Couverture de SCPO_CHEA_2012_01

Chapitre d’ouvrage

Chapitre 22. La diète méditerranéenne, patrimoine culturel immatériel de l'humanité

Pages 491 à 510

Notes

  • [1]
    Engagement dont il est fait état dans la déclaration conjointe de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce et du Maroc (Rome, mai 2008) : « Lancer une invitation et favoriser l’adhésion des pays qui forment le pourtour méditerranéen, car il s’agit d’un patrimoine culturel commun, partagé par tous les pays du bassin. »
  • [2]
    La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a été adoptée lors de la 32e conférence générale de l’Unesco (Paris, 29 septembre-17 octobre 2003). Elle est entrée en vigueur en octobre 2006. En date du 2 novembre 2011, elle est ratifiée par 139 États.
  • [3]
    La Fondation Diète Méditerranéenne (FDM), dont le siège se trouve à Barcelone, est née en 1996 et consacre ses efforts à la sauvegarde et à la promotion de l’héritage culturel et du mode de vie partagé par les peuples de la Méditerranée. Elle dispose d’un comité scientifique international composé de plus d’une vingtaine de chercheurs internationaux (www.fdmed.org).
  • [4]
    L’engagement des gouvernements des Communautés autonomes et des gouvernements régionaux et locaux a favorisé un lien direct entre le territoire avec ses communautés et le projet de candidature.
  • [5]
    Sans oublier par exemple que la Conférence internationale sur les diètes méditerranéennes (Harvard School of Public Health, 1993), où avait été présentée la première pyramide de la diète traditionnelle méditerranéenne, avait été promue et sponsorisée par le Conseil oléicole international (COI).
  • [6]
    Sur ces affirmations, consulter le rapport de la Fondation Anna-Lindh de 2010.
  • [7]
    Pour lire la déclaration dans son intégralité, voir www.fdmed.org
  • [8]
    La diète méditerranéenne, en tant que style de vie singulier, déterminé par le climat et l’espace méditerranéens, se manifeste, se recrée et se transmet chez les peuples méditerranéens, en général, et plus particulièrement, dans le cadre de cette candidature, chez les populations méditerranéennes des quatre États qui l’ont présentée. Dans la candidature est identifiée, à titre d’illustration, une petite communauté locale dans chacun des quatre États pour montrer plus en détail la présence, la vitalité, le caractère et la signification de ce bien profondément ancré chez les peuples méditerranéens. Ce choix, illustratif, n’est aucunement excluant et n’altère donc nullement la représentativité, par rapport à ce bien, de toutes les autres communautés méditerranéennes de ces quatre États. Ainsi, il est également affirmé dans la description précédant la résolution d’inscription de l’Unesco : « [la DM] s’enracine dans les communautés méditerranéennes dont Soria en Espagne, Koroni en Grèce, Cilento en Italie et Chefchaouen au Maroc, représentent des exemples. » Avec le consentement préalable de chacune des quatre communautés, celles-ci ont été respectivement choisies par chacun des quatre États.
  • [9]
    Le Comité scientifique international (ISC) de la FDM, dans sa déclaration de Barcelone (2007), alertait sur ce point : « […] malgré sa popularité croissante dans le monde entier, la diète méditerranéenne est menacée dans tous les pays de la région méditerranéenne ».
  • [10]
    La déclaration finale de la 8e réunion des ministres de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche des pays membres du CIHEAM (Istanbul, Turquie, mars 2010) insistait spécialement sur cette attitude : « le développement responsable de la région méditerranéenne fait appel à un engagement commun pour travailler ensemble afin de faire face aux grands défis imposés par le changement climatique dans toute la région et nécessite un effort conjoint pour identifier les valeurs qui distinguent la zone méditerranéenne des autres régions du monde ». Le « commun » et le « partagé » sont ainsi érigés en concepts clés pour l’avenir de la Méditerranée.
  • [11]
    À l’heure où est clôturée l’édition de ce Mediterra, l’Algérie, Chypre, la Croatie et le Portugal avaient transmis formellement leur désir de faire partie du dossier de candidature élargie de la diète méditerranéenne.
  • [12]
    Dans la déclaration de Chefchaouen se faisait jour cette même conviction : « la candidature de la diète méditerranéenne définit un cadre débordant de possibilités pour la coopération, les échanges et la contribution à l’effort partagé pour la sauvegarde de cet important élément de notre patrimoine culturel immatériel commun ».
  • [13]
    Nous pourrions affirmer, toutes proportions gardées, temporellement et culturellement, que cette appellation (utilisée par l’Unesco pour son Programme de proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité, de 2001 à 2005), ainsi que beaucoup d’autres qui apparaissent (septem opera in orbe térrea miranda, septem spectacula, septem miracula, septem omnium Terrarum spectacula, etc.), donnent à voir le caractère prodigieux, merveilleux ou exceptionnel qui est reconnu à ces ouvrages, en même temps que leur caractère « universel » puisque la Méditerranée constituait à cette époque-là « le monde ». D’une certaine manière, il s’agissait bien de merveilles, de prodiges, de « patrimoine culturel » de « toute l’humanité ».
  • [14]
    Notre diète méditerranéenne, comme style ou mode de vie, dérivée du terme grec díaita, apparaissait déjà dans cette déclaration, étant reconnue comme l’expression de la culture. Dans la définition qui y est faite du patrimoine culturel, nous retrouvons les éléments énoncés dans notre candidature.
  • [15]
    Ici est reprise de façon précise l’idée même que nous nous efforçons de mettre en valeur depuis la FDM, « du paysage à la table », pour exprimer de façon synthétique le champ d’action de la diète méditerranéenne.
  • [16]
    En plus de ces deux conventions, l’Unesco travaille dans des domaines très liés au patrimoine qui nous occupe : www.unesco.org.
  • [17]
  • [18]
    L’article 2.4 de la Convention précise : « On entend par “États parties” les États qui sont liés par la présente Convention et entre lesquels celle-ci est en vigueur. »
  • [19]
    Article 2.3 : « On entend par “sauvegarde” les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine ».
  • [20]
    Nous devons citer deux types de rapports préceptifs, selon les directives opérationnelles : 1) les rapports relatifs à la mise en œuvre de la Convention : « Chaque État partie à la Convention soumet périodiquement au Comité des rapports sur les dispositions juridiques, réglementaires et autres mesures prises pour la mise en œuvre de la Convention » (article 151), « […] au plus tard le 15 décembre de la sixième année qui suit l’année où il a déposé son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, et ensuite tous les six ans » (article 152) ; 2) et ceux qui concernent les éléments présents dans son territoire et inscrits sur la Liste représentative : « L’État partie fournit des informations concernant l’état actuel de tous les éléments du patrimoine culturel immatériel inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité présents sur son territoire. L’État partie s’efforce d’assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus concernés au cours du processus de préparation de ces rapports qui, pour chaque élément concerné, portent sur : a) les fonctions sociales et culturelles de l’élément ; b) une analyse de sa viabilité et des risques auxquels il serait confronté le cas échéant ; c) sa contribution aux buts de la Liste ; d) les efforts pour promouvoir ou renforcer l’élément, en particulier la mise en œuvre de toutes les mesures qui ont pu être nécessaires en conséquence de son inscription ; e) la participation des communautés, des groupes et des individus à la sauvegarde de l’élément et leur volonté de continuer à le sauvegarder » (article 157).
  • [21]
    MEDINS (INTERREG III B-MEDOCC) s’est déroulé avec la participation de neuf pays méditerranéens (Italie, Espagne, Grèce, Malte, Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte et Liban) dont certains représentés par diverses régions ou associations, sous des régimes différents.

1Nous souhaitons aborder ici la diète méditerranéenne en tant que patrimoine culturel à l’aide de trois approches différentes. La première présente le processus qui a rendu possible sa candidature dans le cadre de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco et les principales étapes de ce long cheminement à la fois politique, technique et social, en soulignant les raisons de cette inscription, qui justifient, aujourd’hui encore, le bien-fondé de la poursuite d’une collaboration transnationale. La deuxième approche est axée sur le patrimoine culturel, ses racines, son évolution au cours des périodes récentes et sur le nouveau cadre de la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, dans lequel s’inscrit dorénavant la diète méditerranéenne. La troisième analyse se concentre sur l’avenir qui s’ouvre à la diète méditerranéenne après cette inscription ; avenir qui doit être piloté par la structure et les directives opérationnelles de la Convention, mais aussi imaginé en fonction des potentialités renouvelées que lui confère la reconnaissance obtenue. La diète méditerranéenne présente de grands atouts pour les peuples du bassin méditerranéen, mais nous savons, tous plus ou moins consciemment – en particulier dans la conjoncture actuelle –, combien ils peuvent être volatiles lorsqu’usage et abus se confondent. Elle est également une ressource importante, mais nous avons appris, au cours des dernières décennies, combien les ressources peuvent être fragiles si elles sont exploitées ou gérées de manière non durable. La diète méditerranéenne puise sa force dans ses formidables qualités et son attractivité, que ce soit au plan matériel ou immatériel. De grands efforts devront donc être déployés pour en jouir de façon appropriée, sans pour autant y succomber.

La démarche de la candidature

2Dans l’après-midi du 16 novembre 2010, la phrase qui figure au troisième et dernier point de la décision 5.COM 6.41 du Comité intergouvernemental pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel est prononcée au siège du Kenyatta International Conference Centre de Nairobi au cours de la 5e session du Comité : « La diète méditerranéenne est inscrite sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. »

3Cet effort institutionnel et transnational était finalement parvenu à bon port : amorcé dès 2004 pour ensuite prendre en forme en 2007, être formalisé en 2008 et grandir jusqu’en 2010. Un avenir plein d’espoir s’ouvrait, qui exigeait surtout engagement et persévérance. Tous les autres États méditerranéens étaient également invités à se joindre à cette initiative pour une inscription élargie de la candidature [1].

Six ans et un jour : un épisode sans relâche

4L’aboutissement de ce processus institutionnel est le fruit du germe semé dans les sociétés civiles depuis 2004 – une année après l’adoption de la Convention [2] et deux années avant son entrée en vigueur – et au sein de la Fondation Diète Méditerranéenne [3] (FDM) qui a accueilli la première proposition formelle de la candidature. Le dossier n’aurait connu aucune suite sans la réceptivité et la conviction de la FDM, son patronage et les personnes qui en assuraient, et en assurent toujours, la présidence. Ils ont permis la reconnaissance universelle de ce patrimoine. Le rôle du ministère espagnol de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation, à travers son parrainage de la FDM, en tant qu’interlocuteur indispensable entre l’initiative civile et les institutions, s’est avéré déterminant. Il a été relayé en Italie par le ministère homologue, puis soutenu par la Grèce et le Maroc, donnant dès les débuts à cette candidature un caractère transnational. La présence et l’engagement des ministères de la Culture respectifs confirmaient un autre de ses aspects majeurs : la transversalité institutionnelle.

5Ces sensibilités et ces synergies n’auraient guère porté de fruits si elles n’avaient trouvé un terrain propice. C’est avec l’appui des organisations sectorielles, des marchés, des professionnels de la santé et de la nutrition, des universités, d’instituts comme l’IEMed, que ce bouillon de culture est né ces dernières années ; mais aussi grâce à nombre d’associations, de cuisiniers, de médias, de communautés et d’anonymes, qui œuvraient en Méditerranée de longue date, en favorisant la connaissance, la défense et la promotion de la diète méditerranéenne.

6Ce processus, conçu et né dans la société civile, a eu le privilège, depuis ses débuts, de compter sur l’engagement des institutions nationales, régionales et locales [4] et sur le soutien inconditionnel de la communauté scientifique. Ces deux aspects ont été fondamentaux et leur synchronie s’est avérée déterminante. La démarche a aussi bénéficié du soutien et de l’engagement de tous les secteurs qui, depuis des années, travaillaient en faveur de ce patrimoine méditerranéen [5]. En outre, sitôt rendu public le souhait de présenter la candidature de la diète méditerranéenne, l’explosion d’enthousiasme et de soutien qu’elle suscita, émanant d’institutions et d’associations de tout genre, et démontrant le lien profond et l’identification réelle de la société méditerranéenne [6] avec son patrimoine culturel et alimentaire, a permis de consolider la transversalité du projet.

7Puisqu’il est impossible d’énumérer ici tous ces appuis, arrêtons-nous sur la première présentation au public du dossier de candidature. Elle a lieu le 1er octobre 2005, lors d’une occasion spéciale, l’Année de la Méditerranée, dans un décor solennel, l’université La Sapienza de Rome, et dans un cadre idéal, le 3e Forum euro-méditerranéen sur le « Dialogue entre les civilisations et les peuples de la Méditerranée : les cultures alimentaires », auquel participent un grand nombre de scientifiques internationaux prestigieux. Le dossier de candidature de la diète méditerranéenne y est présenté lors d’une table ronde, organisée sous l’objectif de « La nécessité d’une position commune sur la diète méditerranéenne » et réunissant d’éminents scientifiques méditerranéens et des spécialistes de la diète méditerranéenne. Il reçoit le soutien unanime du 3e Forum qui l’incorpore à sa déclaration finale, The 2005 Rome Call : « prenant acte que la diète méditerranéenne traditionnelle, au-delà de ses bienfaits pour la santé, présente aussi des connotations culturelles et économiques, il apparaît nécessaire que tous les pays méditerranéens se concertent et contribuent au processus de préservation et de promotion. Cette démarche visant à la reconnaissance par l’Unesco du Patrimoine culturel alimentaire qu’est la diète méditerranéenne aura comme point de départ une position initiale et partagée, qui sera coordonnée depuis Barcelone en tant que continuation de la déclaration de Barcelone de 1995 et sera menée en collaboration avec les représentants des pays méditerranéens. »

8L’année suivante, en mars 2006, au cours du 6e Congrès international sur la diète méditerranéenne de Barcelone, la communauté scientifique internationale, reprenant l’Appel de Rome de 2005, renouvelle son soutien unanime à la présentation de la candidature, invite à la formalisation et au démarrage immédiats du processus, et appelle au ralliement de toutes les institutions et organisations méditerranéennes.

9La mobilisation a d’amples répercussions. En février 2007, à Ibiza, un sommet hispano-italien, présidé par les ministres de l’Agriculture des deux pays, se clôture par une déclaration de soutien à la diète méditerranéenne. En octobre, lors de la Journée mondiale de l’alimentation, le Comité scientifique international de la FDM réuni à Barcelone approuve la « Déclaration de Barcelone sur la diète méditerranéenne comme patrimoine culturel immatériel » [7]. En décembre de la même année, le ministère espagnol de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation convoque à Madrid la première réunion institutionnelle transméditerranéenne, au cours de laquelle l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Maroc conviennent de préparer la candidature sur la base d’un document stratégique mis au point par la FDM, et créent leurs équipes techniques nationales. En avril 2008, au siège du ministère italien des Politiques agricoles, alimentaires et forestières, les quatre États formalisent le processus à travers la déclaration de Rome et désignent la FDM comme coordinatrice transnationale technique de la candidature. Le CIHEAM, dont l’IAM de Bari faisait déjà partie de l’équipe technique italienne, rejoint le mouvement et, lors de la réunion des ministres de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche des pays membres du CIHEAM de février 2008, à Saragosse, incorpore dans ses déclarations finales un texte de soutien en faveur de la diète méditerranéenne et de la présentation de sa candidature. L’engagement est renouvelé lors de la réunion suivante qui se tient à Istanbul en mars 2010. En juin 2008, les ministères grecs de l’Agriculture et de la Culture organisent à Athènes une réunion au cours de laquelle sont définies les lignes directrices de la candidature. En juillet 2009, c’est au tour du ministère marocain de la Culture d’accueillir à Rabat une réunion déterminante, à l’issue de laquelle est réaffirmée la volonté de soumettre la candidature avec les compléments dérivés de la première évaluation menée par l’Organe subsidiaire. En août 2009, la candidature est présentée à l’Unesco.

Déclarations des pays membres du CIHEAM (2008 et 2010)

Extrait des déclarations finales et des recommandations additionnelles de la 7e réunion des ministres de l’Agriculture et de la Pêche des pays membres du CIHEAM (Saragosse, Espagne, février 2008)
« L’agriculture et la pêche sont des secteurs essentiels pour le développement social et économique des pays de la Méditerranée ; ce sont donc des activités déterminantes pour la coopération dans la région. Et d’autant plus si l’on tient compte de leur contenu culturel séculaire et partagé.
[…] Il convient donc de promouvoir des initiatives favorisant une agriculture et une pêche responsables du point de vue environnemental, qui contribuent au développement durable du bassin méditerranéen et à la sauvegarde des valeurs et qualités matérielles et intangibles qui caractérisent et identifient le paysage agricole, le littoral ou la mer de cette région.
[…] Ces politiques [celles qui portent sur les ressources hydriques et sur l’agriculture] devront considérer la sauvegarde et la promotion des produits du régime méditerranéen, ainsi que les qualités environnementales et paysagères qui y sont associées.
[…] En raison de son histoire et de sa situation géographique, le bassin méditerranéen présente une tradition millénaire pour ce qui est de la production et l’intégration d’aliments variés, nutritifs, appétissants et apportant des bienfaits de santé. Les caractéristiques uniques des produits du bassin s’ajoutant à leurs combinaisons, élaborations, préparations et modes de consommation, ont constitué au fil des siècles un mode alimentaire singulier qui a abouti à la reconnaissance du régime méditerranéen, par l’Organisation mondiale de la santé et la FAO, comme un modèle alimentaire de qualité, bon pour la santé et durable. Le régime méditerranéen représente un actif culturel extraordinaire, vivant, qui continue de se transmettre et qui est partagé par tous les pays du bassin méditerranéen. Il représente également un potentiel économique et social important, et en même temps une marque d’authenticité, de qualité et de santé, légitime et d’une importance majeure. La promotion du régime méditerranéen dans la sphère internationale permettrait d’élargir des modes de consommation favorables à la santé, en encourageant une alimentation équilibrée et nutritive.
[…] Étant donné qu’il s’agit d’un héritage culturel immatériel extraordinaire qui nous unit et nous identifie, et en raison de son importance stratégique sociale, territoriale, environnementale, paysagère, économique, productive et à valeur santé, les pays membres du CIHEAM appuient la candidature avancée, afin que l’Unesco reconnaisse le régime méditerranéen en tant que Patrimoine culturel immatériel de l’humanité. »
Extrait de la déclaration finale de la 8e réunion des ministres de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche des pays membres du CIHEAM (Istanbul, Turquie, mars 2010)
« Les ministres recommandent au CIHEAM de travailler pour promouvoir un système de production alimentaire régional sain et durable suivant les principes de la diète méditerranéenne qui met en avant l’esprit de convivialité et favorise la consommation de produits locaux et saisonniers, plus particulièrement en encourageant les réseaux locaux à soutenir les décisions publiques de protéger, promouvoir et faire la publicité des produits méditerranéens et de développer des systèmes de productions agricoles raisonnés du point de vue écologique. »

10Au-delà de l’étroite collaboration des équipes techniques et des institutions nationales et régionales, la complicité entre les quatre États et leurs communautés respectives donne ses premiers fruits dès le printemps. La première rencontre des quatre communautés parties [8] au dossier de candidature a lieu au sein de l’une d’elles, à Chefchaouen au Maroc, en avril 2009, et une déclaration scelle les intentions et les engagements partagés. La démarche, avant même l’inscription sur la liste de l’Unesco, porte déjà les germes du succès : la candidature s’avère viable, puisque l’activation de ces synergies était l’un des engagements qu’elle contenait. D’autres réunions ont lieu à Cilento (Italie), en février 2011, et à Koroni (Grèce), en juin 2011. La dernière doit se tenir à Soria (Espagne), dans le premier semestre de 2012. Les premières propositions et des accords concrets émergent, prélude à un réseau prometteur de coopération, d’échange et de bon voisinage, qui sera indubitablement renforcé dans le futur.

Le dossier de candidature : trois raisons et une conviction

11Trois constats constituent, selon nous, le moteur de l’élan qui a fédéré les participants autour du projet, et l’a alimenté jusqu’à l’inscription et au-delà :

121) La diète méditerranéenne représente d’abord un patrimoine culturel partagé par tous les peuples de la Méditerranée, auquel tous s’identifient et dans lequel tous se reconnaissent. De par son caractère transversal, elle a une importance et des répercussions majeures dans des domaines aussi fondamentaux que la diversité biologique, environnementale et culturelle ; pour des questions aussi cruciales que la science, la santé, le bien-être, la qualité de vie ou l’éducation ; pour des activités aussi importantes que l’agriculture, l’élevage et la pêche, l’industrie, le commerce ou le tourisme ; pour des valeurs aussi inaliénables que la durabilité, la sociabilité, le dialogue interculturel, le respect de la diversité ou la créativité. Autant de domaines, de questions et de valeurs qui en retour façonnent la diète méditerranéenne. Cet héritage culturel, qui est également une ressource pour le progrès transméditerranéen, auquel tous les peuples du bassin participent en tant qu’initiateurs et co-responsables, a su très vite rallier autour de lui les volontés des quatre États et de leurs communautés nationales respectives.

132) La diète méditerranéenne a par ailleurs subi ces dernières décennies de sérieuses altérations, sous l’effet de la mondialisation et des fortes mutations sociales survenues. Depuis quelques années déjà, de prestigieuses publications scientifiques et de nombreux spécialistes [9] nous mettent en garde contre ces transformations. Le CIHEAM lui-même, dans son propre champ d’action, a consacré plusieurs chapitres de son rapport Mediterra à cette question (Padilla, 2008 ; Oberti et Padilla, 2010). Confrontés aux preuves évidentes de cette érosion persistante de la diète méditerranéenne, au-delà des évolutions logiques et bénéfiques, les quatre États parties ont estimé qu’ils avaient le devoir commun de protéger ce patrimoine, non seulement pour leurs communautés respectives mais aussi pour l’ensemble des communautés des États du bassin méditerranéen et, au-delà, pour la communauté internationale tout entière, ce patrimoine représentant pour toutes les populations un exemple clair de durabilité, de qualité de vie et de bien-être.

143) Enfin, il n’est pas suffisant, pour sauvegarder la diète méditerranéenne, de conjuguer des efforts territoriaux divers et isolés dans le bassin, pour importants qu’ils soient. Il est en revanche indispensable d’instaurer un vecteur transméditerranéen qui articule et oriente les grands axes des actions communes [10] – tel le CIHEAM qui, en ce sens, constitue un excellent exemple. La diète méditerranéenne est un patrimoine d’une telle complexité que la question ne laisse à ce sujet persister aucun doute, sous réserve bien sûr du respect des souverainetés respectives. Les efforts nécessaires devront en outre non seulement être partagés mais aussi s’inscrire dans la durée. Les derniers accords, en apportant continuité et stabilité à la structure organisationnelle et aux actions conjointes, confèrent une crédibilité à cet engagement initial. Les prises de contact visant à élargir le processus de présentation de la candidature, selon le souhait formellement exprimé par les quatre nouveaux États [11], ont permis de doubler le nombre des participants, confirmant ainsi la volonté de consolider la coopération transméditerranéenne autour de ce patrimoine culturel commun.

15Bien évidemment, la convergence des points de vue autour de ces trois constats a parfois nécessité de longs débats, des rapprochements, des consensus, mais ces discussions n’ont fait qu’enrichir le processus. Tout au long de ces années de préparation de la candidature, la diète méditerranéenne a toujours permis la construction d’un espace privilégié de dialogue, de rencontre, de redécouverte et de reconnaissance de « l’Autre », et surtout un espace de confiance et de coopération.

16Une conviction s’était fait jour dès les premiers contacts transnationaux, et s’est étayée au fil des mois : la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et l’Unesco constituaient une chance unique pour construire un projet transméditerranéen [12] durable autour d’un objectif urgent, la sauvegarde de ce qui est probablement l’élément le plus commun et le plus caractéristique du patrimoine culturel méditerranéen. La Convention offrait ainsi à la communauté méditerranéenne le « prétexte » idéal pour mener ensemble un projet ayant d’importantes retombées pour le progrès, la santé, le développement durable et le dialogue dans la région, à court, moyen et long terme.

17Dans son article 1, la Convention reprend avec précision les objectifs communs des quatre États : « la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ; le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et des individus concernés ; la sensibilisation aux niveaux local, national et international à l’importance du patrimoine culturel immatériel et de son appréciation mutuelle ; la coopération et l’assistance internationales. » En outre, la définition du patrimoine culturel immatériel qui figure dans la Convention coïncide parfaitement avec le caractère transversal et multidimensionnel de la diète méditerranéenne et avec son statut – un aspect fondamental – de patrimoine vivant (c’est-à-dire en évolution permanente), recréé et transmis sans discontinuités.

Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (Unesco, 2003)

Article 2 : Définitions
« Aux fins de la présente Convention,
1. On entend par “patrimoine culturel immatériel” les pratiques, représentations, expressions, connaissances et savoir-faire – ainsi que les instruments, objets, artefacts et espaces culturels qui leur sont associés – que les communautés, les groupes et, le cas échéant, les individus reconnaissent comme faisant partie de leur patrimoine culturel. Ce patrimoine culturel immatériel, transmis de génération en génération, est recréé en permanence par les communautés et groupes en fonction de leur milieu, de leur interaction avec la nature et de leur histoire, et leur procure un sentiment d’identité et de continuité, contribuant ainsi à promouvoir le respect de la diversité culturelle et la créativité humaine.
2. Le “patrimoine culturel immatériel”, tel qu’il est défini au paragraphe 1 ci-dessus, se manifeste notamment dans les domaines suivants : les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel ; les arts du spectacle ; les pratiques sociales, rituels et événements festifs ; les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ; les savoir-faire liés à l’artisanat traditionnel. »

18Le vaste champ vital de la diète méditerranéenne – du paysage à la table – était ainsi décrit et identifié de façon précise. L’occasion a été jugée unique car il s’agissait de valoriser l’élan suscité par l’émergence d’une Convention qui s’adaptait à merveille au patrimoine méditerranéen, et de mettre à profit cet instant où les volontés et les objectifs de plusieurs États méditerranéens se sont rejoints. En cas de retard, il n’y aurait certainement plus de marge pour mobiliser tous les efforts partagés afin de contribuer à la sauvegarde de la diète méditerranéenne. Cette convergence a sans doute été « la » force motrice de tout le processus.

19La candidature et l’inscription sur la Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité peuvent être considérées comme une réussite car elles sont l’accomplissement d’un objectif transnational complexe. Elles nous ont permis de cheminer sur une voie, qui sans être nouvelle est loin d’être épuisée, celle de la coopération transméditerranéenne. Voilà donc franchies les premières étapes d’un parcours qui s’annonce tout à la fois long et enrichissant – parfois frustrant –, satisfaisant et exigeant, sans doute souvent compliqué. D’autres exigences et difficultés se dressent dorénavant, autrement plus importantes que celles d’un dossier de candidature. Le chemin ne sera nullement aisé. Mais un proverbe populaire turc n’affirme-t-il pas que le jardinier est prêt à supporter un millier d’épines pour le parfum d’une rose ?

Une mer de patrimoines

Retracer les racines

20Au début du xxe siècle, à Berlin (Brodersen, 2010), la découverte, parmi les papyrus mal conservés entourant un sarcophage égyptien provenant d’Abusir-el-Melek, d’une partie d’un texte en grec ancien datant probablement du iie siècle avant J.-C. permit de déchiffrer diverses inscriptions énumérant les grands ouvrages de l’époque, dont les « sept merveilles » [13]. Ce texte constitue la première liste connue, certes incomplète puisque, endommagée, on n’y pouvait lire que le temple d’Artémis à Éphèse, les pyramides d’Égypte et le mausolée d’Halicarnasse. La première liste complète, parmi les nombreuses qui lui ont succédé, est issue d’un poème attribué à Antipater de Sidon, datant de la fin du iie siècle avant J.-C. Elle cite les murailles ainsi que les jardins suspendus de Babylone, la statue de Zeus à Olympie, le colosse de Rhodes représentant Hélios, les pyramides d’Égypte, le mausolée d’Halicarnasse et le temple d’Artémis. Parmi toutes ces merveilles situées en Méditerranée orientale, seules les pyramides d’Égypte sont parvenues jusqu’à nous. C’était là, d’une certaine manière, « la » liste des ouvrages exceptionnels de l’orbis terrarum, « le monde » d’autrefois.

21Un texte de la même époque, dont l’auteur présumé est Philon de Byzance, encourage les citoyens à découvrir et à jouir de ces monuments par l’intermédiaire de son récit, qui évite « de s’épuiser dans les aléas du voyage » et offre à l’homme « un grand cadeau en lui permettant de s’abstenir de voyager et en lui montrant chez lui des choses prodigieuses, car il donne des yeux à l’âme elle-même ». Épictète, à propos du nombre grandissant de ceux qui entreprennaient ce voyage pour admirer la statue de Zeus, écrivait : « Vous entreprenez un long voyage pour aller à Olympie admirer les œuvres de Phidias, et vous tous regardez comme un grand malheur de mourir sans avoir eu le plaisir de les voir. […] La chaleur n’y est-elle pas suffocante ? N’êtes-vous pas pressés par la foule ? N’y prenez-vous pas le bain dans de mauvaises conditions ? N’êtes-vous pas trempé, chaque fois qu’il pleut ? N’y supportez-vous pas le vacarme, les cris et les autres inconvénients ? »

22Kai Brodersen signale encore que le temple d’Artémis à Éphèse était visité par une telle foule que de nombreux artisans pouvaient vivre des souvenirs qu’ils produisaient et vendaient, à un régime « industriel » et « commercial », selon les termes de Démétrius, l’un des orfèvres qui reproduisait des temples en argent. Ce même Démétrius excita ses collègues contre saint Paul et sa christianisation en ces termes : « Ce Paul a gagné et détourné toute une foule de gens, en disant que les dieux faits de main d’homme ne sont pas des dieux. Or cela risque non seulement de causer du tort à notre activité, mais encore de faire compter pour rien le sanctuaire d’Artémis, la grande déesse, et bientôt de la priver de son prestige, elle qui est adorée par l’Asie et le monde entier. »

23Ce passage atteste la présence du matériel et de l’immatériel dans un même patrimoine, et montre à quel point ce dernier aspect est déterminant, et combien l’un est nécessaire à l’autre pour que chacun parvienne à s’exprimer pleinement. On voit également à quel point ces récits peuvent sembler d’actualité pour notre tourisme culturel, dans toutes ses déclinaisons et ses particularités. Loin de s’émousser avec le temps, la fascination qu’exerçaient les sept merveilles du monde persiste encore de nos jours. Un exemple parmi tant d’autres, les Portugais ont choisi en 2011 de mettre en avant les 7 Maravilhas da Gastronomia nacional.

24Toutes proportions gardées, ce précédent historique, que l’on pourrait retrouver en Méditerranée parmi des centaines d’autres exemples matériels et immatériels, depuis les débuts de l’agriculture et de l’élevage, en passant par l’écriture – qui est certainement l’acquis le plus important de l’humanité –, illustre déjà en quelque sorte le processus de patrimonialisation (Skounti, 2010) des « choses » et des « faits », leur mise en valeur et leur diffusion, et leur valorisation comme ressource.

25Un rapide périple autour de la Méditerranée nous permettrait aujourd’hui de découvrir plus de deux cents biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, et pas moins d’une trentaine figurant sur la récente Liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Un certain nombre d’entre eux correspondent pour tout ou partie à des paysages, à des ouvrages ou à des expressions en lien avec les domaines de l’agriculture, du pâturage, de la pêche, de la gestion des ressources hydriques, de l’alimentation ou du mode de vie, mais aussi de la biodiversité ou de la durabilité. La plaine de Stari Grad, en Croatie, la côte amalfitaine, en Italie, le paysage culturel de l’agropastoralisme méditerranéen des Causses et des Cévennes, en France, Biblos et ses témoignages millénaires sur le peuple de pêcheurs, au Liban, l’élaboration du pain d’épices, en Croatie, le Conseil des bons hommes de la plaine de Murcie et le Tribunal des eaux de la plaine de Valence, en Espagne, ou la diète méditerranéenne elle-même, ne sont qu’un mince échantillon prélevé au hasard qui témoigne du rôle majeur qu’a joué dans l’histoire, et continue de jouer aujourd’hui, le monde des cultures agropastorales et de la pêche en Méditerranée, ou qui atteste ce style de vie qui est le nôtre. Comme l’affirme Igor de Garine, il est indéniable que l’homme méditerranéen se définit d’une certaine façon par rapport aux ressources des nappes aquifères et à la nourriture qu’elles permettent de produire (Garine, 1993).

Repenser la culture et le patrimoine

26Après avoir évoqué ce passé, revenons à notre xxe siècle. Qu’il nous soit permis de citer quelques mots de Claudio Magris, tirés de Itaca e oltre, qui, bien que n’ayant pas été écrits pour parler du patrimoine culturel, s’avèrent pourtant utiles pour introduire cette question : « La paternité d’une œuvre est tout aussi précaire que la paternité charnelle, et n’assure pas d’une autorité plus solide et durable dans un cas que dans l’autre, car de la même façon on ne peut qu’assister à l’imprévisibilité qui préside à la vie dans le monde de cette créature, dont le visage révèle la trace de ses parents, mais qui acquiert les traits de son histoire » (Magris, 1982).

27On voit donc apparaître l’idée selon laquelle ce que nous héritons, le patrimoine, loin de demeurer figé ou isolé, s’imprègne sans cesse du présent, du moment vécu, qui le façonne en permanence. Elle nous renvoie à deux concepts fondamentaux, la culture et le patrimoine, mais plus particulièrement à la forte évolution qu’ils ont subie ces dernières décennies, ce qui nous permet de comprendre et de contextualiser la reconnaissance universelle de la diète méditerranéenne.

28Le texte de Magris paraît la même année où a lieu au Mexique la Conférence mondiale sur les politiques culturelles, dont la déclaration finale, reconnaissant que « le monde a subi ces dernières années de profondes transformations », affirme « que, dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts et les lettres, les modes de vie [14], les droits fondamentaux de l’être humain, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ». Elle ajoute que « le patrimoine culturel d’un peuple s’étend aux œuvres de ses artistes, de ses architectes, de ses musiciens, de ses écrivains, de ses savants, aussi bien qu’aux créations anonymes, surgies de l’âme populaire, et à l’ensemble des valeurs qui donnent un sens à la vie. Il comprend les œuvres matérielles et non matérielles qui expriment la créativité de ce peuple : langue, rites, croyances, lieux et monuments historiques, littérature, œuvres d’art, archives et bibliothèques ».

29Une nouvelle vision du patrimoine culturel surgit, qui s’est fait jour progressivement depuis le milieu du xxe siècle, liée au concept anthropologique de culture et apportant des perspectives théoriques renouvelées et la présence de nouveaux acteurs dans le domaine du patrimoine (Carrera, 2009). Elle marque une rupture avec les canons du xixe siècle qui ont imprégné une bonne partie de notre siècle, fondés sur une conception monumentaliste, limitée et élitiste du patrimoine. Ainsi ce dernier se rapproche et s’ouvre à toute la communauté, qui en est la véritable recréatrice et le vecteur de transmission, et reprend la place qui lui avait été dérobée pendant longtemps (la Convention de 2003 mettra en avant les communautés). L’« antiquité » n’est plus un critère sine qua non et le patrimoine n’est plus tributaire de cette obsession de l’objet, mais confère une importance déterminante au contexte : le local et le quotidien se hissent ainsi au même niveau que le « national » et l’« extraordinaire » (Reguant-Aleix, 2005).

30Un autre changement important et fondamental pour le patrimoine est le dépassement des frontières politiques territoriales, « incompréhensibles » et ineptes pour un grand nombre de biens. Il permet la reconnaissance de ce que nous appelons aujourd’hui les patrimoines transnationaux – que la Convention de 2003 favorise expressément –, en leur redonnant leurs espaces naturels et en facilitant en outre des coopérations et dialogues importants. La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel joue dans cette démarche un rôle majeur par le renouvellement du contenu théorique qu’elle opère. L’Unesco est dans cette contribution mis en avant, non pas tant en raison de ses propres mérites, mais parce que nous traitons d’un élément classé dans l’une de ses conventions. Cela ne limite, n’exclut ni ne remplace aucun discours ni initiative. Dans l’aire géographique qui nous occupe, des institutions telles que le Conseil de l’Europe – et bien entendu les institutions nationales qui, sur ce terrain, ont précédé toutes les autres – ont mené au cours des dernières années un important travail dans le domaine du patrimoine. La « Convention-cadre du Conseil de l’Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société » (2005) en est un exemple récent, qui a su privilégier la dimension holistique, ouverte et transdisciplinaire du patrimoine, entendu non seulement comme lié au passé, mais aussi clairement inscrit dans le présent et dans le futur (Palmer, 2009). N’oublions pas non plus les retombées positives du programme Euromed Heritage, financé par l’Union européenne et dont l’esprit nous semble pertinent d’être mentionné ici : « prendre soin de notre passé pour protéger notre futur ».

31Au niveau international, des organisations comme la FAO ont également inclus le concept de patrimoine dans leurs programmes. Le projet SIPAM (« Systèmes ingénieux du patrimoine agricole mondial ») cherche ainsi à promouvoir, depuis sa création en 2002, la reconnaissance mondiale, la conservation dynamique et la gestion durable de ces systèmes, façonnés et entretenus par des générations d’agriculteurs, de bergers, de pêcheurs et d’habitants des forêts. Le CIHEAM a abondé dans le même sens dans la déclaration de sa 7e réunion des ministres à Saragosse en 2008 : « Le Bassin méditerranéen est un témoignage culturel singulier et un exemple paradigmatique de valorisation ingénieuse et durable et de gestion intelligente des ressources en eau. L’Observatoire portera également une attention spéciale à ces actifs, en les documentant dans tous les cas et en les intégrant autant que possible dans les nouvelles politiques concernant les zones irriguées. » De son côté, le Conseil international des monuments et des sites (ICOMOS) consacrait en 2010 la Journée internationale des monuments et des sites au thème : « Le patrimoine de l’agriculture ».

32Une autre avancée déterminante – qui l’est également pour la diète méditerranéenne – a été d’effacer la ségrégation entre patrimoines « majeurs » et « mineurs ». Il y a quelque temps encore, il aurait été impensable de mettre sur le même plan ou de définir sous le même terme des éléments matériels ou immatériels comme le pont du Gard et la dentelle de Lefkara, par exemple. Ils sont aujourd’hui tous deux inscrits, respectivement, sur la Liste du patrimoine mondial et sur celle du patrimoine culturel immatériel, le premier groupe rassemblant les « monuments » ou les « œuvres d’art », le second étant composé simplement des beaux et nostalgiques artisanats populaires, des manifestations de « culture populaire » ou de folklore pittoresque (Reguant-Aleix, 2005). Dans cette catégorie « mineure » se trouvait en dernière position ce qui relevait des expressions ou des savoirs liés au monde agrosylvopastoral, à la pêche, à la cuisine ou à la table, ces éléments constituant, dans le meilleur des cas, des curiosités ethnologiques périphériques.

33Sur ce dernier point, il y a lieu de mentionner la « Réunion du groupe d’experts sur les pratiques alimentaires comme partie intégrante des systèmes culturels et du patrimoine culturel immatériel » qui s’est tenue à Vitré (France) en 2009 et à laquelle ont participé de hauts cadres de l’Unesco. Un extrait de leurs conclusions suffit à en mesurer la portée : « les pratiques alimentaires ne devraient pas être considérées uniquement comme une réponse aux besoins biologiques, mais comme des expériences culturellement élaborées par les groupes humains au long de leur histoire. Il faut insister sur le fait que les pratiques alimentaires contribuent de manière significative à procurer aux communautés, groupes et individus un sentiment d’identité et de continuité ; que ceux-ci les transmettent de génération en génération ; et qu’ils contribuent à la valorisation de la diversité culturelle, de la créativité humaine, ainsi qu’au développement durable ». Il est aussi rappelé que « les pratiques alimentaires ne sauraient être réduites à un ou plusieurs actes ou étapes de leur élaboration, mais qu’elles se manifestent en tant que processus structuré et complexe qui va de l’obtention des matières premières à l’acte de consommation » [15]. Un segment isolé ne saurait en aucun cas être représentatif de l’ensemble du processus, qui est en évolution permanente. » Les experts soulignaient enfin que « les pratiques alimentaires doivent être entendues dans leur profondeur historique et dans leur spécificité culturelle ». Nul besoin d’ajouter des commentaires sur l’importance et la pertinence de ces conclusions.

34Deux faits d’importance ont convergé dans le temps : la reconnaissance du style de vie d’une communauté et celle de ses pratiques alimentaires – dans son sens large et transversal – comme partie substantielle de sa culture et de son patrimoine, ainsi qu’une évolution et une ouverture significatives de ces deux concepts. Cette convergence a permis à la diète méditerranéenne de gagner en force et en pérennité.

Un nouveau cadre pour la diète méditerranéenne

35En matière de patrimoine culturel, deux conventions de l’Unesco [16] sont étroitement liées : la Convention sur la protection du patrimoine culturel et naturel (1972), fleuron de l’Unesco en matière de protection et de promotion du patrimoine culturel et naturel, d’où émane la célèbre Liste du patrimoine mondial, le patrimoine de toute l’humanité ; et la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel (2003) qui a donné à la diète méditerranéenne un nouveau cadre juridique et théorique, à la fois normatif et contraignant, chacun des quatre États parties devant respecter tous les engagements découlant de cette inscription.

36Une autre question, aussi importante sinon plus et qui donne lieu à nombre de confusions, concerne l’objet de l’inscription lui-même. La diète méditerranéenne constitue en effet une unité indissociable, c’est-à-dire un « style de vie fondé sur l’ensemble de savoir-faire, connaissances et traditions qui vont du paysage à la table, y compris les cultures, la récolte ou la moisson, la pêche, la conservation, la transformation, la préparation et, en particulier, la consommation d’aliments. […] Ce style de vie singulier, déterminé par le climat et l’espace méditerranéen, se manifeste également à travers les fêtes et célébrations associées [17]. » De plus, à travers ses fonctions sociales et culturelles et ses significations, elle inclut les paysages, les ressources naturelles et les métiers qui y sont liés ainsi que les domaines de la santé, du bien-être, de la créativité, du dialogue interculturel en même temps que des valeurs telles que l’hospitalité ou la convivialité, la durabilité ou la biodiversité. Tout ceci forme ce complexe culturel transversal, ce style de vie complet, que l’on nomme « diète méditerranéenne ».

37C’est cet ensemble qui a été inscrit, et non chacune des composantes qui le constituent, matérielles ou immatérielles. L’huile d’olive de Jaén, le moussem des cerises, le marché de Mistras ou la caponata sont tous des composantes substantielles, une partie constitutive et nécessaire de la diète méditerranéenne. En tant que tels, ils font partie de l’élément reconnu comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité, mais aucun d’eux, ni aucun autre dans le cadre de cette candidature et de cette inscription, n’est reconnu à titre individuel.

38Cela ne signifie pas pour autant que l’un ou plusieurs éléments constitutifs de la diète méditerranéenne, comme par exemple une fête, un rite, un engin de pêche, un plat ou un paysage agricole, ne puissent pas être un jour inscrits à titre individuel, comme éléments constituant de plein droit un patrimoine culturel immatériel pour une communauté donnée. Cela serait parfaitement possible, tout à fait respectable et ne serait en rien en contradiction avec l’inscription de la diète méditerranéenne comme ensemble, puisque, au contraire, il s’agit d’une somme de reconnaissances et de protections à différentes échelles. Tout est une question de zoom. Il est bien évident cependant qu’une chose est d’inscrire, et donc de s’engager à protéger, un « style de vie » représentant l’expression culturelle, multiforme, cohérente et complète, dans un espace géographique et historique donné, de centaines d’éléments qui s’imbriquent de façon précise ; une autre est d’inscrire de façon isolée certaines de ses composantes. L’un des aspects fondamentaux pour les actions de diffusion est donc de respecter la totalité du complexe culturel, sans le morceler ou l’appauvrir, au risque d’interférer dans sa signification.

39Le cas s’est déjà produit – et continuera sans doute de se produire – aussi bien dans le cadre de la Convention du patrimoine mondial que dans celle du patrimoine culturel immatériel. Concernant cette dernière, nous pouvons citer l’inscription en 2009 du « Tribunal d’irrigants du bassin méditerranéen espagnol : le Conseil des bons hommes de la plaine de Murcie et le Tribunal des eaux de la plaine de Valence », institutions juridiques coutumières de gestion de l’eau dans le domaine agricole, dont les origines remontent à l’époque de l’Espagne musulmane d’Al Ándalus et qui comptent parmi les grands apports à la culture méditerranéenne. Cette gestion raisonnée des ressources hydriques a contribué et contribue aujourd’hui encore à la préservation du Bassin méditerranéen, plus particulièrement à celle de son agriculture et, d’une façon générale, à celle du complexe qui façonne un style de vie que nous exprimons par diète méditerranéenne.

40La Liste du patrimoine mondial a elle aussi ses exemples : inscrite en 2008, la plaine de Stari Grad, dans l’île de Hvar en Croatie, est un paysage culturel agricole méditerranéen où, pendant plus de vingt-quatre siècles, sont demeurées pratiquement intactes les cultures de l’olivier et de la vigne et leur structure territoriale et parcellaire, basée sur la chora, organisation agricole traditionnelle, avec ses lots, chemins et murs de pierre sèche, instaurée par les Grecs. Ces témoignages immatériels et matériels sont des illustrations vivantes de l’objet de ce chapitre. En outre, ce que nous venons d’expliquer montre combien la diète méditerranéenne peut contribuer de manière significative à une approche globale et intégrale du patrimoine culturel et au dépassement de la dichotomie matériel-immatériel. Elle a depuis novembre 2010 acquis une nouvelle dimension qui n’exclut ni ne se substitue à une autre mais au contraire vient s’ajouter à toutes celles déjà existantes et enrichir son caractère multiforme. Ceci appelle à des lectures et relations renouvelées, à un recalibrage de points de vue et, d’une façon générale, à l’élargissement des coopérations, des stratégies et des opportunités.

Au-delà de l’inscription

La Convention : nouveaux engagements, nouvel élan

41Rappelons que la Convention est un texte récent, relatif à cet élément « immatériel » qui est tout à la fois une question et un concept, qui est jeune (bien que possédant un itinéraire ethnologique de longue haleine) et dont la pénétration dans les législations nationales et dans leur mise en œuvre est encore inégale. N’oublions pas non plus que le champ d’action de la Convention est constitué par des territoires d’États, aux compétences territoriales et aux cadres juridiques en matière de patrimoine différents, et que bien souvent le corpus théorique et technique concernant les méthodologies, les inventaires ou les mesures de protection n’en est encore qu’au stade de construction. Les processus d’adaptation et de mise en place ne sont ni simples ni rapides, et ces difficultés peuvent s’accentuer étant donné la complexité de la diète méditerranéenne. Son caractère transversal, du fait des retombées d’importance sur des secteurs aussi sensibles et puissants que l’agro-alimentaire, la santé ou l’environnement, exigera de grands efforts de la part du milieu culturel en matière de pédagogie, de recherche, de description, de définition, de théorisation et de traitement des processus d’évolution, en même temps qu’un suivi incessant.

42Nous l’avons signalé, la Convention représente un instrument normatif contraignant pour les États parties [18] qui l’ont ratifiée. Dorénavant, l’Espagne, la Grèce, l’Italie et le Maroc ont contracté par rapport à l’élément transnational inscrit sous le nom de diète méditerranéenne toute une série d’engagements qui les lient et dont ils doivent s’acquitter.

43Après avoir défini le terme de « sauvegarde » [19], la Convention aborde dans son point III la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel au plan national. L’article 11 définit le rôle des États parties : « Il appartient à chaque État partie : a) de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire ; b) parmi les mesures de sauvegarde visées à l’article 2, paragraphe 3, d’identifier et de définir les différents éléments du patrimoine culturel immatériel présents sur son territoire, avec la participation des communautés, des groupes et des organisations non gouvernementales pertinentes. » L’objectif est clair… mais la tâche est immense.

44L’article 12 poursuit en termes injonctifs : « Pour assurer l’identification en vue de la sauvegarde, chaque État partie dresse, de façon adaptée à sa situation, un ou plusieurs inventaires du patrimoine culturel immatériel présent sur son territoire. » Les articles suivants (articles 13, 14 et 15) emploient des formules plus souples : chaque État partie « s’efforce » (en matière de mesures de sauvegarde), « s’efforce par tous les moyens appropriés » (en matière d’éducation, de sensibilisation et de renforcement des capacités) et « s’efforce d’assurer » (la participation des communautés, des groupes et des individus).

45L’inscription entraîne clairement une obligation générale de sauvegarde – la mission implique un grand nombre de tâches selon la définition – et une autre obligation concrète et nécessaire pour que la sauvegarde puisse être réalisée de façon efficace et cohérente : l’établissement d’inventaires pertinents, c’est-à-dire identifier et connaître pour apprécier et sauvegarder. Ces deux obligations sont régulièrement révisées par le Comité à travers des rapports préceptifs [20] sur la mise en œuvre de la Convention que les États parties doivent lui remettre. Le compte à rebours pour la soumission de ces rapports a été déclenché depuis l’inscription, d’une part, et les ratifications respectives de la Convention, d’autre part. Les quatre États sont dorénavant conscients qu’une stratégie transnationale doit être définie pour mettre en place les mesures et les programmes visant à la sauvegarde de la diète méditerranéenne, et, en définitive, pour en assurer la bonne gestion.

46Soulignons toutefois que cette Convention, en vigueur depuis 2006, est entrée en scène avec une force et une répercussion notables. Au-delà du nombre d’éléments déjà inscrits sur sa Liste, et du nombre d’États qui l’ont ratifiée ou qui y apportent des éléments, il est vraiment intéressant de mentionner la quantité d’initiatives proposées et la rapidité avec laquelle elles ont démarré, dans plusieurs pays, sous diverses formes (modification du cadre juridique légal pour l’adapter à cette nouvelle Convention, rédaction de plans nationaux pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel, débat théorique sur les méthodologies ou les inventaires, etc.). Dans la région méditerranéenne, citons trois initiatives d’intérêt majeur, à divers niveaux :

  • le Registro Della Eredità Immateriali (REI), constitué par la région de Sicile, en juillet 2005, avant même l’entrée en vigueur de la Convention, est un bon exemple à l’échelle régionale d’identification, d’enregistrement et de sauvegarde de ce patrimoine ;
  • le projet transméditerranéen Identity Is Future : Mediterranean Intangible Space (MEDINS) [21], exécuté entre 2006 et 2008 pour promouvoir la sauvegarde et la valorisation du patrimoine culturel immatériel en Méditerranée par la création de systèmes de catalogage, aussi bien au niveau des régions participantes qu’à l’échelle transméditerranéenne, est une initiative d’un grand intérêt pour la coopération transnationale dans le domaine du patrimoine culturel ;
  • la déclaration de la diète méditerranéenne comme bien d’intérêt culturel (BIC) par le Gouvernement autonome de la région de Murcie (Espagne), en mars 2007, lui conférant ainsi le plus haut statut de protection prévu dans la législation nationale et autonome, n’a pas, à notre connaissance, de précédent de cette ampleur en Méditerranée.
Toutes ces initiatives ont directement ou indirectement trait à la diète méditerranéenne, et ceci trois ou quatre ans avant son inscription, sous l’impulsion de la Convention.

47Reprenons ici l’un des grands changements relatifs à la culture et au patrimoine que nous avions écarté de nos analyses précédentes : le passage d’une « conservation figée » à une « sauvegarde dynamique ». Il s’agit, pour résumer, de comprendre et d’intérioriser que le patrimoine est au service de la société et non l’inverse, et en même temps d’accepter qu’il n’est pas une chose « externe » et « étrangère » qui tourne autour de nous pour être « admiré », mais qu’il constitue bien une partie substantielle de notre quotidien, des stratégies et politiques économiques, sociales, environnementales et culturelles, de nos repères et de nos itinéraires, à la fois vecteur et « garant de développement durable » (Unesco, 1989, 2001, 2002, 2003). D’autant qu’en l’occurrence, il s’agit d’une manière de vivre et, qu’il nous soit permis de le dire, de « survivre ». Le patrimoine doit être considéré comme un moteur et non comme un fardeau ; au-delà de la conception de sa protection comme une charge, il est un investissement économique, social et culturel. En d’autres termes, le patrimoine comme capital et ressource, quoique toujours étroitement lié, dans son usage et son abus, à des concepts clés tels que l’intégrité, l’équité, la prudence ou le respect ; et sa protection non comme une fin en soi mais comme un instrument de progrès économique et social. Dans cette nouvelle perspective, la diète méditerranéenne présente un grand potentiel et sa reconnaissance universelle lui octroie de nouvelles synergies et opportunités.

Le futur : s’écarter des sentiers battus, créer des ponts

48La transversalité de la diète méditerranéenne et ses répercussions, environnementale, économique, sociale ou culturelle, confèrent à l’inscription une dimension singulière. Le devoir de sauvegarde qu’elle implique dépasse le strict domaine, institutionnel ou non, de la « culture » et exige la même transversalité dans sa gestion. La candidature avait déjà donné lieu à des rapprochements et à d’intéressantes collaborations entre des ministères « par nature » aussi éloignés ou peu connectés que celui de la Culture, de l’Agriculture ou de la Santé. Il faudrait encore associer ceux de l’Environnement, de l’Aménagement du territoire (dans toutes ses échelles et dimensions) ou de l’Éducation. Dans le cadre du patrimoine culturel immatériel et pour les questions de promotion et de diffusion, l’évaluation préalable des instances compétentes de la culture nous semble plus que souhaitable. L’inscription inaugure une nouvelle une étape, pratiquement inexplorée jusqu’à présent mais exigée par la diète méditerranéenne : celle de la coopération à tous les niveaux et de tous les secteurs, pour la sauvegarde d’un patrimoine qui relève d’une multitude de milieux de l’univers méditerranéen tout en étant un moteur indispensable pour un grand nombre d’entre eux. La conception holistique et transversale de ce patrimoine, « découverte », définie et promue par la candidature et l’inscription, rend indispensables la coopération et la coordination transméditerranéennes aux niveaux local, régional et national, et souligne le rôle de la communauté comme porteuse, recréatrice et véritable vecteur de transmission de ce patrimoine. Rien ne doit être omis, tout est nécessaire et complémentaire. On ne pourra « garantir la viabilité » de la diète méditerranéenne (comme l’exige la Convention) sans cette coopération et cette coordination transméditerranéennes et au niveau de chaque État. Il faudra éviter les grandes structures et stimuler plutôt un réseau de viviers de projets, si possible interdisciplinaires, sans cesse renouvelés et solidement ancrés dans le territoire et dans la réalité, et possédant grâce aux technologies de l’information et de la communication la visibilité, la connectivité et la capacité d’échange et de communication nécessaires, en temps réel et à faible coût.

49L’inscription de la diète méditerranéenne a mis sur la table de nombreuses et importantes questions. Nous ne pouvons aborder ici, de manière exhaustive, l’ensemble de ces interrogations ni espérer avoir rapidement des solutions, des réponses ou des stratégies. Ce qui est essentiel est de leur accorder l’importance qu’elles méritent et de se mettre sans tarder au travail pour y répondre.

50La première qui se présente à nous est celle des limites géographiques du domaine méditerranéen, du « contenant » de notre patrimoine en somme. Il suffit de lire le premier chapitre de ce rapport pour saisir, dans l’absolu, la complexité d’une telle question. En termes pratiques ou pour la mise en place de certaines normes ou réglementations, il est en revanche possible de définir de manière consensuelle certaines limites, en croisant divers paramètres scientifiques et techniques.

51Une question autrement plus importante concerne le « contenu » de notre diète méditerranéenne, c’est-à-dire ses composantes matérielles et immatérielles. L’inventaire, à la fois processus et outil indispensable et sans cesse actualisé, est un chantier difficile mais qui ne part pas de zéro puisque l’on dispose aujourd’hui d’un grand nombre de sources. Le travail sera exigeant puisqu’il faudra constamment envisager la partie matérielle (paysages, espaces, ustensiles, outils, etc.) et la partie immatérielle (fêtes, connaissances, savoir-faire, etc.) de la diète. La tâche, indéniablement complexe elle aussi, qui reste à faire et qu’il nous semble nécessaire d’aborder sans tarder, consiste à mettre en commun les concepts, les critères de sélection, les procédures, les méthodologies et les inventaires, leurs registres et leurs supports, afin de parvenir à un consensus sur toutes ces questions – et sur d’autres encore –, et de bien savoir comment définir le « contenu » de cette diète méditerranéenne, pour pouvoir ensuite l’évaluer et décider des éléments à protéger et de la manière de le faire. Un Observatoire permanent serait un outil connexe indispensable à moyen terme, puisqu’il s’agit d’un patrimoine vivant dont l’évolution devra être observée et analysée attentivement, de façon ininterrompue. Tout aussi important, sinon plus, la cohérence, le consensus et le respect devront présider à la démarche qui aura à cœur de prendre en compte aussi bien les porteurs de ce mouvement que les contextes spatio-temporels ou les supports matériels des manifestations immatérielles de ce patrimoine.

52Le désir de singulariser ou d’identifier certains produits par des signes ou logotypes divers n’est nullement nouveau. Parmi des centaines d’exemples, la terra sigillata illustre bien ce besoin ressenti depuis l’Antiquité. Dans le cadre euro-méditerranéen, les AOP, les IGP ou les autres signes continuent aujourd’hui d’identifier et de distinguer productions, territoires et savoir-faire. Une question, déclinée sous diverses formes, se pose alors après l’inscription de la diète méditerranéenne : pourra-t-on utiliser l’emblème de la Convention ? Faudra-t-il créer un label ou un logotype ? Par rapport à ce que nous avons précisé auparavant pour tenter de cerner l’élément inscrit (la diète méditerranéenne), il faut savoir que l’utilisation de l’emblème de la Convention est régie par les directives opérationnelles (faute d’un protocole ou d’un règlement qui en préciserait tous les détails) lesquelles prévoient l’utilisation commerciale ou non de celui-ci (chapitre IV), qui, en tout état de cause, exige l’autorisation des seules instances détenant cette prérogative : l’Assemblée générale et le Comité. Il en va certes autrement de la création d’un signe distinctif lié au « contenu » de la diète méditerranéenne, hors du cadre de la Convention et de l’inscription, mais il devrait dans ce cas être complètement dissocié du statut de patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Dans ce domaine, toute parabole ou hyperbole picaresque ne pourrait que nous paraître préjudiciable et réprouvable.

53Il faudra évidemment apporter d’autres réponses aux questions concernant les paysages, les espaces, les techniques, les élaborations, les produits, les fêtes, etc. La question n’est nullement simple, mais la difficulté et les exigences d’un projet sont aussi vecteurs de progrès et d’amélioration. La clé de voûte d’un futur respectueux et durable pour la diète méditerranéenne résidera dans la capacité et l’engagement à investir ressources, intelligence et persévérance en quantité suffisante et avec efficacité. La Convention souligne « l’importance du patrimoine culturel immatériel » comme « garant du développement durable ». Ce critère de durabilité n’étant pas exclusif et indissociable des produits, ressources, espaces ou valorisations, nous devons aussi l’appliquer aux processus, aux décisions et aux attitudes. C’est en empruntant ce chemin que les questions que nous venons d’évoquer trouveront des réponses appropriées… et durables.

Conclusion

54La reconnaissance de la diète méditerranéenne en tant que patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco n’a jamais été un objectif final, l’aboutissement d’un parcours, mais seulement l’élan nécessaire pour un bon départ tourné vers l’avenir. Un avenir qui exigera sans aucun doute beaucoup de lucidité, de courage et de persévérance. La démarche de candidature était un chemin parfaitement jalonné et séquencé. L’avenir après l’inscription est une succession de grands horizons dans un cadre temporel illimité. La différence est grande et nous invite à la plus grande précaution. La Méditerranée est un espace d’une grande complexité due à la fois aux vecteurs endogènes et exogènes, et la diète méditerranéenne est un complexe culturel majeur, dont la transversalité et le caractère polyédrique constituent quelques-uns des traits les plus marquants et probablement singuliers. Pendant toute la démarche de la candidature, nous avons toujours envisagé cette complexité comme une valeur importante, un grand capital fruit d’une histoire millénaire, de processus de civilisation, de brassage et d’échanges, d’apprentissages et de transmissions, de traditions et d’innovations, de convergences et de divergences, peut-être uniques. Cette complexité est l’une des grandes forces, un atout important de la diète méditerranéenne comme vecteur de développement régional, et elle est en même temps l’un de ses facteurs de survie et de pérennité. Néanmoins, c’est aussi son talon d’Achille, discret mais vulnérable. La sauvegarde de la diète méditerranéenne est sans doute un grand défi, mais au-delà des difficultés prévisibles ou de la complexité des objectifs, la conjugaison d’efforts et d’engagements encourage et revigore. Le voyage millénaire continue.

Bibliographie

Bibliographie

  • Brodersen (Kai), Las siete maravillas del mundo antiguo, Madrid, Historia Alianza Editorial, 2010.
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  • Vidal-Beneyto (José) et Puymège (Gérard) (dir.), La Méditerranée : modernité plurielle, Paris, Éditions Unesco-Éditions Plublisud, 2000.

Notes

  • [1]
    Engagement dont il est fait état dans la déclaration conjointe de l’Espagne, de l’Italie, de la Grèce et du Maroc (Rome, mai 2008) : « Lancer une invitation et favoriser l’adhésion des pays qui forment le pourtour méditerranéen, car il s’agit d’un patrimoine culturel commun, partagé par tous les pays du bassin. »
  • [2]
    La Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel a été adoptée lors de la 32e conférence générale de l’Unesco (Paris, 29 septembre-17 octobre 2003). Elle est entrée en vigueur en octobre 2006. En date du 2 novembre 2011, elle est ratifiée par 139 États.
  • [3]
    La Fondation Diète Méditerranéenne (FDM), dont le siège se trouve à Barcelone, est née en 1996 et consacre ses efforts à la sauvegarde et à la promotion de l’héritage culturel et du mode de vie partagé par les peuples de la Méditerranée. Elle dispose d’un comité scientifique international composé de plus d’une vingtaine de chercheurs internationaux (www.fdmed.org).
  • [4]
    L’engagement des gouvernements des Communautés autonomes et des gouvernements régionaux et locaux a favorisé un lien direct entre le territoire avec ses communautés et le projet de candidature.
  • [5]
    Sans oublier par exemple que la Conférence internationale sur les diètes méditerranéennes (Harvard School of Public Health, 1993), où avait été présentée la première pyramide de la diète traditionnelle méditerranéenne, avait été promue et sponsorisée par le Conseil oléicole international (COI).
  • [6]
    Sur ces affirmations, consulter le rapport de la Fondation Anna-Lindh de 2010.
  • [7]
    Pour lire la déclaration dans son intégralité, voir www.fdmed.org
  • [8]
    La diète méditerranéenne, en tant que style de vie singulier, déterminé par le climat et l’espace méditerranéens, se manifeste, se recrée et se transmet chez les peuples méditerranéens, en général, et plus particulièrement, dans le cadre de cette candidature, chez les populations méditerranéennes des quatre États qui l’ont présentée. Dans la candidature est identifiée, à titre d’illustration, une petite communauté locale dans chacun des quatre États pour montrer plus en détail la présence, la vitalité, le caractère et la signification de ce bien profondément ancré chez les peuples méditerranéens. Ce choix, illustratif, n’est aucunement excluant et n’altère donc nullement la représentativité, par rapport à ce bien, de toutes les autres communautés méditerranéennes de ces quatre États. Ainsi, il est également affirmé dans la description précédant la résolution d’inscription de l’Unesco : « [la DM] s’enracine dans les communautés méditerranéennes dont Soria en Espagne, Koroni en Grèce, Cilento en Italie et Chefchaouen au Maroc, représentent des exemples. » Avec le consentement préalable de chacune des quatre communautés, celles-ci ont été respectivement choisies par chacun des quatre États.
  • [9]
    Le Comité scientifique international (ISC) de la FDM, dans sa déclaration de Barcelone (2007), alertait sur ce point : « […] malgré sa popularité croissante dans le monde entier, la diète méditerranéenne est menacée dans tous les pays de la région méditerranéenne ».
  • [10]
    La déclaration finale de la 8e réunion des ministres de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche des pays membres du CIHEAM (Istanbul, Turquie, mars 2010) insistait spécialement sur cette attitude : « le développement responsable de la région méditerranéenne fait appel à un engagement commun pour travailler ensemble afin de faire face aux grands défis imposés par le changement climatique dans toute la région et nécessite un effort conjoint pour identifier les valeurs qui distinguent la zone méditerranéenne des autres régions du monde ». Le « commun » et le « partagé » sont ainsi érigés en concepts clés pour l’avenir de la Méditerranée.
  • [11]
    À l’heure où est clôturée l’édition de ce Mediterra, l’Algérie, Chypre, la Croatie et le Portugal avaient transmis formellement leur désir de faire partie du dossier de candidature élargie de la diète méditerranéenne.
  • [12]
    Dans la déclaration de Chefchaouen se faisait jour cette même conviction : « la candidature de la diète méditerranéenne définit un cadre débordant de possibilités pour la coopération, les échanges et la contribution à l’effort partagé pour la sauvegarde de cet important élément de notre patrimoine culturel immatériel commun ».
  • [13]
    Nous pourrions affirmer, toutes proportions gardées, temporellement et culturellement, que cette appellation (utilisée par l’Unesco pour son Programme de proclamation des chefs-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité, de 2001 à 2005), ainsi que beaucoup d’autres qui apparaissent (septem opera in orbe térrea miranda, septem spectacula, septem miracula, septem omnium Terrarum spectacula, etc.), donnent à voir le caractère prodigieux, merveilleux ou exceptionnel qui est reconnu à ces ouvrages, en même temps que leur caractère « universel » puisque la Méditerranée constituait à cette époque-là « le monde ». D’une certaine manière, il s’agissait bien de merveilles, de prodiges, de « patrimoine culturel » de « toute l’humanité ».
  • [14]
    Notre diète méditerranéenne, comme style ou mode de vie, dérivée du terme grec díaita, apparaissait déjà dans cette déclaration, étant reconnue comme l’expression de la culture. Dans la définition qui y est faite du patrimoine culturel, nous retrouvons les éléments énoncés dans notre candidature.
  • [15]
    Ici est reprise de façon précise l’idée même que nous nous efforçons de mettre en valeur depuis la FDM, « du paysage à la table », pour exprimer de façon synthétique le champ d’action de la diète méditerranéenne.
  • [16]
    En plus de ces deux conventions, l’Unesco travaille dans des domaines très liés au patrimoine qui nous occupe : www.unesco.org.
  • [17]
  • [18]
    L’article 2.4 de la Convention précise : « On entend par “États parties” les États qui sont liés par la présente Convention et entre lesquels celle-ci est en vigueur. »
  • [19]
    Article 2.3 : « On entend par “sauvegarde” les mesures visant à assurer la viabilité du patrimoine culturel immatériel, y compris l’identification, la documentation, la recherche, la préservation, la protection, la promotion, la mise en valeur, la transmission, essentiellement par l’éducation formelle et non formelle, ainsi que la revitalisation des différents aspects de ce patrimoine ».
  • [20]
    Nous devons citer deux types de rapports préceptifs, selon les directives opérationnelles : 1) les rapports relatifs à la mise en œuvre de la Convention : « Chaque État partie à la Convention soumet périodiquement au Comité des rapports sur les dispositions juridiques, réglementaires et autres mesures prises pour la mise en œuvre de la Convention » (article 151), « […] au plus tard le 15 décembre de la sixième année qui suit l’année où il a déposé son instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation, et ensuite tous les six ans » (article 152) ; 2) et ceux qui concernent les éléments présents dans son territoire et inscrits sur la Liste représentative : « L’État partie fournit des informations concernant l’état actuel de tous les éléments du patrimoine culturel immatériel inscrits sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité présents sur son territoire. L’État partie s’efforce d’assurer la plus large participation possible des communautés, des groupes et, le cas échéant, des individus concernés au cours du processus de préparation de ces rapports qui, pour chaque élément concerné, portent sur : a) les fonctions sociales et culturelles de l’élément ; b) une analyse de sa viabilité et des risques auxquels il serait confronté le cas échéant ; c) sa contribution aux buts de la Liste ; d) les efforts pour promouvoir ou renforcer l’élément, en particulier la mise en œuvre de toutes les mesures qui ont pu être nécessaires en conséquence de son inscription ; e) la participation des communautés, des groupes et des individus à la sauvegarde de l’élément et leur volonté de continuer à le sauvegarder » (article 157).
  • [21]
    MEDINS (INTERREG III B-MEDOCC) s’est déroulé avec la participation de neuf pays méditerranéens (Italie, Espagne, Grèce, Malte, Maroc, Algérie, Tunisie, Égypte et Liban) dont certains représentés par diverses régions ou associations, sous des régimes différents.
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