Notes
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[1]
Le terme d’efficacité est polysémique : il peut aussi bien désigner la conformité à des indicateurs très partiels (le taux de chômage, par exemple, est un indicateur partiel au sens où sa réduction ne dit rien de l’exclusion d’une partie des demandeurs d’emploi, qui résulte des modifications administratives durcissant l’accès au statut) que l’atteinte d’un objectif collectivement partagé par une organisation (la santé pour la médecine ou l’éducation pour l’école). La conformité à des objectifs partiels peut parfaitement s’opposer à l’efficacité entendue comme ensemble de réponses à des besoins collectifs (d’éducation, de santé, de protection contre l’insécurité sociale, etc.).
-
[2]
Joël Birman, « L’éclipse du sujet et de la singularité dans le discours de l’évaluation », Cahiers internationaux de sociologie, 128-129, 2010, p. 217-244.
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[3]
On retrouve là la distinction que proposait Robert Castel entre l’expertise instituante et l’expertise comme « relation de service ». L’expert instituant est celui qui élabore à la fois le diagnostic et les prescriptions, dans une situation de non extériorité du savoir par rapport à ses usages. Quant à la relation de service, elle pourrait prendre deux modalités : « l’expertise proprement dite, lorsque l’analyse est faite à la demande d’une institution qui va elle-même exploiter les informations pour éclairer ses décisions, surmonter ses conflits, maximiser son rendement, etc., et l’évaluation lorsque l’intervention de l’expert est demandée par un tiers qui a un droit de regard sur le fonctionnement ou le financement d’un service (par exemple une DASS demandant l’évaluation de ses équipes de terrain) ». Voir Robert Castel, L’Expert mandaté et l’expert instituant, Colloque « Situation d’expertise et socialisation des savoirs » du CRESAL, Saint-Étienne, 14-15 mars 1985, p. 81-92.
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[4]
Claude Seibel, « Genèses et conséquences de l’échec scolaire : vers une politique de prévention », Revue française de pédagogie, 67, 1984, p. 7-28. Pour des travaux plus récents, voir la thèse de Thierry Troncin, « Le redoublement : radiographie d’une décision à la recherche de sa légitimité », doctorat de 3e cycle en sciences de l’éducation, Dijon, Université de Bourgogne, 2005.
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[5]
Comme l’opposition par certains enseignants ou représentants de parents d’élèves à des méthodes ou des programmes au nom des valeurs expressives (valorisation de l’épanouissement de l’enfant, de son rythme, de sa créativité, etc.), sans prise en compte de la question de l’efficacité et donc aussi, de la capacité qu’a l’école de réduire les inégalités d’origine sociale.
-
[6]
Michel Foucault, Naissance de la clinique, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2003 [1re éd. 1963] ; Nicholas D. Jewson, “The disappearance of the sick-man from medical cosmology, 1770-1870”, Sociology, 10(2), mai 1976, p. 225-244.
-
[7]
David Armstrong, “The patient’s view”, Social Science and Medicine, 18(9), 1984, p. 737-744.
-
[8]
Barney G. Glaser et Anselm L. Strauss, Awareness of Dying, Londres, Aldine, 1965.
-
[9]
Isabelle Baszanger, Douleur et médecine, la fin d’un oubli, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 1995.
-
[10]
Nicolas Dodier, L’Expertise médicale. Essai de sociologie sur l’exercice du jugement, Paris, Métailié, coll. « Leçons de choses », 1993.
-
[11]
Howard S. Becker, Blanche Geer, Everett C. Hughes et Anselm L. Strauss, Boys in White. Student Culture in Medical School, New Brunswick (New Jersey), Transaction Books, 2008 [1re éd. 1961] ; Eliot Freidson, La Profession médicale, Paris, Payot, 1984 [1re éd. 1970].
-
[12]
Rose Laub Coser, Life in the Ward, East Lansing (Michigan), Michigan State University Press, 1962 ; Raymond S. Duff et August B. Hollingshead, Sickness and Society, New York, Harper & Row, 1968 ; Antoinette Chauvenet, Médecines au choix, médecine de classes, Paris, PUF, coll. « Politiques », 1978.
-
[13]
Pierre Lascoumes, « Représenter les usagers », in Isabelle Baszanger, Martine Bungener et Anne Paillet (dir.), Quelle médecine voulons-nous ?, Paris, La Dispute, coll. « États des lieux », 2002, p. 107-125.
-
[14]
Howard S. Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, coll. « Observations », 1985 [1re éd. 1963], p. 106.
-
[15]
Sarra Mougel-Cojocaru, « Les pédiatres face aux parents d’enfants hospitalisés : entre étiquetage et travail d’accompagnement », in Thomas Le Bianic et Antoine Vion (dir.), Action publique et légitimités professionnelles, Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », 2008.
-
[16]
Jean-Michel Chapoulie, « Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels », Revue française de sociologie, 14(1), 1973, p. 100.
-
[17]
Voir par exemple Vincent Dubois, La Vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, coll. « Études politiques, 2003.
-
[18]
Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995.
-
[19]
Hélène Buisson-Fenet, « Un “usager” insaisissable ? Réflexion sur une modernisation mal ajustée du service public d’éducation », Éducation et Sociétés, 14, 2004, p. 156.
-
[20]
Philippe Gombert, L’École et ses stratèges. Les pratiques éducatives des nouvelles classes supérieures, Rennes, PUR, coll. « Le sens social », 2008.
-
[21]
Albert O. Hirschman, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 1995.
-
[22]
Isabelle Berrebi-Hoffman, « Évaluation et élitisme : d’une alliance à l’autre », Cahiers internationaux de sociologie, 128-129, 2010, p. 80.
-
[23]
Sur ce point, voir Florent Champy, Nouvelle Théorie sociologique des professions, Paris, PUF, coll. « Le lien social », 2011.
-
[24]
Ibid.
-
[25]
Voir à ce sujet la critique qu’en fait Pierre Bourdieu : « Profession est un mot du langage commun qui est passé en contrebande dans le langage scientifique ; mais c’est surtout une construction sociale, le produit de tout un travail social de construction d’un groupe et d’une représentation de ce groupe, qui s’est glissé en douce dans la science du monde social. C’est ce qui fait que le “concept” marche si bien. Trop bien en quelque sorte : si vous l’acceptez pour construire votre objet, vous trouverez des listes toutes faites, des centres de documentation rassemblant les informations à son sujet et peut-être, pour peu que vous soyez habile, des fonds pour l’étudier. Il renvoie à des réalités en un sens trop réelles, puisqu’il saisit à la fois une catégorie sociale – socialement édifiée en surmontant par exemple les différences économiques, sociales, ethniques qui font de la profession des lawyers un espace de concurrence – et une catégorie mentale » (Réponses. Pour une anthropologie réflexive, Paris, Seuil, 1992, p. 202-203).
-
[26]
Voir le rôle de la sociologie des organisations dans le passage des pairs aux experts tel que souligné par Catherine Vilkas, dans « Des pairs aux experts : l’émergence d’un “nouveau management” de la recherche scientifique, Cahiers internationaux de sociologie, 126, 2009, p. 61-79 ; pour une analyse des ambivalences de l’expertise en éducation, voir Franck Poupeau, Une Sociologie d’État. L’école et ses experts en France, Paris, Raisons d’agir, coll. « Cours et travaux », 2003.
-
[27]
Sur ce point, voir Nathalie Mons, « Effets théoriques et réels des politiques d’évaluation standardisée », Revue française de pédagogie, 169, 2009, p. 99-137.
-
[28]
Marie-Anne Dujarier, « L’automatisation du jugement sur le travail. Mesurer n’est pas évaluer », Cahiers internationaux de sociologie, 128-129, 2010, p. 135-159.
-
[29]
Richard Whitley, “The transformation of business finance into financial economics: the roles of academic expansion and changes in US capital markets”, Accounting, Organizations and Society, 11(2), 1986, p. 171-192.
-
[30]
Sabine Montagne, Les Fonds de pension. Entre protection sociale et spéculation financière, Paris, Odile Jacob, 2006.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
André Orléan, Le Pouvoir de la finance, Paris, Odile Jacob, 1999.
-
[33]
Nicolas Belorgey, L’Hôpital sous pression. Enquête sur le « nouveau management public », Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui/enquêtes de terrain », 2010 ; François Vatin, Alain Caillé et Olivier Favereau, « Réflexions croisées sur la mesure et l’incertitude », Revue française de gestion, 203, 2010, p. 163-181 ; Sandrine Garcia, « L’expert et le profane : qui est juge de la qualité universitaire ? », Genèses, 70, 2008, p. 66-87.
-
[34]
Marie Christine Bureau, « Du travail à l’action publique : quand les dispositifs d’évaluation prennent le pouvoir », Cahiers internationaux de sociologie, 128-129, 2010, p. 161-175.
-
[35]
Thomas Coutrot, L’Entreprise néo-libérale, nouvelle utopie capitaliste ?, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui/économie », 1998.
-
[36]
Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, Paris, La Fabrique, 2010.
... Mais menez nos discutailleurs dans les champs où poussent le blé, les pommes de terre ou les betteraves. Là il n’y a plus deux solutions : il y en a une, qui permet, avec le minimum de sécurité, la production la meilleure dans le milieu donné. Si vous produisez mieux, avec moins de peine, de meilleures récoltes, on vous tirera son chapeau. Si vous ne parvenez à cette excellence, quelle que soit la solidité de votre démonstration intellectuelle, vous aurez échoué. Il en est de même en éducation. La meilleure méthode, ce n’est pas celle qui se défend le mieux du point de vue théorique, intellectualiste ou scolaristique, mais celle, qui à même les enfants, à même le travail, donne, avec un maximum de réussite, les moissons les plus efficaces. Tant que cette pédagogie nouvelle n’a pas permis dans tous les domaines, pour une dépense égale d’énergie et d’efforts, un meilleur rendement, la cause de cette éducation ne saurait être gagnée ».
2Ce numéro traite des effets concrets qui résultent de la mise en œuvre des pratiques d’évaluation, en particulier des politiques publiques. La démarche consiste, plutôt qu’à livrer une critique morale et a priori, à prendre au sérieux les objectifs d’efficacité, sans oublier le point de vue de ceux auxquels les services sont dispensés. Qu’il s’agisse de réduire la file d’attente aux urgences, de traiter au plus vite les demandes des bénéficiaires de la CMU ou encore de pousser les établissements scolaires à obtenir de meilleurs résultats, ce sont toujours la « qualité du service » et l’« efficacité » qui sont invoquées, parfois en faveur des usagers les plus démunis [1]. Et on ne peut pas occulter que ces questions renvoient à celle des inégalités entre les groupes sociaux, puisque les agents les mieux dotés en capital économique peuvent toujours recourir au privé ou utiliser des passe-droits dans le public pour satisfaire leurs attentes.
Au-delà du débat pour ou contre l’évaluation
3Il faut d’abord attirer l’attention sur ce que les critiques de l’évaluation laissent de côté lorsqu’elles invoquent des valeurs comme « le sujet » dans sa singularité [2], pour rejeter comme de simples produits du néo-libéralisme des politiques d’évaluation de la recherche et de l’université qui reposeraient sur la « raison instrumentale » dont parle Habermas. Il ne s’agit certainement pas ici de défendre ces politiques, mais de souligner les limites d’un discours critique qui s’en prend au principe de l’évaluation, pour lui opposer d’autres principes – par exemple, l’autonomie des professionnels ou le respect des singularités. Les pratiques d’évaluation doivent être analysées en référence aux situations réelles dans lesquelles elles sont mises en œuvre. Selon les cas, elles peuvent aussi bien constituer un dispositif de contrôle et de mise en concurrence des individus au travail qu’un outil de connaissance de la réalité sociale et des effets des politiques publiques ou des pratiques professionnelles [3]. Si la déconstruction de certains dispositifs d’évaluation est essentielle, il ne paraît pas pertinent d’ignorer les préoccupations d’efficacité au motif qu’elles relèveraient de logiques instrumentales et économicistes.
4Le domaine particulièrement sensible de l’éducation est très instructif à cet égard. Depuis les années 1980, nombre de recherches montrent, contre les croyances spontanées des professionnels et des parents, que la pratique répandue du redoublement au cours préparatoire n’améliore pas les résultats des enfants concernés, et qu’elle obère les chances d’une scolarité ultérieure réussie. Elle constitue, de surcroît, une pratique discriminante socialement : les élèves progressent moins à résultats égaux que s’ils entraient en CE1 et, par une série d’effets combinés, ceux qui sont le plus faiblement dotés en capitaux sociaux par leur famille (et en particulier en capital culturel), voient leurs chances de poursuivre une scolarité secondaire (dans de bonnes conditions) fortement altérées [4]. Ces connaissances ont modifié les politiques scolaires au profit d’une recherche d’efficacité en direction des élèves les plus défavorisés.
5De même, la question du rendement proprement scolaire des dispositifs de soutien ou d’accompagnement à la scolarité peut être pensée en fonction des préoccupations d’égalité et pas uniquement à la seule aune de la rentabilité et des performances économiques. Les polémiques pédagogiques gagneraient sans doute à être davantage éclairées par la mesure des résultats atteints par les élèves dans des domaines donnés, plutôt qu’à partir de conceptions particulières de tel ou tel professionnel ou groupe de professionnels [5].
6En médecine, on pourrait tout aussi bien montrer que la manière dont les professionnels font leur travail est essentielle pour la santé et le bien-être des patients : la rapidité de la prise en charge et du traitement, la sûreté du diagnostic, la prise en compte de la douleur, sont décisives et contribuent à la qualité des services publics. Alors qu’aux XVIIIe et XIXe siècles, l’avènement du regard clinique avait placé les maladies plutôt que les malades, et les organes défaillants plutôt que les personnes dans leur ensemble [6], au cœur de l’exercice médical, la perspective s’inverse doucement à partir des années 1950. Apparaissent à partir de cette époque des réflexions sur « le point de vue du patient [7] » qui, si elles demeurent attachées à un patient générique davantage reflet des préoccupations du locuteur, par exemple un professionnel de santé, n’en affichent pas moins l’ambition d’une estimation de l’efficacité des soins par leurs destinataires en tant que personnes. Le rôle des patients dans la division du travail médical est davantage exploré. Ils accomplissent de fait un travail considérable : il leur faut, par exemple, contrôler leur propre corps au moment des interactions avec l’équipe médicale, accomplir des gestes particuliers et même, à l’extrême, savoir « bien mourir [8] ».
7Dans ce contexte, certaines manières d’exercer la médecine apparaissent désormais plus réceptives à une forme d’expérience privée des patients qui remet en cause les catégories cliniques classiques. C’est le cas par exemple de la médecine de la douleur, qui prend en compte cette expérience quand bien même aucune cause clinique ne lui est découverte [9], ou encore des médecins du travail dont la pratique oscille entre la requalification des plaintes des patients comme purement privées et l’utilisation de celles-ci afin de rassembler et de faire circuler les preuves d’un phénomène collectif [10]. La sociologie de la santé, longtemps centrée sur les professionnels, dans la lignée d’Everett Hughes ou d’Eliot Freidson [11], étend ainsi peu à peu son objet aux patients, saisis non plus seulement dans leurs interactions avec les précédents, mais aussi dans leurs appartenances sociales plus larges [12]. Enfin, les pouvoirs publics tentent à leur tour de favoriser l’émergence d’un « point de vue du patient », cette fois à des fins de contrôle de l’activité médicale, notamment par le biais de la reconnaissance de droits individuels comme le « consentement éclairé » aux opérations ou en favorisant la constitution de collectifs d’usagers. Ceux-ci peinent cependant à s’imposer [13].
8Dans ce contexte, se poser la question de l’efficacité de la médecine ne revient ni à renouer avec un regard professionnel orienté par une pure clinique, ou même par les recommandations d’une « médecine des preuves » (evidence based medicine) qui a recours au mode de preuve statistique pour fonder ses diagnostics et thérapeutiques, ni à adopter un « point de vue du patient » générique et socialement désincarné, mais à s’interroger sur les résultats de l’activité médicale pour ses destinataires, en montrant comment ces résultats sont aussi les produits de certaines situations sociales.
9Si on admet que les services publics jouent un rôle actif dans la (re)distribution des ressources sociales et donc dans l’évolution des inégalités, on ne peut pas évacuer la question de leur efficacité et de leur évaluation, comme on le fait lorsqu’on propose de s’en remettre aux seuls « professionnels » pour fixer de manière endogène les conditions de leur succès. L’intérêt de la critique interactionniste de la sociologie fonctionnaliste des professions est d’avoir montré que les « professionnels » pouvaient exercer une forme de monopole sur l’exercice de l’activité et la définition de son excellence, en s’appuyant sur une expertise elle-même adossée sur des savoirs scientifiques. Ainsi Becker observe-t-il que « les membres des métiers de service considèrent généralement que le client est incapable d’évaluer authentiquement le service qu’ils produisent et ils sont extrêmement irrités par les tentatives des clients pour contrôler leur travail. Il en résulte une hostilité et des conflits : les méthodes de défense contre les ingérences extérieures deviennent une préoccupation des membres du métier et une sous-culture se développe autour de cet ensemble de problèmes » [14]. Le travail de Sarra Mougel-Cojocaru [15] sur l’ouverture des services pédiatriques aux familles révèle la manière dont les médecins s’entendent pour invalider de manière systématique leur point de vue et s’évertuent à les « éduquer » plutôt qu’à les entendre. Jean-Michel Chapoulie, quant à lui, a montré dans le cas des enseignants, « que les prises de position des enseignants sur les problèmes de leur pratique professionnelle sont [...] justifiées par la nécessité d’une autonomie vis-à-vis des parents d’élèves ou de l’administration qui résulte (ou devrait résulter) de leur responsabilité et de leur compétence exclusive en ce qui concerne les tâches d’éducation » [16], ce qui ne les empêche pas comme on le sait d’imputer aux déficiences des familles les limites à leur action pédagogique ou d’engager eux-mêmes des jugements de classe dans l’appréciation de leurs élèves.
10Mandatés pour délivrer des prestations à des bénéficiaires de l’action publique, les professionnels peuvent user de la situation pour exercer des formes de domination symbolique, même si le modèle wébérien de la domination rationnelle légale a été ébranlé par tous les travaux sur les différentes manières qu’ont les agents de se situer vis-à-vis de l’usager en fonction de leur trajectoire sociale [17].
11La « démocratie du public » appelée par Manin [18] s’avère également aléatoire, ne serait-ce que parce que le citoyen ou la « société civile » sont, dans une très large mesure, des figures rhétoriques qui masquent l’hétérogénéité des positions sociales des différents groupes ainsi transformés en un improbable sujet collectif. Si, comme l’écrit Hélène Buisson-Fenet, « l’Éducation nationale constitue un cas exemplaire des ambiguïtés qu’une administration de service peut produire lorsqu’il lui faut dessiner ses usagers » [19], ce n’est pas seulement parce que les intérêts des élèves et des parents en matière de scolarité ne sont pas systématiquement convergents. C’est surtout parce que les parents d’élèves ne forment pas un groupe homogène doté d’intérêts communs. Leurs représentants, on le sait, appartiennent aux classes moyennes et supérieures [20] et ils n’ont qu’un pouvoir limité sur la définition de la pédagogie. L’exemple de la carte scolaire et de ses assouplissements successifs montre bien les effets inégalitaires d’une faible régulation par l’État des demandes des usagers du service public. Pour autant, la place réduite conférée aux familles dans l’institution scolaire (et pas uniquement aux représentants des parents d’élèves) est-elle garante d’une meilleure qualité du système éducatif ? N’est-ce pas leur absence de statut dans l’institution scolaire qui les cantonne à un rôle de « consommateur d’école » ?
12Le modèle d’Hirschman (« Exit, Voice and Loyalty » [21]) a souvent été mobilisé pour décrire les relations entre service public et usagers, mais il faut encore se demander comment ces derniers peuvent se faire entendre au sein d’institutions comme le système éducatif ou l’hôpital. À ce titre, le procédé qui consiste à mesurer « la satisfaction de l’usager » n’est pas un outil neutre : il individualise le point de vue et le réduit à être l’expression d’une subjectivité, empêchant la constitution d’une expertise plus collective sur les conditions d’accueil des élèves, des patients ou d’autres destinataires d’un bien public.
13Il ne suffit donc pas de critiquer l’évaluation au nom de la défense, fut-elle scientifiquement argumentée, des professionnels, de la suprématie du politique sur les groupes particuliers ou encore d’une conception de la valeur qui devrait échapper à toute mesure. L’évaluation n’est pas séparable d’un contexte économique et social qui lui imprime sa signification et façonne ses effets. Il s’agit donc davantage d’analyser les contradictions par rapport aux objectifs théoriques et les effets contreproductifs de certaines formes de l’évaluation que d’en récuser le principe.
État, marché, professions
14Dans cette perspective, Isabelle Berrebi-Hoffman [22] propose de s’appuyer sur la trilogie des pouvoirs de Freidson pour comprendre que ce qui est en jeu actuellement dans les formes précises que prend l’évaluation aujourd’hui. Ces trois pouvoirs concurrents (et potentiellement alliés ou adversaires), sont le marché qui « assure l’efficacité du système productif », les professions (juristes, médecins, enseignants-chercheurs) qui « sont responsables des services qu’ils rendent à la société » et l’État, « garant de l’intérêt général ». « L’équilibre est instable, écrit Freidson, car marché, État et professions, deux à deux haïssent chez le troisième un des traits qui le caractérisent. L’État et le marché abhorrent les corporatismes, obstacles à la fluidité du marché et contrepouvoirs à la régulation étatique. Professions et marché ne peuvent supporter la bureaucratie d’un État coûteux, peu performant et arrogant. Professions et État dénoncent un marché peu soucieux d’intérêt général ». Ce modèle théorique invite à analyser les réformes souvent évoquées du New Public Management, par exemple dans les secteurs de l’hôpital, de la justice, de l’enseignement et de la recherche, comme étant à la fois la cause et la conséquence d’une alliance entre marché et État et non pas simplement comme le produit d’un désengagement de l’État et d’une offensive menée contre un certain nombre de professions [23].
15La lecture qu’Isabelle Berrebi-Hoffman présente des relations entre savoirs experts et élites financières, bourgeoises et entreprenariales, aide à comprendre l’émergence et le rôle d’un corps d’experts qui viennent renforcer l’action publique, avec la formation d’un marché d’experts d’État qui s’imposent comme de véritables intermédiaires de toutes décisions et actions politiques. Tandis qu’au tournant du XIXe au XXe siècles, les « appareils d’État » qui se complexifient et s’étendent s’appuient sur de nouveaux savoirs et méthodes d’analyse issus des sciences administratives, économiques et sociales, l’alliance entre les professions intellectuelles et l’État se déconstruit aujourd’hui à travers un savoir de la mesure du social qui, pour réformer l’État, les services publics et les professions, introduit des outils et idées issus du marché. Isabelle Berrebi-Hoffman suggère alors « de prendre l’évaluation à la fois comme une pratique et comme un enjeu de pouvoirs reposant sur des institutions et savoirs nouveaux portés par des acteurs experts (les consultants, les auditeurs, les évaluateurs) eux-mêmes organisés en sociétés, entreprises, agences privées ou publiques » [24].
16Ce modèle comporte cependant des limites, et d’abord la réification de ces construits hétérogènes que sont l’État, le marché et les professions. Plutôt que de se satisfaire de ce triptyque, il faudrait idéalement construire ce qui pourrait être désigné comme le champ ou le sous-champ de l’évaluation, à savoir l’espace des relations entre les experts (consultants, auditeurs, évaluateurs, etc.) et les agents de l’État (en fonction des positions qu’ils occupent dans le champ bureaucratique). Le triptyque État/marché/professions occulte en effet les divisions des professionnels existant entre ceux qui ont des intérêts spécifiques à mettre en œuvre ces réformes et les autres. De plus, les changements impulsés ne peuvent s’opérer sans la participation active d’une partie des professionnels concernés qui ont ainsi l’occasion de transformer leur position au sein d’un espace de concurrence, comme en témoigne, par exemple, le rôle joué par des instances comme la Conférence des présidents d’université (CPU) dans les réformes récentes de l’enseignement supérieur. Réduire les relations entre les professions, l’État et le marché à des alliances autonomisant ces entités renforce la perception des réformes comme s’exerçant sous la pression de forces exogènes [25].
17On gagnerait au contraire à analyser les pratiques et les dispositifs d’évaluation comme les productions d’un champ constitué autour d’un nouvel enjeu, la lutte pour imposer de nouveaux critères de performance, comme la bibliométrie ou les critères de Shanghai et surtout la croyance dans la valeur de ces nouveaux indicateurs. Ce champ offre un espace d’intervention à des experts qui sont pour une partie d’entre eux externes (consultants) sollicités par les universitaires investis dans des tâches d’administration mais aussi pour une autre partie, membres du champ scientifique [26]. Les universitaires répondent aussi à des « appels d’offre » lancés par les pouvoirs publics pour réguler la profession (sans parler du financement de la recherche) de sorte qu’il est impossible d’autonomiser État et Profession.
18C’est alors en objectivant les relations entre les différents sous-espaces professionnels que l’on peut saisir ces alliances et comprendre autrement que comme de simples dégâts collatéraux, les effets contreproductifs ou les contradictions qui accompagnent la mise en œuvre concrète des pratiques d’évaluation, par exemple avec le nouveau système d’évaluation des médecins qui n’atteint l’objectif d’accélération des cadences dans les hôpitaux, qu’au prix de retours plus fréquents des patients et donc aussi de soins de moindre qualité.
Les pratiques d’évaluation dans leurs contextes institutionnels et sociaux
19Ainsi, pour reprendre la question précédemment évoquée de l’éducation, le problème ne concerne pas tant les résultats scolaires des élèves et des écoles que la mise en place de dispositifs d’évaluation qui contredisent les missions de service public [27]. Le phénomène de l’évaluation peut donc être examiné à partir de cet écart entre effet concret ex post et objectif théorique ex ante, entre contexte réel de l’implémentation et contexte posé par la justification théorique. Encore faut-il porter attention aux façons dont les collectifs de travail s’organisent face à l’évaluation, s’approprient ou non les objectifs, ainsi qu’aux réactions différenciées des individus, selon leur position au sein de l’organisation et selon leurs dispositions et trajectoires sociales. En effet, l’évaluation prend place dans un contexte de changement organisationnel ou, tout au moins, en suscite un. Elle remet en cause des positions et tous les travailleurs n’y réagissent pas de manière identique. On peut donc interroger l’écart entre effet concret et objectif théorique en se demandant, d’une part, si la réception de l’évaluation par le collectif de travail conduit à une combinaison d’effets dispersés, non anticipée (intentionnellement ou pas) par les promoteurs de la réforme et si, d’autre part, elle produit pour le travailleur une tension nouvelle dont le projet de rationalisation gestionnaire n’avait pas anticipé la portée.
20L’abstraction du travail et l’adoption d’indicateurs de performance induits par l’évaluation ont été repérés par de nombreux travaux [28]. On peut en rendre compte en suivant le processus auquel l’évalué se voit soumis, et dont le travail réellement effectué est rapporté à une grille d’analyse standardisée (les tâches nominales et la manière de les accomplir sont listées). Aussi, les individus à qui on expose les modalités de l’évaluation sont amenés à percevoir, à travers l’objectivation des tâches, une standardisation de leur travail réel. Ils seront par exemple plus conscients de la « segmentation » des tâches ; ils instaureront également une hiérarchie des tâches en fonction de la façon dont celles-ci sont prises en compte par la grille d’évaluation (les moins valorisées seront délaissées) ; enfin, ils affirmeront volontiers respecter plus scrupuleusement les procédures. La spontanéité semble renvoyée au rayon des émotions mal contrôlées et dangereuses pour l’organisation, elle-même pensée comme une machine ou un algorithme. Face à toute situation concrète et singulière, le travailleur doit impérativement faire un diagnostic afin de pouvoir identifier la configuration abstraite à laquelle se référer. Puis la situation est « traitée » selon une arborescence de possibilités déjà anticipées afin de trouver la « solution » déjà conçue. Le travailleur doit donc d’abord se demander dans quel type de situation déjà répertoriée il se trouve pour pouvoir ensuite appliquer la procédure déjà prévue.
21Ces procédures qui visent à réduire l’incertitude des situations réelles, engendrent ainsi une sorte d’abstraction du travail qui transforme profondément les relations professionnelles. L’abstraction peut par exemple se traduire par l’obligation de rompre avec la familiarité qu’entretient un travailleur de service avec son client. Le client réel est alors rapporté au client abstrait dessiné par les procédures : la singularité doit disparaître de l’interaction, comme dans le cas du travail hôtelier où le travailleur avait auparavant l’habitude de nouer une relation « humaine ».
22Une perspective historique analysant plusieurs modes d’évaluation successifs permet cependant de relativiser cet effet d’abstraction et de prendre en compte le contexte dans lequel l’évaluation est mise en œuvre. À cet égard, la finance représente un exemple canonique : parce qu’elle fait l’objet d’évaluations permanentes, elle permet de voir que l’effet de l’évaluation dépend très fortement du contexte dans lequel elle s’inscrit. La façon dont un gérant d’investissement était évalué dans les années 1950 est ainsi bien différente de celle de son homologue des années 1990. La prise de décision d’investissement a en effet pris une tournure plus bureaucratique à partir des années 1970, avec le développement d’un salariat financier employé par les banques et les firmes de gestion d’actifs alors en plein essor [29]. Le contrôle de ces salariés est devenu une préoccupation majeure pour leurs employeurs d’autant plus que les clients de ces firmes, fonds de pension, fondations et trusts, augmentaient leurs exigences en termes de reddition des comptes. Une régulation « managériale » bien éloignée d’une régulation par le marché, dans laquelle les firmes financières auraient été sanctionnées par leurs clients en fonction des performances obtenues en matière de rendement financier, a été mise en place. Les clients ont tenté de contrôler leurs prestataires en leur demandant de respecter des procédures organisationnelles de prise de décision [30].
23Si l’introduction d’un nouveau cadre cognitif, la théorie moderne de portefeuille, définie dans les universités au cours des années 1960 et progressivement adoptée par les praticiens au cours des années 1970-1980, a donné les outils techniques pour évaluer les performances financières, la nouvelle division du travail et le New Management des firmes n’a pas été sans effet sur le type de contrôle dont la décision d’investissement fait l’objet. Le contexte socio-économique propre à la finance des années 1980 (concurrence, spécialisation croissante et multiplication des acteurs, multiplication des innovations financières) a alors poussé les clients à souhaiter investiguer l’origine de la performance de manière à s’assurer de sa reproductibilité et à rémunérer adéquatement la prestation [31]. Les gérants d’investissement, désormais évalués avec une grande précision, ont modifié leur propre mode d’évaluation des titres financiers. Ils ont déplacé l’impératif d’expliquer leurs performances, en exigeant des entreprises dans lesquelles ils investissaient une lisibilité standardisée. Ils ont cessé de prendre en compte la spécificité économique d’une entreprise, la singularité de son mode de production. Or, cette analyse était nécessaire pour fonder le pari sur l’avenir que les investisseurs acceptaient de prendre en achetant tel titre boursier plutôt que tel autre. À rebours de cette opération consistant à distinguer les qualités économiques d’une entreprise particulière, les investisseurs financiers se sont intéressés à décrire cette entreprise dans des termes généraux, communs à tous les financiers, de façon à faciliter la circulation du titre boursier bien plus tôt qu’à investir durablement dans les entreprises [32]. Au final, si l’évaluation financière actuellement pratiquée est responsable du « court-termisme » des investissements financiers, c’est moins son principe générique que son implémentation dans le contexte d’une nouvelle division du travail qui a déterminé ses conséquences pour l’allocation du capital.
24Outre l’abstraction du travail, un autre effet de l’évaluation a fait l’objet d’investigations diverses. Cet effet résulte de la tension entre deux enjeux contradictoires : la mise en conformité des comportements et une injonction de singularisation. Le conformisme des pratiques est revendiqué pour lutter contre l’arbitraire des personnes. C’est qu’en effet l’évaluation est mise en œuvre dans un contexte de disqualification des anciennes manières de faire et s’installe contre les professionnels, en usant d’une rhétorique du changement et de l’obsolescence [33]. Se retrancher derrière des procédures constitue alors une réaction assez générique des travailleurs soumis à l’évaluation. Mais paradoxalement, l’évaluation s’accompagne aussi d’une individualisation des performances et donc d’une singularisation. Cette tension entre le nivellement résultant de la standardisation, et l’injonction de distinction faite aux travailleurs est particulièrement visible avec la montée en puissance de la logique de compétences. Déployant des procédures de recrutement et de sélection toujours plus formalisées, les dispositifs d’évaluation doivent, dans le même temps, employer des critères liés à la personnalité de l’individu, de plus en plus difficiles à objectiver [34]. Un phénomène similaire existe en finance où les gérants d’investissement sont globalement assujettis à des procédures et des raisonnements standardisés mais cultivent une culture professionnelle qui accorde une grande place aux stars de l’investissement.
25Si l’autonomie des évalués semble à la fois niée et promue, le collectif réagit lui aussi de façon différenciée selon les contextes. Le troisième effet qui ressort des études empiriques réunies dans ce numéro engage la question de savoir si l’évaluation contribue à soutenir l’organisation en place ou au contraire à la déstabiliser. Le cas traité par Nicolas Belorgey montre que la décomposition du travail en tâches élémentaires permet au collectif de travail d’externaliser certaines composantes vers d’autres services. Pour réduire le temps de passage en consultation, les agents du service hospitalier d’urgence reportent la réalisation des examens et le suivi de certains patients vers d’autres services de l’hôpital. L’évaluation a ici pour effet de contribuer à une modification de l’organisation qui n’était pas ciblée par les réformateurs. Dans d’autres contextes, le collectif de travail peut s’organiser pour pallier les déficiences structurelles de l’organisation en place. Sylvie Montchatre montre ainsi comment les efforts individuels se solidarisent autour de l’obtention d’une performance collective. Cette réaction pour « sauver la marque » a des conséquences lourdes : l’enrôlement des salariés, c’est-à-dire le fait qu’ils se prennent au jeu, est un obstacle à une critique industrielle de l’organisation. L’évaluation s’avère alors être un frein à la rationalisation au sens de l’ingénieur : elle peut permettre à un système structurellement défaillant de perdurer un certain temps du fait de l’effort des salariés.
26L’hypothèse selon laquelle l’évaluation reporterait finalement sur les salariés la charge de se débrouiller comme ils peuvent pour obtenir la performance fixée semble, à première vue, contradictoire avec la surveillance, individuelle comme collective, dont ils font l’objet. Peuvent-ils être simultanément réduits à suivre mécaniquement des procédures et sommés de faire en sorte que l’objectif substantiel soit atteint ? Cette tension entre une organisation procédurale du travail, conçue pour discipliner les travailleurs, et une finalité substantielle que le dispositif d’évaluation assigne et même contraint d’obtenir, est une caractéristique commune à de nombreuses configurations. Elle appartient sans doute à l’ensemble des modalités de la mise au travail « néolibéral » [35] ou au désir de servitude [36] qui l’accompagne.
Notes
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[1]
Le terme d’efficacité est polysémique : il peut aussi bien désigner la conformité à des indicateurs très partiels (le taux de chômage, par exemple, est un indicateur partiel au sens où sa réduction ne dit rien de l’exclusion d’une partie des demandeurs d’emploi, qui résulte des modifications administratives durcissant l’accès au statut) que l’atteinte d’un objectif collectivement partagé par une organisation (la santé pour la médecine ou l’éducation pour l’école). La conformité à des objectifs partiels peut parfaitement s’opposer à l’efficacité entendue comme ensemble de réponses à des besoins collectifs (d’éducation, de santé, de protection contre l’insécurité sociale, etc.).
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[2]
Joël Birman, « L’éclipse du sujet et de la singularité dans le discours de l’évaluation », Cahiers internationaux de sociologie, 128-129, 2010, p. 217-244.
-
[3]
On retrouve là la distinction que proposait Robert Castel entre l’expertise instituante et l’expertise comme « relation de service ». L’expert instituant est celui qui élabore à la fois le diagnostic et les prescriptions, dans une situation de non extériorité du savoir par rapport à ses usages. Quant à la relation de service, elle pourrait prendre deux modalités : « l’expertise proprement dite, lorsque l’analyse est faite à la demande d’une institution qui va elle-même exploiter les informations pour éclairer ses décisions, surmonter ses conflits, maximiser son rendement, etc., et l’évaluation lorsque l’intervention de l’expert est demandée par un tiers qui a un droit de regard sur le fonctionnement ou le financement d’un service (par exemple une DASS demandant l’évaluation de ses équipes de terrain) ». Voir Robert Castel, L’Expert mandaté et l’expert instituant, Colloque « Situation d’expertise et socialisation des savoirs » du CRESAL, Saint-Étienne, 14-15 mars 1985, p. 81-92.
-
[4]
Claude Seibel, « Genèses et conséquences de l’échec scolaire : vers une politique de prévention », Revue française de pédagogie, 67, 1984, p. 7-28. Pour des travaux plus récents, voir la thèse de Thierry Troncin, « Le redoublement : radiographie d’une décision à la recherche de sa légitimité », doctorat de 3e cycle en sciences de l’éducation, Dijon, Université de Bourgogne, 2005.
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[5]
Comme l’opposition par certains enseignants ou représentants de parents d’élèves à des méthodes ou des programmes au nom des valeurs expressives (valorisation de l’épanouissement de l’enfant, de son rythme, de sa créativité, etc.), sans prise en compte de la question de l’efficacité et donc aussi, de la capacité qu’a l’école de réduire les inégalités d’origine sociale.
-
[6]
Michel Foucault, Naissance de la clinique, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2003 [1re éd. 1963] ; Nicholas D. Jewson, “The disappearance of the sick-man from medical cosmology, 1770-1870”, Sociology, 10(2), mai 1976, p. 225-244.
-
[7]
David Armstrong, “The patient’s view”, Social Science and Medicine, 18(9), 1984, p. 737-744.
-
[8]
Barney G. Glaser et Anselm L. Strauss, Awareness of Dying, Londres, Aldine, 1965.
-
[9]
Isabelle Baszanger, Douleur et médecine, la fin d’un oubli, Paris, Seuil, coll. « La couleur des idées », 1995.
-
[10]
Nicolas Dodier, L’Expertise médicale. Essai de sociologie sur l’exercice du jugement, Paris, Métailié, coll. « Leçons de choses », 1993.
-
[11]
Howard S. Becker, Blanche Geer, Everett C. Hughes et Anselm L. Strauss, Boys in White. Student Culture in Medical School, New Brunswick (New Jersey), Transaction Books, 2008 [1re éd. 1961] ; Eliot Freidson, La Profession médicale, Paris, Payot, 1984 [1re éd. 1970].
-
[12]
Rose Laub Coser, Life in the Ward, East Lansing (Michigan), Michigan State University Press, 1962 ; Raymond S. Duff et August B. Hollingshead, Sickness and Society, New York, Harper & Row, 1968 ; Antoinette Chauvenet, Médecines au choix, médecine de classes, Paris, PUF, coll. « Politiques », 1978.
-
[13]
Pierre Lascoumes, « Représenter les usagers », in Isabelle Baszanger, Martine Bungener et Anne Paillet (dir.), Quelle médecine voulons-nous ?, Paris, La Dispute, coll. « États des lieux », 2002, p. 107-125.
-
[14]
Howard S. Becker, Outsiders. Études de sociologie de la déviance, Paris, Métailié, coll. « Observations », 1985 [1re éd. 1963], p. 106.
-
[15]
Sarra Mougel-Cojocaru, « Les pédiatres face aux parents d’enfants hospitalisés : entre étiquetage et travail d’accompagnement », in Thomas Le Bianic et Antoine Vion (dir.), Action publique et légitimités professionnelles, Paris, LGDJ, coll. « Droit et société », 2008.
-
[16]
Jean-Michel Chapoulie, « Sur l’analyse sociologique des groupes professionnels », Revue française de sociologie, 14(1), 1973, p. 100.
-
[17]
Voir par exemple Vincent Dubois, La Vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, coll. « Études politiques, 2003.
-
[18]
Bernard Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris, Calmann-Lévy, 1995.
-
[19]
Hélène Buisson-Fenet, « Un “usager” insaisissable ? Réflexion sur une modernisation mal ajustée du service public d’éducation », Éducation et Sociétés, 14, 2004, p. 156.
-
[20]
Philippe Gombert, L’École et ses stratèges. Les pratiques éducatives des nouvelles classes supérieures, Rennes, PUR, coll. « Le sens social », 2008.
-
[21]
Albert O. Hirschman, Défection et prise de parole, Paris, Fayard, coll. « L’espace du politique », 1995.
-
[22]
Isabelle Berrebi-Hoffman, « Évaluation et élitisme : d’une alliance à l’autre », Cahiers internationaux de sociologie, 128-129, 2010, p. 80.
-
[23]
Sur ce point, voir Florent Champy, Nouvelle Théorie sociologique des professions, Paris, PUF, coll. « Le lien social », 2011.
-
[24]
Ibid.
-
[25]
Voir à ce sujet la critique qu’en fait Pierre Bourdieu : « Profession est un mot du langage commun qui est passé en contrebande dans le langage scientifique ; mais c’est surtout une construction sociale, le produit de tout un travail social de construction d’un groupe et d’une représentation de ce groupe, qui s’est glissé en douce dans la science du monde social. C’est ce qui fait que le “concept” marche si bien. Trop bien en quelque sorte : si vous l’acceptez pour construire votre objet, vous trouverez des listes toutes faites, des centres de documentation rassemblant les informations à son sujet et peut-être, pour peu que vous soyez habile, des fonds pour l’étudier. Il renvoie à des réalités en un sens trop réelles, puisqu’il saisit à la fois une catégorie sociale – socialement édifiée en surmontant par exemple les différences économiques, sociales, ethniques qui font de la profession des lawyers un espace de concurrence – et une catégorie mentale » (Réponses. Pour une anthropologie réflexive, Paris, Seuil, 1992, p. 202-203).
-
[26]
Voir le rôle de la sociologie des organisations dans le passage des pairs aux experts tel que souligné par Catherine Vilkas, dans « Des pairs aux experts : l’émergence d’un “nouveau management” de la recherche scientifique, Cahiers internationaux de sociologie, 126, 2009, p. 61-79 ; pour une analyse des ambivalences de l’expertise en éducation, voir Franck Poupeau, Une Sociologie d’État. L’école et ses experts en France, Paris, Raisons d’agir, coll. « Cours et travaux », 2003.
-
[27]
Sur ce point, voir Nathalie Mons, « Effets théoriques et réels des politiques d’évaluation standardisée », Revue française de pédagogie, 169, 2009, p. 99-137.
-
[28]
Marie-Anne Dujarier, « L’automatisation du jugement sur le travail. Mesurer n’est pas évaluer », Cahiers internationaux de sociologie, 128-129, 2010, p. 135-159.
-
[29]
Richard Whitley, “The transformation of business finance into financial economics: the roles of academic expansion and changes in US capital markets”, Accounting, Organizations and Society, 11(2), 1986, p. 171-192.
-
[30]
Sabine Montagne, Les Fonds de pension. Entre protection sociale et spéculation financière, Paris, Odile Jacob, 2006.
-
[31]
Ibid.
-
[32]
André Orléan, Le Pouvoir de la finance, Paris, Odile Jacob, 1999.
-
[33]
Nicolas Belorgey, L’Hôpital sous pression. Enquête sur le « nouveau management public », Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui/enquêtes de terrain », 2010 ; François Vatin, Alain Caillé et Olivier Favereau, « Réflexions croisées sur la mesure et l’incertitude », Revue française de gestion, 203, 2010, p. 163-181 ; Sandrine Garcia, « L’expert et le profane : qui est juge de la qualité universitaire ? », Genèses, 70, 2008, p. 66-87.
-
[34]
Marie Christine Bureau, « Du travail à l’action publique : quand les dispositifs d’évaluation prennent le pouvoir », Cahiers internationaux de sociologie, 128-129, 2010, p. 161-175.
-
[35]
Thomas Coutrot, L’Entreprise néo-libérale, nouvelle utopie capitaliste ?, Paris, La Découverte, coll. « Textes à l’appui/économie », 1998.
-
[36]
Frédéric Lordon, Capitalisme, désir et servitude. Marx et Spinoza, Paris, La Fabrique, 2010.