Cité portuaire considérable, Marseille fut et reste encore après la désagrégation de l’empire un lieu de passage incontournable et une ville centrale de l’immigration. Nombre de migrant.e.s s’y établissent progressivement. En 1968, la cité phocéenne compte 64 000 étranger.e.s. Près de la moitié sont maghrébin.e.s : on compte ainsi 25 000 Algérien.ne.s, 3 800 Tunisien.ne.s et 1 700 Marocain.ne.s. Une dizaine d’années plus tard, en 1975, les Algérien.ne.s recensé.e.s sont 35 000, les Tunisien.ne.s 6 273 et les Marocain.ne.s 2 682. La migration « nord-africaine », pour reprendre la terminologie coloniale qui perdure à cette période, est encore majoritairement masculine (62 % d’hommes en 1975), jeune (46 % des Algérien.ne.s ont moins de 20 ans), employée à des postes non qualifiés et logée en foyer, en meublé ou encore dans les habitats informels, qu’à Marseille on nomme alors des « enclos ».
Cette migration maghrébine se caractérise par un certain confinement spatial, une méfiance sinon une hostilité des autorités municipales à leur égard et des réactions de rejet de la part de la population. Localement, Michel Péraldi et ses collègues pensent pouvoir distinguer deux grands modèles d’installation. D’un côté, « on trouve les groupes qui arrivent, si nombreux soient-ils, sur des logiques d’exil ou de circulation et pour lesquels Marseille est une situation qu’ils pensent d’emblée transitoire […]. La société urbaine locale opère alors une sorte de filtrage et ceux qui s’installent rejoignent de façon dominante les mondes de la petite entreprise, du commerce et des services…