De ma place de psychologue pour l’Aide sociale à l’enfance de Guyane, mes échanges avec les acteurs sociaux m’ont amené à prendre conscience d’un trouble majeur. Tel un fantôme dont l’omniprésence hante les couloirs des établissements, le spectre du mensonge distille un goût amer de doute dans les esprits. La protection de l’enfance se serait substituée à certains parents, suite à des déclarations d’abus... abusives.
Le signal d’alerte est donné quand les enfants concernés dénoncent ensuite « les maltraitances » de leurs protecteurs de substitution (éducateurs, familles d’accueil). Plus rares sont les fois où ces « mensonges » sont dénoués avec les familles sur la base d’un substantiel crédit qui leur serait octroyé. Les héritiers de l’émigration semblent plus crédibles que leurs aînés, dont l’éthique est sensiblement mise en cause. N’est-ce pas cette fragilité du pacte social, censé souder les adultes, que dénoncent inconsciemment ces jeunes, à qui la « France » fait plus confiance qu’à leurs parents ?
Les valeurs parentales sont interdépendantes des modes culturels en vigueur dans la société qui les « enrobe ». La transmission se métaphorise par des poupées gigognes. L’enfant représente la plus petite des poupées, contenue par une famille encastrée dans la grande « poupée culture ». Elle-même emboîtée par celle, peu chatoyante, de la mondialisation. L’éducation est surdéterminée par cet imbriquement du champ social. Quand on associe la notion de surmoi aux interdits parentaux, il faut se rappeler que ces derniers sont eux-mêmes déterminés par les codes socioculturels préexistants…