Identifié et nommé comme tel depuis 1990, le phénomène des émeutes urbaines n’avait guère suscité de recherches en soi durant la décennie suivante, et un seul ouvrage de sciences sociales en offrait une synthèse ainsi qu’une mise en perspective historique [Bachmann, Leguennec, 1996]. A contrario, les trois semaines d’émeutes d’octobre-novembre 2005 ont suscité une profusion de commentaires et d’analyses parmi lesquels de nombreuses publications à caractère scientifique, pour l’essentiel en sociologie et en science politique. Certaines se sont concentrées sur un des acteurs (les émeutiers, la population des quartiers émeutiers, les policiers, les responsables politiques, les médias) ou sur une des dimensions du phénomène (la situation socio-économique des quartiers concernés, les relations entre les jeunes et la police, les techniques de maintien de l’ordre, la signification politique des émeutes…). D’autres ont tenté de rendre compte de sa globalité. Enfin l’on recense même des méta-analyses se proposant uniquement d’ordonner et de confronter les publications antérieures autour de questions-clés [Mauger, 2006]. Le présent texte ne vise pas à rajouter une méta-analyse supplémentaire mais se propose plutôt d’intégrer le maximum de ces travaux dans une analyse synthétique du phénomène excluant les commentaires extérieurs au champ scientifique. On retracera d’abord l’histoire des émeutes urbaines des années 1970 à 2005. Puis, on interrogera les raisons de la colère des émeutiers ainsi que les réactions des autres habitants des quartiers concernés…