Ce chapitre étudie comment le contexte migratoire altère parfois les liens familiaux et s’intéresse à la rupture qui peut s’observer entre les parents et leur enfant au moment de l’adolescence de celui-ci. Je propose d’étudier la manière dont cette rupture se concrétise soit à travers un placement à l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE), soit « un (r)envoi au pays » de naissance des parents. Il s’agit de comprendre pourquoi le contexte migratoire peut ainsi conduire des parents à ne plus se sentir en capacité d’élever leur enfant ? Pour répondre à cette question, nous chercherons ce qui peut entraver le lien entre parents-enfant, afin de cerner l’origine du malaise familial dont les deux phénomènes évoqués sont le symptôme. Il s’agira d’avancer pas à pas. Nous nous intéresserons d’abord à la situation des adultes, à leur propre expérience migratoire. Nous verrons que plus les adultes peinent à faire le deuil du pays qu’ils ont quitté, plus le lien à l’enfant se complexifie. Tandis qu’ils se cramponnent au passé comme des naufragés à une bouée, leur enfant s’adapte à un monde qui leur échappe. Cette adaptation est au cœur d’incompréhensions souvent avivées durant l’adolescence. À ce moment, le sujet qui a grandi dans un pays aux mœurs inconnues de sa famille peut se vivre étranger à elle et être perçu comme un étranger par elle. Nous verrons que ces incompréhensions donnant lieu à un sentiment d’étrangeté réciproque peuvent se solder par un conflit très intense. Il s’agira donc d’en comprendre les tenants et les aboutissants pour démontrer que le choix d’une séparation avec l’enfant, même s’il est envisagé comme bénéfique, peut en réalité s’avérer désastreux…