Le monde scientifique connaît, avec le développement des sciences de la communication (Wiener et Shannon), de la computation (Turing), des organisations sociales (Simon), de la biologie (Von Bertalanffy), de la biophysique (Atlan) ou même des sciences de l’ingénieur (Le Moigne), un bouleversement paradigmatique qui a ouvert la voie à l’étude des systèmes complexes. Cette mosaïque de spécialités a permis l’émergence d’une vision particulière du monde : le paradigme systémique. C’est sur ce terreau qu’Edgar Morin, sociologue de formation, a construit sa théorie de la complexité (sa méthode) en embrassant et surtout en articulant de manière systématique les perspectives sociales, biologiques, physiques, anthropologiques et psychologiques autour du concept de complexité. Si en France les sciences de gestion se sont rapidement emparées de la complexité (Martinet, 1993 ; Thietart et Forgues, 1995), le marketing n’a, pour l’instant, que peu succombé à ses sirènes. Ce phénomène peut s’expliquer par un conservatisme épistémologique (modélisation analytique) au sein duquel la discipline semble s’être nichée. Plus encore, il semble que son absence du champ du marketing francophone soit également liée à sa quasi inexistence… dans les travaux anglophones (contrairement à certains auteurs comme Mauss, Barthes, Levi Strauss, Halbwachs, Durkheim, Foucault, Bourdieu, Sartre, Maffesoli…). Ceci s’explique en partie par la difficulté de traduction de la théorie de la complexité du fait de la propension de Morin à jouer avec les mots, en revenant, sans cesse, à leur étymologie…