Le constat que nous faisons d’emblée en abordant le concept de phallus chez Lacan est qu’il constitue une pièce maîtresse de la structure. Il est solidaire à la fois du complexe de castration, donc de l’Œdipe, du langage, donc du rapport entre signifiant et signifié, et du réseau symbolique des échanges, notamment les structures élémentaires de la parenté. Solidaire également de la métaphore paternelle, du nouage entre le réel, le symbolique et l’imaginaire, de ses modes d’assujettissement (psychose, névrose, perversion) et enfin de la cure analytique elle-même, de son déroulement, de sa terminaison et de sa fin, du transfert.
On peut dire en même temps que la place centrale de ce concept est relativement tardive. Il n’est pratiquement pas mentionné ni dans la thèse de 1932, ni dans « Les complexes familiaux » de 1938, ni dans l’article de 1944 sur l’assertion de certitude anticipée, ni dans celui de 1949 sur le stade du miroir. Il est notable, par exemple, que dans « Les complexes familiaux » le complexe de castration soit appréhendé comme un fantasme, qui « consiste essentiellement dans la mutilation d’un membre, c’est-à-dire dans un sévice qui ne peut servir qu’à châtrer un mâle ». Quant au phallus, il n’est évoqué que comme phallus imaginaire prêté par l’enfant des deux sexes à sa mère. Cela étant, avant même que le « sujet » soit « mis enfin en question », on peut penser que l’attention portée au concept d’anticipation, celle de l’acte comme celle de l’image de soi, implique, dans la structure, la présence d’un manque (au niveau du savoir et au niveau de la pré-maturation physiologique) qui est déjà un appel au « signifiant perdu » qui définit le phallus…