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Article de revue

La guidance parentale : ses liens avec la psychothérapie et la bientraitance

Pages 521 à 529

1La guidance parentale désigne l’aide apportée par des professionnels à des parents en difficulté face à :

  • Des événements externes à la famille (agression d’un enfant, etc.).
  • Des événements internes à la famille (deuil, précocité intellectuelle, maladie psychique, handicap, adoption d’un enfant, échec scolaire, jalousie, etc.).
  • Des crises familiales évolutives (séparation, divorce, recomposition familiale, émergence d’un secret, etc.).
  • Des difficultés éducatives (problèmes d’autorité, difficultés d’un parent seul, parent possiblement maltraitant, etc).

2La guidance parentale est confrontée à deux questions fondamentales.

1. La première est celle de son rapport à la psychothérapie.

3Le terme de « guidance » est d’origine anglaise. Il a été introduit en français à partir des années 1950. « Guidance » en anglais désigne les conseils. L’expression « for your guidance » signifie « pour votre information ». Dans cette acception, « guidance parentale » désigne l’information, le conseil et le soutien apportés aux parents. La guidance parentale est située sous le signe de l’apprentissage du « métier de parent » en général et dans des conditions particulières. Elle semble se défendre d’induire des changements de type psychothérapeutique.

4Par ailleurs, ce concept doit une large partie de son succès au livre de Jean-Yves

5Hayez La guidance parentale, (5). Cet ouvrage, écrit dans une perspective psychanalytique, invite à prendre en compte la façon dont le psychisme des parents est engagé dans leur conduite parentale.

6Les praticiens se référant à cette approche aident les parents à réfléchir sur leur propre enfance et sur la manière dont celle-ci influence leurs attitudes envers leurs enfants (10).

7La guidance parentale se définit tantôt comme du soutien et des conseils et tantôt comme un véritable travail psychique chez les parents. Le dictionnaire Robert évite cette dichotomie en définissant la guidance parentale comme une « aide psychologique et psychothérapeutique et des conseils apportés par des spécialistes en vue d’une meilleure adaptation ». Par ailleurs, certains n’hésitent pas à parler de « psychothérapie parentale de soutien ».

8Cela soulève des questions importantes :

  • La guidance parentale est-elle de l’ordre de la formation ou de la psychothérapie ? Peut-elle appartenir simultanément à ces deux registres ?
  • Ne fait-elle « que » mobiliser les ressources et développer les compétences des parents ou va-t-elle au-delà ? A-t-elle des effets « thérapeutiques » sur les parents et sur la famille ?
  • Est-elle une alternative à la thérapie, un complément, une stratégie ou une pratique qui lui est étrangère ?
  • Peut-on être « praticien en guidance parentale » sans être thérapeute ? Comment former à la guidance parentale ?

2. A côté de la question complexe de son rapport à la thérapie, la guidance parentale est confrontée à la question de son rapport à la « norme ». Pour

9guider, il faut savoir vers où aller. Cela suppose la référence à des critères, avec tous les risques que cela représente.

10Qu’est-ce qui guide le praticien en guidance parentale ? A quoi se réfère-t-il ?

11Je vais essayer de clarifier le rapport de la guidance à la psychothérapie. Dans un deuxième temps, je montrerai comment cette clarification peut éclairer le rapport de la guidance parentale à la « norme ».

Guidance et psychothérapie

12Voyons les rapports entre guidance et thérapie individuelle d’une part et guidance et thérapie familiale d’autre part.

13La guidance parentale, dans une optique psychanalytique, semble se distinguer de la psychothérapie individuelle des parents par les objectifs, les moyens, les références et les modalités d’évaluation, comme l’indique le tableau I.

Tableau I.

Guidance parentale Thérapie individuelle

Tableau I.
Tableau I. Guidance parentale Thérapie individuelle Objectifs Développer une meilleure qualité Développer la liberté personnelle de la fonction parentale Moyens Entretiens semi-directifs, amener le Libre association, liens dans toutes parent à faire des liens entre ses les dimensions du psychisme, conduites parentales et sa propre enfance analyse du transfert,… Références L’aisance pour être parent vient du Certaine idée de la liberté intérieure, repérage des résonances personnelles de l’équilibre pulsionnel… Fonctions parentales « optimales» Evaluation Aide apportée aux enfants Ouverture de l’horizon, liberté plus Qualité des relations parents-enfants grande (plus que disparition des symptômes)

Guidance parentale Thérapie individuelle

14De même, la guidance parentale semble pouvoir se distinguer de la thérapie familiale par les objectifs, les moyens, les références et l’évaluation (tableau II).

15A ce point de l’analyse, les différences entre guidance et thérapie semblent nettes. Cependant, ces différences permettent-elles de définir la guidance parentale par opposition à la thérapie ? Peut-on qualifier la guidance parentale de « non thérapeutique »? Le changement provoqué par la guidance parentale serait-il de nature différente de celui provoqué par la thérapie ? Peut-on dire que la guidance induirait une simple acquisition de compétences parentales, tandis que la thérapie induirait un changement interne aux personnes et aux systèmes?

Tableau II.

Guidance parentale Thérapie familiale

Tableau II.
Tableau II. Guidance parentale Thérapie familiale Objectifs Soutenir les parents Faire changer le système familial pour Faire émerger leurs compétences que la souffrance disparaisse, pour qu’il soit plus souple, pour qu’il soit plus Leur donner des informations pour conforme à ce qu’il souhaite… qu’ils améliorent leurs attitudes – Changement des règles – Développement des métarègles – « Normalisation» structurale – Amélioration de la communication – Emergence de la créativité de la famille – Diminution de l’impact de secrets, mythes contraignants,…. – Assouplissement des expressions des loyautés… Moyens Ecoute Interventions stratégiques, structurales, Conseil, information transgénérationnelles, narratives, contextuelles… Mise en valeur des compétences Connotation positive Ne vise que le niveau « visible» Touche les niveaux « visibles» et (comportemental et transactionnel) « invisibles» (mythes, secrets, transgénérationnel…) Repose sur l’identification d’un niveau de changement souhaité et l’utilisation de techniques ad hoc. Référence Référence à une certaine « normalité»: Référence à une certaine normalité idée de bientraitance uniquement dans le cas de l’approche structurale Constructivisme, constructionisme… Ajustement sur la représentation du monde que possède la famille Evaluation Disparition ou diminution des difficultés Par rapport aux signes de changement éducatives prédéfinis avec la famille Diminution des symptômes des enfants

Guidance parentale Thérapie familiale

16Toutes ces interrogations se ramènent à cette question fondamentale et très ancienne : « Peut-on acquérir des compétences ou modifier un comportement sans se modifier soi-même »?

17Un petit détour par la philosophie grecque va éclairer cette problématique.

18Cette tradition distingue deux modalités de l’acte selon sa finalité : le « faire » (poïesis) et l’« agir » (praxis) (2). Dans le premier cas, l’acte est centré sur la réalisation d’une tâche. Nous sommes dans le registre pragmatique, dans l’univers des choses et de la technique. Dans le deuxième cas, l’acte est centré sur l’amélioration du sujet lui-même. Il est envisagé sous l’angle de la croissance intérieure de l’agent.

19Poser un acte dans l’ordre du « Faire » signifie le réaliser le plus parfaitement possible. Poser un acte dans l’ordre de l’« Agir » correspond à le vivre le mieux possible. « Faire » invite à être compétent. « Agir » invite à habiter l’acte de l’intérieur. « Faire » vise l’efficacité. « Agir » vise l’accomplissement personnel. En « faisant » on acquiert des compétences. En « agissant » on acquiert des vertus.

20Ces deux registres sont distincts mais non exclusifs l’un de l’autre. Ils sont, au contraire, articulés l’un à l’autre. On peut d’autant mieux vivre un acte qu’il est bien fait. Inversement, habiter un acte de l’intérieur invite à le faire le mieux possible. Croître dans le « Faire » implique une croissance dans l’« Agir ».

21Si ce n’était pas le cas, la personne accumulerait des connaissances techniques et les mettrait en œuvre de façon quasi-automatique. Elle s’appauvrirait et finirait même par perdre toute efficacité. Elle s’organiserait sur le mode du « faux-self ».

22Pour que le « savoir-faire » s’ancre vraiment dans la personne, il faut qu’il s’accompagne d’un « savoir-vivre ». La personne, non seulement apprend à faire plus de choses, mais devient plus vivante. Elle habite ses actes de l’intérieur. Ses actes deviennent à proprement parler « les siens » et non ceux d’une autre personne qu’elle imiterait. L’appropriation des compétences passe nécessairement par la croissance personnelle. Une personne ne peut changer de façon durable son adaptation sans changer intérieurement.

23Un parent qui adopterait des attitudes éducatives « correctes » sans les assumer pleinement avec toute sa personnalité finirait par s’épuiser et générerait des effets paradoxaux, voire pervers. Autrement dit, il n’est pas possible de « faire le parent » sans « vivre comme parent ». La seule acquisition de compétences sans transformation personnelle n’est pas possible.

24Ces notions sont corroborées par le rapport récent de Houzel et de ses collaborateurs sur la parentalité (6). Cette équipe souligne que la « pratique » de la parentalité, c’est-à-dire la mise en œuvre de comportements parentaux adéquats, est inséparable de l’« expérience » de la parentalité, au sens de se vivre comme un parent.

25Les comportements parentaux sont le fruit d’un processus de « parentalisation » qui commence dès la naissance du sujet futur parent, notamment avec la mise en place du narcissisme primaire. La pratique de la parentalité ne peut être améliorée sans faire évoluer l’expérience de la parentalité.

26Nous pouvons, donc, affirmer que la guidance parentale ne peut changer les attitudes parentales qu’en induisant, au moins indirectement, une évolution du parent lui-même. La guidance parentale, à travers l’aide apportée à la pratique de la parenta-lité, induit le franchissement de certaines étapes du processus de parentalisation.

27Le cas de Nadine peut illustrer cette notion. Son enfance a été marquée par l’attitude envahissante de sa mère et la toute-puissance de son père. Celui-ci faisait régner une menace permanente dans la maison. L’atmosphère générale était directement liée à son humeur. Par ailleurs, il racontait à Nadine ses aventures extraconjugales.

28Une fois devenue mère, Nadine a éprouvé de la violence envers Raoul, son enfant. Elle est venue me demander de l’aide lorsque Raoul avait trois ans. J’ai amené Nadine à repérer comment son fils mobilisait la colère qu’elle avait encore envers son père. Nous avons également travaillé sur la notion de Loi. Nadine a compris que son père se prenait pour la Loi. Il n’y avait aucune triangulation dans leur relation. Nadine n’a pas expérimenté la sécurité et la pare-excitation liées à la référence au tiers. Dans une séance avec elle et son fils, j’ai installé une chaise sur mon bureau en expliquant à Raoul que cette chaise représentait « la Loi ». Elle est au-dessus de tous et tous y obéissent. Sa mère a simplement comme rôle de la lui indiquer. En m’adressant à Nadine, je lui ai suggéré de faire référence à la Loi dans ses rapports avec son fils plutôt que de lui faire des demandes en son nom à elle. En la soutenant au fil des entretiens, Nadine a pu développer une relation plus contenante et sereine avec Raoul.

29Sans rentrer dans les détails de cette situation, nous pouvons, cependant, affirmer que Nadine a évolué personnellement dans son rapport à la Loi, dans son identification à l’agresseur et peut-être dans sa problématique œdipienne. La relation avec son fils s’est améliorée non par la simple acquisition de compétences mais en raison d’une évolution personnelle concomitante.

30La guidance parentale aide les parents à mieux assumer leur fonctions parentales à travers un changement personnel. Dans certains cas, ce changement intérieur des parents est obtenu indirectement et de manière invisible, à travers les conseils et le soutien. Dans d’autres cas, il peut être induit directement par le praticien, notamment à travers l’étude du génogramme ou la recherche de liens entre l’enfance du parent et ses attitudes parentales.

31L’opposition guidance/psychothérapie ne porte pas sur la nature du changement induit mais sur l’objectif recherché. Dans le cas de la guidance, il s’agit de faire évoluer les personnes dans leur fonction parentale. Dans le cadre de la thérapie, il s’agit de les faire évoluer dans les différentes dimensions de leur existence.

32Pour ces raisons, il me semble important que la formation à la guidance parentale prenne place à l’intérieur de la formation à la thérapie. Le futur praticien doit, en effet, connaître non seulement les principes éducatifs fondamentaux, mais aussi le développement psychique dans son ensemble et certaines techniques psychothérapeutiques. Il doit, également, repérer ce qu’il induit dans les relations et ce qui résonne avec sa propre problématique.

33Ces réflexions sur la nature du changement éclairent le rapport de la guidance parentale à la « norme ».

Guidance parentale et « norme »

34La guidance parentale aide les parents à améliorer l’exercice de leur rôle parental. Parler de « meilleur » suppose une référence à ce qui est « bien ».

35Le concept de « bientraitance », diffusé depuis quelques années (4) propose de définir le minimum requis, de la part des parents, pour que l’enfant se développe correctement. Cette notion est intéressante. Cependant, elle peut être entendue de manière rigide, comme synonyme de « normalité ». Cela peut entraîner, notamment, deux dérives.

36La première concerne la formation des parents. Les praticiens prétendent leur apprendre à mettre en œuvre les différents critères définissant ce qu’est un bon parent. Les expériences menées dans ce sens montrent que cela n’aide que les parents qui n’en n’ont pas besoin. En effet, les parents bien structurés et ayant déjà de bonnes relations avec leurs enfants y puisent quelques idées supplémentaires pour améliorer la qualité de leurs interventions. En revanche, ceux qui sont en difficultés ne réussissent pas à mettre en œuvre ces conseils. Cela augmente leur sentiment de dévalorisation et de culpabilité. Ils arrivent, parfois, à faire ce qui leur est demandé, au prix d’une suradaptation artificielle. Cependant, comme ce « faire » n’est pas ancré dans un « agir », il n’est pas durable.

37La deuxième dérive, plus grave, consiste à utiliser les critères définissant la bientraitance pour évaluer les parents. Les parents sont, alors, classés en compétents ou incompétents selon leur « score » dans l’échelle de compétence. Le cas échéant, les enfants sont placés en foyer ou en famille d’accueil. Cette évaluation se réfère à la notion de « normalité ». Celle-ci ne prend en compte que l’ordre du « Faire ». Elle se borne aux comportements extérieurs. Elle ne s’intéresse pas aux potentialités évolutives des parents. Elle est régie par la logique binaire propre à toute approche purement opératoire.

38Ces risques de normalisation et de contrôle sont réels.

39Une manière de réagir face à cela est de refuser toute définition de bientraitance. La guidance parentale est guidée, alors, uniquement par l’évitement de la violence sous toutes ses formes. Sa référence est d’éviter la maltraitance. Cela a le mérite de respecter l’originalité des différents types d’attitudes parentales, pourvu qu’elles ne génèrent pas de violence.

40Cependant, cette position est très fragile car elle repose sur un paradoxe. Ce qui apparaît comme violence aux yeux de certains peut ne pas être perçu comme tel aux yeux des autres. Le problème de l’excision illustre cela de manière dramatique. Comment définir la violence sans référence préalable à des notions positives comme la vie, la santé, le respect, le dialogue, la liberté… ? Si on limite la bientraitance à « éviter la maltraitance », on sous-entend que le bien est l’absence de mal. Or, le mal est toujours de l’ordre de la destruction, de la privation et du manque par rapport à la vie, la santé, le respect, le dialogue, l’amour… Il n’existe pas par lui-même. « Le mal est effectif dans la seule mesure où il est une modalité inhérente à l’être qu’il mine : il est donc dépendant de ce qu’il détruit; le mal est transitif : sans objet, il disparaît. Le mal est accidentel : sans substance pour le porter, il s’anéantit. Le mal est une négation : sans objet à nier, il s’évanouit. Le mal est parasitaire : il se nourrit de ce qu’il affaiblit » (7). Le bien ne peut pas se définir par l’absence de mal car le mal est lui-même une absence. « Eviter le mal » est un point de repère important mais insuffisant pour guider une pratique d’aide.

41Par ailleurs, en pratique la guidance parentale ne peut pas s’en tenir exclusivement à l’évitement de la maltraitance. Les parents demandent davantage que cela. Les instances sociales mandatent les travailleurs sociaux pour protéger les enfants mais aussi pour favoriser leur développement et faire évoluer la famille.

42La réflexion sur ce qui est bon pour l’enfant ne peut être évitée, de même que la réflexion sur ce qu’est un « parent suffisamment bon ».

43La distinction entre « Faire » et « Agir » permet d’aborder cette question délicate en évitant au mieux les risques de normalisation et de contrôle.

44Il apparaît que ces risques sont majeurs lorsqu’on définit le « bien » exclusivement dans le registre du « Faire ». Dans ce cas, en effet, le bien est défini par ce qui est efficace. Est « bien » ce qui est conforme à des normes pragmatiques et opératoires. Ces normes sont élaborées une fois pour toutes, à partir d’aspects objectifs, mais aussi à partir de ce qui est commun à la majorité. L’évaluation se fait en termes binaires : soit on est normal, compétent, correct, soit on est anormal, incompétent, incorrect… Il n’y a qu’une seule voie pour tous. La guidance parentale référée à cette définition vise à rendre les parents « conformes » à l’idée d’un bon parent, exclusivement dans l’ordre du « Faire ».

45En revanche, la définition de ce qui est « bien » dans le registre de l’« Agir » change radicalement le point de vue. Nous passons de la « normalité » à la « croissance ». Est « bien » ce qui favorise l’accomplissement de la personne. La référence n’est pas immédiate et normalisée. Elle constitue simplement un horizon. Seul le « Nord » est indiqué. Le praticien en guidance parentale a en tête cet objectif lointain. Il ne l’explicite pas nécessairement. Il ne fait que faciliter l’émergence du chemin spécifique aux parents vers cet objectif.

46Quel est cet objectif ? Vers quoi tendons-nous ? Vers quoi se dirige notre croissance ? Ultimement vers le bonheur (1), à travers davantage de liberté.

47En restant dans le domaine de la psychologie, nous pouvons définir ce « Nord » comme l’ensemble des conditions psychiques et familiales « optimales » pour l’émergence de la liberté. Cela peut être résumé par la notion de « différenciation ». Pour disposer de soi, il faut être, en effet, séparé de l’autre tout en maintenant un lien avec lui.

48La différenciation comporte plusieurs dimensions. Il s’agit de ne pas se confondre avec l’autre (différenciation du Moi), de ne pas lier son estime de soi aux valorisations données par l’autre (différenciation narcissique), de ne pas confondre ses émotions avec celles de l’autre (différenciation émotionnelle (3)). Il s’agit, également, de ne pas confondre sa vie avec celle organisée par sa famille d’origine (différenciation familiale).

49La psychogenèse conduit peu à peu l’enfant à la différenciation du Moi et à la différenciation narcissique. Les parents permettent à l’enfant de se nourrir psychiquement de la phase initiale d’indifférenciation et d’en sortir de façon constructive grâce, notamment, au portage, à la fonction pare-excitatrice, à l’investissement affectif positif, à l’écoute, à la parole, à la triangulation par la Loi et à la clarté des figures paternelle et maternelle.

50Par ailleurs, un fonctionnement familial caractérisé par le respect des émotions de chacun, des frontières semi-perméables entre sous-systèmes, une communication claire, l’absence de secrets et de mythes toxiques, le respect et la non-exploitation des loyautés permet la différenciation dans sa dimension familiale.

51L’objectif du changement, que ce soit en psychothérapie ou en guidance parentale, est la différenciation. La guidance envisage cela sous l’angle des fonctions parentales. La psychothérapie l’envisage dans tous les domaines de l’existence de la personne.

52La différenciation est un processus dynamique, à approfondir tout au long de la vie.

53Les parents peuvent d’autant mieux aider leur enfant à se différencier qu’ils sont eux-même davantage différenciés. La guidance parentale aide les parents à se différencier et à conduire leurs enfants vers la différenciation.

54Cette référence est de l’ordre de l’« Agir ». Elle concerne la croissance des personnes. Elle va dans le sens d’un mieux vivre. Elle ne constitue pas un « programme de formation » ou des critères à appliquer mais une dynamique dans laquelle s’inscrire. Elle fait confiance à une possible évolution de la personne dans toutes ses dimensions. Les compétences de la personne apparaissent comme la qualité émergente de cette évolution.

55Le cas de Nadine, évoqué plus haut, aurait pu être abordé uniquement dans le registre du « Faire ». Un praticien aurait pu se limiter à « enseigner » à Nadine les bonnes attitudes éducatives. Cela n’aurait, sans doute, pas suffi à l’aider à changer car ses difficultés avec Raoul n’étaient pas simplement un manque de savoir-faire mais l’expression de son indifférenciation psychique et familiale. En poussant cette logique opératoire jusqu’au bout, on aurait pu évaluer Nadine à l’aide d’une grille de compétences et en conclure qu’elle était dangereuse pour son enfant.

56Abordé dans le registre de l’« Agir », la situation de Nadine est référée à la croissance personnelle de Nadine et de son enfant dans la différenciation. Ma confiance dans les possibilités évolutives de Nadine et le travail sur les enjeux psychiques et systémiques de sa relation à Raoul lui ont permis de trouver une véritable position « éducative » au sens étymologique du terme de conduire l’enfant hors de soi-même.

57La guidance parentale ne peut se passer d’une référence. Si celle-ci est constituée de critères rigides, le rapport à la référence est pensé en terme de conformité, de manière statique et univoque. Inversement, lorsque la référence est de l’ordre de l’« horizon » le rapport à celle-ci est pensé en termes de croissance, pour l’enfant et pour le parent. On entre dans le dynamisme, la complexité et l’espérance.

Bibliographie

BIBLIOGRAPHIE

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  • 8. Laupies V. (2000): Les quatre dimensions de l’inceste, L’Harmattan, Paris.
  • 9. Laupies V. (2004): La thérapie familiale au quotidien – parcours alphabétique, L’Harmattan, Paris.
  • 10. Varga K., (2002): L’adolescent violent et sa famille, Payot, Paris.

Mots-clés éditeurs : Guidance parentale, Psychothérapie, Bientraitance, Compétence

Mise en ligne 01/01/2007

https://doi.org/10.3917/tf.044.0521

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