Un terme revient aujourd’hui de façon récurrente dans le débat public : la visibilité. Pas une réunion en entreprise, privée ou publique, à l’université ou dans les organismes sociaux qui ne se préoccupe désormais de rendre visible l’action menée, ou ne se montre consciente de la nécessité de se rendre visible, de façon à capter l’attention. Pas un parti politique, un responsable qui ne s’en soucie de manière lancinante et continue. L’ensemble des pratiques sociales connaissent à présent les règles, ou plutôt les exigences souvent paradoxales de la médiatisation permanente.
Au xixe siècle, dans les sociétés occidentales, il fallait taire l’intime : un renversement de valeurs, dans ces mêmes sociétés, conduit aujourd’hui à se livrer à une exhibition de l’intime pour exister. L’invisible tendant dans notre société à signifier l’insignifiant, et au-delà l’inexistant.
Cette exigence de visibilité s’est intensifiée, dès les années 1960, avec le souci de présentation de soi et les stratégies qui l’accompagnaient. Elle s’est ensuite considérablement accrue dans les années 1990. Elle est concomitante du développement des médias et des technologies omniprésentes, qui enjoignent à une production continue et illimitée de soi.
Pourquoi et comment l’exigence de visibilité a-t-elle pris une telle ampleur aujourd’hui dans notre société ? Est-ce en raison de l’extension des exigences bureaucratiques ? Du développement de formes de pouvoir, de domination et de servitude liées en particulier à la globalisation et aux évolutions de la technologie et des moyens de communication omniprésents et continus …