Couverture de DEC_DUBET_2017_02

Chapitre d’ouvrage

7. Améliorer les comportements alimentaires des étudiants : quels enjeux pour les pouvoirs publics ?

Pages 117 à 135

Notes

1Enfin étudiant, plus les parents sur le dos ! Oui, mais que manger ? Si les bonnes habitudes alimentaires s’acquièrent dès l’enfance et se transmettent à l’âge adulte, qu’en est-il de la période de transition entre l’adolescence et l’âge adulte, plus particulièrement chez les jeunes étudiants ? En effet, cette période est marquée par le départ du foyer familial. Les étudiants sont amenés à s’autonomiser et à prendre en charge tout ou une partie de leur alimentation selon leur degré de décohabitation, c’est-à-dire la fréquence à laquelle ils rentrent chez leurs parents. Or, il n’y a guère d’incitations publiques pour les aider à mieux manger, par comparaison à d’autres populations. Par exemple, les arguments développés au sein des guides du Programme National Nutrition Santé (PNNS) semblent destinés, d’une part, aux collégiens (« Peut-être que les autres te traitent de minus au collège parce que tu es un peu moins baraqué qu’eux » [1]) ; d’autre part aux adultes ayant une vie familiale stable (« Le bien-être alimentaire de votre famille est pour vous une priorité ? Mais pensez-vous également au vôtre ? » [2]). Pourtant, durant cette période de transition, les individus pensent manger de manière peu équilibrée, après avoir « subi » l’alimentation imposée par les parents et les institutions scolaires.

2Les étudiants mangent-ils réellement si mal et dans quel contexte ? Est-il possible d’agir pour améliorer les comportements alimentaires des étudiants et si oui, comment ? Ce chapitre propose de répondre à ces interrogations sur la base d’entretiens individuels menés auprès de 36 étudiants de premier cycle (bac +1 à bac +3), de diverses filières (DUT et BTS des secteurs tertiaires et secondaires, classes préparatoires, L1-L2 droit, STAPS, école d’infirmières…) âgés de 18 à 22 ans [3]. Ces étudiants ont été recrutés et interrogés par d’autres étudiants formés au préalable à la technique d’entretiens semi-directifs. L’objectif était de développer un climat de confiance et d’avoir des réponses fiables ; un étudiant se confiant plus naturellement à un autre étudiant qu’à un enseignant-chercheur.

Comment mangent les étudiants

3Les étudiants mangeraient mal. Qu’en est-il de la réalité ? Mangent-ils vraiment si mal, tout le temps, pourquoi ? Si le jeune étudiant est en phase de devenir un adulte autonome, il passe par une phase de socialisation, c’est-à-dire une phase « d’apprentissage des rôles adultes » [Galland, 2011]. Durant cette transition, il va ainsi multiplier les rôles sociaux, étant à la fois un jeune libre, un apprenti solitaire, un étudiant en collectivité ou encore un enfant aux yeux de ses parents. À chaque rôle correspond une manière différente de manger, ce qui se ressent à travers le vocabulaire employé par les étudiants interrogés, qui diffère selon la situation évoquée.

En groupe : manger beaucoup et gras

4Avec la décohabitation, les étudiants découvrent la liberté et les sorties entre amis qui débutent généralement par un repas au fast-food :

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« Ce que j’aime bien faire avant une soirée c’est d’aller bouffer en ville quoi, donc soit je récupère un pote on va manger avant de se rejoindre tous, donc soit on va faire un Mcdo, soit on va essayer de faire un kebab. »
(Charles, 21 ans)

6Ces soirées se poursuivent souvent par une (sur)consommation d’alcool :

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« De la bière, du whisky, de la vodka donc en quantité un peu déraisonnable on va dire, donc ça arrive le jeudi en général, dans les soirées. »
(Christopher, 18 ans)

8Ces excès apparaissent plus fréquents chez les étudiants décohabitants, pour lesquels ce rôle de « jeune libre » est plus prononcé.

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« Je suis étudiant, ça fait deux ans que j’ai mon appartement, ça fait deux ans que je fais un peu ce que je veux. »
(Charles, 21 ans)

10Pour ceux vivant chez leurs parents, les excès existent mais, à l’inverse, durant les week-ends qui apparaissent comme des moments où ils sont « autorisés » à se lâcher, les parents gardant la main mise sur les repas de la semaine.

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« Au niveau de l’alimentation, pas grand chose étant donné que je vis toujours avec ma mère […] Le week-end c’est différent, car je vois mes amis, donc je vais souvent au fast-food ou manger des pizzas. »
(Caroline, 19 ans)

12Les risques potentiels de ces excès sur la santé ne semblent pas ignorés, mais ne ressentant pas d’effets à court terme, les jeunes privilégient l’instant présent et savourent cette liberté en groupe.

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« Je mange souvent au KFC, ou dans des fast-food. Souvent avec mes amis, je mange très gras, j’en ai conscience que ce n’est pas bon, mais je ne ressens pas d’effet de mon alimentation sur mon physique. »
(Clément, 18 ans)

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« Il y a de plus en plus de sorties entre amis, donc on mange plus souvent dans les fast-food, et donc de la malbouffe. »
(Ray, 18 ans)

15Malgré les termes péjoratifs employés à propos de ces repas, les étudiants soulignent le plaisir de ces sorties au fast-food. Le moment choisi varie selon les études. Pour Matthias, 19 ans, étudiant en DUT, ayant les jeudi après-midi de libre, le kebab est la solution privilégiée pour déjeuner ce jour-là « parce que c’est un repas qui n’est pas cher, qui remplit l’estomac et qui est convivial pour manger entre amis ».

16Pour Nathan, 18 ans, en classe préparatoire, avec des examens tous les samedis matin, c’est un moyen de décompresser entre amis après l’examen :

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« Généralement je mange en ville avec mes amis car je sors de DS, donc soit on va dans un restaurant soit je vais à Mcdo, c’est le seul jour de la semaine ou je m’autorise ça ».

Seul : manger peu et peu fréquemment

18Être étudiant, c’est aussi être un apprenti solitaire pour ceux vivant dans leur appartement ou leur chambre universitaire (38 % des étudiants [Ronzeau et Van De Velde, 2014]). « Ce qui a changé le plus, je dirai, c’est le fait que je mange seule, ce n’était pas facile au début, mais je m’y suis faite, donc je mange devant la télé » (Manon, 18 ans). Cela n’est pas si simple, car le sentiment de solitude peut être douloureux. En 2014, 37 % des jeunes adultes de 18-24 ans affirmaient souffrir de solitude en raison de l’éloignement des proches dû au travail ou aux études [TNS Sofres, 2014]. Le fait de se sentir seul et de devoir apprendre à manger seul détermine alors la manière de s’alimenter. Seuls, les étudiants perdent l’appétit, réduisent la durée ou la fréquence des repas. Albert, 19 ans, est retourné vivre chez ses parents après une première expérience en appartement étudiant, ce qui a des conséquences sur le rythme et la composition de ses repas :

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« Un grand plaisir, c’est se retrouver autour d’une table avec toute sa famille autour. Par contre si je mange seul, ça sera moins un plaisir, je vais moins apprécier mon repas. Bah ça dépend avec qui je mange. Si je suis tout seul le repas va durer cinq minutes, alors que si je suis avec ma famille ou des gens que j’apprécie, le repas va durer une heure ».

20Quant à Lydie, 19 ans, elle ne prend plus de petit-déjeuner depuis qu’elle vit seule, car il lui manque sa famille pour la motiver à manger le matin :

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« Le matin je déjeunais, des tartines avec du beurre ; et en famille, ce qui donnait plus envie de déjeuner ».

22Aussi, il lui arrive de retrouver des amis tard le soir et de manger sur le pouce pour ne pas être en retard :

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« Je prends quelque chose, quelque chose qui me passe sous la main, une tranche de jambon dans mon frigo, s’il n’y a pas, je ne sais pas, un morceau de fromage ou quelque chose pour pas partir le ventre vide ».

24Pour Agathe, 19 ans, le repas du soir est encore plus frugal :

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« Mais c’est vrai que le soir quand j’ai pas faim dès fois je ne me fais pas à manger, j’arrive, j’ai pas faim, voilà ; oh j’vais juste manger vite fait une compote ou quelque chose comme ça ».

26Outre le sentiment de solitude, la gestion du quotidien seul semble difficile car les étudiants décohabitants doivent gérer leur temps entre études, sorties, cuisine et courses alimentaires. Ces deux activités apparaissent problématiques, d’où des repas très sommaires lorsqu’ils ne sont pas sautés :

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« Je passe pas beaucoup de temps à la cuisine là puisque c’est le début que je cuisine un peu tout seul. »
(Thomas, 20 ans)

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« En fait ce qui me prend le plus de temps c’est le soir quand je me retrouve chez moi et que je dois cuisiner. Et vu que je ne suis pas souvent motivé à cuisiner j’ai tendance à manger des plats tout prêts. »
(Arnaud, 21 ans)

29Outre des problèmes liés au manque de savoir-faire culinaire, s’ajoute celui des courses, comme l’explique Alison, 19 ans :

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« Il peut m’arriver de ne pas aller en courses et d’avoir la flemme, et pendant une deux semaines je vais me nourrir de croque-monsieur par exemple, sans entrée, sans dessert, donc du coup voilà ça, ça a changé ».

En collectivité : un équilibre alimentaire plutôt réussi

31Contrairement à certaines idées reçues, les étudiants fréquentant les restaurants universitaires évaluent plutôt positivement l’offre de menus proposée [Ronzeau et Van De Velde, 2014]. En effet, la variété des menus semble faire prendre conscience aux étudiants de l’importance de l’équilibre alimentaire et les amène ainsi à effectuer des choix alimentaires plus sains que ceux réalisés dans d’autres circonstances. Pour Christopher, 18 ans, le restaurant universitaire apparaît comme la solution idéale pour déjeuner équilibré, ou du moins résister aux tentations, le tout dans une bonne ambiance.

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« Le midi c’est souvent au RU, donc c’est avec des gens de la classe, des amis et tout ça, donc ça arrive très fréquemment ; […] parce que c’est assez sympa, y a de tout et c’est varié ; et je n’ai pas à cuisiner en plus de ça donc c’est assez intéressant. Donc hier, au RU, j’ai mangé comme d’hab en entrée qui sont souvent les mêmes en général, soit quiche, croque-monsieur ou des choses comme ça… Un peu gras ouais certes, donc après pour le plat justement, y a souvent des choses grasses aussi, c’est souvent des frites, des pommes de terre à l’huile et tout ça, donc j’essaie d’éviter pas mal d’en prendre. Par exemple, hier y avait des frites, des saucisses avec genre du bacon et du fromage donc j’ai essayé d’éviter ça. J’ai pris du poulet avec des carottes, donc j’essaie de faire gaffe ».

33Pour Justine, 18 ans, les choix alimentaires apparaissent encore plus réfléchis lorsqu’elle fréquente le restaurant universitaire de sa faculté. Elle relie d’ailleurs ses choix alimentaires à une prise de conscience :

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« Je fais plus attention, plus je grandis plus je me dis que c’est important de bien manger donc même si je mange au resto U le midi, je ne mange pas n’importe quoi non plus […] Je fais attention aux légumes par rapport aux féculents, et même pour le coca, j’évite, et en plus j’ai des problèmes gastriques donc ce n’est pas très bien, ça me brûle… ».

35Certains étudiants comparent le restaurant universitaire avec leurs anciennes habitudes de lycéens ; ils estiment ainsi avoir une alimentation plus saine que lors de leurs années lycée durant lesquelles ils délaissaient la cantine et ses plats peu appétissants pour les fast-foods.

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« Maintenant je mange au resto U, je mange mieux le midi. Avant je mangeais très gras, c’était souvent américain et si c’était pas un américain c’était le kebab. Donc déjà le midi je mange mieux, je mange plus, je bois plus d’eau du coup aussi »
(Joris, 19 ans)

37Cependant, les étudiants des petits campus dotés d’une petite cafétéria ou encore les étudiants de BTS fréquentant les selfs des lycées ne sont pas enchantés par le manque de variété des menus proposés. Ils se tournent alors vers les frites en tant que « valeur sûre ».

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« Je vais à la cantine et même s’il y a quasiment que des frites tous les jours ben dès qu’il y a autre chose j’essaie un peu de varier de prendre du riz, de prendre des pâtes parce que cette cantine du DUT elle fait que des frites. »
(Thomas, 20 ans)

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« Je prends souvent des frites parce que les légumes n’ont pas l’air terrible ».
(Ray, 18 ans)

40Pour Nicolas, 19 ans, en BTS, quand la pause déjeuner est courte, l’alternative des fast-food semble plus alléchante, combinant plaisir et rapidité :

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« Je vais manger dans un restaurant fast-food car si j’ai pas beaucoup de temps c’est l’occasion de faire le petit plaisir de la semaine. Ça peut-être aussi kebab ».

42Globalement, les restaurants universitaires ayant fait des efforts en termes de diversité des menus et convivialité des lieux semblent plébiscités par les étudiants qui y voient un intérêt financier et temporel : manger un bon repas peu cher, sans perdre de temps à cuisiner. Pour certains étudiants, cette alimentation collective semble être la seule capable d’offrir des repas équilibrés, la diversité poussant à des choix alimentaires plus sains.

Chez les parents : compenser les excès et carences de la semaine

43Les étudiants vivant en cité universitaire ou appartement, rentrent chez leurs parents les weekends, ou, pour les plus éloignés du domicile familial, pendant les vacances. De prime abord, les propos des étudiants au sujet des repas en famille semblent confus car les termes employés révèlent, à la fois, le côté sain de ces repas et leur aspect consistant, copieux. Cette contradiction semble s’expliquer par le tiraillement des parents entre le désir de faire plaisir à leur enfant qui rentre et n’a pas mangé grand-chose toute la semaine, et la volonté de préparer des repas équilibrés, comprenant des fruits et légumes pour « compenser » la malbouffe de la semaine.

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« Souvent, si je rentre chez mes parents, je mange plus équilibré, enfin plus de légumes, plus de viande, même souvent plus de viande, parce que mes parents du coup me forcent à mieux manger. »
(Charlotte, 20 ans)

45Les étudiants apprécient le côté « fait maison » des repas cuisinés par leurs parents et le temps qu’ils passent à préparer des plats lors de leur venue.

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« Le week-end en général je mange avec ma famille et du coup c’est des repas plus élaborés, plus développés, mon père passe du temps en cuisine, donc on mange vraiment de bons plats. »
(Flora, 20 ans)

47Cette notion de « fait maison », de temps passé en cuisine, leur donne l’impression de manger sain, en tout cas mieux que la semaine malgré la présence de produits gras, sucrés et de plats copieux.

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« Je mange plus équilibré le week-end car le plus souvent le repas est préparé par ma famille donc c’est quand même mieux que mes repas dans les snacks de la semaine. »
(Arnaud, 21 ans)

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« Une entrée avec de la salade, et des petits plats préparés par ma mère, suivi d’un plat en sauce, fromage dessert pareil cuisiné et préparé par ma mère. »
(Christopher, 18 ans)

50Pour certains, la différence est frappante, surtout au niveau de la viande, qu’ils affectionnent particulièrement et qu’ils consomment peu en semaine, pour raisons financières ou liées à des difficultés de préparation.

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« Beh c’est de suite beaucoup mieux. Il y a de la sauce, il y a de la viande. C’est des vrais repas euh faits maison genre c’est des frites faites maison pas du surgelé par exemple. Enfin c’est vraiment plus consistant et il y a de la viande. »
(Alison, 19 ans)

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« Quand je suis chez mes parents je mange une grillade tous les dimanches parce que j’aime beaucoup la viande. »
(Nicolas, 19 ans)

53Les dimanches midi apparaissent comme des moments précieux où la famille se retrouve avant que l’étudiant retourne jouer son rôle « d’apprenti solitaire ». Ces moments « sacrés » sont associés au plaisir de manger ensemble.

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« C’est ma mère qui va cuisiner, on va prendre le temps parce qu’on se voit pas beaucoup, donc le dimanche midi on prend le temps on discute, puisque je repars après vers 14 heures, donc le midi c’est un peu le dernier moment où je suis avec eux, donc on prend le temps de manger. »
(Charles, 21 ans)

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« Généralement quand il y a mon frère et toute ma famille chez moi, on fait un gros poulet pour tout le monde, c’est convivial le dimanche chez moi. »
(Matthias, 19 ans)

56Ce retour à l’appartement est anticipé par certains parents qui tentent d’apporter une aide à leurs enfants, ayant conscience que ces derniers mangent mal durant la semaine. Ainsi, les parents financeraient environ 19 % des dépenses alimentaires de leurs enfants étudiants [Cordazzo et Tenret, 2010 : 218]. Certains parents vont plus loin pour pallier les lacunes liées à l’apprentissage de la vie solitaire. Les étudiants repartent avec de petits plats pour la semaine. Certains comptent sur leurs parents en cas de difficulté culinaire, ces derniers allant parfois jusqu’à jouer le rôle de « hotline », ce qui encourage les étudiants à cuisiner eux-mêmes dans leur appartement :

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« Je sais faire des pâtes, un steak comme tout le monde, quand je ne sais pas, j’appelle ma mère pour qu’elle me conseille. »
(Jeanne, 19 ans)

58Ainsi, en fonction du rôle social joué par l’étudiant associé à des situations de consommation différentes ; il aura tendance à manger soit trop, soit pas assez lorsqu’il se trouve livré à lui-même ; et tendance à manger plus équilibré lorsqu’il se trouve dans une situation plus encadrée, par les parents ou la collectivité. Ce pourquoi, il semble difficile de changer les comportements les moins sains associés aux situations les moins contrôlables par des personnes ou les organismes extérieurs à la vie étudiante. Est-il néanmoins possible d’agir ?

Peut-on aider les étudiants à mieux manger ?

Dépasser les campagnes traditionnelles axées sur la connaissance

59Les campagnes traditionnelles relatives à la nutrition semblent en décalage avec les préoccupations des étudiants, car elles sont trop axées sur les connaissances nutritionnelles, sur ce que tout individu doit savoir, doit faire et doit manger. Or, ce n’est pas le savoir qui fait défaut aux étudiants, mais le savoir-faire. Les étudiants interrogés sur ce qu’est un repas équilibré ou encore une alimentation saine, apportent des réponses précises à la question. Ces connaissances ont été acquises, même par ceux n’adoptant pas un comportement alimentaire exemplaire. « Une alimentation saine pour moi, c’est déjà faire tous les repas. Le matin, le midi, le soir, ne pas en sauter, ce n’est pas bien », répond Lydie, 19 ans, ayant précédemment affirmé manquer de motivation pour manger le matin et ainsi sauter le petit-déjeuner. De même, Arnaud, 21 ans, ayant l’habitude de consommer dans divers snacks en semaine sait pourtant « qu’une alimentation saine c’est manger de tout. Que ce soit légumes, lipides, protéines ». De prime abord, les messages nutritionnels semblent être utiles puisqu’ils sont connus et retenus par les étudiants :

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« Il faut faire attention à ne pas manger trop gras comme le dit la pub : ne mangez pas trop gras, trop salé, trop sucré. »
(Olivier, 19 ans)

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« Ben je pense qu’on les connaît par cœur il y a pas de problème elles passent bien, on les retient. On pense à celle de 5 fruits et légumes par jour. »
(Flora, 20 ans)

62Les étudiants semblent ainsi unanimes sur l’utilité de ces campagnes… mais pour les enfants !

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« Ce sont des slogans qui restent. Après c’est vrai que je n’ai jamais vraiment respecté ce qu’ils disent, mais peut-être que pour les plus jeunes, ça peut être bien puisque ça peut déjà les former. Avant, quand on était petit, il y en avait moins. »
(Hannah, 19 ans)

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« Quand j’étais plus petite, ça m’attirait vraiment parce que les pubs déjà elles étaient très bien faites, pour taper dans l’œil, quand on est petit on regarde et on se dit : «waouh ! C’est trop bien fait.» […] Du coup ça nous fait réfléchir dès notre plus jeune âge. »
(Lydie, 19 ans)

65Cette opinion tient au fait que ces campagnes sont axées sur la connaissance nutritionnelle et non sur des solutions pour agir :

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« Ça ne sert pas à grand-chose parce qu’on le sait déjà. Ce n’est pas à notre âge que ça va changer. Ça peut apprendre des choses aux enfants par exemple. »
(Jean, 18 ans)

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« Les campagnes de communication, ça va être pour nous informer, mais on le sait déjà donc bah, ça ne va pas m’influencer, c’est comme conduire bourré on sait qu’il ne faut pas le faire mais si ça nous arrive de le faire c’est parce qu’on est obligé, mais on sait très bien qu’il ne faut pas le faire, bah là c’est pareil. »
(Charles, 21 ans)

68Certains d’entre eux disent alors avoir besoin de campagnes plus choc, à l’image de celles sur la sécurité routière, pour davantage de prise de conscience.

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« Faire comme les pubs genre la sécurité routière, faire des pubs de conscience plutôt que de mettre juste des messages. »
(Agathe, 19 ans)

70Cependant, jouer sur la peur en communication dans un contexte de marketing social peut s’avérer contreproductif, notamment quand la campagne n’insiste pas sur les solutions pour lutter contre le problème ou que la cible ne les perçoit pas comme efficaces. Cela peut amener les individus à contrôler leur peur pour se protéger au lieu de contrôler leur comportement [Gallopel-Morvan, 2006]. Aussi, les attentes des étudiants en matière de campagnes choc s’avèrent problématiques car de nature stigmatisante :

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« Montrer les conséquences que ça peut avoir de manger des cochonneries sur le long terme j’sais pas moi après quelqu’un qui a des problèmes de santé parce qu’il est en surpoids ou des choses comme ça te dire si je continue à manger comme ça et ben je peux finir comme lui. »
(Agathe, 19 ans)

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« Montrer des choses choquantes comme l’alimentation aux États-Unis. »
(Ophélie, 18 ans)

73Comment répondre à ces attentes de manière éthique, c’est-à-dire sans stigmatiser les personnes obèses ou malades ? En répondant davantage au besoin de motivation et de solutions concrètes qui se cache derrière ce besoin de campagnes choc.

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« C’est bien d’avertir mais ce n’est pas très concret ; on connaît les phrases maintenant “les produits laitiers sont nos amis pour la vie" et ce que j’ai dit tout à l’heure “manger pas trop gras, trop salé, trop sucré". Bon après, c’est sûr, il faut le savoir, mais c’est pas très explicite donc ça donne pas envie de le faire, ça peut faire un petit flashback en tête mais ça donne pas non plus la motivation pour le faire. »
(Olivier, 19 ans)

75Ces éléments montrent qu’il est difficile pour les pouvoirs publics d’avoir une action normative sur cette population. Compte-tenu de la nature de l’étude réalisée, il est trop tôt pour proposer des exemples concrets d’actions ou de campagnes, mais on peut proposer quelques pistes de réflexion favorisant les solutions et les réponses pratiques.

Agir sur des aspects financiers pour améliorer les repas solitaires

76Outre les arguments santé, des arguments financiers peuvent être source de motivation auprès des jeunes étudiants. En effet, Ronzeau et Van De Velde [2014] mettent en avant les difficultés financières des étudiants qui se traduisent par des découverts bancaires (31 %) ou des demandes d’aides exceptionnelles à la famille (24 %). D’ailleurs, nombreux sont les étudiants déclarant ne pas pouvoir acheter certains produits « bons pour la santé » en raison de leur prix.

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« C’est facile à dire, mais encore faut-il avoir assez d’argent pour faire ça, parce que 5 fruits et légumes par jour… enfin quand même les fruits et les légumes c’est pas donné non plus, à part si c’est en boîte. »
(Alison, 19 ans)

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« Il faudrait baisser les prix pour que les étudiants puissent manger plus sainement, qu’ils mangent plus de fruits, de légumes, de poisson. C’est vrai que tout ça ce n’est pas donné, ça coûte des sous ! »
(Hannah, 19 ans)

79Cependant, gérer un budget serré peut amener à adopter des comportements alimentaires sains, par exemple l’évitement des sodas au profit de l’eau et la limitation du grignotage. L’eau apparaît comme la première boisson citée par les étudiants quand on leur demande ce qu’ils boivent chez eux. Cependant, les arguments santé arrivent loin derrière les raisons financières :

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« Beh l’eau, parce que j’ai pas besoin d’en acheter vu que je la prends au robinet »
(Alison, 19 ans)

81Quant à Ray, 18 ans, il consomme des sodas de manière occasionnelle mais fait passer la notion d’argent avant celle de santé pour justifier sa fréquence de consommation :

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« Le soda est cher quand même et fait pas que du bien à la santé. J’en bois quand je fais la fête pour accompagner l’alcool entre amis […] mais ça n’arrive pas souvent. »

83Enfin, Christopher, 18 ans, limite ses pauses grignotage car il s’est rendu compte qu’elles entamaient fortement son budget :

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« Quand j’ai vraiment trop faim, y a une petite machine distributeur de gâteaux tout ça, ça m’arrive de prendre des petits biscuits secs, que je trempe dans le café exactement, […] mais ça n’arrive pas tout le temps parce que ça a un coût […] donc ça arrive, on va dire, une ou deux fois par mois ».

85Il semble alors possible d’envisager d’ajouter des arguments d’ordre financier à certains slogans de type : « Pour ta santé, évite de grignoter entre les repas ». Pour encourager les arbitrages budgétaires, on peut également imaginer des campagnes mettant en parallèle la somme d’argent nécessaire pour des encas sucrés au distributeur et d’autres manières possibles de dépenser cette somme (loisirs, repas au restaurant universitaire, fruits…).

86Les pâtes, perçues comme peu chères, faciles à cuire et consistantes apparaissent très consommées par les étudiants lorsqu’ils se trouvent seuls à leur appartement.

87

« Le soir quand je rentre je suis fatiguée j’ai du travail, je peux pas passer du temps en cuisine non plus. Ca se ressent dans la qualité, dans l’originalité aussi. Je mange des pâtes quoi. »
(Flora, 20 ans)

88Cependant, pour certains, cela reste le seul aliment du repas. Elles sont ainsi consommées nature et ne sont ni précédées d’une entrée, ni suivies d’un dessert. Alison, 19 ans, explique ainsi avoir dernièrement fait un effort pour les agrémenter :

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« À midi j’ai mangé des pâtes à la tomate. Mais c’était parce qu’il y avait mon père à mon appart sinon j’aurais pas mis de sauce ».

90Il conviendrait de promouvoir davantage des accompagnements, des légumes pour agrémenter ce type de plats, en mettant en avant le prix comparativement à celui du snacking, par exemple, pour amener les étudiants à réfléchir sur leur alimentation et la gestion de leur budget. En outre, les restaurants universitaires pourraient proposer à prix réduits des menus sains ou des produits alimentaires d’ordinaires jugés chers ou longs à cuisiner, à emporter pour le soir (légumes cuits, fruits…) pour que les étudiants puissent trouver une alternative aux courses alimentaires et avoir un repas complet sans devoir le cuisiner entièrement lorsqu’ils se retrouvent seuls chez eux le soir. Ainsi, plus que des campagnes nutritionnelles, il conviendrait de réfléchir à des actions incitant les étudiants à cuisiner pour leurs amis, ou du moins aider ceux qui font cet effort.

Promouvoir autrement les sites de recettes faciles pour améliorer les repas pris en groupe

91Les propos des étudiants révèlent un équilibre difficile à atteindre lors des repas de groupe. Lors des soirées entre amis, il est plutôt tentant de proposer une sortie fast-food ou de commander des pizzas à domicile. Les étudiants décohabitants ayant l’habitude de recevoir leurs amis chez eux, ces soirées entre amis sont pour beaucoup l’occasion de faire plaisir en préparant à manger, certes des plats simples, mais qu’ils cuisinent eux-mêmes :

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« On va se faire un truc chez moi, on va faire un bon plat, si j’ai faim c’est moi qui vais faire à manger, donc vraisemblablement des pâtes, et on va se faire ça, et va se prendre un apéro, histoire de bien manger.»
(Charles, 21 ans)

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« Je fais des pâtes carbonara car tout le monde aime ça, et je ne suis pas un excellent cuisinier alors ça m’arrange car c’est facile à préparer. »
(Matthias, 19 ans)

94En ce sens, plutôt que des campagnes nutritionnelles, les étudiants réclament des sites de recettes faciles pour les aider à mieux manger :

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« Offrir des livres de cuisine avec des recettes simples et appétissantes pour inciter les jeunes à justement cuisiner plutôt que d’aller manger à l’extérieur. »
(Antoine, 20 ans)

96Hannah, 19 ans, propose la même chose, mais sur Internet. Quant à Joris, 19 ans, il propose « une liste de courses avec une liste de repas, mais des choses simples ». Or, ces sites existent déjà, comme le remarque à juste titre Marie, 22 ans. Les étudiants ne semblent donc pas se diriger spontanément vers eux. Se pose alors la question de la communication de ces sites web qui semble non adaptée à une population étudiante. Des campagnes d’affichage dans les restaurants universitaires, endroits où les étudiants semblent davantage sensibilisés à l’importance de manger sainement, peuvent être envisagées pour les aider à maintenir cette motivation tout au long de la journée. De plus, les émissions de télévision culinaires mettent généralement en avant des recettes élaborées par des professionnels de la cuisine ou des passionnés aspirant à faire partie de ce milieu. Pourquoi ne pas imaginer, dans les campus, des concours sous forme de challenge (par exemple sur le thème de « recevoir en étant étudiant », « un repas en 15 minutes »), relayés sur les réseaux sociaux ? Des associations étudiantes pourraient ainsi s’emparer de manière « fun » et accessible de la question de l’alimentation étudiante. Le fait que des étudiants parlent à des étudiants diminuerait ainsi le côté moralisateur que peuvent parfois avoir les campagnes traditionnelles sur la nutrition. Des initiatives existent d’ores et déjà en ce sens comme les food-trucks sains ou les bars à soupe, qu’il est nécessaire de continuer à valoriser.

Toucher d’autres cibles : parents et lycéens

97Si les étudiants mangent mal, ils peuvent compter pour la plupart sur leurs parents qui tentent de les accompagner au mieux. Dans ce sens, des réflexions pourraient être menées sur le rôle des parents et l’attitude à adopter par ceux qui souhaitent aider leurs enfants au mieux sans les infantiliser, c’est-à-dire les accompagner vers l’autonomie en termes de comportements alimentaires.

98Les étudiants semblent peu préparés à cette nouvelle vie induite par la décohabitation. Les lycées s’intéressent de près aux questions d’orientation mais délaissent celle de l’autonomisation. Or, gérer un budget mais également un « budget-temps » en même temps que des études semble difficile pour les étudiants :

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« Moi en tout cas dans mon emploi du temps […] quand je rentre tard et tout ça, fatiguée et tout je me vois pas éplucher les patates et compagnie. »
(Agathe, 19 ans)

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« J’ai mangé des gâteaux, des petites gaufres, de la brioche… c’est des choses sucrées dans la journée, je n’ai pas trop le temps de faire à manger je travaille pas mal. »
(Bastien, 22 ans)

101Auparavant, chez leurs parents, ils n’avaient que leur travail scolaire à gérer et l’alimentation est alors négligée en raison de ce changement de rythme et de tâches. D’ailleurs, les étudiants vivant encore chez leurs parents ont bien conscience de cette différence.

102

« Je pense que ceux qui vivent avec leurs parents, comme moi, ont une alimentation assez équilibrée, car ils sont encore encadrés par leurs parents. [Et ceux qui vivent seuls ?] Pour eux c’est plus compliqué, car ils gèrent eux-mêmes leur alimentation. Ils ont un budget à respecter et en général ils mangent à la va-vite car avec les cours c’est compliqué. »
(Caroline, 19 ans)

103Le savoir-faire fait la différence. Ceux qui ont appris à préparer des plats ou les bases de la cuisine avec leurs parents tentent de les reproduire une fois seuls, ou tout du moins disposent d’une alternative aux plats préparés et aux fast-food.

104

« C’est mon père qui m’a appris à cuisiner […] des tartines, par exemple, avec plein d’aliments dessus. Comme des tomates, des œufs, de la salade. »
(Flora, 20 ans)

105

« Je sais faire les choses simples, les pâtes, les œufs, le riz, une salade, après si ça devient un plat compliqué, il va me falloir une recette à côté, et je vais mettre beaucoup de temps et de stress pour ne pas rater le plat. »
(Albert, 19 ans)

106Il faudrait promouvoir cette transmission au sein des familles, du moins pour les gestes basiques (cuire une viande, un œuf, éplucher des légumes, réaliser des salades…).

107Dans la lignée de ce constat, l’école peut avoir un rôle à jouer en amont dans la sensibilisation à ces changements de vie. Si initialement, la décohabitation peut sembler excitante aux yeux des jeunes, le stress lié à l’autonomisation et les faibles connaissances culinaires démontrent une faible préparation à cette étape. Ces constats font ainsi écho à des projets actuels testés sur des collégiens (« arts de faire culinaires au collège ») focalisés sur l’apprentissage de la pratique culinaire au collège en lieu et place d’une éducation nutritionnelle au sens strict du terme. L’objectif est d’améliorer les compétences, le savoir-faire culinaire des collégiens, en lien avec leurs parents [Orliange, 2016]. Si cette expérience s’avère concluante et généralisée en France, les lycées pourraient ainsi prendre le relais pour davantage préparer à la vie étudiante, pas seulement en termes d’orientation, mais aussi de tout ce qui gravite autour de la notion d’autonomie, notamment la gestion de ses ressources.

108* * *

109Alternant entre excès alimentaires en groupe et repas frugaux en solitaire, les étudiants tentent de remettre un peu d’ordre dans leur alimentation lorsqu’ils fréquentent les restaurants universitaires et lorsqu’ils retournent chez leurs parents. Ces derniers préparent généralement des repas « faits maison », perçus comme sains par les étudiants, mais qui ne le sont pas toujours. En outre, les parents tentent de limiter les déséquilibres de la semaine en leur préparant des plats ou jouant le rôle de « hotline ».

110Les campagnes nutritionnelles semblent avoir eu un effet positif sur les connaissances des étudiants qui affirment avoir été marqués par ces campagnes lors de leur enfance. Cependant, ils réclament davantage d’aide à la prise de conscience, par des campagnes choc ou des solutions plus concrètes. La première idée semble risquée car trop stigmatisante. Elle laisse néanmoins penser que les campagnes traditionnelles ont besoin d’être renouvelées pour s’adapter à cette cible particulière. En ce sens, jouer sur le côté financier pourrait encourager des arbitrages en faveur d’une alimentation plus saine. Aussi, plus que des campagnes, des actions comme des jeux-concours organisés par des associations étudiantes, la promotion d’alternatives saines et tendance aux fast-food (food-trucks sains, bars à soupe), ou encore l’enrichissement de l’offre des restaurants universitaires (aliments à emporter le soir) peuvent tenter de lutter contre les situations extrêmes que sont la junk-food entre amis et la diète solitaire. À l’image des initiatives effectuées dans certains collèges, les lycées et les parents peuvent aussi être d’autres leviers intéressants dans une perspective d’accompagnement de la phase de transition du rôle de lycéen à celui de d’étudiant et, au-delà, à celui de l’autonomie et de la responsabilité des adultes.

Bibliographie

Références bibliographiques

  • Philippe Cordazzo et Élise Tenret, « L’économie étudiante », in Olivier Galland, Élise Verley, Ronan Vourc’h, Les mondes étudiants. Enquête Conditions de vie 2010, La Documentation Française, Paris, 2011, p. 217-226.
  • Olivier Galland, « De l’enfance à l’âge adulte » in Olivier Galland (dir.), Sociologie de la jeunesse, Armand Colin, Paris, 2011, p. 128-172.
  • Karine Gallopel-Morvan, « L’utilisation de la peur dans un contexte de marketing social : état de l’art, limites et voies de recherche », Recherche et Applications en Marketing, vol. 21, n° 4, 2006, p. 41-60.
  • Émilie Orliange, Ines-Valérie La Ville (de), Christophe Lavelle, « La pratique de la cuisine au collège comme objet d’autonomisation des jeunes en matière d’alimentation. Eléments de réflexion à partir du projet de recherche-intervention «Arts de Faire Culinaires au Collège» », 2e Conférence Internationale d’Histoire et des Cultures de l’Alimentation, 26 au 27 mai 2016, Tours.
  • Monique Ronzeau et Cécile van de Velde, « Panorama 2013 – Conditions de vie des étudiants », Observatoire national de la Vie Étudiante Infos, n° 29, décembre 2014.
  • TNS Sofres, « La solitude et le lien social en ville », Enquête TNS Sofres, 2014.

Notes

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