« Il semble que tous les arts aient, à travers les siècles, tendu vers le cinéma. Inversement le cinéma aide à comprendre leurs méthodes » a dit Eisenstein. Le kabuki participe de cette hypothèse, il vient joindre les arts dont l’approfondissement est censé bénéficier de la perspective de la théorie du montage. Réciproquement, dans les textes d’Eisenstein, ce théâtre japonais, traditionnel quoique toujours vivace, vient appuyer la théorie du montage cinématographique, anticipant même son extension au-delà du visuel. D’où une hésitation possible entre l’hypothèse que le kabuki est un modèle du cinéma et celle que le cinéma est un modèle du kabuki. Centrée sur les textes du cinéaste de 1928-1929 et sur les données disponibles relatives à la venue d’une troupe de kabuki en URSS en 1928 qui marque la rencontre d’Eisenstein avec ce type de spectacle, cette étude met en lumière le caractère intermédial du kabuki aux niveaux interne et externe, monosémiotique et polysémiotique, conduisant à une conception du montage comme art contrapuntique.