Présentation
Que la communication engage les cinq sens tombe sous le sens... Ce n’est hélas pas toujours le cas. En effet, la civilisation occidentale a établi la prédominance de la vue et de l’ouïe, et la dévalorisation du toucher, de l’odorat et du goût, réputés « animaux ». La dictature des écrans et des casques confirme aujourd’hui cette mise en ordre en nous engageant dans des formes de communication de plus en plus désincarnées. Une réaction semble pourtant se produire, avec des initiatives tous azimuts pour valoriser les « sens de l’intime » : ateliers olfactifs, culinaires, oenologiques, thérapies manuelles, etc. Tout se passe comme si notre époque voulait remettre en question la vieille hiérarchie des sens et découvrir de nouvelles façons, plus chaleureuses, d’expérimenter les relations avec autrui et avec le monde.
Par ailleurs, les sciences humaines, la médecine, la biologie et les neurosciences malmènent nos certitudes : la classification de nos sens ne serait qu’un choix culturel parmi d’autres, nous aurions plus de cinq systèmes sensoriels et nos perceptions fonctionneraient d’une façon globale, croisée et multimodale. De ce foisonnement de projets et de recherches, on attendrait une communication plus authentique et ouverte à l’altérité. Las, le besoin de sensualité a beau être exprimé de différentes façons, il échoue souvent face à des angoisses plus profondes. La vulnérabilité de la chair, par exemple, menacée par la maladie et la déchéance, nous terrifie, étouffant le désir de jouissance et refermant l’individu sur lui-même.
Pour rendre justice à ce domaine si complexe, ample et vivant et en dévoiler les multiples facettes, Hermès a choisi d’en diversifier les approches : à côté de contributions universitaires et pluridisciplinaires, on trouvera des témoignages et des récits. L’objet de ce numéro ? Dans une société ouverte et interactive, comment revaloriser les sens, à la hauteur de la difficulté de les vivre, sans céder ni au réductionnisme ni aux fausses évidences du sens commun ?