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Article de revue

Pierre Sansot, sociologie itinérante d'un être sensible

Pages 105 à 117

Notes

  • [1]
    Nicole Lapierre, « Le promeneur inspiré », Le Monde, 22.09.2000.
  • [2]
    Garcin Jérôme, « L’esprit de la chère », L’Express, 02.03.1995.
  • [3]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, Paris : PUF, 1991, p. 18.
  • [4]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, Paris : Payot & Rivages, 2004, p. 19.
  • [5]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles de la vie sociale, Paris : PUF, 1986, p. 28.
  • [6]
    Ibid., p. 44.
  • [7]
    Ibid., p. 117.
  • [8]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 20.
  • [9]
    Idem.
  • [10]
    Ibid., p. 21.
  • [11]
    Yves Le Pogam, « L’anthropo-sociologie poétique de Pierre Sansot : les sports et le sensible », Corps et Culture, Pierre Sansot et la poétique du sport, 1995, pp. 102-138. Disponible sur : http:// corpsetculture. revues. org/ document264. html (mis en ligne le 20 octobre 2004).
  • [12]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 9. Voir également ibid., p. 42.
  • [13]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire : la capacité d’outrepasser le sensible », Sociétés, N° 42, 1993, p. 417.
  • [14]
    Patrick Kéchichian (entretien avec Pierre Sansot), « Pierre Sansot en conteur de la tribu », Le Monde, 28.10.1994.
  • [15]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 5.
  • [16]
    Ibid., p. 6.
  • [17]
    François Kasby (entretien avec Pierre Sansot), « Pierre Sansot : invitation à la lenteur », Le Figaro Littéraire, 08.10.1998.
  • [18]
    Mikel Dufrenne, « Préface », in Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 13.
  • [19]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 27.
  • [20]
    Idem.
  • [21]
    Ibid., p. 606.
  • [22]
    Ibid., p. 55.
  • [23]
    François Kasby (entretien avec Pierre Sansot), art. cit.
  • [24]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 35.
  • [25]
    Ibid., p. 616.
  • [26]
    Ibid., p. 74.
  • [27]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, op. cit., p. 10.
  • [28]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 98.
  • [29]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire… », art. cit., p. 412.
  • [30]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 24.
  • [31]
    Ibid., p. 25.
  • [32]
    Ibid., p. 26.
  • [33]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, op. cit., p. 13.
  • [34]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire… », art. cit., p. 414.
  • [35]
    Philippe Genestier, « Misérabilisme ou populisme ? Une aporie des sciences sociales », Revue du Mauss, N° 4, Vol. 2, 1994, p. 249.
  • [36]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, op. cit., p. 15.
  • [37]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 46.
  • [38]
    Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur, Paris : Payot & Rivages, 1998, p. 175.
  • [39]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, op. cit., pp. 23-24.
  • [40]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 46.
  • [41]
    Ibid., p. 34.
  • [42]
    Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur, op. cit., p. 45.
  • [43]
    François Kasby (entretien avec Pierre Sansot), art. cit.
  • [44]
    Gérard Dupuy (entretien avec Pierre Sansot), « Du temps à perdre », Libération, 24.09.1998.
  • [45]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 67.
  • [46]
    Ibid., p 166.
  • [47]
    Mahmoud Miliani, « Sociologies et lien social : des mondes et leurs figurations », Corps et Culture. Études critiques : quel lien social ? Disponible sur : http:// corpsetculture. revues. org/ document498. html (mis en ligne le 20 décembre 2004).
  • [48]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 40.
  • [49]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 611.
  • [50]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire… », art. cit., p. 413.
  • [51]
    Idem.
  • [52]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 608.
  • [53]
    Idem.
  • [54]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 144.
  • [55]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 610.
  • [56]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire… », art. cit., p. 414.
  • [57]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 620.
  • [58]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 95.
  • [59]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 79.
  • [60]
    Pierre Sansot, Ce qu’il reste, Paris : Payot & Rivages, 2006, p. 171.
  • [61]
    Thierry Paquot (entretien avec Pierre Sansot), Pierre Sansot, Université Paris XII, juillet 1996. Disponible sur fiche_article/. Consulté le 15 janvier 2007.
  • [62]
    Pierre Sansot et Gabriel Preiss, « Pique-niques tout terrain en Languedoc », Terrain, N° 12, 1989, p. 80.
  • [63]
    Nathalie Heinich, « Vers une science sociale de l’expérience », Revue du Mauss, N° 28, Vol. 2, 2006, p. 408.
  • [64]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 52.
  • [65]
    Pour sa dénonciation de l’idéologie techniciste des experts et des élites, voir par exemple Rémi Lefebvre, « Être maire à Roubaix. La prise de rôle d’un héritier ? », Politix, Vol. 10, N° 38, 1997, p. 84.
  • [66]
    (Note de la p. 116.) Par exemple l’idée d’attention distraite ou « latéralité » illustrée par Albert Piette, « Implication paradoxale, mode mineur et religiosités séculières », Archives des sciences sociales des religions, Vol. 81, N° 8, 1993, p. 72.
  • [67]
    Voir par exemple la revue Corps et Culture :http:// corpsetculture. revues. org/
  • [68]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 212.
English version

1Le 6 mai 2005 disparaissait le philosophe Pierre Sansot, créateur d’expressions passées à la postérité (Les Gens de peu) et porte-parole célébré d’une critique épicurienne de la modernité (Du bon usage de la lenteur). Cette figure de la pensée urbaine et paysagère française a tracé un chemin hors des sentiers académiques, se jouant de la répartition des disciplines en faisant œuvre d’épistémologue, de sociologue, d’anthropologue, de moraliste et d’écrivain de la vie quotidienne. Pierre Sansot ne s’est guère soucié de ses galons universitaires, « l’indisciplinarité est sa distinction » [1] a-t-on pu lire à son propos. En s’intéressant moins à la société qu’à ses interstices, il s’est plu à observer, de livre en livre, « les formes sensibles de la vie sociale ». Le journaliste Jérôme Garcin l’avait présenté comme un « phénoménologue bachelardien qui poussa un jour l’intempérance jusqu’à dénicher, au bistrot, du ‹ fondamental > dans un plat de tripes. » [2]

2Pierre Sansot a toujours refusé de faire usage d’une caution scientifique, qui sert le plus souvent à se prémunir commodément contre la « connaissance ordinaire ». Il assumait sans artifice l’implication subjective inhérente à toute analyse de la réalité sociale. Pratiquant une sociologie d’inspiration phénoménologique, en prise directe avec le monde, il s’est penché sur les pratiques des acteurs et le sens qu’ils leur attribuent. La parole comme véhicule du sens et du savoir apparaît comme le point nodal de cette démarche qui accorde une importance renouvelée au langage, fissurant du même coup le dogme de l’écriture scientifique comme transcription transparente de la pensée de l’auteur. Dans les années 70, lorsque Pierre Sansot surgit dans le paysage intellectuel français, la perspective dominante, explicative et critique, porte sur les dynamiques macrosociologiques. L’approche microsociologique, pourtant seule à même de circonscrire des objets infimes et singuliers est encore associée à de l’essayisme littéraire, malgré le retentissement grandissant des travaux de Richard Hoggart, Erving Goffman et Harold Garfinkel. Avec Michel de Certeau, Pierre Sansot s’inscrit comme l’un des représentants français les plus stimulants de cette nouvelle vague qui réinventa la façon de faire de la sociologie.

Concept et langage commun

3L’approche de Pierre Sansot en appelle à la subjectivité de l’être engagé, pris et compris dans le monde. L’interprétation apparaît à la fois comme la méthode et l’objet privilégiés l’autorisant à saisir la façon dont nous nous approprions notre environnement [3]. Les réalités doivent être étudiées telles qu’elles se présentent à nous, avec le langage qui sert à les désigner, car « les mots dont on les pare viennent, en fait, d’elles » [4]. La description lui paraît « le seul équivalent verbal et théorique possible de ce que les hommes font de leur vie, de leur corps, de leur espace, et comme ce faire est d’origine et d’intention sociales, il ne peut être mis entre parenthèses par le sociologue. Il doit imaginer (c’est-à-dire restituer avec des images) ce qui n’existe qu’actualisé ou ré-actualisé. » [5] Du point de vue phénoménologique, la perspective constitue la propriété essentielle de l’objet, et elle confère au perçu une richesse jamais achevée. En effet, le perçu est de l’ordre du ceci puis cela, à la différence du concept qui présente à la fois « les six faces du cube ». Par exemple, la ville se donne d’une façon fragmentaire, sur le mode de la succession : « elle n’aura jamais la transparence d’un concept. Je peux en faire l’apprentissage et cela signifie alors que ma prise sur elle est meilleure, que je m’accorde mieux à elle, que je sais comment m’y orienter. Mon perçu deviendra plus riche et plus donnant ; il n’aura pas cédé pour autant la place du concept. » [6] Pour Pierre Sansot, le métalangage implique une certaine prise sur le monde, qui est réductrice et introduit une cassure, un décrochage duquel on ne revient jamais :

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« En ce qui concerne notre quête du sensible, le décrochage me semble irréparable. Celui qui, dans la vie quotidienne, use de ces termes, et ce peut être le cas des hommes quelconques, s’en exile. J’ai en effet, rencontré des habitants qui, dans leur misère existentielle, parlaient du vide social, du processus de massification. (…) Les hommes du commun en avaient fini avec ce monde, le nôtre, où il y a tout simplement des voisins gênants qui font du bruit, des chambres ou des cuisines trop petites et un soleil de printemps qui incite à ouvrir grand les fenêtres. Ils métalangagent leur domicile (pardon, leur habitat), leurs affections (pardon, leurs dimensions relationnelles). »[7]

5Quand Pierre Sansot, à la suite des spécialistes d’urbanisme, remplace « square » par « espace vert », il montre que la réalité désignée de la sorte ne possède plus la même signification, qu’elle est « déréalisée ». Refusant l’ambition de scientificité, il va jusqu’à écrire : « Là c’est la parole dite scientifique qui, non seulement, est nocive mais inexacte. » [8] Le langage conceptuel oublie la relation effective des hommes et des lieux. Le milieu environnant est partie prenante de la constitution du moi, il n’est pas un espace exclusivement fonctionnel et interchangeable. Pierre Sansot prend encore l’exemple du mot « rue » qui est parfois substitué par l’expression d’« artère » ou celle de « voie de circulation ». Ces formulations ne sont pas neutres, affirmant le primat de la fonction, « elles impliquent qu’il est conforme à l’ordre social de livrer la rue à la seule circulation, à une circulation qui en chasserait les hommes » [9]. Et lorsque le gouvernement s’écrie « nous ne céderons pas devant la rue », note malicieusement Pierre Sansot, on comprend qu’il « n’est donc pas indifférent d’employer tel ou tel langage » [10]. La difficulté de concilier ses conceptions philosophiques avec le regard empirique, qui se veut ordonnant, est résolue par le va-et-vient entre description et analyse réflexive. Ainsi que le constate Yves Le Pogam, « c’est à la révélation du latent, visée scientifique propre à l’approche clinique, à laquelle va s’attacher Pierre Sansot, sans rechercher les antécédents causalistes, mais en tenant compte des transformations de l’analyste au cours des entretiens » [11]. Le fond théorique est toujours articulé au réel sur lequel il s’appuie, et c’est le style d’écriture qui établit cette alliance difficile entre l’expression et une norme méthodologique qui lui permet de faire science. Avec Pierre Sansot, littérature et sociologie ne s’opposent pas et l’écriture contribue à la réussite ou à l’échec de la tentative.

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« Puisqu’il existe dans l’apparaître des formes sensibles de la vie sociale un plus dont le concept ne peut pas rendre compte, nous devons nous livrer pour le révéler à une procédure mimétique (…). Nous entendons ne pas nous hisser au niveau d’un métalangage qui en l’occurrence nous exilerait des phénomènes que nous voulons restituer dans leur vivacité recommencée – ce qui n’implique pas que nous succombions à un langage trop familier et imprégné d’une idéologie inconsciente. Il doit bien exister une écriture qui ne relève pas du champ métalangagier et qui ne cède pas aux facilités d’un journalisme rapide. »[12]

7Pierre Sansot est donc de ceux qui disent « rond » plutôt que « cercle », il parle de « ville », pour répondre aux sociologues qui étudient l’« urbain ». Avec la notion de ville, il peut opposer des styles, montrer que chaque cité possède une manière d’être qui lui est propre ou qu’il y a plusieurs façons de s’en emparer, de la connaître. L’écriture constitue autant un moyen de rendre compte des observations que de les mener. « User de la fiction, répétons-le, c’est pour nous une manière de nous absenter du monde, de revenir à lui, de redécouvrir des significations qui avaient échappé à notre premier regard » [13]. Les figures de Pierre Sansot s’apparentent aux idéaux-types wébérien : « Mon cancre est tellement parfait que personne n’est cancre à ce point ; un cancre qui ne serait pas tout à fait cancre, ce n’est pas intéressant pour comprendre la ‹ cancrétude › si j’ose dire. J’aime que les êtres débordent de leur être, de leur essence, aillent jusqu’au bout (…). Pour insinuer le peu dicible ou l’inépuisable, je ruse, j’ai recours à des descriptions, des métaphores, des récits qui, je l’espère, ne sont pas des égarements littéraires. » [14]

8Toute l’œuvre de Pierre Sansot est traversée par l’option théorique d’échapper à l’opposition de l’être et du paraître, du savoir et du perçu. Elle se tient à égale distance de l’intellectualisme et de l’empirisme en désignant le sensible comme lieu d’investigation. Le sensible constitue en effet le point où « se produit la conjonction la plus élémentaire et la plus énigmatique (la plus admirable) du sens et des sens » [15]. La perspective compréhensive présente l’inconvénient de purger le sens de ce qui pourrait comporter des empreintes sensorielles, alors que les tenants de l’objectivisme, de crainte d’altérer les données sensorielles en les verbalisant, recherchent vainement des rapports sociaux purs, en deçà de toute déformation symbolique. Ainsi, pour Pierre Sansot, « la justesse, l’équité ne consiste pas dans une quelconque ascèse, mais à donner chance jusqu’à l’hyperbole à tout ce qui nous éveille ou nous brusque ou nous fait chanceler ou nous attendrit » [16]. Le sensible ne se révèle que par cette capacité singulière à établir une relation avec le monde, il ne peut se circonscrire à une définition close. Pour décrire, exprimer les principes qui fondent le monde, il est donc nécessaire de s’y immerger, de partager ses valeurs communes pour rendre justice à ceux qui l’habitent. Approcher le monde en sympathie « est peut-être le meilleur moyen de le savourer et de le connaître sans pour autant l’affadir » [17]. L’évocation des plaisirs ou des malheurs des hommes s’opère en restituant l’émotion qui touche l’observateur. Cette quête empathique des formes sensibles est parfois soutenue par les outils « classiques » du métier de sociologue, c’est- à-dire des enquêtes sur les modes de vie et les pratiques culturelles qui lui permettent de parfaire cette connaissance de l’apparaître.

La conaturalité

9La démarche de Pierre Sansot, particulièrement explicite dans le cadre de ses réflexions sur la ville, consiste à descendre, avant que le sujet ne se sépare de son œuvre, « vers la co-naissance de l’homme et du monde » [18]. Il s’agit de restituer « ce moment fugitif où les choses sont encore chaudes de la présence du désir, de la détresse humaine, avant que l’humanité ne se soit retirée de ce qu’elle a aimé, désiré, haï » [19]. Ce projet serait impossible si « la présence humaine ne s’était pas déposée sur les lieux de la ville » [20]. Les hommes ont en effet organisé un monde qui regorge de sens. Le sens de la ville vient de ce qu’elle est « essentiellement donnante » et l’homme apparaît comme son « révélant » [21]. La donation d’un sens se situe au niveau élémentaire du sensible et elle est induite par une certaine pratique. Le lieu urbain demande à être parcouru d’une manière déterminée, c’est ainsi qu’« il nous demande de le réactiver et que, par là même, il nous modifie » [22]. Il y a une connivence entre les hommes et la ville, qui est désignée par le concept de conaturalité emprunté à Maurice Merleau-Ponty : « Je suis de la même espèce que le monde, ce qui explique que j’en use avec lui, avec bienveillance et que j’épouse les rythmes qui sont les siens : c’est cette capacité qui fait que je ne me sens pas étranger au monde, que j’y collabore, en quelque sorte, en sympathie. » [23] Le principe d’une « entente » réalisée entre le monde et les hommes justifie l’abandon des modes d’explications causaux reposant sur le parti pris philosophique d’un schisme entre le sujet et l’objet. La principale difficulté que soulèvent les démarches faisant usage de facteurs explicatifs consiste à rendre compte du fait que « les citadins aient pu la connaître par le cœur, la vivre comme on vit et parcourt non pas un corps étranger, mais son propre corps » [24]. La conaturelle de l’homme et de la ville s’avère double : la ville produit autant qu’elle est produite, elle est humanisée autant que l’homme est urbanisé, c’est-à-dire que ce dernier est « de la même pâte que la ville » [25]. Cependant, si les habitants sont « exigés » par la ville, il ne s’agit pas de conditionnement, mais de genèse. En affirmant que la ville est conaturelle à son habitant, Pierre Sansot signifie que non seulement elle est une origine pour ses habitants, mais constitue aussi une fin : elle est le lieu de leur espoir [26]. Il souligne ainsi le principe de la création continue, conséquence de la conaturelle, qui est également au fondement de la perspective de l’ethnométhodologie. La préoccupation du phénoménologue de l’ordinaire est cette déflagration vitale qui fait revenir chaque matin la ville à l’existence. De ce point de vue, les pratiques ordinaires ne sont pas affectées de l’insignifiance dont on les crédite :

« Elles ont pour elles la continuité, ce fond de vie perpétuelle sans lequel notre existence s’interromprait. Elles accordent nos journées, nos saisons entre elles et ce n’est pas peu de chose. Elles nous permettent de nous y reconnaître dans un monde qui change et dans lequel nous nous modifions. »[27]
L’accent mis sur les couches populaires possède ainsi une justification méthodologique. L’individu modeste est plus visiblement lié à son environnement parce que « lui-même vit à même les choses, il use de sa force, il se cogne aux objets, il est un être qui évalue, qui grimpe, qui marche. Il valorise plus que d’autres le proche. » [28] Mais Pierre Sansot se garde bien de croire à une « harmonie universelle » et, comme il l’écrit de façon imagée, « nous nous perpétuons souvent dans l’exil » [29]. La rencontre de l’homme et du monde est plutôt une forme de coïncidence et c’est le monde qui donne stabilité et consistance à l’analyse de Pierre Sansot. Le sens de la démarche, ainsi qualifiée d’« objectale », prend donc le contre-pied de la « psychosociologie », elle va des lieux à l’homme. Par exemple, la difficulté d’être n’est pas la même selon l’endroit où elle est exprimée, si l’on considère son expressivité : « Nous avancerions que l’homme du bistrot a des soucis, celui du café des problèmes, celui du drugstore se heurte à une situation névrotique. » [30] Dans un bistrot, un ennui se transforme presque inévitablement en souci : on a affaire à des habitués, ce que l’on voulait cacher se manifeste. Dans le café, les difficultés se problématisent, car « le café favorise ce détachement, ce recul qui permet d’y voir clair : surtout demeurer seul, ne pas se griser de mots, être pour l’instant spectateur plutôt qu’acteur » [31]. Dans le drugstore, « les confidences ne sont pas de mise », l’homme « ne reçoit aucune aide » [32].

La créativité de l’ordinaire

10Dans son étude sur la culture populaire intitulée Les Gens de peu, Pierre Sansot utilise cette étrange expression pour se démarquer des classifications sociologiques et signifier qu’il ne s’agit pas d’un objet disciplinairement délimité, une catégorie socioprofessionnelle, une classe ou fraction de classe sociale, dont on étudierait les pratiques. L’expression « les gens de peu » sert à identifier et à regrouper des individus qu’une certaine manière de vivre rapproche. Ce déplacement conceptuel a comme conséquence une modification du regard et permet de restituer des pratiques ordinaires en partant des modes de vie et non des groupes constitués [33]. Il met l’accent sur l’autonomie relative des pratiques qu’avait déjà tenté d’approcher Michel de Certeau, ces tactiques à travers lesquelles les hommes affrontent leur condition et subvertissent leur quotidien. Loin d’être du côté du manque, les « gens de peu » retrouvent leur exubérance et leur parole, « leur goût de bonheurs simples qu’ils sont à même d’inventer » [34]. Pour comprendre les pratiques en termes d’autonomie, Pierre Sansot a dû effectuer un travail de décentrement par rapport à la position analytique et de recentrement pour adopter la position du vécu. Il s’est laissé habiter par les règles et les enjeux de ces actes, il a dû actualiser les schèmes permettant de rendre compte du réel dans ce qu’il a de plus significatif pour les intéressés. Il présente la dimension stratégique de l’ordinaire, en montrant les gains de sociabilité, les projets professionnels, résidentiels, matrimoniaux de certains comportements que la lecture macrostructurelle ne sait pas voir. De ce point de vue, le monde devient un cadre plus ou moins ouvert à la réalisation des aspirations. Contre les a priori déterministes relevant d’une conception universalisante, Pierre Sansot propose un différentialisme qui, selon Philippe Genestier, court le risque de cautionner les inégalités en les embellissant [35]. Mais, pour Pierre Sansot, renversant la perspective classique de la sociologie de la domination, le manque ne se trouve pas du côté des « gens de peu » : « Débarrassés en quelque sorte des soucis d’une carrière et d’un avenir, ils appréhendaient d’un œil vivace, parfois gourmand, le présent tel qu’il s’offrait à eux. » [36] Par cette entreprise de mise en valeur de certains groupes sociaux, Pierre Sansot ne cherche pas à dissimuler une empathie honteuse. Cependant, jamais cette amabilité, pour ainsi dire méthodologique, ne vient en soustraction des exigences de la réflexion. S’il hisse l’affect au rang de levier méthodologique, c’est parce que les hommes et les choses déploient un espace affectif irréductible au langage rationalisé. Il existe des zones inertes qui se prêtent à une procédure explicative et des zones effervescentes qui consentent à une « recréation mimétique » [37]. La sympathie analysée et analysante n’est donc pas issue d’une intention débordant d’angélisme, elle constitue un élément essentiel de son travail d’extraction du sens : « À une vision en quelque sorte horizontale, substituons une approche verticale : en l’occurrence, le degré d’engagement dans ce qui se présente à nous. » [38] L’accent mis sur la positivité de la vie sociale tente de dégager le plaisir que les hommes peuvent prendre dans des activités simples [39]. Un fait social est digne d’intérêt pour Pierre Sansot, « dans la mesure où il affecte ceux qui le vivent » [40].

11Pour Pierre Sansot, la démarche ethnologique pèche par son usage méthodologique de la distance à l’objet guidé par un intérêt théorique [41]. Il propose une pratique de recherche plus proche de la vie quotidienne, une orientation buissonnière qui ne bloque ni ne suscite artificiellement les émergences. Dans Du bon usage de la lenteur, il analyse les conditions de possibilité de l’écoute, cette disponibilité de chacun tant au monde extérieur qu’aux frémissements les plus intimes de son être, qui engage l’attention portée aux choses quotidiennes et la formation du sens :

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« Recevoir, se montrer capable de recevoir, nécessite autant d’initiative et de générosité que donner, à tel point que les égoïstes, les infirmes de l’échange, ne sauront jamais écouter. Il ne suffit pas qu’ils ouvrent toutes grandes leurs oreilles ou qu’ils cherchent à comprendre ce qui leur est dit. Il leur faudrait d’un geste superbe instaurer un vide stellaire dans lequel les mots de l’autre voltigent, papillonnent avant de se loger à leur aise. De même nous nous effaçons devant les choses pour qu’elles emplissent notre regard. À la suite de quoi se produit une sorte d’expérience merveilleuse. Une pensée autre que la mienne prend sens en moi. »[42]

13L’errance méthodologique permet d’accéder à des transfigurations inattendues. Le gardien du square prend pour les enfants la forme d’un « père sévère », les habitués deviennent les membres d’un « club », avec ses règles, ses rites et ses rythmes. Pierre Sansot retrouve ce que les lieux comportent de culture vive et la manière dont ils aident à créer de la civilité. Pour lui, « les bricoleurs qui, avant de se mettre au travail, palpent du regard, comme pour apprivoiser la matière […] ont su ne pas intérioriser les cadences qui règnent dans la vie professionnelle » [43]. Les descriptions de maturation, de lentes recherches d’une forme à travers cent tentatives et renoncements sont un moyen pour Pierre Sansot de dévoiler le pouvoir d’invention et de création. Et même dans l’incapacité d’échapper aux déterminations, la lenteur contribue à développer un certain sens critique. « La vitesse ne sait pas qu’elle se répète. La lenteur le sait, elle en éprouve de la confusion et elle se montre circonspecte à l’égard de ce qu’elle croit avoir trouvé. » [44]

14La méthode de l’observateur du quotidien consiste à capter les apparences, celles qui s’offrent à nos sens, les changements de ton, d’atmosphère, de rythme, pour connaître et reconnaître les villes, les lieux, les situations et les histoires dans lesquelles nous vivons. La description s’attache à révéler ces mille nuances qui semblent relever de l’anecdote et que l’on a habituellement tendance à négliger. Mais « tous ces détails constituent la trame de la vie sociale à tel point qu’il n’y a pas grand-chose à rechercher en dehors d’eux, derrière eux » [45]. Car comment reconnaître un lieu, se demande Pierre Sansot, sinon par ses menus détails ou signes ? [46] Il observe les relations entre les personnes, analyse l’interaction entre la mémoire, le raisonnement pratique, la verbalisation et les gestes qui confèrent du sens aux situations. Par son attention à la temporalité des manières d’être, la démarche de Pierre Sansot entreprend de révéler les ethnométhodes, c’est-à-dire l’actualisation des projets d’existence par des procédures, des activités et des normes. La critique de Pierre Sansot porte donc sur l’assimilation trompeuse de la vie quotidienne au répétitif. Le monde ne cesse de se modifier et exige que nous tenions compte de ces changements.

Entre l’individu et le collectif : la trame imaginaire

15Les descriptions de Pierre Sansot sont traversées par une tension : « L’affirmation d’une singularité en rupture avec des catégories générales de perception et de classement (CSP, classes sociales, groupes sociaux, etc.), mais d’une singularité justifiée par son apport à une forme de généralité, d’universalité (‹ la condition humaine ›). » [47] La prise en compte de la dimension de l’imaginaire concilie ces deux aspects antagonistes. En proposant une sociologie de l’expérience et non de l’action, Pierre Sansot ne ramène pas la réalité sociale à ce qui se trouve immédiatement observable, il dépasse l’opposition traditionnelle entre holisme et individualisme en reliant l’expérience individuelle à son substrat collectif, sans pour autant l’y réduire. Sensible et imaginaire paraissent indissociables : dans la vie quotidienne, les objets sont identifiés par l’image à la fois présente et invisible qui s’en dégage. L’imaginaire se déploie dans une poétique car les hommes « se laissent affecter – pour rien, gratuitement, pour leur seul plaisir – par ce qui vient les toucher et de surcroît quand ils sont en nombre, ils entremêlent leurs songes, ils hallucinent cet univers fantastique qui n’est à aucun d’eux » [48]. Cette attention à l’imaginaire qui s’applique à suivre le mode de la rêverie situe Pierre Sansot dans le sillage de Gaston Bachelard et de son recours à la rupture par la création d’images transfigurantes [49]. Leur proximité intellectuelle réside dans la croyance en la force de création des mots. Mais cette création n’est pas libre, car « notre › imaginaire prend place à mi-distance du néant et de l’être. Il ne possède pas un ‹ pouvoir d’idéalité › (de négation du réel) ; il n’est pas pour autant englué dans le monde. Il le re-double. » [50] Le redoublement de l’imaginaire ne constitue pas une simple répétition, l’écart qu’il introduit exhausse l’objet, « nous permettant de le percevoir avec plus de netteté » [51]. Par exemple, la ville implique l’émergence de figures essentielles qui expriment la ville comme la prostituée ou le « frigidaire ». La nécessité d’une poétique vient de ce que les lieux et les trajets ne se donnent pas encore tout à fait au regard vigilant :

16

« Il leur faut devenir ce qu’ils sont et, au terme de cette effectuation, ils se distinguent avec plus de netteté. Les chaises, les assiettes du bistrot, si elles ne retentissent pas longuement, auront, à peu de chose près, la physionomie des chaises ou des assiettes d’un restaurant ordinaire. »[52]

17Mais surtout, l’objet se propage hors de ses limites, il qualifie tout l’espace, non comme « la partie vaut le tout », mais en tant qu’il constitue la totalité d’une certaine façon. Ainsi, un meublé « fait lever tous les possibles de crasse, de malpropreté, d’injustice d’une ville » [53]. Par le principe de conaturalité, le monde retentit dans les êtres, de cette façon, le passage du phénoménologique au poétique n’est en rien l’expression d’une transformation libre du réel. La réduction phénoménologique met de l’ordre dans une multiplicité qui défie l’énumération, elle « limite » le phénomène, réintroduit de la normativité en opérant des variations eidétiques, c’est-à-dire de ses fondements essentiels, permettant de dégager un « noyau dur » dans la réalité labile [54]. L’amplification, la « magnificence du social » méthodologiquement construite ne consiste donc pas « à grossir indûment les phénomènes, à leur attribuer une importance qu’ils n’ont pas (nous verserions alors dans une vision burlesque du monde) mais à nous plier à leurs prétentions, à faire retentir en eux ce à quoi ils aspirent et dont ils portent, en creux, la marque » [55]. Ainsi, le mouvement de la phénoménologie de Sansot procède d’une ouverture-limitation, ouverture qui dévoile le monde et limitation qui le réduit à ses effectuations. L’imaginaire se distingue de l’idéologie en ce qu’il ne promeut rien, alors que cette dernière rationalise et multiplie les démonstrations. L’imaginaire est dès lors sans « pourquoi » [56]. Il ne peut passer pour la belle réconciliation symbolique qui cache les conflits, il montre plutôt que les hommes n’ont jamais été totalement écrasés sous le poids des fatalités sociales : « Nous avons voulu montrer qu’il n’avait pas été possible de leur arracher tout à fait l’appétit de savourer leur ville. » [57]

18La conception de l’imaginaire de Pierre Sansot diffère de celle de Gilbert Durand en ce qu’elle présente des structures qu’on pourrait qualifier de courtes portées. Elle ne recherche pas « des résurgences archaïques ou de formes archétypales constantes » [58]. Les invariants importent peu, c’est le présent attaché à une culture ancrée dans le concret qui l’emporte pour donner sens aux actes dans la vie quotidienne. Le symbole est profondément ambivalent et dynamique, il possède un caractère génératif du fait de son rapport à un monde en construction permanente. Ce caractère génératif du symbole peut être ramené au concept d’illusio de Pierre Bourdieu, si l’on écarte son aspect d’opérateur de déformations et qu’on le saisit dans sa dimension wébérienne de poïétique, de lieu instituant où se crée le sens lié à une action, où s’investissent les espoirs et les craintes des hommes. Pierre Bourdieu considère l’illusio à travers la problématique du conflit, son efficace intégrant la dimension d’opposition, alors que Pierre Sansot analyse l’imaginaire à travers le thème de l’autonomie des pratiques, son efficace le préservant de toute forme de normalisation.

19La lecture poétique, bien que faisant appel à la mémoire, s’enracine dans l’environnement social et matériel immédiat des acteurs, dans un présent perpétuant une tradition culturelle soumise aux changements. La légende qu’il reconstitue remonte à un passé relativement proche et délimité : « Nous vivons dans une ville qui se situe aux alentours des années 1920-1940. » [59] Les personnages de Pierre Sansot, le « noctambule », la « prostituée », la « concierge », le « promeneur », marqués par un certain anachronisme, permettent de comprendre ce qui émerge. Cette « nostalgie méthodologique » est également pratiquée par le biais de la méthode du « vecteur autobiographique ». Dans plusieurs ouvrages (Cahiers d’enfrance, Les pilleurs d’ombres, Chemins aux vents, Ce qu’il reste), l’autobiographie constitue un levier soutenant l’exploration de la contemporanéité. La durée confère une densité à l’existence, de sorte que « le passé n’est pas quelque chose qui me retirerait de mon présent pour ronchonner et le bouder. Il appartient à l’instant que je vis. » [60] Pierre Sansot cherche à rendre compte de la « succession à soi » des hommes, mais aussi des lieux, cette « queue de la comète » suggérée par Maurice Merleau-Ponty :

20

« Ignorer les moments qu’il a dépassés mais qu’il traîne encore après lui et où de quelques manières il loge encore, c’est l’amputer d’une partie de son être. Donc, bien loin de figer une réalité, je voudrais restituer son devenir, qui consiste en ces empiétements étonnants du présent et du passé, et, en pointillé, de ce qu’il s’apprête à produire ou à pâtir. »[61]

21L’accent est mis sur l’alliance entre le « patent » et le « latent », propre à développer cette dynamique de la vie irréductible à toute détermination. Cette perspective consiste donc à naviguer entre nostalgie et innovation, les hommes agissant à coups de mémoire tout autant que sur fond de projets. La dualité entre regret de ce qui n’est plus et prévision de ce qui sera permet de rendre compte de la « plainte encore vive de ce qui fut, l’allusion à des êtres, à des manières de faire dont on fut le témoin et qui contribuent à la sédimentation, à la richesse du présent » [62].

Actualité de Pierre Sansot

22Une difficulté soulevée par l’œuvre de Pierre Sansot est d’être difficilement systématisable, en témoigne le caractère itinérant de ses ouvrages successifs, ne rebroussant jamais chemin, n’esquissant qu’en de rares occasions des synthèses. Ce type de démarche fait courir à la discipline sociologique le risque, évoqué par Nathalie Heinich, de « parcellisation de ses objets et de ses lecteurs dans une myriade de micro-enquêtes, sans qu’aucune problématique commune ne vienne faire consister les acquis sous une forme partageable » [63]. Pierre Sansot refuse la création d’une batterie de concepts communs, puisque dans sa perspective poétique, les mots n’ont de sens que dans leur contexte particulier. Mais si l’exigence de cumulativité propre à l’entreprise scientifique est par principe absente du strict contenu de connaissance qu’il propose, on pourrait trouver une ambition d’élaboration méthodique dans le développement d’un savoir-faire, dans ce « tour de main ou plutôt un tour d’écriture dont nous ne pouvons pas à l’avance préjuger des résultats » [64]. Le souci constamment renouvelé de décrire de la façon la plus fidèle possible l’expérience vécue débouche sur un affranchissement des contraintes académiques insufflant paradoxalement une force de précision et de conviction à des écrits dont la complexification croissante a revêtu des habits de plus en plus dépouillés.

23Pierre Sansot a souvent été une caution pratique rapidement reléguée après avoir été citée – par exemple son expression « les gens de peu » – dans des travaux dont les options théoriques n’entretiennent que peu de rapport avec cette phénoménologie radicale du quotidien. À côté de son influence considérable dans le champ de la réflexion urbaine [65], Pierre Sansot a contribué, par son analyse de la capacité critique de l’acteur, à développer des nouvelles perspectives sur la ritualité [66]. Enfin, ses études sur le sport, le cyclisme, le rugby et le tennis en font une référence incontournable dès lors que l’on désire rendre compte de l’effervescence des stades ou de l’émotion du pratiquant [67]. Mais, au-delà de ces contributions ponctuelles pour les sciences de la société, ne doit-on pas surtout retenir de Pierre Sansot ce vœu d’un chercheur mû par l’ambition de restituer l’univers social sans le trahir : « Puissions-nous ne pas avoir été trop indignes de lui, avoir su le re-présenter dans sa diversité, avoir rendu à nouveau présent, aussi présent que lors de la première mêlée, ce qui nous a crucifiés ignominieusement, superbement, délicatement, jubilatoirement, aux quatre coins du monde, aux mille lieux de nos dérives. » [68]


Date de mise en ligne : 01/06/2007

https://doi.org/10.3917/aco.051.0105

Notes

  • [1]
    Nicole Lapierre, « Le promeneur inspiré », Le Monde, 22.09.2000.
  • [2]
    Garcin Jérôme, « L’esprit de la chère », L’Express, 02.03.1995.
  • [3]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, Paris : PUF, 1991, p. 18.
  • [4]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, Paris : Payot & Rivages, 2004, p. 19.
  • [5]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles de la vie sociale, Paris : PUF, 1986, p. 28.
  • [6]
    Ibid., p. 44.
  • [7]
    Ibid., p. 117.
  • [8]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 20.
  • [9]
    Idem.
  • [10]
    Ibid., p. 21.
  • [11]
    Yves Le Pogam, « L’anthropo-sociologie poétique de Pierre Sansot : les sports et le sensible », Corps et Culture, Pierre Sansot et la poétique du sport, 1995, pp. 102-138. Disponible sur : http:// corpsetculture. revues. org/ document264. html (mis en ligne le 20 octobre 2004).
  • [12]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 9. Voir également ibid., p. 42.
  • [13]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire : la capacité d’outrepasser le sensible », Sociétés, N° 42, 1993, p. 417.
  • [14]
    Patrick Kéchichian (entretien avec Pierre Sansot), « Pierre Sansot en conteur de la tribu », Le Monde, 28.10.1994.
  • [15]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 5.
  • [16]
    Ibid., p. 6.
  • [17]
    François Kasby (entretien avec Pierre Sansot), « Pierre Sansot : invitation à la lenteur », Le Figaro Littéraire, 08.10.1998.
  • [18]
    Mikel Dufrenne, « Préface », in Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 13.
  • [19]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 27.
  • [20]
    Idem.
  • [21]
    Ibid., p. 606.
  • [22]
    Ibid., p. 55.
  • [23]
    François Kasby (entretien avec Pierre Sansot), art. cit.
  • [24]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 35.
  • [25]
    Ibid., p. 616.
  • [26]
    Ibid., p. 74.
  • [27]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, op. cit., p. 10.
  • [28]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 98.
  • [29]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire… », art. cit., p. 412.
  • [30]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 24.
  • [31]
    Ibid., p. 25.
  • [32]
    Ibid., p. 26.
  • [33]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, op. cit., p. 13.
  • [34]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire… », art. cit., p. 414.
  • [35]
    Philippe Genestier, « Misérabilisme ou populisme ? Une aporie des sciences sociales », Revue du Mauss, N° 4, Vol. 2, 1994, p. 249.
  • [36]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, op. cit., p. 15.
  • [37]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 46.
  • [38]
    Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur, Paris : Payot & Rivages, 1998, p. 175.
  • [39]
    Pierre Sansot, Les Gens de peu, op. cit., pp. 23-24.
  • [40]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 46.
  • [41]
    Ibid., p. 34.
  • [42]
    Pierre Sansot, Du bon usage de la lenteur, op. cit., p. 45.
  • [43]
    François Kasby (entretien avec Pierre Sansot), art. cit.
  • [44]
    Gérard Dupuy (entretien avec Pierre Sansot), « Du temps à perdre », Libération, 24.09.1998.
  • [45]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 67.
  • [46]
    Ibid., p 166.
  • [47]
    Mahmoud Miliani, « Sociologies et lien social : des mondes et leurs figurations », Corps et Culture. Études critiques : quel lien social ? Disponible sur : http:// corpsetculture. revues. org/ document498. html (mis en ligne le 20 décembre 2004).
  • [48]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 40.
  • [49]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 611.
  • [50]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire… », art. cit., p. 413.
  • [51]
    Idem.
  • [52]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 608.
  • [53]
    Idem.
  • [54]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 144.
  • [55]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 610.
  • [56]
    Pierre Sansot, « L’imaginaire… », art. cit., p. 414.
  • [57]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 620.
  • [58]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 95.
  • [59]
    Pierre Sansot, Poétique de la ville, op. cit., p. 79.
  • [60]
    Pierre Sansot, Ce qu’il reste, Paris : Payot & Rivages, 2006, p. 171.
  • [61]
    Thierry Paquot (entretien avec Pierre Sansot), Pierre Sansot, Université Paris XII, juillet 1996. Disponible sur fiche_article/. Consulté le 15 janvier 2007.
  • [62]
    Pierre Sansot et Gabriel Preiss, « Pique-niques tout terrain en Languedoc », Terrain, N° 12, 1989, p. 80.
  • [63]
    Nathalie Heinich, « Vers une science sociale de l’expérience », Revue du Mauss, N° 28, Vol. 2, 2006, p. 408.
  • [64]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 52.
  • [65]
    Pour sa dénonciation de l’idéologie techniciste des experts et des élites, voir par exemple Rémi Lefebvre, « Être maire à Roubaix. La prise de rôle d’un héritier ? », Politix, Vol. 10, N° 38, 1997, p. 84.
  • [66]
    (Note de la p. 116.) Par exemple l’idée d’attention distraite ou « latéralité » illustrée par Albert Piette, « Implication paradoxale, mode mineur et religiosités séculières », Archives des sciences sociales des religions, Vol. 81, N° 8, 1993, p. 72.
  • [67]
    Voir par exemple la revue Corps et Culture :http:// corpsetculture. revues. org/
  • [68]
    Pierre Sansot, Les Formes sensibles…, op. cit., p. 212.

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