À la suite du philosophe, on a coutume d’affirmer que dans son œuvre, Paul Ricœur a toujours séparé l’argumentation philosophique et les convictions religieuses. Remontant aux origines de sa philosophie et analysant la place de la religion dans ses grands ouvrages, la présente étude (première dans son genre en français) y discerne en réalité une laïcisation progressive, parfois ambiguë, de ses convictions religieuses, aboutissant in fine à une philosophie sans absolu, susceptible – à l’occasion de la question du mal notamment – de penser à partir de la religion, ou plus précisément de la « foi biblique ». En marge de cette « laïcité d’abstention » qui a fini par s’imposer à lui, le philosophe a également livré des études plus engagées, au nom d’une autre modalité de la laïcité, dite « de confrontation ». Attentive au nouage complexe entre philosophie et religion mis en œuvre par Ricœur, la présente enquête philosophique met en évidence un paradoxe : étonnamment, l’approche ricœurienne du religieux laisse impensé le problème de la vérité revendiquée par les textes bibliques, alors même qu’elle a tenté de vérifier systématiquement leur portée « révélante » (selon son expression) vis-à-vis de la condition humaine.