CURAPP, 2005, et notamment les chapitres consacrés aux villes de Lille, Rennes et Rouen, et aux communes périurbaines de l’agglomération lilloise. Voir aussi Éric Agrikoliansky, Jérôme Heurtaux et Brigitte Le Grignou (dir.), Paris en campagne. Les élections municipales de mars 2008 dans deux arrondissements parisiens, Bellecombe-en-Bauges, Éd. du Croquant, 2011.
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[18]
Daniel Gaxie et Patrick Lehingue, Enjeux municipaux. La constitution des enjeux politiques dans une élection municipale, Paris, PUF/CURAPP, 1984.
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[19]
Voir notamment : Marc Abélès, « Le degré zéro de la politique », Études rurales, 101-102, 1986, p. 231-269 ; Jean-Louis Briquet, La Tradition en mouvement. Clientélisme et politique en Corse, Paris, Belin, 1997 ; Nicolas Mariot et Florence Weber, « “Honneur à notre élu”. Analyse ethnographique d’une coutume post-électorale en Dordogne », Politix, 45, 1999, p. 21-37 ; Sébastien Vignon, « Des maires en campagne. Les logiques de (re)construction d’un rôle politique spécifique », thèse de doctorat en science politique, Amiens, université d’Amiens, 2009.
-
[20]
Daniel Gaxie, La Démocratie représentative, Paris, Montchrestien, coll. « Clefs », 1993, p. 17.
-
[21]
Ibid., p. 18.
-
[22]
Gilles Laferté, « Des archives d’enquêtes ethnographiques pour quoi faire ? Les conditions d’une revisite », Genèses, 63, 2006, p. 25-45.
-
[23]
Afin d’éviter toute confusion, les propos des enquêtés insérés dans le corps du texte sont placés en italiques.
-
[24]
Marie-Françoise Souchon-Zahn, « Les nouveaux maires de petites communes. Quelques éléments d’évolution (1971-1989) », Revue française de science politique, 41(2), 1991, p. 197-234.
-
[25]
Ibid., p. 199.
-
[26]
André Mignot, maire de 1965 à 1989, sénateur de 1971 à 1989 (Républicain indépendant, puis membre du Parti républicain dans l’UDF créée à la fin des années 1970), conseiller régional de 1974 à 1986, agriculteur président de la coopérative céréalière, dirige et finance le club de foot… ; Philippe Rousselot, maire de 1989 à 1995, kinésithérapeute qui dirige la section locale PS mais ne brigue aucun autre mandat que la mairie ; Jean-Paul Duclos, maire depuis 1995, conseiller général depuis 1988, conseiller régional de 1998 à 2002, informaticien « technico-commercial » plusieurs fois licencié, un temps embauché par Mignot à la coopérative au début des années 1980.
-
[27]
Christian Le Bart, « Administration et pouvoir local », in Antonin Cohen, Bernard Lacroix et Philippe Riutort (dir.), Nouveau manuel de science politique, Paris, La Découverte, coll. « Grands repères manuels », 2009, p. 299-310.
-
[28]
La bourgeoisie agricole concentre son action dans le syndicalisme et le contrôle de la Chambre d’agriculture, ou privilégie les stratégies visant à maximiser la réussite économique (exploitations de terres en Europe de l’Est, interventions sur les marchés à terme des céréales). Et ce, contrairement aux décennies 1930-1960 où le contrôle de la politique municipale par les agriculteurs était lié à l’importance de l’activité foncière, voir Marie-Claude Pingaud, « Chronologie et formes du pouvoir à Minot (Côte-d’Or) depuis 1789 », Études rurales, 63-64, 1976, p. 191-203. Les professions libérales, commerçants et chefs de petites entreprises paraissent quant à eux se détourner d’un espace politique qui leur apporte une reconnaissance moindre en regard de l’appartenance à des réseaux qui valorisent la réussite professionnelle (club des entrepreneurs, association de commerçants, Rotary ou Lions Club, aéro-club, etc.). Sur les chefs d’entreprise du Germanois, voir Baptiste Giraud, « La reconfiguration des mécanismes sociaux et politiques de construction d’un groupe patronal local », communication au Congrès de l’AFSP, Strasbourg, septembre 2011.
-
[29]
Il n’a jamais exploité plus de 70 hectares, ce qui, dans cette zone de spécialisation céréalière, constitue une petite surface.
-
[30]
Au sens où l’entendait Pierre Bourdieu, dans son analyse des différentes fractions de la petite bourgeoisie. Voir « La bonne volonté culturelle », in La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun », 1979, p. 365-431.
-
[31]
Dans le même entretien, il déclare, en amont, que « la vraie politique, c’est la politique de la commune ».
-
[32]
Voir Ivan Bruneau, « Recomposition syndicale et constructions des collectifs militants. À partir d’une enquête sur la Confédération paysanne », in Bertrand Hervieu, Nonna Mayer, Pierre Muller, François Purseigle et Jacques Rémy (dir.), Les Mondes agricoles en politique. De la fin des paysans au retour de la question agricole, Paris, Presses de la FNSP, 2010, p. 217-240.
-
[33]
Que Pierre Bourdieu qualifiait de « petite bourgeoisie nouvelle » (voir La Distinction…, op. cit., p. 409-421), et que l’on redéfinit comme « petite bourgeoisie culturelle » tant du fait de sa pérennisation que du prolongement de ses principes de différenciation à l’égard de la petite bourgeoisie d’exécution.
-
[34]
Claude Grignon, L’Ordre des choses, les fonctions sociales de l’enseignement technique, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun », 1971, p. 64. L’enquête a eu lieu en 1965 : Grignon entend par enseignement secondaire long ou supérieur les « lycées classiques et modernes » qui menaient au baccalauréat en recrutant dans les CES et CEG, et s’opposaient aux CET (centres d’apprentissage avant 1960) qui recrutaient à l’issue de la dernière année d’école primaire et préparaient au CAP. Ces CET représentaient une « école du peuple », ou, plus précisément, de « l’élite des réprouvés » (élite en regard des apprentis « sur le tas » qui ont un taux de réussite au CAP nettement moindre que les élèves de CET).
-
[35]
L’usine, qui appartenait initialement à un groupe national, embauchait encore 400 personnes en 1979. Elle a depuis connu de multiples changements d’enseignes, appartient actuellement à un groupe international, et ne compte plus qu’une cinquantaine de salariés.
-
[36]
C. Grignon, L’Ordre des choses…, op. cit., p. 48.
-
[37]
Alf Lüdtke, « Le domaine réservé : affirmation de l’autonomie ouvrière et politique chez les ouvriers d’usine en Allemagne à la fin du XIXe siècle », Le Mouvement social, 126, 1984, p. 29-52.
-
[38]
P. Bourdieu, La Distinction…, op. cit., p. 404.
-
[39]
Sur la mobilisation de l’autochtonie par les élus des petites communes rurales, voir Thibault Marmont, « Devenir “amateur” en politique. Les ressources politiques des élus ruraux », in Sylvain Barone et Aurélia Troupel (dir.), Battre la campagne. Élections et pouvoir municipal en milieu rural, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 115-139.
-
[40]
Début mars 2008, au cours d’une réunion publique à Fontenay pendant la campagne pour l’élection cantonale, Jean-Paul Duclos affirme à son auditoire : « Je note tout, je peux vous dire combien de fois je suis venu à Fontenay et les personnes que j’ai vues. »
-
[41]
Jean-Noël Retière, « Autour de l’autochtonie. Réflexions sur la notion de capital social populaire », Politix, 63, 2003, p. 121-143 ; Nicolas Renahy, « Classes populaires et capital d’autochtonie. Genèse et usages d’une notion », Regards sociologiques, 40, 2010, p. 9-26.
-
[42]
Ce que le maire nous a en partie confirmé : « Les gens des HLM, ils viennent ici quoi [à la mairie], ils viennent me voir pour leur logement, donc après ils s’en rappellent. »
-
[43]
Nous avons constaté le même phénomène sur la scène intercommunale, nos observations rejoignant les résultats de l’enquête menée par Sébastien Vignon sur les communautés de communes rurales de la Somme. Voir « Les élus des petites communes face à la “démocratie d’expertise” intercommunale. Les “semi-professionnels” de la politique locale », in S. Barone et A. Troupel (dir.), Battre la campagne…, op. cit., p. 189-224.
-
[44]
Jean-Louis Briquet, « La politique au village. Vote et mobilisation électorale dans la Corse rurale », in Jacques Lagroye (dir.), La Politisation, Paris, Belin, coll. « Socio-histoires », 2003, p. 31-45.
-
[45]
Sur le cas des médecins, voir Yves Pourcher, « Tournée électorale », L’Homme, 119, 1991, p. 61-79.
GUY SIÉ, leader de la liste d’opposition à Fleury-d’Aude (Languedoc-Roussillon) en 2008. L’association des « compétences » comme mode de légitimation des prétentions à l’exercice du pouvoir municipal.
GUY SIÉ, leader de la liste d’opposition à Fleury-d’Aude (Languedoc-Roussillon) en 2008. L’association des « compétences » comme mode de légitimation des prétentions à l’exercice du pouvoir municipal.
1La sociologie rurale française, avant de se « désagréger [1] » au début des années 1980, avait tendance à prendre pour objet central la paysannerie et les agriculteurs et s’intéressait peu aux autres groupes sociaux [2]. Les études ruralistes ne mentionnaient l’existence d’une notabilité rurale (châtelain, grands propriétaires fonciers, curé, médecin, notaire, instituteur) que pour en souligner le déclin depuis la fin du XIXe siècle [3] et la réduire, dans une perspective fonctionnaliste, à un rôle d’« intermédiaire » entre « société locale » et « société globale » [4]. Quelques travaux d’historiens ou de sociologues se sont néanmoins démarqués de cette posture et ont mis l’accent sur la présence d’une petite bourgeoisie rurale et sur les relations entre les personnes instruites – et/ou passées par la ville – et les ruraux alentour [5], inscrivant ainsi le monde agricole dans une structure sociale plus large. Ainsi Patrick Champagne s’était-il intéressé à la consommation culturelle et estivale de la « petite bourgeoisie locale [6] », soit les « quelques salariés de la fonction publique installés au village, comme l’employé des postes […] ou l’instituteur », qui partent en vacances l’été. Dans ces mêmes années 1970, Jean-Claude Chamboredon analysait la façon dont les instituteurs, avec d’autres professions de techniciens ou d’encadrement, se distinguaient par une perception alternative « de l’espace campagnard, du devenir du village, des usages de la nature [7] ». Les travaux sur les migrations de certaines catégories de la « petite bourgeoisie nouvelle » vers les campagnes en voie de désertification, dans le sud de la France en particulier [8], attiraient également l’attention sur des groupes non agricoles.
2La recherche présentée ici renoue avec cet intérêt pour les catégories moyennes et supérieures de la structure sociale des mondes ruraux, encore trop souvent réduits aux professions de l’agriculture. Cette enquête sur la petite bourgeoisie rurale, réalisée en Bourgogne et sur un territoire qui n’a pas été concerné par les « exodes utopiques [9] » des années 1970, répond au souci de procéder à une analyse fine de la stratification sociale, qui paraît d’autant plus nécessaire que les zones rurales ont été touchées, comme les espaces urbains, par des transformations structurelles importantes. On pense en particulier à la forte augmentation des effectifs de l’enseignement secondaire et du nombre d’enseignants consécutive aux politiques scolaires mises en œuvre dans les années 1960 et 1970 et à l’instauration du « collège unique ». Cette évolution de longue durée a très probablement modifié la structure sociale de zones rurales relativement pauvres et les rapports entre groupes sociaux, mais les modalités concrètes et localisées de ces processus n’ont pas été étudiées. Parallèlement, cette analyse de la petite bourgeoisie rurale et des positions qu’elle occupe vise aussi à contribuer à une sociologie contextualisée des strates intermédiaires de la structure sociale. La sociologie des « classes moyennes » a fait l’objet de recherches récentes, souvent dans une perspective stratificationniste à une échelle macro [10]. De façon agrégée et décontextualisante, Louis Chauvel identifie par exemple quatre classes moyennes, toutes affectées – mais inégalement – par la « menace du déclassement [11] ». D’autres travaux récents complexifient les analyses surplombantes en mettant en évidence les « petits déplacements sociaux [12] » qui se produisent au sein de fractions de classes singulières, comme chez ces « petits-moyens [13] » de la banlieue parisienne pavillonnaire en quête de stabilisation, ou chez ces salariés de l’industrie d’État qui, appartenant aux fractions supérieures des classes populaires, accèdent au pouvoir local dans les limites que leur assigne une élite bourgeoise [14].
3Les aspirations de la petite bourgeoisie rurale sont, pour leur part, à la fois autorisées et bornées par la configuration sociale dans laquelle elles émergent et prennent sens. Les cadres et membres des professions intermédiaires susceptibles d’être dominants dans l’espace rural ne pourraient occuper les mêmes positions dans un espace urbain caractérisé par une plus grande concentration de membres des classes supérieures et un plus large éventail de professions à forts capitaux économiques et culturels. Les logiques de distinction observées chez les enquêtés, qu’elles soient consuméristes (logement, véhicule, pratiques culturelles, fréquentation régulière du monde urbain, etc.) ou relationnelles (émerger dans un espace local, faire partie « des gens qui comptent », etc.), ne peuvent être analysées indépendamment de la pente sociale ascendante dans laquelle chaque individu se trouve pris (personnellement et familialement) et, plus globalement, des évolutions structurelles qui modifient les contours des groupes sociaux. L’expression de « petite bourgeoisie rurale » ne vise donc pas à dénoncer [15], mais à mieux comprendre les dynamiques collectives et les recompositions à l’œuvre dans certaines régions de l’espace social.
4La recherche [voir encadré « Une enquête inscrite dans un collectif de recherche », ci-contre] a été menée dans le Germanois [16], une zone rurale très peu peuplée (12 habitants au km²), isolée de toute agglomération moyenne ou grande (la plus proche, de 25 000 habitants, est distante de 60 km). Elle a porté plus précisément sur deux communes : Fontenay (1 000 habitants) d’une part et Saint-Germain-en-Bourgogne (6 000 habitants) d’autre part, qui est à la fois le chef-lieu du canton de Saint-Germain, un « pôle d’emploi de l’espace rural » au sens de l’INSEE, et le centre d’une communauté de communes réunissant les six cantons du Germanois depuis 2004. Le point d’entrée est l’analyse des luttes pour l’accès au pouvoir politique local, qui sont le plus souvent étudiées dans des grandes villes ou leurs extensions périurbaines [17], ou – au pôle opposé du continuum établi par Daniel Gaxie et Patrick Lehingue [18] – dans de petites communes rurales [19]. Dans des communes rurales de taille intermédiaire, comme Saint-Germain et Fontenay, ces luttes ne peuvent être réduites ni à une « spécification […] de la concurrence politique centrale [20] », ni, à l’inverse, à la seule expression des « intérêts pratiques des habitants du village [21] ». Dans ce type de configuration, elles apparaissent comme le produit complexe et instable de la diversité des ressources sociales et politiques mobilisées par les fractions visibles des catégories médianes de la structure sociale locale. En effet, au-delà de la comparaison des deux communes et de leurs différences, qui concernent aussi bien la constitution des listes que la définition des enjeux, l’enquête ethnographique nous a conduits à interroger les rapports entre les formes prises par les compétitions politiques locales et les espaces sociaux dans lesquels elles prennent place. Pour ce faire, nous avons adopté une approche diachronique, attentive aux évolutions de la structure sociale locale et des positions occupées dans cet espace social singulier par les élus et prétendants depuis les années 1970. Elle enseigne que les pratiques politiques observées en 2008 et les ressources distinctives qui s’affrontent lors de ces élections s’inscrivent dans la continuité d’un processus caractérisé par une modification de la morphologie sociale de ces populations rurales et par une transformation significative de la composition des conseils municipaux. Ce double mouvement se matérialise par la conquête des positions de pouvoir politique par les représentants d’une petite bourgeoisie rurale, qui tirent profit d’une redistribution des différentes espèces de capitaux. La sociologie des élus locaux rend ainsi visibles les nouvelles formes de hiérarchisation sociale dans un espace rural donné, telles qu’elles sont révélées par les luttes politiques et ceux qui les incarnent.
Une enquête inscrite dans un collectif de recherche
Nos investigations ont également bénéficié de la connaissance accumulée par l’ethnographie collective dans laquelle elle s’inscrit. Intitulée « Encadrement et sociabilité des mondes ruraux » et dirigée par Gilles Laferté (financements ANR, INRA, Région Bourgogne), cette enquête collective regroupe une quinzaine de chercheurs et doctorants. La plupart des enquêtes sont menées sur la même région rurale, le Germanois (qui constitue pour tous un terrain d’enquête inédit), permettant d’explorer le renouvellement de la structure sociale d’une vaste zone rurale, tandis que quelques membres de l’équipe travaillent sur des terrains comparatifs. Sur les postulats liminaires de l’enquête, nous renvoyons à l’article de Gilles Laferté [22]. Nous remercions Denis Lépicier, Violaine Girard et Thibault Marmont pour la mise à disposition ou la constitution de bases de données statistiques.
5L’évolution des PCS des conseillers municipaux de la vaste zone enquêtée collectivement montre que les différenciations sociales dans l’accès au pouvoir local sont très importantes. Dans un large espace organisé autour de la ville de Saint-Germain (6 000 habitants), au sein duquel les PCS sont inégalement réparties [voir tableau 1, p. 54], les agriculteurs représentent, en 2001, 35,8 % des élus des plus petites communes et sont absents des « pôles d’emploi ruraux ». À l’inverse, plus on s’éloigne de ces pôles, plus la représentation des employés, professions intermédiaires et cadres est faible [voir tableau 2, p. 55]. Ces différenciations se sont accrues entre 1983 et 2001 avec la baisse du poids des agriculteurs. L’exemple de Saint-Germain montre que cette relation entre l’évolution de la structure sociale de la population et la composition des conseils municipaux successifs est suffisamment constante pour permettre l’affirmation d’un nouveau groupe social sur la scène publique locale. Les deux élus qui se succèdent à la mairie de Fontenay entre 1983 et 2008 incarnent également ce déplacement des lignes de force au bénéfice des représentants d’une petite bourgeoisie rurale. Au-delà des luttes qui les opposent, la comparaison de leurs trajectoires sociales révèle une ascension dans l’espace local reposant sur un ensemble de propriétés convergentes. Pour autant, comme le montre l’analyse des élections de 2008, la scène politique constitue aussi un espace où s’actualisent les petits décalages entre positions sociales. Si le capital scolaire et les « compétences [23] » professionnelles structurent les oppositions, la configuration germanoise met surtout en évidence l’inégale capacité des candidats à convertir leurs ressources sociales en une maîtrise pratique des techniques de mobilisation politique.
Répartition des actifs par PCS au recensement de 1999
Répartition des actifs par PCS au recensement de 1999
L’affirmation d’un nouveau groupe social
6Malgré (ou du fait de) sa distance aux agglomérations, Saint-Germain joue pendant les décennies 1950-1970 le rôle de centre économique et administratif, comme d’autres petites villes ont pu le jouer pour des villages environnants : coopérative céréalière, présence de plusieurs petites industries, de nombreux commerces, d’une antenne des chambres départementales de commerce et d’agriculture, d’un tribunal d’instance, de lycées (généraux public et privé, professionnel, agricole), d’un hôpital. Un nouveau lycée est construit au début des années 1970, un nouvel hôpital au début des années 1980 : tandis que la mise en place de « l’État social » s’achève, la fonction publique renouvelle la structure de l’emploi local. Ainsi, dans les années 2000, avec la réduction de l’activité industrielle dans le canton, l’hôpital public devient le premier employeur de la commune… avant de lui-même entamer sa restructuration (fermeture des services de maternité et de chirurgie en 2009).
PCS des élus de la zone d’enquête selon les catégories d’espaces ruraux (%), 1983-2001
PCS des élus de la zone d’enquête selon les catégories d’espaces ruraux (%), 1983-2001
(3 arrondissements administratifs autour de 3 bourgs de 4 000 à 6 000 habitants, 200 communes)7Le début des années 1980 marque une forme d’apogée. La commune atteint un maximum de population de 7 500 habitants en 1982 et ne cesse par la suite de se dépeupler. Les différentes infrastructures régionales, autoroute puis ligne TGV, contournent le vaste plateau du Germanois. Pour de nombreux enquêtés, cette période constitue un moment charnière au sens où, alors que l’activité battait son plein, de nombreuses opportunités de développement économique ont été « ratées ». L’époque est aussi marquée par la crise de l’emploi : le taux de chômage dans la commune, qui était de 3,4 % en 1975, monte à 7,4 % en 1982, pour atteindre 10,8 % en 1990. C’est également en 1982 que les indépendants (artisans, commerçants, chefs d’entreprise, [voir tableau 3, p. 56]) sont les plus représentés parmi les actifs de la ville (12,5 %). Depuis, leur proportion a chuté de moitié. La part des classes populaires est importante et remarquablement constante (employés et ouvriers constituent les deux tiers des actifs entre 1982 et 2006). Les cadres et professions intellectuelles supérieures, pour leur part, représentent entre 5 et 7 % des actifs, tandis que le poids des professions intermédiaires augmente dans les années 1980 avant de se stabiliser à 18 %.
CSP/PCS des actifs ayant un emploi, commune de Saint-Germain, 1968-2006
CSP/PCS des actifs ayant un emploi, commune de Saint-Germain, 1968-2006
8Ces catégories socioprofessionnelles acquièrent un rôle politique majeur au cours des années 1990 [voir tableau 4, p. 57]. Si depuis les années 1970 les catégories populaires sont toujours très peu représentées au conseil municipal de la ville (de zéro à six employés, un ou deux ouvriers au maximum et le plus souvent aucun), l’équilibre politique entre groupes sociaux se joue entre indépendants d’une part, cadres et professions intermédiaires d’autre part. Dans les années 1970, l’élite politique locale est formée d’agriculteurs, d’artisans et commerçants, des professions libérales et chefs d’entreprise. Mais dès cette période, tout en étant toujours représentées, ces professions masculines liées à la détention d’un patrimoine coexistent avec un salariat qualifié (cadres, employés et professions intermédiaires). Ce dernier est présent sur toute la période du fait des fonctions administratives, industrielles et bancaires de la commune, mais son poids ne cesse de croître, et les élus se féminisent lentement à partir de 1983. Les indépendants, majoritaires dans les années 1970 (14/23 en 1971 ; 13/23 en 1976), sont ensuite définitivement minoritaires (14/29 en 1983 ; 10/29 en 1989 ; 5/29 en 1995 ; 5/30 en 2001), tandis que leur spécialisation se modifie (un photographe et un assureur apparaissent ainsi en 1983).
CSP/PCS des conseillers municipaux de la commune de Saint-Germain, 1971-2001
CSP/PCS des conseillers municipaux de la commune de Saint-Germain, 1971-2001
9Cette montée des classes moyennes salariées et diplômées, quelque peu masquée entre 1965 et 1989 par la reconduction du même maire, André Mignot, agriculteur, devient évidente quand une liste socialiste remporte les municipales le temps d’un mandat, en 1989. Dix conseillers sur 29 sont alors cadres, quatre sont membres des professions intermédiaires, essentiellement dans le secteur public (cinq professeurs, le directeur de la Maison des jeunes et de la culture, le directeur du Centre d’aide par le travail ; deux instituteurs, un contrôleur des impôts). Si la mairie repasse ensuite à droite, le poids des salariés du public reste central malgré le renouvellement des trois quarts des conseillers et leur rajeunissement. Ce sont ainsi eux qui constituent la majorité du vivier des adjoints au maire depuis 1989.
10Généralement située en 1977 [24], la « rupture » au sein des élites locales françaises (fort renouvellement du personnel politique des communes urbaines, émergence des fonctionnaires) est donc à Saint-Germain plus lente et tardive. Comme pour les maires des petites communes du sud de la France étudiées par Marie-Françoise Souchon-Zahn, on observe sur la période un « renouvellement régulier d’une ampleur sans excès [25] », au cours duquel l’augmentation de la part des salariés du secteur public ne coïncide pas systématiquement avec une orientation politique de gauche (à l’exception de la période 1989-1995, la commune reste à droite sur toute la période). Le déclin économique et social de la commune se perçoit avec l’évolution de la profession, des postes et de la surface sociale des maires successifs [26] et à travers le moindre prestige de certaines professions de la catégorie d’employés (d’employé de banque à aide-soignante pour les extrêmes).
11Mais auparavant, la construction d’un nouveau lycée en 1972 (collège et lycée sont alors séparés), qui a accompagné le mouvement dit de « démocratisation » scolaire, a conduit à un important recrutement d’enseignants formés au cours des « années 1968 ». Si un grand nombre d’entre eux rejoignent la section locale du Parti socialiste, les investissements partisans des enseignants et des autres représentants de cette petite bourgeoisie rurale ne se limitent pas au PS. Jusqu’au milieu des années 1990, le jeu politique à Saint-Germain reste principalement structuré autour des oppositions entre les responsables locaux du PS, du RPR et de l’UDF, qui incarnent ce renouvellement du personnel politique. Dans certains cas, l’engagement dans la compétition municipale est conforté par les relations nouées avec les membres des strates supérieures de l’espace social local (fréquentation des chirurgiens de la ville, sociabilités construites au Lions Club, etc.), au cours d’un processus de notabilisation qui légitime les ambitions politiques. Ces aspirations sont autorisées par la distance que prend alors la bourgeoisie locale à l’égard des luttes municipales. La défaite du maire-sénateur en 1989, président de la coopérative céréalière et de plusieurs organisations départementales, symbolise l’effacement d’un type de notables [27] transposant sur la scène politique des formes de domination personnalisée construites dans l’espace agricole local. Par la suite, l’économie céréalière n’ayant eu de cesse de se concentrer, la coopérative a été intégrée à un groupe régional et la bourgeoisie agricole semble avoir surtout investi les lieux garantissant la réussite de ses entreprises [28]. Toutefois, si cet éloignement crée des opportunités d’accès au pouvoir municipal, il est aussi le produit d’une redistribution des ressources sociales mobilisables dans le jeu politique local, qui s’accompagne d’une réévaluation des prétentions et des pratiques politiques. Saisir les mécanismes à l’œuvre dans ce processus implique de prolonger l’analyse des positions sociales occupées par les membres de cette petite bourgeoisie rurale.
Ce qui fait le groupe
12Le processus de renouvellement des élites politiques locales s’est manifesté dans d’autres bourgs de la zone d’enquête, traduisant une recomposition de l’importance respective des capitaux économiques et culturels dans l’accès au pouvoir municipal. C’est notamment ce que l’on observe à Fontenay, où la compétition politique, au cours des années 1980 et 1990, oppose deux concurrents dont les trajectoires et les positions sociales, dès lors qu’elles sont inscrites dans l’espace local, apparaissent relativement proches.
Deux concurrents, une « même » ascension sociale dans l’espace local
13À Fontenay, commune ouvrière de 1 000 habitants qui jouxte Saint-Germain, en voie de désindustrialisation depuis trente ans, deux maires successifs se sont disputé la municipalité entre 1983 et 2001. De 1945 à la fin des années 1970, la compétition municipale voyait toujours deux listes s’opposer et emporter successivement la mairie, l’une « d’intérêt communal », l’autre explicitement positionnée à gauche. Mais, dans tous les cas, c’était un membre de l’encadrement usinier (contremaître ou cadre) qui était élu maire. Comme à Saint-Germain, une rupture est perceptible à partir du début des années 1980. Ce n’est pas ici la bourgeoisie indépendante qui décline, mais le monde des cadres industriels, au moment où l’usine entre en restructuration. Les deux maires qui vont se succéder ont en effet un profil différent de leurs prédécesseurs. Bernard Kuhnen, maire de 1983 à 1995, est fils d’un OS de l’usine métallurgique du village, et technicien PTT. Chef de file de la « liste d’intérêt communal », il s’oppose à Patrice Alteri, qui conduit une « liste d’union de la gauche » et sera élu à la mairie en 1995 (réélu en 2001 et 2008). Ce petit agriculteur [29] a succédé à ses parents en 1977, avant de militer à la Confédération paysanne. Au-delà de ce qui les différencie (positionnement politique, origine sociale et appartenance professionnelle), ces concurrents ont tous deux connu une ascension sociale fondée sur la réussite scolaire et des aspirations culturelles qui les conduisent par exemple à participer ensemble à la création de la Maison des jeunes et de la culture du village à la fin des années 1970. Ils incarnent chacun à leur façon l’accession d’une petite bourgeoisie rurale aux postes de pouvoir sur la scène locale.
14Né en 1941, d’extraction ouvrière, titulaire de la première partie du bac, Bernard Kuhnen passe rapidement le concours PTT et devient technicien par formation interne. Il intègre l’école d’officiers lorsqu’il est appelé pour la guerre d’Algérie. De retour à Fontenay au début des années 1970 (d’abord nommé en région parisienne, il obtient alors sa mutation à Saint-Germain), il s’investit localement et devient trésorier de plusieurs associations. On peut lire son ascension sociale locale comme une tentative de « rattrapage » de sa trajectoire interrompue avec l’échec au bac. Après un premier mariage en région parisienne, Bernard se remarie à la fille d’un ouvrier établi de la commune (conseiller municipal). Ses trois enfants ont tous effectué des formations rapides post-bac (ou de rattrapage : préparatrice en pharmacie pour l’aînée ; infirmier pour les cadets). Bernard Kuhnen, exemple type de la petite bourgeoisie d’exécution [30], dit avoir toujours travaillé « pour la commune, pas pour des fins personnelles ou pour un parti [31] », tandis qu’il présente son concurrent comme un « arriviste » qui lui a « tiré dans les pattes ».
15Plus jeune de neuf ans, Patrice Alteri s’inscrit quant à lui dans la première génération des militants de la « gauche paysanne », pour lesquels la reprise de l’exploitation familiale a été envisagée (et parfois très tardivement) à la suite d’une socialisation initiale valorisant la réussite scolaire et la découverte d’autres univers culturels [32]. Après l’obtention du brevet (en 1968) et d’un bac D’ à Dijon au début des années 1970, Patrice prépare un BTS à Nancy pendant deux ans, connaît une expérience dans l’enseignement pendant un an puis exerce la fonction d’animateur en tant qu’objecteur de conscience avant la reprise de l’exploitation. Son frère aîné, titulaire d’un bac C, s’établit un temps en usine, puis fait ensuite carrière dans la banque. Patrice est marié à une dessinatrice industrielle salariée d’un cabinet d’architecte, fille d’un technicien de l’usine du village (lui aussi ancien conseiller municipal). Leurs trois enfants travaillent dans les milieux socio-éducatifs et de la culture. Comparé à Bernard Kuhnen, Patrice Alteri correspond plutôt au modèle de la petite bourgeoisie culturelle [33] en ce qu’il s’inscrit dans une forme d’avant-gardisme politique et éducatif. Alors que ses parents, catholiques pratiquants, se situent à droite de l’échiquier politique, il devient objecteur de conscience dans l’animation culturelle à vingt ans, puis milite dans un syndicat agricole faiblement implanté dans le département, intervient ensuite ponctuellement comme enseignant au lycée agricole et préside aujourd’hui une association de « recherche d’emplois nouveaux » pour les chômeurs de longue durée. Clairement identifié à gauche de l’échiquier politique suite aux campagnes municipales successives (sans être encarté), sa visibilité croissante dans l’espace local est le corollaire de ses aspirations culturelles. Aujourd’hui sénateur suppléant d’un élu socialiste, vice-président de la communauté de communes entre 2008 et 2011, deux fois candidat aux cantonales contre le maire de Saint-Germain, Alteri est devenu une figure de l’opposition locale. Au conseil municipal, il s’entoure notamment de représentants de l’ancienne élite ouvrière de l’usine (ouvriers qualifiés et OS militants à la retraite) et de représentants de la petite bourgeoisie cultivée (instituteurs, architecte), tandis que les principaux alliés de Kuhnen au conseil municipal étaient employés du public (Telecom, CEA, hôpital) ou artisans.
DEVANT LE LOCAL DE CAMPAGNE. La reconnaissance locale comme condition d’éligibilité (Fleury-d’Aude, 2008).
DEVANT LE LOCAL DE CAMPAGNE. La reconnaissance locale comme condition d’éligibilité (Fleury-d’Aude, 2008).
Le cumul d’un capital scolaire et d’une expérience urbaine
16Si ces deux personnages s’opposent donc sur plusieurs points, notamment en termes de trajectoires et d’aspirations professionnelles, leurs rapports respectifs à la scolarisation les rapprochent en même temps qu’ils les distinguent localement au sein de leur génération. Les deux maires successifs de Fontenay détiennent un capital scolaire relativement important, au vu de leurs cohortes de naissance et du contexte rural. Rappelons qu’au début des années 1960, seuls 7,2 % de fils d’OS et 8,4 % des fils d’agriculteurs accèdent en France à l’enseignement secondaire long ou supérieur [34]. Dans une commune où, en 1982, encore 64 % des actifs sont ouvriers, on comprend que l’école a largement contribué à l’extraction des classes populaires d’une petite élite. Cette élite n’est alors plus formée par et pour l’usine. Au cours des années 1970, la gestion de la main-d’œuvre évolue. Jusqu’alors, l’entreprise possédait un patrimoine qui dépassait largement la fonction productive, elle était propriétaire de l’école communale, des logements ouvriers, de certaines routes du village, de la coopérative alimentaire, ce qui lui permettait de contrôler la formation et le renouvellement d’une main-d’œuvre localisée. À l’abandon de cette politique s’ajoute une crise industrielle sévère à partir des années 1980 : l’industrie se retire à la fois comme employeur principal et comme régulateur des rapports sociaux dans le village [35]. Cette évolution a pour conséquence de laisser libre un espace de pouvoir, qui permet aux petites bourgeoisies d’exécution et culturelle d’émerger.
17Les élus enquêtés, au-delà des deux maires de Fontenay, présentent très majoritairement une autre caractéristique biographique commune : le passage par la ville, qui qualifie et qui, pour certains, leur assure une position professionnelle. Cette formation urbaine est d’autant plus notable lorsqu’elle se déroule à la fin des années 1960 ou au début des années 1970, dans un moment d’intense politisation des expériences sociales. Concernant Patrice Alteri, la présence les week-ends d’un frère aîné établi en usine qui conteste les positions politiques paternelles lors des réunions de famille, la socialisation politique au sein de la structure locale du Mouvement rural de la jeunesse chrétienne, puis au lycée à Dijon et à l’université de Nancy, les sociabilités entretenues au sein de la Confédération paysanne constituent autant d’expériences qui structurent progressivement les modalités de sa pratique professionnelle agricole et son engagement extraprofessionnel. Il cherche alors à importer localement des pratiques apprises ailleurs, et c’est ainsi qu’il s’implique fortement dans l’action socio-éducative. L’investissement associatif permet donc d’accéder à un statut d’encadrant local des classes populaires lorsque la profession n’intègre pas ce rapport social.
18Mais le passage par la ville peut aussi être l’occasion d’éprouver une position dominée dans la structure professionnelle, que l’investissement dans l’espace public local va chercher à compenser. Ainsi, Bernard Kuhnen peut valoriser son ascension professionnelle dans les PTT (il termine sa carrière en tant que « technicien-chef »), mais il est toujours dans la crainte d’une mutation liée aux restructurations successives de son administration. Lui y échappe (il est d’ailleurs fort vraisemblable que sa fonction de maire a favorisé sa mutation à Saint-Germain à un moment donné), mais ce n’est pas le cas de sa femme qui travaille aujourd’hui à plus de 100 km de son lieu de résidence.
Visibilité dans l’espace local et encadrement des classes populaires
19Être bachelier, avoir passé quelques années à l’université, compléter sa formation à Paris au sein de la fonction publique sont des propriétés distinctives dans l’espace local. L’investissement sur la scène municipale représente alors l’une des dimensions d’un processus de notabilisation qui s’inscrit dans une ascension sociale intergénérationnelle. Cependant, certains enquêtés peuvent aussi jouer d’une autochtonie et fonder leur notabilisation sur une histoire familiale localisée. À Fontenay, Alteri bénéficie ainsi de son alliance avec une famille d’extraction ouvrière, modèle de l’ascension intergénérationnelle propre à un système paternaliste qui est aussi modèle d’honorabilité dans l’espace villageois. Son beau-père, technicien formé au sein de l’usine, et qui a vécu enfant dans les cités ouvrières du village, s’impliqua énormément dans la vie paroissiale, et fut conseiller municipal. À Saint-Germain, le maire actuel est lui aussi un « enfant du pays » qui a grandi dans un village à cinq kilomètres du bourg. Son père était petit viticulteur, sa mère tenancière du café du village, et il attribue au fait d’avoir très tôt aidé sa mère au café son aisance avec les milieux populaires et son prime apprentissage de la politique (cf. infra). Mais de telles ressources familiales ne jouent que réactualisées et ajustées aux stratégies de notabilisation. Il s’agit alors d’intégrer les cercles de la bourgeoisie locale. Les « gens qui comptent » sont ainsi des gens qui sont vus mais aussi des « gens qui se voient », dans les espaces liés à leurs fonctions (conseils municipaux ou communautaires, conseil d’administration du lycée ou de l’hôpital, groupe d’action économique), dans des lieux voués au seul entretien du groupe par la sociabilité (dîners entre notables, Tennis Club), dans des espaces à la vocation assistancielle avérée (associations de bienfaisance type Lions Club ou d’aide aux chômeurs), ou destinés à l’animation culturelle (MJC), ou plus récemment à la défense des services publics avec l’Association de défense de l’hôpital public de Saint-Germain (présidée par un vétérinaire retraité puis par l’intendant du lycée).
20Les fonctions d’assistance aux classes populaires permettent dans le même temps d’entretenir une distance au populaire. C’est en référence à un « degré d’intellectualité [36] » que s’opère la notabilisation. Cette distance, perceptible dans l’habitat, les pratiques culturelles, fonde l’appartenance au groupe des petits-bourgeois qui, comme nous allons le voir un peu plus loin, entretient une forte conflictualité interne (légitimité à représenter, concurrence élective). Mais cette conflictualité est une manière d’entretenir la distance : on se bat entre « gens qui comptent », on se dénie le droit à représenter, mais cela ne fait qu’entretenir les délimitations du groupe. C’est notamment dans les réunions des conseils municipaux que s’actualise cette distance au populaire. À Fontenay comme à Saint-Germain, nous avons ainsi pu observer – de manière très classique – la monopolisation des prises de parole et des fonctions centrales par les personnes les plus dotées en capitaux culturels, les élus appartenant aux classes populaires étant généralement relégués à un rôle d’assentiment ou de témoignage. Si ces derniers restent sur leur « quant-à-soi [37] » et ne s’autorisent pas à contredire le maire ou ses principaux adjoints en séance, ils peuvent regretter l’absence de personnes jugées mieux à même de le faire. Six jours avant le premier tour des élections municipales, une élue qui ne se représente pas, ouvrière d’usine retraitée et figure populaire « de gauche » à Fontenay, explique ainsi :
« Moi, je vais vous dire une chose. J’ai été sept ans, et bien je suis bien contente d’être partie de là-dedans !
– Ah bon ?
– Il ne faut pas croire que ça se passe bien… Au contraire, moi je voudrais qu’il y en ait de l’opposition.
– Ah oui ?
– Ah oui, je voudrais, moi ! Faut qu’il y ait un petit peu de piment ! Qu’est-ce que vous voulez ? On arrive, on est tous du même bord, Patrice il expose son truc… Qu’est-ce que vous voulez faire ? Rien du tout !
Un ami, également ouvrier retraité, acquiesce :
– Ben comme ça faisait avec le Kuhnen ! Le maire, il avait décidé, et ça suivait. »
Les oppositions internes à la petite bourgeoisie rurale
22Pour cette nouvelle petite bourgeoisie rurale, la scène politique locale constitue donc un espace d’affirmation commune. Elle est aussi devenue un espace où s’actualisent les différenciations internes, tant par la confrontation des pratiques politiques que par les tentatives de reconversion des « compétences » professionnelles qui les sous-tendent. Car le capital scolaire n’est pas la seule ressource de notabilisation. D’autres voies d’accession au pouvoir local existent, comme le montre le cas du maire et conseiller général de Saint-Germain.
« Être un gestionnaire, moi je crois savoir de quoi on parle, j’ai un master en management d’entreprise. »
« Pour être élu dans une zone comme Saint-Germain, il faut être présent sur le terrain, le reste c’est du cinéma. »
L’autochtonie comme ressort d’une pratique politique routinisée
25Jean-Paul Duclos est conseiller général du canton de Saint-Germain depuis 1988 (il n’avait que 36 ans) et maire de la commune de Saint-Germain depuis 1995. Le 9 mars 2008, la liste qu’il conduit remporte l’élection municipale dès le premier tour et, une semaine plus tard, il est élu conseiller général pour la quatrième fois, en devançant au second tour le maire de Fontenay, Patrice Alteri. C’est encore contre Alteri qu’il remporte en janvier 2011 la présidence de la communauté de communes. Cette série de victoires électorales fait suite à plusieurs échecs professionnels.
26Titulaire du baccalauréat au début des années 1970, ce fils de la petite bourgeoisie indépendante (père vigneron, mère cafetière à Mourot, petit village situé à cinq kilomètres de Saint-Germain) suit une formation en informatique dans une école privée à Paris et commence sa carrière professionnelle en région parisienne en tant que vendeur de systèmes informatiques, tout en maintenant ses liens avec sa région d’origine. À 24 ans, en 1976, il adhère au RPR (au moment de la création du parti) et en fonde la section germanoise, puis est élu conseiller municipal dans son village natal l’année suivante, avant d’être à nouveau élu conseiller municipal en 1983, mais cette fois-ci dans le bourg centre. Il est alors embauché en tant qu’informaticien dans la coopérative céréalière de Saint-Germain par le maire (et président de la coopérative), mais l’expérience ne se révèle pas concluante et il se voit contraint de quitter son emploi. Deux autres embauches (à 30 puis à 200 km de son lieu de résidence) aboutissent également à des licenciements, il ne parvient pas à convertir son capital scolaire sur la scène professionnelle locale. C’est finalement son élection à la mairie en 1995 et le cumul des indemnités qui lui permettent d’abandonner cette quête, peu gratifiante, d’une activité professionnelle correspondant à ses aspirations. Durant la campagne électorale de 2008, ces déconvenues professionnelles sont l’objet de moqueries de la part de ses adversaires, qui en profitent aussi parfois pour souligner que le maire ne connaît plus les réalités du monde du travail. Si l’assise de Jean-Paul Duclos ne peut s’expliquer par sa trajectoire professionnelle, qui aurait plutôt tendance à constituer un stigmate, c’est dès lors sa pratique politique qui apparaît déterminante. Il la présente comme l’aboutissement d’une « passion », acquise dès l’adolescence.
« Mon père n’était pas élu, mais disons très passionné de politique […]. C’est quelqu’un qui lisait beaucoup, qui lisait entre autres Le Figaro, donc très au fait de la vie politique nationale et internationale, quoi, une bonne école pour moi. […] Ah mais moi j’allais aux réunions de conseil municipal à Mourot, j’allais aux dépouillements, bon, moi j’ai été vraiment très, très tôt passionné, oui… […] J’ai chez moi une enveloppe sur chaque élection depuis l’âge de 14-15 ans. »
28Quatre mois après sa troisième élection à la mairie, le 15 juillet 2008, Jean-Paul Duclos explique comment il a constitué sa liste et mené sa campagne. Il décrit, plus généralement, les éléments constitutifs d’une pratique politique dont l’efficacité est attestée par ses victoires électorales.
« Vous avez eu peur à un moment donné pendant la campagne ?
– J’ai été, bon, moi je suis toujours très méfiant et toujours sur le qui-vive hein, mais on sentait quand même qu’il y avait un courant porteur de par les réalisations qui ont été effectuées, et puis bon j’ai quand même pas mal de relais et je connais beaucoup de gens […].
– Mais quand vous dites “j’avais pas mal de relais”, c’était qui, c’est qui les “relais” ?
– C’est les présidents d’association. Moi je connais tout le monde ici, y a une manifestation, les trois quarts des gens, je les connais. Oui, moi j’ai une bonne mémoire et je suis très présent partout, euh, donc je vois beaucoup de monde, quoi. Donc ça c’est important et ça permet d’avoir des retours, de savoir un peu ce qui se passe… Bon, en faisant le tri parce que avec l’expérience on sait ce qui est crédible ou pas. Il faut y passer beaucoup de temps, être présent partout, voilà quand on est absent c’est là qu’on tape dans le dos du maire “ah oui il est pas là, il est jamais là”, bon, “il est encore pas là” ou je sais pas, quoi. Donc faut occuper le terrain, quoi. La campagne, ça se fait pas les deux derniers mois, là je suis déjà en campagne pendant six ans. Ça veut dire que j’étais omniprésent tout le week-end [festivités du 14 Juillet], j’étais partout et l’opposition, elle a disparu, j’ai vu zéro élu tout le week-end, à toutes les manifestations, sur les six : zéro. […] Voilà, donc là un week-end comme ça je vois mille personnes […], moi je sers mille mains moi, donc euh… ça c’est important, quoi. »
30Jean-Paul Duclos semble effectivement « omniprésent ». Comme nous avons pu le constater, il se rend à toutes les réunions, ne manque jamais le marché du samedi matin, et assiste, chaque semaine, à plusieurs manifestations sportives et culturelles. La période de la campagne électorale n’introduit donc pas de coupure avec ses activités en temps « ordinaire ». Il confie tenir des fiches personnelles qu’il actualise en fonction des informations récoltées sur telle relation familiale ou amicale. De la même façon qu’il a classé et archivé depuis l’adolescence les documents relatifs à chaque scrutin, cet autodidacte de la profession politique complète régulièrement sa cartographie des parentèles, des situations familiales et des affinités électives, dans une démarche analogue à celle du petit-bourgeois d’exécution collectionneur de timbres évoqué par Pierre Bourdieu [38]. « Occuper le terrain », « serrer des mains » contribue à entretenir un capital politique qui mobilise ainsi constamment les ressources de l’autochtonie [39]. Dans cette petite ville, le maire est régulièrement nommé « le Jean-Paul », une expression stabilisée qui tend à réduire la distance sociale et symbolique entre l’élu et ses administrés. Duclos ne cherche pas seulement à maintenir des relations d’interconnaissance. L’exercice de ses « mandats de proximité », comme il les qualifie, s’accompagne d’un travail de personnalisation des rapports politiques et sociaux, qui implique notamment d’« être précis » dans la gestion des interactions [40]. Contrairement aux élus pour qui la visibilité locale entre dans un processus d’embourgeoisement synonyme de distanciation d’avec les classes populaires, il n’a de cesse de prolonger son inscription dans les rapports sociaux localisés afin de toujours faire de son autochtonie un capital [41], quitte à rester en marge du champ politique départemental et régional. Alors que le maire de Fontenay est aujourd’hui sénateur suppléant, Jean-Paul Duclos ne fut que très peu de temps conseiller régional, de 1998 à 2000 (il démissionna suite au vote de la loi sur le cumul), il ne préside aucune commission du conseil général et n’a pas renouvelé son inscription partisane lors de la création de l’UMP en 2002. Le capital d’autochtonie ne vaut que dans un espace local, au-delà duquel il devient un handicap. À l’inverse, dans un territoire où les classes populaires sont majoritaires mais très peu représentées, c’est se maintenir à distance de celles-ci en ne jouant que de son capital culturel qui constitue un handicap lors des élections locales. C’est ce que montre la trajectoire professionnelle et politique de Chantal Guillebot. Cette dernière connaît deux échecs électoraux consécutifs en 2008, en tant que candidate suppléante de Patrice Alteri aux cantonales et membre de la liste d’opposition à Jean-Paul Duclos aux municipales.
Réussite professionnelle et mobilisation de la « compétence » dans le jeu politique local
31En 2008, le mode d’exercice du pouvoir politique incarné par Jean-Paul Duclos pèse sur la formation de la liste d’opposition municipale et sur ses logiques de démarcation. La liste constituée quelques semaines avant le premier tour de l’élection est politiquement hétérogène ; des Germanois clairement étiquetés à droite côtoient des candidats connus pour leur engagement au PS. En réalité, comme le reconnaît quelques mois plus tard en entretien Fabrice Maillard, la tête de liste, « en gros, c’est le “tout sauf Duclos” qui se met en place » au début de l’année 2008. La personnalisation des rapports politiques « se retourne » contre le maire, plusieurs candidats évoquent un conflit personnel pour justifier leur présence sur cette liste. Au-delà, ceux qui sont à l’initiative de cette coalition dénoncent l’extrême concentration du pouvoir – à l’exception de deux ou trois adjoints, « on n’entend jamais » les conseillers municipaux – ainsi que le clientélisme du maire, qui ferait notamment « passer par lui toutes les attributions de logements sociaux [42] ». Pendant la réunion publique du 4 mars 2008, la liste d’opposition propose une image inversée. C’est d’abord le collectif que l’on met en scène, et le choix de la tête de liste est présenté comme l’émanation des réunions préparatoires. Ce sont ensuite les compétences individuelles qui sont valorisées, ces compétences étant associées aux professions exercées et aux connaissances accumulées dans différents secteurs (« l’entreprise », l’éducation, la culture, l’agriculture, etc.).
32Chantal Guillebot fait partie du petit groupe qui a pris l’initiative de cette réunion. Candidate sur une liste « de gauche » en 2001, elle siège au conseil municipal depuis 2004 et occupe la deuxième place sur la liste d’opposition en 2008. Comme Fabrice Maillard, la tête de liste, elle travaille dans la préfecture d’un département voisin, où elle exerce la fonction d’inspectrice de l’Éducation nationale. Ainsi, les deux principaux représentants de l’opposition municipale ne travaillent pas à Saint-Germain, ce qui sera d’ailleurs relevé par l’équipe sortante, mais cette extériorité (partielle) est aussi le produit d’une réussite professionnelle qui les autorise en retour à s’engager dans l’espace public local.
33Chantal Guillebot n’est pas originaire du Germanois, elle a vécu son enfance et sa jeunesse en région parisienne. Titulaire d’une licence de sciences de l’éducation au début des années 1970 (obtenue à l’université Paris 8), elle passe ensuite le concours de l’École normale, avant d’être nommée institutrice dans une école de Seine-Saint-Denis. Parallèlement, et jusqu’au début des années 1980, Chantal milite au Parti communiste dans ce même département, comme sa mère et son mari. Elle s’installe en Bourgogne en 1992, à l’âge de 44 ans, quelques mois après avoir divorcé. Elle est d’abord affectée à l’école primaire d’une petite commune du Germanois, avant de prendre en 1994 la direction de l’école maternelle de Saint-Germain. Elle occupe ensuite le poste de conseillère pédagogique sur le secteur jusqu’en 1999, puis réussit le concours d’inspecteur de l’Éducation nationale. Cette ascension au sein de l’institution scolaire conforte sa position sociale dans l’espace local, au cours d’une période également marquée par la rencontre de son second mari, doté d’un fort capital culturel. Né dans la région au début des années 1950, titulaire d’une licence d’histoire de l’art, ce dernier a exercé le métier de luthier et facteur de vielles à roue dans le canton de Saint-Germain jusqu’à la fin des années 1980, avant de devenir professeur des écoles.
REPAS DE LA LISTE RASSEMBLEMENT POUR AGIR (Fleury-d’Aude, 2008). Les réunions publiques constituent des moments de mise en scène du collectif et d’affirmation des principes de démarcation à l’égard des listes concurrentes.
REPAS DE LA LISTE RASSEMBLEMENT POUR AGIR (Fleury-d’Aude, 2008). Les réunions publiques constituent des moments de mise en scène du collectif et d’affirmation des principes de démarcation à l’égard des listes concurrentes.
REPAS DES ANCIENS (Fleury-d’Aude, 2008). Dans ce type de configuration sociale, la détention de capitaux distinctifs, culturel ou économique, et la visibilité d’une réussite professionnelle ne suffisent pas à assurer l’élection, les principaux candidats doivent également travailler à réduire la distance sociale, ce qui suppose une maîtrise pratique des échanges dans différentes situations.
REPAS DES ANCIENS (Fleury-d’Aude, 2008). Dans ce type de configuration sociale, la détention de capitaux distinctifs, culturel ou économique, et la visibilité d’une réussite professionnelle ne suffisent pas à assurer l’élection, les principaux candidats doivent également travailler à réduire la distance sociale, ce qui suppose une maîtrise pratique des échanges dans différentes situations.
34En 2008, parallèlement à l’élection municipale, Chantal se présente également à l’élection cantonale, en qualité de suppléante du candidat Patrice Alteri. Quelques jours après le premier tour, Chantal nous explique qu’elle « représente socialement quelque chose » :
« Je représente quand même quelque part, je dirais socialement, quelque chose qui peut être une image du Germanois actuel et une ouverture, c’est-à-dire que à la limite peut-être que des gens qui… peut-être que des gens venant de la région parisienne peuvent à un moment trouver sur un territoire une opportunité de reconstruire une vie, reconstruire une carrière. C’est peut-être aussi une ouverture qu’il faut, qu’il faut proposer, c’est pourquoi on s’inscrivait dans une complémentarité [avec Patrice Alteri] : vingt ans de vie sur le territoire germanois, j’y ai travaillé, j’y ai construit une carrière, j’y ai construit une famille, j’ai pas du tout la même, j’ai pas la même crédibilité que celle de Patrice, en revanche bon, je propose une autre crédibilité qui est donc une connaissance des services de l’État. »
36Patrice Alteri, Chantal Guillebot et Fabrice Maillard se connaissent, s’apprécient et fondent leur engagement politique sur des principes de démarcation analogues. En effet, tous trois mettent en avant leurs « compétences » respectives pour justifier leur commune opposition au leadership exercé par Jean-Paul Duclos. Ainsi, Fabrice Maillard, gérant d’une PME qui a obtenu il y a peu un master en « Management des entreprises », mobilise ses connaissances en économie pour s’opposer aux choix budgétaires du maire lors des différentes séances du conseil municipal observées après l’élection de 2008. Au sein de ce conseil, où l’opposition ne compte que six élus, Chantal s’appuie sur sa « connaissance des services de l’État » et intervient prioritairement sur les questions scolaires, et ce dans un espace où elle est la seule femme à prendre régulièrement la parole. En effet, la compétence statutaire apparaît ici d’autant plus distinctive que les échanges verbaux ne concernent en réalité qu’une minorité de conseillers, le maire et son adjoint aux finances (cadre du secteur public) pour la majorité (composée de 23 élus), soutenus par la secrétaire générale des services, et les quatre membres de l’opposition auxquels ils s’adressent principalement.
37Si le fait de mobiliser, dans la compétition politique, des connaissances et des savoir-faire initialement acquis, affirmés et confirmés dans la sphère professionnelle ne constitue pas un phénomène récent, il faut en analyser les significations et les implications dans les différentes configurations étudiées. Dans le Germanois, le recours à ce registre de légitimation politique n’est pas sans relation avec l’effacement progressif de certaines catégories sociales, les professions libérales en particulier, qui n’avaient pas (ou à un degré moindre) à attester de leurs capacités à gérer une commune. Sur ce terrain d’enquête, le renouvellement du personnel politique s’est probablement accompagné d’une « dénaturalisation » des prétentions à l’exercice du pouvoir politique et de la diffusion d’une contrainte de justification, et ce d’autant plus lorsque les espaces de validation des capacités sont extérieurs à l’espace local et les réussites professionnelles en partie soustraites au regard des habitants de la commune, comme c’est le cas pour Patrice Alteri et Chantal Guillebot. Par ailleurs, la valorisation des parcours professionnels sert ici de contrepoint aux échecs professionnels du maire, dont on laisse entendre qu’ils étaient annonciateurs de son incapacité à enrayer le déclin de la ville. Pour autant, si ces ascensions professionnelles confortent les positions occupées dans l’espace social local, elles peuvent aussi conduire à un éloignement des milieux populaires. En 2008, Chantal, inspectrice, n’est plus au contact des élèves et des parents d’élèves des écoles primaires du Germanois ; Fabrice a certes grandi dans un quartier populaire de Saint-Germain, mais il a quitté la ville entre 1991 et 2007 et a surtout fréquenté des cadres et chefs d’entreprise au cours de son évolution professionnelle. Par conséquent, dans ce cas précis, les réussites professionnelles de ceux qui cherchent à incarner « la compétence » ne peuvent empêcher le maire d’entretenir ses relations dans les quartiers populaires, où il recueille habituellement le plus de suffrages.
38Dans des bourgs tels que Saint-Germain et Fontenay, l’accès à des fonctions politiques semble aujourd’hui être conditionné à la détention d’un capital scolaire [43]. Ce ne sont plus, comme dans les années 1950-1970, années de croissance des économies locales, les élites économiques (comme les gros indépendants, les professions libérales, les chefs d’entreprise ou leurs représentants) qui occupent les lieux d’exercice du pouvoir politique local, mais bien les représentants d’une petite bourgeoisie rurale renouvelée, cadres et membres des professions intermédiaires dotés d’un capital culturel relativement important. À l’encontre des représentations d’un monde rural exclusivement agricole et maintenu à l’écart des évolutions constatées dans les zones urbaines, le rôle de l’État paraît ici essentiel dans l’émergence de nouveaux mécanismes de différenciation sociale et dans la redéfinition des chances d’accès aux positions dominantes. Comme dans les espaces urbains, les formes prises par les luttes politiques sont déterminées par les appartenances sociales des élus et prétendants, par les rapports différenciés au populaire qu’elles induisent et les pratiques de gestion de la distance sociale qu’elles contribuent à stabiliser.
39Mais ce renouvellement du personnel politique local accentue l’importance du travail de conversion des ressources sociales en savoir-faire politiques. En effet, dans une configuration caractérisée par la faiblesse des structures de représentation des classes populaires, les oppositions entre membres de cette petite bourgeoisie ont essentiellement pour enjeu les tentatives de redéfinition des pratiques clientélaires en vigueur dans la période antérieure [44]. Or, à la différence des indépendants et professions libérales, qui bénéficiaient des relations personnalisées construites dans l’exercice même de leur profession [45], les membres de cette petite bourgeoisie rurale ne peuvent s’appuyer sur un même type d’interactions sociales pour constituer et entretenir des réseaux d’interconnaissance. Ce travail de conversion se révèle d’autant plus délicat que le déclin de l’économie du Germanois et la restructuration des services publics tendent à fragiliser ou à éloigner les espaces professionnels qui portent les aspirations politiques. Ainsi, au-delà des effets de contextes singuliers, et quelle que soit l’échelle d’analyse adoptée, la recherche des évolutions de la structure sociale ne peut faire l’économie d’une périodisation fine des rapports entre capital économique et capital culturel. Si la petite bourgeoisie qui émergea dans les années 1970 a pu depuis se donner une consistance dans des espaces publics locaux tels que celui du Germanois, c’est tout autant du fait de sa pérennisation propre que de la reconfiguration des rapports entretenus entre classes populaires et détenteurs du capital économique.
Notes
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[1]
Susan Carol Rogers, « Natural histories: the rise and fall of French rural studies », French Historical Studies, 19(2), 1995, p. 381-397.
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[2]
Michel Robert fait ce constat en forme de bilan en 1986 : « Pendant vingt ans, la sociologie rurale a été une sociologie des agriculteurs : il semble que c’était le noyau de sa spécificité, et que tout ce qui n’était pas paysan était hors sujet ou, pire, banal et déjà connu. Marxistes et empiristes s’enfermaient de concert, quoique pour des raisons différentes, dans ce ghetto labouré » (Michel Robert, Sociologie rurale, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 1986, p. 6).
-
[3]
Daniel Halévy, La Fin des notables. Tome II : La République des ducs, Paris, Grasset, 1937 ; Eugen Weber, La Fin des terroirs. La modernisation de la France rurale. 1870-1914, Paris, Fayard, 1983 [1re éd. 1976].
-
[4]
Henri Mendras, Sociologie de la campagne française, Paris, PUF, « Que sais-je ? », 1959, p. 72-73.
-
[5]
Maurice Agulhon, La République au village. Les populations du Var de la Révolution à la IIe République, Paris, Seuil, coll. « L’univers historique », 1979 [1re éd., Plon, 1970), p. 255 ; Pierre Bourdieu, « Célibat et condition paysanne », Études rurales, 5-6, avril-septembre 1962, p. 32-136.
-
[6]
Patrick Champagne, « Les paysans à la plage », Actes de la recherche en sciences sociales, 2, mars 1975, p. 21-24.
-
[7]
Jean-Claude Chamboredon, « La diffusion de la chasse et la transformation des usages sociaux de l’espace rural », Études rurales, 87-88, 1982, p. 233-260.
-
[8]
Danièle Léger et Bertrand Hervieu, Le Retour à la nature. « Au fond de la forêt… l’État », Paris, Seuil, 1979.
-
[9]
Ibid.
-
[10]
Pour une synthèse, voir Serge Bosc, Sociologie des classes moyennes, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2008.
-
[11]
Louis Chauvel, Les Classes moyennes à la dérive, Paris, Seuil, 2006.
-
[12]
Bernard Lahire, « Petits et grands déplacements sociaux », La Culture des individus, Paris, La Découverte, 2004, p. 411-470.
-
[13]
Marie Cartier, Isabelle Coutant, Olivier Masclet et Yasmine Siblot, La France des « petits-moyens ». Enquête sur la banlieue pavillonnaire, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui », 2008.
-
[14]
Violaine Girard, « Une notabilisation sous contrôle : la trajectoire d’un maire rural face à un professionnel de la politique sur la scène intercommunale (1971-1995) », Politix, 83, 2008, p. 49-74.
-
[15]
Ce n’est pas l’objet de ce texte, mais mentionnons le fait que penser relationnellement la structure sociale à partir d’enquêtes localisées conduit à mener parallèlement une ethnographie réflexive. Un certain nombre de propriétés communes avec nos enquêtés a engagé une forme de familiarité avec certains, liée à nos propres origines petites-bourgeoises. Voir Nicolas Renahy, « Mondes ruraux et classes populaires », mémoire pour l’habilitation à diriger des recherches, Nantes, université de Nantes, 2011.
-
[16]
Les noms de lieux et de personnes ont été modifiés, afin de respecter l’anonymat des enquêtés.
-
[17]
Voir Jacques Lagroye, Patrick Lehingue et Frédéric Sawicki (dir.), Mobilisations électorales. Le cas des élections municipales de 2001, Paris, PUF, CERAPS/CURAPP, 2005, et notamment les chapitres consacrés aux villes de Lille, Rennes et Rouen, et aux communes périurbaines de l’agglomération lilloise. Voir aussi Éric Agrikoliansky, Jérôme Heurtaux et Brigitte Le Grignou (dir.), Paris en campagne. Les élections municipales de mars 2008 dans deux arrondissements parisiens, Bellecombe-en-Bauges, Éd. du Croquant, 2011.
-
[18]
Daniel Gaxie et Patrick Lehingue, Enjeux municipaux. La constitution des enjeux politiques dans une élection municipale, Paris, PUF/CURAPP, 1984.
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[19]
Voir notamment : Marc Abélès, « Le degré zéro de la politique », Études rurales, 101-102, 1986, p. 231-269 ; Jean-Louis Briquet, La Tradition en mouvement. Clientélisme et politique en Corse, Paris, Belin, 1997 ; Nicolas Mariot et Florence Weber, « “Honneur à notre élu”. Analyse ethnographique d’une coutume post-électorale en Dordogne », Politix, 45, 1999, p. 21-37 ; Sébastien Vignon, « Des maires en campagne. Les logiques de (re)construction d’un rôle politique spécifique », thèse de doctorat en science politique, Amiens, université d’Amiens, 2009.
-
[20]
Daniel Gaxie, La Démocratie représentative, Paris, Montchrestien, coll. « Clefs », 1993, p. 17.
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[21]
Ibid., p. 18.
-
[22]
Gilles Laferté, « Des archives d’enquêtes ethnographiques pour quoi faire ? Les conditions d’une revisite », Genèses, 63, 2006, p. 25-45.
-
[23]
Afin d’éviter toute confusion, les propos des enquêtés insérés dans le corps du texte sont placés en italiques.
-
[24]
Marie-Françoise Souchon-Zahn, « Les nouveaux maires de petites communes. Quelques éléments d’évolution (1971-1989) », Revue française de science politique, 41(2), 1991, p. 197-234.
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[25]
Ibid., p. 199.
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[26]
André Mignot, maire de 1965 à 1989, sénateur de 1971 à 1989 (Républicain indépendant, puis membre du Parti républicain dans l’UDF créée à la fin des années 1970), conseiller régional de 1974 à 1986, agriculteur président de la coopérative céréalière, dirige et finance le club de foot… ; Philippe Rousselot, maire de 1989 à 1995, kinésithérapeute qui dirige la section locale PS mais ne brigue aucun autre mandat que la mairie ; Jean-Paul Duclos, maire depuis 1995, conseiller général depuis 1988, conseiller régional de 1998 à 2002, informaticien « technico-commercial » plusieurs fois licencié, un temps embauché par Mignot à la coopérative au début des années 1980.
-
[27]
Christian Le Bart, « Administration et pouvoir local », in Antonin Cohen, Bernard Lacroix et Philippe Riutort (dir.), Nouveau manuel de science politique, Paris, La Découverte, coll. « Grands repères manuels », 2009, p. 299-310.
-
[28]
La bourgeoisie agricole concentre son action dans le syndicalisme et le contrôle de la Chambre d’agriculture, ou privilégie les stratégies visant à maximiser la réussite économique (exploitations de terres en Europe de l’Est, interventions sur les marchés à terme des céréales). Et ce, contrairement aux décennies 1930-1960 où le contrôle de la politique municipale par les agriculteurs était lié à l’importance de l’activité foncière, voir Marie-Claude Pingaud, « Chronologie et formes du pouvoir à Minot (Côte-d’Or) depuis 1789 », Études rurales, 63-64, 1976, p. 191-203. Les professions libérales, commerçants et chefs de petites entreprises paraissent quant à eux se détourner d’un espace politique qui leur apporte une reconnaissance moindre en regard de l’appartenance à des réseaux qui valorisent la réussite professionnelle (club des entrepreneurs, association de commerçants, Rotary ou Lions Club, aéro-club, etc.). Sur les chefs d’entreprise du Germanois, voir Baptiste Giraud, « La reconfiguration des mécanismes sociaux et politiques de construction d’un groupe patronal local », communication au Congrès de l’AFSP, Strasbourg, septembre 2011.
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[29]
Il n’a jamais exploité plus de 70 hectares, ce qui, dans cette zone de spécialisation céréalière, constitue une petite surface.
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[30]
Au sens où l’entendait Pierre Bourdieu, dans son analyse des différentes fractions de la petite bourgeoisie. Voir « La bonne volonté culturelle », in La Distinction. Critique sociale du jugement, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun », 1979, p. 365-431.
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[31]
Dans le même entretien, il déclare, en amont, que « la vraie politique, c’est la politique de la commune ».
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[32]
Voir Ivan Bruneau, « Recomposition syndicale et constructions des collectifs militants. À partir d’une enquête sur la Confédération paysanne », in Bertrand Hervieu, Nonna Mayer, Pierre Muller, François Purseigle et Jacques Rémy (dir.), Les Mondes agricoles en politique. De la fin des paysans au retour de la question agricole, Paris, Presses de la FNSP, 2010, p. 217-240.
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[33]
Que Pierre Bourdieu qualifiait de « petite bourgeoisie nouvelle » (voir La Distinction…, op. cit., p. 409-421), et que l’on redéfinit comme « petite bourgeoisie culturelle » tant du fait de sa pérennisation que du prolongement de ses principes de différenciation à l’égard de la petite bourgeoisie d’exécution.
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[34]
Claude Grignon, L’Ordre des choses, les fonctions sociales de l’enseignement technique, Paris, Minuit, coll. « Le sens commun », 1971, p. 64. L’enquête a eu lieu en 1965 : Grignon entend par enseignement secondaire long ou supérieur les « lycées classiques et modernes » qui menaient au baccalauréat en recrutant dans les CES et CEG, et s’opposaient aux CET (centres d’apprentissage avant 1960) qui recrutaient à l’issue de la dernière année d’école primaire et préparaient au CAP. Ces CET représentaient une « école du peuple », ou, plus précisément, de « l’élite des réprouvés » (élite en regard des apprentis « sur le tas » qui ont un taux de réussite au CAP nettement moindre que les élèves de CET).
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[35]
L’usine, qui appartenait initialement à un groupe national, embauchait encore 400 personnes en 1979. Elle a depuis connu de multiples changements d’enseignes, appartient actuellement à un groupe international, et ne compte plus qu’une cinquantaine de salariés.
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[36]
C. Grignon, L’Ordre des choses…, op. cit., p. 48.
-
[37]
Alf Lüdtke, « Le domaine réservé : affirmation de l’autonomie ouvrière et politique chez les ouvriers d’usine en Allemagne à la fin du XIXe siècle », Le Mouvement social, 126, 1984, p. 29-52.
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[38]
P. Bourdieu, La Distinction…, op. cit., p. 404.
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[39]
Sur la mobilisation de l’autochtonie par les élus des petites communes rurales, voir Thibault Marmont, « Devenir “amateur” en politique. Les ressources politiques des élus ruraux », in Sylvain Barone et Aurélia Troupel (dir.), Battre la campagne. Élections et pouvoir municipal en milieu rural, Paris, L’Harmattan, 2010, p. 115-139.
-
[40]
Début mars 2008, au cours d’une réunion publique à Fontenay pendant la campagne pour l’élection cantonale, Jean-Paul Duclos affirme à son auditoire : « Je note tout, je peux vous dire combien de fois je suis venu à Fontenay et les personnes que j’ai vues. »
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[41]
Jean-Noël Retière, « Autour de l’autochtonie. Réflexions sur la notion de capital social populaire », Politix, 63, 2003, p. 121-143 ; Nicolas Renahy, « Classes populaires et capital d’autochtonie. Genèse et usages d’une notion », Regards sociologiques, 40, 2010, p. 9-26.
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[42]
Ce que le maire nous a en partie confirmé : « Les gens des HLM, ils viennent ici quoi [à la mairie], ils viennent me voir pour leur logement, donc après ils s’en rappellent. »
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[43]
Nous avons constaté le même phénomène sur la scène intercommunale, nos observations rejoignant les résultats de l’enquête menée par Sébastien Vignon sur les communautés de communes rurales de la Somme. Voir « Les élus des petites communes face à la “démocratie d’expertise” intercommunale. Les “semi-professionnels” de la politique locale », in S. Barone et A. Troupel (dir.), Battre la campagne…, op. cit., p. 189-224.
-
[44]
Jean-Louis Briquet, « La politique au village. Vote et mobilisation électorale dans la Corse rurale », in Jacques Lagroye (dir.), La Politisation, Paris, Belin, coll. « Socio-histoires », 2003, p. 31-45.
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[45]
Sur le cas des médecins, voir Yves Pourcher, « Tournée électorale », L’Homme, 119, 1991, p. 61-79.